Rapport d'enquête aéronautique A06P0087

Collision avec le relief
du Cessna T207A C-GGQR
exploité par Niagara air Tours Ltd.
à 8 nm au nord-est de Pemberton (Colombie Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le Cessna T207A (immatriculation C-GGQR, numéro de série 20700499) quitte l'aéroport de Pemberton (Colombie-Britannique) à environ 15 h, heure avancée du Pacifique, pour un vol selon les règles de vol à vue à destination d'Edmonton (Alberta). L'avion effectue d'abord sa montée initiale en direction est, puis vire vers le nord-est afin de suivre une route qui passe dans un col de montagne. Le pilote est seul à bord pour le vol de mise en place. Il a déjà effectué plusieurs vols afin d'évaluer la qualité de l'air dans le secteur de Pemberton pour le compte de la Direction de la recherche sur la qualité de l'air d'Environnement Canada. L'avion est exploité en vertu d'un permis de vol et il a subi d'importantes modifications afin de pouvoir transporter divers types de capteurs placés dans des nacelles suspendues sous les ailes ainsi que de l'équipement électronique à bord de l'avion et il est doté d'une fenêtre ventrale pour prise de vue.

    Environ 30 minutes après le décollage, le Coastal Fire Service est appelé à combattre un feu disséminé et il découvre l'épave de l'avion dans la zone incendiée. Un incendie après impact a détruit la majeure partie de la cellule, et le pilote a subi des blessures mortelles. L'accident s'est produit à environ 15 h 6, heure avancée du Pacifique.

    Renseignements de base

    Épave et lieux de l'accident

    L'avion a heurté les arbres lors d'un virage à gauche en descente à plus de 30 degrés d'inclinaison. Le sillon laissé par l'épave était orienté à 180 degrés par rapport à la trajectoire de vol originale. Après l'impact avec le sol, l'avion a glissé le long de la pente montagneuse abrupte, s'est retourné face à son point d'entrée dans les arbres puis s'est immobilisé sur son flanc droit. Au moment de l'impact initial avec les arbres, une section extérieure du stabilisateur droit s'est arrachée de l'empennage. Les nacelles contenant les lasers se sont détachées des ailes et ont été retrouvées à environ 50 pieds de l'épave. Des autocollants fixés à l'extérieur des capteurs des nacelles pour laser indiquaient « DANGER » et avertissaient des risques de radiation laser lorsque les caissons étaient ouverts. Les dispositifs à laser avaient été débranchés pour le vol. Le moteur était toujours fixé à la cloison pare-feu, mais de façon précaire. Presque toute la structure de l'avion a été détruite par l'incendie après impact, ce qui a limité l'analyse des commandes et des instruments de vol. Deux des trois pales de hélice se sont rompues en surcharge à environ quatre pouces de la pointe. Les trois pales de l'hélice présentaient des dommages sur le bord d'attaque, des rayures dans le sens de la corde et des dommages en torsion, ce qui indique que le moteur fournissait de la puissance à l'hélice. La radiobalise de repérage d'urgence a été détruite par l'impact et l'incendie, et elle n'a émis aucun signal. Les normes en vigueur n'exigent pas que les radiobalises de repérage d'urgence résistent à des dommages causés par un impact.

    Conditions météorologiques

    Les conditions météorologiques à Pemberton au moment de l'accident, enregistrées par une station automatique d'observation météorologique, étaient les suivantes : ciel dégagé, vent du 110° vrai à 4 noeuds, température de 28,6 °C, point de rosée à 5,3 °C. Remarque : pression au niveau de la mer à 910 hectopascals. La pression barométrique à partir de laquelle le pilote devait caler son altimètre était de 29,80 po de mercure. L'altitude de l'aéroport est de 670 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). L'altitude-densité à cet endroit était équivalente à 2682 pieds. L'heure officielle du coucher du soleil était 21 h 36, heure avancée du PacifiqueFootnote 1.

    En montagne, les conditions météorologiques sont caractérisées par des systèmes et des particularités qui leur sont propres. De forts courants atmosphériques ascendants se forment lorsque les versants sont chauffés par le soleil, et des courants descendants se forment lorsque les versants sont à l'ombre et que l'air refroidit. Ce refroidissement de l'air dans les zones ombragées de même que le refroidissement de l'air au-dessus des surfaces enneigées forment des courants d'air descendants aussi appelés vent catabatique dans les régions montagneuses. Ces phénomènes peuvent provoquer de fortes turbulences dans les cols de montagne étroits.

    Un tourillon est un gros remous fermé qui se forme du côté sous le vent d'une chaîne de montagne, ou de tout obstacle dans l'écoulement d'air, et qui crée une zone de forte turbulence. On retrouve généralement des tourbillons sous les crêtes des ondes orographiques, souvent à moins de 3000 pieds à la verticale de ces crêtes. Le vent sous le tourbillon souffle dans le sens contraire à l'écoulement général d'air. On a déjà mesuré des courants d'air ascendants et descendants de plus de 5000 pieds par minute (pi/m) dans des tourbillons. Il n'a pas été possible de confirmer la présence de tourbillons au moment de l'accident.

    Établissement du plan de vol

    Le vol était effectué selon les règles de vol à vue (VFR). Le pilote n'était pas tenu de déposer un plan de vol, et il n'est pas certain qu'il ait demandé à quelqu'un d'effectuer le suivi de vol. Par conséquent, il n'a pas été possible d'établir avec précision tous les détails concernant le vol. Le pilote avait choisi de suivre la route du lac Duffy qui passe dans un col de montagne et qui longe la crique Joffre à l'extrémité nord du lac Lillooet. Cette route comporte une section de montée abrupte sur les quatre premiers milles marins (nm), qui s'élève à 4200 pieds par rapport au niveau du sol dans la vallée. L'altitude ou l'orientation de l'avion pendant la montée n'a pas pu être déterminée, car il n'y avait pas de couverture radar. Aucune aide à la navigation ne pouvait fournir de données.

    Il y a une route VFR le long de la vallée du lac Anderson, tout juste au nord de l'aéroport, qui permet une montée beaucoup moins accentuée et plus graduelle avec une hauteur maximale par rapport au sol d'environ 1400 pieds (voir annexe A).

    Le laboratoire technique du BST a effectué une analyse de l'ombre du relief (Rapport LP 065/2006 du laboratoire technique du BST ). Les lieux de l'accident se situent dans un rétrécissement de la section de montée initiale où la vallée mesure environ un mille de largeur. Au moment de l'accident, les lieux se trouvaient dans un grand secteur ombragé, du côté gauche de la vallée (pente face au sud-est), d'où le soleil avait disparu depuis quelques heures. La hauteur des crêtes de montagne près des lieux de l'accident varie de 9150 pieds à 8550 pieds asl, et certaines des crêtes les plus élevées étaient couvertes de neige. Les coordonnées de l'endroit où se trouvait l'épave, 50° 20' de latitude N et 122° 34' de longitude O, correspondent à une altitude d'environ 3280 pieds asl.

    En utilisant le gradient adiabatique standard de 2 °C par 1000 pieds d'altitude, on peut évaluer que la température extérieure sur les lieux de l'accident, à environ 3500 pieds asl, était de 23,1 °C. Par extrapolation, l'altitude-densité à 1000 pieds au-dessus de la hauteur du relief, compte tenu d'une altitude minimale de sécurité au-dessus du sol et d'une température de 21,1 °C, équivaudrait à environ 6319 pieds asl.

    L'autorité de l'Aviation civile de la Nouvelle-Zélande a publié une brochure intitulée Mountain Flying qui traite des bonnes pratiques en matière d'aviation. Les écoles de pilotage fournissent aussi des directives pour le vol en montagne, qui précisent la marche à suivre pour entrer dans une vallée. Certains exemples de directives sont donnés ci-dessous.

    • Le pilote doit vérifier au moyen d'une boussole et d'une carte s'il entre dans la bonne vallée. Il doit savoir si la vallée a une pente ascendante et à quelle altitude il devra monter pour être en mesure de franchir le col ou la crête à son extrémité.
    • Il est recommandé de voler dans de l'air ascendant plus calme.
    • Il est préférable d'effectuer un virage de 180 degrés face au vent afin de parcourir une moins grande distance au-dessus du sol. Par contre, il peut y avoir des courants d'air descendants du côté sous le vent du relief montagneux.
    • Dans une vallée, il faut toujours se placer de façon à avoir suffisamment d'espace pour rebrousser chemin au besoin. Puisqu'il faut entre 5 et 7,5 secondes pour voir, évaluer, décider et procéder, il est plus que probable qu'un avion en descente à basse altitude ne disposera pas du temps nécessaire pour effectuer le déplacement.
    • Lorsqu'on laisse le maximum d'espace requis pour effectuer un virage, ce dernier peut être effectué à un angle d'inclinaison moins accentué, ce qui réduit la charge alaire et la vitesse de décrochage.
    • Pendant un virage, il faut contrôler la vitesse. Une trop grande puissance entraîne une trop grande vitesse, laquelle demande un plus grand rayon.
    • L'altitude minimale de sécurité communément acceptée en région montagneuse est d'au moins 1000 pieds au-dessus du plancher de la vallée. De plus, l'altitude minimale de sécurité pour les vols à basse altitude dans des canyons est d'au moins 2000 pieds lorsqu'on prévoit des courants d'air descendants.
    • La force et le sens du vent peuvent varier considérablement en fonction de la hauteur. À basse altitude, le vent peut souffler dans le sens de la vallée, mais près du sommet des crêtes, il peut souffler d'un côté à l'autre de la vallée.
    • On conseille aux pilotes de voler du côté ensoleillé des vallées afin de tirer avantage des courants d'air ascendants.

    Pilote

    Le pilote était titulaire d'une licence canadienne de pilote professionnel, délivrée par Transports Canada, avec qualification de vol aux instruments. Elle était valable pour tous les avions terrestres et hydravions monomoteurs et multimoteurs autres que ceux à hautes performances. Le pilote totalisait environ 1500 heures de vol sur des avions monomoteur légers, y compris le Cessna T207A, et il avait piloté l'avion en question à charge élevée pendant environ 75 heures au cours des cinq semaines précédant l'accident. Le pilote avait reçu un document de six pages intitulé Pilot's Notes qui décrivait toutes les modifications apportées à l'avion ainsi que les techniques d'utilisation appropriées. Il avait aussi suivi une formation sur l'avion modifié dans sa configuration la moins favorable. Une description de l'horaire de travail du pilote indiquait qu'il respectait les limites de Transports Canada en matières d'heures de travail et de repos.

    Les dossiers de l'entreprise indiquent que le pilote avait récemment suivi un cours de vol en montagne qui traitait entre autres du vent et des conditions météorologiques en montagne, des performances et des manoeuvres des aéronefs, des compétences aéronautiques et de la prise de décisions des pilotes, de la navigation en montagne et de l'établissement d'un plan de vol. Ce cours comportait un volet pratique de vol en montagne donné à bord d'un Cessna 172, mais ce volet était très restreint en raison des risques. Le rapport d'accident A03P0199 du BST met en évidence certains des risques liés à l'instruction au vol en montagne en conditions réelles.

    Transports Canada ne délivre pas de qualification ni d'annotation pour la formation au vol en montagne. Il n'existe aucune norme permettant de vérifier la compétence d'un pilote en zone montagneuse. Il se peut que les pilotes qui suivent un cours de vol en montagne n'acquièrent pas toutes les compétences requises.

    Le pilote était intéressé par la photographie. Il s'était récemment acheté un appareil-photo qu'il avait déjà utilisé en vol à au moins une occasion. On a trouvé l'appareil-photo près du corps du pilote sur les lieux de l'accident.

    L'autopsie pratiquée sur le corps du pilote, y compris les examens toxicologiques, n'ont rien révélé qui aurait pu mener ou contribuer à l'accident, mais ils ont permis de déterminer que le pilote avait subi des blessures mortelles après l'écrasement.

    Le degré de destruction causé par l'impact avec le sol et par l'incendie qui a suivi n'a pas permis d'effectuer une analyse rigoureuse de la gravité des blessures du pilote.

    Facteurs humains - Illusions

    L'information sensorielle la plus précise dont dispose un pilote sur l'assiette et le déplacement de son avion provient des indices visuels offerts par l'horizon, les instruments de vol de l'avion ou les deux. La brochure intitulée Mountain Flying de l'autorité de l'aviation civile de la Nouvelle-Zélande décrit certaines illusions courantes dont un pilote peut être victime. L'illusion de l'échelle relative s'explique par le fait qu'à proximité de grosses montagnes, il est très difficile d'évaluer avec précision l'échelle et la distance. Les montagnes semblent beaucoup plus proche quelles ne le sont en réalité, tout simplement parce qu'elles sont beaucoup plus grosses que nous. La seule façon de confirmer la distance par rapport au relief consiste à repérer des caractéristiques en surface, comme des buttes, des arbres ou des buissons, dont on peut facilement évaluer la taille et à partir desquelles on peut déterminer la distance et la taille de l'avion par rapport à la montagne. Il est important de pouvoir évaluer la distance par rapport au relief, et il est essentiel de pouvoir déterminer s'il y a suffisamment d'espace pour faire demi-tour.

    La brochure décrit aussi l'illusion de faux horizon qui se produit lorsqu'on ne voit pas l'horizon réel. Cette illusion peut causer des problèmes d'assiette et de vitesse anémométrique. Lorsqu'un pilote vole en région montagneuse, ou à tout autre endroit d'où il ne peut pas voir l'horizon, il ne doit pas se fier uniquement aux instruments, mais il doit aussi imaginer où se trouve l'horizon. Dans un espace restreint où la visibilité est réduite, il faut regarder à l'extérieur et évaluer les performances en fonction de l'assiette en cabré, puis les confirmer en consultant les instruments. Les pilotes inexpérimentés commettent souvent l'erreur d'utiliser une ligne de crête comme horizon. Ils modifient alors l'assiette involontairement, font monter l'appareil, ce qui fait diminuer la vitesse anémométrique, et ne décident pas assez vite de faire demi-tour. L'horizon se situe à la base de la montagne et non sur les crêtes. L'illusion du contraste peut aussi aggraver la situation en mêlant les différents lignes de crêtes au loin.

    Avion

    Le Cessna T207A, un « avion de catégorie normale »Footnote 2, est certifié en vertu de la fiche de données du certificat de type A16CE de la Federal Aviation Administration (FAA). Les normes de navigabilité pour la délivrance des certificats de type et des modifications aux certifications de type des avions de catégorie normale, utilitaire, acrobatique et navette doivent être respectées. Un exploitant peut demander à Transports Canada un certificat de type supplémentaire restreint (CTSR) pour un appareil donné et l'obtenir, pourvu que la conformité aux normes de navigabilité applicables soit démontrée. Les paragraphes 511.13(1) et 513.07(1) du Règlement de l'aviation canadien (RAC) exigent, pour une modification apportée à la définition de type, que le demandeur respecte les normes les plus récentes.

    Un délégué à l'approbation de conception (DAC) certifié par Transports Canada a modifié l'avion et précisé qu'il respectait les exigences relatives au taux de montée. Puisque aucun calcul ni essai de la pente de montée n'a été effectué pour l'avion modifié, celui-ci n'a pas pu être approuvé pour un CTSR.

    Le DAC a décidé de faire une demande à Transports Canada afin d'obtenir un « permis de vol - fins spécifiques ». Un « permis de vol - fins spécifiques » peut être délivré pour un avion qui ne respecte pas les normes de navigabilité applicables, c.-à-d. l'alinéa 523.65a)Footnote 3, mais qui peut effectuer des vols sans compromettre la sécurité aérienne. Transports Canada a délivré un « permis de vol - fins spécifiques » pour l'avion en question. Cette autorité de vol était assujettie à certaines conditions/restrictions, et elle a été délivrée à des fins temporairesFootnote 4. Une telle autorité permet d'effectuer des essais en vol afin de démontrer le respect des normes de navigabilité les plus récentes à la suite d'une modification à la définition de type. Cette autorité a été délivrée le 14 juillet 2005 afin d'évaluer le matériel d'analyse environnementale installé à bord dans l'avion, et elle était valide pour une période de 60 jours. Une autorité de vol semblable a été délivrée de nouveau le 18 juillet 2005, et elle était valide jusqu'au 18 août 2005. Entre-temps, une autre autorité de vol, un « permis de vol - vol de convoyage », a été délivrée le 10 août 2005 à la suite d'une modification au T207A dans le but d'effectuer des recherches atmosphériques. Ce permis était valide jusqu'au 31 octobre 2005. Le 15 novembre 2005, le « permis de vol - vol de convoyage » accordant une autorité de vol dans le but d'effecteur des recherches atmosphériques a été renouvelé. Ce même permis a été renouvelé de nouveau le 8 mars 2006, et il était valide jusqu'au 31 juillet 2006.

    L'avion avait été largement modifié afin de recevoir quatre caissons/nacelles pour laser fixés aux mâts d'ailes, une sonde de prélèvement d'échantillons placée sur le toit ainsi qu'une fenêtre ventrale pour prise de vue. L'avion avait été doté d'une trousse de modification pour décollage et atterrissage courtsFootnote 5 (STOL) de Horton STOL-Craft Inc. (certificat de type supplémentaire [CTS] SA1328CE) et d'une hélice Hartzell modèle PHC-C3YF-1RF (CTS A696AL). Il transportait aussi de l'équipement et des appareils informatiques et électroniques montés sur des cadres métalliques et fixés au plancher de l'appareil. Il était utilisé à une masse maximale autorisée au décollage augmentée à 3955 livres conformément à un document proposé par le DAC. Pour alimenter cet équipement, le moteur avait été doté d'un alternateur de 28 volts, 200 ampères. Pendant le vol de mise en place, l'observateur d'Environnement Canada chargé d'utiliser l'équipement pour effectuer des recherches atmosphériques n'était pas à bord, et l'équipement ne fonctionnait pas. Le moteur n'avait donc pas à fournir de puissance supplémentaire.

    Le DAC a effectué un essai en vol pour s'assurer que l'avion pouvait voler en toute sécurité selon cette configuration, et pour s'assurer que le circuit de refroidissement du moteur répondait aux besoins de la montée et que le moteur produisait l'alimentation électrique nécessaire au projet (voir les données d'essai en vol aux annexes B et C). Le pilote avait été avisé de ne pas faire monter l'appareil trop rapidement. Les essais en vol en vue de la certification devaient être effectués plus tard au moment de la demande de CTSR.

    Ce type d'appareil n'est pas tenu d'avoir une affichette comme c'est le cas pour les aéronefs de catégorie restreinte ou les aéronefs expérimentaux.

    Examen du moteur et du circuit de carburant

    Pendant l'examen du moteur (Teledyne Continental TSIO-520-M, numéro de série 291708R) à la suite de l'accident, on a découvert des dépôts qui bloquaient différentes parties du circuit de carburant. On a remarqué que ces dépôts comprimaient le tuyau flexible d'alimentation en carburant et bloquaient le raccord d'entrée vers le distributeur. Une analyse comparative au microscope électronique à balayage (MEB) a permis de déterminer que les dépôts ne correspondaient pas au matériau d'origine du tuyau flexible d'alimentation en carburant ni de l'écran pare-feu. Un étranglement du circuit de carburant et une diminution de la puissance disponible auraient nui davantage aux performances de montée. Une analyse approfondie a donc été demandée afin d'identifier la substance et de déterminer si l'obstruction avait été causée par l'incendie après impact.

    Le dépôt a été analysé à l'aide d'un spectromètre infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) [Powertech dossier 06025.GRA, projet 12272-43-06]. Le spectre infrarouge du dépôt ressemblait à celui du polyéthylène téréphtalate, un matériau thermoplastique qui vient des fibres de renforcement du tuyau de carburant. Les dépôts se sont formés à la suite de l'incendie après impact.

    Il y avait suffisamment de carburant à bord pour le vol. Un échantillon de carburant prélevé de la source de ravitaillement principale utilisée au cours des missions effectuées par l'avion a été récupéré et analysé. L'échantillon correspondait à du carburant aviation 100 LL et il ne contenait aucun contaminant.

    Performances

    Les calculs de masse et de centrage effectués au cours de l'enquête indiquent que, au décollage, la masse de l'avion était d'environ 3618 livres, ce qui correspond à 182 livres de moins que la masse brute maximale d'origine de l'avion (3800 livres) et à 337 livres de moins que la nouvelle masse maximale autorisée au décollage (3955 livres). L'augmentation de la masse a été accordée par le DAC, comme l'indique le document CN-MSC-011 intitulé Pilot's Notes, qui devait être joint à une autorité de vol comme supplément de vol. Selon l'examen des documents de Transports Canada, ce document n'avait été joint à aucune des autorités de vol délivrées. Le centre de gravité au décollage a été calculé à 42,88 pouces derrière le point de référence. Les réservoirs de carburant de l'avion avaient été remplis à pleine capacité soit, selon les renseignements fournis par le fabricant, 36,5 gallons américains de carburant pour chaque réservoir. Le vol en question a duré environ six minutes, au cours desquelles cinq gallons de carburant ont été consommés (démarrage, circulation au sol, décollage et montée). La masse de l'avion au moment de l'accident a été évaluée à 3588 livres, et le centre de gravité, à 42,84 pouces derrière le point de référence, ce qui respectait la plage permise.

    Les dossiers indiquent que l'entretien et la maintenance de l'avion ont été effectués conformément aux directives existantes. L'avion a été construit en 1979 et il totalisait 13 900 heures de vol avant le vol en question. L'examen du carnet de bord et des carnets de la cellule, du moteur et de l'hélice n'indiquait rien d'anormal. Le moteur était utilisé selon l'état et il totalisait environ 2450 heures de vol depuis la dernière révision. Rien dans les livrets techniques de maintenance n'indiquait qu'il restait des anomalies à corriger.

    Le Cessna T207A est doté d'un moteur à injection à turbocompresseur de suralimentation capable de maintenir la puissance de montée maximale du moteur jusqu'à une hauteur de 17 000 pieds. D'après le manuel d'utilisation de l'avion, la configuration de montée normale - vitesse indiquée de 95 noeuds, volets rentrés, régime de 2500 tr/min, pression d'admission de 30 pouces, volets de capot ouverts et température normale - permet d'atteindre un taux de montée de 500 pi/min une altitude-densité d'environ 6319 pieds. Le meilleur taux de montée pour cet avion est atteint avec la configuration suivante : vitesse indiquée de 87 noeuds, volets rentrés, régime de 2600 tr/min, pression d'admission de 35 pouces et volets de capot ouverts. Le taux de montée de l'avion à sa masse brute, à 6319 pieds asl et à une température extérieure de 21,1 °C serait de 695 pi/min. Les valeurs du meilleur taux de montée supposent que l'avion vole les ailes à l'horizontale. Des manoeuvres en vol, comme un virage énergique, peuvent entraîner une brusque diminution des performances de montée de l'avion.

    D'après les valeurs de performances de montée obtenues pendant les récents essais en vol, le Cessna T207A modifié atteignait un taux de montée de 500 pi/min dans une configuration de montée normale. La distance parcourue par l'avion entre l'aéroport et les lieux de l'accident est d'environ 8,3 nm. La pente de montée pour la distance parcourue est égale à 314,45 pieds par mille marin. En configuration de montée normale, l'avion aurait eu à monter de façon constante à 498 pi/min pour atteindre les lieux de l'écrasement.

    Analyse

    Aucun problème lié aux performances de l'avion n'a été signalé et aucune communication d'urgence n'a été reçue. L'enquête et la présente analyse portent donc sur des questions d'ordre opérationnel.

    Puisque le pilote n'a pas déposé de plan de vol détaillé, la présence d'équipement spécial, comme les dispositifs émettant des rayons laser et/ou les matières dangereuses, à bord de l'avion n'a pas été signalée. Des autocollants fixés à l'extérieur des capteurs des nacelles pour laser indiquaient « DANGER » et avertissaient des risques de radiation laser lorsque les caissons étaient ouverts. Même si les dispositifs à laser n'étaient pas branchés pendant le vol en question, les premiers intervenants sur les lieux de l'accident n'auraient pas pu en être informés et ils n'auraient pas été en mesure d'évaluer les risques. L'absence de renseignements sur ces dispositifs dans le plan de vol pourrait retarder les opérations de recherche et sauvetage et exposer les premiers intervenants à des risques inconnus.

    Aucune défectuosité mécanique qui aurait pu provoquer une perte de puissance moteur ou une perte de maîtrise en vol n'a été notée ou découverte avant le vol ni pendant l'examen. Le pilote aurait vérifié que le moteur fonctionnait à plein régime au moment du décollage. Le départ et la montée initiale à partir de la piste 06 se sont déroulés normalement. Les dommages subis par l'hélice indiquent que le moteur fournissait une puissance importante au moment de l'impact. D'après les dommages qu'à subis l'avion, les marques laissées par l'impact sur les obstacles naturels ainsi que l'orientation du sillon laissé par les débris, tout indique que l'avion était configuré pour une montée normale et que le pilote a conservé la maîtrise de l'avion jusqu'à l'impact. L'avion ne semble pas avoir décroché avant de heurter le sol.

    Le point le plus élevé de la vallée dans cette section de montée initiale est à 4200 pi asl et il se trouve à environ 11,8 nm de l'aéroport. Si l'avion est entré dans le col de montagne à 2000 pi, il aurait fallu qu'il monte à un taux de 609 pi/min pour franchir ce point. L'avion modifié n'a pas été soumis à des essais relatifs à l'angle de montée et à la pente de montée requis en vue de l'obtention d'un CTSR. Le pilote avait été avisé de ne pas faire monter l'appareil trop rapidement et il se peut qu'il ait respecté cette consigne jusqu'à qu'il se rende compte qu'il ne pourrait probablement pas passer au-dessus du relief.

    La masse relativement élevée de l'avion, sa configuration, les modifications qui y avaient été apportées ainsi que l'altitude-densité élevée ont influé sur les performances de montée de l'avion. Il est aussi possible que les courants d'air descendants aient nui aux performances de montée de l'avion.

    Le pilote connaissait bien les performances de l'avion en question, mais il avait peu d'expérience de vol en montagne et il a choisi une route VFR qui exigeait une altitude de franchissement de relief élevée. Il s'est retrouvé en présence d'un relief abrupt qui est propice aux illusions de faux horizon et d'échelle relative lors de la montée. Lorsqu'il s'est rendu compte qu'il ne pourrait probablement pas passer au-dessus du relief ascendant en vue, il a dû essayer de faire demi-tour.

    L'appareil-photo trouvé près du corps du pilote était brûlé. Il n'a pas été possible de déterminer si le pilote avait pris des photos pendant le vol de mise en place et, le cas échéant, si cela avait pu provoquer une distraction ou causer des problèmes de perception et d'évaluation de la hauteur par rapport au sol.

    Pendant le dernier segment de la trajectoire de vol, l'avion se trouvait probablement au centre de la vallée, puisqu'il s'agit de l'endroit où la hauteur par rapport au sol est la plus élevée. Juste avant de décider de faire demi-tour à une altitude de décision donnée, le pilote a peut-être dirigé l'avion vers la pente ensoleillée du côté droit afin d'avoir plus d'espace pour effectuer un virage à gauche entre les crêtes. Le fait d'effectuer un virage serré au moment où l'avion croise le centre de la vallée et se rapproche du relief plus élevé est une réaction intuitive. Le pilote a effectué un virage serré en descente sur la gauche (plus de 30 degrés) face au sud-ouest dans des courants atmosphériques descendants et il n'a pas été en mesure d'arrêter sa descente avant de frôler la cime des arbres puis de heurter le terrain en pente.

    Le pilote a probablement mal évalué la hauteur en approchant du relief plus élevé et il n'a pas mis l'avion en configuration de vol lent. Les volets sortis, l'avion pouvait virer dans le col de montagne.

    Au cours de l'après-midi, il y avait probablement un vent catabatique dans le col de montagne. En raison de la configuration et de la masse de l'avion, de l'altitude-densité élevée, des performances de l'avion modifié, de la proximité du relief au moment où le pilote a fait demi-tour et des courants d'air descendants, l'aéronef n'a pas été en mesure de franchir le relief environnant.

    L'enquête a donné lieu aux projets suivants :

    • Powertech dossier 06025.GRA, projet 12272-43-06
    • LP 065/2006 du laboratoire technique du BST – Terrain Shadow Analysis (Analyse de l'ombre du relief)

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. La hauteur à laquelle le pilote est entré dans la vallée ne fournissait pas un espacement suffisant entre l'avion et le relief en fonction des performances de l'avion.
    2. Le pilote s'est retrouvé en présence d'un relief abrupt qui est propice aux illusions de faux horizon et d'échelle relative lors de la montée. Lorsqu'il s'est rendu compte qu'il ne pourrait probablement pas passer au-dessus du relief ascendant en vue, il a fait demi-tour.
    3. La configuration de l'avion et sa masse relativement élevée, combinées à la résistance accrue causée par l'équipement, à l'altitude-densité, aux courants d'air descendants et aux manoeuvres, ont fait en sorte que l'avion a heurté le relief pendant le virage.

    Faits établis quant aux risques

    1. Le pilote n'a pas déposé de plan de vol détaillé et la présence d'équipement spécial, comme les dispositifs émettant des rayons laser et/ou les matières dangereuses, à bord de l'avion n'a pas été signalée. L'absence de renseignements sur ces dispositifs dans le plan de vol pourrait retarder les opérations de recherche et sauvetage et exposer les premiers intervenants à des risques inconnus.
    2. Transports Canada ne délivre pas de qualification ni d'annotation pour la formation au vol en montagne. Il n'existe aucune norme permettant de vérifier la compétence d'un pilote en zone montagneuse. Il se peut que les pilotes qui suivent un cours de vol en montagne n'acquièrent pas toutes les compétences requises.
    3. Aucun signal en provenance de la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) n'a été reçu. La radiobalise a été détruite par l'impact et l'incendie qui a suivi. Les normes en vigueur n'exigent pas que cette radiobalise résiste à des dommages causés par un impact.
    4. Les « permis de vol - fins spécifiques » sont délivrés à des aéronefs dont les performances ne respectent pas l'approbation de conception, mais qui peuvent effectuer des vols sans compromettent la sécurité aérienne. Puisqu'aucune affichette n'est requise, il se peut que les pilotes et les observateurs ayant l'approbation de monter à bord ne connaissent pas les limites de l'avion et les risques connexes.
    5. Le processus d'approbation de Transports Canada a permis que l'avion modifié soit utilisé pour des missions de recherche environnementale en vertu d'une autorité de vol. Cette autorité permettait de se soustraire aux exigences des normes de navigabilité les plus récentes et retirait les mesures d'atténuation des risques comprises dans le processus d'approbation en vue de la modification à une certification de type.

    Autres faits établis

    1. L'obstruction du circuit carburant découverte au moment du démontage a été causée par l'incendie après impact.
    2. L'avion était utilisé à une masse maximale autorisée au décollage augmentée, proposée par le délégué à l'approbation de conception (DAC). Une telle utilisation devait être approuvée uniquement en vertu d'un permis de vol et d'instructions de vol bien formulés inclus dans le document CN-MSC-011 proposé. Par contre, l'augmentation de masse n'était pas incluse dans aucune des autorités de vol délivrées par Transports Canada.

    Mesures de sécurité prises

    Transports Canada a publié le numéro 1/2007 de Sécurité aérienne - Nouvelles, auquel était joint le dépliant intitulé Un instant! Pour votre sécurité - Le vol VFR en montagne qui fournit aux pilotes certains conseils sur le vol en montagne.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A - Carte des lieux de l'accident

    Annexe B - Essai en vol

    Annexe C - Version dactylographiée de l'annexe B

    Nota 1 : Certains chiffres de l'annexe B sont difficiles à lire. La présente annexe peut donc comporter des erreurs.

    Nota 2 : Puisque la pression d'admission (PA) chute lorsque l'avion monte, il faut augmenter les gaz pendant la montée afin de maintenir la PA à 30 po.

    Nota 3 : TE - température extérieure, TC - température de culasse

    Altitude TE Taux de montée Vitesse %
    TC
    %
    Temp.
    huile
    Temp
    altern.
    (°C)
    Amp Heure Remarques
    Surface
    Au décol. 9 °C 400 90 40 35 32,0 85 17 h 21

    PA 30
    TR/MIN 25
    GAL/H 23
    2000 5 400 85 50 40 32,3 84 17 h 24
    3000 4 400 85 60 45 33,0 70 17 h 26
    4000 1,2 375 87 60 50 32,8 70 17 h 29
    5000 2 400 85 65 50 31,8 81 17 h 31
    6000 −4,3 300 85 70 50 31,6 70 17 h 34
    PA 30
    TR/MIN 25
    GAL/H 20, ajout de ½ po à 8500
    7000 −6,7 500 85 75 55 31,6 63 17 h 36
    8000 −9,2 500 85 80 55 30,7 67 17 h 38
    9000 −11,2 500 85 87 55 30,3 79 17 h 42
    10000 −10,1 400 85 90 55 29,9 66 17 h 43
    11000 −11,1 500 85 95 60 29,7 78 17 h 48 @ 10,000 ajout de 1 po [PA]
    12000 −12,4 400 85 95 65 30,0 65 17 h 50 @ 12,000 PA baisse de 2 po
    13000 −11,2 300 85 95 65 26,7 77 17 h 54
    14000 −11,5 350 85 95 70 24,8 76 18 h 00 @ 14,000 [PA] baisse de 1 po additionnel, alors ajout de 3 po pour atteindre 30 po
    15000 −13,6 300 85 95 70 23,7 63 18 h 04
    16000 −15,4 300 85 95 70 23,1 76 18 h 03
    17000 −17,2 300 85 90 65 22,5 65 18 h 15