Collision avec un obstacle pendant le décollage
du de Havilland DHC-6 Twin Otter C-FIZD
exploité par Provincial Airlines Limited
au quai du port de Goose Bay, Happy Valley
Goose Bay (Terre-Neuve-et-Labrador)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Les flotteurs du de Havilland DHC-6-300 Twin Otter (immatriculation C-FIZD, numéro de série 461) sont convertis en train d'atterrissage sur roues, et l'avion est transféré du quai Marine Atlantic à l'aéroport de Goose Bay. Pendant le décollage du quai, les roues du train principal de l'avion heurtent la bordure de sécurité en bois qui entoure le périmètre du quai. Après avoir inspecté visuellement le train d'atterrissage en vol, les pilotes poursuivent le vol prévu et se posent à l'aéroport de Goose Bay. À l'atterrissage, le train principal droit s'affaisse et se détache de l'avion. L'avion part en embardée à droite et s'immobilise sur la voie de circulation, du côté droit de la piste. Le train d'atterrissage droit, l'extrémité de l'aile droite et la charnière de l'aileron extérieur sont endommagés. Les deux pilotes à bord ne sont pas blessés. L'accident se produit à 16 h 31, heure normale de l'Atlantique, alors qu'il fait clair.
Autres renseignements de base
L'accident s'est produit environ une heure avant le coucher du soleil. Les conditions météorologiques à l'aéroport de Goose Bay au moment de l'accident étaient les suivantes : vent en surface du 250° magnétiques (M) à 7 nœuds, visibilité de 15 milles terrestres, nuages épars et température de 0 °C. De forts vents étaient prévus pendant plusieurs jours suivant l'accident.
Le DHC-6 Twin Otter de de Havilland est un avion à décollage et à atterrissage courts (ADAC), à train fixe, conçu pour être utilisé sur des pistes courtes non aménagées. Le train d'atterrissage de cet avion peut être converti sur flotteurs. Tôt le jour de l'accident, l'avion, n'ayant qu'une quantité minimale de carburant à bord, avait circulé de l'hydrobase à un quai maritime situé non loin de là. Au quai, l'avion avait été soulevé de l'eau au moyen d'une grue et suspendu pendant que le personnel de maintenance retirait les flotteurs et les remplaçait par un train d'atterrissage à roues. Tout l'équipement non nécessaire avait été retiré de l'avion pour réduire la masse au décollage et la distance de décollage requise.
Vers 8 h 30, heure normale de l'Atlantique (HNA)Footnote 1, le commandant de bord et le copilote sont arrivés au quai principal du port de Goose Bay, deux milles marins à l'est de l'aéroport de Goose Bay, pour piloter l'avion jusqu'à l'aéroport de Goose Bay. Ce serait le premier décollage à partir du quai pour cet exploitant et pour le commandant de bord.
Le DHC-6 était exploité par la compagnie conformément au Règlement de l'aviation canadien, Partie VII, sous-partie 4, Exploitation d'un service aérien de navette (RAC 704). Les qualifications des pilotes, la formation et les exigences d'exploitation sont énumérées dans le manuel d'exploitation de la compagnie. Plus particulièrement, ce manuel contient les exigences d'exploitation pour un décollage ADAC à performances maximales, lequel était la procédure utilisée pour décoller à partir du quai. Ces exigences comprennent les éléments suivants :
- une formation au sol et en vol à chaque année;
- un minimum de trois décollages ADAC à performances maximales chaque année;
- une preuve de formation dans le dossier de formation du pilote à la compagnie;
- une certification de la qualification de décollages ADAC à performances maximales par le chef pilote et une copie de cette certification dans le dossier de formation du pilote;
- avant les opérations initiales à un endroit, tous les aspects opérationnels doivent faire l'objet de discussions avec le directeur des opérations de vol ou le pilote en chef « puisque la sécurité aérienne est la préoccupation principale ».
Toutes ces exigences, à l'exception de la consultation avec le directeur des opérations de vol ou le pilote en chef, avaient été satisfaites avant le vol.
Des conversions de train d'atterrissage de DHC-6 et des décollages subséquents de ce quai ont été réalisés depuis de nombreuses années par un autre exploitant de l'endroit. Personne n'avait déjà décollé du même endroit et dans la même direction que le vol en question.
Le commandant de bord et le copilote étaient titulaires des licences et des qualifications convenant au vol. Le commandant de bord était aussi le superviseur de la base d'opérations de la compagnie à Goose Bay. Les deux pilotes avaient de l'expérience dans les décollages sur terrain court. Le copilote avait décollé du quai à plusieurs reprises auparavant comme pilote commandant de bord auprès d'un autre exploitant. Les pilotes ont discuté de l'opération avec un autre pilote de la compagnie avant de prendre la décision de décoller. Le commandant de bord totalisait 16 000 heures de vol, dont 9000 sur Twin Otter. Le copilote totalisait 12 500 heures de vol, dont 11 300 sur Twin Otter.
Le quai à surface de béton est orienté nord-ouest sud-est (voir l'Annexe A). Il y a une clôture à mailles métalliques au milieu du quai qui court perpendiculairement au bord du quai. Il y a aussi une bordure de sécurité en bois de 14 pouces de hauteur, constituée de poutres en bois mesurant 12 pouces de côté, entourant le périmètre extérieur du quai. À environ 105 pieds du côté eau, dans le sens du décollage, il y a une dépression mesurant environ 60 pieds de largeur sur 1,5 pied de profondeur à la surface du quai, et elle se prolonge parallèlement au bord ou à 45° par rapport au sens du décollage.
Le commandant de bord a mesuré la course au décollage en marchant la distance et il a estimé que la distance disponible était d'environ 400 pieds. À l'aide des tableaux de performances du manuel de vol de l'avion, le commandant de bord a alors calculé que la course au décollage requise correspondait à environ 300 piedsFootnote 2. Le commandant de bord était au courant de la dépression à la surface du quai, et il a calculé que l'avion prendrait l'air avant de l'atteindre. La course au décollage réelle disponible a été mesurée après l'accident et elle se chiffrait à 335 pieds.
Les pilotes ont alors fait circuler l'avion sur le quai pour disposer de la course maximale au décollage disponible, tenant compte de la vitesse et de la direction du vent ainsi que des obstacles sur le quai. Les obstacles comprenaient du matériel se trouvant à l'extrémité sud-est du quai ainsi que des conteneurs et des flotteurs d'avion situés sur le côté sud-est de la clôture à mailles métalliques. La course au décollage choisie partait du coin sud de la surface en béton jusqu'au bord de l'eau du quai, en direction nord, à environ 45° par rapport à l'orientation du quai (voir l'Annexe A).
Les pilotes ont utilisé la technique de décollage ADAC à performances maximales pour assurer que l'avion prendrait l'air sur la distance la plus courte possible. Les freins de roues ont été serrés, et la puissance moteurs a été poussée au maximum. Lorsqu'on a déterminé que les moteurs et les systèmes de bord fonctionnaient normalement, le commandant de bord a relâché les freins tout en maintenant le manche pilote complètement tiré vers l'arrière, et l'avion a accéléré vers le bord du quai. À peu près aux trois quarts de la distance de décollage disponible, le train avant de l'avion est descendu dans la dépression à la surface du quai. Il s'en est suivi une diminution momentanée de l'angle d'attaque de la voilure, ce qui a légèrement retardé le cabrage de l'avion et prolongé la course au décollage.
Le train d'atterrissage droit a heurté la bordure de sécurité en bois située à la périphérie du quai, et le train d'atterrissage gauche a heurté et sectionné une section partiellement décomposée de la bordure d'une longueur de 10 pieds. L'avion a pris l'air, et le vol s'est poursuivi jusqu'à Goose Bay.
Les pilotes savaient que l'avion avait heurté un objet au décollage. Cependant, ils ont jugé les forces d'impact minimales. Ils ont effectué une inspection visuelle en vol du train d'atterrissage pour conclure que le train n'était pas endommagé et que les pneus semblaient gonflés. Une fois l'inspection visuelle effectuée, il a été décidé de poursuivre le vol jusqu'à l'aéroport de Goose Bay.
Les pilotes ont contacté la tour de contrôle de Goose Bay pour obtenir une autorisation d'atterrissage. Ils n'ont demandé aucune assistance. À l'atterrissage, le train droit s'est affaissé et détaché de l'avion. L'avion s'est reposé sur ce qui restait du train d'atterrissage, l'extrémité de l'aile droite et la charnière de l'aileron extérieur. L'avion a continué sur la piste sur une distance d'environ 800 pieds par rapport au point de toucher des roues, puis il est parti dans une embardée à droite et s'est immobilisé sur le bord d'une voie de circulation, du côté droit de la piste. Le personnel de la tour de contrôle de Goose Bay a alerté les services de sauvetage et de lutte contre les incendies de l'aéroport, et ceux-ci sont arrivés sur les lieux quelques minutes après que l'avion s'est immobilisé.
L'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) a été retiré de l'avion. On a déterminé que le CVR n'avait rien enregistré pendant le vol en question parce que le contact à inertie intégré s'était déclenché à un moment donné avant le vol. L'heure et la date auxquelles le contact s'était déclenché n'ont pu être établis. Le déclenchement de ce contact coupe l'alimentation électrique à l'enregistreur. Une inspection plus poussée par le personnel de maintenance de l'exploitant a permis de découvrir que le contact pouvait se déclencher à une force d'accélération inférieure à la force requise certifiée. Il n'a pas été possible de déterminer si l'essai du CVR avait été exécuté avant le vol en question.
L'examen de l'avion n'a révélé aucune anomalie mécanique, ni aucun problème de maintenance ou de rendement qui aurait pu contribuer à l'accident.
La radiobalise de repérage d'urgence (ELT), fabriquée par Pointer Sentry (modèle 4000-10, numéro de série 408997), a été retrouvée détachée de son support de montage, probablement à cause des forces d'impact. Elle pendait par le câble coaxial de l'antenne. Le support de montage (référence 2017) est pourvu d'une pince arrière pour retenir la radiobalise en place. Même si la radiobalise s'était détachée, la pince arrière était toujours fixée au support de montage.
Le support monté avait été approuvé en vertu du Technical Standard OrderFootnote 3 (TSO) C91. Toutefois, le support était destiné à un modèle plus ancien de radiobalise Pointer Sentry. La radiobalise 4000-10 qui équipait l'avion accidenté devait être montée sur un support différent (référence 2017-10). Ce support comprend une sangle de retenue plutôt qu'une pince arrière de support. Le TSO C91A, et non TSO C91, a trait à ce montage, et le fabricant a indiqué que seule la référence 2017-10 convenait à la radiobalise 4000-10.
Le BST est au courant d'au moins trois autres événementsFootnote 4 dans lesquels la pince arrière du support de la radiobalise Pointer conforme au TSO C91 n'avait pas retenu la radiobalise. Dans ces accidents, les radiobalises s'étaient détachées de leur antenne, ce qui avait causé un faible signal ou aucun signal. D'autres organismes ont cerné des problèmes avec le support de radiobalise Pointer conforme au TSO C91. Dans le préambule à ses recommandations liées aux radiobalises (A-99-62 et A-99-63), le National Transportation Safety Board (NTSB) a indiqué que comme le TSO pour les radiobalises de repérage d'urgence C91 avait été publié en 1971, le fonctionnement insatisfaisant des radiobalises conformes au TSO C91 comprenait, entre autres, le fait qu'elles se délogeaient de l'aéronef à la suite d'un impact.
La recommandation du NTSB insistait sur le fait qu'une radiobalise de repérage d'urgence fonctionnant de façon fiable non seulement aidait à retrouver rapidement les lieux d'un accident, mais réduisait aussi l'exposition des équipes de recherche aux dangers, l'ampleur des opérations de sauvetage et la durée pendant laquelle devaient attendre les parents pour obtenir de l'information sur les survivants.
L'autorité de l'aviation civile (CAA) de Nouvelle-Zélande a publié la consigne navigabilité (CN) DCA/RAD/8D, entrée en vigueur le 15 janvier 1999. La consigne exigeait que tous les aéronefs équipés des radiobalises de repérage d'urgence Pointer, modèles 3000, 3001-10 ou 4000 soient munies des supports (référence 2017-10) conformes au TSO C91A pour éviter toute défaillance du support de montage. Transports Canada n'a publié aucune consigne similaire.
Le BST ne sait si les supports de montage de radiobalises Pointer conformes au TSO C91A ont subi des défaillances dans des accidents auxquels il était possible de survivre.
Analyse
L'avion en question ne présentait aucune anomalie mécanique. L'analyse va donc porter sur les éléments opérationnels, environnementaux et humains qui étaient présents.
Il y a des antécédents selon lesquels des exploitants ont réussi à décoller du quai maritime après le remplacement de flotteurs par un train d'atterrissage à roues. C'était la première tentative du commandant de bord de décoller à partir du quai, mais le copilote l'avait fait un certain nombre de fois pour un autre exploitant. Les deux pilotes étaient très expérimentés sur type, et les deux avaient calculé mentalement qu'ils disposaient d'une distance suffisante sur la trajectoire de décollage prévue pour prendre l'air en toute sécurité. Toutefois, la mesure de la distance de décollage disponible s'est révélée plus courte que leur estimation, et la réduction des performances de décollage à cause de la dépression sur le quai était imprévue. La combinaison de ces situations s'est traduite par l'impact du train d'atterrissage sur la bordure de sécurité en bois.
L'exploitation de l'avion était régie par le RAC 704 et les exigences connexes du manuel d'exploitation de la compagnie. Cependant, ce ne sont pas toutes les exigences qui ont été satisfaites, puisque les discussions entre le commandant de bord et le directeur des opérations de vol ou le pilote en chef n'ont pas eu lieu. Ces discussions auraient pu amener à l'adoption d'un autre plan d'action en vue de réduire les risques d'un décollage à partir du quai.
Le CVR n'avait pas fonctionné pendant le vol en question à cause d'un contact à inertie défectueux. Dans un accident plus grave, des données d'enquête et de l'information sur la sécurité essentielles auraient pu être perdues.
Les supports de montage (référence 2017) des radiobalises de repérage d'urgence Pointer conformes au TSO C91 continuent à être défectueux, même dans des accidents où les forces d'impact sont relativement faibles. La radiobalise n'a pas été un facteur dans le présent accident, mais son fonctionnement dans un accident plus grave ou en région éloignée pourrait être critique pour la survie des occupants d'un aéronef. La défaillance des supports de montage (2017) des radiobalises Pointer conformes au TSO C91 dans un accident auquel il est possible de survivre pourrait causer une défectuosité de l'émetteur et empêcher une intervention rapide et efficace en termes de recherche et de sauvetage.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- La distance de décollage disponible sur le quai était plus courte que les estimations. Ce fait, combiné à la réduction des performances de décollage à cause de l'effet de la dépression, s'est traduit par l'impact du train d'atterrissage contre la bordure de sécurité en bois.
- Le train d'atterrissage droit s'est affaissé à l'atterrissage à la suite des dommages subis lorsque le train d'atterrissage a heurté la bordure de sécurité en bois.
Faits établis quant aux risques
- L'exigence figurant dans le manuel d'exploitation de la compagnie selon laquelle il doit y avoir des discussions entre le commandant de bord et le directeur des opérations de vol ou le pilote en chef n'a pas été respectée. Ces discussions auraient peut-être amené à adopter un autre plan d'action en vue de réduire les risques associés au décollage à partir du quai.
- L'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) ne fonctionnait pas à cause d'un contact à inertie défectueux. Dans un accident plus grave, des données d'enquête et de l'information sur la sécurité essentielles auraient pu être perdues.
- La défaillance des supports de montage (2017) des radiobalises Pointer conformes au TSO C91 dans un accident auquel il est possible de survivre pourrait causer une défectuosité de l'émetteur et empêcher une intervention rapide et efficace en termes de recherche et de sauvetage.
Autre fait établi
- Si la distance de décollage réelle disponible avait été celle estimée par le commandant de bord (400 pieds), le décollage aurait été réussi.
Mesures de sécurité prises
Le 13 juillet 2007, le BST a émis l'Avis de sécurité A06A0114-D1-A1 (Emergency Locator Transmitter - Pointer Mounting Bracket P/N 2017) à l'intention de Transports Canada relativement au détachement de la radiobalise de repérage d'urgence de son support de montage.
Le 3 octobre 2007, Transports Canada a répondu à l'Avis de sécurité A06A0114-D1-A1 en indiquant qu'il reverrait l'approbation de conception afin de déterminer la conformité avec le Technical Standard Order (TSO) C91. Le cas échéant, la norme de conception 551.104 du Manuel de navigabilité sera revue et mise à jour. Le ministère va également demander son avis à Pointer Sentry relativement à l'Avis. Pointer, à titre de fabricant des supports en question, devrait prendre l'initiative au sujet de toute mesure requise portant sur la conception des supports de montage TSO C91 plus anciens.
À la suite du présent accident, l'exploitant a pris les mesures suivantes : il a cessé tout décollage à partir du quai, il a soumis à Transports Canada un Rapport de difficultés en service sur le contact à inertie défectueux de l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) et il a retiré le support de montage à pince de la radiobalise pour le remplacer par un support de montage à sangle de retenue.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes