Rebond à l'atterrissage et remise des gaz
après le toucher des roues
du Boeing 727-227 C-GLKF
exploité par Kelowna Flightcraft Air Charter Ltd.
à Hamilton (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 22 juillet 2008, le Boeing 727-227, immatriculé C-GLKF, numéro de série 21118, exploité par Kelowna Flightcraft Air Charter Ltd. effectue le vol KFA281, un vol de transport de fret entre Moncton (Nouveau-Brunswick) et Hamilton avec trois membres d'équipage à son bord. L'avion est guidé au radar pour une approche sur la piste 06 de l'aéroport de Hamilton. À 22 h 16, heure avancée de l'Est, l'avion fait un atterrissage dur, rebondit et fait un deuxième toucher dur. L'équipage amorce aussitôt une remise des gaz. Pendant la rotation, le sabot de queue touche la piste. Le carénage du vérin de l'inverseur de poussée et la tuyère du moteur numéro 2 touchent le sol au-delà de l'extrémité départ de la piste. L'avion s'éloigne en montant puis revient effectuer un atterrissage normal sur la piste 12. L'incident ne fait aucun blessé; l'avion est légèrement endommagé.
Renseignements de base
Renseignements sur l'équipage
L'équipage possédait les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Le commandant de bord travaillait pour la compagnie depuis janvier 1994. Au moment de l'incident, il totalisait 9500 heures de vol, la plupart sur Boeing 727, dont quelque 3500 heures comme commandant de bord et 4000 heures comme premier officier. De plus, le commandant de bord totalisait 875 heures comme second officier sur Boeing 727.
Le premier officier totalisait 2900 heures de vol, la plupart sur de petits avions à turbopropulseur. Entre 2001 et 2006, le premier officier a travaillé dans des domaines autres que l'aviation. Après avoir pris ses fonctions chez Kelowna Flightcraft Air Charter Ltd. (Kelowna Flightcraft) en 2006, le premier officier a effectué 1100 heures de vol comme second officier sur Boeing 727. Le premier officier avait récemment subi un entraînement en ligne comme nouveau premier officier sur Boeing 727, et il totalisait 75 heures de vol sur type. C'était la première fois que l'équipage volait ensemble et il en était à son quatrième vol.
Le second officier totalisait 1600 heures de vol, la plupart sur de petits avions. Depuis son arrivée chez Kelowna Flightcraft en juin 2007, le second officier avait effectué 600 heures de vol sur Boeing 727 comme second officier.
Le vol a été effectué conformément à la réglementation en vigueur relative au temps de repos de l'équipage.
Conditions météorologiques
Les conditions météorologiques signalées à l'aéroport de Hamilton à 22 hFootnote 1 étaient les suivantes : vent du 270 °TFootnote 2 à 10 nœuds avec des rafales à 16 nœuds, visibilité de 1½ mille terrestre (sm) dans des orages et de la forte pluie, nuages épars à 1200 pieds au-dessus du sol (agl), couvert nuageux à 3200 pieds agl avec cumulonimbus, température de 17 °C, point de rosée de 17 °C et calage altimétrique de 29,96 pouces de mercure.
À 22 h 19, juste un peu plus de deux minutes après le premier toucher des roues du C-GLKF (vol KFA281), le message d'observation météorologique spéciale suivant a été diffusé : vent du 340° à 9 nœuds, visibilité de 7 sm dans des orages et de la pluie de faible intensité, quelques nuages à 1200 pieds agl, cumulonimbus fragmentés à 3300 pieds agl, nuages fragmentés à 6500 pieds agl et pluie récente.
Déroulement du vol
Le vol ayant mené à l'incident était le deuxième vol de la journée de l'équipage. L'équipage avait d'abord effectué un vol entre St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador) et Moncton (Nouveau-Brunswick). Une fois à Moncton, l'équipage a changé d'avion pour assurer le vol KFA281 à destination de l'aéroport de Hamilton. L'avion du vol KFA281 a décollé de l'aéroport de Moncton à l'heure prévue avec une heure d'arrivée prévue à l'aéroport de Hamilton estimée à 22 h 12. Le premier officier était le pilote aux commandes (PF).
En approchant de l'aéroport de Hamilton, l'équipage s'est préparé et a procédé à l'exposé pour une approche sur la piste 30, dont la distance d'atterrissage utilisable (LDA) est de 9600 pieds. En raison des activités orageuses et du trafic dans la région, KFA281 a été guidé au radar pendant l'approche. Au cours de la descente, le contrôle de la circulation aérienne (ATC) a signalé que les conditions de vent favorisaient l'utilisation de la piste 06 et que KFA281 pouvait s'attendre à effectuer une approche sur la piste 06. L'équipage a contourné un orage et, même s'il avait l'aéroport en vue, il s'est préparé pour une approche de non-précision pour la piste 06, dont la LDA est de 6000 pieds.
À 22 h 9, le pilote d'un Cessna Caravan, qui venait juste d'atterrir sur la piste 06, a signalé à la tour de contrôle de l'aéroport de Hamilton que, pendant l'approche, les conditions de vol avaient été normales et qu'il n'y avait pas eu de cisaillement du vent. Ces renseignements ont été transmis à KFA281.
Le guidage radar de l'ATC a permis à KFA281 d'intégrer la branche vent arrière pour un atterrissage sur la piste 06. Peu après, à 22 h 13, la tour de contrôle de l'aéroport de Hamilton a signalé un vent du 050 °M à 10 nœuds et que la piste était dégagée et mouillée avec présence possible d'eau stagnante. KFA281 a reçu l'autorisation d'atterrir.
Comme le premier officier possédait peu d'expérience sur type, l'équipage a envisagé la possibilité de transférer les tâches d'un pilote à l'autre, car l'atterrissage allait maintenant avoir lieu sur la piste la plus courte. L'équipage a conclu qu'il était acceptable que le premier officier effectue l'approche et l'atterrissage. L'équipage a fait une approche stabilisée en utilisant les indications provenant de l'indicateur de trajectoire d'approche de précision (PAPI).
À 22 h 16, l'avion a fait un atterrissage dur, à environ 1200 pieds après le seuil de piste (voir la Photo 1), avec un taux de descente de quelque 350 pieds par minute. Il a ensuite fait un rebond de 8 pieds environ suivi d'un deuxième toucher dur. Au premier toucher des roues, l'enregistreur de données de vol (FDR) a enregistré une accélération verticale de 1,9 gFootnote 3. L'accélération verticale maximale (2,3 g) a été enregistrée au deuxième toucher des roues. Ces deux accélérations indiquent des forces de toucher des roues supérieures à celles subies normalement par l'avion. Du fait des paramètres limités du FDR, il n'a pas été possible de déterminer pourquoi, après une approche stabilisée, l'avion présentait un taux de descente aussi important au moment du toucher des roues.
Conformément aux procédures de la compagnie, après le deuxième toucher des roues, le premier officier a sorti les déporteurs avec le levier des aérofreins. Au moment où le premier officier allait saisir les poignées des inverseurs de poussée, le commandant de bord a pris les commandes de l'avion et a amorcé une remise des gaz. Le commandant de bord a affiché la poussée de remise des gaz, mais les déporteurs n'étaient pas rentrés. Les volets ont été déplacés de la position 30°. Il a été impossible d'établir s'ils ont été réglés à 25° ou à 15°. Toutefois, ces deux positions sont approuvées par Boeing pour le décollage et la remise des gaz, et aucune de ces positions n'aurait eu de conséquence néfaste dans ce cas-ci.
Pendant la remise des gaz, le klaxon de configuration de décollageFootnote 4 a retenti. À quelque 115 nœuds, le commandant de bord a amorcé la rotation en vue du décollage. L'avion n'a pas pris l'air, et le sabot de queue s'est mis à traîner sur la piste. Environ 300 pieds avant l'extrémité de piste, le commandant de bord a appliqué la poussée d'urgenceFootnote 5. Peu après, les roues principales ont quitté le sol, et le train d'atterrissage a été rentré. Au même moment, le commandant de bord a observé que les déporteurs étaient sortis. Il les a aussitôt rentrés. L'avion s'est mis à monter normalement et est revenu effectuer un atterrissage normal sur la piste 12.
Après l'incident, le personnel de l'aéroport a inspecté la piste 06. L'inspection a révélé la présence d'une marque au sol longue de 12 pieds, dans le gazon après l'extrémité de piste, prenant naissance à quelque 44 pouces de la surface revêtue, et parallèle au cap de piste. La marque avait 9 pouces de largeur et 2 pouces de profondeur (voir la Photo 2) et elle avait été laissée par le carénage du vérin de l'inverseur de poussée et la tuyère du moteur numéro 2.
On a trouvé de la saleté et de l'herbe dans les orifices du déflecteur en persienne du moteur numéro 2.
Performances
La masse et le centrage de l'avion se trouvaient dans les limites prescrites. À une masse à l'atterrissage de 130 095 livres, les tableaux de performances indiquent que l'avion avait besoin de quelque 2625 pieds pour s'immobiliser sur une piste sècheFootnote 6. Sur une piste mouillée, cette distance aurait pu atteindre les 3950 pieds.
Dans les conditions de piste mouillée qui prévalaient, les calculs ont montré qu'il aurait été possible d'effectuer un atterrissage normal qui aurait permis à l'avion de s'immobiliser sur la distance de piste restante. La tour de contrôle de l'aéroport de Hamilton a signalé la présence possible d'eau stagnante sur la piste. S'il y avait eu de l'eau stagnante sur la piste, la distance d'immobilisation requise aurait été supérieure. Cependant, l'avion qui venait juste d'atterrir avait signalé que le freinage était passable.
La remise des gaz a été amorcée à quelque 2500 pieds après le seuil de piste à une vitesse de 110 nœuds. Il a été établi que l'avion aurait pu redécoller en toute sécurité si les déporteurs avaient été rentrés.
Utilisation des aérofreins et des déporteurs
Le levier des aérofreins se trouvant à gauche du pylône de commande sert à actionner des panneaux appelés déporteurs qui se trouvent sur les ailes. En vol, en sortant les déporteurs vol vers le haut dans l'écoulement aérodynamique, on réduit la portance et on augmente la traînée. En vol, on peut utiliser les déporteurs vol comme aérofreins pour aider au ralentissement de l'avion. Le manuel d'exploitation du Boeing 727 (Boeing 727 Operations Manual) stipule qu'il ne faut pas utiliser les aérofreins en vol lorsque les volets de courbure sont sortis.
Les déporteurs sont également utilisés pour des opérations au sol. Lorsqu'ils sont sortis au sol, les déporteurs sol sont utilisés avec les déporteurs vol, réduisant la portance et transférant le poids de l'avion des ailes aux roues, améliorant ainsi l'efficacité du freinage des roues. Certains Boeing 727 sont équipés de déporteurs automatiques qui sortent automatiquement à l'atterrissage. Cependant, tous les Boeing 727 exploités par Kelowna Flightcraft sont équipés de déporteurs manuels qui doivent être sortis manuellement après le toucher des roues.
Procédures et formation
Le programme de formation sur simulateur de Kelowna Flightcraft exige que les équipages de conduite s'exercent à effectuer de nombreuses procédures différentes. Certaines procédures, comme la procédure de sortie d'un cisaillement du vent et celle d'évitement du relief avec reprise d'altitude à la suite d'un avertissement du dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS), doivent être effectuées immédiatement et de mémoire. Ces deux procédures stipulent qu'il faut rentrer les aérofreins pour obtenir des performances de montée maximales.
L'article 725.124 des Normes de service aérien commercial (NSAC) exige que les équipages s'exercent à effectuer la procédure normale de remise des gaz, dans différentes configurations, et au moins une remise des gaz à bas régime. Ces procédures sont amorcées avant le toucher des roues. Les procédures de remise des gaz de Boeing et de Kelowna Flightcraft fournissent à l'équipage les directives suivantes :
[Traduction]
- régler la poussée de remise des gaz;
- effectuer une rotation jusqu'à l'assiette de remise des gaz;
- régler les volets à 25° puis à 15°;
- rentrer le train d'atterrissage après confirmation d'une vitesse ascensionnelle franche;
- rentrer les volets et les becs de bord d'attaque en temps opportun.
Comme les volets de courbure sont utilisés en approche et que les déporteurs ne doivent pas être actionnés en vol lorsque les volets de courbure sont sortis, les équipages s'exercent toujours à effectuer la manœuvre de remise des gaz avec les déporteurs rentrés. La procédure de remise des gaz ne stipule pas que les aérofreins doivent être rentrés.
Le manuel d'exploitation de Boeing (Boeing Maneuvers Manual) décrit la procédure de rattrapage d'un rebond à l'atterrissage. Le manuel stipule en partie ce qui suit :
[Traduction]
- maintenir ou rétablir une assiette normale d'atterrissage et, au besoin, augmenter la poussée pour maîtriser le taux de descente;
- dans le cas d'un petit rebond ou d'un saut, il n'est pas nécessaire d'augmenter la poussée;
- dans le cas d'un rebond important et dur avec distance d'atterrissage excessive, il faut obligatoirement effectuer une remise des gaz. Afficher la poussée de remise des gaz et suivre les procédures normales de remise des gaz.
En d'autres termes, dans le cas d'un petit rebond, le pilote peut poursuivre l'atterrissage, alors que dans le cas d'un rebond important, une remise des gaz s'impose. Ces procédures sont décrites dans le manuel d'exploitation de Boeing, mais Kelowna Flightcraft ne dispense pas de formation à ses pilotes sur la procédure à suivre en cas de rebond à l'atterrissage, et elle n'est pas tenue de le faire.
Dans un rapport publié à la suite d'un accident survenu le 9 mai 2004 à Porto RicoFootnote 7, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a fait la recommandation suivante :
[Traduction]
Exiger que tous les transporteurs aériens régis par les parties 121 et 135 du Title 14 du Code of Federal Regulations (14 CFR) intègrent à leur manuel de vol les techniques de rattrapage d'un rebond à l'atterrissage et enseignent ces techniques dans le cadre de la formation initiale et périodique. (A-05-30)
Le 6 septembre 2006, en référence à l'incident précité, la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis a envoyé le bulletin Safety Alert for Operators (SAFO) no 06005 aux titulaires de certificat régis par les parties 121 et 135 du 14 CFR. Le but précis du bulletin était de dire à quel point il est important que les exploitants aient des procédures et dispensent de la formation sur les techniques de rattrapage d'un rebond à l'atterrissage. Dans l'attente des résultats d'un sondage mené auprès des transporteurs régis par les parties 121 et 135 du 14 CFR démontrant que ceux-ci ont adopté les recommandations du bulletin SAFO, la recommandation de sécurité A-05-30 est classée par le NTSB comme une réponse acceptable et le dossier reste ouvert.
De plus, dans le cadre de la formation initiale sur type, les équipages s'entraînent à effectuer des posés-décollés qui ressemblent à une remise des gaz après un toucher des roues au sens où, après un toucher des roues, il y a reconfiguration de l'avion, augmentation de la poussée et décollage. Pour l'entraînement aux posés-décollés, on exige que les équipages vérifient si les déporteurs sont rentrés avant le décollage.
À noter que, pendant l'entraînement aux posés-décollés, il n'est pas inhabituel que le klaxon de configuration de décollage retentisse lorsqu'on pousse sur les manettes des gaz, alors que les volets et les compensateurs sont réinitialisés en vue du décollage.
Par contre, la procédure normale de remise des gaz est muette sur l'utilisation des déporteurs.
Événements antérieurs
L'enquête a permis d'identifier les événements suivants survenus à des avions immatriculés au Canada; deux se sont produits au Canada et un à l'étranger.
- Le 22 mai 2001, un Boeing 737-210C transportant 104 personnes a rebondi à l'atterrissage à son arrivée à Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest). L'enquête a établi qu'une procédure erronée de rattrapage d'un rebond à l'atterrissage avait été suivie. L'avion a subi une accélération verticale de 3,2 g et a été lourdement endommagé (rapport du BST A01W0117).
- Le 20 mai 2007, un CL-600-2B19 Regional Jet avec 40 personnes à son bord a rebondi à l'atterrissage à son arrivée à l'aéroport international de Toronto/Lester B. Pearson (Ontario). Les deux supports de fixation du train d'atterrissage principal se sont rompus, provoquant l'affaissement du train. L'avion a subi des dommages importants (rapport du BST A07O0124).
- Le 28 mai 2007, un Airbus A320 immatriculé au Canada transportant 142 personnes a rebondi à l'atterrissage à son arrivée à Los Angeles en Californie. L'avion a subi une accélération de 3,07 g et a été lourdement endommagé (dossier du BST A07F0093).
Plusieurs accidents et incidents ont été signalés démontrant que d'autres équipages aériens ont eu des problèmes lorsqu'ils ont été confrontés à un rebond à l'atterrissage. L'Annexe A présente un échantillon d'événements de ce genre sur lesquels le NTSB a enquêté.
Enregistreur de la parole dans le poste de pilotage
Le C-GLKF était équipé d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) Fairchild 93-A100-80 d'une capacité d'enregistrement de 30 minutes. Le manuel d'exploitation de la compagnie Kelowna Flightcraft (Kelowna Flightcraft Company Operations Manual) renferme des consignes opérationnelles relatives aux procédures à suivre avec le CVR qui stipulent, en partie, ce qui suit :
[Traduction]
À la suite de tout incident ou accident à l'atterrissage où les bus électriques de l'avion demeurent sous tension, il faut déclencher le disjoncteur du CVR pour préserver les renseignements enregistrés dans le poste de pilotage pour qu'ils puissent être utilisés par la suite par le Bureau de la sécurité des transports du Canada s'il décide d'ouvrir une enquête.
Après un arrêt complet des moteurs et en passant en revue ce qu'il avait à faire, l'équipage du vol KFA281 a réalisé qu'il fallait couper l'alimentation du CVR. Il a communiqué avec le personnel de maintenance, et l'alimentation du CVR a été coupée. Cependant, le temps que l'alimentation soit coupée, les données de l'événement avaient été effacées et remplacées par d'autres, ce qui s'est traduit par la perte de renseignements qui auraient pu être importants pour l'enquête. Le BST a indiqué dans de nombreux rapports d'enquête les avantages qu'il y aurait à ce que tous les CVR conservent au moins deux heures de renseignements sonores.
Le 9 mars 1999, le BST a publié, dans le cadre de son enquête sur l'accident du vol 111 de la Swissair (rapport du BST A98H0003) la recommandation provisoire A99-02 dans laquelle il recommandait à Transports Canada et aux Joint Aviation Authorities (JAA) européennes que :
Dès le 1er janvier 2005, tous les aéronefs qui doivent être équipés d'un FDR et d'un CVR soient tenus d'être équipés d'un CVR d'une capacité d'enregistrement d'au moins deux heures.
Recommandation A99-02 du BST (émise le 9 mars 1999)
Dans sa réponse (reçue par le BST le 7 juin 1999), Transports Canada a indiqué qu'il appuyait cette recommandation, pourvu que soit maintenue l'harmonisation entre les exigences de la FAA et les exigences canadiennes. Transports Canada a également indiqué qu'il avait l'intention de présenter sur le sujet un Avis de proposition de modification (APM) au Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC).
Le 7 mars 2008, la FAA a publié sa règle finale intitulée Revisions to Cockpit Voice Recorder and Digital Flight Data Recorder Regulations (Révisions à la réglementation relative aux CVR et aux FDR) qui stipule que, d'ici au 7 avril 2012, les CVR de tous les avions à moteurs à turbine devront avoir une capacité d'enregistrement de deux heures. Transports Canada déposera les APM sur les exigences propres aux FDR (88 paramètres) à la réunion du Comité technique du CCRAC de novembre 2009, l'objectif étant d'en arriver à la plus grande harmonisation possible avec la FAA. Transports Canada va continuer à travailler à l'élaboration d'APM visant à harmoniser les exigences relatives aux CVR et aux FDR dans le but de respecter l'échéance de 2012 fixée par la FAA.
Le BST est d'avis que, si la modification réglementaire proposée est entièrement mise en œuvre, cette mesure va permettre de réduire considérablement la lacune décrite dans la recommandation A99-02 ou de l'éliminer. En conséquence, le BST estime que la réponse de Transports Canada dénote une intention satisfaisante. Ce dossier est classé actif.
Enregistreurs de données de vol
Le C-GLKF était équipé d'un enregistreur de données de vol (FDR) Sundstrand 980-4120-GQUS à ruban, numéro de série 7386. Le FDR renfermait quelque 26 heures de données ainsi que l'enregistrement de 11 paramètres, dont l'accélération verticale (g).
Les accéléromètres sur le C-GLKF comportaient un filtre passe-bas, comme l'exige le document EUROCAE ED-55 Minimum Operational Performance Specification for Flight Data Recorder Systems (Spécification de performances opérationnelles minimales pour systèmes enregistreurs de données de vol). Lors d'un événement antérieur, le Laboratoire technique du BST avait vérifié la réponse en fréquence des accéléromètres de l'avion pour déterminer le signal de sortie par rapport aux forces mesurées à l'entrée, et il avait établi que le filtrage des accéléromètres provoquait l'atténuation des signaux de ces derniers aux fréquences supérieures à quatre cycles par seconde. Ce filtrage signifie que, selon le contenu en fréquences des données provenant des accéléromètres du C-GLKF, les données des accéléromètres enregistrées peuvent être inférieures à l'intensité des forces réellement subies par l'avion.
Les données FDR indiquent que l'accélération verticale subie par l'avion lors de l'incident aurait pu comporter certaines composantes hautes fréquences. L'accélération verticale enregistrée par le FDR au premier toucher des roues était de 1,9 g, et l'accélération verticale enregistrée au deuxième toucher des roues était de 2,3 g, mais il est probable qu'en raison du filtrage passe-bas des accéléromètres, les accélérations verticales réellement subies par l'avion ont été supérieures.
Analyse
Des orages sévissaient dans la région, mais le vent à l'aéroport au moment de l'incident était léger et il n'y avait pas de cisaillement du vent. L'avion a effectué une approche stable, mais au toucher des roues, le taux de descente a contribué à un atterrissage dur avec rebond.
Après le deuxième toucher des roues, le commandant de bord a décidé de faire une remise des gaz et de ne pas s'arrêter sur la distance de piste restante. L'enquête a permis d'établir que l'avion aurait pu s'immobiliser sur la distance de piste restante qui était dégagée et mouillée. L'avion aurait aussi pu redécoller en toute sécurité à la suite d'une remise des gaz après le toucher des roues, si les déporteurs avaient été rentrés.
Toutefois, la remise des gaz a été amorcée avec les déporteurs sortis. Il en est résulté une augmentation de la traînée qui n'a pas permis à l'avion de redécoller en toute sécurité, et la queue de l'avion et le moteur numéro 2 ont heurté le sol. Le manuel du constructeur fournit des directives sur la façon de réagir à un rebond à l'atterrissage, mais les équipages ne sont pas tenus d'effectuer la procédure de rattrapage d'un rebond à l'atterrissage lors de l'entraînement sur simulateur. De plus, l'équipage du C-GLKF ne s'était pas exercé à effectuer une remise des gaz après un toucher des roues dans le cadre de son entraînement sur simulateur. En conséquence, l'équipage n'avait jamais été exposé à un tel scénario et n'avait jamais eu l'occasion d'apprendre à rentrer les déporteurs tout en effectuant une remise des gaz.
Le commandant de bord a décidé d'effectuer une remise des gaz parce qu'il a jugé que la distance de piste restante était insuffisante pour immobiliser l'avion sur la piste, notamment à cause de la présence possible d'eau stagnante sur la piste. Cette décision est cohérente avec la procédure de rattrapage d'un rebond à l'atterrissage de Boeing en cas de rebond important et dur au cours duquel une distance d'atterrissage excessive est utilisée; dans de telles circonstances, une remise des gaz est obligatoire.
Le klaxon de configuration de décollage aurait dû alerter l'équipage que l'avion n'était pas bien configuré, mais l'avion se déplaçait à vitesse élevée, ne laissant à l'équipage que très peu de temps pour analyser la situation. Il fallait que l'équipage reconfigure l'avion dans des conditions très stressantes et alors que la charge de travail était particulièrement importante. La complexité de la manœuvre a également été accrue à cause du transfert des commandes. De plus, comme l'équipage ne s'était jamais exercé à effectuer la manœuvre de rattrapage d'un rebond à l'atterrissage, cela a probablement contribué au fait qu'il n'a pas rentré les déporteurs.
Lorsque le klaxon de configuration de décollage a retenti, l'équipage n'a pas réalisé immédiatement que les déporteurs n'étaient pas rentrés. Deux explications sont possibles : comme l'équipage avait déjà entendu ce klaxon pendant son entraînement aux posés-décollés, il ne l'a pas associé à un avertissement, s'attendant à ce qu'il cesse de retentir une fois que l'avion aurait été reconfiguré; ou l'équipage était trop occupé pour l'entendre. Quoi qu'il en soit, le klaxon n'a pas fourni l'avertissement nécessaire pour attirer l'attention immédiate de l'équipage sur la position des déporteurs.
L'équipage a effectué la procédure de remise des gaz telle qu'elle est décrite dans le manuel du constructeur et le manuel de l'exploitant. Toutefois, contrairement à la procédure de sortie d'un cisaillement du vent et à celle d'évitement du relief avec reprise d'altitude à la suite d'un avertissement du GPWS, la procédure de remise des gaz ne stipule pas qu'il faut rentrer les déporteurs. En l'absence de procédures pour garantir que les déporteurs sont rentrés en cas de remise des gaz après le toucher des roues, il se peut que les équipages laissent le levier des aérofreins en position sortie, ce qui accroît le risque que l'avion ne soit pas en mesure de prendre la pente de montée requise.
Le temps que le personnel de maintenance coupe l'alimentation, toutes les données de l'événement enregistrées par le CVR avaient été effacées et remplacées par d'autres. L'absence de données sur la remise des gaz dans le CVR d'une capacité d'enregistrement de 30 minutes a nui à l'enquête; elle a limité la capacité des enquêteurs à obtenir rapidement tous les renseignements nécessaires à la compréhension de l'événement. Un CVR d'une capacité d'enregistrement de deux heures aurait enregistré les données sur la remise des gaz et fourni des renseignements importants pour l'enquête.
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 100/2008 – FDR/CVR Analysis (Analyse du FDR et du CVR)
On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- La remise des gaz a été amorcée avec les déporteurs sortis. Il en est résulté une augmentation de la traînée qui n'a pas permis à l'avion de redécoller en toute sécurité, et la queue de l'avion et le moteur numéro 2 ont heurté le sol.
- Du fait qu'il n'avait pas reçu de formation en cas de rebond à l'atterrissage ou de remise des gaz après le toucher des roues, l'équipage n'a pas rentré les déporteurs.
Faits établis quant aux risques
- Les procédures de rattrapage d'un rebond à l'atterrissage et de remise des gaz n'exigent pas que les équipages rentrent les déporteurs. En cas de remise des gaz après le toucher des roues, il se peut que les équipages laissent le levier des aérofreins en position sortie, ce qui accroît le risque que l'avion ne soit pas en mesure de prendre la pente de montée requise.
- Les données de l'événement enregistrées par l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) ont été effacées et remplacées par d'autres. L'absence de données CVR a limité la capacité des enquêteurs à obtenir rapidement tous les renseignements nécessaires à la compréhension de l'événement.
Autre fait établi
- Des accélérations verticales de 1,9 g et 2,3 g ont été enregistrées, mais il est probable que les accélérations verticales réellement subies par l'avion ont été supérieures.
Mesures de sécurité
Mesures prises
Mesures prises par Boeing
Boeing a indiqué qu'il allait publier un article dans le Fleet Team Digest à la fin de 2009. Cet article vise à rappeler aux équipages de rentrer les déporteurs lors d'une interruption de l'atterrissage ou d'une remise des gaz après le toucher des roues.
Mesures prises par Kelowna Flightcraft Air Charter Ltd.
Le 14 août 2008, une note de service concernant l'incident du 22 juillet 2008 a été transmise à tous les équipages de Kelowna Flightcraft. Présentée sous forme de discussion générale sur le partage des tâches entre PF (pilote aux commandes) et PNF (pilote non aux commandes), la note rappelait aux équipages les directives du manuel d'exploitation de la compagnie relatives à l'exécution par le commandant de bord de l'approche ou de l'atterrissage quand les conditions sont moins que bonnes en raison de turbulences ou de contamination de la piste. Elle traitait également de l'importance, pour les membres d'équipage peu expérimentés, de dire clairement et franchement si, pour un motif quelconque, ils ne se sentent pas à l'aise avec l'idée d'effectuer l'atterrissage.
Depuis novembre 2008, on utilise l'incident à l'atterrissage du 22 juillet 2008 survenu à l'aéroport de Hamilton (Ontario) comme étude de cas pour le programme de formation en gestion des ressources de l'équipage (CRM) de 2008-2009 de la compagnie. Il est axé sur les niveaux d'expérience de l'équipage de conduite, sur la vue d'ensemble, sur la communication, sur l'assertivité ainsi que sur la nécessité pour les commandants de bord de bien évaluer la situation avant de confier l'exécution de l'atterrissage à un membre d'équipage peu expérimenté. À ce jour, la majorité des pilotes de Kelowna Flightcraft a assisté à cette présentation.
Le 9 décembre 2008, la compagnie a publié le Blue Bulletin 08-01 instaurant une modification des procédures concernant l'exploitation du Boeing 727. Le bulletin modifie la procédure recommandée par Boeing en ajoutant une annonce par le PF quand les aérofreins sont sortis à l'atterrissage. Le PF doit annoncer « SPEEDBRAKES UP » (aérofreins sortis) lorsqu'il prend cette mesure, laquelle doit être vérifiée visuellement par le PF et le second officier. Cela permet d'assurer que la configuration de l'avion est annoncée, et il en résulte une amélioration de la vue d'ensemble de la situation.
Mesures requises
Entraînement en matière de rebond à l'atterrissage
Les Normes de service aérien commercial exigent que les équipages s'exercent à effectuer la procédure d'atterrissage interrompu et la procédure normale de remise des gaz. Ces procédures sont entreprises toutes deux avant le toucher des roues principales.
L'équipage du C-GLKF a dû réagir à un rebond à l'atterrissage. Le manuel du constructeur fournit des directives sur la façon de réagir à une telle situation, mais les équipages ne reçoivent pas d'entraînement à ces manœuvres. L'équipage a réussi à effectuer une remise des gaz et à revenir atterrir en toute sécurité, mais l'avion a subi des dommages.
Les données sur les accidents indiquent que d'autres équipages aériens ont également eu des problèmes pendant les manœuvres exécutées après un rebond à l'atterrissage.
Aux États-Unis, de l'entraînement est dispensé aux équipages en guise de mesures d'atténuation des risques inhérents aux rebonds à l'atterrissage. Toutefois, les exploitants canadiens ne sont pas tenus de former leurs équipages aux techniques de rattrapage d'un rebond à l'atterrissage. En l'absence d'entraînement visant à améliorer les compétences et la sensibilisation des équipages aux risques associés à cette manœuvre, les équipages et le public voyageur continuent d'être exposés à un niveau de risque inacceptable.
En conséquence, le Bureau recommande que :
le ministère des Transports exige que les transporteurs aériens intègrent les techniques de rattrapage d'un rebond à l'atterrissage dans leur manuel de vol et qu'ils enseignent ces techniques pendant la formation initiale et périodique.
Recommandation A09-01 du BST
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A – Incidents liés à des rebonds à l'atterrissage
Date | Type d'aéronef | Lieu | Remarques |
---|---|---|---|
2004-09-19 | Boeing MD-11 | Memphis, Tennessee, É.-U. |
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2001-07-02 | Lockheed L-382G | Lac Minchumina, Alaska, É.-U. |
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2000-02-12 | Boeing 757-232 | San Salvador, Salvador |
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1999-06-02 | Boeing 757-232 | Phoenix, Arizona, É.-U. |
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1998-08-14 | Boeing 737-400 | Juneau, Alaska, É.-U. |
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1997-07-31 | MD-11 | Newark, New Jersey, É.-U. |
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1996-05-16 | MD-11 | Anchorage, Alaska, É.-U. |
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1994-11-04 | MD-11 | Anchorage, Alaska, É.-U. |
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Annexe B – Sigles et abréviations
- agl
- au-dessus du sol
- APM
- Avis de proposition de modification
- APU
- groupe auxiliaire de bord
- ATC
- contrôle de la circulation aérienne
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- CCRAC
- Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne
- CFR
- Code of Federal Regulations des États-Unis
- EUROCAE
- Organisation européenne pour l'équipement électronique de l'aviation civile
- FAA
- Federal Aviation Administration des États-Unis
- FDR
- enregistreur de données de vol
- g
- accélération verticale
- GPWS
- système avertisseur de proximité du sol
- Kelowna Flightcraft
- Kelowna Flightcraft Kelowna Flightcraft Air Charter Ltd.
- KFA281
- vol 281 de Kelowna Flightcraft Air Charter Ltd.
- LDA
- distance d'atterrissage utilisable
- NSAC
- Normes de service aérien commercial
- NTSB
- National Transportation Safety Board des États-Unis
- PAPI
- indicateur de trajectoire d'approche de précision
- PF
- pilote aux commandes
- PNF
- pilote non aux commandes
- SAFO
- Safety Alert for Operators
- sm
- mille terrestre
- °
- degré
- °C
- degré Celsius
- °T
- degré vrai
- °M
- degré magnétique
- 14CFR
- Title 14 du CFR