Rapport d'enquête aéronautique A09P0156

Perte de puissance moteur et atterrissage forcé
de l'aéronef de construction amateur Glastar C-GMDP
à 6 nm au sud-sud-ouest de Chetwynd (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    L'aéronef de construction amateur Glastar (immatriculation C-GMDP, numéro de série 5112) quitte Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest) pour effectuer un vol de tourisme à destination de Kelowna (Colombie-Britannique) avec deux pilotes à son bord. Vers 14 h 1, heure avancée du Pacifique, tout juste après que l'avion survole Chetwynd (Colombie-Britannique), le groupe motopropulseur se met à vibrer fortement, puis il perd de la puissance. Le régime moteur est réduit à 1000 tours/minute, et une tentative d'atterrissage forcé dans un champ est engagée. En courte finale, l'avion heurte une ligne électrique. Il dévie de sa trajectoire vers la droite où il entre en collision avec des arbres et le relief ascendant. Le pilote occupant le siège gauche est blessé, mais sa vie n'est pas mise en danger. Le pilote assis dans le siège droit est blessé mortellement. La radiobalise n'émet aucun signal, et aucun incendie ne se déclare. L'interrupteur de la radiobalise est retrouvé en position « OFF ».

    Renseignements de base

    L'avion a été ravitaillé en carburant à Dawson Creek (Colombie-Britannique). Il atteignait presque sa masse maximale brute et respectait les limites prescrites de centrage lorsqu'il a décollé de cet endroit. En route, il est passé de 5500 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) à 3500 pieds asl en raison de turbulence. Lorsque la vibration s'est produite, le pilote assis dans le siège gauche a passé les commandes au pilote plus expérimenté qui occupait le siège droit. On n'a signalé aucun problème relativement à la maîtrise de l'avion.

    Après avoir sectionné la ligne électrique et changé de direction, l'avion a heurté la cime d'une rangée d'arbres; il a évité une maison et un garage de justesse. Il a ensuite heurté les arbres du relief ascendant. Les deux ailes se sont repliées vers l'arrière et diverses surfaces ont été arrachées.

    Le lieu de l'accident se trouvait à côté de la route 97, à 6 milles au sud-sud-ouest de Chetwynd (Colombie-Britannique), à 55° 37' 13,825" N 121° 34' 27,710" O, à environ 1800 pieds asl. Les prévisions météorologiques de Chetwynd à 14 h, heure avancée du Pacifique (HAP)Note de bas de page 1, étaient les suivantes : vent du sud à 9 km/h avec des rafales soufflant jusqu'à 30 km/h, visibilité de 30 milles terrestres (sm), nuages fragmentés en altitude et température de 26 °C.

    L'examen de l'épave a révélé que la culasse du cylindre numéro deux s'était détachée de la base (voir la Photo 1) et que le vilebrequin s'était rompu à la bride de l'hélice. Lorsque la défaillance s'est produite, le moteur totalisait 212 heures de vol depuis sa mise en service initiale.

    Photo 1. Culasse du cylindre numéro deux
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    Photo of Culasse du cylindre numéro deux

    Le vilebrequin du moteur s'est cisaillé au moyeu de l'hélice, et l'hélice a été retrouvée enchâssée dans un arbre sur le lieu de l'accident (voir la Photo 2). L'hélice portait des traces d'indentations et d'éraflures qui correspondent aux dommages causés par la collision avec la ligne électrique sectionnée.

    Photo 2. Hélice de C-GMDP
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    Photo of Hélice de C-GMDP

    Le pilote occupant le siège gauche possédait une licence de pilote privé canadienne valide l'autorisant à piloter des avions terrestres et des hydravions monomoteurs. Le pilote du siège droit possédait une licence de pilote d'avion ultra-léger et un permis de pilote de loisir canadiens, délivrés sur la base d'une licence de pilote privé suisse valide pour des avions terrestres et des hydravions et assujettie aux restrictions suivantes : limite d'un passager, vol VFR de jour seulement, valide seulement dans l'espace aérien canadien et lunettes à portée de la main. Le pilote avait également acquis de l'expérience comme pilote d'hélicoptère. Les deux pilotes étaient certifiés et qualifiés pour le vol conformément à la réglementation en vigueur.

    Le Glastar était un avion à voilure haute, équipé de deux sièges côte à côte, d'un train d'atterrissage tricycle et d'un moteur Aero Sport Power O-360-A2A (numéro de série 0808-SPE) pouvant développer une puissance de 190 HP. L'avion était bien équipé et entretenu (voir la Photo 3).

    Photo 3. Aéronef de construction amateur Glastar, C-GMDP
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    Photo of Aéronef de construction amateur Glastar, C-GMDP

    Le moteur Aero Sport Power O-360-A2A est assemblé par Aero Sport Power à Kamloops (Colombie-Britannique). Ces moteurs sont construits au moyen de pièces achetées de divers fournisseurs qui sont titulaires d'une Parts Manufacturing Authority (PMA), délivrée par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis. Le moteur Aero Sport Power O-360-A2A peut être décrit comme un clone sans certificat du moteur Avco Lycoming O-360-A2A, pour lequel la FAA a délivré le certificat de type numéro E-286.

    Les pièces des PMA peuvent être vendues avec une certification à des fins de pose dans des moteurs pour lesquels un certificat de type a été délivré. Le moteur Aero Sport Power O-360-A2A est vendu aux constructeurs d'aéronefs amateurs à titre de moteur expérimental, et Transports Canada n'exige aucune certification pour la catégorie en question.

    Aero Sport Power utilise des cylindres fabriqués par Engine Components inc. (ECi). Au moment de l'assemblage du moteur, Aero Sport Power a posé des pistons qui ont augmenté le taux de compression de 8.5:1 à 9.2:1.

    Le cylindre ayant subi une défaillance a été envoyé au Laboratoire technique du BST aux fins d'examen. Une analyse du faciès de rupture du cylindre numéro deux et du vilebrequin cisaillé a été effectuée. La bride d'hélice reliée au vilebrequin montrait des signes d'une légère fragilisation par l'hydrogène. On a déterminé que le vilebrequin s'était rompu à cause de la surcharge provoquée par l'impact. La légère fragilisation par l'hydrogène n'a pas causé l'accident en question.

    À l'automne 2008, la FAA a publié la consigne de navigabilité (CN) numéro 2008-19-05 qui traitait des cylindres fabriqués par ECi et posés dans les moteurs Lycoming. La CN faisait état d'un défaut de fabrication qui causait la séparation de la culasse du cylindre de sa base. Toutefois, elle ne traitait pas des moteurs ayant des taux de compression accrus. Les moteurs pour lesquels un certificat de type n'a pas été délivré, comme le moteur Aero Sport Power, n'étaient pas mentionnés dans la CN en question. Le faciès de rupture de la culasse du cylindre ayant subi une défaillance correspondait à celui habituellement provoqué par une défaillance due à la fatigue, ce dont traitait la CN susmentionnée.

    Avant la publication de la CN numéro 2008-19-05, ECi avait diffusé le bulletin de service obligatoire (BSO) numéro 08-1. Le bulletin en question prescrivait d'inspecter et de remplacer tout cylindre défectueux dans les 350 heures de vol à compter de la mise en service initiale.

    Le 29 avril 2009, Aero Sport Power a avisé par courriel les propriétaires de l'avion accidenté que trois des cylindres de leur moteur étaient visés par le BSO d'ECi. Le propriétaire/pilote survivant n'était pas au courant de la CN numéro 2008-19-05 ni du BSO concernant les cylindres défectueux. En outre, il n'avait pas participé à la construction de l'avion. Le propriétaire/pilote décédé avait construit l'avion. Les dossiers de l'avion n'indiquaient pas la conformité à la CN ni au BSO. Toutefois, les dossiers indiquaient que les vérifications de la pression différentielle prescrites par la CN avaient été effectuées. Aucune des vérifications de la pression différentielle n'a donné des valeurs qui auraient commandé la tenue d'une inspection ou de mesures plus poussées conformément à la CN. Ces vérifications ont été exécutées 22 heures avant la défaillance dans le cadre des derniers travaux d'inspection et d'entretien annuels.

    Transports Canada avise les propriétaires et les exploitants d'avions privés ou commerciaux, pour lesquels des certificats de type ont été délivrés pour la cellule, les moteurs et les hélices, que des consignes de navigabilité ont été publiées. Cependant, l'article 593.01 - Application, de la Norme 593 - Consignes de navigabilité, issue du Règlement de l'aviation canadien (RAC), contient les Notes d'information suivantes :

    1. Le ministre n'émet pas de consigne de navigabilité (CN) en ce qui concerne les aéronefs de construction amateur, maintenance par le propriétaire et les aéronefs ultra-légers.
    2. Les CN sont émises pour des produits aéronautiques indépendamment du type de l'aéronef concerné. Quand une CN est émise pour identifier un produit aéronautique qui exhibe un danger, il est fort probable que cette situation existe indépendamment du type d'aéronef sur lequel le produit puisse être installé. Bien que les exigences de la CN ne s'appliquent pas aux aéronefs de construction amateur, maintenance par le propriétaire et aux aéronefs ultra-légers, les propriétaires de tels aéronefs sont enjoints d'y porter une attention particulière.

    Le Système Web d'information sur le maintien de la navigabilité (SWIMN) est un site Web permettant aux usagers d'entrer une marque d'immatriculation canadienne et de consulter la liste des consignes de navigabilité visant l'aéronef en question, ainsi que son moteur et son hélice si un certificat de type a été délivré à leur égardNote de bas de page 2. Les propriétaires de l'avion accidenté ont enregistré le moteur comme étant un Avco Lycoming O-360-A2A, pour lequel un certificat de type a été délivré. Il s'agissait d'un moyen pour eux d'obtenir les consignes de navigabilité et les renseignements pouvant concerner leur moteur. Toutefois, les propriétaires de l'avion accidenté devaient lancer une recherche pour savoir si de nouvelles consignes de navigabilité avaient été publiées ou non. Lorsque l'immatriculation C-GMDP a été entrée dans la base de données, de nombreuses consignes de navigabilité concernant le moteur ont été extraites, y compris le document numéro 2008-19-05. Depuis l'accident, Transports Canada a modifié les renseignements concernant l'avion accidenté dans le SWIMN, afin d'ajouter le moteur Aero Sport Power. Aucune liste de consignes de navigabilité n'existe pour ce dernier moteur.

    Selon la base de données de Transports Canada contenant les aéronefs immatriculés, environ 33 000 aéronefs sont immatriculés au Canada. Aucun certificat de type n'a été délivré pour un tiers de ces appareils (10 428). Il semblerait que certains de ces aéronefs soient à l'état de projet, donc qu'ils n'auraient jamais volé, ou des aéronefs qui ont subi un accident et dont l'immatriculation n'a jamais été rayée du registre. Tous les ans, de plus en plus d'aéronefs sont immatriculés dans ce secteur de l'aviation.

    Aucune réglementation ne limite l'utilisation de ces avions au-dessus des zones bâties, sauf en ce qui concerne leur mise en service initiale alors que leur utilisation doit être limitée pendant les 25 premières heures de vol.

    Analyse

    La défaillance de la culasse du cylindre s'est produite à 212 heures de vol depuis sa mise en service initiale, bien avant la limite de 350 heures indiquée dans la CN. Les vérifications de la compression effectuées 22 heures avant l'accident en question n'ont pas permis de déceler un problème. Ce fait n'est pas inhabituel, car les vérifications de compression ne détecteront pas nécessairement une défaillance imminente. Il est possible que la défaillance prématurée du cylindre ait été causée par le taux de compression accru du moteur.

    Le propriétaire/pilote survivant n'était pas au courant de la publication d'une CN critique visant le moteur. Son partenaire décédé avait été avisé par courriel du BSO, lequel est mentionné dans la CN, et il avait effectué les vérifications de pression différentielle requises. Il restait beaucoup d'heures de vol à la culasse avant qu'elle n'atteigne la limite de 350 heures de vol.

    Transports Canada ne publie pas de CN pour les aéronefs, les hélices, les moteurs et l'équipement pour lesquels aucun certificat de type n'a été délivré. Il n'avise pas non plus les propriétaires de ces aéronefs que des consignes de navigabilité pouvant les toucher ont été publiées.

    Le nombre d'aéronefs de construction amateur entretenus par les propriétaires et d'avions ultra-légers augmente d'année en année. Il incombe aux propriétaires de s'assurer de la navigabilité de leur aéronef. Sans des mesures de protection supplémentaires, il y a un plus grand risque que ces aéronefs ne soient pas bien construits et entretenus.

    Ces aéronefs sont souvent utilisés à proximité de zones densément peuplées, ce qui augmente les risques encourus par le public et les biens.

    L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

    • LP 085/2009 – Examination of Cylinder and Crankshaft (Examen des cylindres et du vilebrequin.)

    Ce rapport est disponible sur demande auprès du Bureau de la sécurité des transports du Canada.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. La défaillance du cylindre numéro deux a provoqué la perte de puissance moteur.
    2. Pendant la tentative d'atterrissage forcé, l'avion a heurté une ligne électrique; il y a eu perte de maîtrise de l'avion, et ce dernier a heurté des arbres et le relief.

    Fait établi quant aux risques

    1. Les propriétaires d'aéronefs pour lesquels aucun certificat de type n'a été délivré ne sont pas avisés des consignes de navigabilité pouvant être très importantes pour la sécurité aérienne, et ils ne sont pas tenus de se conformer aux consignes en question. Il y a donc un plus grand risque que la collectivité des propriétaires d'aéronefs de construction amateur ne traite pas d'importantes questions de navigabilité.

    Autres faits établis

    1. Le nombre d'aéronefs de construction amateur entretenus par leurs propriétaires et d'avions ultra-légers ne cesse de croître. Le public et les biens courent donc un plus grand risque si ces appareils sont mal conçus, construits et entretenus.
    2. Des traces d'une légère fragilisation par l'hydrogène ont été relevées dans le vilebrequin. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un facteur contributif dans le présent accident, ce problème accroît le risque de défaillance avec le temps.

    Mesures de sécurité

    Aero Sport Power

    Aero Sport Power a avisé tous les propriétaires de moteurs potentiellement visés par la CN numéro 2008-19-05 ainsi que ceux qui ont augmenté le taux de compression de leurs moteurs.

    Réseau aéronefs amateur Canada

    Le Réseau aéronefs amateur Canada a publié un avis à ses membres au sujet de la CN numéro 2008-19-05 et des effets possibles causés par l'augmentation du taux de compression du moteur. L'avis en question rappelle également aux membres la façon d'effectuer une recherche au moyen de l'immatriculation d'un aéronef dans le site Web du Système Web d'information sur le maintien de la navigabilité (SWIMN) de Transports Canada.

    Danbury Aerospace

    Danbury Aerospace, la société mère d'Engine Components Inc. (ECi), a choisi de limiter le taux de compression des cylindres fournis dans ses moteurs prêt-à-monter.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .