Sortie de piste
Embraer EMB-145LR, N840HK
Trans States Airlines LLC
Aéroport international Macdonald-Cartier d'Ottawa (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
À 15 h 29, heure avancée de l'Est, un avion Embraer EMB-145LR (portant l'immatriculation N840HK et le numéro de série 145341) de la société Trans States Airlines LLC assurant le vol United Express 3363 depuis l'aéroport International O'Hare de Chicago, aux États-Unis, se pose sur la piste d'atterrissage no 32 de l'aéroport international Macdonald Cartier d'Ottawa pendant une forte pluie. Peu après l'atterrissage, l'appareil dérape et glisse vers le côté gauche de la piste. Aucun des 44 passagers et des 3 membres d'équipage n'est blessé. Tous les occupants quittent l'avion en toute sécurité, en utilisant la porte principale de la cabine. Au moment de la sortie de piste, les deux côtés du train d'atterrissage principal s'affaissent, endommageant l'aile et provoquant une fuite de carburant. Il n'y a pas d'incendie et la radiobalise de repérage d'urgence ne s'active pas.
1.0 Renseignements de base
1.1 Déroulement du vol
À 14 h 06Footnote 1, le vol United Express 3363 (LOF3363) de la société Trans States Airlines LLC (TSA), a quitté l’aéroport international O’Hare de Chicago, aux États-Unis. Avant d’amorcer la descente vers l’aéroport international Macdonald‑Cartier d’Ottawa (CYOW) (Ontario), l’équipage de conduite a reçu le message du service automatique d’information de région terminale (ATIS) contenant l’information Yankee pour CYOW, émis à 14 h 11. En se basant sur la vitesse et la direction du vent, l’équipage a calculé que la vitesse d’approcheFootnote 2 (VAPP) exprimée en nœuds (KIAS) devait être de 133 nœuds.
Dans l’information Yankee d’ATIS, la piste 25 avait été désignée comme piste active. Toutefois, à la suite d’une sortie en bout de piste sur la piste 07/25, en août 2010, TSA a interditFootnote 3 à ses équipages de conduite d’utiliser cette piste pour décoller ou atterrir lorsque sa surface est humide ou mouillée. Puisque des averses de pluie étaient prévues pour CYOW et que la piste 32 était la plus longue, l’équipage de conduite a décidé, à 15 h 06, d’approcher celle-ci en utilisant le système d’atterrissage aux instruments (ILS).
À 15 h 24, le service de contrôle de la circulation aérienne du terminal CYOW a avisé l’équipage qu’une forte pluie commençait à tomber sur l’aéroport. Environ 2 minutes plus tard, l’avion a intercepté l’alignement de descente pour le système d’atterrissage aux instruments vers la piste 32. La descente finale a été amorcée, le train d’atterrissage a été sorti et les volets ont été positionnés à 22°. Lorsque l’équipage a communiqué avec la tour de contrôle de CYOW, le contrôleur a signalé qu’une pluie modérée avait commencé à tomber sur l’aéroport et que le vent soufflait à 10 nœuds du 310° magnétiques (M).
L’avion a franchi le repère d’approche finale de GREELY (YYR) à 4,3 milles marins (nm), légèrement au-dessus de l’alignement de descente, à une vitesse de 174 KIAS. À environ 15 h 28, l’avion était à 1000 pieds au-dessus du sol (agl) et sa vitesse était de 155 nœuds. Peu après, l’équipage a réglé les volets à 45°. La vitesse anémométrique était alors d’environ 145 KIAS. Le contrôleur a avisé l’équipage que le vent soufflait maintenant du 320 °M à 13 nœuds avec des rafales à 20 nœuds. Pour compenser l’augmentation de la vitesse du vent, l’équipage a augmenté la VAPP à 140 KIAS.
Environ 1 minute plus tard, à 15 h 29, l’avion a survolé le seuil de la piste 32 à environ 45 pieds agl, à une vitesse anémométrique de 139 KIAS. Au moment où l’appareil franchissait le seuil de la piste, l’intensité de la pluie s’est accrue et l’équipage a réglé la vitesse des essuie-glaces au maximum. À environ 20 pieds agl, l’équipage a réduit la puissance et a amorcé l’arrondi.
Juste avant que les roues touchent le sol, une forte averse a réduit la visibilité, de telle sorte que l’équipage ne voyait plus la piste. Constatant que le taux de descente augmentait de façon soudaine, à environ 5 pieds agl, le commandant a réglé les 2 moteurs à la poussée maximaleFootnote 4. Le voyant d’avertissement principal s’est allumé et un message vocal a indiqué que les volets n’étaient pas en position de décollageFootnote 5. La poussée maximale a été appliquée pendant 7 secondes.
L’avion s’est posé doucement à 2700 pieds du seuil de la piste, à une vitesse de 119 KIAS. Toutefois, la vitesse anémométrique a augmenté et l’avion a décollé. L’appareil a touché la piste une seconde fois à 3037 pieds du seuil et la vitesse anémométrique a augmenté jusqu’à 125 KIAS. Au moment du toucher, la vitesse anémométrique a atteint 128 KIAS pendant que la roue avant descendait vers le sol, puis les manettes de poussée ont été ramenées à la position du ralenti de vol. Les déporteurs extérieurs se sont déployés presque au même moment, suivis, environ 8 secondes plus tard, des déporteurs intérieurs. L’appareil était à environ 20 pieds à droite de la ligne centrale de la piste lorsque les roues ont touché terre pour la seconde fois.
Une fois la roue avant posée au sol, le commandant a appliqué les freins à fond. L’équipage a presque immédiatement constaté que l’appareil commençait à déraper. Le commandant a alors ordonné au premier officier d’appliquer lui aussi les freins au maximum. L’avion a continué à déraper et aucune pression d’air substantielle n’a été enregistrée jusqu’à environ 14 secondes après le déploiement des déporteurs extérieurs, moment où la pression de freinage a soudainement augmenté, atteignant le maximum. Pendant ce temps, le commandant tentait de ramener l’appareil au centre de la piste.
Lorsque l’appareil a dérapé, il s’est immédiatement déporté vers la gauche. La pédale du palonnier droit a été enfoncée au maximum, mais le mouvement vers la gauche s’est poursuivi.
Il y avait alors suffisamment d’eau sur la piste pour que les pneus projettent à l’arrière de l’appareil un sillage d’eau, communément appelé « éclaboussure de sillage », d’une hauteur de plus de 22 pieds et d’une longueur de plus de 300 pieds (Photo 1).
À un certain point pendant la course à l’atterrissage, le commandant a appliqué partiellement le frein de stationnement et de secours. Ne percevant aucun résultat, il a augmenté la pression sur le frein. Puisque l’appareil ne ralentissait pas, la poignée du frein de stationnement et de secours a été relâchée.
L’avion a continué à déraper jusqu’à environ 7500 pieds du seuil, puis il a commencé à glisser latéralement vers le côté de la piste.
À 15 h 30, la roue avant a quitté la surface revêtue de la piste, à 8120 pieds du seuil, en suivant un cap au 271 °M, au moment où l’avion filait à environ 53 nœuds. L’avion s’est immobilisé juste à gauche de la surface pavée, pointant vers le cap 211 °M. Une fois l’appareil immobilisé, l’équipage de conduite a suivi la procédure d’arrêt d’urgence décrite dans le manuel de référence rapide (QRH) et a communiqué avec l’agent de bord pour s’informer de l’état des passagers. L’équipage a déterminé qu’il n’y avait pas de menace immédiate et a décidé de retenir les passagers à bord.
Lorsque l’appareil a quitté la piste, la tour de contrôle a déclenché l’alarme d’écrasement. Les services de sauvetage et de lutte contre les incendies d’aéronefs (SLIA) de CYOW sont arrivés sur les lieux environ 3 minutes après le déclenchement de l’alarme d’écrasement. Après avoir inspecté minutieusement l’extérieur de l’appareil, les SLIA ont informé l’équipage de conduite de la présence d’une fuite de carburant.
Le commandant a alors ordonné l’évacuation immédiate de l’avion. Les passagers sont sortis par la porte principale et sont descendus sur la piste en suivant les instructions de l’équipage et du personnel des SLIA. L’évacuation a commencé environ 12 minutes après l’immobilisation de l’appareil.
Une fois l’évacuation terminée, les pompiers ont projeté de la mousse autour de l’appareil, à l’endroit où le carburant s’était écoulé.
1.2 Tués et blessés
Équipage de conduite | Passagers | Autres | Total | |
---|---|---|---|---|
Tués | – | – | – | – |
Blessés graves | – | – | – | – |
Blessés légers/indemnes | 3 | 44 | – | 47 |
Total | 3 | 44 | – | 47 |
1.3 Dommages à l’aéronef
L’avion a subi des dommages importants lorsque le train d’atterrissage principal s’est affaissé. La surface inférieure de l’aile gauche a été endommagée, ce qui a provoqué une fuite de carburant (Photo 2).
1.4 Autres dommages
Les SILA ont communiqué avec une équipe de spécialistes des matières dangereuses pour faire évaluer la zone de déversement. Le système de drainage des eaux le long de la piste a été isolé, inspecté, rincé et drainé pour éliminer les contaminants et éviter l’accumulation de carburant et de vapeurs dans le système.
1.5 Renseignements sur le personnel
Les dossiers indiquent que l’équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. L’équipage de conduite à bord de l’avion était composé d’un commandant de bord, d’un premier officier et d’un agent de bord.
Le commandant était le pilote aux commandes. Le vol en cause était le quatrième d’une série de 5 que l’équipage de conduite devait effectuer le jour de l’accident. L’équipage en était à son troisième jour d’un jumelage de 6 jours.
Le commandant de bord et le premier officier travaillaient pour TSA depuis environ 6 ans et demi et 4 ans, respectivement. L’agent de bord travaillait pour TSA depuis environ 1 an et demi.
Commandant | Premier officier | |
---|---|---|
Licence de pilote | Pilote de ligne | Pilote de ligne |
Dernier examen médical | 25 mars 2011 | 18 mars 2011 |
Nombre total d’heures de vol | 8000 | 4800 |
Heures de vol sur type | 4000 | 3800 |
Nombre total d’heures de vol dans les 6 derniers mois | 324 | 412 |
Nombre d’heures de vol sur type dans les 30 derniers jours | 48 | 58 |
Nombre d’heures de service avant l’événement | 8 | 8 |
Nombre de jours de repos avant le début du jumelage | 3 | 7 |
1.6 Renseignements sur l’aéronef
1.6.1 Généralités
Les dossiers indiquent que l’avion était homologué, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. De plus, aucune défectuosité n’a été signalée avant le vol menant à l’événement. Rien n’indique qu’il y ait eu une défaillance de la cellule ou un mauvais fonctionnement d’un système avant ou pendant le vol.
L’enquête a montré que la masse et le centre de gravité de l’avion se trouvaient dans les limites prescrites.
L’appareil était muni d’un calculateur central de maintenance, qui enregistre les messages concernant l’entretien de l’appareil et des données sur le fonctionnement des moteurs. Bien que le téléchargement ait été effectué avec succès, l’unité de mémoire ne contenait pas de données. Il a été impossible de déterminer pourquoi les données n’ont pas été enregistrées.
Constructeur | Embraer S.A. |
---|---|
Type et modèle | EMB-145LR |
Année de construction | 2000 |
Numéro de série | 145341 |
Certificat de navigabilité | Délivré le 18 juillet 2004 |
Total des heures/cycles de la cellule | 25 655 heures, 23 335 cycles |
Type de moteur (nombre) | Rolls Royce AE3007A1 (2) |
Masse maximale autorisée au décollage | 48 501 livres |
1.6.2 Inverseurs de poussée
Il a été démontré que les inverseurs de poussée sont très efficaces pour réduire les distances d’accélération-arrêt sur les pistes mouillées ou contaminées et fournir une force de freinage indépendante de la friction des pneus sur la piste. Si le freinage à l’atterrissage est déficient à cause de la surface de la piste, l’inversion de la poussée peut faire toute la différence. Les inverseurs de poussée ont contribué de façon positive à améliorer le dossier de sécurité en matière d’accélération-arrêt des avions de transportFootnote 6,Footnote 7.
Les inverseurs de poussée offrent plusieurs avantages sur le plan opérationnel. En voici quelques-unsFootnote 8 :
- réduction des distances d’atterrissage;
- diminution de l’usure des freins des avions;
- atterrissages plus sécuritaires dans des conditions météorologiques difficiles;
- marges de contrôle et de sécurité supplémentaires pour les décollages interrompus.
Au moment de l’accident, 14 des 26 appareils EMB-145 exploités par TSA étaient équipés d’inverseurs de poussée. L’appareil en cause ne l’était pas.
1.6.3 Circuit d’orientation du train avant
Le circuit d’orientation du train avant est à commande électrique et à activation hydraulique. L’équipage de conduite peut tourner le train avant de 5° dans chaque direction au moyen des pédales du palonnier. Normalement, ce jeu de 5° sert à corriger légèrement la direction de l’appareil sur le sol, lorsqu’il se déplace à grande vitesse, au moment du décollage ou de l’atterrissage. Le système peut également tourner le train avant jusqu’à 76° dans chaque direction en utilisant le levier de direction et les pédales du palonnier pour les manœuvres à basse vitesse.
1.6.4 Systèmes de déporteurs d’ailes de l’EMB-145
L’EMB-145 est muni de déporteurs intérieurs et extérieurs. Lors d’un atterrissage normal, lorsque le poids repose sur le train d’atterrissage principal et que les manettes de poussée des 2 moteurs sont réglées à moins de 30° ou que les vitesses de rotation des ensembles haute pression (N2) des moteurs sont inférieures à 56 %, les 4 déporteurs sont déployés automatiquement si la vitesse des roues du train d’atterrissage principal est supérieure à 25 nœuds. Les roues du train d’atterrissage principal sont numérotées de 1 à 4 à partir de la roue extérieure du côté gauche de l’appareil. Le fonctionnement des déporteurs intérieurs est commandé par les vitesses des roues nos 1 et 3. Dès qu’une des 2 roues atteint 25 nœuds, les 2 déporteurs intérieurs se déploient. Les déporteurs extérieurs sont commandés par les roues nos 2 et 4. Une fois déployés, les déporteurs se rétractent dès qu’une de ces conditions n’est plus remplie.
Au moment de l’atterrissage de l’appareil en cause sur la piste 32, les déporteurs extérieurs se sont déployés presque immédiatement après que les roues eurent touché le sol et le sont demeurés pendant environ 20 secondes. Les déporteurs intérieurs se sont déployés 8 secondes après les déporteurs extérieurs et sont demeurés dans cette position pendant environ 4 secondes.
1.6.5 Système de freinage antipatinage de l’EMB-145
L’avion EMB-145 est équipé d’un système de freinage principal HydroAire Mark V, système entièrement numérique à commande électrique doté d’une fonction antipatinage. Le circuit de freinage comprend une unité de commande de freinage, des répartiteurs de freinage intérieur et extérieur, des transducteurs de pédales, des mécanismes de freinage, des transducteurs de pression et des transducteurs de vitesse de rotation des roues. Dès que l’un ou l’autre des pilotes appuie sur les pédales de frein, un signal est transmis à l’unité de commande, qui envoie ensuite un signal aux répartiteurs. Puis, les répartiteurs envoient du fluide hydraulique aux freins en quantité proportionnelle à la pression exercée sur les pédales. Les systèmes hydrauliques nos 1 et 2 alimentent le système de freinage principal à unepression de 3000 livres au pouce carré (lb/po²).
La commande de freinage par les pédales de frein est étagée. Dans la première partie du mouvement, les pédales ont très peu d’effet sur les freins; la deuxième partie a un effet modéré et la troisième, un effet maximal. Des signaux de rétroaction de pression des transducteurs de pression permettent d’établir une corrélation étroite entre la pression de freinage commandée et celle qui en résulte. Si les 2 pilotes appuient sur les pédales de frein au même moment, la pression de freinage est proportionnelle aux pédales les plus enfoncées.
Si la vitesse de rotation des roues est inférieure à 10 nœuds, la fonction antipatinage est désactivée. Le pilote peut ainsi verrouiller les freins et faire pivoter l’appareil autour d’une roue. Si la vitesse est supérieure à 10 nœuds, le système antipatinage est activé pour chaque roue. Le système de freinage mesure la vitesse de rotation de chaque roue et compare les résultats à une valeur de référence calculée (la vélocité optimale pour la roue). Si l’écart entre ces 2 valeurs est très important, la pression est relâchée pour empêcher les roues de patiner.
Si la vitesse de rotation des roues est supérieure à 30 nœuds, le système de freinage active le dispositif antiblocage des roues, en plus de la protection antipatinage. Le dispositif de protection antiblocage compare la vitesse de rotation d’une roue à celle de la roue correspondante. Les roues intérieures sont jumelées l’une à l’autre, tout comme les roues extérieures. Si la vitesse de rotation de la roue la plus lente est inférieure ou égale à 30 % de celle de la roue la plus rapide, l’unité de commande envoie un signal de correction au répartiteur de freinage, qui relâche entièrement la pression de freinage sur la roue pour qu’elle puisse reprendre sa vitesse. L’écart de 30 % entre les vitesses de rotation des roues permet d’appliquer un certain degré de freinage différentiel pour mieux diriger l’appareil. Si la vitesse de la roue la plus rapide d’une paire jumelée est inférieure à 30 nœuds, le dispositif antiblocage est désactivé pour cette paire de roues.
Le circuit de freinage comprend un dispositif de protection au toucher des roues qui empêche l’équipage d’actionner les freins avant la mise en rotation des roues principales à l’atterrissage. Ce dispositif empêche l’application des freins au moyen des pédales de frein avant la rotation des roues, si l’appareil est au sol depuis 3 secondes ou moins ou si la vitesse de rotation de la roue est de 50 nœuds ou moins, selon la première éventualité.
La pression exercée sur les freins est la pression la plus basse résultant de la comparaison de la position des pédales, de la protection antipatinage, de la protection au toucher et de la protection antiblocage des roues. Dans l’incident en cause, la pression des freins nos 1 et 3 a augmenté jusqu’à environ 400 lb/po² environ 1 seconde après le contact avec le sol (annexe B)Footnote 9. Au cours des 12 secondes suivantes, la pression du frein no 1 a fluctué de 0 à environ 300 lb/po², puis de 0 à 3000 lb/po², jusqu’à ce que l’appareil sorte de la piste. Pendant ce temps, la pression du frein no 3 a fluctué de 0 à environ 200 lb/po², puis s’est stabilisée à 100 lb/po² pendant environ 5 secondes. La pression a ensuite augmenté rapidement jusqu’à la pression maximale du système, puis s’est maintenue ou a légèrement diminué, jusqu’à ce que l’appareil quitte la piste.
1.6.6 Frein de stationnement et de secours de l’avion EMB-145
Habituellement, le frein de stationnement et de secours est utilisé pour bloquer les roues du train d’atterrissage principal lorsque l’appareil est stationné. Il peut aussi servir de système de secours en cas de défaillance du système principal. Le frein de stationnement et de secours, qui est indépendant du système de freinage principal, est commandé mécaniquement par une poignée de commande placée à gauche de la console centrale. Lorsque la poignée est tirée, la pression est exercée sur les 4 freins du train d’atterrissage principal, proportionnellement au déplacement de la poignée. La poignée peut également être bloquée en position d’activation pour verrouiller les freins lorsque l’appareil est stationné. Un clapet-navette, installé sur le frein, isole les conduits du système principal de ceux du système d’urgence. Le système de freins de stationnement et de secours n’est pas muni d’un dispositif antipatinage, et sa pression de freinage n’est pas enregistrée par l’enregistreur de données de vol (FDR). Ce système est alimenté à une pression de 3000 lb/po² par le système hydraulique no 2.
Lorsque les freins sont appliqués au moyen des pédales et que la poignée de commande est actionnée, la pression exercée sur les freins est la plus élevée des deux pressions, c’est-à-dire celle du système principal ou celle du système d’urgence et de stationnement, selon le cas. En raison de la conception du système de freinage principal, la pression de freinage relevée par le FDR sera celle du système principal, même si la pression exercée est celle du système de stationnement et de secours.
1.6.7 Pneus du train d'atterrissage principal
Le train d'atterrissage principal de l'appareil est muni de 4 pneus. L'usure des semelles n'a joué aucun rôle dans l'événement dont il est question ici. Le fabricant précise que les pneus du train d'atterrissage principal doivent être gonflés à 160 lb/po² ±4 lb/po². Vingt-quatre heures après l'accident, le Bureau de la sécurité des transports (BST) a mesuré la pression des pneus. Voici les résultats : pneu no 1 : 160 lb/po²; pneus no 2 : 150 lb/po²; pneus nos 3 et 4 : 145 lb/po². Les pressions de gonflage des pneus nos 2, 3 et 4 n'étaient pas conformes aux directives du fabricant.
Les 4 pneus du train d'atterrissage principal présentaient des signes de dévulcanisation du caoutchouc causée par l'hydroplanage (section 1.17.1) (Photo 3). Des marques de dérapage, orientées à environ 55° par rapport à l'axe de l'avion, étaient visibles au-dessus des endroits où le caoutchouc était dévulcanisé. Des marques de chauffage à la vapeur causées par les 4 pneus du train d'atterrissage principal étaient visibles à divers endroits le long de la piste (Photo 4).
1.7 Conditions météorologiques
1.7.1 Généralités
Une prévision d'aérodrome (TAF) pour CYOW, valide de 14 h le 4 septembre 2011 à 14 h le 5 septembre 2011, a été émise à 13 h 38 le 4 septembre 2011. La prévision indiquait : vent du 240° vrai (V) à 12 nœuds, visibilité de 6 sm, nuages fragmentés à partir de 3000 pieds agl, ciel couvert à 10 000 pieds agl, visibilité temporairement réduite à 4 sm avec pluie de faible intensité et brume entre 14 h et 18 h, et ciel couvert à 3000 pieds agl. La prévision annonçait également : 30 % de probabilité de vent variable à 20 nœuds avec rafales à 35 nœuds entre 14 h et 18 h, visibilité de 2 sm avec orages et forte pluie, plafond de nuages fragmentés à 600 pieds agl et couverture nuageuse à 2000 pieds agl avec nuages de type cumulonimbus.
Au moment de l'approche et de l'atterrissage, l'information ATIS de 15 h (l'information Zulu) indiquait : vent de 9 nœuds à 250 °M, visibilité de 15 sm, couverture nuageuse à partir de 4400 pieds agl, couverture nuageuse à partir de 12 000 pieds agl, température de 26 °C, point de rosée de 19 °C, et altimètre indiquant 29,70 pouces de mercure.
À 15 h 27, un rapport d'observation météorologique spéciale (SPECI), émis pour CYOW, indiquait : vents du 300 °V à 10 nœuds, visibilité de ½ sm avec fortes averses de pluie, couverture nuageuse à 3000 pieds agl et nombreux cumulus bourgeonnants couvrant 8 octasFootnote 10, température de 23 °C. Le SPECI n'a pas été transmis à l'équipage de conduite, à cause du temps normalement requis pour faire une observation et saisir les données. La tour de contrôle a reçu le SPECI seulement après l'atterrissage de l'appareil.
Aucun rapport de pilote (PIREP) n'était en vigueur au moment de l'accident.
1.7.2 Observations météorologiques au moment de l'accident
À 15 h 35, environ 5 minutes après l'accident, un autre SPECI a été diffusé, indiquant ce qui suit : vents du 270 °V à 13 nœuds avec rafales à 15 nœuds, visibilité de 1 ½ sm avec fortes averses de pluie, ciel couvert à 3000 pieds agl et cumulus bourgeonnants couvrant 8 octas, température de 22 °C.
L'Unité de gestion des eaux pluviales de la ville d'Ottawa dispose d'un système automatique de mesure de la quantité de pluie. Certains éléments de ce système se trouvent à proximité de la tour de contrôle de CYOW, adjacents à la piste 14/32. Le système est muni d'un pluviomètre à auget basculeur qui transmet des impulsions électroniques à un système d'enregistrement informatisé. Les données ne sont pas communiquées au bureau d'observation météorologique de CYOW. Entre 15 h 20 et 15 h 29, heure de l'atterrissage, la hauteur totale de pluie accumulée était d'environ 10,2 mm. L'examen des données cumulatives aux 5 minutes relevées pendant cette période indique une intensité de pluie de 9,6 millimètres par heure (mm/h) durant les 5 premières minutes, d'environ 67,2 mm/h pendant les 5 minutes suivantes, et finalement, de 45,6 mm/h au moment de l'atterrissage. Le BST a calculé que, pendant la période entre l'atterrissage de l'avion et sa sortie de piste, cette piste était recouverte de 4 à 6 mm d'eau en moyenne (Photo 5 et Photo 6).
D'après la section 3.9.5 du Manuel d'observations météorologiques (MANOBS)Footnote 11 d'Environnement Canada, l'intensité de la précipitation au moment de l'accident correspondait à une forte pluie (annexe D).
1.8 Aides à la navigation
Le système d'atterrissage aux instruments (ILS) de la piste 32 était opérationnel, et aucune défectuosité des dispositifs d'aide à la navigation n'avait été signalée avant l'approche et l'atterrissage.
1.9 Communications
Les communications entre le vol LOF3363 et la tour de contrôle pendant le vol se sont déroulées normalement. Une fois l'appareil immobilisé, l'équipage de conduite a exécuté toutes les instructions du manuel de référence rapide (QRH), puis a coupé l'alimentation électrique. Environ 4 minutes plus tard, l'équipage a rétabli l'alimentation électrique pour pouvoir communiquer avec l'équipe de SLIA. Une fois informé de la fuite de carburant, l'équipage a immédiatement coupé l'alimentation électrique.
1.10 Renseignements sur l'aérodrome
1.10.1 Généralités
CYOW dispose de 3 pistes : 07/25, 14/32 et 04/22. La piste 14/32 mesure 10 005 pieds de longueur sur 200 pieds de largeur. Elle comprend une plateforme anti-souffle de 150 pieds de longueur sur 200 pieds de largeur à chaque extrémité. Il n'y a pas d'aire de sécurité d'extrémité de piste (RESA) et la piste n'est pas rainurée. Actuellement, la piste 07/25 de CYOW est la seule piste rainurée de tous les aéroports civils importants au Canada.
1.10.2 Entretien des pistes
Les tests de frottement sur piste sont effectués à CYOW au moins 3 fois par année pendant les mois d'avril à novembre. Les tests les plus récents avaient été effectués 8 jours avant l'accident. Le coefficient moyen de frottement pour toute la longueur de la piste 14/32 était meilleur que les valeurs minimales spécifiées par Transports Canada (TC). Selon ces valeurs, aucun travail d'entretien ne devait être effectué ou n'était prévu sur cette piste. Les coefficients moyens de frottement doivent également satisfaire aux exigences minimales de la Federal Aviation Administration (FAA) et de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) (tableau 4).
Critères de seuil | Valeurs minimales de frottement | ||
---|---|---|---|
TC Footnote 12 | FAA Footnote 13 | OACI Footnote 14 | |
Moyenne de la piste – mesures correctives à prévoir | 0,60 | 0,60 | 0,60 |
Moyenne de la piste – mesures correctives requises | 0,50 | 0,50 | 0,50 |
Segment de piste Footnote 15 | |||
Moyenne du segment le plus bas − mesures correctives à prévoir | 0,40 | 0,60 | 0,60 |
Moyenne du segment le plus bas − mesures correctives requises | 0,30 | 0,50 | 0,50 |
1.10.3 Rainurage des pistes
Le striage ou le rainurage des pistes, qu'elles soient nouvelles ou en service, est une méthode efficace et éprouvée qui permet d'améliorer le drainage, de minimiser le patinage et la dérive, d'améliorer le freinage et de réduire les risques d'hydroplanage (annexe C).
L'annexe 6 du document de l'OACI décrit une piste rainurée ou revêtue d'une couche de frottement poreuse (PFC)Footnote 16 comme « une piste en dur réalisée avec des rainures transversales ou une couche de frottement poreuse de façon à présenter de meilleures caractéristiques de freinage lorsqu'elle est mouillée »Footnote 17. Le document Aérodromes - Normes et pratiques recommandées de Transports Canada (TP312F) précise que « la surface d'une piste en dur sera construite de manière à fournir de bonnes caractéristiques de frottement lorsque cette piste est mouilléeFootnote 18. »
En 1997, la FAA a publié la circulaire d'information 150/5320-12C Measurement, Construction, and Maintenance of Skid-resistant Airport Pavement Surfaces, déclarant, à l'appui du rainurage de la chausséeFootnote 19 :
[Traduction] Le rainurage était la première étape majeure pour accroître la sécurité de la surface des chaussées pour l'exploitation d'avions par temps pluvieux […] un haut niveau de frottement pourrait être obtenu sur une chaussée mouillée en créant des rainures transversales très serrées sur la surface de la piste, ce qui permettrait de chasser l'eau de pluie sous les pneus d'un avion à l'atterrissage.
Le rainurage des pistes desservant ou devant desservir des avions à turboréacteurs est considéré comme hautement prioritaire sur le plan de la sécurité et devrait être réalisé à l'étape de construction des pistes. Le rainurage des pistes non rainurées devrait être exécuté dès que possible.
Le 20 novembre 2012, TC a publié la circulaire d'information CI 300-008 – Rainurage des pistes, qui fournit aux exploitants d'aéroports de l'information et des directives sur le rainurage des pistes. La CI 300-008 précise, notammentFootnote 20 :
Le rainurage des pistes consiste à pratiquer des cannelures (rainures) transversales parallèles. Le rainurage améliore la macrotexture de la surface du revêtement, il réduit l'épaisseur de la couche d'eau lors des averses de pluie et il sert à évacuer l'eau pouvant être emprisonnée entre la surface du revêtement et le pneu de l'avion. Ces effets réduisent le risque d'hydroplanage des avions dans des conditions mouillées. De plus, par comparaison avec une piste non rainurée, le rainurage peut aussi améliorer la qualité du freinage des avions sur piste mouillée.
Actuellement, aucun règlement n'exige le rainurage des pistes des aéroports canadiens. Au Canada, le rainurage a été utilisé pour résoudre des problèmes propres à des emplacements (par exemple, pour favoriser le drainage des pistes dont les pentes transversales sont faibles ou problématiques) qui n'auraient pas pu être corrigés autrement à un coût abordable.
1.11 Enregistreurs de bord
L'avion était muni d'un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) à semi-conducteurs Honeywell (modèle no 980-6022-001, no de série 1319) et d'un enregistreur des données de vol (FDR) à semi-conducteurs Honeywell (modèle no 980-4700-042, no de série SSFDR-10813). Les deux enregistreurs ont été retirés de l'appareil et expédiés au Laboratoire du BST, où les données ont été récupérées et analysées. Le CVR contenait 2 heures d'enregistrements. Le FDR contenait environ 26,4 heures de données de vol, soit celles du vol en cause et celles des 18 vols précédents.
Le FDR peut enregistrer la vitesse des 4 roues et la pression des 4 freins du train d'atterrissage principal ainsi que les angles des pédales de frein du pilote et du copilote. La quantité de données enregistrées dépend du type d'unité de commande de freinage (BCU) installée dans l'appareil. Les données fournies par la BCU de l'avion en cause indiquent que seules les pressions des freins no 1 et no 3 ont été enregistrées. En l'absence de données enregistrées indiquant la vitesse de rotation et la pression des freins des roues no 2 et no 4 ainsi que la position des pédales de frein, l'enquête n'a pas permis de déterminer à quel moment ces roues ont patiné.
1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact
En raison de l'orientation de l'avion lorsqu'il s'est déporté à gauche de la piste, le train d'atterrissage principal gauche s'est affaissé vers l'extérieur et a heurté la partie inférieure de l'aile gauche. Le train d'atterrissage principal droit s'est affaissé vers l'intérieur dans le compartiment du train d'atterrissage. Lorsque l'appareil s'est immobilisé, les volets étaient à 45°, l'aile gauche se trouvait au-dessus du train d'atterrissage gauche affaissé et l'aile droite touchait le sol.
Les 3 trains d'atterrissage, de même que des composants des systèmes hydrauliques, électriques et de commande de vol, ont été endommagés. Le compartiment du train d'atterrissage principal droit, les bords d'attaque et de fuite de l'aile droite, les volets intérieurs et extérieurs de l'aile droite et leurs vérins de commande ainsi que le carénage entre les ailes et le fuselage ont été endommagés. La partie inférieure de l'aile gauche a été perforée, ce qui a provoqué une fuite de carburant.
1.13 Renseignements médicaux et pathologiques
Rien n'indique qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques auraient pu nuire à la performance de l'équipage. L'enquête a permis de déterminer que la fatigue n'était pas un facteur dans cet événement.
1.14 Incendie
Il n'y a pas eu d'incendie.
1.15 Questions relatives à la survie des occupants
Les procédures d'exploitation normalisées de TSA contiennent les instructions suivantesFootnote 21 :
[Traduction] Une évacuation d'urgence peut être nécessaire à n'importe quelle étape des opérations au sol, c'est-à-dire pendant le roulage, après un décollage interrompu ou après l'atterrissage. Toutes les variables doivent être considérées lorsqu'on détermine si un avion doit être évacué : présence ou absence de flammes ou de fumée, déversement de carburant, dommages structurels, type de portes (escaliers escamotables ou passerelles d'embarquement), incapacités connues des passagers, environnement extérieur, disponibilité immédiate ou absence d'équipe de sauvetage et de lutte en cas d'accident et autres facteurs considérés comme pertinents. Une décision raisonnée doit ensuite être prise en considérant en priorité le critère suivant : les passagers et l'équipage sont-ils plus en sécurité DANS l'avion ou HORS de celui-ci. […]
Évacuation préventive
[Traduction] Dans certaines circonstances, comme une alerte à la bombe, le commandant peut décider de faire sortir les passagers par prévention afin qu'ils quittent l'appareil le plus rapidement possible avec le moins de risques possibles. La porte principale de la cabine est la première issue à considérer. Dans ce type d'évacuation, les passagers peuvent se voir demander de laisser leurs bagages à main à bord afin de ne pas ralentir l'évacuation.
Avant d'évacuer un appareil, le commandant doit d'abord prendre une décision en se fondant sur l'information fournie par les divers systèmes de l'appareil, l'équipage de conduite et les sources externes, comme les contrôleurs de la circulation aérienne ou les SLIA. La décision doit être prise en fonction de l'option la moins risquée, à savoir si les risques de blessures sont plus élevés si les passagers demeurent à bord ou s'ils quittent l'appareil. Si le commandant opte pour l'évacuation, il doit déterminer si les passagers et l'équipage utiliseront toutes les sorties disponibles ou si les passagers doivent quitter l'appareil en utilisant les escaliers classiques ou les passerelles d'embarquement. Dans l'événement en cause, il a été décidé, après consultation avec l'équipe SILA, et le commandant ayant été mis au courant de la fuite de carburant, d'évacuer l'appareil en utilisant les escaliers principaux. Les passagers et l'équipage ont été évacués sous une forte pluie.
Une fois les passagers hors de l'appareil, l'équipe de conduite a procédé à un dénombrement. Des ponchos ont été distribués par les SLIA, car aucun autre abri n'était disponible pour protéger les passagers des éléments. Le Centre des opérations de sûreté de CYOW a demandé un autobus environ 6 minutes après le signalement de la sortie de piste. L'autobus est arrivé sur les lieux environ 19 minutes après la demande. Les passagers ont ensuite été transportés jusqu'à l'immeuble principal du terminal pour passer aux douanes.
1.16 Essais et recherches
Sans objet.
1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion
1.17.1 Trans States Airlines LLC
Fondée en 1982, la société Resort Air a changé de nom en 1989 pour devenir Trans States Airlines. Son siège social est à St. Louis (Missouri). À l'origine, la société utilisait divers types d'avions à turbopropulseurs, mais en 1998, elle a commencé à utiliser des appareils Embraer EMB-145. Au moment de l'accident, elle disposait d'une flotte de 26 appareils. TSA est une ligne aérienne régionale subsidiaire aux termes de la partie 121 des Federal Aviation Regulations. Elle effectue des vols pour United Airlines et US Airways vers environ 39 destinations.
1.17.2 Programme de sécurité de Trans States Airlines
Les programmes de sécurité et le programme d'évaluation interne de TSA sont décrits dans le manuel Safety and Regulatory Compliance Manual (SAFE) de la société. Le directeur de la sécurité a élaboré ce manuel, de même que les programmes connexes, pour assurer l'exploitation sécuritaire des appareils et tenir la haute direction au fait des questions touchant la sécurité de l'exploitation.
Il était responsable de la mise en œuvre et de la tenue à jour des procédures et des programmes qui font partie du programme de sécurité. Le groupe responsable de la sécurité et de la conformité de TSA effectuait une surveillance indépendante des activités quotidiennes de la ligne aérienne, évaluait la conformité aux Federal Aviation Regulations et aux bonnes pratiques de sécurité, analysait les données et les compilait, puis faisait des comptes rendus de ses constatations. Les directeurs de chaque service étaient responsables des mesures correctives. De plus, ce groupe évaluait les rapports sur les risques préparés par le personnel de l'entreprise et les transmettait aux directeurs des services chargés d'appliquer les mesures correctives appropriées.
Trans States Airlines n'avait pas de système de gestion de la sécurité (SGS), et n'était pas tenue, par règlement, d'avoir un tel système. Son programme de sécurité intégrait toutefois certains éléments d'un SGS type.
1.17.3 Formation donnée par Trans States Airlines
Les commandants suivent une formation et doivent passer un examen tous les 6 mois afin que la société puisse vérifier si leurs connaissances sur le fonctionnement des avions sont à jour. Les premiers officiers doivent suivre une formation et passer un examen tous les ans. Les différents modules qui font partie de la formation générale initiale et récurrente de TSAFootnote 22 portent notamment sur la performance des avions sur des pistes mouillées et contaminées. La formation traite également de l'hydroplanage et de ses répercussions sur la performance des appareils pendant l'atterrissage et le décollage sur des pistes mouillées. Les atterrissages de nuit sur une piste contaminée sont un des éléments du programme de formation initiale sur simulateur de TSA. Les techniques de freinageFootnote 23 pouvant être utilisées lorsque le système antipatinage est en fonction sont décrites dans une diapositive PowerPoint présentée aux étudiants pendant la formation. TSA ne donne pas de formation dans un simulateur sur les techniques de freinage différentiel.
TSA n'accorde aucune attention particulière à la formation et à la compétence en ligne concernant le pilotage sur les pistes rainurées ou non rainurées, ni au fait que peu d'aéroports canadiens disposent de pistes rainurées. Le vol en cause était l'un des derniers vols de TSA vers CYOW; actuellement, la société n'effectue pas de vols réguliers au Canada.
1.18 Renseignements supplémentaires
1.18.1 Hydroplanage
L'hydroplanage se produit lorsqu'une pellicule d'eau se crée entre les pneus de l'avion et la surface de la piste, ce qui provoque une perte de traction et empêche l'avion de répondre aux commandes telles que la direction ou le freinage. Un atterrissage à une vitesse supérieure aux vitesses de toucher des roues recommandées expose l'avion à un plus grand risque d'hydroplanage. Une fois que l'hydroplanage est amorcé, il peut persister jusqu'à des vitesses beaucoup plus basses que la vitesse d'hydroplanage initiale minimale. À cause de l'hydroplanage dynamique, les roues non freinées qui ne sont pas en rotation, par exemple, au moment où l'avion touche la surface d'une piste mouillée, ne commencent pas à tourner tant que la vitesse sol de l'appareil n'est pas égale ou inférieure à la vitesse critiqueFootnote 24. L'hydroplanage dynamiqueFootnote 25 est décrit de la façon suivante :
Note de bas de page 26Selon la National Aeronautics and Space Administration (NASA), la vitesse critique (formule de calcul de la vitesse d'hydroplanage) pour un pneu en rotation est égale à 9 fois la racine carrée de la pression de gonflage du pneu. Si la piste est recouverte d'une pellicule d'eau de 2,54 mm ou plus au moment du toucher lorsque les roues ne sont pas encore en rotation, la vitesse critique correspond à 7,7 fois la racine carrée de la pression de gonflage du pneu. Un pneu insuffisamment gonflé risque plus de faire de l'hydroplanage qu'un pneu gonflé à la pression appropriée. Le BST a calculé les vitesses d'hydroplanage minimales pour les pressions de gonflage indiquées par les fabricants et celles mesurées après la sortie de piste (tableau 5).
Pression de gonflage (lb/po²) | Vitesse d'hydroplanage minimale (nœuds) |
---|---|
160 | 113,8 |
150 | 110,3 |
145 | 108,4 |
Pression de gonflage (lb/po²) | Vitesse d'hydroplanage minimale (nœuds) |
---|---|
160 | 97,4 |
150 | 94,3 |
145 | 92,7 |
Un hydroplanage avec dévulcanisation du caoutchouc, qui suit normalement l'hydroplanage dynamique, survient lorsqu'une roue bloquée glisse sur la piste et génère assez de chaleur pour dévulcaniser (faire fondre) le caoutchouc et le ramener à son état d'avant la vulcanisation. Seul ce type d'hydroplanage laisse sur la bande de roulement une marque qui ressemble à une brûlure (un segment de caoutchouc dévulcanisé).
L'hydroplanage peut également produire des marques de chauffage à la vapeur si le frottement du pneu sur la piste produit suffisamment de chaleur pour vaporiser l'eau, créant ainsi un effet de nettoyage à la vapeur.
Ci-dessous figure une description des limites des systèmes de freinage antipatinageFootnote 27 :
[Traduction] Les systèmes de freinage antipatinage modernes sont très efficaces lorsque les coefficients de frottement sont élevés. Toutefois, sur une piste recouverte d'eau, ces systèmes peuvent perdre leur efficacité. […] Pour qu'un système antipatinage fonctionne efficacement, il est important que le coefficient de frottement au point de contact du pneu et de la piste soit adéquat. Si les coefficients de frottement sont élevés, le couple maximal de freinage appliqué à la roue est transmis au sol et le système antipatinage peut moduler les pressions de freinage en les maintenant légèrement sous le maximum. Toutefois, si le coefficient de frottement entre le point de contact du pneu et de la piste est bas, l'efficacité du freinage est considérablement réduite, pour deux raisons. Premièrement, les faibles coefficients de frottement forcent le système à exercer une très faible pression sur les freins. Puisque la plupart des systèmes de freinage réagissent lentement aux basses pressions, la performance du freinage se dégrade. Deuxièmement, les faibles coefficients de frottement ne produisent sur les roues qu'une faible accélération, ce qui ralentit la récupération après un patinage et réduit encore plus l'efficacité des freins. Si les freins sont appliqués en situation d'hydroplanage intense, il n'y a pas de vitesse de référence puisque les roues ne tournent pas. L'action antipatinage est alors « perdue » et les roues demeurent verrouillées jusqu'à ce que pilote relâche les freins.
Les vitesses d'atterrissage des avions sont généralement plus élevées que la vitesse d'hydroplanage. En ce qui concerne les atterrissages sur des pistes mouillées, la NASA déclare ce qui suitFootnote 28 :
[Traduction] Les pilotes doivent être prudents lorsqu'ils appliquent les freins durant la période dangereuse pendant laquelle la vitesse sol de l'avion est supérieure à la vitesse d'hydroplanage des pneus ou lorsque l'antipatinage peut réagir de façon anormale.
Le manuel de procédures d'exploitation normalisées de l'avion EMB-145 (EMB-145 Standard Operating Procedures Manual) de TSA énonce ce qui suit dans la section « Landing on Wet or Slippery RunwaysFootnote 29 » :
[Traduction] Toujours exercer initialement une force de freinage maximale si l'atterrissage a lieu sur une piste potentiellement glissante, au cas où l'hydroplanage ou un dérapage deviendrait un facteur. […] Si le pilote ne maximise pas l'énergie de freinage du début du roulement, il ne peut pas récupérer la longueur de piste gaspillée si le freinage est médiocre ou nul.
1.18.2 Approche et atterrissage
Dans le cockpit, les équipages de conduite peuvent consulter un tableau des vitesses VFootnote 30 d'atterrissage ainsi que les procédures d'exploitation normalisées de la société aérienne. Ces deux documents indiquent la vitesse de référence (VREF)Footnote 31 pour les volets à 22° et à 45° avec diverses masses à l'atterrissage. L'équipage a consulté le tableau des vitesses V et a déterminé que la VREF devait être de 128 KIAS pour une masse à l'atterrissage de 41 522 livres avec des volets à 45°. Ce tableau contient une note indiquant : [traduction] « Correction pour le vent = ½ vent debout + rafale complète »Footnote 32,Footnote 33. En se fondant sur cette équation et sur les données disponibles (vent du 250 °M à 9 nœuds), l'équipage a calculé que la VAPP (vitesse d'approche visée) devait être de 133 KIASFootnote 34. L'équipage a ensuite ajusté la VAPP à 140 KIAS à 2 nm en approche finale de l'atterrissage, après avoir été informé par la tour de contrôle que le vent était maintenant de 13 nœuds du 320 °M, avec rafales à 20 nœuds. Le BST a calculé que la nouvelle VAPP devait être de 142 KIASFootnote 35.
Les procédures d'exploitation normalisées de TSA énoncent les directives (partielles) suivantes pour un avion à 2 moteurs en approche visuelle : [traduction] « À l'approche finale, régler les volets à 45°. Ralentir jusqu'à la VAPP […] L'appareil doit être stabilisé et configuré à au moins 1000 pieds aglFootnote 36. » Le pilote surveillant doit signaler toute déviation pendant une approche sous l'altitude minimale d'approche stabilisée. De plus, selon le manuel d'exploitation générale de TSAFootnote 37 :
[Traduction] Chaque fois qu'une des conditions suivantes est dépassée sous l'altitude d'approche stabilisée, une approche interrompue doit être amorcée :
- vitesse anémométrique dépassée de ±5 nœuds;
- plus d'un point d'écart par rapport à la trajectoire d'alignement ou la trajectoire de descente;
- un point d'écart par rapport aux approches VOR ou RNAVFootnote 38;
[…]
- avion mal configuré;
- appel de « REMISE DES GAZ » fait par le pilote aux commandes ou le pilote surveillant.
L'avion a franchi le repère d'approche finale GREELY légèrement au-dessus de l'alignement de descente, à environ 1470 pieds agl. Le train d'atterrissage était sorti, les volets étaient réglés à 22° et la vitesse était de 174 KIAS, soit 41 KIAS au-dessus de la VAPP. À 1000 pieds agl, l'avion en cause était à 3 nm de la piste, les volets étaient réglés à 22° et la vitesse était de 155 KIAS. Lorsque l'avion est descendu sous 800 pieds agl, à environ 2,3 nm de la piste, les volets ont été réglés à 45° et la vitesse a été réduite à environ 140 KIAS. Le pilote surveillant n'a fait aucun appel d'écart standard, contrairement à ce qui est indiqué plus haut.
En ce qui concerne les atterrissages, le manuel de procédures d'exploitation normalisées de TSA indique ce qui suit (partiellement)Footnote 39 :
[Traduction] Le facteur clé d'un atterrissage réussi est une approche stabilisée et une bonne coordination poussée-arrondi. À une masse et une VREF moyennes, l'avion survole la piste à plus de 150 pieds par seconde au cours de l'arrondi; les arrondis de longue durée peuvent provoquer un atterrissage hors de la zone de toucher des roues (TDZ) et (ou) un freinage brutal subséquent. […]
Lorsque l'avion est approximativement à 200 pieds au-dessus de la zone de toucher des roues, le pilote aux commandes doit […] réduire légèrement la poussée pour survoler le seuil de la piste à 50 pieds et à la VREF. […]
Le point de toucher voulu est à l'intérieur des 800 à 1500 premiers pieds au-delà du seuil d'atterrissage. Les roues doivent toucher la piste dans le premier tiers de la distance d'atterrissage disponible, mais jamais après avoir franchi plus de 3000 pieds de la distance d'atterrissage disponible. Dans le cas contraire, il faut procéder à la remise des gaz.
En 2009, la Fondation pour la sécurité aérienne a publié une étude sur les accidents à l'approche et à l'atterrissage. Cette étude a montré qu'une augmentation de 5 % de la vitesse d'approche finale augmentait la distance d'atterrissage de 10 % si l'arrondi et le toucher sont effectués normalement et l'appareil décélère une fois au solFootnote 40. L'étude a également montré qu'en prolongeant l'arrondi et en laissant l'avion flotter et éliminer l'excès de vitesse propre, on pouvait aussi augmenter la distance d'atterrissage, parce que l'excès de vitesse doit être éliminé dans la transition entre le survol du seuil et le toucher. Cette méthode exige habituellement une piste 3 fois plus longue que la décélération au solFootnote 41.
1.18.3 Atterrissage sur piste mouillée
En août 2010, après une sortie en bout de piste survenue le 16 juin de la même année, TSA a commencé à ajouter une note à chaque autorisation de vol. La société a diffusé un Avis aux aviateurs (NOTAM) qui indiquait : [traduction] « À partir de maintenant, les départs et les arrivées sur la piste 07/25 à l'aéroport de YOW (Ottawa) sont interdits si l'état de la surface de la piste est signalé comme étant humide ou mouillée. »
En plus de la restriction ci-dessus, le manuel d'exploitation générale de TSA donne les instructions suivantes aux équipages de conduite en ce qui a trait aux pistes mouillées : [traduction] « Peu importe la longueur de la piste, les décollages et les atterrissages sur des pistes non rainurées mouillées et contaminées doivent être effectués par le commandant de bordFootnote 42 ».
La technique recommandée par TSA et Embraer pour les atterrissages sur piste mouillée consiste à poser l'appareil fermement en évitant les rebonds. Cette méthode aide les pneus à traverser la pellicule d'eau et à mettre les roues en rotation pour que le système antipatinage puisse fonctionner de façon appropriée. Le manuel de procédures d'exploitation normalisées de TSA fournit de l'information pour les atterrissages sur une piste glissante ou mouillée. Ces procédures indiquent (partiellement)Footnote 43 :
[Traduction] Les pistes mouillées peuvent causer l'hydroplanage de l'avion. Cette remarque s'applique principalement aux pistes qui ne sont pas rainurées, ce qui est rare. Lorsqu'il y a hydroplanage, les pneus perdent une partie substantielle de leur adhérence, au point où il peut ne plus y avoir de rotation des roues.
[Traduction] Toujours exercer initialement une force de freinage maximale si l'atterrissage a lieu sur une piste potentiellement glissante au cas où l'hydroplanage ou un dérapage deviendrait un facteur. […]
-
Prévoir les procédures et les vitesses d'approche : un arrondi et un toucher des roues bien planifiés et bien exécutés réduisent au minimum la distance d'atterrissage. Il est particulièrement important d'avoir atteint la VREF en survolant le seuil si l'état de la piste est moins qu'optimal. Les pilotes doivent s'habituer à ralentir à la vitesse appropriée à chaque approche, selon les indications du manuel de procédures d'exploitation normalisées.
-
L'avion doit être posé fermement sur l'axe de la piste et dans la zone de toucher des roues. Ne pas prolonger l'arrondi pour tenter d'atterrir en douceur.
[…]
-
Abaisser immédiatement la roue avant sur la piste. Cette manœuvre réduit la portance et augmente la charge sur le train d'atterrissage principal.
[…]
-
Appliquer les freins au début de la course en exerçant une pression de modérée à ferme, en souplesse et symétriquement, et laisser le système antipatinage faire son travail. D'une façon générale, il est préférable de ne pas moduler les freins pendant que le système antipatinage est en fonction, sauf si la trajectoire doit être corrigée.
-
Si l'appareil ne ralentit pas, l'hydroplanage est probablement en cause. Ne pas appliquer le frein de stationnement et de secours, car celui-ci provoque le retrait des déporteurs et interrompt la protection antipatinage. Demeurer au centre de la piste et continuer à freiner jusqu'à ce que l'avion ralentisse.
L'enquête a démontré que le commandant n'avait pas utilisé les techniques d'atterrissage décrites ci-dessus. En fait, il utilisait toujours la même technique d'atterrissage, que la piste soit sèche ou mouillée.
Comme l'indique le manuel des procédures d'exploitation normalisées de TSA, à la section « Touchdown and RolloutFootnote 44 » :
[Traduction] Appliquer les freins rapidement dès que les roues du train d'atterrissage avant ont touché la piste. Appliquer les freins une fois de façon ferme et constante et maintenir la pression sur la pédale jusqu'à ce que l'appareil ait ralenti à la vitesse de roulage. Exercer la pression nécessaire pour maîtriser le taux de décélération jusqu'à ce qu'il atteigne le niveau approprié. Si les freins doivent être relâchés, les relâcher complètement et les appliquer de nouveau assez rapidement pour qu'ils exercent une pression constante jusqu'à ce que l'appareil atteigne la vitesse de roulage. Ne pas pomper les freins.
Le manuel d'exploitation générale de TSA définit ainsi les différents états des pistes d'atterrissageFootnote 45 :
[Traduction]
MOUILLÉE… Piste dont la partie utilisée pour le décollage ou l'atterrissage est recouverte d'une pellicule d'eau d'une épaisseur de moins de 1/8 po (3 mm).
[Traduction]
CONTAMINÉE… Piste dont la partie servant au décollage ou à l'atterrissage est recouverte d'une couche d'eau, de neige fondante, de neige compactée ou de glace d'une épaisseur de plus de 1/8 po (3 mm).
Le document OCAI, annexe 6, partie 1, contient les définitions suivantesFootnote 46 :
-
[Traduction] Piste contaminée - Une piste est contaminée si plus de 25 pour cent de sa surface (isolée ou non) faisant partie de la longueur et de la largeur requises est recouverte :
— d'une couche d'eau ou de neige fondante de plus de 3 mm (0,125 po) d'épaisseur; -
Piste sèche : piste exempte de contaminants ou d'humidité visible sur la surface faisant partie de la longueur et de la largeur requises.
-
Piste mouillée : piste ni sèche ni contaminée.
Au Canada, il semble qu'il n'y ait pas de définition commune du terme « piste mouillée ». NAV CANADA, dans son Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne, définit une piste mouillée comme « une piste couverte d'une humidité suffisante qui cause un reflet, mais qui n'est pas contaminéeFootnote 47 ». Le mot « contaminée » n'est pas défini, et Transports Canada n'explique pas en quoi consiste une piste contaminée.
1.18.4 Directives supplémentaires pour la maîtrise du dérapage sur piste mouillée
Le manuel EMB-145 Airplane Operations Manual (AOM) de TSA indique : [traduction] « Si l'appareil ne ralentit pas, l'hydroplanage est probablement en cause. […] Demeurer au centre de la piste et continuer à freiner jusqu'à ce que l'avion ralentisseFootnote 48. » Ces instructions s'appliquent à tous les atterrissages, y compris ceux où il y a un dérapage ou une perte de maîtrise directionnelle.
De nombreux manuels d'exploitation des constructeurs d'avionsFootnote 49 décrivent les opérations que doivent exécuter les pilotes en cas de dérapage et de perte de maîtrise directionnelle d'un avion. Ces instructions indiquent de relâcher immédiatement et temporairement la pression des 2 freins afin que les roues se mettent à tourner et permettre de reprendre la maîtrise avant d'appliquer de nouveau les freins.
Le manuel AOM fait souvent référence à l'utilisation du freinage différentiel pour diriger un avion. Le Manuel de pilotage - Avion de Transports Canada fournit l'information suivante sur le freinage différentielFootnote 50 :
[Traduction] Sur un avion muni de systèmes de freinage différentiel (un système de freinage distinct pour chaque roue principale), il est possible de faciliter un virage en exerçant une pression de freinage suffisante du même côté que la pédale de palonnier ayant servi à amorcer le virage.
La section « Anti-Skid Protection » de l'AOM décrit ainsi la technique de freinage différentielFootnote 51 :
[Traduction] Le système antipatinage n'exerce pas de pression sur les freins, mais ne fait que la relâcher. Par conséquent, pour utiliser cette technique, le pilote doit réduire la pression du côté opposé au virage au lieu d'exercer la pression du côté du virage.
La section « Locked Wheel Protection states » de l'AOM indiqueFootnote 52 :
[Traduction] La fonction antipatinage module la pression des freins jusqu'à un niveau qui empêche les roues de patiner. Si une des roues se bloque, le système antipatinage réduit la pression des freins de la paire dont la roue fait partie, éliminant ainsile dérapage.
Si le pilote exerce une force différentielle sur les pédales pour diriger l'avion en utilisant le freinage différentiel, la fonction antipatinage maintient la pression au niveau de la pression de patinageFootnote 53, empêchant ainsil'avion de tourner.
La mesure appropriée consiste à réduire la force exercée sur la pédale du côté opposé jusqu'à ce que la roue cesse de patiner, ce qui permet de réduire la pression correspondante des freins.
Les premières leçons apprises peuvent créer une forte impression, phénomène appelé « effet de primautéFootnote 54 ». La technique type la plus souvent utilisée pour faire un virage au moyen du freinage différentiel consiste à augmenter la déflexion de la pédale (pression) du côté du virage. Cette technique élémentaire est enseignée pendant la formation sur le pilotage de base. L'effet de primauté pourrait jouer un rôle dans la décision d'utiliser le freinage différentiel pour faire tourner un avion. Avec le temps, l'enfoncement de la pédale des freins du côté du virage confirme l'impression que cette réaction est appropriée pour faire tourner un avion. C'est ce qu'on appelle la compatibilité des mouvementsFootnote 55.
1.18.5 Rétablissement de l'alimentation électrique de l'appareil
Le BST a déterminéFootnote 56 que la présence d'une source d'incendie à proximité d'une substance combustible est l'un des plus grands dangers ayant contribué à déclencher des incendies après un impact et à provoquer des blessures et des décès causés par les flammes. Des composants électriques et des fils endommagés peuvent produire des arcs électriques et enflammer des substances combustibles se trouvant à proximité, comme du carburant déversé.
1.18.6 Accident antérieur d'un avion de Trans States Airlines
Le 16 juin 2010, un avion Embraer EMB-145LR de TSA s'est posé sur la piste 07 de l'aéroport international Macdonald‑Cartier d'Ottawa et est sorti en bout de piste, dépassant de 550 pieds la limite de l'extrémité de départ de la piste (rapport A10H0004). Ci-dessous figurent les faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs de cet accident :
- calcul incorrect de la vitesse d'approche visée;
- réglage inapproprié des volets;
- vitesse de survol du seuil supérieure à la vitesse recommandée;
- omission de remettre les gaz après le dépassement des vitesses;
- point de toucher plus loin sur la piste;
- atterrissage en douceur sur une piste mouillée;
- accumulation d'eau sur la piste;
- hydroplanage des pneus de l'avion.
2.0 Analyse
2.1 Généralités
Aucun élément n’indique que l’événement ait pu être causé par une défaillance d’un système de l’avion. De plus, rien n’indique que le rendement de l’équipage s’était dégradé à cause de facteurs physiologiques, comme la fatigue. Par conséquent, la présente analyse portera surtout sur les facteurs opérationnels, les conditions environnementales et les systèmes liés aux aéronefs ayant joué un rôle dans cet accident.
2.2 Approche et atterrissage
L’équipage avait calculé que la vitesse de référence (VREF) indiquée devait être de 128 nœuds (KIAS), et la vitesse d’approche (VAPP), de 133 KIAS. L’avion a franchi le repère d’approche finale de GREELY légèrement au-dessus de l’alignement de descente, à environ 1470 pieds agl. Le train d’atterrissage était sorti, les volets étaient réglés à 22° et la vitesse était de 174 KIAS, soit 41 KIAS au-dessus de la VAPP. L’approche a eu lieu à des vitesses supérieures aux vitesses d’approche recommandées par Trans States Airlines (TSA). Selon le manuel d’exploitation générale et les procédures d’exploitation normalisées de TSA, l’avion doit être stabilisé et configuré à une altitude minimale de 1000 pieds agl.
De plus, le manuel indique que le pilote surveillant doit signaler tout écart par rapport aux valeurs standard pendant la phase d’approche. Selon le manuel, l'équipage doit notamment interrompre la procédure d’approche si la vitesse anémométrique est dépassée de ±5 nœuds ou si l’avion n’est pas configuré de façon appropriée sous l’altitude minimale d’approche stabilisée de 1000 pieds agl. Le pilote surveillant n’a signalé aucun écart de vitesse sous l’altitude minimale d’approche stabilisée pendant la phase d’approche.
Si un avion est en approche de la piste 32, il atteint l’altitude de 1000 pieds agl sur l’alignement de descente à environ 2,9 milles marins (nm) en approche finale. À ce moment, le train d’atterrissage de l’avion en cause dans l’événement (vol LOF3363) était sorti. Toutefois, les volets étaient réglés à 22° et la vitesse anémométrique était de 155 KIAS, alors que le manuel indiquait un angle de 45° et une VAPP anémométrique de 133 KIAS. Les volets ont été réglés à 45° à 2,3 nm en approche finale, à 800 pieds agl. Lorsque l’équipage a pris connaissance des nouvelles conditions du vent, l’avion était à 2 nm en approche finale. L’équipage a recalculé que la VAPP devait être de 140 KIAS. L’avion a survolé le seuil à 139 KIAS, soit 11 nœuds au-dessus de la VREF. Immédiatement avant le toucher, à environ 5 pieds agl, le commandant a réglé les moteurs à la poussée maximale. Ce faisant, il a accru la vitesse anémométrique et a prolongé l’arrondi jusqu’à un point de toucher situé à 3037 pieds, soit 1537 pieds au-delà de la zone maximale de toucher recommandée par TSA (entre 800 et 1500 pieds au-delà du seuil de la piste). Bien que l’avion ait été déporté vers l’extérieur de la piste, la combinaison d’une vitesse anémométrique excessive et d’un point de toucher éloigné a réduit de beaucoup la distance disponible pour immobiliser l’appareil en toute sécurité.
La technique d’atterrissage appropriée sur piste mouillée décrite dans le manuel de procédures d’exploitation normalisées de TSA consiste à atterrir fermement, à la vitesse recommandée et dans la zone de toucher prescrite. Cette technique permet aux pneus de traverser la pellicule d’eau sur la piste pour que les roues amorcent leur rotation et que le système antipatinage et les déporteurs fonctionnent comme il se doit. Dans l’événement en cause, le commandant a utilisé la même technique d’approche et d’atterrissage que celle qu’il utilisait pour tous les atterrissages, ce qui augmentait le risque que les roues ne traversent pas la pellicule d’eau qui recouvrait la piste.
Après le toucher, le commandant a appliqué les freins fermement et de façon constante, ce qui est la méthode recommandée pour maximiser l’efficacité du freinage. Estimant que l’avion ne ralentissait pas comme prévu, le commandant a décidé d’appliquer le frein de stationnement et de secours, allant à l’encontre des directives du manuel de procédures d’exploitation normalisées de TSA. En raison de l’activation du frein de stationnement et de secours et de la présence d’eau sur la piste, la vitesse de rotation des pneus du train d’atterrissage principal a diminué, ce qui a désactivé le système antipatinage et prolongé le dérapage.
Selon le manuel, il est préférable de ne pas moduler les freins pendant que le système antipatinage est en fonction, sauf si cette manœuvre est nécessaire pour maintenir la maîtrise directionnelle. Ces instructions suggèrent que la modulation des freins (relâchement et nouvelle application) est une technique acceptable en cas de perte de maîtrise directionnelle causée par l’hydroplanage.
2.3 Pistes mouillées
Avant l’accident, il avait plu pendant 10 minutes. Pendant la phase d’approche, la pluie s’est intensifiée à l’aéroport international Macdonald‑Cartier d’Ottawa (CYOW). Selon l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), une piste est contaminée si l’épaisseur de l’eau qui la recouvre est supérieure à 3 mm. L’épaisseur estimée de la pellicule l’eau sur la piste 32 au moment de l’atterrissage était de 4 à 6 mm, ce qui correspond à une piste contaminée, selon la définition de l’OACI.
2.4 Hydroplanage
L’hydroplanage dynamique est généralement lié à de fortes pluies et peut être provoqué par aussi peu que 2,54 mm d’eau sur une piste. Dans l’événement en cause, on a signalé une forte averse de pluie juste avant l’atterrissage, ce qui a créé sur la piste 32 des conditions propices à l’hydroplanage.
Après que le commandant eut appliqué les freins, l’avion a commencé à déraper. Le freinage a été maintenu tout au long de la course à l’atterrissage, jusqu’à ce que l’avion s’immobilise. Des marques de chauffage à la vapeur ont été relevées à divers endroits de la piste, et les 4 pneus du train d’atterrissage principal présentaient des zones de dévulcanisation. Les coupures angulaires présentes dans ces zones appuient l’hypothèse selon laquelle les 4 roues étaient bloquées lorsque l’avion a quitté la piste. Cela indique que l’hydroplanage s’est produit presque immédiatement après l’atterrissage et de façon répétée pendant la course à l’atterrissage. L’eau qui se trouvait sur la piste a provoqué l’hydroplanage des pneus, ce qui a entraîné une perte de la maîtrise directionnelle et de la capacité de freinage de l’avion. Ce phénomène a été aggravé pendant la course à l’atterrissage en raison de l'application du frein de stationnement et de secours.
Trois des 4 pneus du train d’atterrissage principal étaient gonflés à une pression insuffisante, ce qui a réduit la vitesse d’hydroplanage de ces pneus. Lors d’un atterrissage sur une piste mouillée, des pneus insuffisamment gonflés accroissent le risque d’hydroplanage et de sortie de piste.
2.5 Systèmes de déporteurs d’ailes
Presque immédiatement après l’atterrissage, les déporteurs extérieurs se sont déployés, ce qui indique que la vitesse de la roue no 2 ou no 4 (ou des deux) était supérieure à 25 nœuds. Environ 20 secondes plus tard, les déporteurs extérieurs se sont rétractés, ce qui indique que la vitesse des 2 roues était retombée sous les 25 nœuds.
Les déporteurs intérieurs se sont déployés environ 8 secondes après les déporteurs extérieurs. L’hydroplanage s’est produit presque instantanément, ce qui a empêché les roues d’amorcer leur rotation ou a retardé leur mise en rotation. Étant donné qu’aucune anomalie des composants du système de déporteurs n’a été constatée, il est probable que la vitesse des roues no 1 et no 3 ait été inférieure à 25 nœuds pendant environ 9 secondes après le toucher. Les déporteurs intérieurs se sont rétractés en moins de 4 secondes, ce qui indique que la vitesse des 2 roues était tombée sous les 25 nœuds. Par conséquent, il est probable que les déporteurs intérieurs se soient déployés après les déporteurs extérieurs et qu’ils soient demeurés déployés moins longtemps, puisque les vitesses des roues correspondantes étaient inférieures à 25 nœuds à cause de l’hydroplanage.
2.6 Freinage
Pour les vitesses de rotation de roues inférieures à 10 nœuds, le système antipatinage est désactivé et la pression des freins est proportionnelle à la déflexion de la pédale. La force de freinage maximale, pour laquelle la déflexion des pédales doit être maximale, a été exercée au moment du toucher. Les pressions de freinage enregistrées pendant les 14 secondes qui ont suivi le toucher fluctuaient entre 130 et 340 lb/po², ce qui indique que le système antipatinage était en fonction et que les roues tournaient à plus de 10 nœuds.
La pression de freinage a été exercée moins de 1 seconde après le toucher, indiquant que le dispositif de protection au toucher a été désactivé presque immédiatement. Pour que cette protection se désactive avant la fin du délai de 3 secondes, la vitesse d’au moins 1 des roues devait être supérieure à 50 nœuds. Puisqu’à ce moment, seuls les déporteurs extérieurs étaient déployés, la vitesse de la roue no 2 ou no 4 (ou des deux) devait dépasser 50 nœuds.
Le dispositif de protection antiblocage est activé lorsque la vitesse de la roue la plus rapide d’une paire excède 30 nœuds. Comme la vitesse d’au moins 1 roue dépassait 30 nœuds, la protection antiblocage de cette roue et de la roue connexe a été activée. Étant donné que les données de l’enregistreur des données de vol (FDR) étaient limitées, il a été impossible de déterminer quelle paire de roues a déclenché le dispositif antiblocage (ou encore s’il s’agissait des 2 paires).
La pression exercée sur les freins est la pression la plus basse résultant de la comparaison de la position des pédales, de la protection antipatinage, de la protection au toucher et de la protection antiblocage des roues. Pendant environ 14 secondes après le toucher, les pressions des freins no 1 et no 3 ont fluctué. Toutefois, aucune pression de freinage significative n’a été enregistrée pendant cette période. Cette observation concorde avec le fonctionnement du système de freinage lorsque l’antipatinage est en fonction, puisqu’à ce moment, les pédales étaient complètement enfoncées et que les pneus faisaient de hydroplanage parce les roues n’avaient pas amorcé leur rotation.
2.7 Inverseurs de poussée
Dans l’événement en question, l’avion se posait sur une piste très mouillée. Si l’avion avait été muni d’inverseurs de poussée, l’inversion de la poussée le plus rapidement possible après le toucher aurait peut-être permis à l’appareil de passer sous la vitesse d’hydroplanage beaucoup plus tôt et empêché sa sortie de piste. L’utilisation des inverseurs de poussée réduit les risques de sortie de piste lors d'un atterrissage sur une piste mouillée.
2.8 Maîtrise du patinage sur piste mouillée
Lors d’un atterrissage sur une piste mouillée, il est possible que les pneus d’avion hydroplanent. Si un avion dérape à cause de l’hydroplanage, cela signifie qu’il n’y a plus de contact entre les pneus et la piste et que les roues sont peut-être totalement immobiles. Puisque les roues qui hydroplanent ne touchent pas la piste, le freinage et la maîtrise directionnelle sont pratiquement nuls. Si les roues ne sont pas en rotation, ou si leur vitesse de rotation a ralenti au-dessus de la vitesse de coupure du système antipatinage, mais sous la vitesse sol de l’avion, il est possible que le système antipatinage ne fonctionne plus comme prévu. Plusieurs constructeurs d’avions indiquent que le pilote doit relâcher momentanément les freins afin de reprendre la maîtrise de l’appareil. Le relâchement des freins permet aux roues de se mettre en rotation, et le système antipatinage peut alors fonctionner normalement. Cependant, le Trans States Airlines EMB-145 Airplane Operations Manual (manuel AOM) indique aux pilotes de continuer à freiner pendant la course à l’atterrissage. Cette directive repose sur l’hypothèse que les pneus finissent par toucher la piste, ce qui permet au pilote de reprendre la maîtrise. Lorsqu’un avion dérape ou qu’il y a perte de la maîtrise directionnelle, le système antipatinage peut réagir de façon anormale, puisque les vitesses des roues sont différentes de la vitesse sol de l’avion
Les directives d’Embraer sur les techniques de freinage différentiel semblent indiquer, sans toutefois l’énoncer clairement, que cette technique est utilisée lorsque les freins sont déjà appliqués, que le système antipatinage module activement la pression des freins (ce qui indique que les pneus sont sur le point de patiner) et que le pilote souhaite utiliser le freinage différentiel pour diriger l’appareil. Toutefois, les directives ne disent pas que, dans ces conditions, l’appareil est sur le point de déraper.
La technique type souvent utilisée pour faire tourner un avion au moyen du freinage différentiel, apprise au moment de la formation de base, consiste à augmenter la déflexion (pression) de la pédale du côté du virage. En l’absence de formation particulière pour revoir les techniques de freinage différentiel, les pilotes ont de la difficulté à combattre ce réflexe acquis pendant la formation, qui les pousse à enfoncer la pédale de frein du côté du virage à faire. Pour que les pilotes apprennent à réagir en réduisant systématiquement la pression de freinage du côté opposé au virage, ils doivent suivre une formation répétée afin de développer les réflexes appropriés en présence d’un ensemble de paramètres précis.
2.9 Communications
Après avoir coupé une première fois l’alimentation électrique en exécutant les tâches décrites dans le manuel de référence rapide (QRH), l’équipage a décidé de communiquer avec les services de sauvetage et de lutte contre les incendies d’aéronefs (SLIA) à propos de la sécurité à l’extérieur de l’appareil. Les batteries ont été reconnectées pour alimenter la radio. À l’insu de l’équipage, une fuite de carburant s’était déclarée. Mis au courant de ce problème, l’équipage a immédiatement coupé l’alimentation électrique de l’avion. En effet, si l’avion est alimenté en courant, il est possible qu’une étincelle électrique enflamme le carburant et déclenche un incendie.
2.10 Enregistreurs de bord
Même si le Bureau de la sécurité des transports (BST) a pu extraire du FDR des données de grande qualité, les paramètres qui n’ont pas été enregistrés en raison du modèle d'enregistreur et de ses circuits d’entrée ont compliqué la tâche de déterminer la séquence des événements (annexe E).
2.11 Pistes rainurées
Les performances des aéronefs qui se posent sur des pistes mouillées constituent une source bien connue de préoccupation en matière de sécurité. Les pistes rainurées améliorent le drainage, ce qui réduit les dérapages et la dérive. De plus, elles améliorent le freinage et réduisent le risque d’hydroplanage. Des études ont montré que des pistes rainurées mouillées offrent souvent un degré de freinage presque égal à celui des pistes sèches. Les pistes non rainurées augmentent le risque d’hydroplanage, qui peut provoquer des sorties de piste. La remarque formulée dans le manuel de procédures d’exploitation normalisées selon laquelle les pistes non rainurées sont rares est trompeuse. Ce type de piste est courant aux États-Unis, mais pratiquement inexistant au Canada. En l’absence de formation et d’information sur les pistes non rainurées, il est possible que les équipages n’exécutent pas la procédure d’atterrissage appropriée lorsque ces pistes sont mouillées.
Le rainurage des pistes n’est obligatoire ni au Canada, ni aux États-Unis, mais leur usage est recommandé par Transports Canada (TC) et la Federal Aviation Administration (FAA). La FAA déclare ce qui suit dans la circulaire d’information 150/5320-12C : [traduction] « Le rainurage de toutes les pistes […] est considéré comme du travail de haute priorité en matière de sécurité et devrait être accompli initialement lors de la constructionFootnote 57. »
2.12 Mesures de sécurité prises à la suite d’un accident précédent
Les événements ayant conduit à l’accident qui fait l’objet du présent rapport présentent des similitudes avec un accident impliquant un avion de TSA, qui s’est produit le 16 juin 2010Footnote 58. Dans le rapport d’enquête de l’accident de 2010, on peut lire :
-
L’équipage a effectué l’approche à une vitesse supérieure à celle recommandée.
-
L’avion a franchi le seuil à une vitesse de 8 nœuds supérieure à la VREF […], ce qui a entraîné un arrondi prolongé pour un atterrissage à 2270 pieds, soit 770 pieds au-delà du point de toucher voulu de Trans States Airlines (TSA), qui se situe entre 800 et 1500 pieds, mais dans le premier tiers de la distance d’atterrissage disponible selon les procédures d’utilisation normalisées de TSA.
-
L’atterrissage en douceur sur une piste mouillée a engendré un hydroplanage visqueux, ce qui a entraîné un mauvais freinage et réduit la vitesse de décélération de l’avion, contribuant ainsi à la sortie en bout de piste.
-
L’équipage n’a pas remis les gaz lorsque la VREF a été dépassée de plus de 5 KIAS.
Ci-dessous figurent certains points que TSA n’a pas corrigés depuis l’accident du 16 juin 2010 :
-
Les décollages et les atterrissages sur des pistes non rainurées mouillées ou contaminées doivent être effectués par le commandant de bord.
-
Les décollages et les atterrissages à l’aéroport YOW (Ottawa) sur la piste 07/25 sont interdits si des rapports indiquent que la piste est humide ou mouillée.
-
Le réglage normal des volets, qui était de 22°, doit être de 45°.
Dans le cas des événements de 2010 et 2011, l’enquête met en lumière les problèmes communs suivants en ce qui a trait aux procédures d’exploitation normalisées :
- la vitesse d’approche était supérieure à la vitesse recommandée.
- la manœuvre de remise des gaz n’a pas été effectuée, comme l’indiquent les procédures d’exploitation normalisées, lorsque la vitesse a dépassé la VAPP de plus de 5 nœuds pendant la phase stabilisée de l’approche;
- l’avion a survolé le seuil à une vitesse supérieure à la vitesse recommandée;
- le point de toucher était plus loin sur la piste;
- l’atterrissage a été effectué en douceur sur une piste mouillée.
Si les pilotes ne se conforment pas aux directives des procédures d’exploitation normalisées et si les sociétés aériennes ne font pas le nécessaire pour appliquer ces directives, ces écarts risquent de provoquer d'autres accidents.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
-
Avant et pendant l’atterrissage, une forte pluie a entraîné l’accumulation de 4 à 6 mm d’eau sur la piste.
-
La vitesse anémométrique de l’avion pendant l’approche finale était supérieure à la limite prescrite par TSA pour l’approche stabilisée. Par conséquent, l’avion a survolé le seuil à une vitesse supérieure à la VREF anémométrique recommandée.
-
Contrairement aux directives des procédures d’exploitation normalisées, la manœuvre de remise des gaz n’a pas été exécutée lorsque la vitesse de l’avion a dépassé de plus de 5 nœuds la vitesse d’approche appropriée pendant la portion stabilisée de l’approche.
-
La poussée des moteurs appliquée juste avant le toucher a fait en sorte que l’avion s’est posé à 3037 pieds du seuil, à une vitesse supérieure à la vitesse anémométrique recommandée.
-
La combinaison d’un atterrissage en douceur et de pneus insuffisamment gonflés a contribué à l’hydroplanage.
-
Les freins de stationnement et de secours ont été appliqués pendant la course à l’atterrissage, ce qui a désactivé le système antipatinage et prolongé le dérapage.
-
À cause de l’hydroplanage, la maîtrise directionnelle a été perdue et l’appareil a glissé jusqu’à l’extérieur de la piste.
3.2 Faits établis quant aux risques
-
La technique de freinage différentiel la plus souvent utilisée (celle enseignée aux pilotes) n’est peut-être pas efficace avec un système antipatinage exigeant une technique différente.
-
Si l’alimentation électrique est rétablie en présence d’une fuite de carburant, il est possible qu’une étincelle électrique enflamme le carburant et provoque un incendie.
-
Les pistes non rainurées augmentent le risque d’hydroplanage, qui peut provoquer des sorties de piste.
-
En l’absence de formation et d’information sur les pistes non rainurées, il est possible que les équipages n’exécutent pas la procédure d’atterrissage appropriée lorsque ces pistes sont mouillées.
-
L’utilisation des inverseurs de poussée réduit les risques de sortie de piste lors d’un atterrissage sur une piste mouillée.
-
Si les pilotes ne suivent pas les procédures d’exploitation normalisées, et si les sociétés aériennes ne font pas le nécessaire pour veiller à ce que ces procédures soient suivies, il est possible que ces écarts provoquent des accidents.
3.3 Autres faits établis
-
Le contenu du calculateur central de maintenance a été téléchargé, mais il n’y avait aucune donnée dans la mémoire de l’appareil.
-
Même si le Bureau de la sécurité des transports a pu extraire du FDR des données de grande qualité, les paramètres qui n’ont pas été enregistrés en raison du modèle d’enregistreur et de ses circuits d’entrée ont compliqué la tâche de déterminer la séquence des événements.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Aéroport international Macdonald-Cartier d’Ottawa
En février 2012, l’Administration de l’aéroport international d’Ottawa s’est procuré 2 abris d’urgence à déploiement rapide. Ces abris permettront d’offrir, en cas d’urgence, un refuge temporaire contre les intempéries sur le site de l’aéroport.
L’Administration de l’aéroport a instauré un programme de réhabilitation des pistes, qui s’étendra sur plusieurs années. La réfection de la surface de la piste 04/22 en 2011 a été la première étape de ce programme. En 2012, la reconstruction complète de la piste 07/25 a été achevée. Le profil de la piste en pente transversale a été modifié et affiche maintenant une crête centrale. Des aires de sécurité d’extrémité de piste (RESA) conformes aux normes de la Federal Aviation Administration (FAA) et de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) ont été ajoutées et les obstacles souterrains de la bande de piste ont été chanfreinés. On a laissé le revêtement durcir pendant un an, puis la piste a été rainurée en 2013, conformément aux directives des circulaires d’information de la FAA et de Transports Canada.
La reconfiguration de la piste 14/32 est en cours, amorçant ainsi le processus de reconstruction de cette piste. Les plans de reconstruction de cette piste sont semblables aux plans de réhabilitation de la piste 07/25 : le profil en pente transversale sera remplacé par un profil en crête centrale, des RESA conformes aux normes de la FAA et de l’OACI seront ajoutées, les obstacles souterrains seront chanfreinés et la piste sera rainurée. Ces travaux seront exécutés en 2014.
4.1.2. Embraer S.A.
Embraer a publié la révision 33 du manuel Embraer 145 Aircraft Maintenance Manual (AMM), partie 1 (SDS – System Description Section) en juin 2013. Pour veiller à ce que l’information contenue dans ce manuel soit cohérente et exacte, la révision comprend, entre autres choses, une clarification des descriptions liées au système de freinage.
Le présent rapport met un terme à l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le .
5.0 Annexes
Annexe A – Liste des rapports de Laboratoire du BST
Le Laboratoire du BST a produit les rapports suivants :
- LP101/2011 – FDR/CVR/Radar Analysis [Analyse du FDR, du CVR et du radar]
- LP112/2011 – Main Landing Gear Tire Examination [Examen des pneus du train d'atterrissage principal]
- LP127/2011 – Maintenance Records Review [Examen des dossiers de maintenance]
- LP128/2011 – Brake and Spoiler System Analysis [Analyse du système de freinage et des déporteurs]
- LP129/2011 – Runway Survey [Relevé de la piste]
- LP167/2011 – Braking Performance Analysis [Analyse de la performance de freinage]
Ces rapports peuvent être fournis sur demande par le Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Annexe B – Pressions des freins pendant la course à l’atterrissage[en anglais seulement]
Annexe C – Piste rainurée
Annexe D – Intensité de la pluie
Comme l’indique la section 3.9.5 du Manuel d’observations météorologiques d’Environnement Canada (MANOBS), si l’intensité de la pluie, des averses de pluie ou de la pluie verglaçante ne peut être déterminée au moyen d’instruments de mesure, le tableau suivant peut être utilisé comme guide :
Pluie faible | Pluie modérée | Pluie forte | |
---|---|---|---|
Gouttes individuelles | Faciles à voir | Difficiles à voir | Impossible à distinguer (pluie torrentielle) |
Rejaillissement sur une surface dure |
Presque aucun | Moyen | Fort, plusieurs centimètres de hauteur |
Flaques | Se forment lentement | Se forment rapidement | Se forment très rapidement |
Manuel d’observations météorologiques d’Environnement Canada (MANOBS), section 3.9.5 – Intensité mesurée en fonction de critères de taux de précipitation (janvier 2011); édition actuelle disponible à l’adresse Web : http://www.ec.gc.ca/Publications/default.asp?lang=Fr&xml=1F0AEEAB-EEF5-4382-BE97-E102F8615061 (dernière consultation : le 14 février 2014).
L’intensité exacte de la pluie (en mm par heure) peut être mesurée au moyen d’un pluviomètre.
Pluie | FAIBLE si le taux de précipitation est de 2,5 mm/h ou moins |
---|---|
Averses de pluie | MODÉRÉE si le taux de précipitation est de 2,6 à 7,5 mm/h |
Pluie verglaçante | FORTE si le taux de précipitation est de 7,6 mm/h ou plus |