Rapport d'enquête aéronautique A10A0032

Rapport d'enquête aéronautique
Sortie de piste
du Boeing 727-225, CGCJZ
exploité par Cargojet Airways Ltd.
à Moncton (Nouveau-Brunswick)
le

Rapport numéro A10A0032

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 24 mars 2010, à 1 h 20, heure avancée de l'Atlantique, le Boeing 727-225 (immatriculé C-GCJZ et portant le numéro de série 21854) assurant le vol 620 de Cargojet (ci-après CargoJet 620), quitte l'aéroport international John Munro de Hamilton (Ontario) pour effectuer un vol de transport de fret à horaire régulier à destination de l'aéroport international du Grand Moncton (Nouveau-Brunswick) avec, à son bord, 3 membres d'équipage. Après une approche à l'aide du système d'atterrissage aux instruments, l'avion se pose à 3 h 7 sur la piste 06 longue de 6150 pieds. Après le toucher des roues, l'équipage est incapable d'immobiliser l'avion avant l'extrémité de la piste. L'avion finit par s'arrêter dans une épaisse couche de boue, le train avant à quelque 340 pieds au-delà de l'extrémité de la piste et à environ 140 pieds au-delà de la bande d'extrémité de piste en dur. Un service d'incendie de l'endroit intervient et arrive sur les lieux environ 20 minutes après la sortie de piste de l'avion. L'équipage de conduite sort de l'avion à l'aide d'une échelle fournie par les pompiers. Personne n'est blessé et l'avion n'est que légèrement endommagé.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Déroulement du vol

    Avant de partir, l'équipage de conduite a effectué les préparatifs entourant le vol, ce qui lui a permis de remarquer que les conditions météorologiques à Moncton faisaient état de rafales de vent et de pluie légère.

    En cours de route, l'équipage de conduite a obtenu le message Bravo du service automatique d'information de région terminale (ATIS) et a consulté tant le tableau de la masse permise en fonction de la longueur de piste disponible à l'atterrissage (voir l'annexe A) que le tableau de la distance d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol (voir l'annexe B). Par la suite, l'équipage de conduite a décidé de faire une approche de la piste en service, à savoir la piste 06, à l'aide du système d'atterrissage aux instruments (ILS).

    À 3 h 3 min 57Footnote 1, avant l'interception de la trajectoire de descente, Cargojet 620 a été autorisé à se poser sur la piste 06. Le vent en surface signalé par le contrôleur de la tour de Moncton soufflait du 110° magnétiques (M) à 8 nœuds avec des rafales à 17 nœuds. Quelques instants plus tard, le pilote automatique a capté le signal du radiophare d'alignement de descente, et la descente a débuté. Presque au même moment, le signal du radiophare d'alignement de piste a été capté et l'avion a commencé à se mettre en rapprochement.

    Peu après avoir établi l'avion sur les trajectoires de descente et d'alignement de piste, le commandant de bord, qui était le pilote aux commandes (PF), a décidé de faire une approche ILS manuelle de la piste 06. Le pilote automatique a alors été débrayé et le passage en revue de la liste des vérifications à l'atterrissage a débuté. Peu de temps après, vers 3 h 5 min 23, l'avion a dérivé au-dessus de la trajectoire de descente, les instruments de bord affichant un écart d'une graduation. Tant le premier que le second officiers ont remarqué cet écart et, conformément aux procédures d'utilisation normalisées (SOP) de Cargojet, les annonces appropriées ont été faites. Le commandant de bord a réagi en prenant les mesures correctives qui s'imposaient pour ramener l'avion sur la trajectoire de descente. Vers 3 h 5 min 30, l'avion a survolé le repère d'approche finale (à savoir le radiophare non directionnel de Riverview). À cet instant, l'avion se trouvait apparemment à environ 50 pieds au-dessus de l'altitude de référence de la trajectoire de descente, laquelle est de 2070 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). L'avion a été ramené sur la trajectoire de descente et y est demeuré jusqu'à ce qu'il survole le seuil de la piste.

    L'équipage de conduite a commencé à voir la piste 06 à environ 2 milles marins (nm) du seuil. En approche finale, l'avion volait à un cap d'environ 066 °M afin de corriger la composante du vent traversier soufflant de la droite. En passant 600 pieds asl en descente, l'avion est arrivé dans de la forte pluie. Au passage des minima, les essuie-glaces ont été mis en marche. L'avion a survolé le seuil de piste, sur la trajectoire descente, à une vitesse indiquée de 165 nœuds (KIAS). L'avion s'est posé environ 9 secondes plus tard, à une distance du seuil de la piste 06 comprise entre 2000 et 2500 pieds et à une vitesse approximative de 157 KIAS. Entre le survol du seuil et le toucher, le taux moyen de descente de l'avion a été, d'après les calculs, de l'ordre de 400 pieds/minute. Le cap au moment du toucher était de 59,8 °M, soit 2,2 ° de moins que le cap de la piste qui est de 062 °M. Au toucher, les aérofreins automatiques sont sortis. Environ 3 secondes après le toucher, les inverseurs de poussée ont été déployés. L'avion s'est alors mis à obliquer vers la droite pour atteindre un cap maximal d'environ 068 °M, à la suite de quoi l'inversion de poussée a été réduite; toutefois, les freins de palonnier n'ont pas été relâchés. Environ 3 secondes plus tard, alors que l'avion repassait par le cap de la piste, il y a eu à nouveau emploi de l'inversion de poussée maximale. L'équipage de conduite a été incapable d'immobiliser l'avion, lequel a dépassé la bande d'extrémité de piste en dur longue de 60 mètres et a quitté la surface en dur à une vitesse indiquée d'environ 50 nœuds. L'avion a fini par s'arrêter dans une épaisse couche de boue, approximativement 27 secondes après s'être posé sur la piste 06 (voir la photo 1). L'équipage a appuyé au maximum sur les freins de palonnier peu après le toucher et a maintenu ce freinage maximal pendant toute la course à l'atterrissage.

    Photo 1. L'avion en question embourbé (photo prise pendant les opérations de dégagement)
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    Photo of L'avion en question embourbé (photo prise pendant les opérations de dégagement)

    Une fois l'avion immobilisé, l'équipage a signalé la sortie de piste au contrôleur de la tour de Moncton et a demandé l'aide des services de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronefs (SLIA). Après avoir confirmé visuellement qu'aucun incendie ne s'était déclaré après les faits, l'équipage de conduite a tiré les disjoncteurs de l'enregistreur de données de vol (FDR) et de l'enregistreur de conversations dans le poste de pilotage (CVR) afin de préserver les renseignements qu'ils contenaient.

    Une fois les moteurs de l'avion coupés et les pompiers arrivés sur place, de l'eau stagnanteFootnote 2 était visible sur la piste 06 (voir la photo 2). Rien n'indiquait la présence de glace ou de neige fondante.

    1.2 Renseignements sur l'équipage de conduite

    L'équipage se composait du commandant de bord, du premier officier et du second officier.

    Renseignements sur l'équipage de conduite
    Commandant de bord Premier officier Second officier
    Licence ATPL(A) ATPL(A) ATPL(A)
    Date d'expiration du certificat de validation 1er septembre 2010 1er mai 2010 1er novembre 2010
    Heures de vol totales 6518 4845 4560
    Heures de vol sur type 5148 1903 1061
    Heures libres avant le début de la période de travail 14 13 48+

    Les dossiers indiquent que l'équipage de conduite possédait les qualifications et les compétences nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le commandant de bord était assis en place gauche et était le PF. Rien n'indiquait qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques, comme la fatigue, avait eu une incidence sur le rendement de l'équipage de conduite.

    L‘équipage de conduite s'était déjà rendu à CYQM à plusieurs reprises. Toutefois, le premier officier ne s'était encore jamais posé sur la piste 06 et le commandant de bord ne s'y était posé qu'une fois avant les faits.

    Photo 2. Présence d'eau sur la piste 06 (photo prise quelques heures après les faits)
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    Photo of Présence d'eau sur la piste 06 (photo prise quelques heures après les faits)

    1.3 L'aéronef

    Les dossiers indiquent que l'appareil était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. La masse et le centrage se trouvaient à l'intérieur des limites prescrites.

    Le train d'atterrissage de l'avion se compose de 2 trains d'atterrissage principaux à roues jumelées ainsi que d'un train avant à roues jumelées. Chaque train est doté de freins hydrauliques à disques multiples. Le circuit de freinage hydraulique est le circuit de freinage normal, et il est commandé au moyen des pédales de palonnier du commandant de bord et du premier officier. L'avion en question n'était pas équipé de freins automatiques.

    Un dispositif de freinage antipatinage Mark III offre une protection contre le patinage des roues pendant un freinage normal. Lorsque ce dispositif est en marche, il régule automatiquement la pression des freins afin de maximiser le freinage normal tout en empêchant le blocage des roues en mouvement.

    Rien n'indiquait que le mauvais fonctionnement d'un système de l'avion avait contribué au présent événement.

    1.4 Conditions météorologiques

    Les conditions météorologiques réelles signalées par un observateur qualifié à CYQM avant l'arrivée de Cargojet 620 étaient les suivantes :

    Message ATIS Bravo émis à 2 h : vent de surface du 080 °M à 15 nœuds avec rafales à 25 nœuds, visibilité de 5 milles terrestres (sm) dans de la pluie légère et de la brume, nuages fragmentés à 600 pieds agl, couvert nuageux à 1000 pieds agl, température de 1 °C, point de rosée de 1 °C, calage altimétrique de 29,56 pouces de mercure (po Hg). Remarques : pluie récente. Compte rendu d'état de surface de piste (RSC) fait à 19 h 6 : toutes les pistes 100 % dégagées et mouillées.

    Message ATIS Charlie émis à 3 h : vent de surface du 090 °M à 8 nœuds avec rafales à 17 nœuds, visibilité de 4 sm dans de la forte pluie et de la brume, nuages fragmentés à 600 pieds agl, couvert nuageux à 900 pieds agl, température de 2 °C, point de rosée de 1 °C, calage altimétrique de 29,54 po Hg. Compte rendu RSC fait à 19 h 6 : toutes les pistes 100 % dégagées et mouillées.

    Le message ATIS Charlie a été émis alors que Cargojet 620 était en approche finale de la piste 06. Par conséquent, l'équipage de conduite n'a pas pris connaissance du message ATIS Charlie, mais il n'y était pas tenu à ce stade de l'approche.

    Les conditions météorologiques n'avaient pas varié suffisamment pendant cette période pour nécessiter la diffusion d'un message d'observation spéciale (SPECI), lequel aurait alors été relayé à l'avion par la tour de contrôle. Un message SPECI est exigéFootnote 3 lorsqu'il commence ou qu'il cesse de pleuvoir ou de bruiner.

    Au moment des faits, rien n'obligeait à diffuser un message SPECI pour signaler que la pluie passait de légère à forte. Toutefois, en novembre 2010, la modification 75 de l'Annexe 3 de l'OACI, à laquelle l'alinéa 804.01 a) du Règlement de l'aviation canadien (RAC) fait référence, est entrée en vigueur. Cette modification exige maintenant qu'un message SPECI soit publié en cas d'apparition, de cessation ou de variation d'intensité de précipitations verglaçantes, de précipitations modérées ou fortes et d'orages (avec des précipitations).

    L'enquête a permis d'établir qu'au moment des faits, il pleuvait depuis plus de 9 heures à CYQM. Dans les 6 heures ayant précédé les faits, un total de 17,2 mm de pluie était tombé à CYQM. Et dans les 6 heures ayant suivi, il est encore tombé 10,2 mm de pluie à CYQM.

    1.5 Renseignements sur l'aéronef

    À CYQM, l'aéroport possède 2 pistes en asphalte (voir l'annexe C). La piste 06/24 est longue de 6150 pieds et large de 200 pieds. La piste 06, qui présente une pente descendante de 0,47 %, est desservie par une approche de précision à l'ILS. La hauteur de décisionFootnote 4 de l'approche à l'ILS de la piste 06 est fixée à 425 pieds asl, soit 200 pieds agl. La piste 11/29 est quant à elle longue de 8000 pieds et large de 200 pieds, et elle est desservie par une approche de non précision en navigation de surface (RNAV) et au radiophare non directionnel (NDB). L'altitude minimale de descente (MDA) de l'approche RNAV de la piste 11 est de 600 pieds asl, ce qui correspond à 369 pieds agl. La MDA de l'approche au NDB de la piste 11 est de 660 pieds asl, ce qui équivaut à 429 pieds agl. Les deux pistes ont une bande d'extrémité de piste en dur longue de 60 mètres. Aucune des pistes à CYQM ne possède une surface rainurée ou une aire de sécurité d'extrémité de piste (RESA), ce qui ne contrevient toutefois pas à la réglementation.

    Des essais de frottement sur piste ont eu lieu à CYQM en 2002 et 2005. Ces essais ont été effectués à l'aide d'un instrument de mesure du frottement approuvé par la FAA et Transports Canada, à savoir le véhicule de mesure du coefficient de frottement (SFT) de Saab. Conformément aux spécifications des conditions d'essai actuelles de Transports Canada propres au SFT, [Traduction] « les essais de frottement normaux à l'aide de ce véhicule ont été effectués à une vitesse de 65 km/h grâce à un pneu d'essai ASTM sans sculptures gonflé à une pression de 200 kPa dans des conditions d'arrosage automatique donnant une couche d'eau de 0,5 mm. Des mesures normalisées ont été effectuées le long des trajectoires des roues des 2 pistes, à environ 3 mètres à gauche et à droite de l'axe ». L'inspection d'octobre 2005 a permis d'établir que les résultats moyens des coefficients de frottement sur les pistes 06/24 et 11/29 étaient [Traduction] « bien au-dessus du niveau de planification d'entretien fixé par Transports Canada ». Ces résultats étaient presque identiques à ceux enregistrés lors des essais antérieurs de 2002.

    1.6 Services de saufetage et de lutte contre les incendies d'aéronef

    Au moment des faits, aucun membre du personnel des services SLIA n'était de garde à CYQM, ce qui ne contrevenait toutefois pas à la réglementationFootnote 5. Rien n'oblige les aéroports désignés à fournir des services SLIA aux avions tout-cargo.

    Conformément aux procédures d'intervention d'urgence à CYQM en dehors des heures normales de service, le personnel de l'aéroport a composé le 9-1-1 à 3 h 16, après la sortie de piste. Compte tenu de sa proximité, le service des incendies de la ville de Dieppe est intervenu et est arrivé à l'aéroport quelque 6 minutes après avoir été avisé. Il s'est écoulé environ 20 minutes entre le moment des faits et celui où les pompiers sont arrivés sur les lieux. À leur arrivée à l'aéroport, les véhicules du service des incendies de la ville de Dieppe sont entrés sur la piste et se sont dirigés vers l'extrémité de la piste 06. Comme il y avait une épaisse couche de boue aux abords de l'avion, les véhicules de secours, qui n'étaient pas des véhicules tout-terrain, ont été incapables d'atteindre l'avion et le personnel de secours a eu du mal à accéder à l'avion.

    1.7 Procédures d'exploitation de Cargojet

    1.7.1 Approches surveillées par le pilote

    L'avion était piloté manuellement pendant l'atterrissage, sans qu'il y ait approche surveillée par le pilote (PMA), ce qui ne contrevenait ni à la réglementation ni aux SOP de la compagnie.

    La partie des SOP de Cargojet consacrée aux procédures en situation normale comprend un article traitant des PMA. Au cours d'une PMA, il incombe au PF de suivre avec précision le profil de vol exigé, le pilote non aux commandes (PNF)Footnote 6 étant quant à lui tenu de surveiller activement tous les écarts pouvant apparaître sur les instruments de l'avion. Il incombe également au PNF d'assurer la transition aux conditions de vol à vue et de prendre les commandes de l'avion en prévision de l'atterrissage à l'atteinte des minima d'approche. Une fois que le transfert des commandes a eu lieu, le PF original est tenu de surveiller la phase d'atterrissage en s'aidant des instruments de l'avion, au cas où il y aurait perte des repères visuels et qu'il faille revenir au vol aux instruments. Il est apparu dans de nombreux cas que les approches PMA pouvaient « améliorer la phase de transition entre les conditions de vol aux instruments et les conditions de vol à vue, [et] améliorer la capacité de prise de décision du [commandant de bord] dans l'environnement à charge de travail élevée de l'approche finale et de l'atterrissageFootnote 7 ».

    Les SOP de Cargojet énoncent ceci :

    [Traduction]
    Les procédures PMA doivent être utilisées en DESCENTE, en APPROCHE FINALE et à l'ATTERRISSAGE en conditions IFR. À chaque fois que cela est possible, les approches PMA devraient être entièrement effectuées avec couplage au pilote automatique. Les procédures PMA sont obligatoires pendant les approches ILS de CAT I lorsque les conditions météorologiques mentionnent moins de 300 pieds et/ou une visibilité inférieure à 1 SM, ainsi que pendant les approches de non-précision (LOC, VOR, NDB) lorsque les conditions météorologiques mentionnent moins de 1000 pieds et/ou une visibilité inférieure à 3 SM, compte non tenu dans les deux cas des considérations propres aux interdictions d'approche.

    1.7.2 Procédures d'atterrissage par mauvais temps

    Le manuel d'exploitation du Boeing 727 (B727) de Cargojet comprend une section consacrée aux procédures supplémentaires par mauvais temps, laquelle explique la procédure recommandée d'atterrissage sur piste mouillée ou glissante. Cette section du manuel d'exploitation précise ceci à l'intention des pilotes :

    [Traduction]
    Veiller à suivre une trajectoire de descente de manière à ce que l'avion se pose sur la piste 1000 pieds au-delà de l'extrémité approche de ladite piste. L'avion devrait être plaqué fermement contre la piste au point de visée, même si la vitesse est trop élevée. Si l'approche est insatisfaisante au point de fort probablement provoquer un toucher des roues loin sur la piste, remettre les gaz et faire une seconde approche.

    De plus, le manuel d'exploitation avertit les pilotes que [Traduction] « la force latérale de l'inversion de poussée et un vent traversier peuvent amener l'avion à dériver du côté sous le vent de la piste si on laisse l'avion girouetter dans le vent ». On peut lire ce qui suit un peu plus loin dans cette section : [Traduction] « pour revenir dans l'axe, réduire l'inversion de poussée au ralenti et relâcher les freins…une fois l'avion remis dans l'axe, recommencer à freiner de façon continue et à utiliser l'inversion de poussée de manière à pouvoir immobiliser l'avion ».

    1.8 Performances d'atterissage de l'aéronef

    1.8.1 Introduction

    Dans le cadre du processus de certification actuel, les avionneurs sont tenus de déterminer la distance d'atterrissage minimale nécessaire pour que l'avion puisse s'immobiliser. Cette distance est appelée distance d'atterrissage non pondérée ou certifiéeFootnote 8. Cet essai, qui est effectué alors que des pilotes d'essai sont aux commandes, donne une distance d'atterrissage qui n'est pas représentive des opérations de vol normales. Elle se fonde sur des techniques de pilotage bien particulières, comme des taux d'enfoncement élevés au toucher des roues (pouvant atteindre 8 pieds par seconde) et un angle d'approche maximale de 3,5 ° permettant de minimiser la portion en vol de la distance d'atterrissage, ainsi qu'un freinage maximal aux pieds aussitôt que possible après l'atterrissage. Cette distance est calculée pour une piste sèche, plane (pente nulle) aux températures de l'atmosphère type internationale (ISA)Footnote 9 sans utilisation des freins automatiques, des dispositifs d'atterrissage automatique, des collimateurs de pilotage ou des inverseurs de poussée. Compte tenu de la nature de la procédure d'essai, les distances d'arrêt obtenues pendant la certification seront plus courtes que celles attendues en exploitation normale. Pour tenir compte de ces différences, la distance d'atterrissage non pondérée sur piste sèche est alors multipliée par 1,67 pour donner la distance d'atterrissage pondérée sur piste sèche. Ce chiffre est ensuite multiplié par 1,15 pour donner la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée. Par conséquent, il est possible d'obtenir la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée en multipliant la distance d'atterrissage non pondérée sur piste sèche par 1,92. Les distances d'atterrissage pondérées sur piste sèche comme sur piste mouillée sont publiées dans le manuel de vol de l'avion (AFM).

    1.8.2 Exigences réglementaires

    D'après l'alinéa 705.60(1)a) du RAC, Limites de régulation – Atterrissage à un aérodrome de destination et à un aérodrome de dégagement, il est interdit d'effectuer la régulation ou le décollage d'un avion à turboréacteurs, à moins que la masse à l'atterrissage ne permette d'effectuer à l'aérodrome de destination un arrêt complet sur au plus 60 % de la distance d'atterrissage utilisable (LDA). Cette distance d'atterrissage, qui prévoit la marge de sécurité nécessaire, est égale à la distance d'atterrissage pondérée sur piste sèche. En plus de ces exigences, le paragraphe 705.61(1) du RAC énonce ce qui suit :

    … lorsque les bulletins ou les prévisions météorologiques signalent que la piste peut être mouillée à l'heure d'arrivée prévue, il est interdit à l'exploitant aérien d'effectuer la régulation ou le décollage d'un avion à turboréacteurs à moins que la distance d'atterrissage utilisable (LDA) à l'aérodrome de destination ne corresponde à au moins 115 pour cent de la distance d'atterrissage exigée en application de l'alinéa 705.61(1)a).

    Il existe 2 exceptions aux dispositions du paragraphe 705.61(1) du RAC. La première est prévue dans le cas où le manuel de vol de l'avion renferme des renseignements précis sur les distances d'atterrissage sur piste mouillée. Dans ce cas, la distance d'atterrissage utilisable peut être plus courte que celle exigée au paragraphe 705.61(1) du RAC, pourvu qu'elle ne soit pas inférieure à celle exigée à l'alinéa 705.60(1)a) du RAC. La seconde exception peut s'appliquer dans le cas où le plan de vol exploitation respecte les exigences des paragraphes 705.60(1) et (2) du RAC. Les États-Unis (É.-U.) et l'Europe ont des exigences d'autorisation à partir similaires concernant les pistes sèches et mouilléesFootnote 10.

    D'après la circulaire de la Federal Aviation Administration (FAA) intitulée Advisory Circular (AC) 121.195(d)-1A, ces marges ont été établies [Traduction] « afin de déterminer des longueurs de piste sûres utilisables en exploitation et tenant compte des variables d'exploitation non incluses dans les essais de certification de type… ». De même, la circulaire intitulée Information Circular 14/2006 indique que les facteurs de longueur de piste [Traduction] « permettent d'atteindre des performances réalistes du point de vue des opérations » tout en tenant compte « des variables d'exploitation normales auxquelles on peut s'attendre à être confronté dans les opérations quotidiennes...Footnote 11 ». À tire d'exemple, la circulaire AC 121.195(d)-1A dresse la liste des variables d'exploitation suivantes :

    • état de surface de piste;
    • techniques de pilotage;
    • détérioration des pneus et des freins;
    • instabilité atmosphérique comme des rafales ou un cisaillement du vent;
    • vents traversiers;
    • approche du toucher des roues;
    • écarts par rapport à la trajectoire de vol.

    Contrairement au Canada et aux É.-U., l'Union européenne (UE)Footnote 12 a instauré des exigences réglementaires distinctes de régulation dans le cas des pistes contaminées/glissantes. La rubrique EU-OPS 1.520Footnote 13 du Règlement de la Commission européenne (CE) no 859/2008 précise que les exploitants d'avions de classe AFootnote 14 sont tenus de s'assurer que la distance d'atterrissage utilisable sur une piste contaminée est « au minimum égale à 115 % de la distance requise [sur une piste sèche] » ou « au minimum égale à la plus grande des deux valeurs suivantes : la distance d'atterrissage déterminée conformément […] ci-dessus, ou 115 % de la distance d'atterrissage déterminée d'après des données approuvées relatives à la distance d'atterrissage sur une piste contaminée, ou des données équivalentes acceptées par l'autorité ». Pour que ces exigences soient respectées, les données sur les performances approuvées qui se trouvent dans l'AFM doivent être complétées, si cela est nécessaire, par d'autres données jugées acceptables par l'autorité si les données sur les performances approuvées de l'AFM ne sont pas suffisantes.

    Au Canada, les exigences relatives à la marge de sécurité mentionnées à l'alinéa 705.60(1)a) et au paragraphe 705.61(1) du RAC ne s'appliquent pas à un avion en vol. Une fois que l'avion est parti, l'équipage de conduite peut choisir n'importe quelle piste à destination, pourvu qu'il la juge acceptable. Rien dans la réglementation n'oblige les pilotes à s'assurer de l'existence d'une marge de sécurité précise entre la distance d'atterrissage nécessaire et la distance d'atterrissage utilisable. Toutefois, l'article AGA 1.1.5 du Manuel d'information aéronautique (AIM) de Transports Canada donne le conseil suivant aux pilotes : « On s'attend donc à ce que les pilotes prennent les mesures qui pourraient s'avérer indispensables, y compris l'utilisation des facteurs de correction pertinents pour calculer les distances d'arrêt de leurs aéronefs, en fonction des renseignements sur l'état de la surface de la piste et du CRFI [coefficient canadien de frottement sur piste]. »

    1.8.3 Certification des aéronefs

    Comme cela a été mentionné à la section 1.8.1, on obtient généralement la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée en multipliant par 1,92 la distance d'atterrissage non pondérée sur piste sèche. Comme solution de rechange, les avionneurs peuvent faire des essais sur piste mouillée afin de déterminer les distances d'atterrissage pondérées sur piste mouillée. La procédure, qui est décrite dans l'AC 121.195(d)-1A, diffère quelque peu des exigences relatives aux essais sur piste sèche et incorpore certains facteurs de sécurité destinés à tenir compte des écarts possibles par rapport au profil de vol optimal. Pour les essais sur piste mouillée, la distance d'atterrissage se base sur une durée de 7 secondes entre le survol du seuil à une hauteur de 50 pieds et le toucher des roues à une vitesse d'approche de 1,4 Vs, et sur une vitesse de toucher des roues égale à 96 % de la vitesse d'approche. En fonction de ces paramètres, il faudrait s'attendre à ce que le toucher des roues de l'avion se produise à quelque 1700 pieds au-delà du seuil, en supposant que le vent est nulFootnote 15. Comme ce profil de vol modifié a été conçu pour être plus représentatif des variables présentes pendant un véritable atterrissage qui augmentent la distance d'atterrissage, l'AC 121.195(d)-1A demande que cette distance soit augmentée d'un facteur additionnel de 1,15 [Traduction] « afin de garantir la sécurité d'exploitation ».

    Dans de nombreux cas, les avionneurs ou des entreprises tierces vont préparer un second ensemble de tableaux des performances d'atterrissage se basant sur les essais de certification, tableaux qui sont censés donner des renseignements plus précis sur les véritables distances d'atterrissage en exploitation. Ces renseignements sont appelés des données consultatives, car le tout repose sur des procédures d'utilisation normalisées recommandées qui diffèrent des essais de certification. Contrairement aux données pondérées sur les distances d'atterrissage, qui figurent dans l'AFM, les données consultatives accordent généralement un crédit à l'inversion de poussée. La plupart des données consultatives débutent par la distance d'atterrissage non pondérée sur piste sèche. À partir de là, ce sont des calculs analytiques, plutôt que de véritables essais en vol, qui servent à déterminer les performances d'atterrissage d'un avion sur des pistes mouillées, enneigées ou verglacées. En Europe, les règles JAR-OPS 1 exigent qu'un facteur de 1,15 jouant le rôle de marge de sécurité soit inclus dans toutes les données consultatives des pistes mouillées ou glissantes.

    Le paragraphe 525.1581g) du Manuel de navigabilité (MN) de Transports Canada énonce ce qui suit : « Le Manuel de vol de l'avion doit contenir les informations sous forme de documents de référence approuvés pour les procédures d'exploitation additionnelles et pour les informations sur les performances pour les exploitations sur les pistes contaminées. » Toutefois, contrairement aux exigences des règles JAR–OPS, rien au Canada n'oblige à appliquer un facteur de 1,15 à ces chiffres pour disposer d'une marge de sécurité. Cette exigence est d'abord entrée en vigueur en 1992, avant d'être légèrement modifiée pour prendre sa forme actuelle en 1998. Cette exigence ne s'applique pas à des avions comme le B727, lequel a été certifié avant l'introduction de ladite exigence. Aux É.-U., il n'existe aucune exigence équivalente dans la réglementation qui s'appliquerait aux exploitants régis par 14 CFR Part 25. Au cours d'un sondage effectué auprès d'exploitants de turboréacteurs relevant de la Part 121, la FAA a découvert que, pour des conditions identiques, les données consultatives élaborées par certains exploitants et certaines entreprises tierces prévoyaient dans les faits des distances plus courtes que celles figurant dans les données consultatives des avionneursFootnote 16.

    1.8.4 Données sur les performances fournies par Boeing

    Dans les manuels de nombre de ses nouveaux avions, Boeing inclut des données consultatives en plus des données certifiées. Ces tableaux, qui se basent sur des distances d'atterrissage non pondérées sur piste sèche, apportent un certain nombre de petites corrections à la distance d'atterrissage destinées à tenir compte de la configuration du freinage, de la masse, du vent, de la pente de la piste, de la température, de la vitesse au toucher des roues, des inverseurs de poussée et de la qualité du freinage signalée. Un exemple d'une page de données consultatives du Boeing 737-800 figure dans le manuel d'exploitation de l'équipage de conduite (FCOM) de cet avion (voir l'annexe D). Pour respecter les exigences des JAA/JAROPS, les données consultatives de ces pages prévoient une marge de sécurité additionnelle de 15 % ajoutée à toutes les distances d'atterrissage sur piste mouillée ou glissante (à savoir lorsque la qualité du freinage signalée est bonne, moyenne ou mauvaise) (voir l'annexe E).

    Il n'y a aucun équivalent aux données consultatives dans les manuels du B727-200. Boeing a commencé à préparer des données consultatives au début des années 1990, lorsque l'entreprise a adopté la présentation actuelle du FCOM. Toutefois, entre le milieu et la fin des années 1990, Boeing a préparé des données d'atterrissage du B727 basées sur une qualité de freinage bonne, moyenne et mauvaise afin de respecter les exigences européennes. D'après Boeing, ces données sont disponibles sur demande et elles ont été fournies à des exploitants non assujettis aux JAR qui souhaitaient les obtenir.

    L'AFM du B727-200 comprend des tableaux de performances qui peuvent servir soit à déterminer la masse maximale à l'atterrissage pour une longueur de piste donnée, soit à calculer la distance d'atterrissage nécessaire en fonction de la configuration de l'avion. Ces tableaux sont reproduits sous une forme légèrement différente dans le manuel d'exploitation du Boeing 727-200, mais les renseignements sont identiques. Respectant l'AC 25-7B, les distances obtenues à l'aide de ces tableaux incluent les facteurs d'exploitation liés à la longueur de piste (sèche ou humide) qui sont requis à des fins de régulation en vertu de la FAR 121.195Footnote 17,Footnote 18.

    Pour la piste 06 de CYQM, les calculs des distances d'atterrissage pondérées sur piste sèche et mouillée faits à partir des tableaux de performances de BoeingFootnote 19 et des renseignements du message ATIS Bravo ont donné respectivement des résultats de 4990 et 5990 pieds (voir la figure 1). Ces chiffres se basent sur l'AFM et ne tiennent pas compte de l'effet de la température extérieure, de l'utilisation des inverseurs de poussée ou d'un ajustement de la vitesse VREF. Toutefois, au lieu d'appliquer un facteur de 1,92 à la distance d'atterrissage non pondérée sur piste sèche pour obtenir la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée, Boeing a déterminé les distances d'atterrissage en exploitation sur piste mouillée conformément à l'AC 121.195(d)-1A. Les paramètres suivants ont été utilisés pendant ces essais : vitesse de 1,4 VSFootnote 20 , ce qui équivaut à une vitesse approximative de 148 KIAS, durée de 7 secondes entre le survol du seuil à 50 pieds et le toucher des roues, durée de 2 secondes entre le toucher des roues et le freinage maximal (freins de palonnier et aérofreins) et utilisation maximale des freins de palonnier. Aucun crédit n'a été accordé à l'inversion de poussée. Après avoir déterminé la distance d'atterrissage non pondérée sur piste mouillée (5209 pieds) à l'aide de cette procédure, Boeing a ajouté 15 % à cette distance pour établir la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée indiquée dans l'AFM, à savoir 5990 pieds dans ce cas. L'utilisation de la méthode traditionnelle qui consiste à multiplier la distance d'atterrissage non pondérée sur piste sèche de 2988 piedsFootnote 21 par 1,92 donne une distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée de 5737 pieds. Par conséquent, la méthode utilisée par Boeing pour déterminer la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée du B727 donnait un résultat de 253 pieds plus élevé, soit environ 4,5 %, que celui qu'aurait donné la méthode traditionnelle si elle avait été employée.

    Figure 1. Comparaison des distances d'atterrissage sur piste sèche ou mouillée de l'AFM par rapport à la LDA
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    Figure of Comparaison des distances d'atterrissage sur piste sèche ou mouillée de l'AFM par rapport à la LDA

    Le manuel d'exploitation du Boeing 727-200 renferme également un graphique des véritables distances d'arrêt s'appuyant sur les performances sur piste sèche. Ce graphique, qui n'accorde aucun crédit à l'inversion de poussée, sert, pour les aéronefs équipés de freins automatiques, de guide pour établir quel réglage des freins automatiques convient le mieux à l'atterrissage.

    À mesure que la vitesse diminue pendant la course à l'atterrissage, les inverseurs de poussée perdent de leur efficacitéFootnote 22. À une vitesse de toucher des roues de 157 KIAS sur une piste sèche et sans aucun crédit accordé à l'inversion de poussée, une utilisation maximale des freins automatiques est nécessaire lorsque la distance d'arrêt disponible se situe entre 3920 et 5210 pieds (voir la figure 2). À une vitesse de 157 KIAS, une véritable distance d'arrêt inférieure à 3920 pieds sur une piste sèche serait au-dessus des capacités du dispositif de freinage automatique, en supposant que l'inversion de poussée ne bénéficie d'aucun crédit.

    Figure 2. Graphique des véritables distances d'arrêt
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    Figure of Graphique des véritables distances d'arrêt

    Alors que le FCOM ne donne pas de chiffres quant aux véritables distances d'arrêt sur piste mouillée, ces renseignements se trouvent dans l'AFM. D'après ce manuel, la véritable distance d'arrêt dans les conditions énoncées plus haut serait d'environ 500 pieds supérieure à celle établie pour une piste sèche. Un freinage maximal aux pieds aboutirait à des distances d'arrêt légèrement plus courtes, advenant un freinage dès le toucher des roues. Toutefois, les avantages d'un freinage maximal aux pieds sont moindres sur une piste humide que sur une piste sèche. De plus, les effets d'un freinage maximal aux pieds sont réduits sur les pistes pour lesquelles le frottement est limité, les roues risquant plus facilement de se mettre à patiner.

    Cargojet 620 est sorti en bout de piste à une vitesse d'environ 50 KIAS. D'après les données sur les performances de Boeing, il aurait fallu, sans aucun crédit accordé à l'inversion de poussée, environ 483 pieds à un avion roulant à 50 KIAS pour s'immobiliser sur une piste mouillée.

    1.8.5 Tableaux des performances à l'atterrissage de Cargojet

    À des fins de régulation, le manuel des performances du 727-200 JT8D-15 de Cargojet (ci-après appelé le manuel des performances de Cargojet) renferme un tableau des longueurs de piste nécessaires à l'atterrissage (voir l'annexe F). Ce tableau n'est pas conçu pour servir en vol. Il sert à [Traduction] « déterminer les longueurs de piste nécessaires, compte tenu des distances d'atterrissage utilisées à des fins de régulation », conformément à l'alinéa 705.60(1)a) et au paragraphe 705.61(1) du RAC. Ce tableau ne concerne ni une piste ni un aéroport précis, et il ne prend pas en compte les différentes combinaisons offertes par l'antipatinage, les freins, les aérofreins automatiques et les inverseurs de poussée. Toutefois, le tableau servant à la régulation comprend des ajustements des distances d'atterrissage tenant compte d'une composante de vent de face ou de vent arrière, ainsi qu'une correction pour les atterrissages sur piste mouillée ou par mauvaise visibilitéFootnote 23. Chez Cargojet, les exigences de régulation sont vérifiées plusieurs heures avant l'heure de départ prévue et se fondent sur la piste qui devrait être face au vent selon les prévisions du vent à l'heure d'arrivée prévue. Si les conditions météorologiques changent de façon inattendue avant le vol, le processus sera repris afin d'assurer que les exigences relatives à la régulation sont bien respectées. Pour utiliser le tableau servant à des fins de régulation, il faut obtenir la distance d'atterrissage à partir du tableau basé sur la masse de l'avion et l'altitude-pression à destination. La prochaine étape consiste à ajuster le résultat en fonction de la composante de vent de face ou de vent arrière. En présence d'une composante de vent de face, la distance d'atterrissage est réduite de 23 pieds par nœud de vent de face jusqu'à un maximum de 50 nœuds. Une fois que la correction pour le vent a été appliquée, le résultat est multiplié par un facteur de 1,22 afin de tenir compte d'un atterrissage sur piste mouillée ou par mauvaise visibilitéFootnote 24. En prenant les vents publiés à 00 h 00Footnote 25, soit 3 heures avant le départ, le tableau sur les longueurs de piste nécessaires à l'atterrissage à des fins de régulation donne un résultat de 5966 pieds après utilisation des renseignements sur le cap de la piste 06Footnote 26. Si ce sont les renseignements sur le cap de la piste 11 qui sont utilisés, la différence de la composante de vent de face donne, à des fins de régulation, un résultat de 6051 piedsFootnote 27.

    Chez Cargojet, les équipages de conduite disposent de 2 méthodes en vol pour déterminer si une piste se prête à l'atterrissage. La méthode principale utilisée par les équipages de conduite de Cargojet fait appel au tableau de la masse permise en fonction de la longueur de piste disponible à l'atterrissage (voir l'annexe A). Quant à la seconde méthode, elle demande de consulter le tableau de la distance d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol (voir l'annexe B). Ces 2 tableaux se trouvent dans le manuel des performances de Cargojet. Ils ont été préparés pour Cargojet par Aerodata Inc.Footnote 28 (Aerodata) à partir des données sur les performances du constructeur figurant dans l'AFM. Sur demande du client, Aerodata peut inclure d'autres ajustements des performances afin de répondre à des conditions d'exploitation bien précises. De plus, il est possible d'ajouter dans ces tableaux une marge de sécurité arbitraire aux distances d'atterrissage non pondérées, si le client en fait la demande. Dans le cas du B727 de Cargojet, aucune marge de sécurité additionnelle n'avait été ajoutée dans le tableau de la distance d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol.

    Le tableau de la masse permise en fonction de la longueur de piste disponible à l'atterrissage est communément appelé tableau d'analyse de piste. Il permet de connaître la masse maximale permise à l'atterrissage, sur une piste prédéterminée, respectant les exigences de régulation de l'alinéa 705.60(1)a) et du paragraphe 705.61(1) du RAC. Dans ce tableau, les masses sont fournies pour des pistes sèches ou dégagées et pour des pistes mouillées, et elles comprennent des ajustements fondés sur un vent de face ou un vent arrière ainsi que sur la disponibilité d'un dispositif d'antipatinage. Ce tableau ne prévoit aucune sorte d'ajustement en cas d'une éventuelle contamination de la piste. Dans le présent événement, l'équipage de conduite avait calculé que la masse de l'avion à l'atterrissage serait de 158 600 livresFootnote 29. D'après le tableau de la masse permise en fonction de la longueur de piste disponible à l'atterrissage à CYQM, et d'après le vent signalé dans les renseignements du message ATIS Bravo, la masse maximale permise à l'atterrissage respectant les exigences de régulation en cas d'atterrissage sur la piste 06 mouillée était de 166 900 livresFootnote 30.
    Le tableau de la distance d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol est [Traduction] « prévu pour les situations spécifiques lorsque l'analyse de la piste d'atterrissage n'est pas disponible ou, si elle l'est, qu'elle ne tient pas compte de conditions temporaires comme celles prévues dans les NOTAMFootnote 31 ». Les distances d'atterrissage de ce tableau sont basées sur les distances d'atterrissage non pondérées sur piste sèche. Aucune donnée n'est fournie pour les distances d'atterrissage sur piste mouillée. D'après le manuel des performances de Cargojet, les tableaux fournissent [Traduction] « la distance horizontale nécessaire pour permettre à l'avion d'atterrir et de s'immobiliser complètement à partir d'un point situé à 50 pieds au-dessus de la surface d'atterrissage à VREFFootnote 32 sur une piste plane et à une température ISAFootnote 33 ». Ce tableau prévoit diverses corrections tenant compte de différentes combinaisons d'antipatinage, de freins, d'aérofreins automatiques et d'inverseurs de poussée, dans le but de [Traduction] « déterminer la véritable distance d'atterrissage ». Contrairement au tableau à n'utiliser qu'à des fins de régulation, le tableau à n'utiliser qu'en vol ne comporte aucune marge de sécurité et n'inclut aucun ajustement en cas de piste mouillée ou d'autres facteurs environnementaux, comme une composante de vent de face ou de vent arrière. Il n'inclut également aucune correction pour tenir compte de la pente de la piste, de l'écart de la température par rapport aux conditions ISA ou d'ajustement de la VREF.

    L'utilisation des seuls renseignements figurant dans le tableau de la distance d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol a permis d'établir que la distance d'atterrissage nécessaire à la VREF, volets sortis à 30 °, était d'environ 3169 piedsFootnote 34. Une fois que la distance d'atterrissage non pondérée sur piste sèche a été obtenue, le manuel d'exploitation et le guide de référence rapide de Cargojet demandent à l'équipage de conduite d'appliquer le facteur de CRFI de 0,5 à la distance d'atterrissage non pondérée sur piste sèche afin d'obtenir une estimation de la longueur de piste nécessaire sur piste mouillée avec dispositif antipatinage qui fonctionne, aérofreins automatiques et inverseurs de poussée. D'après le tableau des coefficients CRFI (voir l'annexe G), un CRFI de 0,5 appliqué à une distance d'atterrissage sur piste sèche de 3169 pieds donne une distance d'atterrissage de 5370 pieds. Voir la figure 3 qui montre une comparaison entre, d'une part, les distances d'atterrissage non pondérée et pondérée sur piste mouillée établies à partir de l'AFM de Boeing (corrigées en fonction du vent et de l'altitude-pression) et, d'autre part, la distance d'atterrissage calculée en appliquant un CRFI de 0,5 pour corriger la distance d'atterrissage sur piste sèche et par vent nul tirée du tableau des distances d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol.
    En se servant des renseignements sur le vent de surface contenus dans le message ATIS Bravo, l'équipage a calculé une vitesse d'approche de 157 KIAS. Ce chiffre se basait sur une VREF de 139 nœudsFootnote 35 augmentée de 18 nœuds afin de tenir compte du vent, conformément au manuel d'exploitation de CargojetFootnote 36,Footnote 37. La correction pour le vent appliquée à la vitesse d'approche doit être diminuée quand l'aéronef approche du sol. Si des corrections tenant compte du vent et des rafales ont été appliquées, la correction pour les rafales doit être conservée jusqu'au toucher des roues, tandis que celle pour le vent constant devrait être éliminée alors que le toucher des roues de l'avion est procheFootnote 38. Dans le présent cas, la correction pour les rafales était de 10 nœuds, ce qui aurait donné une vitesse cible de toucher des roues de 149 KIAS.

    Figure 3. Comparaison entre l'AFM et le tableau des distances d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol de Cargojet
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    Figure of Comparaison entre l'AFM et le tableau des distances d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol de Cargojet

    D'après Boeing, chaque nœud de vitesse supplémentaire au-dessus de la VREF jusqu'aux environs de VREF plus 20 nœuds se traduit par une augmentation de 53 pieds par nœud additionnel de la distance d'atterrissage sur une piste mouillée et dégagée. Ce chiffre est cohérent avec le document intitulé Approach and Landing Accident Reduction Tool Kit (trousse sur la réduction des accidents en approche et à l'atterrissage) de la Flight Safety Foundation, lequel mentionne qu'une augmentation de 5 % de la vitesse d'approche finale entraîne une augmentation de la distance d'atterrissage de 10 % si l'arrondi et le toucher des roues sont normaux. Dans le présent événement, l'avion s'est posé à une vitesse de 157 KIAS, soit 9 nœuds au-dessus de la vitesse cible de toucher des roues et 18 nœuds au-dessus de la VREF. Comme la vitesse d'approche indiquée dans le tableau des distances d'atterrissage sur piste mouillée de l'AFM se base sur une vitesse d'approche d'environ 148 KIAS, il faut s'attendre à ce qu'un toucher des roues à une vitesse de 157 KIAS se traduise par une augmentation de la distance d'atterrissage de quelque 477 pieds.

    1.8.6 Efforts antérieurs visant à réduire les risques associés aux sorties en bout de piste

    L'enquête du BST (A05H0002) sur la sortie en bout de piste d'un avion d'Air France à l'aéroport international Pearson de Toronto a mis en évidence la nécessité de prévoir l'ajout d'une marge de sécurité à la distance d'atterrissage avant une mise en approche dans de mauvaises conditions météorologiques. Dans cet événement, l'équipage ne connaissait pas la distance d'atterrissage nécessaire pour poser son avion en toute sécurité sur une piste contaminée. Cela était dû en partie à des ambiguïtés dans les renseignements sur la distance d'atterrissage fournis à l'équipage et à l'absence d'instructions de l'exploitant sur l'obligation faite aux équipages de déterminer les distances d'atterrissage nécessaires. Il en est résulté que l'équipage de conduite a sous-estimé la distance d'arrêt nécessaire. De plus, il a enclenché l'inversion de poussée près de 13 secondes après le toucher des roues, ce qui a augmenté la distance d'arrêt de l'avion. À la suite de cette enquête, le Bureau a recommandé que :

    le ministère des Transports et d'autres autorités de l'aviation civile obligent les équipages à établir une marge d'erreur entre la distance d'atterrissage nécessaire et la distance d'atterrissage disponible avant d'effectuer une approche dans des conditions météo qui se dégradent.
    Recommandation A07-05 du BST

    La réponse de Transports Canada, qui ne concernait que les exploitants assujettis à la sous-partie 705 du RAC, indiquait que des Avis de proposition de modification (APM) traitant des performances des avions sur pistes mouillées et contaminées avaient été soumis au Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC) en vue de leur inclusion dans le RACFootnote 39. D'après Transports Canada, ces APM vont obliger les exploitants assujettis à la sous-partie 705 du RAC ainsi que leurs équipages de conduite à établir qu'une distance d'atterrissage suffisante est disponible avant toute approche à l'atterrissage, distance qui devra tenir compte de l'état de la surface de la piste (à savoir, sèche, humide, mouillée ou contaminée). La réponse de Transports Canada ne mentionne aucune marge de sécurité précise qui devrait exister par rapport à la distance d'atterrissage nécessaire avant la mise en approche. Aucun de ces APM n'est encore entré en vigueur. Le Bureau est d'avis que, si elles sont mises en œuvre, ces mesures corrigeront grandement, voire élimineront, le problème de sécurité touchant les opérations régies par la sous-partie 705 du RAC. Toutefois, le Bureau s'attendait à une approche plus énergique dans le traitement de ce problème de sécurité. Par conséquent, le Bureau a estimé que la réponse de Transports Canada dénotait une intention satisfaisanteFootnote 40.

    Le 8 décembre 2005, le Boeing 737-700 du vol 1248 de Southwest Airlines est sorti en bout de piste pendant sa course à l'atterrissage à l'aéroport Midway de ChicagoFootnote 41. Au cours de cet événement, l'équipage avait calculé la distance d'exploitation nécessaire à l'atterrissage en se basant sur l'utilisation des inverseurs de poussée. Toutefois, comme dans l'Air France, le déploiement des inverseurs de poussée a été retardé de beaucoup, puisqu'il a fallu attendre près de 18 secondes après le toucher des roues avant que les inverseurs soient déployés. L'avion est sorti en bout de piste puis il a traversé un écran anti-souffle et une clôture d'enceinte avant de pénétrer sur une route. L'avion s'est immobilisé après avoir percuté 2 automobiles. S'inquiétant du fait que [Traduction] « la marge de sécurité propre à la distance d'atterrissage est réduite de beaucoup sur une piste contaminée lorsqu'un crédit est accordé à l'inversion de poussée dans les calculs de la distance d'arrêt à l'atterrissage », le National Transportation Safety Board (NTSB) a publié le 27 janvier 2006 la recommandation urgenteFootnote 42 A-06-16 pour demander à la FAA [Traduction] « d'interdire immédiatement aux exploitants régis par la partie 121 de se servir du crédit accordé à l'inversion de poussée dans les calculs des performances à l'atterrissage ».

    Après l'accident de Midway, la FAA a procédé à une évaluation interne dans le but de mesurer le bien-fondé des règles et des lignes directrices actuelles. Cet exercice a révélé un certain nombre de questions reliées aux calculs des performances d'atterrissage. Le 7 juin 2006, la FAA a publié un préavis d'énoncé de politique qui proposait, à l'intention de tous les exploitants d'avions à turboréacteurs, de nouvelles règles sur les évaluations des performances d'atterrissage après le départFootnote 43. Dans ce préavis, la FAA faisait état de préoccupations liées à l'utilisation des distances d'atterrissage publiées dans les AFM approuvés par la FAA, car celles-ci représentent les distances d'atterrissage déterminées pendant la certification, lesquelles [Traduction] « visaient à démontrer la distance d'atterrissage la plus courte à une masse donnée d'un aéronef aux mains d'un pilote d'essai, et elles sont établies alors qu'il est parfaitement entendu que les règles opérationnelles en exploitation normale exigent l'ajout de facteurs additionnels au moment d'établir les longueurs minimales de piste devant être utilisées en exploitation ». Cette nouvelle exigence, qui devait être publiée comme la spécification d'exploitation/spécification de gestion (OpSpec/MSpec) C082, énonçait ce qui suitFootnote 44 :

    [Traduction]
    Au plus tard le 1er octobre 2006, les exploitants d'avions à turboréacteurs seront tenus d'avoir des procédures en place garantissant qu'un atterrissage avec arrêt complet offrant une marge de sécurité d'au moins 15 % par rapport à la distance d'atterrissage réelle puisse être effectué sur la piste devant être utilisée, dans les conditions existant à l'heure d'arrivée et à l'aide des moyens de décélération et de la configuration de l'avion à ce moment-là. Cette évaluation doit tenir compte des conditions météorologiques qui ont une incidence sur les performances d'atterrissage (altitude-pression de l'aéroport, vitesse du vent, direction du vent, etc.), de l'état de la surface de la piste devant servir à l'atterrissage, de la vitesse d'approche, de la masse et de la configuration de l'avion ainsi que de l'utilisation prévue des dispositifs de décélération au sol de l'avion. Les exploitants d'avions à turboréacteurs devront veiller à ce que les équipages de conduite respectent les procédures approuvées des exploitants. En d'autres termes, sauf en cas d'urgence, après qu'un équipage de conduite a fait cette évaluation à l'aide des procédures de l'exploitant approuvées par la FAA, s'il n'existe pas une marge de sécurité de 15 %, le pilote ne peut pas se poser.

    Dans sa réponse au NTSB, la FAA a fait savoir que le recours à l'OpSpec C082 aurait des avantages plus importants que l'interdiction d'accorder un crédit pour l'utilisation de l'inversion de poussée dans les calculs des performances d'atterrissage. Le NTSB a accepté l'OpSpec C082 comme une solution de rechange acceptable à la recommandation A06-16. Toutefois, le préavis d'énoncé de politique a buté sur la résistance acharnée de certains groupes de l'industrie, lesquels s'objectaient à cette initiative, y voyant une tentative de mise en œuvre d'une modification d'exploitation au moyen d'une clarification de la politique plutôt qu'au moyen du processus officiel d'élaboration de la réglementationFootnote 45.

    Plutôt que de poursuivre avec la spécification C082, la FAA a décidé d'en rendre l'application volontaire tout en lançant le processus officiel d'élaboration de la réglementation. Il en est résulté l'alerte intitulée SAFO 06012 – Landing Performance Assessments at Time of Arrival (Turbojets) (évaluations des performances d'atterrissage à l'heure d'arrivée des avions à turboréacteurs), laquelle a été publiée le 31 août 2006. La SAFO 06012 se basait sur le préavis d'énoncé de politique rendu public en juin et intégrait des révisions ayant fait suite aux commentaires du public. La SAFO [Traduction] « recommand[ait] instamment » aux exploitants d'avions à turboréacteursFootnote 46 d'élaborer des procédures d'évaluation des performance d'atterrissage fondées sur les véritables conditions présentes à l'heure d'arrivée. Ces conditions incluent notamment [Traduction] « la météo, l'état de la piste, la masse de l'avion et les systèmes de freinage devant être utilisés ». La SAFO 06012 faisait également la corrélation entre les rapports de freinage et l'état de la surface de la piste, indiquant que la présence d'eau stagnante entraîne un freinage de mauvaise qualité. La SAFO recommandait qu'une marge de sécurité additionnelle de 15 % soit ajoutée aux calculs de la véritable distance d'atterrissage. De plus, la SAFO signalait que [Traduction] « la FAA a[vait] engagé le processus d'élaboration de la réglementation qui allait exiger explicitement de respecter les mesures décrites plus haut » et qu'une marge de 15 % était jugée « la marge de sécurité minimale acceptable dans le cadre d'opérations normales ».

    Le 8 mai 2007, le NTSB a classé la recommandation A-06-16 comme [Traduction] « Ouverte – Réponse inacceptable » puisque, plus d'un an après la publication de la recommandation, aucune exigence n'avait encore été imposée. Le 2 octobre 2007, le NTSB a publié une autre recommandation urgente sous le numéro A-07-57, laquelle remplaçait l'ancienne A-06-16. La recommandation A-07-57, qui a également été ajoutée à la liste des plus hautes priorités du NTSB en 2007Footnote 47, enjoignait à la FAA de :

    [Traduction]
    [F]orcer sans attendre tous les exploitants relevant des parties 121, 135 ainsi que de la sous-partie 91 K du titre 14 du Code of Federal Regulations à effectuer des évaluations de la distance d'atterrissage à l'arrivée avant chaque atterrissage en se basant sur les données existantes en matière de performances ainsi que sur les conditions réelles, et en incorporant une marge de sécurité minimale de 15 %.

    En mai 2007, la FAA a mis sur pied le Takeoff/Landing Performance Assessment Aviation (TALPA) Rulemaking Committee (comité d'élaboration de la réglementation aérienne chargé de l'évaluation des performances de décollage et d'atterrissage, ou comité TALPA) et lui a confié le mandat suivant :

    [Traduction]
    Le comité d'élaboration de la réglementation aérienne chargé de l'évaluation des performances de décollage et d'atterrissage permettra au milieu de l'aviation de disposer d'un forum où discuter des méthodes d'évaluation des performances à l'atterrissage contenues dans la SAFO 06012. On y abordera également les performances au décollage sur piste contaminée ainsi que les questions pertinentes à la partie 139 portant sur la certification des aéroports. Ces discussions se concentreront sur les avions à moteurs à turbine, qu'il s'agisse d'avions à turboréacteurs ou à turbopropulseurs, exploités en vertu des parties 121, 135 et 125 ainsi que de la sous-partie 91 K.

    La charte de ce comité a expiré en octobre 2009. Dans son rapport préliminaire soumis à la FAA en octobre 2009, le comité TALPA faisait plusieurs recommandations destinées à aider le pilote grâce à une [Traduction] « évaluation presque à l'heure d'atterrissage ». Par exemple, des recommandations du comité TALPA portaient sur des rapports précis de l'état de la piste, sur des tableaux améliorés d'évaluation de l'état de la piste dans le Aeronautical Information Manual (manuel d'information aéronautique), sur des facteurs de distances d'atterrissage génériques destinés aux aéronefs pour lesquels les données des constructeurs sont limitées ou non disponibles et sur la possibilité de disposer de systèmes embarqués affichant en temps réel les performances du circuit de freinage. Toutefois, la recommandation essentielle du comité TALPA portait sur une proposition de modification des règles qui aurait rendue obligatoire une évaluation opérationnelle de la distance d'atterrissage nécessaire tenant compte [Traduction] « de l'état de la surface de la piste, de la configuration d'atterrissage de l'avion et des conditions météorologiques, et ce, en utilisant les données approuvées sur les performances d'atterrissage en exploitation tirées de l'AFM et complétées au besoin par d'autres données jugées acceptables par l'Administrateur ». De plus, « la distance d'atterrissage nécessaire découlant de cette évaluation et incluant une marge de sécurité de 15 % ne doit pas être supérieure à la distance d'atterrissage disponible ». Au moment de la rédaction du présent rapport, la FAA n'avait toujours pas mis en œuvre les recommandations du comité TALPA.

    En date d'aujourd'hui, la recommandation A-07-57 du NTSB demeure active et la réponse de la FAA a été qualifiée d'inacceptable, puisqu'elle ne fait pas de la marge de sécurité mentionnée plus haut une obligation ferme. Ce point demeure sur la liste des plus hautes priorités du NTSB, exigeant [Traduction] « une évaluation de la distance d'atterrissage englobant une marge de sécurité suffisante pour tout atterrissage ».

    1.9 Pistes mouillées

    La dégradation des performances des avions sur piste mouillée a été identifiée comme étant un facteur dans la majorité des accidents d'avion survenus à l'atterrissageFootnote 48. Des études ont montré que les avions à turboréacteurs et les gros avions à turbopropulseurs présentaient un risque 7 fois plus élevé de sortir en bout de piste à l'atterrissage sur une piste mouillée non rainurée que sur une piste sècheFootnote 49. Le risque de sortie en bout de piste s'accroît durant les périodes de fortes chutes de pluie, lesquelles s'accompagnent souvent d'autres conditions météorologiques difficiles comme un fort vent soufflant en rafales, un cisaillement du vent et une mauvaise visibilité. D'après Transports Canada, « les risques associés aux atterrissages pendant de fortes chutes de pluie sur des pistes non rainurées sont actuellement beaucoup plus élevés que les niveaux acceptables en aviation commercialeFootnote 50 ». Plus précisément, le nombre élevé de sorties en bout de piste est dû à l'aquaplanage, lequel entraîne une perte de la maîtrise en direction et peut réduire le freinage à zéro. Une fois que l'aquaplanage a débuté, il peut persister jusqu'à des vitesses beaucoup plus basses.

    Un type d'aquaplanage est appelé aquaplanage dû à la dévulcanisation du caoutchouc, phénomène qui se produit lorsqu'un pneu ne tourne pas ou patine sur une surface recouverte d'une fine couche d'eau pouvant atteindre la hauteur de ce que l'on qualifie d'eau stagnante. La chaleur générée par ce type d'aquaplanage peut laisser des marques de chauffage à la vapeur sur la piste et forcer le caoutchouc à revenir à son état original d'avant-vulcanisation.

    Dans le présent événement, aucune marque de chauffage à la vapeur n'a été trouvée sur la piste après les faits. Cependant, les 4 pneus du train d'atterrissage principal du B727 présentaient tous des dommages correspondant à un aquaplanage dû à la dévulcanisation du caoutchouc (voir la Photo 3).

    Photo 3. Dévulcanisation sur le pneu de l'avion en question
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    Photo of Dévulcanisation sur le pneu de l'avion en question

    D'après Transports Canada, une piste contaminée en est une sur laquelle « de l'eau stagnante, de la neige mouillée, de la neige, de la neige compactée, de la glace ou du givre recouvre plus de 25 % de la longueur et de la largeur nécessaires de la surface de cette pisteFootnote 51 ». De l'eau stagnante, de la neige mouillée ou de la neige dont la hauteur ou l'épaisseur dépasse 3 mm, ce qui entre dans la catégorie des contaminations épaisses d'une piste, réduit de façon importante les capacités de frottement au freinage et de décélération. Pendant des épisodes de forte pluie, la hauteur de l'eau sur une piste dépasse souvent les 3 mmFootnote 52. Bien que l'on fasse référence à l'expression « eau stagnante » dans des publications de Transports Canada, au moment de la rédaction du présent rapport, il n'existait aucune définition approuvée par Transports Canada de cette expression. Transports Canada a fait savoir que l'APM 2001-258 définit l'eau stagnante comme suit : « Présence d'eau sous forme de flaques ou de petites mares d'une profondeur supérieure à 3 mm ou 1⁄8 pouce à la surface de l'aire de mouvementFootnote 53 ». Toutefois, tant l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) que la Civil Aviation Authority (CAA) du Royaume-Uni (R.-U.) ont publié des définitions de l'eau stagnante. L'AESA différencie comme suit eau stagnante et piste mouillée : [Traduction] « eau stagnante – eau d'une hauteur de plus de 3 mm. L'état de surface où il y a une couche d'eau de 3 mm ou moins est qualifié de mouillé…Footnote 54 ». De la même façon, d'après la CAA du R.-U., [Traduction] « il est censé y avoir présence d'eau stagnante lorsque la hauteur de l'eau à la surface de la piste dépasse 3 mmFootnote 55 ».

    D'après la Flight Safety Foundation, la contamination d'une piste due à la présence d'eau stagnante augmente généralement la distance d'atterrissage par un facteur de 2,0 à 2,3Footnote 56. De même, une étude de Transports Canada sur la qualité du freinage sur des pistes en béton mouillées a montré que le facteur pour piste mouillée utilisé à des fins de régulation devrait être augmenté à un chiffre compris entre 2,2 et 2,4 afin d'offrir un niveau de sécurité similaire au facteur pour piste sèche actuellement utilisé à des fins de régulationFootnote 57. Dans une autre étude de Transports CanadaFootnote 58, les recommandations suivantes ont été faites à l'OACI :

    • Au début de l'approche finale, les précautions suivantes devraient être prises :
      • vers une piste non rainurée, la hauteur d'eau sur la piste dépasse 3 mm ou l'aéroport signale une pluie forte sur l'aéroport, la distance d'atterrissage nécessaire doit être recalculée en supposant que la piste est inondée et que le freinage est mauvais, selon les lignes directrices du constructeur;
      • vers une piste rainurée ou revêtue d'une couche de frottement poreuse (CFP)Footnote 59, la hauteur d'eau sur la piste dépasse 3 mm ou l'aéroport signale une pluie forte sur l'aéroport, la distance d'atterrissage nécessaire doit être recalculée en supposant que la piste est inondée, selon les lignes directrices du constructeur.
    • Les exigences suivantes en matière de régulation devraient être examinées en vue de leur mise en œuvre :
      • s'il est prévu que la piste à l'aéroport de destination sera mouillée à l'arrivée du vol, et soit qu'il pleuvra légèrement ou qu'il ne pleuvra plus, utiliser les facteurs de régulation en vigueur (pour les pistes rainurées ou revêtues d'une CFP et pour les pistes non rainurées ou non revêtues d'une CFP);
      • si une pluie modérée ou forte est prévue au moment de l'arrivée du vol à l'aéroport de destination, utiliser les facteurs de régulation suivants, selon le type de piste (pistes rainurées ou revêtues d'une CFP et autres pistes) :
        • avion à réaction sans inversion de poussée – 2,00/2,25;
        • avion à réaction avec inversion de poussée – 1,92/2,10.

    Le 27 octobre 2005, l'AIM a remplacé la Publication d'information aéronautique (AIP). Avant la publication de l'AIM, l'AIP renfermait les CRFI équivalents pour piste mouillée et diverses intensités de pluie (voir la Figure 1 de l'annexe H). Dans l'édition de l'AIM du 27 octobre 2005, la référence aux équivalents CRFI reliés à la présence d'eau a été supprimée (voir la Figure 2 de l'annexe H). La rubrique « Explication des changements » de la version de l'AIM publiée le 25 octobre 2005 ne fournissait aucune raison à la suppression de ces valeurs du CRFI en fonction de la hauteur de l'eau. Cette même rubrique mentionnait plutôt que des renseignements additionnels avaient été ajoutés aux sections consacrées à la RSC et au CRFI, et que les Tableaux 4 a) et 4 b) remplaçaient le tableau 4. Transports Canada a fait savoir que la suppression de la pluie dans ce tableau était le résultat d'un document de Transports Canada de 2004 intitulé TP 14498E – Friction Coefficients for Various Winter Surfaces. Ce document s'interrogeait sur la précision des CRFI en présence d'eau et recommandait [Traduction] « de ne donner aucun CRFI en présence d'eau, car ce chiffre est fonction de la vitesseFootnote 60 ». Malgré la suppression des coefficients de frottement sur piste mouillée du tableau d'équivalence entre RSC et CRFI, l'AIM mentionne ceci : « Par temps de pluie, le CRFI sur une piste mouillée pourrait être de l'ordre de 0,3 sur une piste mal entretenue ou mal drainée, mais en général, sa valeur est de 0,5. On peut se servir de ces chiffres à titre indicatif, en conjonction avec les rapports des pilotes et d'autres rapports ».Ce renseignement tiré de l'AIM se retrouve également mot pour mot (en anglais) dans le manuel d'exploitation de Cargojet et sert de lignes directrices aux pilotes.

    En plus des lignes directrices mentionnées ci-dessus, l'AIM présente également des tableaux de CRFI que les pilotes peuvent utiliser à leur convenance. Ces tableaux se basent sur les corrections aux distances d'atterrissage non pondérées sur piste sèche et tiennent compte de l'utilisation de l'inversion de poussée. D'après le tableau 2 consacré aux CRFI (voir l'annexe G), une distance d'atterrissage de 2988 pieds sur piste sècheFootnote 61 pondérée à l'aide d'un coefficient CRFI de 0,30 aboutit à une distance d'atterrissage recommandée de 5790 pieds. Comme le précise l'AIM, cette distance repose sur les hypothèses suivantes :

    utilisation des techniques de pilotage normalisées pour des distances minimales d'atterrissage à partir de 50 pieds, y compris une approche stabilisée à Vref avec un angle de descente de 3 ° jusqu'à 50 pieds ou plus bas, un toucher des roues ferme, un délai minimal avant abaissement de l'avant, un délai minimal avant sortie des destructeurs de portance au sol et serrage des freins, et un freinage maximal soutenu avec antidérapage jusqu'à l'arrêt.

    La figure 4 ci-dessous compare les véritables performances d'atterrissageFootnote 62 de l'avion dont il est question ici aux distances d'atterrissage calculées en fonction des diverses marges de sécurité recommandées provenant de la SAFO 06012, de la Flight Safety Foundation, de Transports Canada et des anciens chiffres de CRFI équivalent en cas de forte pluie et d'eau stagnante.

    Figure 4. Comparaison des ajustements recommandés à la distance d'atterrissage sur piste mouillée
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    Figure 4 Comparaison des ajustements recommandés à la distance d'atterrissage sur piste mouillée

    1.10 Rapports d'état de la surface de piste

    Au moment des faits, le plus récent rapport RSC avait été publié à 19 h 6, soit environ 8 heures avant l'atterrissage de Cargojet à CYQM. Aucun autre rapport RSC n'avait été produit entre 19 h 6 et le moment de l'événement, pas plus qu'il n'y avait eu de renseignements reliés à des changements dans les RSC communiqués aux contrôleurs de la circulation aérienne.

    Au cours des mois d'hiverFootnote 63, le manuel d'exploitation d'aéroport (MEA) de CYQM précise que le personnel d'entretien du terrain est tenu, au minimum, d'effectuer une observation et de produire un rapport RSC au début et à la fin de chaque quart de travail de 8 heures. Le MEA stipule également que les rapports doivent être mis à jour si les conditions météorologiques changent au point d'avoir une éventuelle incidence sur l'état opérationnel de la piste, et que ces changements doivent être inclus dans le prochain message ATIS.

    La Circulaire de la Sécurité des aérodromes (CSA) 2000-002 de Transports Canada mentionne que, durant la saison hivernale, des rapports d'état de surface doivent être présentés « au moins une fois toutes les 8 heures, pendant les heures d'exploitation publiées ou lorsqu'il y a un changement important dans l'état de la surface des pistes ». La CSA 2000-002 ajoute qu'un changement important englobe notamment l'un ou l'autre de ceux énumérés aux rubriques « Exigences relatives aux comptes rendus » et « Mesure du frottement» de ladite circulaire. Les conditions énumérées dans ces deux rubriques de la CSA 2000-002 ne font aucune mention de la présence d'eau sur une piste.

    Le document TP 312 de Transports Canada intitulé Aérodromes – Normes et pratiques recommandées fait autorité au Canada en matière de spécifications d'aéroport. Voici ce que l'on peut y lire à la rubrique 2.5.1.2 :

    L'état de l'aire de mouvement et le fonctionnement des installations connexes seront surveillés et des comptes rendus seront communiqués sur des questions intéressant l'exploitation ou influant sur les performances des aéronefs, notamment sur ce qui suit … présence d'eau sur une piste, une voie de circulation ou une aire de trafic.

    Le TP 312 ne donne aucune autre explication de ce qui pourrait constituer des questions « intéressant l'exploitation » ou « influant sur les performances des aéronefs ». De plus, malgré la reconnaissance par Transports Canada que « [l]e compte rendu de l'état de la piste pendant une forte pluie est souvent inadéquat », le TP 312 n'indique aucune mesure à prendre en cas de forte pluieFootnote 64. Transports Canada a indiqué que la forte pluie n'est pas mentionnée dans le TP 312, car il s'agit d'un phénomène météorologique qui est couvert par les bulletins météorologiques réguliers et spéciaux.

    1.11 Communication des changements des conditions météorologiques et de l'état de la piste

    Des renseignements sur les conditions météorologiques et l'état de la piste précis et fournis en temps opportun aident les équipages de conduite à déterminer si l'aéroport convient et quelles sont les performances d'atterrissage.

    Aux stations desservies par un système automatisé d'observations météorologiques, un bulletin spécial va être émis lorsque de la pluie forte débute ou cesse. Toutefois, dans les stations où se trouvent des observateurs qualifiés qui s'occupent des bulletins météorologiques, il n'existe aucune exigence similaire dans le Manuel des opérations du contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC) de NAV CANADA enjoignant les contrôleurs d'aviser un pilote que de la forte pluie débute ou cesse. NAV CANADA a fait savoir que les contrôleurs font très attention au nombre de renseignements qui peuvent être transmis en toute sécurité aux pilotes, notamment pendant les périodes où la charge de travail de l'équipage est très élevée, comme au cours d'une approche aux instruments. De plus, la charge de travail d'un contrôleur peut également constituer un autre facteur limitatif. Le MANOPS ATC exige des contrôleurs qu'ils donnent la priorité à la prestation du service de contrôle sur les autres services; par conséquent, il arrive à l'occasion que des contrôleurs soient trop occupés à contrôler d'autres avions pour avoir le temps de communiquer des renseignements jugés consultatifs par nature.

    À CYQM, le personnel sur le terrain n'est pas tenu d'aviser le contrôleur de la circulation aérienne de la présence d'eau stagnante sur la piste, pas plus qu'il ne dispose du moindre équipement qui pourrait l'alerter de la présence de fortes chutes de pluie. Toutefois, si le personnel sur le terrain remarque de l'eau stagnante sur place, il va normalement le faire savoir au contrôleur de la tour.

    1.12 Pistes rainurées

    Strier ou rainurer des pistes nouvelles ou déjà en service est une méthode efficace et éprouvée qui permet d'améliorer le drainage, de minimiser les dérapages et les écarts, d'améliorer le freinage et de réduire les risques d'aquaplanageFootnote 65. D'après le document de Transports Canada TP 14842F intitulé Analyse avantages-coûts de la modification des facteurs de correction pour atterrissage sur piste mouillée, les pistes rainurées ou revêtues d'une CFP réduisent d'environ 75 % les risques d'accident sur une piste mouillée. D'après ce qui a été dit, le frottement de freinage sur une piste mouillée possédant des rainures espacées de 1,5 pouce est d'environ 80 % à 100 pour cent de celui sur une piste sèche, alors qu'il est de 38 % à 75 % sur une piste non rainuréeFootnote 66. Des résultats similaires ont été obtenus sur des pistes revêtues d'une CFP.

    Rien dans la réglementation actuelle n'oblige les aéroports canadiens à avoir des pistes rainurées. Toutefois, les exploitants d'aéroport sont autorisés à faire rainurer des pistes s'ils le jugent nécessaire à cause des conditions météorologiques locales. Transports Canada a fait savoir que le rainurage des pistes n'est pas une opération typique au Canada, compte tenu des défis que cela pose au niveau de la maintenance hivernale. Transports Canada a notamment indiqué que le rainurage permet l'accumulation de glace et de neige, ce qui augmente le risque d'endommagement des aéronefs par des corps étrangers. Toutefois, dans deux études distinctes, Transports Canada a conclu que le rainurage des pistes ne présentait pas de problèmes importants dans des conditions hivernales froides (neige), pas plus que cela ne créait des problèmes connexes au moment des opérations de contrôle de la neige et/ou de la glace en hiverFootnote 67 Footnote 68.

    D'après la rubrique AIR 1.6.5 de l'AIM, « les pistes bien drainées de la plupart des aéroports canadiens ne permettent pas que l'eau s'accumule en quantité suffisante pour que l'hydroplanage se produise ». Toutefois, au Canada, le taux des accidents dus à des sorties en bout de piste est 6 fois plus élevé que celui des É.-U.Selon le TP 14842F, cette très grande différence tient probablement au fait qu'en comparaison avec ce qui se produit au Canada, une forte proportion des atterrissages est effectuée sur des pistes rainurées aux É.-U. À l'heure actuelle, il existe 3 pistes rainurées au Canada : 1 à un grand aéroport, et 2 à de petits aéroports régionauxFootnote 69. À l'opposé, les pistes rainurées en asphalte et en béton sont très répandues aux É.-U. et sont recommandées par la FAAFootnote 70. Tous les grands aéroports des É.-U. utilisés par des avions commerciaux à turboréacteurs possèdent soit des pistes rainurées, soit des pistes revêtues d'une CFP destinées à réduire les risques d'aquaplanageFootnote 71. De la même façon, presque tous les grands aéroports du R.-U., de l'Europe continentale, de l'Australie et du Japon disposent soit d'une piste rainurée, soit d'une piste revêtue d'une CFP. Plusieurs des grands aéroports des É.-U. possédant des pistes rainurées sont situés dans des endroits proches de la frontière canadienne qui sont soumis à des conditions hivernales similaires à celles des grands aéroports canadiensFootnote 72.

    1.13 Aire de sécurité d'extrémité de piste (RESA)

    Le TP 312 décrit les caractéristiques physiques et les surfaces de limitation d'obstacles que doivent posséder les aérodromes. Voici comment le TP 312 définit une aire de sécurité d'extrémité de piste (RESA) : « Aire symétrique par rapport au prolongement de l'axe de la piste et adjacente à l'extrémité de la bande » censée « réduire les risques de dommages matériels au cas où un avion atterrirait trop court ou dépasserait l'extrémité de piste, et pour faciliter les déplacements des véhicules de sauvetage et d'incendie ».

    En 1999, l'Annexe 14 de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a été modifiée et une RESA de 90 m (300 pieds) est devenue la norme de l'OACI. Au même moment, la longueur recommandée de la RESA d'une piste de code 3 ou 4Footnote 73 est passée à 240 m (800 pieds). Aux É.-U., la FAA exige une RESA longue de 300 m (1000 pieds) comprenant une bande d'extrémité de piste de 60 m aux aéroports recevant des transporteurs aériens. Toutefois, Transports Canada a présenté une différence à la norme révisée de l'OACI portant sur les RESA, si bien que les RESA ne sont pas obligatoires au Canada.

    Le risque inhérent au manque de RESA, ou de tout autre moyen destiné à immobiliser un avion, a été identifié au cours de l'enquête sur la sortie en bout de piste d'un avion d'Air France. À la suite de cette enquête, le Bureau a recommandé que :

    le ministère des Transports exige que toutes les pistes de code 4 soient pourvues d'une aire de sécurité d'extrémité de piste (RESA) de 300 m ou d'un autre moyen d'immobilisation des aéronefs offrant un niveau de sécurité équivalent.
    Recommandation A07-06 du BST

    Dans la réponse à cette recommandation, Transports Canada a fait part de son intention de voir à l'harmonisation avec la norme actuelle de l'OACI exigeant une RESA de 90 m, mais pas avec la recommandation de l'OACI portant la longueur de la RESA à 240 m. Pour se justifier, Transports Canada a fait valoir qu'un examen des sorties en bout de piste survenues au cours des 20 dernières années montre qu'environ 91 % de ces sortie se terminent par une immobilisation de l'avion dans les 150 m de l'extrémité de la piste. Toutefois, ce nombre ne tient pas compte des dommages ou des blessures qui se produisent au cours de ces sorties en bout de piste quand l'avion se met à rouler sur une surface non préparée pour laquelle il n'est pas conçu. Au moment de la rédaction du présent rapport, la modification réglementaire proposée par Transports Canada devait encore se frayer un chemin à travers tout le processus d'élaboration de la réglementation, ce qui veut dire que cette lacune en matière de sécurité demeure à de nombreux aéroports canadiens. Puisque les mesures prévues par Transports Canada permettront de réduire partiellement la lacune soulevée dans la recommandation A07-06, mais pas de la réduire considérablement ni de l'éliminer, le Bureau estime qu'une attention en partie satisfaisante a été accordée à la lacuneFootnote 74.

    En mars 2010, le BST a publié sa Liste de surveillance détaillant les questions de sécurité sur lesquelles le BST a enquêté qui soumettent les Canadiens aux plus grands risques. Les accidents à l'atterrissage et les sorties en bout de piste constituaient une des 9 problèmes de sécurité mentionnées. Pour combattre le risque de sortie en bout de piste, la Liste de surveillance du BST soulignait l'importance de prévoir une « aire de sécurité » suffisante au-delà de l'extrémité d'une piste.

    Dans un récent numéro de son bulletin Sécurité aérienne – Nouvelles (2/2011), Transports Canada indiquait que le ministère s'était engagé à respecter les normes de l'OACI en matière de RESA et qu'il allait continuer à évaluer les avantages potentiels qu'il y aurait à prolonger les RESA jusqu'aux longueurs recommandées.

    1.14 Événement antérieur survenu à Moncton

    En 2004, un Boeing 727-200 qui se posait sur la piste 29 à CYQM est parti en aquaplanage à l'atterrissage et a quitté la piste à l'intersection avec la voie de circulation CharlieFootnote 75. Dans cet événement, qui s'est produit de jour, les conditions météorologiques signalées juste avant l'incident faisaient état d'une légère pluie et de brume. Toutefois, de la pluie forte était tombée au cours des 30 minutes précédentes. Avant l'atterrissage de l'avion en question, l'équipage d'un autre appareil avait transmis un message de pilote (PIREP) pour signaler la présence d'eau stagnante sur la piste et une qualité de freinage de l'avion allant de passable à mauvaise. De plus, le personnel d'entretien de l'aéroport avait signalé la présence, sur toutes les surfaces de l'aéroport, d'une couche d'eau stagnante pouvant atteindre une hauteur de ¼ pouce (6,35 mm). L'inspection de l'avion en question a révélé des dommages sous forme de dévulcanisation du caoutchouc qui pouvaient s'expliquer par un aquaplanage. Peu après, il y a eu publication d'une observation météorologique spéciale faisant état de forts orages et de forte pluie.

    2.0 Analyse

    Rien n'indique que le mauvais fonctionnement d'un système de l'avion aurait pu contribuer au présent événement. Par conséquent, l'analyse va se concentrer sur les facteurs opérationnels qui ont contribué à la décision de poursuivre l'atterrissage ainsi que sur les conditions environnementales qui ont contribué à la sortie en bout de piste. L'analyse va également se pencher sur certaines initiatives en matière de sécurité censées réduire le risque de sortie en bout de piste ainsi que sur les exigences actuelles concernant les services SLIA.

    2.1 La décision d'atterrir sur la piste 06

    D'après les renseignements météorologiques contenus dans le message ATIS Bravo, la piste 06 était la piste en service à cause de la direction du vent. La piste 06 était de 10 °M mieux alignée avec le vent que la piste 11. De plus, la piste 06 est desservie par une approche de précision aux instruments, ce qui autorisait des minimums météorologiques plus bas que l'approche de non-précision aux instruments qui dessert la piste 11. Connaissant ces 2 facteurs et croyant que la distance d'atterrissage disponible était suffisante, le commandant de bord a choisi de se poser sur la piste 06. Toutefois, les conditions météorologiques étaient au-dessus des minimums de l'approche de non-précision de la piste 11, laquelle se trouvait dans les limites acceptables de vent traversier et augmentait de 2000 pieds la distance d'atterrissage. De plus, l'équipage de conduite n'avait pas l'habitude d'atterrir sur la piste 06 plus courte. Il est probable qu'en raison de son manque d'expérience de l'équipage de conduite sur la piste plus courte, auquel s'ajoutaient les conditions environnementales, l'équipage était moins à même de reconnaître dans quelle proportion la marge de sécurité avait été réduite à cause du point de toucher plus loin sur la piste (entre 2000 et 2500 pieds du seuil) et de la vitesse de toucher plus élevée que nécessaire. Par conséquent, l'équipage de conduite n'a pas suivi les principes directeurs du manuel d'exploitation de Cargojet qui demandent aux pilotes de remettre les gaz et de faire une nouvelle approche si la précédente amènera vraisemblablement l'avion à se poser loin sur la piste.

    2.2 Procédures d'exploitation de Cargojet

    Le commandant de bord a choisi de faire une approche manuelle, et non pas une approche surveillée par le pilote. Cette décision se basait sur le fait que les conditions météorologiques signalées étaient au-dessus des limites météorologiques obligeant à effectuer une PMA indiquées dans les SOP de Cargojet. Quand l'avion est entré dans de la forte pluie quelques instants avant d'arriver à la hauteur de décision, il est probable que les pilotes portaient principalement tous les deux leur attention sur la piste, et c'est probablement pourquoi la vitesse trop élevée est passée inaperçue. La décision de faire, de nuit et par forte pluie, une approche manuelle plutôt qu'une approche surveillée par le pilote a probablement contribué à la vitesse plus élevée que nécessaire qu'a conservée l'avion jusqu'au toucher des roues.

    2.3 Performances d'atterrissage de l'avion

    2.3.1 Exigences réglementaires

    Au Canada, les exigences de régulation des exploitants assujettis à la sous-partie 705 du RAC possèdent des marges de sécurité réglementaires intégrées pour les pistes sèches aussi bien que mouillées. Toutefois, contrairement aux exigences de régulation EU-OPS 1 qui obligent à utiliser les véritables données de la distance d'atterrissage sur piste contaminée ou un équivalent approuvé, rien au Canada n'oblige, à des fins de régulation, à faire la preuve de marges de sécurité sur des surfaces de piste contaminées en utilisant de véritables données de la distance d'atterrissage sur piste contaminée ou un équivalent approuvé. Par conséquent, il y a un risque accru que les marges de sécurité servant à des fins de régulation soient réduites en cas de surfaces de piste contaminées.

    Dans le présent événement, la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée tirée de l'AFM de Boeing pour le Cargojet 620 était de 5990 pieds, ce qui se situe dans les limites de régulation pour une piste 06 mouillée qu'exige le paragraphe 705.61(1) du RAC; toutefois, ce résultat correspond à plus de 97 % de la distance d'atterrissage totale disponible. Dans le cas du B727-200, la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée avait été établie dans le cadre d'essais en vol réels, en plus de comprendre une marge de sécurité de 15 %. Une fois que cette marge de sécurité de 15 % appliquée par Boeing à des fins de certification est ôtée du résultat pondéré, cela donne une distance d'atterrissage non pondérée sur piste mouillée de 5209 pieds. La méthode utilisée par Boeing pour déterminer la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée donnait en fin de compte une marge de sécurité plus grande en cas d'atterrissage sur piste mouillée que la méthode traditionnelle consistant simplement à appliquer un facteur de pondération de 1,92 à la distance d'atterrissage non pondérée sur piste sèche (5737 pieds). Malgré cette marge de sécurité accrue, la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée n'offrait pas une marge de sécurité suffisante dans les présentes circonstances, et ce, à cause d'un toucher loin sur la piste, d'une vitesse de toucher plus élevée que la normale, d'une piste en pente légèrement descendante et contaminée par de l'eau stagnante. Ces différences représentent plusieurs des variables qui, jusqu'à un certain point, peuvent généralement se retrouver dans de nombreux atterrissages. Dans le présent événement, l'effet combiné de ces variables a eu tôt fait de gruger la marge de sécurité de 15 pour cent prévue dans la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée. C'est pourquoi il ne restait plus assez de piste pour que l'équipage de conduite des Cargojet 620 puisse immobiliser l'avion avant sa sortie en bout de piste à une vitesse de 50 KIAS.

    Le fait que la méthode utilisée par Boeing pour déterminer les distances d'atterrissage pondérées sur piste mouillée offre une plus grande marge de sécurité que la méthode traditionnelle laisse penser que cette dernière n'offre pas une marge de sécurité suffisante en ce qui concerne les sorties en bout de piste lorsque ladite piste est mouillée. Cette constatation cadre avec des études antérieures qui ont montré que le facteur actuel de régulation applicable à une piste mouillée n'offre pas une marge de sécurité suffisante. À partir des renseignements recueillis par la Flight Safety Foundation, ainsi que des études menées par Transports Canada, il semblerait que, pour une piste mouillée non rainurée, un facteur supérieur à 2,2 soit nécessaire pour donner un niveau de sécurité comparable à celui d'un atterrissage sur piste sèche non rainurée. Dans le présent événement, un facteur de régulation pour piste mouillée de 2,2 aurait exigé une longueur de piste d'au moins 6574 pieds, compte tenu de la masse de l'avion à ce moment-là, alors qu'une longueur de 6150 pieds était disponible. Le facteur actuel de régulation pour piste mouillée applicable aux exploitants régis par la sous-partie 705 du RAC n'offre pas une marge de sécurité suffisante pour tenir compte des variables opérationnelles qui peuvent exister au moment de l'atterrissage. Par conséquent, à cause de la marge de sécurité réduite, il y a un risque accru de sortie en bout de piste en cas d'atterrissage sur une piste mouillée.

    Une fois qu'un avion relevant de la sous-partie 705 du RAC décolle, l'équipage de conduite n'est plus lié par les exigences de l'alinéa 705.60(1)a) ou du paragraphe 705.61(1) du RAC. Dès que l'avion a décollé, l'équipage de conduite peut choisir n'importe quelle piste qu'il juge acceptable à destination. Alors que l'AIM renferme des lignes directrices générales sur la nécessité de prendre en considération les effets de la contamination des pistes, le RAC ne contient aucune exigence particulière demandant de calculer, avant le début d'une approche à l'atterrissage, qu'il existe bien une marge de sécurité liée aux performances d'atterrissage. Pour cette raison, il est possible que des équipages de conduite choisissent une piste qui n'offre pas une marge de sécurité suffisante contre les sorties en bout de piste, compte tenu d'un certain nombre de variables opérationnelles susceptibles d'avoir une incidence sur les performances d'atterrissage. Ces risques, déjà identifiés dans la recommandation A07-05 du Bureau, existent encore aujourd'hui.

    Le NTSB a fait état de préoccupations similaires, comme en témoigne la publication de la recommandation A-06-16 et, par la suite, de l'A-07-57. Le plan de mise en œuvre, par la FAA, de la spécification C082 aurait permis de prévoir une marge de 15 % dans tous les calculs de distance d'atterrissage; toutefois, cette initiative a fait l'objet d'une résistance considérable et a fini par être abandonnée au profit d'une approche volontaire prévue dans la SAFO 06012. En octobre 2009, le comité TALPA a soumis à la FAA ses propositions de modification de la réglementation. Si ces recommandations sont acceptées, les exploitants relevant de la Part 121 seront tenus d'effectuer avant l'atterrissage une évaluation opérationnelle de la distance d'atterrissage et de s'assurer de l'existence d'une marge de sécurité de 15 % avant la mise en approche. On ne sait pas le temps que va prendre le processus réglementaire avant d'arriver à son terme.

    De la même façon, Transports Canada a également présenté des APM visant à éliminer certaines inquiétudes liées à l'utilisation de pistes contaminées. Toutefois, ces APM ne font pas encore partie de la réglementation et, par conséquent, les risques de sortie en bout de piste existent toujours dans les deux pays lorsque, au moment de choisir une piste d'atterrissage, des équipages de conduite prévoient des marges de sécurité insuffisantes.

    La réglementation actuelle n'oblige pas l'équipage de conduite à s'assurer de l'existence d'une marge de sécurité suffisante en fonction de la distance d'atterrissage calculée par rapport à la distance d'atterrissage disponible et tenant compte des véritables conditions opérationnelles et environnementales. Par conséquent, il y a un risque accru que des pilotes choisissent de se poser sur des pistes offrant une marge de sécurité inacceptable contre les sorties en bout de piste.

    2.3.2 Certification de l'avion

    Bien que les essais de certification n'accordent aucun crédit à l'inversion de poussée, les distances d'atterrissage établies pendant la certification sont obtenues par des pilotes d'essai à l'aide d'un certain nombre de méthodes bien précises qui ne seront pas employées en exploitation normale. Par conséquent, il serait irréaliste de s'attendre à ce que les atterrissages ordinaires respectent ces distances d'atterrissage non pondérées. C'est pourquoi des facteurs de pondération de 1,67 et 1,92 sont normalement appliqués aux distances d'atterrissage non pondérées sur piste sèche afin de déterminer les distances d'atterrissage pondérées sur des pistes sèches et mouillées. Dans le cas du B727, la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée, qui prévoit une marge de sécurité de 15 %, se basait sur des essais réels sur piste mouillée. Toutefois, les constructeurs et les tierces parties fournissent ordinairement des données consultatives partant de distances d'atterrissage non pondérées qui accordent un crédit à l'utilisation de l'inversion de poussée. Il peut en résulter des chiffres qui sont nettement plus bas que ceux des distances pondérées sur des pistes sèches et mouillées. À la suite de l'accident de Midway, le NTSB a publié la recommandation A-06-16 visant précisément à éviter l'utilisation d'un tel crédit dans les calculs de la distance d'atterrissage, mais ce point n'a pas été incorporé à la réglementation.

    Dans le présent événement, l'équipage de conduite a également pondéré la distance en tenant de compte de l'utilisation des inverseurs de poussée; toutefois, il lui a fallu réduire l'inversion de poussée afin de ramener l'avion dans l'axe de la piste. Par conséquent, le crédit qui aurait dû découler de l'utilisation des inverseurs de poussée ne s'est pas pleinement matérialisé et la distance d'atterrissage a été plus longue que ce qui était prévu. Accorder un crédit à l'inversion de poussée dans les calculs de la distance d'atterrissage nécessaire accroît les risques de sortie en bout de piste si l'inversion de poussée n'est pas appliquée et maintenue conformément aux dispositions de l'AFM.

    2.3.3 Données sur les performance de Boeing

    Pour plusieurs de ses derniers avions, Boeing prépare des données consultatives afin d'aider les exploitants à déterminer si une distance d'atterrissage suffisante est disponible. Boeing fournit à ses clients autres que ceux de l'UE des données consultatives ne contenant pas la moindre marge de sécurité supplémentaire; par conséquent, ces tableaux présentent le meilleur scénario possible en fonction des conditions existantes. Comme cela a été dit plus haut, il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que ces distances soient respectées sur des pistes mouillées en exploitation normale, compte tenu des différences importantes des profils de vol utilisés en opérations normales par rapport à ceux utilisés pendant la certification. Par conséquent, tout écart par rapport au profil idéal d'approche et d'atterrissage va probablement se traduire par une augmentation importante de la distance d'atterrissage totale et par une réduction de la marge de sécurité. Cette question a déjà été réglée en Europe, où les données consultatives fournies aux exploitants régis par les JAR doivent inclure une marge de sécurité obligatoire de 15 pour cent intégrée aux distances d'atterrissage sur piste mouillée ou glissante. Les distances d'atterrissage non pondérées ne sont pas représentatives des opérations ordinaires et elles ne prévoient pas la moindre marge de sécurité. Par conséquent, il y a un risque accru de sortie en bout de piste lorsque les décisions de se poser se basent sur des distances d'atterrissage non pondérées.

    Si l'on se fie au tableau des véritables distances d'arrêt fourni par Boeing, Cargojet 620
    s'est posé à une vitesse qui a positionné l'avion à la limite supérieure, voire au-delà, des capacités maximales de freinage automatique sur piste sèche, en partant de l'hypothèse qu'aucun crédit n'était accordé à l'inversion de poussée. Toutefois, il fallait s'attendre à des distances d'arrêt nettement plus élevées sur une piste mouillée ou contaminée. L'avion en question ne possédait pas de freins automatiques, mais l'avantage d'utiliser un freinage maximal aux pieds par rapport à un freinage automatique maximal a dû être minime, compte tenu de l'état de la surface de la piste au moment des faits.

    Dans le présent événement, l'équipage de conduite a réduit l'inversion de poussée, conformément à la pratique recommandée de Boeing, quand l'avion est parti en aquaplanage tout en cherchant à se mettre dans le vent. La réduction de l'inversion de poussée après le toucher des roues afin de remettre l'avion dans l'axe de la piste avait beau être conforme à la pratique recommandée du constructeur, il n'empêche qu'elle a fait augmenter la distance nécessaire à l'arrêt de l'avion. De plus, contrairement à la pratique recommandée par Boeing, les freins n'ont pas été relâchés pendant la tentative de remise dans l'axe de la piste. Par conséquent, les roues n'ont pas eu l'occasion de tourner suffisamment vite pour provoquer le déclenchement du système antipatinage pendant le reste de la course à l'atterrissage. Il n'a pas pu être établi clairement si le fait d'avoir ou non relâché les freins des roues lorsque l'avion s'est mis à virer à droite à l'atterrissage aurait permis aux roues de tourner suffisamment vite pour provoquer le déclenchement du système antipatinage. Il est probable que la vitesse plus élevée que celle exigée au toucher des roues a empêché l'équipage de conduite de Cargojet 620 d'immobiliser l'avion sur la distance de piste restante, peu importe que l'avion soit parti en aquaplanage au moment de l'atterrissage. L'avion s'est posé à une vitesse plus élevée que celle exigée, ce qui a fait augmenter notablement la distance de piste nécessaire à un atterrissage en toute sécurité de l'avion.

    2.3.4 Procédures d'exploitation de Cargojet

    Respectant la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée de l'AFM, le tableau des longueurs de piste nécessaires à l'atterrissage utilisé par Cargojet à des fins de régulation exige une longueur minimale de piste de 5966 pieds pour que les limites de régulation soient respectées. Par conséquent, même si la piste 11 offrait près de 2000 pieds de longueur supplémentaire de piste disponible, la piste 06 respectait tout de même les limites de régulation prévues dans le paragraphe 705.61(1) du RAC. Toutefois, ce tableau ne tient pas compte d'un certain nombre de variables opérationnelles susceptibles de réduire la marge de sécurité intégrée de 15 %, pas plus qu'il n'indique que les distances pondérées prévoient seulement une marge de sécurité de 15 % au-dessus des distances d'atterrissage non pondérées sur piste mouillée. Le tableau de la masse permise en fonction de la longueur de piste disponible à l'atterrissage de Cargojet ne tient pas compte d'un ensemble de facteurs opérationnels et environnementaux. Par conséquent, il se peut que de tels tableaux n'offrent pas une marge de sécurité suffisante contre les sorties en bout de piste.

    Bien que la réglementation ne l'y oblige pas, Cargojet recommande d'appliquer un CRFI de 0,5 à la distance d'atterrissage sur piste sèche tirée du tableau de la distance d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol. Si l'on prend les conditions présentes dans cet événement, cette façon de procéder aboutit à une distance d'arrêt calculée qui est nettement inférieure à la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée et très légèrement supérieure à la distance d'atterrissage non pondérée sur piste mouillée. Par conséquent, l'application d'un CRFI de 0,5 aux distances d'atterrissage non pondérées sur piste sèche du B727 peut donner après calcul des distances d'atterrissage susceptibles de ne pas être atteintes pendant des opérations normales. Le chiffre obtenu par cette méthode a peut-être amené l'équipage de conduite à croire à l'existence d'une marge de sécurité suffisante pour un atterrissage sur la piste 06. L'application d'un CRFI de 0,5 aux distances d'atterrissage non pondérées sur piste sèche peut se traduire par une marge de sécurité insuffisante en cas d'atterrissage sur une piste mouillée. Par conséquent, il y a un risque accru de sortie en bout de piste découlant de calculs trop optimistes des performances d'atterrissage sur piste mouillée.

    Cargojet a adopté la méthode recommandée par Boeing consistant à maintenir jusqu'au toucher des roues une correction pouvant atteindre un maximum de 20 nœuds afin de tenir compte des rafales. Toutefois, il n'y a aucune ligne directrice dans les manuels de Boeing ou de Cargojet qui traite de l'impact qu'aura cette correction, ou toute autre augmentation de la vitesse de toucher des roues, sur la distance d'atterrissage totale. D'après Boeing, un toucher des roues à VREF plus 18 nœuds devrait se traduire par une distance d'atterrissage supérieure d'environ 477 pieds aux chiffres indiqués dans l'AFM, lesquels se basent sur 1,4 VS (soit environ VREF plus 9 nœuds). Qui plus est, le manuel des performances de Cargojet ne prévoit aucune correction pour la pente de la piste, laquelle dans ce cas précis n'aurait que très peu augmenté la distance d'atterrissage. Dans de nombreux cas, cette distance d'atterrissage additionnelle sera sans conséquence sur des pistes plus longues, mais elle pourrait cependant avoir un impact sérieux aux petits aéroports dotés de pistes plus courtes, comme la piste 06 à CYQM. Le tableau de la distance d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol dont se sert Cargojet ne prévoit aucun ajustement pour plusieurs facteurs opérationnels et environnementaux courants. Par conséquent, il y a un risque accru de sortie en bout de piste découlant d'erreurs dans les calculs de la distance d'atterrissage nécessaire.

    2.4 Les pistes mouillées

    Bien que tous les aéroports canadiens essaient de prévoir un drainage suffisant capable d'éviter les accumulations de pluie pouvant entraîner la présence d'eau stagnante, ce point continue de poser problème – notamment en cas de pluie diluvienne. Un drainage insuffisant aux aéroports rend plus probable la présence d'eau stagnante, laquelle augmente le risque de sortie en bout de piste à cause de l'aquaplanage.

    Au moment des faits, il pleuvait depuis plusieurs heures. Puis, alors que l'avion était en approche, la pluie est devenue forte. Il y a probablement eu apparition d'eau stagnante, puisque l'intensité de la pluie s'est avérée supérieure aux capacités de drainage de la piste. Dans le présent événement, les 4 roues du train d'atterrissage principal de l'avion présentaient toutes des traces de dévulcanisation du caoutchouc, signe d'aquaplanage. Puisque les roues ne devaient pas tourner pendant l'aquaplanage et que l'équipage de conduite n'a pas relâché les freins lorsqu'il a remis l'avion dans l'axe de la piste, le système antipatinage n'a été d'aucune efficacité. À cause de la présence d'eau stagnante sur la piste, l'avion est parti en aquaplanage, ce qui a mené à une perte de la maîtrise en direction et de la capacité de freinage provoquant une augmentation substantielle de la distance d'arrêt nécessaire.

    C'est un fait bien établi que la distance d'atterrissage va augmenter sur une piste contaminée, notamment si, comme presque toutes les pistes au Canada, elle n'est pas rainurée. Toutefois, ce ne sont pas les guides qui manquent pour donner aux exploitants une idée de la distance d'atterrissage dans des conditions allant d'une piste mouillée à une autre contaminée par de l'eau stagnante. La comparaison des projections des chiffres apparaissant à la figure 4 montre bien l'importance qu'il faut accorder aux effets de la pluie et/ou de l'eau stagnante au moment de choisir la piste d'atterrissage. Pour 3 des 5 facteurs de pondération recommandés sur piste mouillée, la distance d'atterrissage projetée dépasse la distance d'atterrissage disponible sur la piste 06 à CYQM, tandis que les 2 autres distances sont inférieures de moins de 175 pieds de la longueur utilisable de cette piste. Toutefois, aucun de ces résultats ne dépasse la distance d'atterrissage disponible sur la piste 11. Si les équipages de conduite n'envisagent pas suffisamment bien les effets potentiels d'une contamination d'une piste par de l'eau, ils risquent de ne pas être conscients de la diminution de la marge de sécurité inhérente à un atterrissage sur une piste plus courte.

    À l'heure actuelle, il n'existe aucune méthode universellement reconnue permettant de quantifier les effets de la pluie afin d'évaluer si une piste convient à l'atterrissage, qu'il s'agisse d'une pluie persistante ou d'une pluie brève, mais de forte intensité. Avant la publication de l'AIM en 2005, les équipages de conduite disposaient d'équivalents CRFI couvrant un certain nombre d'états de piste reliés à la présence d'eau. Bien que l'AIM signale toujours que la pluie risque de donner des coefficients de freinage se situant dans la plage des CRFI allant de 0,5 à 0,3, le tableau des équivalents CRFI ne fait plus référence à une piste mouillée depuis une étude de Transports Canada qui suggérait de ne plus traiter des pistes mouillées, puisque les chiffres dépendaient de la vitesse. Bien que les inquiétudes entourant la fiabilité des équivalents CRFI sur piste mouillée soient peut-être fondées, il n'empêche que la disparition de ces chiffres du tableau des CRFI risque de mener certains équipages de conduite à sous-estimer l'impact potentiel de l'eau sur la distance d'atterrissage. Par conséquent, très peu nombreuses sont les lignes directrices mises à la disposition des pilotes pour les aider à déterminer si une piste mouillée se prête à l'atterrissage. L'absence de lignes directrices formelles permettant d'évaluer l'impact de la pluie sur les performances d'atterrissage augmente le risque que des équipages de conduite sous-estiment la distance nécessaire pour immobiliser leur avion en toute sécurité après un atterrissage sur une piste mouillée.

    2.5 Rapports d'état de la surface de la piste

    La pluie, la neige, la glace ou la neige mouillée contaminent les pistes et ont une incidence sur la distance d'atterrissage. Pour que les équipages de conduite puissent évaluer avec précision si une piste se prête à l'atterrissage, ils doivent avoir une idée claire de l'état actuel de la piste, notamment si une contamination est possible. Les rapports RSC font partie des outils conçus pour fournir aux pilotes les renseignements importants dont ils ont besoin afin de déterminer pendant les mois d'hiver si une piste se prête à l'atterrissage. Dans le présent événement, le plus récent rapport RSC avait été préparé 8 heures plus tôt et il ne faisait état d'aucun danger de contamination potentielle par de la pluie forte ou de l'eau stagnante. En l'absence de tout renseignement à l'effet contraire, l'équipage de conduite a d'abord dû s'attendre à effectuer un atterrissage sur une piste sèche et dégagée, et non pas sur une piste contaminée par de l'eau stagnante. Le manque de rapports RSC précis et préparés en temps opportun pendant des périodes de pluie prolongée ou de forte intensité accroit le risque de sortie en bout de piste à cause de mauvais calculs des performances d'atterrissage.

    En matière de rapports RSC, les normes et pratiques recommandées actuelles se concentrent sur les conditions hivernales, comme la présence de neige, de glace, etc. Toutefois, ces normes et pratiques recommandées sont ambigües et elles manquent de directives claires quant aux inspections des pistes durant les périodes de forte pluie ou lorsqu'il se peut qu'il y ait de l'eau stagnante sur une piste. Il s'en suit que c'est l'exploitant de l'aéroport qui est obligé de préparer des politiques internes visant à atténuer les risques de rapports d'état de la surface de la piste inexacts. Dans le présent événement, la forte pluie avait débuté avant la diffusion du message ATIS Charlie, et il est probable que la piste 06 était contaminée par de l'eau stagnante. Toutefois, le rapport RSC n'avait pas été mis à jour pour tenir compte de ce changement d'état de la piste, ce qui ne contrevenait pas à la réglementation. Même s'il est entendu que mesurer les effets de l'eau sur les pistes n'est pas chose facile, il n'en demeure pas moins que l'absence de normes clairement définies en matière de rapports RSC augmente le risque d'aquaplanage et de nouvelles sorties en bout de piste.

    2.6 Communication des modifications des conditions météorologiques

    Les conditions météorologiques ont changé à CYQM, passant d'une pluie légère à forte alors que Cargojet 620 était en approche ILS de la piste 06. Le message ATIS Charlie avait été diffusé environ 4 minutes avant que Cargojet 620 intercepte la trajectoire d'alignement de descente, mais la tour n'a pas relayé à l'avion les renseignements météorologiques mis à jour. Si l'équipage s'est rendu compte que la forte pluie demandait l'utilisation des essuie-glaces, sa charge de travail l'a peut-être empêché d'envisager complètement les implications de la forte pluie sur les performances d'atterrissage de l'avion.

    Il y a augmentation du risque de sortie en bout de piste à cause de réductions inattendues des performances d'atterrissage si des modifications importantes des conditions météorologiques susceptibles de nuire aux performances d'atterrissage des avions ne sont pas communiquées en temps opportun aux pilotes.

    2.7 Saufetage et lutte contre les incendies d'aéronef

    Au moment des faits, aucun membre du personnel des services SLIA n'était de garde, ce qui ne contrevenait toutefois pas à la réglementation, vu qu'il s'agissait d'un avion tout-cargo. Par conséquent, le service local des incendies a été contacté par un appel téléphonique au 9-1-1 et il est arrivé sur les lieux 6 minutes plus tard (soit environ 20 minutes après les faits). Ni ce délai d'intervention, ni l'incapacité des véhicules à se rendre à proximité de l'avion à cause de l'état du sol n'ont contribué au présent événement. Cependant, ces points mettent en évidence les défis auxquels risquent d'être confrontés les services locaux des incendies s'ils doivent intervenir au-delà des surfaces en dur d'un aéroport. Aux aéroports où les services SLIA ne sont offerts que pendant des heures limitées, il y a un risque accru que les services des incendies mettent beaucoup de temps à intervenir si un événement se produit en dehors des heures normales où les services sont offerts.

    2.8 Pistes ranurées

    Les performances des avions qui se posent sur des pistes mouillées sont une source bien connue de préoccupation en matière de sécurité. Dans le présent événement, il appert que l'accumulation de pluie a dépassé la capacité de drainage de la piste, d'où l'apparition d'eau stagnante. Des pistes rainurées améliorent le drainage, augmentent la résistance au dérapage, réduisent le risque d'aquaplanage et sont recommandées par la FAA. Des études ont montré que des pistes rainurées mouillées offrent souvent un niveau de freinage de très peu inférieur à celui des pistes sèches. À l'heure actuelle, seuls 3 aéroports canadiens possèdent des pistes rainurées; l'un d'entre eux est un grand aéroport, tandis que les 2 autres sont de petits aéroports régionaux. Contrairement à la FAA, Transports Canada n'a publié aucune recommandation formelle soulignant les avantages des pistes rainurées, ce qui ne contrevient toutefois pas à la réglementation. Malgré des plaintes concernant les difficultés d'entretien des pistes rainurées en hiver, de telles pistes sont utilisées sans problème dans d'autres régions géographiques soumises à des conditions météorologiques similaires. De plus, au moins 2 études de Transports Canada ont déjà signalé que les pistes rainurées ne représentent aucun défi particulier dans des conditions hivernales. Il importe de mentionner que le taux élevé de sorties en bout de piste au Canada par rapport à celui des É.-U. est probablement lié à une utilisation largement répandue de pistes rainurées dans ce pays, contrairement au Canada. L'utilisation de pistes non rainurées augmente le risque de sorties en bout de piste à la suite d'un aquaplanage.

    2.9 Aire de sécurité d'extrémité de piste

    Les sorties en bout de piste continuent de poser l'un des plus grands risques au public voyageur canadien. C'est pourquoi le Bureau a mis ce problème dans sa Liste de surveillance, où il fait partie des questions de sécurité les plus importantes demandant la prise de mesures supplémentaires. Pour le Bureau, la présence d'aires de sécurité au-delà de l'extrémité de la piste constitue une mesure clé contre les dommages et les blessures résultant de sorties en bout de piste. Malgré cela, Transports Canada n'a toujours pas modifié sa politique, après avoir soumis en 1999 une notification de différence par rapport à la modification de la norme de l'OACI exigeant une RESA de 90 m pour toutes les pistes des codes 3 et 4. Par conséquent, les RESA ne sont pas obligatoires au Canada.

    Bien que Transports Canada ait indiqué son intention de se conformer à la nouvelle norme de l'OACI, tel n'est toujours pas le cas aujourd'hui. Par conséquent, de nombreux aéroports de par le Canada sont dépourvus du tampon de sécurité qu'offre une RESA ou un autre moyen capable d'immobiliser les avions avec un niveau de sécurité équivalent.

    La position de Transports Canada consiste à dire que la vaste majorité des sorties en bout de piste surviennent dans les 150 m au-delà de la piste. Toutefois, plusieurs des avions impliqués dans des sorties en bout de piste se sont probablement immobilisés de façon très abrupte, compte tenu de la présence d'une surface non préparée au-delà de l'extrémité de la piste, ce qui augmente le risque de dommages aux avions et de blessures aux passagers.

    Compte tenu de l'endroit où l'avion s'est immobilisé, cet événement est un exemple d'une situation qui se termine dans les 150 m au-delà du seuil. Cependant, l'avion est sorti de la bande d'extrémité de piste à une vitesse de 50 KIAS. Comme il aurait fallu environ 483 pieds pour immobiliser l'avion roulant à cette vitesse sur une piste mouillée, en supposant qu'aucun crédit n'aurait été accordé à l'inversion de poussée, l'événement serait tombé dans les limites de la RESA de 240 m recommandée par l'OACI (et non pas dans la norme des 90 m), si la piste 06 avait été dotée d'une telle RESA. L'absence de réglementation exigeant la présence d'une RESA augmente le risque de dommages aux avions et de blessures aux passagers dans les aéroports canadiens ne possédant ni RESA ni un autre système ou dispositif artificiel conçu pour immobiliser en toute sécurité les avions qui sortent en bout de piste.

    3.0 Conclusions

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. L'avion s'est posé entre 2000 et 2500 pieds au-delà du seuil de piste et à une vitesse plus élevée que nécessaire, ce qui a augmenté de façon importante la longueur de piste nécessaire à l'immobilisation en toute sécurité de l'avion.
    2. À cause de la présence d'eau stagnante sur la piste, l'avion est parti en aquaplanage, ce qui a mené à une perte de la maîtrise en direction et de la capacité de freinage provoquant une augmentation substantielle de la distance d'arrêt nécessaire.
    3. La réduction de l'inversion de poussée après le toucher des roues afin de remettre l'avion dans l'axe de la piste, réduction qui était conforme à la pratique recommandée du constructeur, a fait augmenter la distance nécessaire à l'arrêt de l'avion.
    4. La décision de faire, de nuit et par forte pluie, une approche manuelle plutôt qu'une approche surveillée par le pilote a probablement contribué à la vitesse plus élevée que nécessaire qu'a conservée l'avion jusqu'au toucher des roues.
    5. À cause de la combinaison d'un toucher loin sur la piste, d'une vitesse de toucher plus élevée que nécessaire et de la présence d'eau stagnante sur la piste, l'avion n'a pas été en mesure de s'arrêter sur la distance d'atterrissage disponible. C'est pourquoi l'avion est sorti en bout de piste et a fini par s'immobiliser dans une épaisse couche de boue.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    1. Rien au Canada n'oblige, à des fins de régulation, à faire la preuve de marges de sécurité sur des surfaces de piste contaminées, en utilisant de véritables données de la distance d'atterrissage sur piste contaminée ou un équivalent approuvé. Par conséquent, il y a un risque accru que les marges de sécurité servant à des fins de régulation soient réduites en cas de surfaces de piste contaminées.
    2. Le facteur actuel de régulation pour piste mouillée applicable aux exploitants régis par la sous-partie 705 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) n'offre pas une marge de sécurité suffisante pour tenir compte des variables opérationnelles qui peuvent exister au moment de l'atterrissage. Par conséquent, à cause de la marge de sécurité réduite, il y a un risque accru de sortie en bout de piste en cas d'atterrissage sur une piste mouillée.
    3. La réglementation actuelle n'oblige pas l'équipage de conduite à s'assurer de l'existence d'une marge de sécurité suffisante en fonction de la distance d'atterrissage calculée par rapport à la distance d'atterrissage disponible et tenant compte des véritables conditions opérationnelles et environnementales. Par conséquent, il y a un risque accru que des pilotes choisissent de se poser sur des pistes offrant une marge de sécurité inacceptable contre les sorties en bout de piste.
    4. Accorder un crédit à l'inversion de poussée dans les calculs de la distance d'atterrissage nécessaire accroît les risques de sortie en bout de piste si l'inversion de poussée n'est pas appliquée et maintenue conformément aux dispositions du manuel de vol de l'avion.
    5. Les distances d'atterrissage non pondérées ne sont pas représentatives des opérations ordinaires et elles ne prévoient pas la moindre marge de sécurité. Par conséquent, il y a un risque accru de sortie en bout de piste lorsque les décisions de se poser se basent sur des distances d'atterrissage non pondérées.
    6. Le tableau de la masse permise en fonction de la longueur de piste disponible à l'atterrissage de Cargojet ne tient pas compte d'un ensemble de facteurs opérationnels et environnementaux. Par conséquent, il se peut que de tels tableaux n'offrent pas une marge de sécurité suffisante contre les sorties en bout de piste.
    7. L'application d'un Coefficient canadien de frottement sur piste de 0,5 aux distances d'atterrissage non pondérées sur piste sèche peut se traduire par une marge de sécurité insuffisante en cas d'atterrissage sur une piste mouillée. Par conséquent, il y a un risque accru de sortie en bout de piste découlant de calculs trop optimistes des performances d'atterrissage sur piste mouillée.
    8. Le tableau de la distance d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol dont se sert Cargojet ne prévoit aucun ajustement pour plusieurs facteurs opérationnels et environnementaux courants. Par conséquent, il y a un risque accru de sortie en bout de piste découlant d'erreurs dans les calculs de la distance d'atterrissage nécessaire.
    9. Un drainage insuffisant aux aéroports rend plus probable la présence d'eau stagnante, laquelle augmente le risque de sortie en bout de piste à cause de l'aquaplanage.
    10. L'utilisation de pistes non rainurées augmente le risque de sorties en bout de piste à la suite d'un aquaplanage.
    11. Si les équipages de conduite n'envisagent pas suffisamment bien les effets potentiels d'une contamination d'une piste par de l'eau, ils risquent de ne pas être conscients de la diminution de la marge de sécurité inhérente à un atterrissage sur une piste plus courte.
    12. L'absence de lignes directrices formelles permettant d'évaluer l'impact de la pluie sur les performances d'atterrissage augmente le risque que des équipages de conduite sous-estiment la distance nécessaire pour immobiliser leur avion en toute sécurité après un atterrissage sur une piste mouillée.
    13. Le manque de rapports d'état précis au sujet de la surface de la piste, préparés en temps opportun pendant des périodes de pluie prolongée ou de forte intensité, accroit le risque de sortie en bout de piste à cause de mauvais calculs des performances d'atterrissage.
    14. L'absence de normes clairement définies en matière de rapports d'état de la surface de la piste augmente le risque d'aquaplanage et de poursuite des sorties en bout de piste.
    15. Il y a augmentation du risque de sortie en bout de piste à cause de réductions inattendues des performances d'atterrissage si des modifications importantes des conditions météorologiques susceptibles de nuire aux performances d'atterrissage des avions ne sont pas communiquées en temps opportun aux pilotes.
    16. Aux aéroports où les services de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronefs ne sont offerts que pendant des heures limitées, il y a un risque accru que les services des incendies mettent beaucoup de temps à intervenir si un événement se produit en dehors des heures normales où les services sont offerts.
    17. L'absence de réglementation exigeant la présence d'une aire de sécurité d'extrémité de piste (RESA) augmente le risque de dommages aux avions et de blessures aux passagers dans les aéroports canadiens ne possédant ni RESA ni un autre système ou dispositif artificiel conçu pour immobiliser en toute sécurité les avions qui sortent en bout de piste.

    3.3 Autre fait établi

    1. Il n'a pas pu être établi clairement si le fait d'avoir relâché les freins des roues lorsque l'avion s'est mis à virer à droite à l'atterrissage aurait permis aux roues de tourner suffisamment vite pour provoquer le déclenchement du système antipatinage.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures prises

    4.1.1 Cargojet Airways Ltd.

    Après les faits, Cargojet a mis à jour son manuel d'exploitation et ses procédures d'utilisation normalisées afin d'y inclure des renseignements plus étoffés de l'IATA et de la Flight Safety Foundation portant sur l'utilisation de pistes contaminées, l'importance de l'antipatinage, les effets de l'aquaplanage et l'importance de bien respecter les vitesses et les profils sur des pistes qui présentent des limites.

    4.1.2 Aerodata Inc.

    À la suite de cette enquête, Aerodata a effectué un examen interne de son manuel des performances du Boeing 727-200, et le manuel a été modifié de manière à comporter 2 tableaux distincts à n'utiliser qu'en vol, l'un pour les distances d'atterrissage non pondérées sur piste sèche, et l'autre sur piste mouillée.

    4.1.3 NAV CANADA

    À la suite de cet événement, NAV CANADA a publié le bulletin Squawk 7700 - 2010-1 intitulé Accidents à l'atterrissage et sorties de piste, dans lequel on rappelle aux contrôleurs ceci : « Lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises, les pilotes doivent recevoir en temps opportun des renseignements sur l'état de la surface de la piste. » Ce bulletin devait faire l'objet d'un exposé obligatoire donné à tout le personnel d'exploitation des aéroports (FSS et ATC) afin de traiter des préoccupations associées à ce genre d'événement.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Pour obtenir de plus amples renseignements sur le BST, ses services et ses produits, visitez son site Web ( www.bst-tsb.gc.ca). Vous y trouverez également des liens vers d'autres organismes de sécurité et des sites connexes.

    Annexes

    Annexe A – Tableau de la masse permise en fonction de la longueur de piste disponible à l'atterrissage

    Note : Ce document n'est disponible qu'en anglais.

    Annexe A. Tableau de la masse permise en fonction de la longueur de piste disponible à l'atterrissage
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    Annexe A Tableau de la masse permise en fonction de la longueur de piste disponible à l'atterrissage

    Annexe B – Tableau des distances d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol

    Note : Ce document n'est disponible qu'en anglais.

    Annexe B. Tableau des distances d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol
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    Annexe B Tableau des distances d'atterrissage à n'utiliser qu'en vol

    Annexe C – Carte de l'aéroport de Moncton

    Note : Ce document n'est disponible qu'en anglais.

    Annexe C. Trajectoire au sol de l'avion accidenté
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    Annexe C Trajectoire au sol de l'avion accidenté

    Annexe D – Renseignements consultatifs de la FAA sur le B737-800

    Note : Ce document n'est disponible qu'en anglais.

    Annexe D. Renseignements consultatifs de la FAA sur le B737-800
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    Annexe D Renseignements consultatifs de la FAA sur le B737-800

    Annexe E – Renseignements consultatifs des JAA sur le B737-800

    Note : Ce document n'est disponible qu'en anglais.

    Annexe E. Renseignements consultatifs des JAA sur le B737-800
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    Annexe E Renseignements consultatifs des JAA sur le B737-800

    Annexe F – Tableau des longueurs de piste nécessaires à l'atterrissage à des fins de régulation

    Note : Ce document n'est disponible qu'en anglais.

    Annexe F. Tableau des longueurs de piste nécessaires à l'atterrissage à des fins de régulation
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    Annexe F Tableau des longueurs de piste nécessaires à l'atterrissage à des fins de régulation

    Annexe G – Distances d'atterrissage recommandées en fonction du CRFI

    Note : Ce document n'est disponible qu'en anglais.

    Annexe G. Distances d'atterrissage recommandées en fonction du CRFI
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    Annexe G  Distances d'atterrissage recommandées en fonction du CRFI

    Annexe H – Tableaux d'équivalence entre RSC et CRFI

    Note : Ce document n'est disponible qu'en anglais.

    Figure 1. Tableau d'équivalence entre RSC et CRFI – avant le 27 octobre 2005 (valeurs pour l'eau)
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    Figure of Tableau d'équivalence entre RSC et CRFI – avant le 27 octobre 2005 (valeurs pour l'eau)

    Note : Ce document n'est disponible qu'en anglais.

    Figure 2. Plage des CRFI attendus par type de surface – En vigueur le 27 octobre 2005 (aucune valeur pour l'eau)
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    Figure of Plage des CRFI attendus par type de surface – En vigueur le 27 octobre 2005 (aucune valeur pour l'eau)

    Annexe I – Liste des rapports de laboratoire du BST

    L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

    • LP123/2007 – FDR/CVR Analysis (Analyse du FDR et du CVR)
    • LP131/2007 – Accelerometers Testing C-GXPR (Tests d'accéléromètre du C-GXPR)

    On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.