Rapport d'enquête aéronautique A07W0072

Perte d'espacement
entre le Boeing 737-800 C-GWSA
et le Boeing 737-600 C-GWSI
exploités par WestJet Airlines
et pris en charge par
le Centre de contrôle régional d'Edmonton
de NAV CANADA
à 50 nm au sud-sud-ouest de Calgary (Alberta)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le Boeing 737-800, immatriculé C-GWSA, effectuant le vol WJA 42 de WestJet est en route de Vancouver (Colombie-Britannique) à l'aéroport international de Calgary (CYYC) (Alberta), tandis que le Boeing 737-600, immatriculé C-GWSI, effectuant le vol WJA 178 est en route de Comox (Colombie-Britannique) à CYYC. Lorsqu'ils se trouvent près de l'intersection OPALE au sud-ouest du radiophare omnidirectionnel VHF de Calgary, les deux avions reçoivent des vecteurs radar du contrôle de la circulation aérienne en vue de retarder leur arrivée ainsi que l'autorisation de descendre au niveau de vol 260. Les deux appareils reçoivent ensuite l'autorisation de se rendre directement à l'intersection OPALE et, à 22 h 45 min 45, heure avancée des Rocheuses, l'espacement entre eux se trouve réduit à 4,7 milles marins (nm) latéralement et à 70 pieds verticalement, alors que l'espacement prescrit est de 5 nm latéralement ou de 1000 pieds verticalement. Les systèmes de surveillance du trafic et d'évitement des collisions des deux avions émettent des avis de résolution, et les appareils effectuent des manœuvres d'évitement. Le système d'alerte de conflit du contrôle de la circulation aérienne se déclenche.

    Renseignements de base

    Les données de l'enregistreur numérique de données de vol (DFDR) des deux avions ont été analysées, et les résultats ont été mis en corrélation avec l'information radar, les communications du contrôle de la circulation aérienne (ATC) et les observations des équipages de conduite.

    Comme les conditions météorologiques avaient été mauvaises tout au long de la journée à l'aéroport international de Calgary (CYYC), une seule piste était offerte à la plupart des avions, et la capacité d'accueil de l'aéroport était réduite. Pour respecter cette capacité réduite de l'aéroport, l'ATC avait imposé des procédures de régulation de l'écoulement de la circulation, lesquelles limitaient à 22 le nombre d'arrivées à l'heure en retardant des vols aux points de départ et en contrôlant l'écoulement des vols à l'arrivée. Pour assurer la régulation des vols à l'arrivée, il fallait ralentir les avions, les faire attendre à certains repères et leur donner des vecteurs radar en vue de les retarder. À 22 h 30, heure avancée des Rocheuses (HAR)Footnote 1, tandis que la soirée tirait à sa fin et que la circulation diminuait, les procédures de régulation de l'écoulement ont été annulées. Cependant, il fallait toujours faire attendre ou retarder certains vols à l'arrivée.

    La sous-unité En route de Calgary, gérée par le Centre de contrôle régional (ACC) d'Edmonton, comprend cinq secteurs couvrant l'espace aérien contrôlé au-dessous du niveau de vol (FL) 290 : Banff, Rocky Mountain House, Red Deer, Alsask et Medicine Hat (voir la Figure 1). Au-dessus de ces secteurs, à partir du FL 290 et au-dessus, se trouvent les trois secteurs de la sous-unité Espace aérien supérieur de l'Alberta, à savoir : Lethbridge, Drumheller et Canmore.

    Figure 1. Sous-unité En route de Calgary
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    Figure of Sous-unité En route de Calgary

    Jusqu'à 22 h 30 le jour de l'incident, le responsable du secteur d'Alsask a contrôlé les secteurs sud et est de la sous-unité tandis que le responsable du secteur de Banff s'est occupé des secteurs nord et ouest. Les contrôleurs des secteurs d'Alsask et de Banff étaient également chargés de contrôler l'espace aérien du secteur de la sous-unité Espace aérien supérieur de l'Alberta qui se trouvait immédiatement au-dessus de leurs secteurs.

    Lorsque la circulation aérienne et la charge de travail des contrôleurs s'avéraient normales, tout l'espace aérien du Sud de l'Alberta, sauf celui en région de contrôle terminal, était habituellement pris en charge par un seul contrôleur en fin de soirée, avant le début du quart de nuit commençant à 22 h 30. Cet espace aérien du sud de l'Alberta était désigné comme la configuration de nuit En route de Calgary. Dans le cadre de la configuration de nuit, le service était assuré par un contrôleur radar et un contrôleur des données. En raison de la charge de travail générée par la régulation de l'écoulement de la circulation, deux contrôleurs avaient accepté de prolonger leur quart de travail pour aider les employés du quart de nuit.

    L'ACC d'Edmonton avait donné des directives générales aux contrôleurs, aux gestionnaires de quart de l'ACC et aux superviseurs d'équipe concernant l'ouverture et la fermeture des postes opérationnelsFootnote 2. Les directives indiquaient que l'ouverture et la fermeture de postes reliées au regroupement ou au dégroupement des secteurs incombait au chef d'équipe ou au gestionnaire du quart de travail. Si le superviseur d'équipe ou le gestionnaire du quart de travail était absent, cette responsabilité pouvait être déléguée aux contrôleurs. Dans la pratique, les gestionnaires de quart de travail n'assuraient habituellement pas la gestion des secteurs, comme le groupement et le dégroupement des secteurs. Les contrôleurs chargés de la sous-unité En route de Calgary n'avaient pas reçu de formation particulière concernant la mise en application de ces directives.

    Le jour de l'incident, compte tenu de la charge de travail générée par la régulation de l'écoulement à Calgary, un contrôleur avait été affecté au poste de superviseur d'équipe par intérim pour le quart de soir. Habituellement, il n'y a pas de superviseur d'équipe affecté à la gestion du quart de nuit dans la sous-unité En route de Calgary. Le superviseur par intérim a donc terminé son quart de travail à 22 h 15.

    À 22 h 30 le jour de l'incident, les secteurs étaient toujours dégroupés à cause des conditions météorologiques et de la régulation de l'écoulement de la circulation arrivant à CYYC. À 22 h 34, compte tenu de leur charge de travail individuelle, les contrôleurs des secteurs d'Alsask et de Banff, qui s'occupaient des fonctions liées au radar comme aux données à leur poste de travail respectif, ont décidé de regrouper leurs secteurs.

    Lorsque le contrôleur de relève est arrivé pour commencer son quart de nuit, il a été avisé que le regroupement des secteurs était en cours. Il s'est placé devant le radar de la console du secteur d'Alsask. Le contrôleur du secteur de Banff a transféré ses données à la console du secteur d'Alsask, et le contrôleur qui s'occupait précédemment du secteur d'Alsask a assumé le poste de contrôleur des données pour les secteurs nouvellement regroupés. Le contrôleur qui était précédemment chargé du secteur de Banff a mis le contrôleur de relève et le contrôleur des données au courant de la circulation aérienne dans les secteurs regroupés. Le contrôleur de relève a alors pris en charge le poste de contrôleur radar des secteurs regroupés de la sous-unité En route de Calgary. Par conséquent, les deux contrôleurs chargés de la configuration de nuit pour la sous-unité En route de Calgary étaient responsables de tout l'espace aérien contrôlé du sud de l'Alberta.

    Même si les procédures de régulation de l'écoulement de la circulation venaient d'être annulées, la circulation était toujours considérée comme modérée. La complexité des interventions était plus grande qu'à l'habitude pour cette période de la journée, en raison de la régulation de l'écoulement de la circulation. Au cours des 12 minutes ayant précédé le regroupement des secteurs, les contrôleurs des secteurs d'Alsask et de Banff avaient respectivement communiqué en moyenne 6,0 et 6,2 fois par minute, et chacun d'eux avait effectué un maximum de 11 communications par minute. Une fois les secteurs regroupés, le contrôleur ayant pris la relève a communiqué en moyenne 11,7 fois par minute, et il a effectué un maximum de 17 communications par minute (voir la Figure 2). Lorsque le contrôleur de relève s'est placé devant la console, il était responsable de 20 avions dans les secteurs regroupés.

    Figure 2. Charge de travail en fonction du nombre de communications.
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    Figure of Charge de travail en fonction du nombre de communications.

    Conformément au Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC) de NAV CANADA, on a enregistré (en son numérique) les renseignements donnés lors du transfert du poste. Cependant, l'enregistrement était incomplet, car une partie du transfert a été faite dans le cadre d'une « conversation libre ». C'est pour cette même raison que les détails concernant le regroupement des secteurs n'ont pas été enregistrés.

    Au moment de prendre en charge le poste de contrôleur des secteurs regroupés, le contrôleur de relève devait porter attention aux arrivées, aux départs et aux survols de Calgary dans les parties est et ouest des secteurs regroupés. En plus de la mise en œuvre de mesures de régulation, le contrôleur devait s'occuper de la confusion engendrée par un avion qui souhaitait survoler la partie est de l'espace aérien.

    Cinq avions à destination de CYYC arrivaient de l'ouest, un à la suite de l'autre, et ils étaient espacés d'environ 12 nm sur la voie aérienne J 504. KFA 274 menait la file, suivi de JZA 8525, de WJA 42, de WJA 178 et de JZA 8556. Pour espacer les arrivées, le contrôle terminal de Calgary avait donné aux contrôleurs responsables des portions en route des secteurs les heures précises auxquelles chaque avion devait franchir les repères. Les heures de passage à l'intersection OPALEFootnote 3 correspondaient à celles auxquelles les avions devaient quitter le repère pour atteindre OPALE 8, la trajectoire normalisée d'arrivée (STAR) à Calgary.

    Le contrôle terminal de Calgary avait déterminé que le premier avion de la file devait franchir le repère OPALE à 22 h 40. Avant de transférer le secteur au contrôleur de relève, le contrôleur du secteur de Banff avait autorisé l'avion à attendre à OPALE, conformément au circuit publiéFootnote 4. Le contrôleur du secteur de Banff avait avisé les quatre autres appareils que ceux-ci auraient probablement à attendre à OPALE avant de poursuivre leur route vers Calgary. Par contre, le contrôleur ne leur avait accordé aucune autorisation à cet effet. Au moment du transfert de poste, le contrôleur de relève a été informé du fait que le premier avion avait été autorisé à attendre, mais on n'a pas précisé si des autorisations avaient été données aux quatre autres avions se dirigeant vers l'est. Le contrôleur du secteur de Banff avait donné à entendre que les cinq avions avaient reçu l'autorisation d'attendre à OPALE, et le contrôleur de relève était resté sur cette impression. En fait, seul le premier avion avait reçu l'autorisation d'attendre. À 22 h 37 min 9, le premier avion (KFA 274) a communiqué avec l'ATC pour signaler qu'il se mettait en attente, et le contrôleur de relève a autorisé l'avion à faire un tour dans le circuit avant de poursuivre sa route vers CYYC.

    Avant d'entrer dans l'espace aérien contrôlé par l'ACC d'Edmonton, WJA 42 et WJA 178 volaient au FL 390, et ils étaient espacés de 13 nm latéralement. Le contrôleur du secteur de Banff avait autorisé les deux avions à descendre avant le transfert au contrôleur de relève.

    Lorsque, une fois en palier au FL 290, l'équipage de WJA 178 a communiqué avec le contrôleur de relève pour lui demander s'il devait attendre à OPALE, il a été informé que tous les avions allaient recevoir des vecteurs. À 22 h 38 min 42, WJA 178 a reçu l'instruction de virer à droite vers le cap magnétique (M) de 130°. Lorsque le deuxième avion (JZA 8525) a franchi le repère OPALE à 22 h 39 min 50 sans se mettre en attente, le contrôleur de relève a été avisé par le contrôleur qui s'occupait précédemment du secteur de Banff, et qui était toujours présent, que l'avion n'avait pas obtenu l'autorisation de se mettre en attente.

    Le contrôleur de relève a alors demandé au deuxième avion de suivre le cap de 170°M, puis il lui a demandé de continuer son virage pour atteindre directement le repère HANDA en vue de la procédure d'arrivée. À 22 h 40 min 40, à 2 nm à l'ouest d'OPALE, WJA 42 a été avisé de virer à droite vers le cap de 160°M. Lorsque, à 22 h 41 min 37, WJA 42 a appelé en palier au FL 280, il a été autorisé à descendre au FL 260. À 22 h 43 min 16, WJA 178 a reçu l'instruction de virer à gauche et de se diriger vers OPALE, et il a également reçu l'autorisation de descendre au FL 260. WJA 42 a alors reçu l'instruction de virer à droite, directement vers OPALE.

    À 22 h 45 min 18, WJA 178 passait le FL 265 en descente quand le contrôleur du secteur de Banff, qui surveillait toujours la situation, a porté le conflit imminent à l'attention du contrôleur de relève. Ce dernier a ordonné à l'avion en question de monter au FL 270 mais, lors de ce premier appel, il n'a donné aucune raison ni laissé entendre que la situation était urgente. Bien que n'ayant pas accusé réception de cette instruction, les membres de l'équipage de WJA 178 ont amorcé le processus en exécutant une montée normale. Sept secondes après son premier appel, le contrôleur a répété ses instructions. L'équipage a confirmé qu'il avait bien reçu le deuxième appel à 22 h 45 min 28. Avant que l'équipage ne puisse arrêter la descente et amorcer une montée, l'avion avait atteint le FL 261. À 22 h 45 min 30, on a demandé à WJA 42, qui était au FL 260, de descendre immédiatement au FL 250. Le contrôleur a fait deux autres appels avant que l'équipage de WJA 42 ne confirme qu'il avait bien reçu ses instructions.

    À 22 h 45 min 33, alors que les avions étaient espacés de 6,6 nm latéralement et de 350 pieds verticalement, les systèmes de surveillance du trafic et d'évitement des collisions (TCAS) des deux avions ont simultanément émis des avis de résolution (RA). Le RA du TCAS de WJA 42 l'a avisé de ne pas descendre (do not descend), puis il l'a immédiatement informé d'effectuer une montée (climb) (voir l'Annexe A). Le commandant de bord, qui était le pilote aux commandes, a débrayé le pilote automatique, et il a suivi les instructions indiquées dans le RA. Huit secondes après avoir émis l'avis de monter (climb), le TCAS de WJA 42 a modifié son avis pour commander une descente (descend). Le commandant de bord a suivi les instructions indiquées dans l'avis tout en serrant son virage vers la droite, car il venait de constater la position de WJA 178, qui venait d'apparaître sur l'écran de son TCAS.

    Une alarme sonore a retenti dans l'avion, lorsque l'angle d'inclinaison de WJA 42 a dépassé 35° et 40°Footnote 5. Cette alerte et l'alerte sonore relative au débrayage du pilote automatique se sont déclenchées à peu près en même temps que le contrôleur demandait à WJA 42 de descendre. À ce moment-là, l'équipage suivait les instructions des RA, pilotait et surveillait l'avion et s'occupait d'annuler les alertes sonores.

    Système d'alerte de conflit

    Le système d'alerte de conflit est une fonction du Système de traitement des données radar qui assure le suivi des routes par radar en vue de relever les conflits potentiels. Les routes sont évaluées en fonction des positions tridimensionnelles prévues pour déterminer s'il y aura violation des normes d'espacement dans un laps de temps précis. Les alertes sont générées et envoyées à l'écran en deux étapes. Une alerte de trafic est générée soixante secondes avant la perte d'espacement prévue. Une alerte de conflit est ensuite générée une fois qu'il y a perte d'espacement. Les alertes de conflit de l'ATC dans l'espace aérien où l'incident s'est produit se déclenchent si l'espacement entre les avions est de moins de 5 nm latéralement et de 800 pieds verticalement.

    Source : adaptation de la définition du Manuel DSC sur les alertes de conflit, Version 3.1, de NAV CANADA.

    Au moment même où WJA 42 recevait le premier RA (climb) de son TCAS, WJA 178 recevait un RA lui indiquant de descendre (descend). En moins de six secondes, alors que le RA de WJA 42 lui commandait de descendre (descend), WJA 178 a reçu un RA modifié lui indiquant de monter (climb). Cinq secondes plus tard, à 22 h 45 min 45, le TCAS de WJA 178 a de nouveau commandé une descente.

    Il est normal que le TCAS modifie ses RA en fonction des changements de position et d'altitude des avions en conflit. Les équipages de conduite n'ont pas mis le contrôleur au courant des RA émis par les TCAS avant que l'espacement entre eux ne redevienne normal.

    Le contrôleur a reçu une alerte de trafic à 22 h 45 min 38, puis une alerte de conflit à 22 h 45 min 48. À ce moment-là, WJA 42 suivait un cap de 201°M au FL 261, et WJA 178 suivait un cap quasiment inverse de 012°M au FL 261 (voir l'Annexe B). Le conflit a pris fin à 22 h 45 min 57, lorsque l'espacement a atteint 3,5 nm latéralement et 1200 pieds verticalement, les avions volant sur des trajectoires divergentes et à des altitudes différentes.

    Les avions n'étaient pas dans les nuages au moment de l'incident. Les membres de l'équipage de WJA 178 ont vu passer WJA 42 devant eux, de la droite vers la gauche et légèrement au-dessous de leur avion, alors qu'ils recevaient un deuxième RA du TCAS. L'équipage de WJA 42 n'a pas vu WJA 178. À la suite du guidage que les avions avaient reçu, leur ordre le long de la trajectoire en rapprochement vers Calgary avait été inversé, et WJA 178 était maintenant devant WJA 42.

    Le contrôleur de relève était titulaire d'une licence depuis septembre 2005, et il avait acquis toute son expérience dans la sous-unité En route de Calgary. Il commençait la dernière journée d'une période de travail de sept jours. Le jour précédent, il avait suivi une formation jusqu'à 14 h 15, et il n'avait pas travaillé au cours des 32,25 heures précédant son arrivée pour le quart de travail de nuit à 22 h 30, le soir de l'incident. On a jugé qu'il était bien reposé.

    Le contrôleur du secteur de Banff était titulaire d'une licence depuis 2005, et il possédait deux ans d'expérience dans la sous-unité En route de Calgary. Il s'agissait de son deuxième quart de travail après une période de repos de deux jours.

    Le contrôleur du secteur d'Alsask, qui occupait le poste de contrôleur des données des secteurs regroupés, possédait dix mois d'expérience en tant que contrôleur dans la sous-unité En route de Calgary. Il possédait également 14 ans d'expérience en tant que contrôleur de la circulation aérienne à l'étranger. Il s'agissait de son deuxième quart de travail après une période de repos de deux jours; 24 heures s'étaient écoulées depuis la fin de son dernier quart de travail.

    Le Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne de NAV CANADA (MANOPS ATC) donne des directives quant à la phraséologie que les contrôleurs de la circulation aérienne doivent utiliser pour laisser entendre le degré d'urgence d'une situation lorsque ceux-ci donnent des instructions, comme le terme « immédiatement ».

    En tant que moyen de régulation pour retarder l'écoulement de la circulation, le guidage d'avions demande habituellement davantage de communications comparativement aux autorisations que l'on accorde pour qu'un avion exécute un circuit d'attente publié à un repère. Le contrôleur responsable du guidage assume la responsabilité continue de la navigation de l'avion, de l'espacement latéral et de la marge de franchissement du relief. Le fait d'accorder une autorisation d'attente demande habituellement moins de travail de la part du contrôleur, car le pilote est toujours responsable de la navigation. Les contrôleurs responsables de la sous-unité En route de Calgary, y compris ceux qui étaient impliqués dans l'événement en question, préfèrent habituellement donner des vecteurs si l'attente doit durer trois minutes ou moins. Pour retarder davantage un avion, on lui demandera de se mettre en attente à un repère ou d'effectuer un virage à 360 degrés.

    Analyse

    Les facteurs suivants ont engendré une série de situations importantes pour la sécurité, ce qui a entraîné une perte d'espacement :

    • WJA 42 et WJA 178 ont été guidés vers des trajectoires convergentes;
    • les deux avions ont obtenu l'autorisation de voler à la même altitude;
    • les deux avions ont été amenés à voler l'un vers l'autre afin de retourner à OPALE;
    • les secteurs En route de Calgary ont été regroupés prématurément;
    • les deux avions guidés n'étaient pas bien surveillés par le contrôleur radar de la sous-unité En route de Calgary.

    Il n'y avait pas de superviseur d'équipe dans la sous-unité En route de Calgary lorsque les secteurs ont été regroupés pour prendre la configuration de nuit. Les contrôleurs de la sous-unité regroupaient couramment les secteurs sans l'approbation de la direction. Le gestionnaire de service pendant le quart de travail n'avait pas été consulté au sujet du regroupement des secteurs, contrairement à ce qui est stipulé dans la politique de NAV CANADA. Par conséquent, personne n'avait vérifié si la décision prise par les trois contrôleurs de la sous-unité de regrouper les secteurs était pertinente. Leur décision était fondée sur leur charge de travail individuelle et sur le fait que la configuration de nuit était habituellement mise en place à 22 h 30. La circulation restante et la complexité des interventions engendrée par la régulation de l'écoulement vers Calgary n'étaient pas conformes aux conditions normales propices à un regroupement des secteurs. Par conséquent, il était prématuré de regrouper l'espace aérien En route de Calgary du Sud de l'Alberta pour adopter la configuration de nuit.

    Même si, au niveau des communications, la charge de travail du contrôleur de relève a été réduite jusqu'à un certain point car le contrôleur des données était en poste, l'ensemble de sa charge de travail sur les secteurs regroupés était presque égale à la charge totale des deux contrôleurs en poste avant le regroupement des secteurs. Il devait contrôler une circulation complexe dans un vaste territoire géographique, dont plusieurs avions dans la partie est des secteurs regroupés. Il devait donc répartir son attention, ce qui a eu une incidence sur la surveillance qu'il exerçait à l'égard de la circulation arrivant de l'ouest. Avant la perte d'espacement, un des avions devant WJA 178 avait déjà survolé OPALE, et il était presque rendu dans l'espace aérien de la région de contrôle terminal de Calgary lorsque le contrôleur lui a assigné un vecteur pour le retarder.

    Lorsque le contrôleur radar de relève a pris en charge les secteurs regroupés, le contrôleur du secteur de Banff n'a pas indiqué clairement les instructions de régulation de l'écoulement de la circulation qu'il avait données aux cinq avions arrivant de l'ouest. Le contrôleur de relève croyait que tous les appareils avaient reçu des autorisations d'attente à OPALE. En fait, seul le premier avion de la file qui se dirigeait vers OPALE avait obtenu une heure de passage précise au repère OPALE. Même si le contrôleur du secteur de Banff a indiqué aux équipages des quatre autres avions que des attentes étaient prévues, il n'avait donné aucune autorisation à cet effet. Lorsque le premier avion de la file a appelé l'ACC pour signaler qu'il commençait son attente à OPALE, l'impression du contrôleur de relève voulant que tous les avions se mettraient en attente à OPALE a été renforcée. Toutefois, lorsque WJA 178 a demandé des précisions au sujet de l'attente, le contrôleur s'est rendu compte que les autorisations d'attente n'avaient pas été données. Il a dû trouver un plan pour assurer la régulation de l'écoulement des quatre appareils restants qui se dirigeaient vers l'est, et il a décidé de guider tous les avions.

    Le fait d'avoir à assigner des vecteurs pour retarder les avions allait accroître la complexité du contrôle de la circulation pour le contrôleur. Alors qu'il établissait un plan pour assurer l'espacement requis entre les avions au repère OPALE, le contrôleur a donné l'autorisation à WJA 178 et à WJA 42 de voler à la même altitude - au niveau de vol 260. Le contrôleur n'a pas remarqué que ses instructions pouvaient entraîner une perte d'espacement, ce qui s'est ultérieurement produit. Sa charge de travail aurait pu être réduite si les autorisations de mise en attente standard à OPALE avaient été données aux avions se dirigeant vers l'est. Un relâchement momentané de l'attention à l'égard d'avions formant une file d'attente aurait été moins susceptible d'engendrer une perte d'espacement causée par des avions suivant des trajectoires convergentes.

    Lorsque le contrôleur s'est rendu compte du conflit imminent, l'ordre de monter qu'il a d'abord donné à WJA 178 ne laissait pas entendre qu'il s'agissait d'une urgence. Par conséquent, l'équipage n'a pas initialement répondu en temps opportun comme le commandait la situation, ce qui a possiblement eu une incidence sur l'espacement vertical entre les avions.

    Lorsque les membres de l'équipage de WJA 42 ont suivi les instructions du premier RA, ils concentraient surtout leurs efforts au pilotage de l'avion et au suivi des alarmes sonores découlant des alertes générées par l'angle d'inclinaison et le débrayage du pilote automatique. Même s'ils ont suivi les instructions du RA émis par le TCAS, ils n'ont pas accusé réception des deux premières instructions du contrôleur, qui leur ordonnait de descendre. Les deux équipages de conduite ont bien géré la situation en suivant les instructions des RA au lieu de suivre les instructions contradictoires de l'ATC.

    L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

    • LP 038/2007 – FDR Analysis (Analyse du FDR)

    On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Alors que WJA 42 et WJA 178 évoluaient en suivant des vecteurs convergents, les avions ont été orientés l'un vers l'autre par mégarde, à la même altitude, ce qui a causé une perte d'espacement.
    2. Les contrôleurs des secteurs d'Alsask et de Banff ont regroupé prématurément tous les secteurs distincts, ce qui a donné une lourde charge de travail au contrôleur radar responsable du contrôle de l'espace aérien ainsi créé. Cette situation a nui à sa surveillance de WJA 42 et WJA 178 alors qu'ils suivaient des vecteurs d'attente, ce qui a entraîné une perte d'espacement.
    3. Les renseignements donnés au contrôleur de relève lors du transfert n'indiquaient pas clairement quelles consignes de régulation de l'écoulement de la circulation avaient été établies pour tous les avions arrivant de l'ouest. Ce contrôleur n'avait donc pas véritablement conscience de la circulation aérienne à ce moment-là, ce qui a augmenté sa charge de travail puisqu'il a dû élaborer dans un laps de temps relativement court un plan de gestion de l'écoulement de circulation pour les quatre avions à l'arrivée.

    Fait établi quant aux risques

    1. Le contrôleur de relève n'a pas laissé entendre l'urgence de la situation en demandant à WJA 178 de monter pour empêcher la perte d'espacement imminente. Il est possible que la réaction tardive de l'équipage ait eu une incidence sur l'espacement vertical entre les deux avions.

    Autres faits établis

    1. Lors du transfert au contrôleur de relève, le contrôleur du secteur de Banff n'a pas communiqué les renseignements de façon conforme au Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC), ce qui a eu des répercussions sur l'évaluation des renseignements ainsi donnés.
    2. Si les autorisations de mise en attente standard à OPALE avaient été données, la charge de travail des secteurs regroupés aurait été réduite.

    Mesures de sécurité

    NAV CANADA a avisé le BST que les mesures suivantes avaient été prises en réponse à l'incident :

    • Le contrôleur de relève a fait l'objet d'un renouvellement d'accréditation suivant une irrégularité d'exploitation, au cours duquel il a porté une attention particulière aux procédures de mise en séquence des avions et à la phraséologie.
    • NAV CANADA a publié le bulletin no 08/063 (12 mars 2008) pour sensibiliser les contrôleurs au contenu de l'article 507, Alerte à la sécurité, du Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC), lequel donne des directives, des exemples de phraséologie et un exposé concernant les avis donnés aux avions évoluant dans des conditions dangereuses.
    • Le 12 mars 2007, le Centre de contrôle régional d'Edmonton a lancé un projet visant à diviser verticalement l'espace aérien au-dessus de l'Alberta et du Nord de la Colombie-Britannique, afin de créer une nouvelle sous-unité - Espace aérien supérieur de l'Alberta - chargée du contrôle de l'espace aérien à partir du niveau de vol 290 et au-dessus. Au moment de l'incident, la sous-unité En route de Calgary contrôlait toujours l'espace aérien au-dessus des secteurs de Banff, de Rocky-Red Deer et d'Alsask.
    • Le 4 janvier 2008, l'espace aérien en question a été transféré à la sous-unité Espace aérien supérieur de l'Alberta, et la division des espaces aériens supérieur et inférieur a été entièrement réalisée, ce qui a réduit la charge de travail et l'encombrement des fréquences, en plus d'atténuer la complexité des interventions.
    • Tout l'espace aérien au-dessus de l'Alberta compris dans la configuration de nuit de la sous-unité En route de Calgary, à l'exception des deux régions de contrôle terminal, était autrefois géré par deux contrôleurs. Depuis le 18 avril 2008, au moins trois contrôleurs assurent les services de circulation aérienne dans le cadre de la configuration de nuit.
    • NAV CANADA a de nouveau diffusé le bulletin no 04/013 (12 mars 2008), sous la forme de la lettre d'exploitation no 08/015, donnant les lignes directrices sur l'ouverture et la fermeture de secteurs.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A — Données combinées des enregistreurs numériques de données de vol de WJA 42 et de WJA 178

    Ce document n'existe pas en français.

    Annexe B — Vue en plan des trajectoires de vol de WJA 42 et de WJA 178