Rapport d'enquête aéronautique A13P0163

Perte de puissance du moteur, atterrissage d’urgence et basculement
du Kamov Ka-32, C-GKHL
exploité par VIH Helicopters Ltd.
25 nm à l’est de Bella Coola (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le Kamov Ka-32A11BC (immatriculé C-GKHL, numéro de série 31594) exploité par VIH Helicopters Ltd. effectue des activités de lutte contre les incendies de forêt au moyen d'un réservoir héliporté au bout d'une longue élingue suspendue au crochet ventral de l'hélicoptère. Vers 18 h 30, heure avancée du Pacifique, l'hélicoptère vient juste de soulever un réservoir rempli d'eau puisée d'un lac situé sur une montagne à haute altitude lorsqu'une détonation violente retentit, suivie d'un bruit de grincement plaintif, et que l'hélicoptère se met à vibrer violemment. Le pilote qui n'est pas aux commandes (PNF) largue la charge externe (élingue et réservoir), tandis que le pilote aux commandes (PF) dirige l'hélicoptère vers le sol pour effectuer un atterrissage d'urgence. L'équipage de conduite a de la difficulté à diriger l'hélicoptère dans la direction voulue, et la vibration est telle qu'il leur est impossible de lire les instruments du tableau de bord. Malgré le braquage presque complet du manche cyclique vers la gauche, l'hélicoptère dérive latéralement vers la droite et touche le sol. L'hélicoptère se pose durement et rebondit avant de basculer sur le côté droit; les pales des rotors principaux se brisent au contact avec le sol. L'équipage de conduite subit des blessures mineures, mais réussit à couper les moteurs et à évacuer l'aéronef. Il n'y a eu aucun incendie. La radiobalise de repérage d'urgence de 406 MHz se déclenche à l'atterrissage.

    Renseignements de base

    Déroulement du vol

    L'accident est survenu au deuxième jour d'activités à cet endroit, près de Bella Coola. Le lac à partir duquel l'équipage de conduite écopait de l'eau avec le réservoir se situe à environ 5500 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). L'hélicoptère pouvait soulever un réservoir rempli d'eau d'environ 3 200 kg au début de chaque cycle d'avitaillementNote de bas de page 1. L'incendie contre lequel luttait l'hélicoptère se trouvait en bas de pente par rapport au lac d'écopage. La durée entre chaque largage était d'environ 5 minutes. Aucun profil de vol extraordinaire n'était requis pour arroser l'incendie.

    Figure 1. Chaîne des événements
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    Carte du chaîne des événements

    Au deuxième écopage, durant le troisième cycle d'avitaillement (figure 1), l'hélicoptère a fait un vol stationnaire au-dessus du lac avec vent de face pour écoper de l'eau. L'hélicoptère remontait pour tirer le réservoir du lac lorsque l'équipage de conduite a entendu une forte détonation, et l'hélicoptère a été secoué par de violentes vibrations. L'hélicoptère est devenu difficile à contrôler et il a amorcé une descente vers le lac. Le pilote qui n'était pas aux commandes (PNF) a largué le réservoir héliporté, et le pilote aux commandes (PF) a réussi à freiner la descente. Comme il était impossible de lire les instruments du tableau de bord à cause des vibrations, l'équipage a déterminé qu'il y avait un problème touchant l'ensemble rotor. Le PF a dirigé l'hélicoptère vers l'endroit le plus proche qu'il estimait acceptable pour atterrir d'urgence. L'approche s'est faite par vent de dos, le terrain était accidenté et le PF n'a pu maintenir un cap constant. À l'atterrissage, l'hélicoptère a rebondi et s'est renversé sur son côté droit (photo 1). Les rotors tournaient à un régime normal (environ 270 tours/minute (tr/m)) lorsque les pales ont heurté le sol et se sont brisées. L'énergie potentielle de certains morceaux de pales était suffisante pour projeter ces derniers à plusieurs mètres de l'épave principale.

    Photo 1. Hélicoptère endommagé sur les lieux de l'accident
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    Image du hélicoptère endommagé sur les lieux de l'accident

    L'équipage a coupé les moteurs et a évacué l'hélicoptère sans difficulté. Il a alerté l'entreprise par téléphone satellite. Le système de repérage par satellite de l'entreprise a fourni la trajectoire et l'emplacement final de l'hélicoptère; un autre hélicoptère qui travaillait dans la région a cueilli l'équipage de conduite.

    Un technicien d'entretien d'aéronef (T.E.A.) de l'entreprise a fait un examen sommaire de l'hélicoptère endommagé; il a noté des dommages au moteur de gauche (moteur no 1) qui concordaient avec une panne de la turbine survenue avant l'atterrissage brutal de l'hélicoptère.

    Enregistreurs de données de vol

    L'hélicoptère était doté d'un enregistreur de données de vol (FDR), mais n'avait pas d'enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR). Ni l'un ni l'autre de ces appareils n'est requis par la réglementation en vigueur pour exécuter des travaux aériens. Le FDR a été déposé, et les enquêteurs du BST ont analysé les données avec l'aide des techniciens de l'exploitant et de l'Air Accident Investigation Commission, Interstate Aviation Committee (MAK), dont le siège social est en Russie.

    Ces données ont révélé une perte de puissance soudaine du moteur no 1, suivie d'une baisse de régime (tr/m) de l'un des rotors principaux. Les 2 alternateurs ont été mis hors-ligne lorsque le régime des rotors est tombé sous le seuil de fonctionnement normal. Cette baisse de régime a été brève, et les alternateurs ont été remis en ligne lorsque le régime est revenu à la normale, après le largage de la charge. Toutefois, le système de pilotage automatique, alimenté au c.a., s'est déclenché et, comme prévu, ne s'est pas remis en marche après le rétablissement du c.a. Les données du FDR montrent en outre qu'après la perte de puissance, le moteur no 1 a continué de tourner à bas régime jusqu'à ce que l'équipage le coupe.

    Le FDR n'a pas consigné les températures de sortie turbine (TOT) étant donné que la connexion au dispositif avait été débranchée durant un dépannage de maintenance non relié.

    Conditions météorologiques

    Les conditions météorologiques dans le secteur étaient propices au vol selon les règles de vol à vue (VFR) : ciel dégagé, visibilité illimitée, vents de l'ouest soufflant à environ 15 nœuds et température de l'air d'environ 15 °C sur les lieux de l'accident. L'altitude-densitéNote de bas de page 2 à cet endroit était d'environ 6800 pieds asl.

    L'entreprise

    VIH Helicopters Ltd. (anciennement Vancouver Island Helicopters) a été fondée en 1955. Au début des années 1990, l'entreprise a obtenu de Transports Canada (TC) un certificat de type restreint pour exploiter des hélicoptères de transport lourd Kamov Ka-32A11BC fabriqués en Russie. On utilise ces hélicoptères au Canada et ailleurs dans le monde pour des travaux de transport lourd dans les secteurs sismologique, minier et forestier et pour diverses opérations de levage spécialisées. L'entreprise comprend son propre organisme de maintenance agréé (OMA) et emploie des techniciens formés à l'entretien de ces hélicoptères. L'entreprise confie la révision des principaux composants de ces hélicoptères russes aux fabricants en Russie et en Ukraine.

    Pilotes

    Il y avait 2 pilotes aux commandes de l'hélicoptère; les deux étaient qualifiés pour agir comme commandant de bord. Les dossiers indiquent que l'équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.

    Le pilote aux commandes (PF) avait à son actif 14 800 heures de vol aux commandes d'hélicoptères, dont environ 4200 heures acquises aux commandes d'un Kamov de type Ka-32. Le PF avait terminé l'entraînement périodique au sol et en vol requis aux commandes du Ka-32, y compris les procédures d'urgence en cas de panne moteur.

    Le pilote qui n'était pas aux commandes (PNF) avait à son actif 19 200 heures de vol aux commandes d'hélicoptères, dont environ 4300 heures acquises aux commandes d'un Kamov de type Ka-32. Le PNF avait terminé l'entraînement périodique au sol et en vol requis, y compris les procédures d'urgence en cas de panne moteur.

    Les temps de vol et de service des 2 pilotes étaient en deçà des limites prescrites par la réglementation; on a donc pu écarter la fatigue comme facteur.

    Ni l'un ni l'autre des pilotes n'avait par le passé fait l'expérience de vibrations ou de bruit semblables.

    Aéronef

    Fabricant, type et modèle Kamov Кa-32А11ВС
    Année de construction 1992
    Longueur du fuselage 11,30 m
    Hauteur 5,40 m
    Diamètre des rotors principaux (chacun) 15,90 m
    Masse maximale au décollage (plus charge externe) 12 700 kg
    Charge externe (élinguée) maximale 5000 kg
    Vitesse limite maximale (Vne) 140 nœuds (102 nœuds avec charge externe)
    Moteurs (2) Klimov TV3-117BMA 2200 hp chacun
    Nombre total d'heures depuis la mise en service (TTSN) 17 318,3 heures
    Maintenance – inspection de 16 000 heures 16 254 heures de vol cellule, 7 novembre 2011
    Maintenance – inspection de 25/50/100 heures 17 251 heures de vol cellule, 21 juin 2013

    Le moteur no 2 de l'hélicoptère avait été remplacé le 2 août 2013 après 17 308 heures de vol cellule. On avait donc effectué des essais en vol, et des vérifications de puissance pour les 2 moteurs ont montré une performance normale.

    Les dossiers indiquent que l'aéronef était homologué, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.

    Circuits de commandes de vol

    Le Kamov Ka-32A11BC est pourvu de rotors contrarotatifs (2 rotors principaux superposés, à sens de rotation contraires; voir photo 2). Il n'y a pas de rotor de queue; l'effet de couple du rotor supérieur compense celui du rotor inférieur. Pour produire un effet de lacet, on accroît le couple à l'un des rotors en même temps que l'on diminue le couple à l'autre rotor; la portance totale demeure la même, mais l'aéronef fera un mouvement de lacet dans la direction opposée au rotor au couple le plus élevé. L'efficacité de ce système est à son maximum lorsque le couple est élevé. Les dérives, munies de gouvernes, aident le pilote à maintenir le contrôle en lacet lorsqu'il y a suffisamment de vitesse avant; toutefois, le contrôle en lacet est minime à faible puissance ou à faible vitesse avant.

    Photo 2. Hélicoptère Kamov Ka-32
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    Image du hélicoptère Kamov Ka-32

    Le Ka-32 est muni d'un système d'augmentation du contrôle que l'on appelle pilotage automatique. Ce système est alimenté en courant alternatif produit par l'entremise de la transmission des rotors. Les alternateurs fonctionnent dans une plage étroite de régimes (régime rotor normal) et se mettent hors-ligne lorsque le régime passe sous le seuil de 83 %. Sans courant c.a., le pilotage automatique se met hors-ligne, et on doit appliquer des déplacements des gouvernes plus amples pour changer l'attitude de l'hélicoptère. Il est à noter que même si les alternateurs se remettent en ligne automatiquement lorsque les rotors reprennent un régime normal, les pilotes doivent enclencher le pilotage automatique.

    Masse et performance

    L'hélicoptère respectait les limites de poids et d'équilibrage au moment de l'accident. La masse brute de l'hélicoptère était de 11 639 kg avec le réservoir héliporté rempli, et de 7784 kg après le largage de l'eau du réservoir.

    Avec un moteur inopérant, étant donné une masse opérationnelle de 11 639 kg et une altitude-densité de 6800 pieds, et alors qu'il était en vol stationnaire avec le réservoir héliporté à quelques pieds au-dessus de l'eau, l'hélicoptère ne pourrait générer suffisamment de puissance pour s'éloigner de façon sécuritaire; il descendrait tant qu'il ne se déferait pas de la masse du réservoir, soit en le déposant dans l'eau, soit en le larguant. Une fois la masse du réservoir éliminée, l'hélicoptère aurait dû pouvoir grimper à un taux de 275 pieds par minute en utilisant la puissance limite durant 2,5 minutes avec un moteur inopérant à la vitesse indiquée de 32 nœuds.

    Maintenance du moteur no 1

    Constructeur Motor Sich (Ukraine)
    Modèle et numéro de série du moteur Klimov TV3-117BMA
    Année de construction 1989
    Nombre total d'heures depuis la mise en service (TTSN) 5124,2 heures
    Temps depuis révision (TSO) 1110,3 heures
    1re révision générale par Motor Sich 1443,6 heures TTSN en 2000
    2e révision générale par Motor Sich 2690,1 heures TTSN en 2006
    3e révision générale par Motor Sich 4013,9 heures TTSN en 2010

    En août 2011, ayant accumulé 4283,5 heures au total depuis sa mise en service, le moteur a été inspecté et réparé par Motor Sich (Ukraine) à la suite de la découverte de particules métalliques dans l'huile moteur.

    En avril 2013, avec 4936,9 heures TTSN et 923 heures depuis la dernière révision (TSO), et conformément à la consigne de navigabilité étrangère au Canada RU-2012-53-05Note de bas de page 3 de Transports Canada, la turbine de compresseur a été remplacée par une autre (numéro de pièce différent) qui avait accumulé 956 heures TTSN et 0 heure TSO. On a également remplacé la rampe de distribution carburant par une autre (numéro de pièce différent) qui avait accumulé 956 heures TTSN et 0 heure TSO. En outre, 7 nouveaux thermocouples T-102 ont été installés à la même occasion.

    Le moteur a été installé sur C-GKHL le 16 mai 2013. Le 18 mai 2013, le voyant d'avertisseur de puissance maximale du moteur s'est allumé de façon aléatoire. Parfois, ce voyant s'allumait avant que le moteur n'atteigne sa puissance maximale, et parfois il restait éteint même après que le moteur eut atteint ce régime. Le régulateur électronique de vitesse du moteur (EEG-3) a été remplacé; cette mesure n'a pas résolu le problème, toutefois. Le 19 mai 2013, on a remplacé le régulateur de carburant (FCU), et le problème a été résolu. Durant cette période et jusqu'à la panne du moteur, plusieurs vérifications de la puissance du moteur ont montré que le système de limitation automatique du moteur fonctionnait bien et qu'aucune limite du moteur n'avait été dépassée.

    Examen du moteur défaillant

    L'hélicoptère a été retiré des lieux de l'accident et transporté vers un atelier aux fins d'examen; on a déposé le moteur no 1 en vue d'un démontage et d'un examen détaillé.

    Avant la dépose du moteur, un technicien en avionique a réalisé des essais normalisés pour déterminer si le système d'indication de température du moteur à turbine fonctionnait. Les résultats ont montré que la résistance électrique dans les circuits du système se trouvait dans la plage requise pour indiquer correctement la température. Ils ont également confirmé que la déconnexion du dispositif de transmission des températures de sortie turbine (TOT) à l'enregistreur de données de vol (FDR) n'avait eu aucun effet sur le fonctionnement du système de limitation de la température des gaz.

    On a examiné les filtres à l'huile et à carburant; rien d'inhabituel n'a été relevé.

    On a désassemblé la partie turbine de puissance du reste du moteur; l'examen de celle-ci a révélé des dommages qui concordaient avec ceux causés par des objets venant d'amont.

    Un désassemblage plus poussé a exposé la partie turbine de compresseur. L'examen de cette partie du moteur a révélé que toutes les ailettes de la turbine de compresseur s'étaient cassées, pour la plupart proche du talon. On a récupéré très peu de morceaux des ailettes cassées; l'échappement de la turbine présentait des dommages qui concordaient avec ceux causés par le rejet de débris d'ailette avec les gaz d'échappement avant l'arrêt du moteur.

    On a retiré les ailettes du moyeu de la turbine de compresseur pour les examiner aux microscopes optique et électronique à balayage (MEB); l'examen des structures des surfaces de rupture indique le mode de défaillance. Toutes les surfaces de rupture qui ont été examinées indiquaient des ruptures en surcharge; ces surfaces de rupture n'étaient donc pas la cause de la défaillance initiale.

    On a également constaté une rupture de la surface extérieure de la couronne d'aubes directrices du premier étage de la turbine de compresseur, et une crique sur sa section intérieure, à l'une des fentes d'aube directrice (photo 3). Les caractéristiques de la surface de rupture concordaient avec une rupture de fatigue.

    Photo 3. Rupture de la couronne d'aubes directrices
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    Image du rupture de la couronne d'aubes directrices

    Les morceaux d'ailettes, les aubes directrices, les couronnes d'aubes directrices et les moyeux de la turbine de compression, ainsi que les thermocouples du circuit indicateur de température du moteur ont été transportés au laboratoire technique du BST aux fins d'analyse.

    On a sectionné certaines ailettes de la turbine de compresseur pour les examiner au MEB et déterminer la structure et la composition du matériau, et toute exposition à des températures de fonctionnement supérieures à la normale. On a observé très peu de changement à la microstructure de chacune des ailettes de la turbine de compresseur, depuis leur talon jusqu'à leur extrémité. Toutefois, il y avait d'importantes variations dans la microstructure d'une ailette à l'autre. Ces écarts indiquent des variations dans le traitement thermique durant la fabrication plutôt que des températures élevées de fonctionnement. Ni le fabricant ni le concepteur du moteur n'ont fourni à l'équipe d'enquêteurs des normes de conception relatives à la structure du matériau des ailettes de la turbine de compresseur.

    On a déterminé qu'une surcharge était à l'origine de la rupture des ailettes. Toutefois, on a noté que certaines des pièces restantes étaient suffisamment petites pour soulever la possibilité que des ailettes se soient brisées en plusieurs morceaux (p. ex., une ailette aurait pu se rompre aux 2/3 de sa longueur, puis de nouveau au 1/3 de sa longueur après avoir été heurtée par des débris).

    Toutes les aubes directrices sauf une présentaient une usure d'utilisation normale (un peu d'érosion et de séparation des matériaux). L'aube directrice exceptionnelle comprenait une petite perforation du côté basse pression (photo 4). Des examens au microscope ont permis de conclure que cette perforation n'était pas due au processus de fabrication. Ces aubes comprennent de petits trous du côté haute pression qui permettent à l'air comprimé de s'écouler de ce côté afin de réguler la température et l'écoulement d'air. L'écoulement d'air du côté basse pression va causer une turbulence imprévue dans cette partie du moteur.

    Photo 4. Aube directrice perforée
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    Image de l'aube directrice perforée

    La couronne d'aubes comprend des fentes qui reçoivent les aubes directrices, et certaines de ces fentes présentaient des défauts de taille et de forme (photo 5). Des examens au microscope ont révélé que les fentes avaient été usinées ainsi durant la fabrication, donc leur déformation n'était pas attribuable à l'usure.

    Photo 5. Défauts de fabrication dans la couronne d'aubes
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    Défauts de fabrication dans la couronne d'aubes

    Rapports du Laboratoire du BST

    L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

    • LP204/2013 – Examen des composants du moteur

    Ce rapport peut être obtenu du BST sur demande.

    Analyse

    Hormis l'altitude-densité qui a nui à la performance initiale de l'aéronef, les conditions météorologiques au moment de l'événement n'ont pas été un facteur dans l'accident. L'analyse porte principalement sur les facteurs humains, la performance de l'aéronef, la panne du moteur, et le contrôle de la qualité des composants du moteur durant leur fabrication et leur montage.

    Panne moteur

    Les données extraites de l'enregistreur de données de vol ont montré que le moteur no 1 a perdu de sa puissance durant le vol. Des examens ont déterminé qu'une ou plusieurs ailettes du 1er étage de la turbine de compresseur se sont brisées; elles ont ensuite heurté les autres ailettes, causant leur rupture. Toutes les ailettes de la turbine de compresseur se sont cassées et toutes les ailettes en aval dans la turbine de puissance étaient soit brisées, soit endommagées. Cette situation a réduit le débit de gaz, ce qui a entraîné une perte de puissance. Les turbines ont continué à tourner à régime réduit, produisant des vibrations à cause des ailettes endommagées à divers degrés. Le faible régime de ces turbines a fait que les vibrations ne correspondaient pas aux vibrations normales d'un moteur.

    Des examens détaillés des composants de la turbine de compresseur ont révélé des défauts de fabrication. Le manque d'information de la part du fabricant a nui à la capacité du BST de comparer les ailettes du moteur en cause à une pièce standard, mais des variations dans le traitement d'un matériau durant la fabrication, par exemple le traitement thermique ou les procédés de revêtements, peuvent entraîner d'importantes différences de structure. Il est peu probable que de telles variations fassent partie d'une norme de produit. De tels composants peuvent se retrouver dans un moteur en cas de mauvais contrôle de la qualité durant la fabrication.

    Les défauts de structure des matériaux qui ont été constatés concordent avec des variations dans le traitement thermique durant la fabrication et réduisent la résistance à la défaillance. En outre, les défauts dans la couronne d'aubes de 1er étage de la turbine de compresseur auraient permis aux aubes de bouger et de se déformer, ce qui aurait entraîné des turbulences imprévues dans le débit gazeux de la turbine de compresseur. C'est probablement ce qui a causé la crique de fatigue et la rupture de la couronne d'aubes. Cette rupture, combinée aux défauts dans la structure du matériau des ailettes de la turbine de compresseur, est probablement à l'origine de la défaillance d'une ou de plusieurs de ces ailettes. De plus, le trou sur le côté basse pression de l'une des aubes directrices pourrait avoir contribué aux changements dans l'écoulement gazeux.

    Atterrissage d'urgence

    L'hélicoptère était en vol stationnaire avec une masse brute élevée lorsque l'un des moteurs a perdu sa puissance. Il s'agit d'une étape critique du vol qui exige une puissance élevée. Dans l'événement en cause, le gros de la charge transportée était suspendu à l'extérieur de l'aéronef au bout d'une élingue de 150 pieds. Lorsque le moteur a perdu sa puissance, l'hélicoptère a perdu de l'altitude; le réservoir a touché le lac avant d'être largué, ce qui a réduit la charge d'environ 3855 kg. L'hélicoptère se trouvait toujours à une altitude de 150 pieds au-dessus de l'eau et avait perdu une grande partie de la puissance nécessaire pour se maintenir en vol, mais le deuxième moteur a fourni suffisamment de puissance pour rétablir le régime du rotor et permettre à l'hélicoptère de s'éloigner du lac. Toutefois, l'équipage de conduite n'a pas reconnu qu'il s'agissait d'une panne moteur et n'a pas coupé le moteur défaillant pour les raisons suivantes : des vibrations d'une violence jamais vécue par les pilotes; une absence d'indices visuels, les pilotes étant incapables de lire les instruments du tableau de bord; une mauvaise réaction des commandes. La sévérité des vibrations aurait pu provenir d'un déséquilibre d'un composant rotatif important et crucial comme l'ensemble rotor ou la transmission. L'équipage de conduite a donc effectué un atterrissage d'urgence sur la surface ferme la plus proche.

    Durant cette manœuvre, l'équipage a eu de la difficulté à contrôler l'hélicoptère, en particulier son cap. La surface d'atterrissage était accidentée, et l'hélicoptère dérivait toujours latéralement lorsqu'il s'est posé. Ce mouvement latéral a entraîné le basculement de l'hélicoptère sur son côté, et les pales des rotors ont heurté le sol.

    Contrôle de la qualité

    Les défauts de fabrication des fentes de la couronne d'aubes directrices étaient clairement visibles à l'œil nu. Ces défauts (ajustement flottant) étaient encore plus évidents sur la couronne installée sur les aubes (photo 6). L'ajustement des aubes directrices dans les fentes doit être serré; il ne devrait pas y avoir d'espace visible. Le fait que des défauts aussi évidents soient passés inaperçus durant la fabrication et le montage des composants du moteur pourrait indiquer un problème de contrôle de la qualité. Si des lacunes dans le processus de contrôle de la qualité de la fabrication et de l'assemblage des composants de moteurs Klimov TV3-117 sont généralisées, il y a un risque que les hélicoptères munis de ces moteurs tombent en panne, ce qui peut avoir de graves conséquences pour l'aéronef, l'équipage et les passagers.

    Photo 6. Aube directrice dans la fente
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    Image de l'aube directrice dans la fente

    Également, un mauvais contrôle de la qualité durant la fabrication des ailettes de la turbine de compresseur est probablement à l'origine des défauts dans leur structure (traitement d'alliage). Ces défauts aussi comportent des risques pour des personnes, car ils peuvent à eux seuls causer la défaillance des ailettes.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Des défauts dans la fabrication de composants de la turbine de compresseur du moteur no 1 ont causé leur défaillance, ce qui a entraîné une perte de puissance.
    2. Le contrôle de la qualité durant la fabrication et le montage de la turbine de compresseur du moteur n'a pas relevé ces défauts évidents.
    3. Les vibrations violentes et la mauvaise réaction des commandes ont obligé l'équipage de conduite à effectuer un atterrissage d'urgence sur un terrain difficile; l'hélicoptère a basculé sur son côté, et les pales des rotors ont heurté le sol.

    Faits établis quant aux risques

    1. Si des lacunes dans le processus de contrôle de la qualité de la fabrication et de l'assemblage des composants de moteurs Klimov TV3-117 sont généralisées, il y a un risque que les hélicoptères munis de ces moteurs tombent en panne, ce qui peut avoir de graves conséquences pour l'aéronef, l'équipage et les passagers.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Titulaire du certificat de type

    L'organisme de réglementation (autorité russe) titulaire du certificat de type du moteur a publié la Révision 1 à la consigne de navigabilité (CN) RU-2012-53-05R1Note de bas de page 4, le 11 novembre 2013. Cette consigne impose les changements suivants aux moteurs Klimov TV3-117BMA installés à bord d'hélicoptères Kamov Ka-32 utilisés pour le transport de charges externes :

    • on doit désormais multiplier tous les cycles de moteur par un facteur de 1,2 (autrement dit, la limite de vie d'un moteur qui est mesurée en cycles sera réduite de 20 %); et
    • pour les moteurs qui atteignent 750 heures depuis la dernière révision : désormais, les pièces installées durant l'inspection à mi-vie de la partie chaude seront neuves. Il en va de même pour ces pièces à la révision du moteur.

    La CN indiquait que l'enquête sur la panne au Canada se poursuivait et que ces changements ne seraient pas définitifs tant que l'on ne connaîtrait pas ses conclusions.

    VIH Helicopters Ltd.

    • VIH Helicopters Ltd. a amélioré la formation qu'elle donne sur le largage des charges et a ajouté cette formation à son programme d'entraînement périodique annuel;
    • L'entreprise met à l'essai un cache-interrupteur électrique amélioré qui permet d'accéder plus facilement à l'interrupteur de largage des charges externes de ses hélicoptères Ka-32.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet incident. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il est paru officiellement le .