Décrochage aérodynamique et collision avec le relief
Pacific Flying Club
Cessna 152, C-GZDR
10 nm à l'ouest du lac Harrison (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 5 juillet 2011 à 15 h, heure avancée du Pacifique, un Cessna 152 (portant l’immatriculation C-GZDR et le numéro de série 15281615) exploité par le Pacific Flying Club, avec à son bord un instructeur de pilotage et un élève-pilote, quitte Boundary Bay (Colombie-Britannique) pour effectuer un vol d’entraînement en montagne. À environ 16 h 30, de clarté, l’avion heurte le relief à une altitude de 2750 pieds au-dessus du niveau de la mer, à environ 10 milles marins (nm) à l’ouest du lac Harrison. La radiobalise de repérage d’urgence est activée, et son signal est détecté par le système SARSAT à 16 h 36. Le centre de coordination de sauvetage de Victoria (Colombie-Britannique) est alerté et les recherches commencent. L’aéronef est détruit sous la force de l’impact et ses occupants sont blessés mortellement. Il n’y a pas eu d’incendie.
Renseignements de base
Déroulement du vol
Avant le départ, l’élève a demandé le plein de carburant, a effectué l’inspection prévol de l’appareil et signé le registre de sortie, puis a rencontré l’instructeur pour l’exposé avant vol. Selon la politique du Pacific Flying Club (PFC), l’exposé avant vol devrait comprendre une discussion de 30 à 60 minutes sur le vol devant être effectué; pour la formation de pilotage en montagne, un exposé sur les risques qui y sont associés est également exigé. Le contenu de l’exposé qui a précédé le vol en cause est inconnu, mais l’instructeur avait l’habitude de toujours traiter du pilotage en montagne et des procédures à suivre.
Pendant la portion de la formation portant sur le pilotage en montagne, soit durant la dernière partie du vol, les instructeurs du PFC exigeaient habituellement des élèves qu’ils modifient leur parcours à quelques reprises dans les cols de montagne. En cours de route, l’instructeur faisait une démonstration des différentes techniques et vérifiait les connaissances de chaque élève en ce qui a trait au processus de prise de décision.
L’aéronef en cause a quitté l’aéroport de Boundary Bay (CZBB) (Colombie-Britannique) à 15 hFootnote 1 et a suivi l’itinéraire prévu vers le nord en direction de Whistler en passant par Indian Arm pour effectuer un posé-décollé à l’aéroport de Pemberton, pour ensuite revenir vers CZBB en survolant le lac Harrison. Selon le journal de navigation de l’élève-pilote retrouvé dans l’avion, l’itinéraire de vol prévu a été suivi.
Le vol devait durer 158 minutes et nécessiter 17 gallons de carburant, ce qui aurait laissé environ 7 gallons dans le réservoir (soit une quantité suffisante pour voler un peu plus de 1 heure).
À 16 h 36, le système de satellite de recherche et de sauvetage (SARSAT) détecte le signal de la radiobalise de repérage d’urgence de l’aéronef. Le centre de coordination de sauvetage de Victoria (Colombie-Britannique) est alerté et les recherches commencent. Le lieu de l’accident se trouve à 10 milles marins (nm) à l’ouest du lac Harrison.
Victimes
Équipage de conduite | Passagers | Autres | Total | |
---|---|---|---|---|
Tués | 2 | − | − | 2 |
Total | 2 | − | − | 2 |
Dommages à l’aéronef
L’avion a été détruit sous la force de l’impact.
Autres dommages
À l’exception d’une petite quantité de carburant qui s’est déversée dans l’environnement et qui s’est évaporée rapidement, aucun autre dommage n’a été constaté.
Renseignements sur le personnel
Instructeur | Élève | |
---|---|---|
Licence de pilote | Licence de pilote de ligne, Instructeur de classe 2 | Licence de pilote privé |
Date d’expiration du certificat de validation | 1er avril 2012 | 1er août 2011 |
Nombre d’heures de vol total | 1600 | 125 |
Heures de vol sur type | 650 | 91,5 |
Nombre d’heures de vol au cours des 90 derniers jours | 177 | 6,8 |
Nombre d’heures de vol sur type au cours des 90 derniers jours | 77 | 5,3 |
Nombre d’heures de service avant l’événement | 7,5 | 3 |
Nombre d’heures hors service avant la période de travail | 15 | s.o. |
L’instructeur
L’instructeur était titulaire d’une licence de pilote de ligne assortie d’une qualification aux instruments valides et d’un certificat médical de catégorie 1 sans restriction ainsi que d’une licence d’instructeur de vol de classe 2. L’instructeur, qui occupait le siège droit à titre de pilote aux commandes, donnait à l’élève-pilote une formation de pilote professionnel ainsi qu’une formation de pilotage en montagne.
L’instructeur avait accumulé environ 1600 heures de vol, dont une grande partie à titre d’instructeur de vol sur le Cessna 152 (C152) au cours des 2 années précédentes au service du PFC. L’instructeur avait obtenu son diplôme d’un programme collégial de formation de pilotage avec haute distinction et était considéré comme l’un des meilleurs instructeurs du PFC. L’instructeur était un instructeur principal à l’école de pilotage, et était responsable de la formation au sol pour la portion du programme collégial qui portait sur le vol en montagne. Le programme d’études de la formation au sol et les présentations en classe étaient rédigés et préparés par le pilote instructeur, puis étaient présentés à la direction aux fins de commentaires et d’approbation.
L’instructeur avait travaillé pendant 23 des 30 jours précédents. Le jour du vol en question, l’instructeur entamait sa troisième journée de travail après 2 jours de repos. La veille, l’instructeur avait quitté le travail à environ 18 h, puis avait commencé à travailler vers 9 h, le jour de l’accident. L’instructeur avait déjà effectué 2 vols ce jour-là et, au moment de l’accident, avait été en service pendant 7,5 heures. Les renseignements médicaux n’ont révélé aucune condition physiologique qui aurait pu contribuer à l’accident.
L’élève-pilote
L’élève-pilote était titulaire d’une licence de pilote privé valide et possédait l’annotation pour avions monomoteurs terrestres et hydravions. L’élève-pilote avait obtenu sa licence de pilote privé en 2007 et, au moment de l’accident, avait accumulé environ 125 heures en vue d’obtenir une licence de pilote professionnel. L’élève avait reçu sa formation et avait acquis son expérience de vol en grande partie sur un C152. L’élève était l’un des meilleurs de sa classe, et était travaillant et assidu. L’école de pilotage ainsi que les collègues et les professeurs de l’élève-pilote le considéraient un bon élève.
Renseignements sur l’aéronef
Généralités
Le C152 est un petit avion qui, au fil des ans, s’est avéré être un aéronef d’entraînement fiable. L’aéronef en cause avait accumulé 14 079 heures de vol cellule et était entretenu conformément aux normes du fabricant.
La dernière inspection de 100 heures avait été effectuée 97 heures avant l’accident; une prolongation de 10 heures avait été accordée avant la prochaine inspection, en conformité avec le manuel de contrôle de la maintenance du PFC. L’aéronef avait volé 2 fois le jour de l’accident et aucun problème mécanique n’avait été signalé.
Masse et centrage
Le Règlement de l’aviation canadien (RAC) exige qu’un aéronef soit exploité dans le respect de toutes les limites de masse et de centrage; toutefois, rien dans le RAC n’exige que les calculs de masse et de centrage soient consignés. Selon la politique du PFC, le pilote est tenu de parapher le formulaire d’autorisation de vol afin de confirmer que le calcul de masse et de centrage a été effectué et de consigner les détails du calcul dans le journal de bord avant le vol. L’élève a indiqué sur le formulaire d’autorisation de vol que la masse et le centrage avaient été calculés. Un examen du journal de bord a révélé qu’aucune information relative au vol en cause n’avait été consignée. En l’absence de renseignements détaillés, il n’a pas été possible d’établir le calcul de masse et de centrage utilisé.
Selon le plan de vol de l’élève et les données correspondantes concernant le carburant, les réservoirs de carburant avaient été remplis au maximum de leur capacité avant le démarrage. Selon les éléments récupérés sur les lieux de l’accident et le poids des pilotes, les enquêteurs ont calculé que le poids de l’aéronef au départ était de 1714 livres, soit 44 livres au-delà de la masse brute maximale autorisée au décollage pour cet aéronef. Au moment de l’accident, l’avion avait volé pendant 1,5 heure et aurait consommé environ 53 livres de carburant. En conséquence, le poids de l’aéronef devrait avoir été inférieur à la masse brute maximale et en deçà des limites de centrage au moment de l’accident.
Avertisseur de décrochage
Sur le C152 (l’appareil en cause) l’avertisseur de décrochage est de type pneumatique. Il est constitué d’une entrée d’air calibrée sur le bord d’attaque de l’aile gauche, qui est reliée à un avertisseur pneumatique situé à proximité de l’angle supérieur gauche du pare-brise à l’intérieur de l’emplanture de l’aile. Le dispositif ne nécessite aucune alimentation électrique, car il est activé par la basse pression générée lorsque l’aile approche de la vitesse de décrochage. Une dépression partielle se produit lorsque l’air de l’entrée passe par l’avertisseur, qui contient une petite anche métallique, semblable à celle que l’on retrouve dans des instruments de musique. L’anche produit alors un signal sonore dans le poste de pilotage. L’avertisseur de décrochage est étalonné de manière à produire un son lorsque la vitesse est de 5 à 10 nœuds au-dessus de la vitesse de décrochage. Aucun autre dispositif, comme un indicateur d’angle d’attaque ou un système d’alerte, ne signale un décrochage imminent.
L’avertisseur de décrochage utilisé sur l’aéronef en cause, comme sur la plupart des autres appareils, ne fournit aucune information sur l’augmentation progressive du risque de décrochage : soit il est activé, soit il ne l’est pas. Il est possible qu’un pilote ne se rende pas compte que l’angle d’attaque augmente; le pilote peut être alors surpris lorsque l’avertisseur de décrochage s’active. Une fois qu’il est activé, le dispositif ne fait pas de distinction entre l’approche et l’atteinte du point de décrochage : un pilote ne peut donc pas déterminer la mesure dans laquelle le décrochage est imminent. En revanche, un détecteur d’angle d’attaque ou de portance fournit au pilote, de façon continue, une représentation de l’état de portance de l’aéronef, ce qui peut l’aider à effectuer les manœuvres critiques en toute sécurité. Il convient de noter que bien que les détecteurs d’angle d’attaque et de portance soient offerts sur le marché, ils ne sont pas exigés par règlement, et ne sont généralement pas installés dans les petits aéronefs d’entraînement.
Renseignements météorologiques
La station d’observation météorologique la plus proche du lieu de l’accident se trouve à environ 30 nm de Hope (Colombie-Britannique). Les stations des environs ont toutes signalé un ciel dégagé, un plafond et une visibilité illimités, et des vents légers. À 17 h, la température de l’air extérieur signalée à Hope était de 26 °C. Les rapports météorologiques et les observations signalaient la possibilité de turbulence dans la région au moment de l’accident. La turbulence était vraisemblablement due à l’activité convective résultant d’un réchauffement diurne inégal. Les prévisions de vents en altitude les plus proches provenaient de Vancouver, et indiquaient qu’au moment de l’accident, les vents étaient légers du nord-ouest. Les vents en altitude étaient insuffisants pour produire des ondes de relief, mais l’air qui circule dans les cols crée de la turbulence ainsi que des courants d’air montants et descendants. Les pentes des montagnes, le réchauffement dû au soleil et l’effet de refroidissement des surfaces couvertes de neige ont également créé des courants d’air montants et descendants. Il n’a pas été possible de déterminer la force et l’altitude inférieure de ces courants d’air thermiques et mécaniques.
Les informations météorologiques les plus pertinentes ont été enregistrées sur vidéo au moyen du téléphone intelligent de l’élève, 30 minutes avant l’accident; le ciel était clair et la visibilité était illimitée. Les conditions météorologiques au moment de l’accident étaient propices au vol en cause.
Aides à la navigation
Ne s’applique pas à cet accident.
Communications
Ne s’applique pas à cet accident.
Renseignements sur l’aérodrome
Ne s’applique pas à cet accident.
Enregistrements vidéo
L’instructeur et l’élève avaient tous deux un téléphone intelligentFootnote 2 en leur possession. Non seulement ces appareils permettent-ils de faire des appels téléphoniques et d’envoyer des messages texte, en plus, ils sont également capables de recevoir les données du système de positionnement global (GPS), de prendre des photos et d’enregistrer des vidéos. Les téléphones intelligents ont été examinésFootnote 3, mais ils ne contenaient aucune donnée GPS utile. Le téléphone intelligent de l’élève contenait une vidéo qui a été réalisée pendant le vol environ 30 minutes avant l’accident. La vidéo montre que l’instructeur était aux commandes et que l’élève tenait le téléphone pendant que l’avion survolait une crête à basse altitude, pour ensuite entreprendre une descente en tournant dans une vallée. Les données vidéo ont permis de déduire la position de l’aéronef. L’endroit se trouvait sur le plan de vol prévu, soit à environ 35 nm au nord du lieu de l’accident.
L’aéronef semble avoir traversé le sommet de la crête à moins de 100 pieds au-dessus du sol (agl). Cette manœuvre, dont l’enseignement n’était pas prévu dans le cadre des vols d’entraînement en montagne, a amené l’appareil à voler en dessous de la limite de 500 pieds agl prescrite par le PFC pour de telles manœuvres. Selon la documentation de référence utilisée pour le cours, lorsqu’il faut traverser une crête, on doit s’en approcher à une hauteur suffisante pour être capable de virer pour l’éviter, advenant une perte de puissance du moteur. En outre, les procédures précisent qu’en principe, on devrait traverser la crête à un angle de 45° de façon à ce que l’aéronef puisse effectuer un virage pour s’en éloigner, au besoin. Selon les images extraites de la vidéo, ces procédures n’ont pas été suivies lorsque la crête a été traversée.
Renseignements sur l’épave et sur l’impact
L’épave a été examinée sur les lieux de l’accident et à nouveau aux installations régionales d’examen des épaves du Bureau de la sécurité des transports (BST). L’avion a été retrouvé sur une pente raide parsemée de rochers et d’arbustes à une altitude de 2750 pieds (photo 1). L’épave se trouvait du côté nord d’une vallée étroite située entre le mont Kessler et Winslow Peak, dans une aire ouverte entourée de grands arbres. Selon son orientation, l’épave faisait face à la pente descendante en direction opposée au col. Aucun dommage n’a pu être décelé sur les arbres environnants. Les marques au sol et les dommages subis par l’aéronef correspondaient à ce qu’aurait causé un aéronef heurtant le relief à une faible vitesse anémométrique vers l’avant, et selon une forte assiette en piqué à environ 30° et une inclinaison vers la droite d’environ 75°. Les dommages subis par l’aéronef permettent d’établir que la vitesse estimative au moment de l’impact était d’environ 100 pieds par seconde (60 nœuds) ou moins. Le premier contact avec le sol s’est produit lorsque le bout de l’aile droite a heurté un gros rocher. L’hélice et le train d’atterrissage droit ont ensuite heurté le sol, avant que le fuselage frappe un autre gros rocher. L’aéronef s’est immobilisé à seulement 28 pieds du premier point de contact. L’hélice s’est enfoncée proprement dans un tronc d’arbre de 5 pouces de diamètre, laissant une entaille qui indique l’angle de l’hélice et la puissance du moteur au moment de l’impact. Les dommages causés par la collision avec les arbres et la déformation de l’hélice indiquaient que le moteur générait une forte puissance au moment de l’impact.
Les 2 ailes ont été lourdement endommagées; le centre de l’aile et le plafond de la cabine ont été arrachés, mais les ailes y étaient encore attachées. Le fuselage s’était brisé derrière la cloison arrière et la section de la queue était repliée sur l’épave. La queue elle-même n’a subi que des dommages mineurs. Les réservoirs de carburant des ailes étaient éventrés; le carburant restant s’est répandu, mais aucun incendie ne s’est déclaré. Bien qu’aucun carburant n’ait été retrouvé dans les réservoirs, des traces de carburant ont été décelées dans le sol sous l’épave principale. Les principaux composants n’étaient retenus que par les câbles et le métal déchiré. Seules quelques petites pièces ont été éjectées; elles ont été retrouvées à moins de 35 pieds de l’épave principale, plus bas dans la pente.
Les instruments de bord ont été gravement endommagés; toutefois, 2 instruments, le tachymètre et l’indicateur d’assiette, ont été examinés. Au moment de l’examen, le tachymètre indiquait une valeur d’environ 2400 tours par minute, ce qui correspond au régime d’un moteur produisant une puissance élevée. La manette des gaz était appliquée à fond après l’accident, mais cela ne correspond pas nécessairement à sa position exacte avant l’accident, compte tenu de la gravité des dommages et du déplacement du compartiment moteur.
L’examen de l’indicateur d’assiette a uniquement révélé que le gyroscopeFootnote 4 interne tournait à grande vitesse. Toutefois, aucune donnée utile sur l’assiette de l’aéronef au moment de l’impact n’a pu en être tirée. L’horloge montée sur le tableau de bord était arrêtée et indiquait 16 h 30.
Un examen du vérin de volet a permis d’établir que les volets étaient en position rentrée (0°) au moment de l’impact.
Toutes les gouvernes ont été retrouvées, et tous les dommages constatés sont le résultat des forces d’impact.
Un examen de l’avertisseur de décrochage sur l’aile a révélé que l’anche ne se trouvait pas à l’intérieur de l’avertisseur. En raison de l’étendue des dommages dans la zone de l’emplanture de l’aile, l’avertisseur de décrochage a été exposé : l’anche pourrait ainsi avoir été délogée durant l’accident ou lors de la récupération de l’épave. Selon le constructeur de l’aéronef, l’anche de l’avertisseur de décrochage s’était délogée lors d’accidents précédents. L’enquête a révélé que l’avertisseur de décrochage était en bon état lors des vols précédents, le jour de l’accident.
Renseignements médicaux et pathologiques
Les renseignements médicaux concernant les 2 pilotes n’ont révélé aucune condition physiologique qui aurait pu contribuer aux circonstances entourant cet accident.
Incendie
Aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact.
Questions relatives à la survie des occupants
Les occupants sont demeurés dans l’aéronef et leurs ceintures de sécurité étaient fixées et bouclées. Les 2 sièges des pilotes ont été gravement déformés, ce qui indique qu’ils ont été soumis à des forces verticales élevées au moment de l’impact. Le moteur et l’hélice étaient écrasés vers le haut contre la cloison pare-feu du poste de pilotage et le tableau de bord. Le poste de pilotage lui-même était en grande partie intact, mais l’espace disponible était réduit en raison de l’écrasement du moteur et de la déformation du plancher avant. L’accident n’offrait aucune chance de survie en raison de la gravité de l’impact.
Essais et recherches
Le lieu de l’accident se trouve dans un canyon étroit qui débouche sur une grande vallée. Le fond de la vallée monte progressivement entre le lac Harrison et l’embouchure du canyon, où la pente devient plus abrupte dans le canyon. Au bout du canyon se trouve un col à 3100 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) qui mène à Stave Lake. Les deux côtés du canyon ont une pente abrupte de presque 60°. Les deux côtés du col étaient recouverts de neige à partir d’environ 4000 pieds asl, jusqu’à 6500 pieds asl. Le côté ouest du col était dans l’ombre en dessous de 4000 pieds asl, tandis que le côté est du col était en plein soleil. L’enquête a permis de conclure que l’avion avait probablement viré dans le canyon, ce qui a entraîné un décrochage à basse altitude (figure 1).
La largeur du col au-dessus du lieu de l’accident est d’environ 1700 pieds. À l’altitude du col et à une vitesse de manœuvre type de 70 nœuds (vitesse indiquée), l’aéronef aurait eu besoin d’une distance latérale d’environ 900 pieds pour faire demi-tour avec une inclinaison de 45°. La distance latérale n’était suffisante pour effectuer ce virage que s’il était amorcé lorsque l’appareil se trouvait à proximité de l’une ou l’autre des parois du canyon. Si le virage était amorcé à partir du centre du canyon, l’angle d’inclinaison nécessaire entraînerait un risque de décrochage ou de collision avec la paroi du canyon.
Une simulation de vol au-dessus de la vallée en question a été effectuée au moyen d’un dispositif d’entraînement au vol (DEV)Footnote 5 de niveau 2 pour établir la trajectoire, l’altitude et les manœuvres possibles de l’aéronef lors du vol en cause, afin d’examiner plus en détail les conséquences possibles d’un virage dans le canyon. Le DEV utilisé est un appareil générique qui peut être programmé pour simuler différents types d’avions. Pour cette simulation, le DEV a été configuré de manière à représenter un Cessna 172 (C172) puisque le C152 ne faisait pas partie des modèles offerts. Le simulateur a été programmé de manière à réagir comme si le poids de l’appareil était égal à sa masse brute maximale afin de simuler les performances de l’avion en cause dans la zone géographique du lieu de l’accident. Dans cette configuration, les caractéristiques de vol d’un C172 sont très semblables à celles d’un C152. Les données visuelles pour la simulation du vol ont été générées au moyen de la technologie de cartographie par satellite et étaient d’une qualité suffisante pour représenter fidèlement le relief.
Durant les exercices de simulation, il s’est avéré très difficile d’effectuer un virage à cet endroit, et les essais ont souvent abouti à un écrasement lorsque l’appareil simulé était piloté avec les volets rentrés. À une altitude de 3000 pieds asl, un virage était effectué avec une inclinaison de 45°. Si l’angle d’inclinaison était augmenté à 60° ou plus, l’aéronef décrochait et s’écrasait 9 secondes après l’amorce du virage. Bon nombre des premières tentatives se sont conclues par un écrasement à un endroit correspondant au lieu de l’accident. Il est devenu immédiatement évident que le relief faisait obstacle à toutes les références visuelles utiles à l’horizon, et que la tentation de trop augmenter l’angle d’inclinaison afin d’éviter ce qui semblait être un impact imminent était instinctive. Il était possible d’effectuer le virage en utilisant les pleins volets et les instruments afin de maintenir rigoureusement un angle d’inclinaison de 45°.
Renseignements sur les organismes et sur la gestion
Le Pacific Flying Club
Le PFC exerce ses activités depuis 45 ans et est actuellement établi à CZBB. Il offre une gamme de cours de pilotage allant de la formation des pilotes débutants à la formation suivie en vue d’obtenir une licence de pilote professionnel annotée d’une qualification de vol aux instruments (IFR) sur multimoteurs. Le PFC possède un parc aérien de 25 appareils, dont des C152, des C172, des Piper PA-28 et des Piper PA-34. Le PFC exploite également 3 DEV [simulateurs] à ses installations de Boundary Bay.
Même si aucun règlement ne l’exige, le PFC a mis sur pied son propre système de gestion de la sécurité (SGS). Un examen de ses dossiers du SGS a permis de relever plusieurs incidents concernant les vols d’entraînement à la navigation en montagne ou à proximité de tels secteurs. Bien que ces incidents n’aient pas de lien direct avec les circonstances entourant l’accident en cause, le processus du SGS a permis de soulever certaines lacunes relatives à la formation au pilotage en zones montagneuses. Pour un de ces incidents, on avait conclu qu’une mesure corrective possible consistait à soumettre les contrôles pour les vols en montagne et les vols d’entraînement à la navigation à un suivi de la part de la direction; toutefois, aucune mesure de suivi n’a été suggérée.
Le PFC ne disposait pas d’un ensemble prescrit de descriptions ou d’instructions écrites concernant les différents exercices devant être exécutés durant les vols d’entraînement en montagne. Avant de pouvoir effectuer des vols d’entraînement en montagne, les instructeurs recevaient de l’instructeur de vol principal un exposé oral sur la façon de mener de tels vols. En outre, l’instructeur participait en tant qu’observateur à un vol d’entraînement en montagne, en compagnie d’un autre instructeur. Le choix de l’endroit et du profil d’exercices de vol était laissé à la discrétion de l’instructeur; la direction n’était donc pas au courant des méthodes et des pratiques exactes utilisées par chaque instructeur. La direction ne vérifiait pas si les instructeurs donnaient la formation de la manière prévue.
Renseignements supplémentaires
Décrochage aérodynamique
Un décrochage aérodynamique survient lorsque l’angle d’attaque de l’aileFootnote 6 excède l’angle d’attaque critique auquel l’écoulement de l’air commence à se décoller de l’aile. Il y a décrochage de l’aile lorsque l’écoulement de l’air décolle de l’extrados et que la portance diminue au point de ne plus supporter l’aéronef.
La vitesse à laquelle se produit un décrochage varie en fonction du facteur de charge de la manœuvre en cours d’exécution. Le facteur de charge est défini comme étant le rapport entre la force agissant sur les ailes et leur poids brut, et constitue une mesure de la tension (ou de la charge) sur la structure de l’aéronef. Par convention, le facteur de charge est exprimé en g (l’unité de mesure de l’accélération due à la pesanteur) en raison de l’accélération gravitationnelle ressentie par l’occupant d’un aéronef. En vol rectiligne en palier, la portance est égale au poids et le facteur de charge est de 1 g. Il faut cependant une portance supérieure pour effectuer un virage incliné. Cela peut être réalisé, en partie, en augmentant l’angle d’attaque (en tirant sur la commande de profondeur), ce qui augmente le facteur de charge. Comme le facteur de charge augmente avec l’angle d’inclinaison, la vitesse à laquelle se produit un décrochage augmente également. En conséquence, lorsqu’on effectue une telle manœuvre, on augmente souvent la puissance du moteur pour maintenir la vitesse anémométrique. Un décrochage qui survient en raison d’un facteur de charge élevé découlant, par exemple, d’un angle d’inclinaison supérieur à 30°, est appelé un décrochage accéléré. Les décrochages accélérés se produisent à une vitesse supérieure en raison du facteur de charge accru auquel est soumise l’aile; en outre, ils sont généralement plus graves que les décrochages non accélérés et se produisent souvent de façon inattendue. À titre d’exemple, un décrochage qui se produit lorsque l’angle d’inclinaison est de 60° ou de 70° entraîne une perte de maîtrise soudaine qui occasionne une perte d’altitude rapide.
Lorsque l’angle d’inclinaison est supérieur à 45°, un avion C152 ne demeure en état de décrochage que pendant quelques secondes avant de se mettre dans une vrilleFootnote 7 ou d’accélérer jusqu’à ce qu’il effectue un piqué en spiraleFootnote 8. À la vitesse de décrochage en virage serré, l’appareil se déplace à environ 100 pieds par seconde; par conséquent, durant les quelques secondes qui précèdent le moment où les caractéristiques dynamiques de l’appareil changent après le décrochage, la perte d’altitude est probablement inférieure à 200 pieds. L’aéronef peut descendre de centaines de pieds ou plus avant que le pilote ait le temps de réagir et de reprendre la maîtrise de l’appareil.
On sort généralement d’un décrochage en mettant les ailes à l’horizontale, en relâchant la pression sur la gouverne de profondeur, ou en poussant la commande de profondeur vers l’avant (gouverne de profondeur vers le bas), et en réglant le moteur à la puissance maximale ou partielle. Lorsque l’aéronef présente les premiers signes de reprise, le pilote relâche progressivement la pression sur la commande de profondeur. Au fur et à mesure que le pilote reprend la maîtrise de l’appareil, il tire progressivement la commande de profondeur jusqu’à l’obtention d’une assiette cabrée (gouverne de profondeur vers le haut) afin de reprendre l’altitude perdue.
Formation de vol à faible vitesse
Les règlements de Transports Canada (TC) prévoient que tous les cours de pilotage doivent être conformes au document applicable, soit le guide de l’instructeur de vol, le manuel de pilotage ou un document équivalent et le manuel de formation applicable sur les facteurs humains. Afin de respecter ces exigences, les instructeurs de vol au Canada se fondent sur les documents d’orientation de TCFootnote 9 pour élaborer les plans de leçon, et ils veillent à ce que les élèves soient formés de manière à répondre aux normes de TC et à acquérir le niveau de compétence nécessaire pour réussir l’examen de pilotage. En raison de la portée de la formation et du nombre de cours nécessaires pour devenir pilote, il n’est pas possible de tester toutes les manœuvres pendant un examen de pilotage.
La formation de vol à faible vitesse est donnée à tous les élèves-pilotes au Canada pour qu’ils aient une idée de la détérioration des performances de l’aile dans la portion basse vitesse du domaine de vol de l’aéronef. Elle est décrite dans le Guide de test en vol - Licence de pilote privé comme suit : « Déterminer si le candidat peut établir et manœuvrer l’avion en vol près de la vitesse minimale de contrôle caractérisée par un avertissement de décrochage quasi constant ou des vibrations aérodynamiques, s’il peut conserver la maîtrise de l’avion et le manœuvrer tout en évitant de décrocher à cette vitesse et s’il peut revenir rapidement et en souplesse au vol normal, à la demande de l’examinateurFootnote 10. »
Au Canada, l’exercice de vol est effectué à une vitesse à laquelle toute augmentation de l’angle d’attaque ou du facteur de charge ou toute réduction de la puissance du moteur provoquera un décrochage aérodynamique immédiat. Pour effectuer cette manœuvre, l’élève ralentit l’avion jusqu’au déclenchement du dispositif sonore d’avertissement de décrochage, ou jusqu’à ce que l’avion commence à présenter les caractéristiques de l’approche du décrochage. Il est important que l’élève utilise des repères visuels extérieurs et les instruments pour que l’appareil demeure dans cet état avec un avertissement de décrochage quasi constant ou des vibrations aérodynamiques; autrement, l’exercice est considéré comme incomplet. Pour cette raison, la formation de vol à faible vitesse est régulièrement menée alors que l’avertisseur de décrochage retentit.
Cet exercice est effectué de façon différente dans certains autres pays, et sur les avions commerciaux et de ligne. Par exemple, aux États-Unis, la formation de vol à faible vitesse a le même objectif, mais les normes de formation de vol précisent que l’appareil doit voler à la vitesse la plus faible à laquelle la maîtrise de l’avion est assurée sans que celui-ci présente des signes de décrochage, ce qui représente généralement une vitesse supérieure de 3 à 5 nœuds à la vitesse de décrochageFootnote 11. Une approche similaire est utilisée par les compagnies aériennes, qui enseignent à leurs pilotes à réagir et à reprendre la maîtrise de l’appareil dès les premiers signes de décrochage, qu’il s’agisse du déclenchement d’un avertisseur ou de vibrations aérodynamiques. Cette approche est adoptée afin de réduire le risque de formation négative que pourrait entraîner le fait de voler en entendant sans arrêt le signal de l’avertisseur de décrochage. La documentation américaine poursuit en disant qu’il est important que l’élève utilise à la fois des repères visuels extérieurs et les instruments, et souligne l’importance, pour les pilotes, de prendre l’habitude de vérifier souvent les instruments de vol, notamment l’indicateur de vitesse, lorsqu’ils volent à très basse vitesse. Toutefois, les pilotes doivent apprendre à reconnaître le comportement d’un avion qui vole à très basse vitesse afin d’éviter les risques de décrochage et de piloter l’avion avec précision.
Formation sur le décrochage
Au Canada, les élèves-pilotes apprennent à reconnaître les signes de décrochage dès leurs premiers cours, et cet apprentissage se poursuit tout au long du processus de formation. Le RAC exige la formation sur le décrochage pour tous les pilotes. L’obligation de démontrer les compétences est mentionnée dans les deux guides de test en vol (licence de pilote privé et de pilote professionnel) produits par TC.
En ce qui concerne la formation sur le décrochage, le Guide de test en vol de TC recommande que les exercices de décrochage et de sortie de décrochage soient effectués en virages serrésFootnote 12. Toutefois, les critères d’évaluation de TC n’exigent pas l’utilisation d’un angle d’inclinaison particulier pour les décrochages en virage durant l’examen de pilotage. Certaines des écoles de pilotage localesFootnote 13 ont déterminé qu’en absence de directives explicites, la valeur maximale généralement acceptée pour l’angle d’inclinaison utilisé pour le décrochage en virage est de 30° ou moins. Compte tenu des méthodes de formation actuelles, une personne peut détenir une licence de pilote privé ou professionnel sans avoir jamais fait l’expérience d’un décrochage à un angle d’inclinaison supérieur à 30°.
Le facteur de charge durant un virage avec un angle d’inclinaison de 30° est de 1,15 g. Selon les notes d’orientation de TC sur la Sensibilisation au décrochage et à la vrille (TP 13747), il est important de démontrer les effets d’un virage à 60° d’inclinaison sur la vitesse de décrochage, la gravité du décrochage et les mesures nécessaires pour sortir du décrochage.
Le Cessna 152 est un avion maniable en ce qui a trait au décrochage à un angle d’inclinaison faible. Il fournit des informations sensorielles claires lorsqu’un décrochage s’amorce. Selon les données sur la performance, le décrochage du Cessna 152 dont les volets sont rentrés, les ailes sont à l’horizontale et la puissance est faible, se produit à une vitesse indiquée de 38 nœudsFootnote 14. L’aéronef permet de sortir facilement des décrochages de ce type sans perdre beaucoup d’altitude. Le même appareil, à un angle d’inclinaison de 60°, décroche à 54 nœuds, et si cet angle augmente à 70°, la vitesse de décrochage estimative est de 65 nœudsFootnote 15. Lorsqu’on parvient à sortir d’un décrochage à un angle d’inclinaison élevé, la perte d’altitude est supérieure et la vitesse au final est beaucoup plus élevée. Lorsque les volets sont complètement sortis, cela permet de réduire la vitesse de décrochage de 7 nœuds. Toutes les vitesses mentionnées sont approximatives, et ont été calculées selon des vents calmes et des conditions idéales; toute turbulence aurait pour effet d’augmenter le facteur de charge et la vitesse de décrochageFootnote 16.
Au PFC, les exercices de décrochage sont effectués avec un angle d’inclinaison maximal de 30°. Cette contrainte a été imposée par la direction du PFC, parce qu’elle croyait que le C152 n’était pas certifié pour les décrochages accélérés (avec un angle d’inclinaison supérieur à 30°). Selon le constructeur de l’appareil, le C152 est certifié pour tous les types de décrochages (à l’exception des décrochages de type « fouet »)Footnote 17 à condition qu’il soit piloté dans le respect de son domaine de vol. Le manuel du C152 précise qu’il faut décélérer lentement lorsqu’un décrochage se produit, et que l’appareil peut voler à des vitesses plus élevées si le pilote évite d’utiliser les commandes de façon brusqueFootnote 18.
Formation de pilotage en région montagneuse au Canada
Le vol en montagne pose un certain nombre de défis; pour voler en montagne en toute sécurité, il faut acquérir des connaissances vastes et approfondies. Les pilotes doivent avoir des connaissances beaucoup plus étendues sur les conditions météorologiques et les vents propres aux régions montagneuses, ainsi que sur les effets de l’altitude-densité et les illusions qui trompent l’esprit, et ils doivent apprendre des procédures qui ne sont pas utilisées ailleurs dans l’aviation. En outre, les pilotes doivent apprendre à se fier à leurs instruments, parce qu’ils pourraient ne pas être conscients du fait qu’ils sont victimes d’une illusion causée par le relief montagneux environnant. Cela peut être particulièrement difficile pour les pilotes ayant peu d’expérience de vol aux instruments. Malgré ces risques, au Canada, les élèves-pilotes ne sont pas tenus de suivre une formation de vol en montagne avant de piloter en régions montagneuses.
En 1986, TC a organisé un groupe de travailFootnote 19, et le vol en montagne a été l’un des domaines examinés. À la suite de cet examen, plusieurs recommandations ont été formulées afin de modifier les programmes de formation au sol des pilotes privés en vue d’y inclure une formation sur le vol en montagne, comme ce qui est décrit dans les films de TC sur le vol en montagneFootnote 20. Ces recommandations n’ont pas été suivies. Plus récemment, le Manuel d’information aéronautique de TC stipulait ce qui suit, au paragraphe 2.13 : « Quand un vol doit se dérouler dans les régions montagneuses, on insiste sur l’importance d’une formation, des procédures et d’une planification prévol pertinentes. » Toutefois, ni le Manuel d’information aéronautique ni le RAC ne définissent ce qu’est une formation adéquate de vol en montagne. Le RAC définit ce qui constitue une formation adéquate pour les autres types d’opérations en vol.
Une des difficultés soulevées par TC antérieurement en ce qui concerne la création de normes pour la formation de vol en montagne au Canada concerne la proximité des montagnes durant les cours de pilotage. Les pilotes qui ne vivent pas à proximité d’une région montagneuse n’ont peut-être pas l’occasion d’effectuer des vols en montagne. Toutefois, les progrès réalisés en matière de simulation permettent aux pilotes d’être confrontés à quelques-uns des défis liés au vol en montagne sans qu’ils aient à voler réellement en montagne.
D’autres pays ont inclus le vol en montagne dans les programmes de formation menant à l’obtention des licences de pilote privé et professionnel. À titre d’exemple, la Civil Aviation Authority (CAA) de la Nouvelle-Zélande a récemment mis sur pied un programme complet visant à garantir que les pilotes reçoivent une formation adéquate pour le vol en montagneFootnote 21. Le programme comprend notamment ce qui suit :
- une brochure complète sur les risques et sur les procédures devant être utilisées;
- l’expérience minimum que doit posséder un instructeur avant d’enseigner le vol en montagne;
- des exercices et la théorie de la formation au sol;
- un guide pratique sur les méthodes d’enseignement sécuritaires;
- une méthode globale de classement des élèves en fonction de leurs compétences.
Au Canada, le vol en montagne est mentionné à plusieurs reprises au cours du processus de formation de pilote privé et de pilote professionnel, mais les élèves ne sont pas tenus de suivre une formation au sol ou de faire évaluer leurs aptitudes ou leurs connaissances sur les pratiques de vol en montagne.
La documentation offerte par TC se compose principalement de 4 documents écrits, dont le plus récent (Un instant! pour votre sécurité)Footnote 22 a été produit en 2007. Le document Un instant! pour votre sécurité a été publié en tant que mesure de sécurité après qu’un accident se soit produit en 2006 (rapport d’enquête aéronautique du BST A06P0087) et dont l’enquête a notamment permis de soulever le manque de normes en matière de formation de vol en montagne. Avant 2007, les lignes directrices de TC en matière de formation de vol en montagne étaient fournies dans 3 documents portant des titres similaires. Le document Conseils pour le vol en montagne, produit par les Services de sécurité du système de l’Aviation civile à la fin des années 1990 ou au début des années 2000Footnote 23, est la version la plus ancienne. Cette version, qui compte 23 pages, contient des renseignements utiles, en particulier dans la section portant sur ce qu’il faut faire et ne pas faire durant la préparation des vols en montagne. Cependant, ce document n’aborde pas la question des virages dans les canyons et n’explique pas de manière approfondie les illusions en zone montagneuse.
Une nouvelle version du document Conseils pour le vol en montagne, qui compte 6 pages, a été créée quelques années plus tard par les Services de sécurité du système de la région duPacifique; il est de nature générique et contient très peu de renseignements concernant les techniques de vol en montagne, notamment sur la manière de gérer les courants descendants, d’effectuer les virages dans les canyons et de déterminer la bonne trajectoire. Dès le premier paragraphe, on y mentionne que le vol en montagne peut être très agréable, mais qu’il a également entraîné de nombreux accidents en raison de la présence des vallées aveugles, des mauvaises conditions météorologiques et des décrochages. Toutefois, l’article ne recommande aucune pratique exemplaire à adopter en présence de ces risques. En 1997, un article en 2 parties intitulé « Conseils pour le vol en montagne » a été publié dans les numéros 4/97 et 1/98 de la publication Sécurité aérienne —nouvelles. Cet article consistait en un recueil de réflexions et de conseils fournis par un seul auteur. Il contient quelques renseignements utiles, mais il s’agit de renseignements généraux.
En plus des documents écrits, TC a produit 2 vidéos et y donne accès. La première vidéo, produite en 1982, est une compilation d’accidents de vol en montagne, des risques qui y sont associés et des causes probables. La vidéo ne recommande aucune pratique sécuritaire à l’intention du public cible. La deuxième vidéo, datée de 1988, met en vedette Sparky Imeson à titre de principale source d’information et de narrateur. Sparky Imeson était considéré comme le chef de file en formation de vol en montagne, et il a écrit plusieurs des livres les plus lus sur le sujet. Bien qu’elle date de plusieurs années, la vidéo donne de bonnes directives et des renseignements utiles sur le vol en montagne. Toutefois, plusieurs aspects essentiels du vol en montagne n’y sont pas abordés, comme la meilleure manière d’effectuer un virage dans un canyon, ou la meilleure façon d’agir lorsqu’on rencontre un fort courant descendant.
Un des défis auxquels font face les écoles de pilotage, les instructeurs et les élèves qui suivent une formation de vol en montagne consiste à déterminer quelle information est juste, ce qui devrait être enseigné, et la manière de le faire. Certains aspects liés au vol en montagne ne sont pas bien documentés et dans d’autres cas, les renseignements sont parfois contradictoires. Par exemple, bien que les virages dans les canyons et la maîtrise de l’appareil en courants descendants soient mentionnés dans la quasi-totalité des documents et des vidéos qui portent sur le vol en montagne, ceux-ci ne contiennent aucune information fiable sur les techniques à utiliser pour exécuter ces manœuvres. En comparant les différentes sources d’information sur ces sujets, un pilote ne peut pas savoir quelle méthode est la plus sûre. Lorsqu’une source ou un livre suggère un plan d’action donné, il ne fournit pas nécessairement la documentation à l’appui pour démontrer que la procédure en question a fait l’objet d’essais rigoureux. Voir l’annexe B pour des renseignements sur 2 techniques différentes à adopter en cas de courants descendants.
Formation de pilotage en région montagneuse au PFC
Comme il a été mentionné précédemment, le pilote instructeur a préparé le matériel de formation de vol en montagne du PFC. Ce matériel a été préparé à partir de documents de référence, de l’expérience personnelle de l’instructeur et de l’expérience du personnel de la direction. La direction contrôlait régulièrement les capacités pédagogiques des instructeurs pilotes et le contenu du matériel de présentation.
Plusieurs instructeurs de vol enseignent ce qu’ils ont appris en tant qu’élèves, ce qui peut perpétuer les lacunes dans l’enseignement des méthodes et des procédures de vol en montagne. Dans le cadre du programme de formation de vol en montagne du PFC, les élèves du collège reçoivent une présentation de formation au sol et un livre sur le vol en montagne. Il n’y a aucun ensemble de procédures de vol en montagne publié dans les manuels du PFC approuvés par l’entreprise. En conséquence, l’instruction sur les techniques de vol en montagne se limite à la formation au sol et aux séances d’information menées par les instructeurs en présence de leurs élèves. Les élèves qui ne prennent pas part au programme d’études collégiales du PFC ne reçoivent pas la présentation, et le livre leur est simplement recommandé. Pour ces élèves, l’instructeur consacre généralement un peu plus de temps durant les exposés avant vol pour fournir les renseignements sur le vol en montagne qui sont nécessaires pour le vol en question. Le PFC offre à l’occasion, pour les élèves qui ne suivent pas le programme collégial ou à titre de cours de mise à jour, un séminaire sur le vol en montagne auquel tous les élèves peuvent participer.
L’élève en cause dans cet accident n’a pas reçu la formation au sol du collège. Il est probable que l’élève ait reçu 1 heure d’exposé avant vol concernant les vols en montagne. On ignore le nombre d’heures que l’élève aurait consacrées à l’étude personnelle avant le vol, et s’il a assisté au séminaire sur le vol en montagne.
La présentation sur le vol en montagne offerte par le PFC aborde plusieurs sujets. Selon la présentation de l’entreprise de même que plusieurs documents de référence sur le vol en montagne, il peut être avantageux de voler contre le vent ou le long du versant ensoleillé de la vallée, car cela permet probablement d’améliorer les performances de l’aéronef en raison du courant d’air ascendant. C’est la raison pour laquelle les instructeurs et les élèves du PFC ont appris à voler sur le versant ensoleillé de la vallée et qu’ils le faisaient habituellement. L’instructeur privilégiait également le vol sur le versant ensoleillé des vallées. Plusieurs documents contiennent également une mise en garde concernant le fait que les courants d’air ascendants sont souvent accompagnés de courants d’air descendants dans les environs. Il est probable que les courants d’air descendants soient sur le côté opposé de la vallée, c’est-à-dire sur le côté ombragé ou sous le vent. Dans presque tous les cas, les pilotes sont mis en garde à l’égard de la possibilité de rencontrer un courant d’air descendant lorsqu’ils doivent faire demi-tour dans la vallée. Si les performances de l’avion sont déjà réduites et qu’un pilote essaie d’éviter un relief ascendant, un virage dans un courant d’air descendant peut s’avérer désastreux. Les documents du PFC ne font nulle mention des mises en garde associées aux virages dans les canyons en direction du côté ombragé de la vallée.
En outre, l’instructeur avait ajouté des remarques dans les présentations de la formation au sol concernant la traversée d’une crête. Ces remarques indiquent qu’on doit approcher d’une crête avec un angle de 45° de sorte qu’il soit possible de virer pour éviter la crête si nécessaire. Les remarques indiquent également que le pilote doit se méfier si la montagne derrière la crête commence à disparaître, car cela signifie que l’altitude est insuffisante pour traverser la crête en toute sécurité. Les remarques précisent également qu’il faut traverser à une altitude de 2000 pieds au-dessus d’une crête par vents forts et de 500 pieds par vents légers.
Selon la présentation de la formation de vol en montagne du PFC, 2 règles doivent être respectées durant les vols en régions montagneuses. Ces 2 règles, comme l’indique la présentation, sont les suivantes :
- La première règle est qu’il faut toujours être en mesure de virer pour s’éloigner du relief tout en conservant une certaine altitude supplémentaire pour compenser une descente; elle appuie l’idée qu’il ne faut jamais entrer dans un canyon s’il n’y a pas suffisamment d’espace pour faire demi-tour.
- La deuxième règle oblige le pilote à se fixer un point de demi-tour lorsqu’il survole un relief à pente ascendante. Le point de non-retour est défini comme un point sur le sol où le relief ascendant s’élève plus rapidement que ce que permettent les performances de l’avion.
Ces 2 règles sont décrites différemment dans les diverses sources, mais elles ont pour objet d’amener le pilote à toujours prévoir la trajectoire de vol afin de déterminer à l’avance le point où une manœuvre d’évitement peut encore être effectuée en toute sécurité, et à ne jamais aller au-delà de ce point.
Procédure de virage dans les canyons
Une technique commune pour le vol en montagne est la procédure de virage dans les canyons, soit un ensemble de mesures que le pilote doit mettre en œuvre s’il doit effectuer un virage d’urgence dans un espace restreint. En raison de la nature de cette manœuvre, le virage a un faible rayon. En guise d’illustration, la figure 2 compare les distances de virage et les niveaux de risque qu’elles posent à différentes vitesses pour un petit avion d’entraînement comme le C152 ou le C172. La figure montre à quel point la distance parcourue au cours d’un virage est réduite simplement en diminuant la vitesse et en augmentant l’angle d’inclinaison à 45°. La figure montre également que le risque de décrochage s’accentue au fur et à mesure que le rayon du virage diminue, et suggère le compromis idéal entre les risques associés à un virage trop serré et l’approche d’un décrochage, et les risques de collision avec le relief en raison d’un virage trop large.
Il n’existe pas qu’une seule procédure de virage dans les canyons; aucune procédure n’est universellement acceptée, et il n’y a pas de méthode à privilégier pour déterminer la procédure idéale de virage dans un canyon en fonction du type d’aéronef. Toutefois, la planification est généralement reconnue comme étant un aspect essentiel de la procédure de virage dans les canyons. Bien que les différentes procédures de virage dans les canyons puissent partager un certain nombre de similitudes, il n’existe aucune procédure générique qui fonctionne pour tous les types d’aéronefs. Il est important d’adapter à chaque type d’aéronef une procédure adéquate de virage dans les canyons, afin de veiller à ce que la configuration de l’aéronef soit appropriée. Si un aéronef n’est pas configuré correctement, ses performances sont réduites, et les marges de sécurité diminuent. Consulter l’annexe C pour une comparaison sommaire de 3 sources offrant des techniques de virage dans les canyons.
Bien qu’il existe des différences entre les techniques de virage dans les canyons offertes par les 3 sources figurant à l’annexe C, ces dernières recommandent toutes de ne sortir les volets que partiellement. Le tableau 1, ci-dessous, présente une comparaison entre les 3 sources en ce qui concerne le réglage des volets. Les 3 sources préconisent également de régler et de maîtriser la vitesse avec soin. Le Manuel de pilotage de TC mentionne également qu’il peut être nécessaire d’augmenter la puissance du moteur en amorçant le virage. En plus des documents de référence cités précédemment, le document Mountain Flying de Sparky Imeson recommande également que les pilotes fassent des recherches avant d’entreprendre le vol afin de déterminer les angles d’inclinaison et les vitesses appropriés pour optimiser l’aire de virage.
Manuel de pilotage (TP 1102F,Transports Canada) |
Mountain Flying (Doug Geeting et Steve Woerner) |
Mountain Flying (Sparky Imeson) |
---|---|---|
Volets sortis légèrement afin d’accroître la marge de sécurité. | Volets sortis partiellement à la discrétion du pilote. | Les volets peuvent être sortis jusqu’à la moitié environ; s’ils sont sortis davantage, la traînée augmente, ce qui peut nuire à la manœuvre. |
Le PFC a conçu sa propre procédure de virage dans les canyons (figure 3) en se fondant sur 2 des documents de référence cités dans le tableau 1Footnote 24 et sur l’expérience de ses instructeurs de vol. Les différences les plus importantes entre les procédures citées en référence et la procédure du PFC concernent le réglage de la puissance, le recours aux pleins volets et l’absence de recommandation concernant la vitesse. Rien n’indique que le PFC a effectué des essais de vol à bord d’un C152 pour valider la procédure de virage dans les canyons avant de l’enseigner dans le cadre de la formation au sol pour le vol en montagne, et la procédure n’a pas été intégrée aux manuels approuvés par l’entreprise. La procédure a plutôt été enseignée aux élèves durant la formation au sol pour le vol en montagne ou expliquée aux élèves durant l’exposé avant vol.
Figure 3. Procédure du PFC relative au virage dans les canyons
- Puissance du moteur - RALENTI
- Volets – COMPLÈTEMENT SORTIS
- Angle d'inclinaison – 45 degrés
- Puissance du moteur – Pleine puissance Redressement
Selon la haute direction du PFC, il n’était pas inhabituel d’entendre l’avertisseur de décrochage pendant la procédure de virage dans les canyons. L’enquête a révélé que certains élèves se souvenaient d’avoir entendu l’avertisseur de décrochage en effectuant la procédure de virage dans les canyons avec l’instructeur de vol en cause.
Interaction entre l’instructeur et l’élève-pilote
L’une des plus grandes difficultés pour un instructeur est de permettre à un élève de commettre des erreurs. Un des aspects reconnus de l’apprentissage, quelle que soit l’activité, est que c’est en posant un geste, en reconnaissant ses erreurs et en les corrigeant qu’une personne apprend le mieux. Dans la formation de vol, cette technique, que l’on appelle la méthode par démonstration et exécution, est le meilleur moyen d’enseigner le pilotage. L’adage utilisé pour décrire cette méthode est le suivant : « Personne ne peut apprendre à notre place… et il n’existe donc, à proprement parler, pas d’art de l’enseignement, seulement l’art d’aider quelqu’un à apprendreFootnote 25. »
Dans les activités courantes de la formation de vol, ces erreurs sont relevées et corrigées continuellement tout au long du processus de formation, sans que la sécurité soit compromise. Durant les exercices relativement courants, rien n’est fait pour corriger les erreurs jusqu’à ce que l’élève en prenne connaissance, ou jusqu’à ce que le professeur porte l’erreur à l’attention de l’élève et lui demande de la corriger. C’est la meilleure méthode d’apprentissage pour l’élève, car elle lui offre l’occasion de retenir la leçon en exécutant une manœuvre.
Durant les phases critiques du vol, une erreur ne demeure non corrigée que pendant quelques secondes avant que l’instructeur reprenne les commandes de l’appareil, corrige la situation, puis, une fois le danger écarté, explique l’erreur à l’élève. Toutefois, ce n’est pas la méthode privilégiée : les instructeurs préfèrent que les élèves reconnaissent et corrigent les erreurs par eux-mêmes.
Un instructeur doit être prêt à permettre à un élève de faire des erreurs, à les reconnaître et à les corriger sans compromettre la sécurité. Le processus décisionnel visant à déterminer le type d’erreurs admissibles et le temps pouvant s’écouler avant une intervention est difficile pour tous les instructeurs. L’instructeur adapte ce processus décisionnel en fonction de sa propre expérience et de son niveau d’assurance, ainsi que de l’expérience et du niveau de compétence de l’élève.
Il existe toujours un risque que l’instructeur ait du mal à déterminer à quel moment il doit reprendre les commandes ou signaler une erreur. Dans la plupart des exercices, une indécision de quelques secondes est sans conséquence. Toutefois, pour certains exercices, cela peut être catastrophique.
Techniques d’enseignement de l’instructeur
L’instructeur de vol en cause était très apprécié de ses élèves, surtout en raison de son style d’enseignement. La présentation de la formation au sol contenait des notes écrites par l’instructeur, qui soulignaient que les aspects visuels du vol en montagne pouvaient être très trompeurs et précisaient notamment ce qui suit [traduction] : « Vous devez le vivre, parce qu’il n’est pas possible d’imaginer ce qui se passe vraiment ». Conformément à cette approche, cet instructeur permettait aux élèves de reconnaître leurs erreurs et d’en tirer des leçons et n’intervenait pas trop rapidement à moins que la situation devienne dangereuse. Bien que tous les instructeurs doivent adopter cette attitude dans une certaine mesure, certains sont plus rapides à intervenir que d’autres.
L’instructeur avait effectué auparavant un certain nombre de vols d’entraînement en montagne en suivant cette même trajectoire avec d’autres élèves. Il n’a pas été possible de déterminer le nombre réel de ces vols d’entraînement en montagne, car le PFC ne conserve pas ces renseignements. L’instructeur effectuait généralement les vols d’entraînement en montagne en suivant le plan de vol préétabli et chaque vol était similaire, en ce qui concerne les endroits choisis pour effectuer les différents exercices. En particulier, l’instructeur devait démontrer la procédure à suivre pour traverser une crête entre Whistler et la région de Lytton Creek. L’instructeur faisait également une démonstration de la procédure de virage dans les canyons plus tôt durant le vol dans la région située entre Squamish et Pemberton, à un endroit où la vallée était plus large et à plusieurs milliers de pieds au-dessus de celle-ci.
Durant les vols d’entraînement antérieurs, l’instructeur ne faisait exécuter aux élèves la procédure de virage dans les canyons que lorsqu’ils étaient rendus dans une vallée sur le chemin du retour, généralement dans la vallée de Tretheway, à une altitude inférieure au sommet des montagnes et dans une zone qui était plus étroite que celle où l’instructeur avait fait la démonstration plus tôt au cours du vol.
Orientation spatiale et illusions d’optique
On définit l’orientation spatiale comme étant l’habileté naturelle à maintenir l’orientation du corps ou la posture au repos et en mouvement par rapport au milieu environnant. L’orientation spatiale des humains est normalement maintenue au sol; le milieu dans lequel se déroule un vol est étranger au corps humain. Le cerveau tire ses informations de ce que perçoivent les yeux, l’oreille interne et les réactions musculaires pour déterminer la position du corps par rapport au milieu. Toute accélération autre que l’accélération gravitationnelle déstabilise le système sensoriel. Lorsque le point que nous percevons comme étant le bas ne correspond plus au centre de la Terre, cela crée des conflits sensoriels et des illusions qui rendent l’orientation spatiale difficile, voire impossible, dans certains cas.
Un pilote doit apprendre à ignorer en grande partie ses réactions physiques et à s’appuyer seulement sur ce que perçoivent ses yeux pour établir ses points de repère, soit visuellement en observant le milieu environnant, soit par l’entremise des instruments. En vol, l’orientation spatiale dépend à 80 % du sens de la vueFootnote 26. Lorsqu’un pilote a de bons repères visuels extérieurs, les systèmes de détection du mouvement et de la position appuient le sens de la vue pour lui permettre de prendre conscience de la situation et de s’orienter. Pendant le vol, en l’absence de bons repères visuels extérieurs, l’esprit tente d’utiliser le système vestibulaire (l’oreille interne) pour s’orienter. Cependant, il arrive que l’oreille interne interprète mal les mouvements auxquels elle est soumise; on ne peut donc pas s’y fier.
L’orientation visuelle se fonde sur la perception, la reconnaissance et l’identification; une personne détermine sa position en évaluant la taille et l’emplacement des autres objets par rapport à elle-même. Les images que nous percevons tout au long de notre vie sont stockées dans notre mémoire, ce qui nous permet de comparer leur taille à celle des objets qui nous entourent et de déterminer notre propre position par rapport à ceux-ci. Par exemple, connaissant la taille d’un camion de 5 tonnes, nous sommes en mesure de juger la distance qui nous en sépare.
Sans expérience du vol en montagne et sans connaissance de ce milieu, il est difficile de juger les dimensions et donc la distance qui nous sépare des flancs de montagne lorsque nous volons près d’eux. Dans un espace restreint, un pilote doit voler à proximité d’un flanc de montagne afin d’avoir suffisamment d’espace pour effectuer un virage. Cela peut être difficile pour les personnes sans expérience, et les élèves ont tendance à se tenir plus loin de la montagne qu’ils ne pensent l’être (figure 4 et figure 5; image fournie par la Civil Aviation Authority de la Nouvelle-Zélande [traduction superposée par le BST]).
Une autre illusion à laquelle un pilote peut être confronté au cours de vols en montagne est son incapacité à définir avec précision l’horizon vraiFootnote 27. Les montagnes bloquent la vue de l’horizon vrai et le pilote peut croire qu’il est plus élevé qu’il ne l’est en réalité. Cela peut amener le pilote à amorcer une montée alors qu’il essaie simplement de voler en palier. Cette lente montée peut entraîner une perte de vitesse et une augmentation de l’angle d’attaque (photo 2).
La désorientation spatiale peut également se produire lorsque ce que l’on voit est incliné; il pourrait s’agir d’un banc de nuages en pente ou d’un relief incliné comme les pentes des montagnes. La désorientation causée par un relief en pente durant un virage effectué en direction d’un flanc de montagne est plus importante lorsque la montagne bloque complètement tout repère de l’horizon réel. Si une force d’accélération g est appliquée durant le virage, elle modifie la perception qu’a le pilote du bas, ce qui peut fausser sa perception de l’horizon vrai.
L’enquête a permis de déterminer, durant les essais dans le simulateur de vol, que lorsque l’horizon vrai n’est pas visible et que nous voyons les pentes des montagnes, il peut être très difficile d’estimer l’angle d’inclinaison avec précision. En outre, les personnes soumises aux essais ont constamment eu tendance à trop incliner l’avion afin d’éviter le relief environnant.
On enseigne aux pilotes à compter sur les instruments de l’avionFootnote 28 pour lutter contre les effets de la désorientation spatiale. En montagnes, le pilote doit donc diviser son attention entre l’observation des instruments de bord à l’intérieur du poste de pilotage et l’observation du milieu environnant à l’extérieur du poste de pilotage afin d’éviter le relief. L’utilisation des instruments dans le poste de pilotage plutôt que l’observation des repères visuels extérieurs, en situation d’urgence, n’est pas enseignée aux pilotes privés et professionnels et elle est très difficile à réaliser lorsque l’impulsion pousse le pilote à vouloir regarder à l’extérieur. Les illusions en régions montagneuses sont dangereuses pour les personnes qui n’ont pas l’expérience ou la formation nécessaires pour les reconnaître et les compenser.
Les systèmes de gestion de la sécurité et l’utilisation du dispositif de surveillance des données de vol
Un des changements récents apportés aux processus de sécurité en aviation a été la mise en œuvre des systèmes de gestion de la sécurité (SGS). Les SGS au Canada ont été d’abord mis en œuvre par les grands transporteurs aériens; éventuellement, l’ensemble des exploitants commerciaux emboîteront le pas. Au moment de l’accident, de nombreuses entreprises mettaient sur pied leurs propres systèmes pour profiter des avantages que procurent de tels outils. Alors que certaines entreprises ont adopté les SGS avec enthousiasme, leur mise en œuvre au Canada a été difficile. En juin 2012, le BST a publié sa Liste de surveillance mise à jour, qui comprend les enjeux de sécurité sur lesquels il a enquêté et qui posent les plus grands risques pour les Canadiens. Les SGS figurent parmi les problèmes de sécurité soulevés dans la liste de surveillance.
Un des atouts des SGS est leur processus d’évaluation des risques, dans le cadre duquel les incidents sont examinés et les décisions concernant les améliorations devant être apportées à la sécurité sont fondées sur les avantages qu’offrent ces améliorations et leur coût. Le processus d’évaluation des risques est une composante essentielle d’un SGS approuvé par TC. Le PFC avait mis sur pied son propre système, et il l’a utilisé pour améliorer ses processus de gestion de la sécurité.
La direction du PFC ne disposait d’aucune méthode de surveillance des vols en temps réel, et il n’existait pas de processus permettant d’évaluer le déroulement du vol tout de suite après ce dernier. Les instructeurs étaient évalués selon leur capacité à assurer la formation au sol. Les instructeurs principaux et la direction n’évaluaient pas les méthodes de formation des instructeurs en vol à titre de passagers observateurs; les instructeurs principaux et la direction du PFC se fondaient plutôt sur les capacités et le rendement des élèves pour évaluer les compétences d’enseignement des instructeurs en vol. Les élèves étaient invités à fournir de la rétroaction après la formation au sol, et les élèves du programme collégial devaient fournir des commentaires à mi-parcours et à la fin du programme.
Durant l’événement en cause, la vidéo prise en vol a enregistré une activité dont la direction du PFC n’était pas au courant et qui contrevenait à ses directives. Le BST a constaté à plusieurs occasions, durant ses enquêtes portant sur des accidents mettant en cause d’autres organisations, que la direction n’était pas au courant qu’un employé ou un instructeur contrevenait à la réglementation de TC ou aux politiques de l’entreprise. À titre d’exemple, citons l’enquête A09Q0065 du BST, qui a révélé qu’à l’insu de la direction, l’instructeur volait beaucoup plus bas que ce qu’autorisait la politique de l’entreprise.
La surveillance des données de vol a été mise en œuvre dans de nombreux pays, et elle est largement reconnue comme un outil permettant d’améliorer le SGS d’une entreprise. Aux États-Unis et en Europe — grâce à l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) — un grand nombre de transporteurs ont des programmes à cette fin depuis des années. Certains exploitants d’hélicoptères effectuent déjà la surveillance des données de vol, et la Federal Aviation Administration (FAA) a formulé une recommandation à cet égard.
La mise au point de systèmes d’enregistrement des données de vol légers offre la possibilité d’élargir les approches de surveillance des données de vol aux plus petites exploitations. Grâce à cette technologie et à la surveillance des données de vol, ces exploitations seront notamment en mesure de surveiller la conformité aux procédures d’utilisation normalisées, la prise de décisions des pilotes et le respect des limites opérationnelles. L’examen de cette information permettra aux exploitants de déceler les problèmes dans leurs exploitations et de prendre des mesures correctives avant qu’un accident se produise. Aucune disposition du RAC n’exige l’installation d’un système de surveillance dans les aéronefs.
Si un accident venait à se produire, les enregistrements des systèmes d’enregistrement des données de vol légers fourniraient des renseignements utiles qui permettraient de mieux déterminer les lacunes de sécurité dans le cadre d’une enquête subséquente.
En conséquence, dans le cadre de l’enquête sur l’accident survenu en 2011 (A11W0048), le Bureau a recommandé que le ministère des Transports, en collaboration avec l’industrie, élimine les obstacles et élabore des pratiques recommandées pour la mise en œuvre de la surveillance des données de vol et l’installation de systèmes d’enregistrement des données de vol légers à l’intention des exploitants commerciaux qui ne sont pas tenus de munir leurs aéronefs de ces systèmes.
Techniques d’enquête utiles ou efficaces
La vidéo enregistrée à partir du téléphone intelligent de l’élève a fourni aux enquêteurs de précieux renseignements sur l’altitude à laquelle l’instructeur volait.
Analyse
Les 2 occupants de l’avion ont été mortellement blessés dans l’accident. Il n’y avait aucun témoin des derniers instants du vol ni aucun dispositif d’enregistrement de bord qui aurait pu aider les enquêteurs. Rien ne porte à croire qu’une anomalie liée à l’aéronef ou que les conditions météorologiques aient été en cause dans cet événement. Lorsque l’avion a percuté le sol, son assiette était en piqué prononcé, ce qui suggère qu’il y a eu décrochage et perte de maîtrise en vol. L’analyse portera sur ce qui a entraîné la perte de maîtrise de l’aéronef et la collision avec le relief. L’analyse abordera également plusieurs questions liées à la formation des pilotes, au vol en montagne et à la surveillance des données de vol en vue d’améliorer la sécurité des transports.
Analyse de l’épave et du lieu de l’accident
L’assiette en piqué prononcé et la faible vitesse vers l’avant correspondent à ce qui se produit en situation de perte de maîtrise en vol. Ces 2 constatations laissent supposer que l’avion a effectué un virage serré à droite et qu’il a décroché alors qu’il se trouvait à moins de 200 pieds au-dessus du sol. Si l’avion avait décroché à une altitude plus élevée, les caractéristiques dynamiques de l’écrasement et l’état de l’épave auraient été différents. Il est peu probable que l’avion ait amorcé une vrille étant donné que la puissance du moteur était élevée selon les observations (la première étape de la procédure de sortie de vrille consiste à réduire immédiatement la puissance du moteur) et que l’avion se déplaçait encore vers l’avant au moment de percuter le sol.
Hypothèses concernant les conditions au moment de l’accident et les mesures prises
L’accident s’est produit à proximité d’une trajectoire que l’instructeur empruntait fréquemment pour la formation de vol en montagne. Il n’a pas été possible de déterminer les raisons pour lesquelles l’avion est entré dans ce canyon, mais comme les performances de l’appareil étaient insuffisantes pour passer au-dessus du relief au point le plus élevé du col, il est probable que les pilotes aient exécuté un virage dans le canyon. Comme le côté gauche (est) du col était exposé au soleil, il est plus probable que l’aéronef volait de ce côté de la vallée et que les pilotes ont tenté d’effectuer un virage à droite. Une telle manœuvre les aurait amenés à virer vers une pente raide et ombragée. En raison du manque de repères dans la vallée, il aurait été difficile pour les pilotes de déterminer visuellement leur angle d’inclinaison par rapport à l’horizon (figure 6).
Il n’a pas été possible de déterminer pourquoi l’avion se trouvait à une si basse altitude avant l’accident. Toutefois, le fait d’effectuer un virage à basse altitude augmente les risques associés à la manœuvre et cela contrevient à la politique du PFC concernant les altitudes minimales de vol. Si l’instructeur avait retardé la décision d’amorcer le virage, cela aurait réduit encore davantage les marges de sécurité. Avec les volets en position rentrée, la vitesse de décrochage est supérieure de 7 nœuds à celle qui serait observée si les volets étaient sortis complètement. En outre, il est possible qu’une fois le virage amorcé, l’avion ait rencontré un courant d’air descendant du côté ombragé de la vallée, ce qui aurait pu le faire descendre. Si les pilotes n’ont pas vérifié les instruments, il est également possible que la perte d’horizon et les illusions d’optique causées par le relief environnant les aient amenés à provoquer accidentellement le décrochage de l’aéronef durant le virage.
Bien que la manette des gaz ait été trouvée en position de puissance élevée, une réduction de la puissance durant une manœuvre critique, même pendant quelques secondes seulement, aurait une incidence négative sur les performances de l’avion. Il est possible que la manette des gaz ait été enfoncée à nouveau lorsque les pilotes ont constaté que les performances de l’appareil étaient insuffisantes. L’ensemble de ces facteurs ou l’un ou l’autre d’entre eux peut avoir amené les pilotes à augmenter l’angle d’inclinaison et l’angle d’attaque en tirant sur le manche de commande, ce qui aurait entraîné un décrochage aérodynamique. Il est probable que l’aéronef a subi un décrochage aérodynamique durant une tentative de virage à une altitude insuffisante pour que les pilotes puissent reprendre la maîtrise de l’appareil avant de percuter le relief.
Autres questions opérationnelles
Systèmes de gestion de la sécurité et surveillance des données de vol
La direction du Pacific Flying Club (PFC) ne disposait d’aucune méthode de surveillance des vols, et elle n’était pas tenue par règlement d’en avoir une. Il n’existait pas de processus après vol permettant d’évaluer le déroulement des vols et les gestes posés par les instructeurs. Par exemple, la direction ignorait que l’instructeur en cause traversait les crêtes à une altitude inférieure aux altitudes minimales de vol prescrites par l’entreprise ou que cet instructeur faisait effectuer aux élèves les exercices de virage dans les canyons dans des zones relativement étroites. Comme l’a constaté précédemment le Bureau de la sécurité des transports (BST) dans le cadre de l’enquête A09Q0065, mettant en cause une autre organisation, la direction n’est pas toujours consciente que les aéronefs ne sont pas pilotés conformément aux politiques de l’entreprise.
L’aéronef en cause n’était muni d’aucun enregistreur de bord, et la réglementation n’exigeait pas la présence de tels appareils. Le recours aux systèmes d’enregistrement des données de vol légers et à la surveillance des données de vol permet de veiller au respect des procédures d’utilisation normalisées et des limites d’exploitation. Il permet également aux exploitants de cerner les problèmes liés à la prise de décisions des pilotes et de prendre les mesures correctives nécessaires avant qu’un accident se produise. Sans système de suivi de vol ou de surveillance après le vol, la direction risque de n’être pas au courant des écarts par rapport aux normes de l’école qui augmentent les risques liés aux vols.
Advenant un accident, les enregistrements des systèmes d’enregistrement des données de vol légers peuvent fournir des renseignements utiles permettant de cerner les lacunes de sécurité durant l’enquête et de mieux les communiquer en vue de promouvoir la sécurité des transports.
Masse et centrage
L’aéronef en caus a décollé avec un poids supérieur à la masse brute maximale. Toutefois, du fait de la consommation de carburant, ce poids était inférieur à la masse brute maximale autorisée au moment de l’accident. L’élève a indiqué, en apposant ses initiales sur le formulaire d’autorisation de vol, que la masse et le centrage avaient été calculés. Toutefois, leur calcul détaillé n’était pas fourni, la réglementation ne l’exigeant pas. En outre, le PFC n’avait aucune procédure établie pour conserver l’information au point de départ, ce qui aurait permis de vérifier si son aéronef était exploité conformément à toutes les limites de masse et de centrage prescrites par le fabricant. Si les calculs de masse et de centrage ne sont pas consignés, il y a un risque accru que les aéronefs décollent avec un poids supérieur à la masse brute maximale autorisée.
Avertisseurs de décrochage
Les avertisseurs de décrochage sont conçus pour alerter les pilotes qu’un décrochage est imminent. Il est essentiel que les avertisseurs de décrochage laissent au pilote suffisamment de temps pour prendre connaissance de l’avertissement et éviter le décrochage. Les avertisseurs de décrochage dont sont dotés de nombreux appareils, contrairement aux indicateurs d’angle d’attaque, ne fournissent aucune information sur l’augmentation progressive du risque de décrochage : il est donc possible que les pilotes ne soient pas conscients de l’imminence du décrochage de leur aéronef durant une manœuvre jusqu’à ce que l’avertisseur de décrochage se fasse entendre. À ce moment, il se peut que le pilote n’ait plus suffisamment de temps pour sortir d’un décrochage, le cas échéant. Parfois, l’avertisseur de décrochage retentit lorsque les pilotes exécutent certaines manœuvres, ce qui réduit la marge de sécurité. Un indicateur d’angle d’attaque réduit la probabilité d’un décrochage accidentel, étant donné qu’il fournit au pilote une indication continue de l’état de portance de l’aéronef. Si un pilote se fie à un avertisseur de décrochage, qui fournit peu d’information sur l’imminence d’un décrochage, il risque de faire décrocher l’appareil par inadvertance.
Formation
Formation de vol à faible vitesse
Au Canada, la formation de vol à faible vitesse est effectuée alors que l’aéronef présente des signes de décrochage ou que l’avertisseur de décrochage retentit de façon quasi continue. Dans d’autres pays et chez les grandes entreprises d’aviation commerciale, cette pratique est évitée en raison des risques de formation négative qu’elle présente; les pilotes apprennent plutôt à réagir et à prendre les mesures nécessaires pour que l’avertisseur de décrochage cesse de retentir ou que les signes d’un décrochage aérodynamique imminent disparaissent. Si le vol à faible vitesse est effectué alors que l’avertisseur de décrochage retentit continuellement, les élèves et les instructeurs risquent de ne plus réagir à l’avertissement. En conséquence, si les pilotes apprennent à voler à faible vitesse alors que l’avertisseur de décrochage retentit, le risque de décrochage inopiné pendant les manœuvres à basse vitesse est accru.
Formation sur le décrochage
Malgré le fait que Transports Canada (TC) reconnaisse l’importance des exercices de décrochage à des angles d’inclinaison supérieurs à 30°, il n’est pas exigé de les inclure dans la formation. Selon les critères d’évaluation des examens de pilotage, il n’est pas nécessaire de provoquer un décrochage durant un virage serré, et l’angle d’inclinaison pour les décrochages en virage n’est pas précisé. En conséquence, les écoles de pilotage sont autorisées à établir leurs propres seuils quant à l’angle d’inclinaison pour les décrochages en virage. De nombreuses écoles de pilotage, dont le PFC, ont établi leur angle d’inclinaison maximal à 30°. En conséquence, les pilotes qui subissent un décrochage à un angle d’inclinaison supérieur à 30° risquent de ne pas reconnaître la gravité d’un tel décrochage et de ne pas savoir ce qu’il faut faire pour en sortir. Si les pilotes n’apprennent pas à reconnaître les décrochages à un angle d’inclinaison prononcé et à en sortir, les risques de collision avec le relief sont accrus lorsque leur appareil décroche dans une telle situation.
Formation de pilotage en région montagneuse
Les vols en montagne donnent lieu à de nombreuses situations complexes et risquées. Au Canada, les élèves-pilotes ne sont pas tenus de suivre une formation de vol en montagne avant de piloter en régions montagneuses. En outre, il n’est pas nécessaire d’inclure cette matière dans la formation au sol ou de faire subir aux élèves un examen sur le vol en montagne. En conséquence, il est possible que les pilotes ne reçoivent aucune formation ou qu’ils soient laissés à eux-mêmes pour étudier les documents offerts. Un pilote qui désire apprendre les bonnes procédures de vol en montagne n’a pas accès à de l’information sur le sujet qui respecte un ensemble de normes acceptables. Il existe de précieux renseignements pouvant être communiqués; toutefois, s’ils ne sont pas abordés de façon détaillée durant la formation en classe, il se peut que les pilotes n’aient pas une connaissance suffisante des risques importants liés au vol en montagne et des pratiques recommandées pour les éviter. En outre, les avancées technologiques relatives à la simulation permettent d’exposer les pilotes à certains des défis liés au vol en montagne et leur donnent la possibilité d’acquérir les compétences nécessaires pour les réaliser. Sans formation adéquate sur les techniques de vol en montagne, les pilotes et les passagers sont exposés à des risques accrus de collision avec le relief durant ce type de vol.
Virages serrés dans les canyons
Il n’y a pas de technique idéale ou particulière pour les virages serrés dans les canyons qui soit applicable à tous les types d’aéronefs. Il conviendrait plutôt d’élaborer une procédure de virage pour chaque type d’appareil afin d’augmenter la sécurité et de réduire le rayon de virage. Comme l’indique la section 1.18.4 du présent rapport, le PFC s’est appuyé sur plusieurs sources d’informations différentes pour préparer sa formation de vol en montagne et ses procédures de virage serré dans les canyons. Il existe des différences importantes entre les procédures citées en référence (annexe C) et ce que le PFC a préparé, notamment en ce qui concerne l’utilisation des volets, la puissance du moteur nécessaire et la vitesse. Plusieurs éléments de la procédure du PFC relative au virage dans les canyons ont été examinés afin de déterminer les effets qu’ont les mesures sur les performances de l’aéronef et sur la capacité du pilote à effectuer la manœuvre en toute sécurité.
La première mesure, qui consiste à couper complètement la puissance en réglant la manette des gaz au ralenti, a pour objet de ralentir rapidement l’aéronef, en supposant qu’il vole à une vitesse supérieure à celle qui est autorisée pour l’application des pleins volets. Cette mesure, si elle est prise lorsque l’aéronef se trouve déjà dans une situation qui nécessite toute sa puissance (par exemple lorsqu’il doit prendre de l’altitude pour éviter le relief), réduit immédiatement et considérablement les performances et la vitesse de l’aéronef.
La deuxième mesure consiste à appliquer les pleins volets. Cette mesure vise à ralentir l’aéronef et à augmenter la marge de sécurité en réduisant la vitesse de décrochage de l’aile. Les documents de référence recommandent de sortir les volets en partie; l’application des pleins volets produit une traînée plus importante, ce qui réduit les performances de l’aéronef au cours d’un virage et peut ne pas être souhaitable dans les cas où il est nécessaire d’obtenir les performances maximales.
Les autres mesures sont généralement conformes aux descriptions contenues dans les documents de référence. Toutefois, la procédure du PFC ne précise pas la vitesse devant être maintenue afin d’augmenter la marge de sécurité à l’égard de la vitesse de décrochage. L’importance de préciser cette vitesse est soulignée dans tous les documents de référence.
Ces questions devraient être abordées dans le cadre des phases de recherche et d’expérimentation précédant la mise en œuvre d’une nouvelle procédure d’urgence. Comme il est expliqué dans le document Mountain Flyingde Sparky Imeson, il est important que les procédures d’urgence, comme les virages dans les canyons, soient étudiées et soumises à des essais sur un type d’aéronef en particulier avant d’être mises en application dans les activités d’exploitation courantes. En conséquence, si les procédures d’urgence ne sont pas validées avant leur mise en œuvre, les marges de sécurité risquent de diminuer en raison d’une dégradation imprévue des performances. En outre, si les normes et les procédures de l’école de pilotage ne sont pas intégrées dans les manuels de l’entreprise, les instructeurs de vol risquent de déroger aux méthodes d’enseignement approuvées par l’entreprise.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Il est probable que l’aéronef ait subi un décrochage aérodynamique lors d’une tentative de virage à une altitude insuffisante pour que les pilotes puissent reprendre la maîtrise de l’appareil avant de percuter le relief.
Faits établis quant aux risques
- Si les calculs de masse et de centrage ne sont pas consignés, il y a un risque accru que l’aéronef décolle avec un poids supérieur à la masse brute maximale autorisée.
- Sans formation adéquate sur les techniques de vol en montagne, les pilotes, de même que leurs passagers, sont exposés à des risques accrus de collision avec le relief en raison de la nature complexe de ces types de vols.
- Si un pilote se fie à un avertisseur de décrochage qui ne fournit aucune information sur l’augmentation progressive du risque de décrochage, il risque de faire décrocher l’appareil par inadvertance.
- Si les pilotes apprennent à voler à faible vitesse alors que l’avertisseur de décrochage retentit, le risque que l’aéronef décroche par inadvertance pendant les manœuvres à basse vitesse est accru.
- Si les pilotes n’apprennent pas à reconnaître les décrochages à un angle d’inclinaison prononcé et à en sortir, les risques de collision avec le relief sont accrus lorsque leur appareil décroche dans une telle situation.
- Si les procédures d’urgence ne sont pas validées avant leur mise en œuvre, les marges de sécurité risquent de diminuer en raison d’une dégradation imprévue des performances.
- Si les normes et les procédures de l’école de pilotage ne sont pas intégrées dans les manuels de l’entreprise, les instructeurs de vol risquent de déroger aux méthodes d’enseignement approuvées par l’entreprise.
- Sans système de suivi de vol ou de surveillance après le vol, la direction peut ne pas être au courant des écarts par rapport aux normes de l’école qui augmentent les risques liés aux vols.
- L’absence d’enregistrement de conversations dans le poste de pilotage et de données de vol peut empêcher l’identification de lacunes de sécurité et la communication de ces lacunes afin d’améliorer la sécurité des transports.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
Mesures de sécurité prises par le Pacific Flying Club
Après l’accident, le Pacific Flying Club a mis en œuvre les mesures de sécurité suivantes :
- La formation de vol en montage a été suspendue en attendant la tenue d’un examen et d’une analyse de cette formation au moyen des principes des systèmes de gestion de la sécurité (SGS).
- Un plan de cours de formation au pilotage en montagne (Mountain Flying Training Syllabus) officiel et réglementé a été créé, et tous les instructeurs ont suivi une formation, notamment sur les procédures établies pour les virages dans les canyons, les altitudes minimales, les itinéraires obligatoires et les procédures d’utilisation normalisées.
- Des modifications ont été apportées au programme de vol en montagne, y compris la nécessité de suivre une formation au sol avant le vol, la définition des nouveaux itinéraires et l’utilisation de dispositifs d’entraînement au vol afin de sensibiliser les pilotes aux risques.
- Un examen écrit obligatoire visant à vérifier les connaissances sur le vol en montagne a été instauré afin de garantir que les élèves comprennent les principes qui leur sont enseignés avant de voler.
- Des séminaires sur le vol en montagne ouverts au public sont destinés aux élèves passés et actuels qui souhaitent prendre connaissance des dernières informations et du programme révisé.
- Des ateliers sur le leadership efficace et la gestion du risque sont offerts aux instructeurs, et portent plus particulièrement sur la manière de reconnaître le meilleur moment de prendre les commandes, de gérer le vol en fonction des différents scénarios de formation ainsi que de déterminer et gérer de façon appropriée les exercices de vol en fonction de l’expérience et du niveau de formation des élèves.
- On a modifié la feuille de registre de sortie de manière à ce qu’elle exige que le pilote inscrive la masse et le centrage réels au décollage, et que l’élève et l’instructeur y apposent tous les deux leurs initiales.
- Un système de positionnement global (GPS) portatif doit être apporté à bord des appareils pour tous les vols destinés à sortir du Lower Mainland afin de permettre à la haute direction et aux instructeurs d’assurer une surveillance accrue.
Le présent rapport met fin à l’enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le .
Annexes
Annexe A – Liste des rapports du Laboratoire du Bureau de la sécurité des transports
Les rapports du Laboratoire du Bureau de la sécurité des transports suivants ont été finalisés :
- LP085/2011 – Cell phone examination [rapport d'examen des téléphones intelligents]
- LP086/2011 – Aircraft flight instrument examinatio [rapport d'examen des instruments de vol de l'appareil]
- LP126/2011 – Graphical presentation A11P0106 [présentation graphique du rapport A11P0106]
Ces rapports peuvent être fournis sur demande par le Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Annexe B – Exemple d'une théorie contestée concernant les techniques de pilotage en montagne
Maîtrise de l'appareil en courants descendants
Ce sujet a été abordé dans la plupart des documents portant sur le vol en montagne. Selon certaines sources, la meilleure pratique à adopter en présence d’un fort courant d’air descendant est d’abaisser le nez et de sortir rapidement de cette masse d’air descendante. Quelques calculs simples effectués au moyen du taux de montée et de la vitesse-sol ont permis d’établir que cette pratique n’est peut-être pas appropriée.
Le graphique (figure 7) montre 2 trajectoires possibles que pourrait suivre un aéronef lorsqu’il rencontre une zone de courant descendant causée par un vent de 15 nœuds soufflant le long d’une pente de 30°. Au départ, les 2 aéronefs volent à la même vitesse de croisière, soit 100 nœuds. La puissance maximale est appliquée sur les 2 aéronefs, et tous deux prendraient de l’altitude si le vent était nul. La ligne bleue pleine indique la trajectoire de vol que suivrait un aéronef si son pilote réagissait en sacrifiant le maintien de sa vitesse vers l’avant pour entreprendre une montée jusqu’à l’atteinte de la vitesse d’angle de montée optimale, soit 65 nœuds. L’avion passe alors à 500 pieds au-dessus de la colline. La ligne pointillée rouge représente la trajectoire que suivrait l’autre aéronef si le pilote accélérait jusqu’à 110 nœuds et maintenait cette vitesse. À cette vitesse, l’appareil percuterait la colline juste en dessous du sommet. Cet exemple n’est peut-être pas représentatif de ce qui se produirait en réalité; il démontre toutefois que la théorie présente certains problèmes et qu’elle mérite peut-être que l’on s’y attarde davantage.
Annexe C – Document de référence sur les techniques de virage dans les canyons
Manuel de pilotage (TP 1102F, Transports Canada) | Mountain Flying (Doug Geeting) | Mountain Flying (Sparky Imeson) |
---|---|---|
Virages dans les canyons — virages serrés — évitement avec demi-tour | ||
|
|
|