Rapport d'enquête aéronautique A11Q0036

Avitaillement de 3 hélicoptères avec le mauvais type de carburant
Robinson R44 Raven II (hélicoptère) C-FNZO
Forestville (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Synopsis

    L'hélicoptère Robinson R44 Raven II (numéro de série 11759 et immatriculé C-FNZO), transportant 2 personnes à son bord, effectue un vol selon les règles de vol à vue, de Port Menier (Québec) à Québec (Québec). Deux escales d'avitaillement sont prévues. Le Robinson R44 Raven II est accompagné de 2 autres hélicoptères du même modèle. Durant l'escale à Forestville, les 3 hélicoptères sont avitaillés en carburéacteur A1 par erreur au lieu de l'AVGAS 100LL requise.

    Vers 16 h 20 heure normale de l'Est, pendant sa montée initiale, le C-FNZO subit une perte de puissance et le pilote effectue un atterrissage forcé dans une zone résidentielle de Forestville. Les 2 personnes à bord subissent des blessures mineures et sont transportées à l'hôpital. L'hélicoptère est lourdement endommagé. Les 2 autres hélicoptères atterrissent à proximité du C-FNZO et ne sont pas endommagés. La radiobalise de repérage d'urgence ne s'active pas à la suite de l'atterrissage brutal. L'accident survient pendant les heures de clarté.

    Renseignements de base

    Déroulement du vol

    Le jour de l'accident, les pilotes de 3 aéronefs revenaient en empruntant le même trajet, en sens inverse, vers Québec (Québec) à la suite d'un vol sur campagne qui les avaient transportés à l'ile d'Anticosti (Québec). Deux escales d'avitaillement étaient prévues; une à Sept-Îles (CYZV) et une à Baie-Comeau (CYBC) avant de se rendre à Québec (Figure 1). Le vol de Port-Menier (CYPN) situé sur l'île Anticosti jusqu'à CYZV s'est déroulé sans problème. Durant le trajet de CYZV à CYBC, les pilotes ont décidé de ne pas atterrir à CYBC en raison d'averses de neige localisées dans la région et ont procédé à l'improviste vers Forestville (CYFE). Un des pilotes a contacté un autre pilote par téléphone cellulaire afin que ce dernier communique avec CYFE pour aviser le préposé de l'heure d'arrivée des 3 hélicoptères et également confirmer la disponibilité de l'AVGAS 100LL. Les 3 hélicoptères ont atterri devant les réservoirs de carburant à CYFE vers 15 h 30Note de bas de page 1. Le préposé au ravitaillement avait déjà commencé à sortir le boyau de remplissage. Cependant, le boyau était celui du carburéacteur A1. Aucun des pilotes ne l'a remarqué et on a demandé au préposé de faire le plein.

    Figure 1. Route de vol et points d'intérêts
    Image
    Carte de l'est du Québec illustrant l'itinéraire prévu allant d'Anticosti jusqu'à Québec, ainsi que le lieu de l'atterrissage forcé à Forestville

    Deux des pilotes et les passagers sont entrés dans l'aérogare, le pilote du C-FZNONote de bas de page 2 est, quant à lui, demeuré près de l'aéronef pendant que le préposé avitaillait le premier hélicoptère. Le pilote s'est, par la suite, absenté pour aller aux toilettes, situées dans l'aérogare. À son retour, le préposé finissait de remplir le réservoir auxiliaire de l'hélicoptère du pilote. Le préposé a avitaillé les 3 hélicoptères sans ordre particulier et seulement 1 des 2 réservoirs de chacun des hélicoptères a été rempli. Le préposé a remarqué les placards autocollants du manufacturier (zones de texte 1 et 2), mais ne leur a pas porté une attention particulière. Le préposé a terminé l'avitaillement seul et n'a pas utilisé d'échelle. Les pilotes ont remarqué que le préposé semblait maladroit avec le boyau, le laissant frotter contre les hélicoptères, mais n'ont pas mis en doute ses connaissances de l'avitaillement des appareils R44.

    Peu de temps après, le préposé a rejoint les pilotes et leurs passagers à l'intérieur de l'aérogare. Un passager a signé 2 des factures, alors que la troisième a été signée par un des pilotes. Malgré le fait que le prix d'achat était plus bas que prévu, ni le passager ni le pilote n'a remarqué que le préposé avait embarqué du carburéacteur A1, comme l'indiquaient les factures.

    Le C-FNZO a été le dernier des 3 hélicoptères à décoller. Au décollage, les jauges de carburant affichaient moins que le plein de carburant. Après quelques échanges radio entre les 3 hélicoptères et à environ 1000 pieds au-dessus du sol (agl), les pilotes ont déduit que le mauvais carburant avait été embarqué. Le C-FNZO a manqué de puissance et indiquait une surchauffe du moteur. Presque immédiatement, on a entendu des bruits provenant du moteur et une perte de puissance importante s'en est suivie. Le pilote a effectué une autorotationNote de bas de page 3 et s'est posé sur une rue dans un quartier résidentiel de Forestville. En raison de la force d'impact, le C-FNZO a été lourdement endommagé. Les patins d'atterrissage se sont affaissés, la poutre de queue s'est brisée à l'extrémité de l'empennage, laissant le rotor de queue rattaché uniquement à la béquille de queue. Pendant l'autorotation, le pilote a relayé ces observations par radio, lesquelles ont incité les autres pilotes à se poser sans délai et, par conséquent, sans incident.

    Conditions météorologiques

    Les conditions météorologiques dans la région de vol étaient meilleures que les conditions requises pour effectuer un vol à vue (VFR) et rien n'indique qu'elles ont pu jouer un rôle dans cet événement.

    Selon le Manuel d'information aéronautique (AIM) de Transports Canada, à la date de l'événement, la nuit débutait 25 minutes après le coucher du soleil pour la région de Forestville. Donc, le jour se terminait à approximativement 17 h 55.

    Renseignements sur le pilote

    Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote avait obtenu sa licence de pilote privé - Hélicoptère en septembre 2009 et avait accumulé plus de 400 heures de vol avec le Robinson R44.

    Renseignements sur l'aéronef

    Au moment de l'accident, le C-FNZO totalisait 509,7 heures de vol depuis sa construction. Les dossiers techniques ont indiqué que l'aéronef était certifié et entretenu conformément à la réglementation en vigueur. Rien n'a permis de conclure à la présence d'une défaillance de la cellule ou le mauvais fonctionnement d'un système pendant le vol, autre que la perte de puissance associée au mauvais type de carburant embarqué.

    La masse et le centrage de l'aéronef se situaient dans les limites prescrites au moment de l'accident.

    Le système d'alimentation du R44 est constitué d'un réservoir principal à gauche et d'un réservoir auxiliaire à droite. Les 2 bouchons de remplissage sont situés sur le haut du fuselage de chaque côté de l'aéronef. La conception du système fait en sorte que le moteur est alimenté du réservoir principal. Les 2 réservoirs sont reliés par un boyau. Le fond du réservoir auxiliaire est situé plus haut que le fond du réservoir principal de sorte que le réservoir auxiliaire se transvide de façon continue au réservoir principal, en raison de la gravité.

    Des autocollants transparentsNote de bas de page 4, avec des inscriptions noires, étaient posés près des bouchons. Celui du réservoir principal (Zone de texte 1) indique le type de carburant requis.

    Zone de texte 1. Placard – R44II POH – Section 2 - Limitations

    FUEL
    100 OCT MIN GRADE AVIATION GASOLINE

    Près du réservoir auxiliaire (Zone de texte 2), le placard portait les directives suivantes : pour obtenir le plein de carburant, remplir le réservoir principal en premier lieu et compléter le plein une fois que le réservoir auxiliaire est rempli [traduction].

    Zone de texte 2. Placard – R44II POH – Section 2 - Limitations

    AUX FUEL
    100 OCT MIN GRADE AVIATION GASOLINE
    TO ENSURE FULL FUEL
    FILL LEFT TANK FIRST AND TOP
    OFF AFTER FILLING AUX TANK

    La section 4 du Robinson R44II Pilot's Operating Handbook (POH) énumère les actions à accomplir durant l'inspection quotidienneNote de bas de page 5 ou l'inspection pré-vol. Au nombre des tâches d'inspection, on note, entre autres : la vérification de la quantité de carburant à l'aide des indicateurs de carburant ainsi que l'échantillonnage de carburant. La section 7 du POH indique qu'un échantillon de carburant devait être prélevé des 3 purgeurs avant le premier vol de la journée et après l'avitaillement. On distingue les carburants à leur couleur. L'AVGAS 100LL est de couleur bleue tandis que le carburéacteur A1 est jaune clair.

    En général, les pilotes ne prennent pas d'échantillon immédiatement après l'avitaillement. On considère que l'agitation causée par l'avitaillement entraîne la dispersion des contaminants, lesquels pourraient demeurer en suspension pendant plusieurs minutes. Il faut donc prévoir un délai suffisant avant de prélever un échantillon de carburant après chaque avitaillement. La Robinson Helicopter Company (RHC) a indiqué qu'elle n'impose pas d'exigences de temps précises d'échantillonnage. La RHC a soutenu qu'après l'avitaillement, les pilotes doivent faire preuve de jugement afin de déterminer quelles tâches, le cas échéant, pourraient être omises de la liste de vérification pré-vol. Il n'existe aucune liste de vérification pour une remise en œuvre rapide.

    L'hélicoptère n'était pas équipé d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage ni d'un enregistreur de données de vol, et la réglementation ne l'exigeait pas. L'aéronef était muni d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) transmettant sur les fréquences 406 MHz et 121,5 MHz. L'ELT était installée du côté droit de l'aéronef; elle n'a pas été endommagée dans l'accident et n'a pas été activée par l'impact. Les 2 patins se sont affaissés de chaque côté du fuselage lors de l'impact. Selon la RHC, la conception du train d'atterrissage du R44 peut résister à une force d'impact sans effondrement à un taux de descente de 614 pieds par minute.

    En octobre 2010, la RHC a commencé à construire un nouvel aéronef, le R66. Le R66 est quasi identique au R44, mais il est propulsé par un turboréacteur utilisant du carburéacteur A1.

    Renseignements sur l'aérodrome

    CYFE est un aérodrome enregistré, exploité par la ville de Forestville depuis 1997, lorsqu'il a été cédé par Transports Canada. Les commodités de l'aérodrome et ses services ne sont disponibles que durant les mois d'été. CYFE était équipé d'un réservoir divisé contenant 2 types de carburant; du carburéacteur A1 et de l'AVGAS 100LL. Les affichages de type de carburant se limitaient à un autocollant à chaque extrémité du réservoir et de 2 étiquettes au-dessus de la pompe à carburant. Pour obtenir le service d'avitaillement, le Supplément de Vol Canada (CFS) indique qu'un avis préalable de 15 minutes est exigé. Il suffit de composer le numéro de téléphone indiqué au CFS et le préposé en devoir est alerté par un téléavertisseur. Les préposés sont des pompiers volontaires de la ville de Forestville.

    Le préposé ne travaillait à l'aérodrome que depuis novembre 2010. La majorité des avitaillements qu'il avait effectués dans le passé étaient tous pour des hélicoptères alimentés de carburéacteur A1. Le préposé n'avait jamais utilisé l'AVGAS 100LL pour avitailler des hélicoptères ni des avions. Il avait reçu sa formation d'un autre préposé (l'instructeur) plus expérimenté. La formation du préposé se résumait à une démonstration et à la supervision de 5 à 8 avitaillements. Au cours de cette formation, on n'a pas indiqué au préposé que certains hélicoptères utilisent de l'AVGAS. Depuis sa formation, le préposé avait effectué 6 à 8 avitaillements sans supervision.

    Au mois de novembre 2010, 2 préposés de CYFE ont été formés gratuitement, directement par le fournisseur de carburant dans son établissement situé à Québec. Cette formation avait duré plusieurs jours et comportait une évaluation finale avec un certificat. Ni le préposé ni l'instructeur n'avait reçu cette formation. Un des questionnaires d'évaluation comprenait 10 questions directement liées à l'avitaillement par pistolet. Deux exemples ont été tirés du questionnaire (zones de texte 3 et 4).

    Zone de texte 3. Questionnaire 1 – Question 2 – Guide du formateur – Réponses de l'évaluation (traduction)

    La buse du pistolet d'avitaillement du Jet A-1 est très différente de celle de l'AVGAS. Donner deux (2) caractéristiques principales du pistolet de Jet A-1.

    1. Large orifice et embout du pistolet large
    2. Couleur - Noir
    Zone de texte 4. Questionnaire 1 - Question 3 - Guide du formateur - Réponses de l'évaluation (traduction)

    Vous arrivez près d'un avion à avitailler et le pilote vous dit « Faites le plein ». Énumérez les étapes que vous devez suivre avant de commencer l'avitaillement.

    1. Valider avec le pilote la qualité du carburant désiré.
    2. Valider avec le pilote la quantité de carburant désirée.
    3. Vérifier que l'embout du pistolet et l'orifice du réservoir de l'avion correspondent à la norme du carburant désiré : c'est-à-dire : JET A-1-Large orifice et embout du pistolet large et aplati : AVGAS-Petit orifice et petit embout circulaire.
    4. Vérifier que le marquage de qualité de l'avion correspond à celle du véhicule d'avitaillement.

    Aucun renseignement au sujet de procédures normalisées à suivre, de manuel de référence d'avitaillement d'aéronef, de manuel en cas d'urgence d'avitaillement ou de préparation de rapports d'incident n'était disponible pour les préposés, ni à CYFE ni à l'hôtel de ville de Forestville.

    L'avitaillement

    Normalement, la buse d'avitaillement du carburéacteur A1, d'un diamètre de 3 pouces, ne peut être insérée dans l'orifice de remplissage des réservoirs d'un R44 étant donné que l'orifice a un diamètre de 1½ pouce. Toutefois, dans ce cas, la buse du carburéacteur A1 qui avait servi à l'avitaillement des trois R44 avait un diamètre de 1 pouce, ce qui avait permis au préposé d'insérer la buse dans l'orifice de remplissage des réservoirs. La buse avait été changée plus tôt pour avitailler les hélicoptères de type Aérospatiale AS350, lesquels possèdent des orifices de remplissage de 2,28 pouces. Plus de 450 appareils AS350 sont enregistrés au CanadaNote de bas de page 6.

    Malgré le fait qu'il n'existe pas de normes sur la dimension des buses servant à l'avitaillement des aéronefs aux aéroports canadiens, il existe des normes de navigabilité pour la délivrance des homologations de type et des changements à ces certificats de type pour les avions des catégories normale, utilitaire, acrobatique et navette. Le sous-chapitre 523.973 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) précise que, pour les avions dotés de moteurs pour lesquels l'essence est le seul carburant autorisé, le diamètre de l'orifice de remplissage ne doit pas dépasser 2,36 pouces alors que pour les avions à moteurs à turbine, le diamètre intérieur de l'orifice de remplissage ne doit pas être inférieur à 2,95 pouces. Cependant, il n'existe aucune norme concernant les hélicoptères.

    Des événements similaires se sont produits au cours des dernières années, non seulement avec des hélicoptères, mais aussi avec des avions équipés de moteur à piston. À peine un mois après cet accident, un autre événement similaire s'est produit. Un hélicoptère, McDonnell Douglas 500N, a été avitaillé avec de l'AVGAS alors qu'il aurait fallu du carburéacteur A1.

    Le BST a examiné d'autres installations du même fournisseur de carburant. Un certain nombre de documents étaient disponibles aux préposés, à titre de référence. Parmi ceux-ci, un manuel de référence intitulé Manuel de référence d'aéronefs (Annexe A), répertoire illustrant différents types d'aéronefs et leurs particularités d'avitaillement. Les préposés disposent d'une image qui illustre un préposé se servant d'une échelle pour l'avitaillement, le type de carburant indiqué sur un camion-citerne et une indication du volume de carburant.

    Prise de décision du pilote

    La prise de décision du pilote (PDM) est un aspect primordial à la sécurité d'un vol. La PDM peut être définie comme une boucle à 4 étapes : recueillir l'information, traiter l'information, prendre une décision en fonction des options possibles, puis mettre en œuvre la décision. L'évaluation des options disponibles comprend une évaluation subjective des risques basée sur l'expérience et la connaissance.

    Un grand nombre de facteurs, dont la perception de la situation et l'expérience, peuvent influencer les décisions du pilote. Par exemple, lors d'un vol réussi, sans effectuer toutes les tâches recommandées par le manufacturier, les pilotes peuvent être incités à continuer de déroger aux recommandations du manufacturier, ce qui accroît la tolérance au risque jusqu'à ce qu'il y ait des répercussions négatives, trop souvent désastreuses. Avec le temps, et l'expérience de vols réussis, les pilotes s'habituent à cette procédure de vol modifiée, qui ne respecte plus la marge de sécurité établie. Une dégradation de la sécurité en résulte.

    Selon le cadre de gestion du risque de RasmussenNote de bas de page 7, la limite réelle de sécurité est habituellement invisible et les gens ne savent pas si le système est, dans son ensemble, au bord du désastre ou non. Des modifications aux méthodes de travail, comme une modification aux listes de vérification, peuvent perdurer et évoluer pendant plusieurs années sans incident jusqu'à ce que la limite réelle soit atteinte et qu'un accident survienne.

    Une circulaire d'information de Transports CanadaNote de bas de page 8 a rappelé au pilote l'importance de compléter une inspection pré-vol judicieuse. On y recommande que les pilotes connaissent le volume total de carburant utilisable à bord avant le vol et qu'ils purgent les réservoirs pour vérifier la qualité et la couleur du carburant afin de confirmer que le carburéacteur A1 n'a pas été mélangé avec de l'AVGAS.

    Analyse

    Un certain nombre de mesures d'atténuation des risques efficaces ont été mises en œuvre pour parer aux erreurs d'avitaillement. Comme dans tout risque atténué, lorsque ces défenses ne sont pas utilisées, le risque d'erreur augmente considérablement.

    Lorsque les hélicoptères ont atterri à Forestville, le préposé avait déjà commencé à sortir le boyau de remplissage de carburéacteur A1 en vue d'avitailler les 3 hélicoptères. Se fiant à son expérience antérieure, le préposé se préparait à faire le plein de tous les hélicoptères avec le carburéacteur A1. Sa formation n'avait pas fait état du fait que certains hélicoptères utilisent de l'AVGAS.

    Étant donné que le préposé au ravitaillement avait préparé le boyau de remplissage en attente des aéronefs, les pilotes ont été portés à croire que le type de carburant requis avait été confirmé par téléphone. Le préposé n'a pas posé de questions, ce qui a renforcé l'attente quant à ses qualifications. Aucun des pilotes n'a donné de directives au préposé, mis à part de faire le plein. Les pilotes étaient près du préposé alors qu'il s'apprêtait au ravitaillement, mais aucun d'entre eux n'a remarqué les étiquettes indiquant le type de carburant sur la pompe pas plus qu'ils n'ont douté du fait qu'on allait remplir les réservoirs de carburéacteur A1.

    Le préposé a terminé le ravitaillement seul. Par conséquent, 1 seul des 2 réservoirs des aéronefs a été rempli. De plus, puisque le préposé ignorait les caractéristiques d'avitaillement du R44, les recommandations du manufacturier n'ont pas été suivies; soit de remplir le réservoir principal en premier lieu, suivi du réservoir auxiliaire comme il était indiqué sur les placards. Si le préposé avait utilisé une échelle pour faire le plein, les placards situés sur le fuselage auraient été plus visibles. Les pilotes n'ont pas douté des connaissances de l'avitaillement des R44.

    Lors de la signature des factures, on a remarqué uniquement le faible prix d'achat du carburant. Bien que le plein ait été demandé, personne n'a remarqué qu'un seul des 2 réservoirs avait été rempli et qu'on avait utilisé le carburéacteur A1, comme en faisait clairement foi les factures.

    Le décollage de Forestville a été effectué en fin de journée. Puisque les pilotes ne détenaient pas la qualification au vol de nuit, il est possible que les pilotes aient été pressés puisqu'ils qui se devaient d'atterrir à Québec de jour. Les pilotes n'ont pas prélevé d'échantillon de carburant et n'ont pas vérifié les jauges de quantité de carburant, ce qui laisse croire que la liste de vérification n'a pas été suivie ou que dans la hâte du départ certains des éléments de la liste ont été omis. La décision d'omettre certains éléments jugés non nécessaires dépend des circonstances du vol et est entièrement à la discrétion du pilote. Cette décision d'exclure certaines tâches par habitude ou par expérience indique que les pilotes n'ont pas perçu le risque accru et la menace à la sécurité potentielle qui en résulte. Un certain nombre d'accidents ont été directement attribuables au fait que les pilotes n'avaient pas effectué leurs listes de vérification en entier.

    Transports Canada n'exige aucune norme concernant la formation des préposés ou leurs compétences. Cependant, le préposé aurait grandement profité d'un programme de formation plus détaillé. La disponibilité de référence concernant l'avitaillement des aéronefs aurait fourni des défenses supplémentaires nécessaires à réduire le risque à la sécurité aérienne.

    Même si la RHC n'est pas assujettie à la norme du sous-chapitre 523.973 du RAC, les orifices des réservoirs de carburant du R44 et du R66, respectivement, sont conformes aux exigences applicables aux aéronefs.

    La buse de remplissage du carburéacteur A1 de Forestville avait été remplacée par une buse plus petite pour permettre au préposé d'avitailler un autre type d'hélicoptère. Un grand nombre de postes d'avitaillement canadiens changent les buses de remplissage. Certains utilisent des adaptateurs posés directement à la buse alors que d'autres postes changent la buse au besoin. Le fait d'utiliser la même taille de buse de pistolet, de façon régulière, pour faire le plein de carburéacteur A1 ou d'AVGAS rend nulle la mesure d'atténuation visant à éliminer le risque d'avitailler un appareil avec le mauvais carburant. Si la buse de carburéacteur A1 appropriée avait été utilisée, il n'aurait pas été possible d'avitailler les R44.

    Malgré l'identification de certaines lacunes en matière de défenses liées aux risques d'erreur d'avitaillement, ces défenses contribuent principalement à la réduction du risque. Les pilotes doivent s'assurer que les préposés au ravitaillement sont conscients des procédures d'avitaillement spécifiques à leurs aéronefs. Ainsi, le type de carburant et le volume embarqué dans le réservoir devraient être à leur entière satisfaction. En outre, une meilleure connaissance de l'avitaillement au sein des responsablesNote de bas de page 9 d'aérodromes permettrait de reconnaitre et d'être conscient de l'importance des risques associés à l'avitaillement.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. La formation inadéquate du préposé au ravitaillement de l'aérodrome de Forestville a contribué directement à l'utilisation du mauvais type de carburant.
    2. L'absence de supervision et d'attention des pilotes lors de l'avitaillement n'a pas permis de déceler l'erreur de type de carburant.
    3. Le boyau de remplissage était muni d'une petite buse, ce qui a permis d'alimenter les hélicoptères avec du carburéacteur A1 plutôt qu'avec de l'AVGAS.
    4. Les pilotes ont omis certaines tâches de l'inspection pré-vol qui leur auraient permis d'identifier l'erreur d'avitaillement.
    5. Le mauvais type de carburant embarqué a entrainé une perte de puissance de l'hélicoptère et a forcé une autorotation.

    Faits établis quant aux risques

    1. Il n'existe aucune norme dans le Règlement de l'aviation canadien (RAC) en ce qui a trait au diamètre des orifices de remplissage des hélicoptères. Par conséquent, lorsque la buse de remplissage est modifiée, le risque d'erreur d'avitaillement augmente.
    2. Il n'existe aucune réglementation concernant les exigences de formation à l'avitaillement des aéronefs dans les aérodromes canadiens. Ceci augmente le risque d'erreur d'avitaillement.
    3. L'utilisation régulière de la même taille de buse pour avitailler les aéronefs de carburéacteur A1 et d'AVGAS signifie qu'une défense contre l'avitaillement avec le mauvais type de carburant par erreur est éliminée.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Bureau de la sécurité des transports du Canada

    Un avis de sécurité a été envoyé le 20 mai 2011 au Directeur général de l'aviation civile, au sein de Transports Canada.

    Ce document contenait les renseignements de l'accident et a informé l'organisme de réglementation des manquements à la sécurité qui posaient des risques allant de faibles à modérés. L'avis de sécurité incite l'organisme à mettre en œuvre les mesures correctives appropriées.

    Transports Canada

    Le 28 septembre 2011, Transports Canada a adopté comme mesure de sécurité de publier un article au verso de sa publication de sécurité Sécurité aérienne – Nouvelles, Numéro 4/2011.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le .

    Annexes

    Annexe A : Manuel de référence d'aéronefs

    Image
    Page du manuel de référence d'aéronefs décrivant les caractéristiques d'avitaillement d'un hélicoptère Robinson R44