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Rapport d'enquête aéronautique A11W0180

Impact sans perte de contrôle
du Cessna 185E C–FXJN
exploité par Trek Aerial Surveys
à Fort St. John (Colombie–Britannique) 12 nm E
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Synopsis

Un Cessna 185E de Trek Aerial Surveys (immatriculé C–FXJN, numéro de série 1851258) effectuait un vol de nuit selon les règles de vol à vue (VFR) depuis l'aéroport de Peace River (Alberta) à destination de l'aéroport de Fort St. John (Colombie–Britannique). Vers 18 h 17, heure normale des Rocheuses, l'avion a percuté contre le relief à 12 milles marins à l'est de l'aéroport de Fort St. John. Le pilote de l'avion, seul occupant à bord, a subi des blessures fatales. L'avion a été détruit par la force de choc, et aucun incendie ne s'est déclaré après l'accident. L'émetteur de localisation d'urgence de 406 MHz s'est activé dès l'impact.

Renseignements de base

Déroulement du vol

Le pilote a décollé de l'aéroport de Fort St. John à 8 h 43Note de bas de page 1 à destination de l'aéroport de Peace River (Alberta), où il s'est posé à 9 h 40. Un seul passager est monté à bord, et l'avion a quitté Peace River à 10 h 43, cette fois à destination de Fort Vermilion, en Alberta. L'avion a été avitaillé en carburant à Fort Vermilion, puis a repris son envol à 13 h 59 pour suivre le cours de la rivière de la Paix jusqu'à Vermilion Chutes avant de retourner à l'aéroport de Peace River pour y déposer le passager. Avant de rejoindre l'aéroport de Peace River, le pilote était en communication, par téléphone cellulaire, avec le directeur de l'exploitation de l'entreprise pour le tenir au courant de la progression du vol. Le pilote était conscient de la nécessité d'être de retour à Fort St. John avant la nuitNote de bas de page 2.

Pendant l'escale au sol à l'aéroport de Peace River, le pilote a avisé le centre d'information de vol (FIC) d'Edmonton qu'il révisait à 18 h 13 son heure d'arrivée prévue à l'aéroport de Fort St. John. Le pilote a ensuite décollé à 17 h 06 en signalant son déplacement vers l'ouest à 4500 pieds au–dessus du niveau de la mer (asl). Entre 17 h 19 et 17 h 55, le pilote a échangé 2 messages texte et a fait 5 appels téléphoniques avec son cellulaire totalisant 28 minutesNote de bas de page 3. Le pilote a reçu un dernier message texte à 18 h 06, 11 minutes avant l'accident (voir l'annexe A).

À 18 h 07, l'avion C–FXJN se trouvait à 26 nm à l'est de l'aéroport de Fort St. John, à 4400 pieds aslNote de bas de page 4 (voir l'annexe B). À 18 h 09, alors qu'il se trouvait à 23 nm à l'est de l'aéroport de Fort St. John, l'avion a commencé une descente graduelle à raison d'environ 170 pieds par minute, à une vitesse au sol de 90 nœuds. (La hauteur du sol au site de l'accident est d'environ 2400 pieds asl.) L'avion se trouvait à 18 nm à l'est et à 3200 pieds asl à 18 h 13, lorsque le pilote a communiqué avec la station d'information de vol (FSS) de Fort St. John. Le pilote a alors reçu les renseignements suivants : vents – 210° magnétique (M) à 15 nœuds, altimètre à 30.31 pouces de mercure (en Hg), et la piste 20 était la piste d'atterrissage préférée. Le pilote a accusé réception de ces renseignements. Il n'y a eu aucune autre communication avec le FSS.

Entre 18 h 15 et 18 h 16, le pilote a momentanément maintenu une altitude de 2900 pieds asl, à 15 nm à l'est de l'aéroport, avant de reprendre sa descente. La descente s'est poursuivie sans interruption jusqu'au dernier contact radar à 18 h 17, à 12 nm de l'aéroport et à 2400 pieds asl.

Renseignements sur l'épave

L'altitude du lieu de l'accident est d'environ 2400 pieds asl. Le lieu de l'accident est couvert de broussailles composées surtout de peupliers faux–trembles au tronc mince de 1 à 2 pouces de diamètre et mesurant près de 10 pieds de hauteur. La végétation comprend également quelques peupliers faux–trembles plus gros dont le tronc a un diamètre d'environ 18 pouces. Ces arbres sont d'environ 50 à 80 pieds de haut. Le sol est principalement plat et était gelé et recouvert de 4 à 6 pouces de neige.

L'avion a heurté un arbre à une hauteur d'environ 75 pieds au–dessus du sol (agl). Le centre du hauban de voilure gauche a été heurté par dessous, et légèrement en avant. Ce choc a fait que le hauban s'est déformé vers le haut, entraînant du coup la rupture des fixations du hauban à l'aile et au fuselage à cause de la surcharge exercée sur celles–ci. Une fois le hauban détaché, l'aile gauche s'est soulevée et s'est séparée du fuselage, au point d'attache de l'aile. L'aile gauche et son hauban ont été retrouvés à une distance d'environ 209 pieds de l'endroit où l'aile gauche a heurté les arbres.

Après que l'aile gauche fût séparée de l'avion C–FXJN, celui–ci a fait un tonneau vers la gauche et a poursuivi sa descente pour percuter contre le sol sur son côté gauche, à une distance de 370 pieds de l'endroit où l'aile gauche a été retrouvée. L'avion C–FXJN a bondi au sol sur une distance de 40 pieds avant de s'immobiliser sur son dos.

Les instruments du poste de pilotage ont été en grande partie détruits à cause du choc de l'impact. Le cadran du tachymètre a été retrouvé et il indiquait un réglage de poussée de 2400 tr/min. Par contre, on n'a pu retrouver l'altimètre; il n'a donc pas été possible de déterminer s'il était réglé en fonction du calage altimétrique de l'aéroport de Fort St. John.

Un appareil GPS Garmin GPSMAP695 monté sur le tableau de bord a été retrouvé parmi les décombres et il a été envoyé au laboratoire du BST pour examen. L'information de route a pu en être extraite, y compris la position géographique, l'altitude, le cap et la vitesse au sol. Cet appareil était également doté de la fonction d'alarme sonore de proximité du sol, qui aurait normalement été active lors du fonctionnement de l'appareil. Il n'a pas été possible de déterminer dans quelle mesure cette fonction a été utilisée durant le vol en question.

Certains composants de la voilure gauche (l'aile, la partie intérieure de l'aileron et les volets) ont été retrouvés ensemble. Le hauban de voilure gauche, le bout de l'aile gauche et le réservoir à carburant extérieur gauche ont également été retrouvés tout près de la voilure gauche. Les dommages causés à l'aile correspondent à ceux qu'entraînerait un choc entre celle–ci et les arbres après sa séparation du fuselage.

L'avion était doté d'une hélice faite en bois et en matériau composite. Des parties de l'hélice ont été retrouvées au site de la collision initiale avec le sol. Les commandes de poussée et de l'hélice ont été retrouvées en position avant. Le robinet de carburant était en position « Both » (les deux). Aucun incendie ne s'est déclaré après l'impact.

Le pilote était retenu par un harnais à 4 points au moment de l'accident.

Aéronef

L'avion en cause dans l'accident était un Cessna 185E. Cet avion était au service de Trek Aerial Surveys depuis janvier 2010 et il était équipé pour exploitation VFR le jour et la nuit. Cet avion n'avait pas à son bord d'enregistreur de données de vol (FDR), d'enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR), de système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS) ni de système de pilotage automatique, et il n'était pas tenu d'avoir cet équipement. Au moment de l'accident, l'avion avait fait l'objet d'un entretien conforme aux règlements en vigueur. Aucun défaut non corrigé n'a été rapporté. L'avion respectait les limites de poids et d'équilibrage applicables pour ce vol. L'avion en cause avait été modifié pour recevoir une hélice à 3 pales en matériau composite, des roues/skis, des prolongements d'ailes à réservoirs à carburant de bout d'aile, ainsi qu'un équipement pour effectuer des décollages et atterrissages courts (ADAC).

Renseignements météorologiques

Les conditions météorologiques observées à 18 h à l'aéroport de Fort St. John indiquaient que le vent venait de 230° vrai à une vitesse de 14 nœuds. La visibilité était de 15 milles terrestres (sm), et le plafond se situait à 20 000 pieds agl. La température était de −4 °C, et le point de rosée à −12 °C. Le calage altimétrique était de 30,34 en Hg. Les vents en altitude prévus à 6000 pieds asl étaient à 250° vrai et de 65 nœuds. Un autre pilote, près de Cecil Lake, à 8 nm au nord–est du lieu de l'accident, a rapporté une légère turbulence, qui n'a eu aucun effet négatif sur le déroulement du vol. Les conditions au moment de l'accident étaient propices au vol selon les règles de vol à vue (VFR). Environ 34 % de la face de la lune était visible.

Entreprise

Trek Aerial Surveys mène ses activités en vertu des règlements des sous–parties 702 – Opérations de travail aérien et 703 – Exploitation d'un taxi aérien du Règlement de l'aviation canadien (RAC). L'entreprise exploite divers avions monomoteurs selon les règles de vol à vue (VFR) le jour. Elle n'avait pas de système de gestion de la sécurité en place au moment de l'accident, et n'était pas tenue d'en avoir un, selon la règlementation en vigueur.

Équipage de conduite

Au moment de l'accident, le pilote en cause était titulaire d'une licence de pilote professionnel et il était compétent conformément à la réglementation en vigueur. Il avait cumulé environ 2170 heures de vol, dont environ 182 aux commandes de l'avion en question. Il avait réussi l'entraînement périodique pour renouveler sa qualification de vol aux instruments pour avions multimoteurs, le 25 novembre 2011, auprès d'un fournisseur externe. Il n'a pas été possible de déterminer le nombre d'heures d'expérience de vol de nuit que comptait le pilote, au–delà du nombre requis pour obtenir une licence de pilote professionnel. Le pilote était au service de Trek Aerial Surveys depuis avril 2011. La formation donnée par l'entreprise comprend la sensibilisation aux impacts sans perte de contrôle (CFIT), soit la vidéo sur ce sujet produite par Flight Safety International. Étant donné que l'entreprise mène ses activités selon les règles de vol à vue (VFR) le jour, aucune formation au vol de nuit n'a été offerte. Rien ne donnait à croire que des facteurs psychologiques ou invalidants auraient pu nuire à la performance du pilote.

Le vol en question était le premier de ce pilote pour le compte de l'entreprise au cours des 30 derniers jours. Au moment de l'accident, le nombre total d'heures de vol cumulé durant cette journée était d'environ 7,1 heures.

Connaissance de la situation

Une perte de connaissance de la situation pourrait être le résultat de ce que l'on appelle communément l'effet de « trou noir ». On appelle « trou noir en approche » toute approche visuelle se déroulant dans des conditions de nuit sans lune ou par ciel couvert, au–dessus de l'eau ou d'un terrain sombre et sans relief, où les seuls repères visuels sont les phares de l'aéroport ou à proximité de celui–ci. L'absence de points de référence dans le champ visuel rapproché du pilote nuit à la perception de profondeur et crée l'illusion que l'aéroport se trouve plus près qu'il ne l'est en réalité, et donc que l'aéronef se trouve à une altitude trop élevée. Le pilote risque alors de réagir à cette illusion en effectuant une approche en deçà de la trajectoire de vol correcte (approche basse altitude). Dans le pire des cas, un trou noir en approche peut entraîner un contact avec le sol avant le début de la pisteNote de bas de page 5.

En juin 2012, le BST a publié sa Liste de surveillance, qui comprend les enjeux de sécurité sur lesquels il a enquêté et qui posent les plus grands risques aux Canadiens. L'un de ces enjeux est justement les impacts sans perte de contrôle (CFIT). Une collision avec le sol ou l'eau se produit lorsqu'un aéronef en état de navigabilité et maîtrisé par le pilote est par inadvertance conduit contre le sol, l'eau ou un obstacle. Dans de tels cas, les pilotes n'ont pas conscience du danger avant qu'il ne soit trop tard. Ce type d'accident survient souvent par mauvaise visibilité, la nuit ou par mauvais temps. Ces conditions réduisent la conscience qu'a le pilote de la situation environnante et font qu'il est difficile de reconnaître que l'aéronef est trop près du sol. Le risque est encore plus grand pour les petits aéronefs, qui s'aventurent davantage dans des régions isolées, sauvages ou montagneuses, mais qui ne sont pas tenus d'être dotés du même dispositif avertisseur de proximité du sol que les grands aéronefs de ligne.

De 2000 à 2009, 129 accidents de ce type se sont produits au Canada et ont fait 128 morts. Les collisions avec le sol et l'eau représentent 5 % des accidents, mais près de 25 % de toutes les pertes de vie.

Durant la période qui a précédé cet accident, l'avion a affiché plusieurs écarts d'altitude importants pendant que le pilote utilisait son téléphone cellulaire. L'utilisation d'un téléphone cellulaire peut distraire la personne aux commandes durant l'exécution de tâches opérationnelles essentielles. Il n'existe aucune étude approfondie portant sur l'utilisation de téléphones cellulaires comme facteur de distraction dans le contexte de l'aviation. Toutefois, on a amplement étudié ce phénomène dans le contexte de la conduite automobile. Le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé définit ainsi la distraction au volant :

La distraction au volant consiste dans le détournement de l'attention durant la conduite d'un véhicule automobile, lorsque le conducteur se concentre sur un objet, une activité, un événement ou une personne qui n'a rien à voir avec la conduite du véhicule. Ce détournement de l'attention réduit la conscience, la capacité de prise de décision ou la performance et entraîne un plus grand risque d'erreur de la part du conducteur, de quasi–accident ou d'accident. Le détournement de l'attention n'est pas attribuable à un état pathologique, à la consommation d'alcool/de drogues ou encore à la fatigueNote de bas de page 6. [Traduction]

Les rapports du laboratoire du BST suivants ont été finalisés :

Ces rapports sont disponibles sur demande auprès du Bureau de la sécurité des transports.

Analyse

Rien ne donne à croire qu'une défaillance d'un système de bord de l'avion ou qu'un problème physiologique a été un facteur dans cet accident. Il n'y a eu aucun changement important de la trajectoire de vol de l'avion, ni aucun appel d'urgence de la part du pilote pour signaler une situation de crise durant le vol. La descente graduelle de l'avion, sa vitesse au sol constante et la trajectoire de vol donnent également à croire que le pilote avait le contrôle de son avion. Ainsi, l'analyse portera principalement sur le phénomène d'impact sans perte de contrôle.

Durant le vol en question, l'avion a survolé un territoire inhospitalier la nuit, où l'absence de points de référence visuels peut priver le pilote de toute indication relativement à la position de l'avion par rapport au sol. Cette situation aurait entraîné un effet de trou noir alors que le pilote s'approchait de l'aéroport de Fort St. John.

L'avion avait affiché plusieurs écarts d'altitude importants pendant que le pilote utilisait son téléphone cellulaire. Bien qu'il ne semble pas que le pilote ait utilisé activement son téléphone cellulaire durant les 11 dernières minutes du vol, cette source de distraction a été présente tout au long du vol et, jointe aux conditions de vol de nuit, pourrait avoir été un facteur dans cet événement d'impact sans perte de contrôle.

L'absence de données enregistrées pourrait empêcher une enquête de déterminer et de communiquer des lacunes au chapitre de la sécurité et ainsi d'améliorer la sécurité des transports.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Pour des raisons inconnues, le pilote est descendu trop bas ou bien il était inconscient de la descente et de l'altitude basse de l'avion, ce qui a entraîné l'impact avec le sol.

Faits établis quant aux risques

  1. Les communications téléphoniques ou par messages textes non essentielles durant les opérations de vol pourraient distraire les pilotes et ainsi mettre à risque l'équipage de conduite et les passagers.
  2. L'absence de données enregistrées pourrait empêcher une enquête de déterminer et de communiquer d'importantes lacunes au chapitre de la sécurité et ainsi d'améliorer la sécurité des transports.

Autres faits établis

  1. Le vol s'est déroulé dans des conditions de vol à vue (VFR) la nuit, alors que les activités de l'entreprise devaient se limiter aux conditions VFR le jour.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Trek Aerial Survey a adopté les politiques et pratiques suivantes :

  1. Mise en œuvre d'un système de gestion de la sécurité des opérations
  2. Entraînement périodique semestriel sur les avions
  3. Interdiction de voler après le coucher du soleil
  4. Interdiction pour les pilotes d'utiliser un téléphone cellulaire ou autre dispositif portable durant le vol, à moins qu'il s'agisse d'une situation d'urgence.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le .

Annexes

Annexe A – Utilisation de son téléphone cellulaire par le pilote, de Peace River à Fort St. John

Annexe B – Trajectoire de vol de l'avion C–FXJN