Erreur de calcul des performances de décollage
de l'Embraer 190-100 C-FHIU
exploité par Air Canada
à Edmonton (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le , l'Embraer 190-100 (immatriculation C-FHIU, numéro de série 19000037) exploité par Air Canada quitte Edmonton (Alberta) à destination de Toronto (Ontario) avec à son bord cinq membres d'équipage et 81 passagers, pour effectuer un vol régulier désigné comme étant le vol ACA1156. À 10 h 11, heure avancée des Rocheuses, l'avion amorce son décollage. Pendant le cabrage, l'équipage remarque que l'avion ne se cabre pas normalement. L'avion réussit sa montée, poursuit son vol et se pose à Toronto sans autre incident.
Renseignements de base
Déroulement du vol
La journée de travail prévue pour l'équipage de conduite était de 10 heures, et elle se déroulait en deux volets. Le commandant de bord pilotait l'avion au cours du premier volet, de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ) à destination de l'aéroport international d'Edmonton (CYEG). À destination, une escale de 45 minutes était prévue avant le retour à Toronto.
Lors de l'arrivée de l'appareil à Edmonton, le personnel de maintenance du transporteur a dû mettre les systèmes de l'avion hors tensionFootnote 1 pour effacer un message de panne concernant le module secondaire de distribution de l'alimentation électrique. Comme l'entretien courant de l'avion serait effectué seulement avec l'alimentation par batterie, le commandant de bord a dû superviser l'opération d'avitaillement en carburant et la vidange des toilettes. Le commandant de bord a accompli ces tâches pendant que le copilote effectuait l'inspection extérieure avant vol de l'avion. Après la mise hors tension des systèmes de l'avion, le message de panne concernant le module secondaire de distribution de l'alimentation électrique était effacé, et l'avion a été déclaré en bon état de service.
Pour le vol de retour vers Toronto, le commandant de bord assumait le rôle de pilote non aux commandes (PNF), tandis que le copilote était le pilote aux commandes (PF). Les procédures d'utilisation normalisées (SOP) de l'exploitant stipulent que le pilote qui n'est pas aux commandes doit calculer les valeurs des performances de décollage au moyen d'un ordinateur portatif se trouvant à bord, que l'on désigne couramment comme l'organiseur électronique de poste de pilotage (OEPP)Footnote 2. Le pilote aux commandes vérifie ensuite les valeurs relatives à la poussée et aux vitesses de décollage avant de copier celles-ci dans le plan de vol exploitation et de les entrer dans le système de gestion de vol (FMS).
Une fois l'inspection extérieure de l'avion terminée, le copilote a calculé les valeurs préliminaires des performances de décollage au moyen de l'ordinateur portatif du commandant de bord. Le copilote a utilisé l'ordinateur portatif du commandant de bord, car le cordon d'alimentation de son ordinateur portatif était défectueux. L'ordinateur portatif du commandant de bord était demeuré branché pour assurer la charge continue de la pile. Le copilote a dû s'étirer pour atteindre la place du commandant de bord, de l'autre côté du poste de pilotage, car le cordon d'alimentation de l'organiseur du commandant de bord n'était pas assez long pour lui permettre d'approcher l'appareil près de son siège. Toutes les données de chargement préliminaires ont été entrées. Cependant, une erreur s'est glissée dans celles-ci, car le copilote a entré la masse de carburant à bord (FOB), qui était de 3700 kg à ce moment-là, au lieu d'entrer la masse de carburant prévue pour le décollage, qui était de 10 200 kg.
Le copilote a ensuite transcrit les valeurs des performances de décollage ainsi obtenues dans un espace en blanc situé dans le coin supérieur droit du plan de vol exploitation (voir l'annexe A). Ces valeurs comprenaient la masse au décollage (TOW), la poussée, la vitesse de décision (V1), la vitesse de cabrage (Vr), la vitesse de sécurité au décollage (V2), la vitesse de calcul volets rentrés (Vf) et la position du compensateur du stabilisateur. Les valeurs transcrites indiquaient respectivement : 41 700 kg, 84,9, 137, 137, 140 et 186, et le compensateur du stabilisateur devait être réglé à 1,3 UP. Si le copilote avait prévu une masse de carburant à bord de 10 200 kg, les valeurs auraient été les suivantes : 47 600 kg, 90, 149, 149, 151 et 200, et le réglage du compensateur du stabilisateur à 1,3 UP (voir le tableau 1). Lorsque le commandant de bord est revenu dans la cabine, il a assumé les fonctions du pilote qui n'est pas aux commandes, et il a entré les valeurs préliminaires des performances dans le système de gestion de vol.
Tableau 1. Valeurs des performances
Données | Plan de vol exploitation | Chiffres des performances | |
---|---|---|---|
requis | utilisés | ||
FOB* | 10,15 | 10,2 | 3,7 |
TOW* | 47,78 | 47,6 | 41,7 |
Poussée (N1) | - | 90,0 | 84,9 |
V1 | - | 149 | 137 |
Vr | - | 149 | 137 |
V2 | - | 151 | 140 |
Vf | - | 200 | 186 |
Comp. stabilisateur | - | 1,3 UP | 1,3 UP |
* carburant indiqué en milliers de kilogrammes
Environ 15 minutes avant le départ, on a signalé au commandant de bord que le directeur de bord n'était pas dans l'avion. Le commandant a communiqué avec le poste de contrôle d'escale pour tenter de trouver le directeur de bord. Ce dernier est arrivé peu après.
L'équipage de conduite a reçu une autorisation du contrôle de la circulation aérienne (ATC), et il a entré les données de navigation dans le système de gestion de vol. Dans le cadre de la vérification avant vol du carburant, les pilotes ont comparé la masse donnée par l'indicateur de quantité carburant (10,2 tonnes) à la masse de carburant nécessaire selon le plan de vol exploitation (10,15 tonnes). Ils ont vérifié si le document relatif au carburant portait le bon numéro de modification du plan de vol, et ils ont confirmé la vérification avant vol du carburant au moyen du Système d'échange de données techniques avion-sol en temps réelFootnote 3 (ACARS). Les procédures d'utilisation normalisées ne prescrivaient pas à l'équipage de conduite de comparer la masse réelle de carburant à bord avec celle qui figurait sur la page réservée au décollage, dans l'ordinateur portatif. En conséquence, l'écart entre les valeurs n'a pas été remarqué.
L'équipage de conduite commençait à peine la liste des vérifications avant démarrage, lorsqu'un agent de bord l'a informé que de l'eau débordait d'une cafetière. Pendant que le copilote communiquait avec l'agent de bord par interphone pour régler ce problème de débordement, le contrôle de la circulation aérienne a avisé le commandant de bord que la piste de départ avait été changée; l'avion devait maintenant décoller de la piste 12.
Comme le cordon d'alimentation de l'ordinateur portatif du copilote était défectueux, le commandant de bord a entré les changements dans son ordinateur portatif. Il a entré les données relatives à la nouvelle piste, à la température et au calage altimétrique, et il a recalculé les valeurs des performances de décollage. Tel qu'il est prévu, le système a automatiquement transféré les données concernant le carburant qui avaient été initialement entrées (3700 kg), et celles-ci ont servi au calcul des nouvelles données. Les nouvelles valeurs des performances ainsi obtenues ont ensuite été comparées aux valeurs préalablement calculées et, comme elles étaient semblables, elles ont été jugées valides. Le commandant de bord n'a pas remarqué la masse incorrecte de carburant ni la masse incorrecte de la masse au décollage figurant sur la page réservée au décollage dans l'ordinateur. Il a ensuite entré les nouvelles valeurs de poussée et de décollage dans le système de gestion de vol.
Lorsque l'équipage de conduite a communiqué avec le contrôle de la circulation aérienne pour obtenir l'autorisation de quitter le poste de stationnement, il a été incapable d'obtenir la communication avec le contrôle au sol ou la tour de contrôle, car les deux fréquences étaient inutilisables. L'équipage de conduite a finalement pu communiquer avec le contrôle des départs. Il a reçu l'autorisation de quitter le poste de stationnement dix minutes après l'heure de départ prévu. Après le démarrage des moteurs et le départ de l'équipe de soutien au sol, l'équipage de conduite a demandé et reçu l'autorisation de circuler vers la piste 12 pour décoller.
Pendant que l'avion circulait, l'équipage a reçu du Système d'échange de données techniques avion-sol en temps réel (ACARS) les données finales de chargement, que le copilote a vérifiées. Les valeurs associées aux données finales de chargement ont été comparées aux valeurs du plan de vol exploitation indiquées dans le coin inférieur gauche du plan de vol exploitation. Elles ont été acceptées, car elles se situaient dans les limites prescrites des procédures d'utilisation normalisées. Les valeurs associées aux données finales de chargement n'ont jamais été comparées aux valeurs calculées par l'organiseur électronique de poste de pilotage qui avaient été transcrites dans le coin supérieur droit du plan de vol exploitation, et cette comparaison n'est pas exigée selon les procédures d'utilisation normalisées.
Les valeurs du carburant cale prévu, de la masse estimée sans carburant et de la masse estimée au décollage étaient indiquées dans le coin inférieur gauche de la première page du plan de vol exploitation. Les données finales de chargement doivent être inscrites immédiatement à droite des valeurs susmentionnées, dans l'espace prévu à cet effet. Dans cette même page, il n'y a pas d'espace réservé à l'inscription des valeurs des performances calculées au moyen de l'organiseur électronique de poste de pilotage. Les équipages transcrivent habituellement ces valeurs dans le coin supérieur droit de la page.
L'avion a décollé de la piste 12 à 10 h 11, heure avancée des RocheusesFootnote 4. L'avion s'est cabré à une vitesse de 140 nœuds, selon un taux de cabrage de 1,5 à 2 degrés par seconde, de façon régulière et continue. L'avion a pris son envol proprement dit à 159 nœuds, huit secondes après la sollicitation en cabrage de la gouverne de profondeur. Pendant le cabrage, l'équipage a remarqué que l'avion ne se cabrait pas normalement; il semblait mal compensé et il réagissait lentement.
L'avion n'était pas muni d'un dispositif pouvant indiquer à l'équipage, de façon précise et rapide, les mauvaises performances de décollage. Actuellement, aucune homologation n'a été accordée pour l'installation et l'utilisation d'un tel dispositif dans un aéronef civil. Au cours des dernières années, des efforts considérables ont été déployés pour trouver des moyens fiables d'indiquer l'utilisation de mauvaises performances de décollage. Transports Canada a mis sur pied une équipe pour continuer d'étudier différentes façons de créer un système de surveillance des performances de décollage, dont le concept est validé au moyen de nouvelles techniques.
Une fois à une altitude de plus de 10 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl), l'équipage de conduite a examiné les valeurs des performances calculées à l'aide de l'organiseur électronique de poste de pilotage, et il a constaté l'écart. Il a immédiatement avisé le service de préparation des vols de l'exploitant. Le reste du vol s'est déroulé sans autre incident. Lors de son arrivée à CYYZ, l'équipage a rempli un rapport de sécurité aérienne, comme l'exige l'exploitant dans le cas de questions liées à la sécurité.
Conditions météorologiques
Les conditions météorologiques enregistrées à l'aéroport international d'Edmonton, à 10 h, étaient les suivante : vent du 040 degrés vrais à 10 nœuds; visibilité de 15 milles terrestres (sm); quelques couches nuageuses commençant à 1800 pieds au-dessus du niveau du sol (agl) pour un plafond atteignant 11 000 pieds; température de 15 °C; point de rosée de 10 °C et calage altimétrique de 29,75 pouces de mercure.
Équipage de conduite
L'équipage de conduite du vol en question était qualifié et en règle. Il possédait de l'expérience pour ce qui est des activités des lignes aériennes. Le commandant de bord avait achevé sa formation sur l'avion Embraer en avril 2005. Le copilote avait terminé sa formation sur l'appareil Embraer en octobre 2005.
Organisateur électronique de poste de pilotage
La flotte Embraer d'Air Canada est équipée d'organiseurs électroniques de poste de pilotage de classe 1 permettant d'effectuer le calcul des performances. Cet organiseur électronique de poste de pilotage est un ordinateur distinct qui n'est relié à aucun autre système de l'aéronef. L'organiseur électronique de poste de pilotage a été adopté par le transporteur aérien lors de l'entrée en service des aéronefs Embraer à Air Canada. L'organiseur électronique de poste de pilotage est un ordinateur portatif contenant l'application Legato, qui fonctionne sur Microsoft Windows©. L'application a été développée sur place par une équipe d'employés chargée des performances d'aéronef, en collaboration avec des pilotes techniques appartenant à l'équipe chargée des opérations aériennes de la flotte Embraer d'Air Canada . L'application a été approuvée à des fins opérationnelles par Transports Canada.
Les performances de décollage sont calculées dans une page de l'application Legato réservée au décollage. Dans cette page, le calcul est effectué en deux étapes, de façon à permettre de mieux comparer les données préliminaires de chargement aux données finales. Le premier calcul présuppose que les données préliminaires du vol prévu sont entrées en fonction de la masse estimée sans carburant et de la quantité estimée de carburant à bord. Le calcul final sera déterminé lorsque l'équipage obtiendra les données finales de chargement.
Procédures d'utilisation normalisées
Les procédures d'utilisation normalisées de l'avion Embraer ont été élaborées par une équipe cadre formée de pilotes instructeurs et vérificateurs expérimentés, lesquels étaient principalement issus du Programme des avions à réaction de transport régional d'Air Canada. Cette équipe s'est fondée sur les procédures fournies par le constructeur, les procédures d'utilisation normalisées relatives aux autres flottes d'Air Canada ainsi que sur celles des autres transporteurs aériens exploitant cet avion. Au fur et à mesure que les procédures d'utilisation normalisées étaient élaborées, elles étaient mises à l'essai à l'aide d'un simulateur visant à évaluer leur pertinence.
Transports Canada a assuré un suivi de l'élaboration des procédures. Il a ensuite approuvé le produit final, conformément au Règlement de l'aviation canadien, plus particulièrement à l'article 725.138 des Normes de service aérien commercial et aux directives connexes de l'article 745.138. Quant à l'organiseur électronique de poste de pilotage, on s'est appuyé sur les directives de la Circulaire d'information de l'Aviation commerciale et d'affaires (CIACA) no 231, publiée le 20 juillet 2004. La CIACA 231 est fondée sur la circulaire d'information 120-71A de la Federal Aviation Administration (FAA). Les normes canadiennes et les principes directeurs utilisés dans le cadre de l'approbation des procédures d'utilisation normalisées offrent une orientation et des conseils qui sont surtout axés sur le contenu.
Autres accidents et incidents d'aéronef
Le 14 octobre 2004, un avion-cargo Boeing 747 s'est écrasé au décollage à Halifax, en Nouvelle-ÉcosseFootnote 5, car l'équipage a tenté de décoller en utilisant une poussée et une vitesse de cabrage inférieures aux limites nécessaires pour que l'avion prenne son envol. Les sept membres d'équipage ont subi des blessures mortelles. L'équipage s'était fié à de mauvaises valeurs des performances de décollage, lesquelles avaient été calculées au moyen d'un ordinateur portatif se trouvant à bord. Ce dernier affichait toujours la masse de l'aéronef utilisée lors du décollage précédent.
En juin 2006, le Bureau de la sécurité des transports a présenté à Transports Canada la recommandation A06-07 voulant que le ministère des Transports, en collaboration avec l'Organisation de l'aviation civile internationale, la Federal Aviation Administration, l'Agence européenne de la sécurité aérienne et d'autres organisations de réglementation exigent que tous les aéronefs de la catégorie transport soient équipés d'un système de surveillance des performances de décollage, qui signalerait aux équipages de conduite, avec rapidité et exactitude, toute mauvaise performance au décollage. Même si l'installation d'un tel dispositif ne prévenait pas les erreurs au moment de l'entrée des données, celui-ci était considéré comme un dispositif de sécurité matériel qui aiderait l'équipage à reconnaître toute valeur de performance de décollage erronée. Pour donner suite à cette recommandation, Transports Canada a mis sur pied un groupe de travail dont le mandat était d'étudier différentes façons de concevoir le prototype d'un dispositif de surveillances des performances de décollage.
Le 10 décembre 2006, un Boeing 747-400 ayant à son bord 563 passagers et 15 membres d'équipage quitte l'aéroport de Paris-Orly, en France, en utilisant également de mauvaises valeurs de performances de décollage. La partie inférieure arrière du fuselage a été lourdement endommagée, car l'avion s'est cabré de façon excessive au décollage. La piste était suffisamment longue pour permettre à l'avion de quitter le sol puis de se poser de nouveau sans danger. Dans l'événement en question, l'équipage avait utilisé la masse sans carburant de l'aéronef au lieu de sa masse au décollage, pour calculer les valeurs des performances de décollage.
À la suite de l'incident survenu à Paris-Orly, le Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA), en France, a mis sur pied un groupe de travail pour étudier la question de l'entrée de données erronées entraînant des incidents liés aux performances de décollage. Le groupe de travail analysera des données recueillies dans le cadre d'événements ultérieurs semblables. Des représentants de la Direction générale de l'aviation civile de France, des transporteurs aériens et du laboratoire d'anthropologie appliquée (Université Paris-Descartes-V), France, participeront au groupe de travail. Ce dernier a pour mandat de mieux comprendre les causes liées à ce phénomène, en vue de formuler de bonnes recommandations pour réduire ou éliminer ce risque.
Le signalement de plusieurs accidents et incidents a permis de prouver que les équipages, dans toute l'industrie du transport aérien, continuent de tenter des décollages au moyen de mauvaises valeurs des performances de décollage (voir l'Annexe B). Dans le cas des événements mentionnés dans ce rapport, les moyens de protection procéduraux mis en place étaient inefficaces, ce qui, dans plusieurs cas, a entraîné des dommages considérables aux avions et des pertes de vie. La fréquence des événements prouve que les équipages risquent toujours grandement d'utiliser de mauvaises valeurs au décollage, car les moyens de protection procéduraux et techniques, mis en place dans le poste de pilotage et servant à prévenir ces erreurs, sont inefficaces ou inexistants.
Analyse
L'avion était en bon état de service pour le vol, et aucun facteur environnemental n'a été considéré comme ayant été un facteur contributif. L'analyse sera donc axée sur les moyens de protection qui, en raison de leur inefficacité, n'ont pas empêché l'équipage de tenter un décollage alors que les valeurs des performances de décollage étaient incorrectes.
Au moment d'effectuer le calcul initial des performances de décollage, une erreur a été faite relativement à la masse du carburant à bord. Les données générées pour les performances étaient donc incorrectes. En conséquence, au décollage, la poussée a été inférieure à celle requise, les vitesses caractéristiques n'étaient pas les bonnes compte tenu de la masse de l'avion, et les caractéristiques de manœuvrabilité et de performance étaient loin d'être optimales.
L'escale prévue à CYEG était de 45 minutes. Au cours d'une journée de travail normale, les équipages de conduite s'attendent à des imprévus ou à des changements. La mise hors tension des systèmes de l'avion à l'arrivée et les problèmes liés au cordon d'alimentation défectueux de l'OEPP sont particulièrement importants. Dans ce cas-ci, la situation a entraîné un surcroît de travail pour l'équipage, plus particulièrement pour le commandant de bord, ce qui a perturbé la séquence procédurale normale. En préparant l'avion pour le décollage, les deux pilotes se sont écartés des procédures d'utilisation normalisées. Lorsque les procédures normales ne sont pas suivies, des erreurs sont plus susceptibles de se produire. En outre, d'autres événements inhabituels ont pu avoir une incidence sur la gestion globale du travail qui incombe aux pilotes, notamment le cordon d'alimentation défectueux, l'absence du directeur de bord, le débordement de la cafetière, le changement de dernière minute de la piste, les problèmes de communications avec le contrôle de la circulation aérienne et le fait de quitter le poste de stationnement plus tard que prévu.
Les procédures d'utilisation normalisées constituent le premier moyen de protection qui assure que chacune des phases du vol se déroulera de façon correcte, normale et sécuritaire. Pour ce faire, les procédures doivent être suffisamment rigoureuses pour résister aux défis quotidiens auxquels sont confrontés les équipages dans le cadre des opérations en conditions normales. Les procédures d'utilisation normalisées doivent demeurer efficaces même si l'équipage doit travailler sous pression, la séquence des procédures est interrompue, l'équipage est dérangé, il est aux prises avec des situations inhabituelles ou il gère une lourde charge de travail. Par conséquent, il faut tenir compte du facteur humain pendant la conception, l'élaboration et l'utilisation de ces moyens de protection essentiels. Dans l'événement en question, les procédures en place n'ont pas réussi à garantir l'obtention et l'utilisation des bonnes valeurs pour les performances de décollage.
Selon les procédures d'utilisation normalisée, le pilote non aux commandes devait calculer les valeurs des performances de décollage et le pilote aux commandes devait vérifier ces valeurs avant de les transcrire dans le plan de vol exploitation. Ces valeurs pouvaient ensuite être entrées dans le système de gestion de vol. Par contre, ce jour-là, les deux pilotes se sont écartés des procédures d'utilisation normalisées, et le pilote aux commandes a calculé les valeurs des performances de décollage.
Si la vérification du calcul préliminaire des performances de décollage avait été faite correctement, l'écart aurait probablement été remarqué à ce moment-là. Le champ réservé à la masse de carburant à bord aurait indiqué 3700 kg au lieu de 10 200 kg, et le champ de la masse estimée au décollage aurait indiqué 41 700 kg au lieu de la masse de 47 780 kg figurant dans le plan de vol.
Même si, selon les procédures d'utilisation normalisées, l'équipage doit transcrire dans le plan de vol exploitation les valeurs des performances de décollage générées à l'aide de l'organiseur, il n'y a aucun espace réservé à cet effet dans le document en question. Par conséquent, l'équipage a écrit les valeurs des performances de décollage dans le coin supérieur droit de la page. Comme les valeurs prévues étaient situées dans le coin opposé, soit le coin inférieur gauche, il était difficile de comparer les valeurs des performances de décollage obtenues par calcul aux valeurs prévues. Si un espace adjacent aux valeurs prévues avait été réservé à cet effet dans la page, pour transcrire les valeurs des performances obtenues par calcul, l'écart entre la masse prévue au décollage et la masse au décollage utilisée pour calculer les valeurs des performances aurait été plus facile à relever. Il est fort probable que l'équipage aurait remarqué la différence de six tonnes entre la masse prévue au décollage et la masse utilisée pour le calcul des valeurs des performances.
La vérification du carburant a alors été terminée. Aucun écart n'a été remarqué car, à ce moment-là, on avait fait le plein et l'indicateur de quantité carburant affichait 10,2 tonnes, ce qui correspondait à la quantité de carburant nécessaire de 10,15 tonnes figurant dans le plan de vol exploitation. Dans le cadre de la procédure de la vérification de la masse de carburant ou de la procédure de préparation du vol, aucune directive particulière ne rendait obligatoire la vérification de la masse réelle de carburant au décollage par rapport à la masse de carburant au décollage entrée dans la page de décollage de l'organiseur.
Lors de l'incident en question, l'équipage a décollé en utilisant les mauvaises valeurs des performances de décollage, car les pilotes se sont écartés des procédures d'utilisation normalisées, et la disposition des données figurant dans la formule du plan de vol exploitation ne permettait pas de repérer facilement les écarts. Les moyens de protection procéduraux mis en place n'ont pas été efficaces, ce qui aurait pu causer de lourds dommages à l'avion et la perte de vies.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- La séquence normale des activités de préparation du vol a été interrompue, et l'équipage de conduite s'est écarté des procédures d'utilisation normalisées alors qu'il préparait l'avion au décollage.
- La masse de l'aéronef utilisée pour calculer les données des performances de décollage était incorrecte. Cette erreur n'a pas été remarquée, et l'équipage de conduite a procédé au décollage en utilisant des valeurs de poussée et de vitesse inférieures à celles qui étaient nécessaires.
- Dans le plan de vol exploitation, il n'y a aucun espace réservé à la transcription des valeurs calculées des performances, ce qui a empêché l'équipage de relever facilement l'erreur de masse au décollage.
Autre fait établi
- Un système de surveillance des performances de décollage aurait pu indiquer à l'équipage, de façon rapide et exacte, que celui-ci utilisait de mauvaises performances de décollage.
Mesures de sécurité prises
Le 3 août 2007, le Bureau de la sécurité des transports a présenté à Transports Canada l'Avis de sécurité aérienne A06A0096-D1-A1 (Use of Incorrect Take-Off References, [TRADUCTION] Utilisation de mauvaises valeurs des performances de décollage). Cet avis de sécurité aérienne informait Transports Canada de l'accident survenu à l'aéroport de Paris-Orly, le 10 décembre 2006, et il lui signalait qu'il pouvait, s'il le souhaitait, coordonner ses efforts avec le Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation Civile (BEA) pour accélérer la mise en place de mesures de sécurité, afin de réduire les risques que les équipages utilisent les mauvaises valeurs des performances de décollage.
Le 21 décembre 2007, Transports Canada a répondu qu'il poursuivait son travail en vue de donner suite à la recommandation sur la sécurité aérienne A06-07 C du Bureau de la sécurité des transports. Une équipe de participants provenant de diverses directions de Transports Canada et du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) s'est réunie, et elle a convenu d'un plan de travail pour ce projet.
Par l'entremise du groupe de la sécurité de l'Association du transport aérien international (IATA), Air Canada a engagé les constructeurs à développer un système automatisé de gestion de vol ayant la capacité de vérifier toute erreur flagrante dans l'entrée des données de décollage.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A - Plan de vol exploitation
Annexe B - Accidents et incidents liés aux performances de décollage
Date | Aéronef | Immatriculation | Personnes à bord | Lieu de l'événement | Commentaires |
---|---|---|---|---|---|
2007.03.28 | Airbus A340 | F-GLZP | n.d. | Aéroport international Paris-Charles de Gaulle, France |
|
2006.12.10 | Boeing 747-400 | F-HLOV | 578 | Aéroport Paris-Orly, France |
|
2006.07.12 | Embraer 190 | C-FHIU | 86 | Edmonton, Alberta, Canada |
|
2005.08.24 | Airbus A340-300 | LN-RKF | n.d. | Shanghai, Chine |
|
2004.10.14 | Boeing 747-244SF | 9G-MKJ | 7 | Halifax (Nouvelle-Écosse) Canada |
|
2004.07.14 | Airbus A340-313 | F-GLZR | n.d. | Aéroport international Paris-Charles de Gaulle, France |
|
2003.09.04 | Airbus A321 | OY-KBK | n.d. | Oslo, Norvège |
|
2003.03.12 | Boeing 747-412 | 9V-SMT | 389 | Auckland, Nouvelle-Zélande |
|
2003.03.11 | Boeing 747-300 | ZS-SAJ | 157 | Johannesburg, Afrique du Sud |
|
2002.06.14 | Airbus A330-343 | CG-HLM | 266 | Frankfurt, Allemagne |
|
2001.12.28 | Boeing 747-128 | N3203Y | 3 | Anchorage, Alaska, États-Unis |
|
1999.08.24 | Boeing 767-383 | OY-KDN | 191 | Copenhague, Danemark |
|
1990.01.16 | Boeing 757-200 | N505UA | 176 | New York, New York, États-Unis |
|
Annexe C - Sigles et abréviations
- ACARS
- Système d'échange de données techniques avion-sol en temps réel
- AEP
- appareil électronique portatif
- agl
- au-dessus du sol
- asl
- au-dessus du niveau de la mer
- ATC
- contrôle de la circulation aérienne
- BEA
- Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- CIACA
- Circulaire d'information de l'Aviation commerciale et d'affaires
- CNRC
- Conseil national de recherche du Canada
- CYEG
- Aéroport international d'Edmonton (Alberta)
- CYYZ
- Aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (Ontario)
- DGAC
- Direction générale de l'aviation civile
- ETOW
- masse estimée au décollage
- EZFW
- masse estimée sans carburant
- FAA
- Federal Aviation Administration
- FMS
- Système de gestion de vol
- FOB
- carburant à bord
- IATA
- Association du transport aérien international
- kg
- kilogramme
- N1
- poussée
- n.d.
- non disponible
- NSAC
- normes de service aérien commercial
- OEFF
- organiseur électronique de poste de pilotage
- PF
- pilote aux commandes
- PNF
- pilote qui n'est pas aux commandes
- sm
- mille terrestre
- SOP
- procédures d'utilisation normalisées
- TOW
- masse au décollage
- V1
- vitesse de décision
- V2
- vitesse de sécurité au décollage
- Vf
- vitesse volets rentrés
- Vr
- vitesse de cabrage
- ZFW
- masse sans carburant
- °C
- degrés Celsius