Sortie en bout de piste
du Gulfstream 100 C-FHRL
exploité par Jetport Inc.
à l'aéroport de Hamilton (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le Gulfstream 100 (immatriculation C-FHRL, numéro de série 150), exploité par Jetport Inc., effectue un vol selon les règles de vol aux instruments entre West Palm Beach (Floride) et Hamilton (Ontario). Il y a deux pilotes à bord. Le copilote est assis en place gauche et c'est lui qui est aux commandes. Alors qu'il approche de sa destination, le vol reçoit l'autorisation d'effectuer une approche à l'aide du système d'atterrissage aux instruments vers la piste 12 de l'aéroport de Hamilton. L'approche se déroule de nuit dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
L'équipage de conduite aperçoit la piste à une hauteur comprise entre 400 et 500 pieds au-dessus du niveau du sol. Vers 19 h 2, heure normale de l'Est, l'avion se pose sur la piste mouillée à quelque 3000 pieds de l'extrémité. L'équipage de conduite utilise tous les dispositifs de freinage disponibles afin de ralentir l'avion. Néanmoins, l'appareil poursuit sa course après l'extrémité de piste et parcourt 122 pieds sur une pente descendante avant de s'immobiliser brusquement lorsque le train avant s'affaisse. L'avion est lourdement endommagé, mais aucun des deux membres de l'équipage de conduite n'est blessé pendant la sortie de piste. La radiobalise de repérage d'urgence se met en marche et les équipes de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronefs interviennent.
Renseignements de base
Déroulement du vol
Les pilotes avaient amorcé leur journée du travail à 8 h 30, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 1, par la planification du vol à la base d'exploitation de Jetport Inc. à l'aéroport de Hamilton (Ontario). Il s'agissait d'un vol nolisé qui consistait à se rendre à l'aéroport international de Toronto/Lester B. Pearson (Ontario) afin d'y prendre deux passagers, à transporter ces derniers à West Palm Beach (Floride) et à revenir à Hamilton. C'était la première fois que les deux pilotes avaient l'occasion de voler ensemble. Le copilote travaillait depuis peu de temps pour l'entreprise et c'est lui qui avait été désigné pour être le pilote aux commandes (PF) au cours de l'étape entre West Palm Beach et Hamilton.
Les deux premières étapes du vol se sont déroulées normalement. Au cours de la dernière étape, alors qu'il approchait de Hamilton, l'équipage a reçu les plus récents bulletins météorologiques ainsi qu'un message du service automatique d'information de région terminale (ATIS) pour l'aéroport de Hamilton. Le centre de contrôle régional (ACC) de Toronto a fourni des vecteurs radar à l'équipage de conduite et lui a donné l'autorisation d'effectuer une approche à l'aide du système d'atterrissage aux instruments (ILS) vers la piste 12.
Pendant qu'il suivait les vecteurs radar pour l'approche, l'avion a rencontré de fortes précipitations et de la turbulence. L'équipage de conduite a décidé d'ajouter 10 noeuds à la vitesse de référence d'atterrissage (Vref) calculée de 125 noeuds et a effectué l'approche à une vitesse indiquée de 135 noeuds. L'équipage de conduite a établi le contact visuel avec les environs de la piste avant d'avoir atteint la hauteur de décision en approche et il a poursuivi l'atterrissage. Le PF a débrayé le pilote automatique, a poursuivi l'approche et a effectué l'arrondi pour l'atterrissage. Il n'a pas ramené la puissance au régime de ralenti avant que le pilote qui n'était pas aux commandes (PNF) ne lui ait demandé de le faire. Étant donné la vitesse et la puissance supplémentaires, l'avion a flotté au-dessus de la piste et s'est posé au-delà du point de toucher des roues prévu.
L'équipage de conduite n'a pas été en mesure d'indiquer précisément le point de toucher des roues de l'avion sur la piste. Des témoins ont vu l'avion prendre contact avec la piste entre la voie de circulation Charlie et l'intersection des pistes 12-30 et 06-24, avec une distance de piste restante de quelque 3000 pieds. L'analyse des données radar enregistrées a révélé que la vitesse de l'avion n'a pas diminué sous les 130 noeuds avant que l'avion n'atteigne l'intersection des pistes. Après le toucher des roues, le PNF a demandé au PF de déployer les inverseurs de poussée. Tous les dispositifs de freinage disponibles (freins, destructeurs de portance, inverseurs de poussée) ont été utilisés pour ralentir l'avion. Néanmoins, l'appareil a parcouru une distance de 122 pieds au-delà de l'extrémité de la piste sur un terrain gazonné en pente descendante. L'avion a été lourdement endommagé lorsque le train d'atterrissage avant a été arraché sous les forces de cisaillement. Le train d'atterrissage principal droit a heurté deux piquets d'arpentage en acier, et l'aile droite a heurté un feu de balisage lumineux d'aérodrome avant de toucher le sol.
Renseignements sur le personnel
L'équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol conformément à la réglementation en vigueur. Le commandant de bord totalisait 3600 heures de vol, dont 600 heures sur le type d'avion en question, et il était assis en place droite pendant le vol en cause où il agissait à titre de PNF.
Le copilote totalisait 5600 heures de vol, dont 14 heures sur type, et il avait reçu sa formation sur le type d'avion en question chez Flight Safety International à Dallas (Texas). Au cours des deux jours précédents, il avait totalisé 8,4 heures de vol à titre de PNF, et il avait également agi à titre de PNF au cours des deux premières étapes du vol en cause. Pendant la troisième et dernière étape du vol, il était assis en place gauche et il agissait à titre de PF pour la première fois sur ce type d'appareil.
Renseignements sur l'aéroport et sur la piste
L'aéroport de Hamilton possède deux pistes en asphalte (voir l'annexe B). La piste en service, la piste 12, a une longueur de 10 000 pieds et une largeur de 200 pieds et son seuil est décalé de 1600 pieds, ce qui laissait une distance d'atterrissage disponible de 8400 pieds. L'annexe A montre les approches ILS ou NDB de la piste 12. La hauteur de décision et la visibilité recommandée pour cette approche étaient respectivement de 980 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) (200 pieds au-dessus du niveau du sol (agl)) et de ½ mille terrestre (sm). Le terrain situé au-delà de l'extrémité de la piste 12 est de niveau sur une longueur d'environ 25 pieds, puis il présente une pente descendante sur une distance d'environ 100 pieds avant de revenir de niveau dans une zone marécageuse.
Le dernier compte rendu de l'état de la surface du terrain d'aviation, effectué à 14 h 29 le jour de l'accident, indiquait que toutes les pistes étaient à 100 pour cent dégagées et mouillées avec présence d'eau stagnante. Des mesures du coefficient de frottement de la piste avaient été prises le 30 mai 2005, et l'on a obtenu une copie de ce rapport qui mentionnait notamment que la piste 12-30 présentait une baisse significative de son coefficient de frottement à ses deux extrémités. Les coefficients de frottement dans les zones de toucher des roues aux deux extrémités de la piste était égaux, ou juste inférieurs, aux niveaux stipulés dans la planification de maintenance des pistes de Transports Canada. Ces coefficients de frottement peu élevés étaient sans doute attribuables à une perte cumulative de profondeur de la texture superficielle de la surface ainsi qu'à la contamination par le caoutchouc causée par l'atterrissage des avions.
On a trouvé des marques de pneu sur la surface revêtue de la piste juste avant que l'avion ne quitte la piste pour rouler dans l'herbe. Les marques de pneu étaient très peu prononcées et de couleur gris pale à gris foncé. La marque la plus foncée se trouvait du côté droit des deux trains d'atterrissage principaux. Lorsque la surface de la piste a séché, les marques de pneu sont demeurées visibles sur plusieurs centaines de mètres lorsqu'on les observait d'une certaine distance et selon un angle peu prononcé. Les marques de pneu laissent croire que l'avion a traversé l'axe de piste de gauche à droite et qu'il se déplaçait en suivant une trajectoire relativement droite. Juste avant que l'appareil ne quitte la surface revêtue, la trajectoire du train avant a coupé la trajectoire du train principal gauche, ce qui laisse croire que l'avion a effectué un mouvement de lacet vers la gauche au moment où il est sorti de piste. La couleur plus foncée des marques de pneu du côté droit des trains d'atterrissage principaux s'explique sans doute par le fait que l'avion était en dérapage latéral à gauche lorsqu'il est sorti de piste.
Renseignements météorologiques
Le message d'observations météorologiques régulières (METAR) de 19 h pour l'aéroport de Hamilton indiquait les conditions suivantes : vents du 060 degrés vrais avec rafales de 15 à 22 noeuds; visibilité 1 sm dans de la pluie légère et du brouillard; plafond de nuages fragmentés à 300 pieds agl, nuages fragmentés à 800 pieds agl, plafond couvert à 1700 pieds agl; température 7 °C, point de rosée 7 °C, calage altimétrique 29,78 pouces de mercure (po Hg); remarques : 3/8 de brouillard, 2/8 de stratus fractus, 1/8 de stratus fractus et 2/8 de stratocumulus.
Le message ATIS diffusé pour l'aéroport de Hamilton était le suivant :
[Traduction]
Aéroport de Hamilton, information Foxtrot : conditions météorologiques à 23 h Zulu [18 h, HNE] vent 050° à 13 noeuds, visibilité 1 mille, pluie légère, brouillard, plafond de nuages fragmentés 300 pieds, couvert 500 pieds, température 8 °C, point de rosée 8 °C, altimètre 29,83, IFR approche ILS piste 12, atterrissage piste 12, départ piste 12, état surface de piste à 19 h 29 Zulu [14 h 29, HNE], pistes 100 % dégagées et mouillées, présence d'eau stagnante avec concentration à l'intersection des pistes 12 et 06. Informez l'ATC que vous avez reçu l'information Foxtrot.
Renseignements sur l'aéronef
Les dossiers indiquent que l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Rien ne permet de croire qu'il y aurait eu une défaillance de la cellule ou une panne d'un système pendant le vol. Lorsque l'appareil est sorti en bout de piste, le train d'atterrissage était sorti et verrouillé, les volets et les becs étaient complètement sortis, les aérofreins et les déporteurs étaient sortis et les inverseurs de poussée étaient déployés. La masse et le centrage s'inscrivaient dans les limites prescrites.
L'avion était équipé d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) de modèle Universal CVR 30-B, portant le numéro de série DU1141. Ce modèle est un enregistreur à semi-conducteurs muni de quatre canaux d'enregistrement à boucle sans fin qui enregistrent tous les messages vocaux envoyés ou reçus par l'équipage au cours des 30 dernières minutes. Le CVR a été envoyé au laboratoire du BST pour fins d'analyse. L'information et les conversations enregistrées par le CVR ont rendu compte des événements survenus au cours des 30 minutes qui ont précédé l'arrêt des moteurs de l'avion. L'appareil n'était pas équipé d'un enregistreur de données de vol (FDR), ce qui n'était pas contraire à la réglementation.
L'inspection des pneus du train principal de l'avion a révélé que la profondeur de la bande de roulement était réduite, mais qu'elle s'inscrivait néanmoins dans les limites prescrites pour tous les pneus. La pression de tous les pneus s'inscrivait également dans les limites prescrites. Une profondeur de bande de roulement et une pression de gonflage adéquates sont deux éléments importants pour la prévention de l'aquaplanage.
La masse à l'atterrissage de l'avion était de 18 250 livres et, selon les tableaux de performances de l'avion, la distance limite nécessaire à l'atterrissage sur une piste mouillée était de 3200 pieds environ. Cette distance limite est la distance parcourue entre un point situé à 50 pieds au-dessus de la piste et le point où l'appareil est complètement immobile. Ce calcul est fondé sur des conditions ambiantes normales, une approche parfaite et un atterrissage avec utilisation adéquate du dispositif d'antipatinage et des destructeurs de portance (déporteurs), mais sans utilisation des inverseurs de poussée. Une distance d'environ 1000 pieds sur les 3200 pieds disponibles serait utilisée pour la descente de 50 pieds au point de toucher des roues, ce qui laisserait quelque 2200 pieds pour immobiliser l'avion sur la piste mouillée.
Puisque, à partir du point de toucher des roues, il restait environ 3000 pieds de piste à parcourir, l'équipage aurait dû être en mesure d'immobiliser l'avion sur la distance disponible restante, d'autant plus qu'il a utilisé les inverseurs de poussée. Les facteurs ayant pu contribuer à la sortie en bout de piste sont sans doute une vitesse au toucher des roues supérieure à la Vref, un déploiement tardif des inverseurs de poussée, la présence d'eau stagnante à l'intersection des pistes, des coefficients de frottement aux extrémités de piste égaux ou inférieurs aux niveaux stipulés dans la planification de maintenance des pistes de Transports Canada et une profondeur de bande de roulement des pneus à la limite inférieure autorisée. Ces facteurs ont sans doute contribué au phénomène d'aquaplanage décrit ci-après.
Aquaplanage
Lorsque de l'aquaplanage survient, les pneus de l'avion n'adhèrent plus du tout à la surface de la piste et le phénomène se poursuit jusqu'à ce qu'une diminution de la vitesse leur permette de reprendre contact avec la surface de la piste. Pendant un aquaplanage dynamique, les pneus se soulèvent au-dessus de la piste et glissent sur une pellicule d'eau, ce qui se traduit par une perte complète de friction du pneu au point où il n'y a même plus de rotation de la roue.
Sur une piste humide, lorsqu'il n'y a pas suffisamment d'eau pour provoquer un aquaplanage dynamique, il peut néanmoins se produire un aquaplanage visqueux. Ce terme désigne l'action glissante ou lubrifiante normale de l'eau. Un aquaplanage visqueux ne réduit pas la friction au point de provoquer un arrêt de la rotation des roues. Par ailleurs, il peut y avoir aquaplanage avec dévulcanisation si une roue bloquée patine sur une piste très glissante recouverte d'eau ou de névasse à une vitesse supérieure à 20 noeuds, alors que la chaleur générée par la friction produit de la vapeur qui commence à dévulcaniser le caoutchouc, sur une partie du pneu, pour le ramener à son état d'avant-vulcanisation.
De façon générale, on peut calculer la vitesse à laquelle un pneu subira de l'aquaplanage en multipliant la racine carrée de la pression des pneus par neuf. Dans le cas présent, pour une pression des pneus nominale de 135 lb/po², on obtient des vitesses d'aquaplanage de 105 noeuds pour le train d'atterrissage principal et de 85 noeuds pour le train avant. À une vitesse supérieure à 105 noeuds, il est possible que tous les pneus du train d'atterrissage principal subissent de l'aquaplanage. Ce phénomène aurait empêché le système de freinage de l'avion de fonctionner efficacement, même avec l'utilisation du dispositif d'antipatinage. Les enquêteurs ont observé des zones de dévulcanisation sur les deux pneus du train principal gauche, ce qui est un signe d'aquaplanage, même s'ils n'en ont pas trouvées sur les autres pneus.
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 122/2005 – CVR Download (Téléchargement du CVR)
On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le pilote aux commandes a tardé à ramener la puissance au régime de ralenti après l'arrondi à l'atterrissage. Étant donné la vitesse et la puissance supplémentaires, l'avion a flotté au-dessus de la piste et s'est posé avec une distance de piste restante de quelque 3000 pieds.
- Même si la distance de piste restante disponible de 3000 pieds était supérieure à la distance limite de roulage à l'atterrissage estimée à 2200 pieds, l'équipage n'est pas parvenu à immobiliser l'avion sur la piste. Une vitesse au toucher des roues supérieure à la Vref, un déploiement tardif des inverseurs de poussée, la présence d'eau stagnante à l'intersection des pistes, des coefficients de frottement aux extrémités de piste égaux ou inférieurs aux niveaux stipulés dans la planification de maintenance des pistes de Transports Canada et une profondeur de bande de roulement des pneus à la limite inférieure autorisée ont contribué à la sortie de piste.
- Pendant la course à l'atterrissage, les pneus de l'avion ont aquaplané, ce qui a réduit l'efficacité du freinage.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes