Perte de puissance du moteur et atterrissage forcé
Beechcraft A36, C-GPDK
Osoyoos (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 7 juillet 2015, vers 16 h 45, heure avancée du Pacifique, un pilote, seul à bord d’un aéronef privé Beechcraft A36 Bonanza (immatriculé C-GPDK, numéro de série E-1728) est parti de l’aéroport d’Oliver (Colombie-Britannique) à destination de l’aéroport de Boundary Bay (Colombie-Britannique). Environ 6 minutes après le décollage, l’aéronef a subi une perte de puissance du moteur, et le pilote a effectué un atterrissage forcé sur l’autoroute 97. L’aéronef a heurté un camion et un poteau électrique avant de s’immobiliser sur le bord de la route. Le pilote est parvenu à sortir de l’aéronef, mais a subi des brûlures graves. Un incendie après impact a détruit la majeure partie de l’aéronef. L’accident est survenu à 0,27 mille marin au nord-est de l’aéroport d’Osoyoos (Colombie-Britannique) à une élévation du sol de 1035 pieds au-dessus du niveau de la mer, durant les heures de jour. La radiobalise de repérage d’urgence n’a émis aucun signal.
Renseignements de base
Déroulement du vol
Le 30 juin 2015, le pilote avait volé de l'aéroport de Boundary Bay (CZBB) à celui d'Oliver (CAU3) (Colombie-Britannique). Pendant ce vol, le pilote avait remarqué des anomalies de moteur et avait tourné avec son téléphone cellulaire des vidéos du tableau de bord montrant des fluctuations de débit carburant et de régime moteur. Le pilote avait ensuite envoyé ces vidéos par message texte au technicien d'entretien d'aéronef (TEA) qui était responsable de la maintenance de l'aéronef.
Ces vidéos montraient des fluctuations de débit carburant d'environ 10 livres par pouce carré (lb/po²) accompagnées de fluctuations de régime moteur de 25 tours par minute (tr/min). Lors d'un échange par message texte avec le pilote, le TEA avait suggéré que ces fluctuations pouvaient être attribuables à l'encrassement d'un injecteur ou à un bouchon de vapeur causé par l'utilisation d'essence automobile (MOGAS)Note de bas de page 1. Le vol s'était poursuivi jusqu'à CAU3 sans perte de puissance notable. Pendant son séjour à Oliver, aucune intervention de maintenance visant à remédier à ces défauts du moteur n'a été effectuée; l'aéronef est demeuré dans une aire de stationnement extérieure à CAU3 du 30 juin au 7 juillet, date de l'événement. Pendant ces 8 jours, les températures maximales quotidiennes se situaient entre 34 et 38 °C.
Le 7 juillet à 15 h 32Note de bas de page 2, le pilote a déposé auprès du centre d'information de vol (FIC) de Kamloops un plan de vol selon les règles de vol à vue prévoyant une altitude de 10 500 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Le relevé des transactions de carburant de CAU3 indique que le pilote s'est procuré 57 litres d'essence d'aviation (AVGAS) 100LL à 16 h 8. L'aéronef est parti de CAU3 en direction sud vers 16 h 40 (figure 1).
Quelques minutes plus tard, alors que l'aéronef franchissait une altitude de 6000 pieds asl, le moteur a subi une perte de puissance. Le pilote a tenté à 3 reprises de redémarrer le moteur (2 fois avec la pompe auxiliaire en marche et 1 fois sans la pompe auxiliaire). Il n'y a eu aucun changement de la puissance moteur. Incapable d'atteindre l'aéroport d'Osoyoos (CBB9) en vue d'un atterrissage d'urgence, le pilote a tenté d'atterrir sur l'autoroute 97. L'aéronef se dirigeait vers le sud lorsque son aile gauche a heurté un camion semi-remorque commercial. Le conducteur du camion n'a pas été blessé. L'arrière gauche de la remorque a été légèrement endommagé. L'aéronef a ensuite heurté la surface de roulement de la route, et un incendie s'est déclaré avant que l'aéronef s'immobilise contre un poteau électrique sur le bord de la route. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a été avisée de l'accident à 16 h 55.
Examen de l'épave et du lieu de l'accident
Les enquêteurs ont examiné le lieu de l'accident et l'épave de l'aéronef (photo 1) à Osoyoos le 8 juillet.
D'après les dommages causés par l'impact sur la surface de roulement de l'autoroute, la roue avant de l'aéronef a touché le sol en premier, à environ 275 pieds du point de collision avec la semi-remorque. Cette observation concorde avec un piqué prononcé de l'aéronef. Lors de l'impact, la roue avant, ainsi qu'une partie de la fourche de jambe à amortisseur, se sont séparées de l'aéronef. On a retrouvé la roue avant à environ 100 pieds au nord du point où l'aéronef s'est immobilisé. Lorsque la roue avant s'est séparée, l'hélice a heurté la surface de roulement de l'autoroute, laissant 3 marques sur le sol. Ces marques sur le sol, ainsi que les dommages de l'hélice, sont compatibles avec un régime moteur réduit au moment de l'impact. Le réservoir de bout d'aile droit s'est détaché de l'aile. On l'a retrouvé sur le côté ouest de l'autoroute 97, à environ 40 pieds au nord de l'épave. C'est le segment le plus à l'intérieur du bord d'attaque de l'aile gauche de l'aéronef qui a heurté le poteau électrique. Les deux tiers avant du fuselage et la majeure partie de l'aile gauche ont été détruits par le feu. L'aile droite n'a été que légèrement endommagée par le feu.
Étant donné l'ampleur des dommages causés par le feu, l'examen de l'aéronef a été limité et s'est concentré sur le moteur et le circuit de carburant, y compris les ailes et les réservoirs de bout d'aile. L'aile droite a été endommagée au point de raccordement au fuselage, mais la zone contenant le carburant a été largement épargnée. On a examiné l'intérieur du réservoir de carburant, mais il ne restait plus de carburant. Les 2 réservoirs de bout d'aile étaient vides, mais une forte odeur de MOGAS s'en dégageaitNote de bas de page 3. Le robinet sélecteur de carburant pointait vers le réservoir de droite; son filtre ne contenait pas de contaminants. Le moteur a été déposé et examiné dans des installations de révision de moteur. Il a été entièrement démonté, et toutes ses pièces ont fait l'objet d'un examen visant à repérer toute anomalie antérieure à l'impact et à l'incendie. Aucun élément n'indiquait des problèmes ou défauts de moteur qui pourraient avoir causé la perte de puissance.
La raison pour laquelle la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) n'a pas émis de signal d'urgence n'a pas été déterminée.
Aéronef
Généralités
L'aéronef a été construit en 1981 et acheté par le pilote en juin 2010. Les dossiers indiquent que l'inspection d'entretien annuelle avait été faite peu avant et que l'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément aux exigences de la réglementation en vigueur.
Groupe motopropulseur
L'aéronef était équipé d'un moteur à injection en prise directe à 6 cylindres opposés à plat refroidi à l'air de Teledyne Continental Motors (modèle IO-520-BB). En avril 1997, le moteur avait été révisé en prévision de l'ajout d'un système de turbocompression conformément à un certificat de type supplémentaire (STC). Environ 1 mois (37 heures de vol) plus tard, un système de turbonormalisation et d'injection GAMI de Tornado Alley Inc. a été installé.
Ce type de système ne change pas les exigences du Beechcraft en matière de carburant. Il n'a pas pour effet d'augmenter la puissance totale développée par le moteur; il sert plutôt à maintenir la pression d'admission du niveau de la mer (environ 30 pouces de mercure) à plus haute altitude. En éliminant la réduction graduelle de puissance qui se produit dans les moteurs normalement alimentés en air pendant la montée, le système de turbonormalisation permet d'atteindre plus rapidement une attitude donnéeNote de bas de page 4.
Circuit carburant
L'aéronef était conçu pour fonctionner avec de l'AVGAS de grade 100LL (bleue) ou 100 (verte). Le circuit carburant de la cellule est composé des éléments suivants : 4 réservoirs de carburant, un système de jaugeage carburant, une pompe à carburant auxiliaire, un sélecteur de réservoir de carburant (avec un filtre à carburant et un purgeur intégrés) et les conduites carburant reliant ces éléments au compartiment moteur. Les réservoirs de carburant sont des réservoirs en caoutchouc munis d'un puisard sur le dessous de chaque aile. La pompe à carburant auxiliaire, de type électrique, se trouve entre le robinet sélecteur de carburant et la pompe d'injection actionnée par le moteur. Cette pompe, dont le fonctionnement est commandé par un interrupteur, fournit la pression nécessaire au démarrage et en situation d'urgence. Elle peut purger le circuit de la vapeur causée par les températures ambiantes extrêmement élevées et réduire les risques de vaporisation du carburant. Elle peut également fournir la pression au moteur en cas de panne de la pompe d'injection actionnée par le moteur.
Le système de distribution de carburant du moteur avait été déposé en 2011, environ 76 heures de vol avant l'accident, à des fins de dépannage. Les essais auxquels il avait été soumis n'avaient révélé aucune anomalie.
Manuel d'utilisation et manuel de vol de l'aéronef
Dans la section portant sur les procédures d'urgence en cas de perte de puissance du moteur, le manuel d'utilisation et manuel de vol de l'aéronef (Pilot's Operating Handbook and Airplane Flight Manual) de Beechcraft indique [traduction] :
- Débitmètre carburant – VÉRIFIER
Si le débit carburant est anormalement bas :- Mélange – RICHESSE MAXIMALE
- Pompe à carburant auxiliaire – MARCHE (puis ARRÊT si le fonctionnement ne s'améliore pas après quelques instants)
- Indicateur de quantité carburant – VÉRIFIER pour le réservoir utilisé.
Si le réservoir utilisé est vide :- Robinet sélecteur de carburant – CHANGER DE RÉSERVOIR (être attentif à l'encliquetage)Note de bas de page 5.
Dans la section sur les procédures d'urgence en cas de panne de moteur après le décollage et en vol, le manuel d'utilisation et manuel de vol de l'aéronef de Beechcraft indique [traduction] :
En général, il est préférable d'effectuer une approche directe à l'atterrissage. Si l'altitude est suffisante pour manœuvrer, faire ce qui suit :
- Robinet sélecteur de carburant – CHANGER DE RÉSERVOIR (être attentif à l'encliquetage).
- Pompe à carburant auxiliaire – MARCHE
- Mélange – RICHESSE MAXIMALE, puis APPAUVRIR selon le besoin
- Magnétos – VÉRIFIER GAUCHE, DROITE, PUIS LES DEUX
NOTA
La cause la plus probable de panne de moteur serait une perte de débit carburant ou un mauvais fonctionnement du système d'allumageNote de bas de page 6.
Le supplément au manuel de vol (Airplane Flight Manual Supplement) pour le STC de Tornado Alley Turbo ne fournit aucun tableau de rendement; on peut toutefois s'attendre à des améliorations du rendement à une densité-altitude où le système de turbocompression maintient la puissance au niveau de la mer. Le supplément au manuel de vol ne traite pas spécifiquement de la perte de puissance du moteur. Sa rubrique sur les procédures d'urgence indique seulement qu'il n'y a aucun changement.
Ni le manuel d'utilisation et manuel de vol de l'aéronef de Beechcraft ni le supplément au manuel de vol de Tornado Alley Turbo n'abordent la question des bouchons de vapeur de carburant en montée. Tornado Alley émet toutefois la mise en garde suivante sur son site Web [traduction] :
Note de bas de page 7Dans la rubrique portant sur le vol plané maximal de la section des procédures d'urgence, le manuel d'utilisation et manuel de vol de l'aéronef de Beechcraft indique [traduction] :
- Train d'atterrissage – RENTRÉ
- Volets – RENTRÉS
- Volets de capot – RENTRÉS
- Hélice – TIRER pour RÉGIME RÉDUIT
- Vitesse anémométrique – 110 NŒUDS
La distance de vol plané est d'environ 1,7 mille marin (2 milles terrestres) par 1000 pieds d'altitude au-dessus du reliefNote de bas de page 8.
La perte de puissance du moteur s'est produite à environ 6000 pieds asl (5000 pieds au-dessus du sol [agl]). À cette altitude, l'aéronef aurait dû pouvoir planer sur un total de 8,5 milles marins (nm) (annexe A). L'aéroport d'Osoyoos se trouve à une élévation de 1100 pieds asl et à environ 7 nm de la position estimative de la perte de puissance du moteur. L'accident est survenu à 0,27 nm de l'aéroport d'Osoyoos.
Pilote
Les dossiers indiquent que le pilote était titulaire d'une licence de pilote privé – avion depuis avril 1997, validée par un certificat médical en bonne et due forme, et avait accumulé environ 490 heures de vol. Son aéronef précédent était un Cessna 182P Skylane de 1974, qu'il avait eu en sa possession et piloté d'avril 2001 à juillet 2011. Au cours de l'année précédente, il avait volé 12 heures dans le Beech A36, et avait fait le même aller-retour de Boundary Bay (où son aéronef était entreposé) à CAU3 à plusieurs reprises.
Conditions météorologiques
La station de compte rendu météorologique pour l'aviation la plus proche de CAU3 se trouve à l'aéroport de Penticton (CYYF), 22 nm au nord du lieu de l'accident. Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) de 16 h (2300Z) pour cette station indiquait les conditions suivantes : vents du 020° vrai (V) à 12 nœuds; visibilité de 15 milles terrestres (sm) dans la fumée; quelques nuages à 7500 pieds agl; température de 35 °C; point de rosée à 9 °C; calage altimétrique de 29,82 pouces de mercure.
Le METAR pour CYYF signalait également une altitude-densité de 3700 pieds, mesurée à une altitude d'aéroport de 1130 pieds. À partir des valeurs de 25 °C et 6000 pieds, on obtient une altitude-densité approximative de 8700 pieds au moment où la perte de puissance du moteur est survenue.
Carburant
L'enquête a permis de déterminer que le propriétaire pilote utilisait de la MOGAS, et il y avait une forte odeur de MOGAS dans les réservoirs de bout d'aile. Mais le dernier registre de carburant pour cet aéronef état celui de CAU3, où se trouve un système de distribution libre-service d'AVGAS 100LL. Les dossiers indiquent que la densité du carburant avait été certifiée et que des vérifications de la clarté et de la limpidité avaient été réalisées. Aucun problème touchant le carburant de CAU3 n'a été signalé.
MOGAS
Le TP 14371, Manuel d'information aéronautique, de Transports Canada (AIM de TC), qui est présenté aux aviateurs lors de leur formation au pilotage initiale, comprend des directives sur l'utilisation de la MOGAS. L'alinéa 1.3.1 de l'AIM, Classes de carburant, indique : « L'emploi d'un carburant autre que l'essence d'aviation spécifiée est contraire aux conditions du certificat de navigabilité. L'emploi d'un carburant qui ne répond pas aux spécifications recommandées pour un moteur d'aéronef peut gravement endommager le moteur et peut être la cause d'une panne en volNote de bas de page 9. » Les notes de la rubrique 1.3.1 de l'AIM renvoient au TP 10737 de Transports Canada, Utilisation de l'essence automobile (MOGAS) dans les aéronefs. Le TP 10737 comprend des directives sur l'utilisation de MOGAS au lieu d'AVGAS pour les propriétaires et exploitants d'aéronefs à pistons immatriculés au Canada. Le document précise les types d'aéronefs certifiés pouvant utiliser de la MOGAS et les conditions d'exploitation dans lesquelles ce carburant peut être utilisé. Les questions des bouchons de vapeur et des classes de volatilité de la MOGAS sont également abordées. Le document indique :
À cause de la volatilité plus élevée de l'essence automobile par comparaison à l'essence aviation, la marge de sécurité dans les conditions qui favorisent la formation de bouchons de vapeur est moins grande dans le cas de l'essence automobile. […] Un fonctionnement du moteur qui correspond à une interruption de l'alimentation en essence et un fonctionnement irrégulier qui semble dû à un mélange trop pauvre sont des signes de bouchon de vapeur en vol. […] Être conscient que l'essence automobile est plus volatile que l'essence aviation n'est qu'une partie de la question. L'une des différences fondamentales entre les deux est que l'essence automobile canadienne est offerte au consommateur en quatre types saisonniers, chacun présentant des limites différentes en ce qui concerne la tension de vapeur, tandis que l'essence aviation n'a qu'une limite pour toute l'année. L'implication la plus grave pour le pilote qui utilise de l'essence automobile est qu'il est possible d'obtenir de l'essence de la classe de volatilité de la saison précédente, comme ce serait le cas pendant une chaude journée de printemps, et de faire le plein avec de l'essence hiver à volatilité élevéeNote de bas de page 10.
[Souligné dans l'original]
L'aéronef C-GPDK avait accumulé 12 heures de vol de juin 2014 à juin 2015. Il a été impossible de déterminer la date d'achat et le type de MOGAS utilisé dans C-GPDK. Le TP 10737 explique que la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis (É.-U.) permet l'utilisation de MOGAS en accordant des STC. À l'heure actuelle, il n'existe aucune approbation de l'utilisation de MOGAS dans un Beechcraft A36 Bonanza au Canada ou aux É.-U.
En juillet 1987, Beechcraft a publié un communiqué de sécurité pour les aéronefs à pistons intitulé « Use of Automobile Type Gasoline in Beech Aircraft ». Ce document décrit les problèmes liés à l'utilisation d'essence automobile dans des aéronefs certifiés pour l'essence d'aviation. Il inclut de l'information sur la pression de vapeur et les bouchons de vapeur. Ce document fait également la mise en garde suivante [traduction] : « N'utilisez pas d'essence automobile dans des aéronefs Beech certifiés pour l'essence d'aviationNote de bas de page 11. »
Bouchon de vapeur
Un bouchon de vapeur se produit lorsque le carburant, qui est normalement liquide, se transforme en vapeur alors qu'il se trouve toujours dans le circuit d'alimentation en carburant. Ce changement de phase entraîne une réduction de la pression dans la pompe à carburant actionnée par le moteur et une perturbation du débit carburant vers le système d'injection. Cela peut causer une perte de puissance transitoire ou totale du moteur. Un moteur d'aéronef est plus susceptible de présenter un bouchon de vapeur lorsque les températures sont plus élevées, lorsque les pressions (altitude-densité) sont plus basses, lorsque la pression de vapeur Reid (PVR) du carburant est plus élevée ou lorsque plus d'un de ces facteurs est présent.
La PVR est largement utilisée comme indicateur de volatilité des produits pétroliers. La PVR est la pression exercée au début de la transition de la phase liquide à la phase gazeuse du carburant lorsque celui-ci est maintenu à une température de 100 °F (38 °C). L'AVGAS 100LL est produite conformément aux normes de l'American Society for Testing and Materials (ASTM), qui stipulent que la PVR doit être entre 38 kPa et 49 kPa (5,5 et 7,1 lb/po²). Sa PVR est nettement plus basse que celle de l'essence automobile, qui peut varier de 48 kPa l'été à 103 kPa l'hiver (7 à 15 lb/po²). Comme l'AVGAS a une pression de vapeur plus basse et plus uniforme que celle de l'essence automobile, elle demeure liquide à une température ambiante plus élevée lorsque la pression atmosphérique est réduite à haute altitude.
Le FAA Technical Center a produit un rapport intitulé Autogas in General Aviation AircraftNote de bas de page 12. Ce rapport décrit une série d'essais menés par le Centre sur des moteurs d'aéronef à pistons dans le but de comparer la MOGAS à l'AVGAS et d'examiner leur tendance à causer des bouchons de vapeur. Pour certains des essais, le circuit carburant avait été modifié afin de simuler un système d'alimentation par pompe et le circuit carburant du moteur a aussi été converti en un type à injection (c.-à-d. le type utilisé dans le Beechcraft A36).
En comparant les résultats à ceux obtenus dans des conditions identiques avec un moteur à carburateur, on a remarqué que les bouchons de vapeur se produisaient plus rapidement dans un moteur à injection. Au cours d'une séquence d'essai, la pompe d'appoint a été laissée désactivée, sauf pour remédier au bouchon de vapeur. Le plus souvent, il était nécessaire d'utiliser la pompe d'appoint électrique pour rétablir le fonctionnement normal après une séquence menant à un bouchon de vapeur dans le moteur à injection. On a également mené une séquence d'essai pour démontrer que la température initiale de 43 °C du réservoir et le débit carburant du décollage étaient les pires conditions possible pour un circuit carburant à alimentation par pompe générique (aéronef à ailes basses). L'essai a révélé que les réglages de puissance de décollage et de montée causaient le plus de turbulence dans le carburant et faisaient grimper la température dans le compartiment moteur. En outre, la pression atmosphérique plus basse, à mesure que l'aéronef poursuivait sa montée, rendait plus probable la formation d'un bouchon de vapeur.
Incendie après impact
L'incendie qui s'est déclaré après l'impact a commencé avant la collision de l'aéronef avec le poteau électrique; l'aéronef a été envahi par les flammes quelques secondes après l'impact. La source d'incendie est inconnue. Les sources possibles sont notamment un contact du carburant avec des pièces de moteur chaudes, des étincelles produites par un contact de métal avec la surface de roulement de la route (séparation de la roue avant) et un arc électrique. La batterie du Beech A36 se trouve dans le compartiment moteur et, par conséquent, elle pourrait avoir été une source d'incendie lors de l'événement à l'étude.
Préoccupations antérieures relatives aux incendies qui se déclarent après l'impact
Des rapports d'enquêtes antérieures effectuées par le BST, ainsi que le Rapport d'enquête sur des problèmes de sécurité aéronautique SII A05-01 sur les incendies après impact faisant suite à des accidents de petit aéronef publié en 2006, ont déjà documenté les risques que posent les incendies après impact pour la sécurité aérienne. Dans ces rapports, l'on conclut qu'il existe un nombre important de petits aéronefs en service et que leurs moyens de défense contre les incendies après impact, dans les cas d'accidents offrant des chances de survie, sont insuffisants et vont le demeurer jusqu'à la mise en place de mesures de prévention visant à réduire les risques.
Dans le cas des petits aéronefs existants, les moyens les plus efficaces de prévention des incendies après impact consistent à éliminer les sources d'incendie (articles portés à haute température, arcs électriques à haute température, étincelles dues au frottement) et à éviter tout déversement de carburant en préservant l'intégrité du circuit carburant lors d'un accident offrant des chances de survie. Les moyens techniques connus pour réduire la fréquence des incendies après impact en évitant l'inflammation et en confinant le carburant en cas d'accident pourraient être montés en rattrapage de façon sélective sur les petits aéronefs existants, y compris sur les hélicoptères certifiés avant 1994. En conséquence, dans sa recommandation A06-10, émise le 29 août 2006, le Bureau recommandait que :
afin de réduire le nombre d'incendies qui se déclarent après des accidents offrant des chances de survie mettant en cause de nouveaux avions de production ayant une masse inférieure à 5700 kg, Transports Canada, la Federal Aviation Administration et d'autres organismes de réglementation étrangers effectuent des évaluations des risques des éléments qui suivent afin de déterminer la faisabilité du montage en rattrapage sur les aéronefs existants :
- certains moyens techniques permettant d'éviter que des articles portés à haute température ne deviennent des sources d'incendie;
- des procédés techniques conçus pour neutraliser la batterie et le circuit électrique à l'impact pour empêcher les arcs électriques à haute température d'être une source d'incendie;
- la présence de matériaux isolants protecteurs ou sacrificiels aux endroits exposés à la chaleur ou aux étincelles dues au frottement lors d'un accident pour
- empêcher les étincelles de frottement d'être une source d'incendie;
- certains composants du circuit carburant résistant à l'écrasement capables de confiner le carburant.
Recommandation A06-10 du BST
Transports Canada (TC) a répondu à ces recommandations, mais étant donné que ses réponses ne comprenaient aucune mesure précise ni mesure proposée qui pourrait réduire ou éliminer les risques associés à cette lacune, la réponse globale de TC à la recommandation A06-10 a été évaluée comme étant « Insatisfaisante »Note de bas de page 13.
Une étude similaire a été effectuée aux États-Unis par le National Transportation Safety Board (NTSB)Note de bas de page 14 en 1980; elle a donné lieu aux recommandations de sécurité A-80-90 à A-80-95. De ces 5 recommandations, 4 sont maintenant classées avec la mention « Closed – Unacceptable Action » (fermé – mesure inacceptable). La seule qui soit classée avec la mention « Closed – Acceptable Action » (fermé – mesure acceptable) est la recommandation A-80-094, qui stipule ce qui suit :
Note de bas de page 15La FAA a entamé le processus de réglementation en vue de la mise en place des normes relatives à l'installation des composants de circuit carburant, mais l'a interrompu en raison des résultats de l'analyse coûts-avantages.
Prise de décisions du pilote
Le TP 13897 de TC, Prise de décisions du pilote, est divisé en 5 modules : Introduction à la prise de décision du pilote, Le processus de prise de décisions, Facteurs agissant sur le rendement de l'être humain, Erreur humaine, et Gestion des risques. Le processus décisionnel comprend généralement 4 étapes : recueillir l'information, traiter l'information, prendre des décisions et mettre en œuvre les décisions. Le TP 13897 décrit les risques présents pendant les étapes de collecte et de traitement de cette information. Si les données dont dispose le pilote lors de la prise de décision sont erronées, il est probable que le pilote prendra une mauvaise décision. Par ailleurs, dans une situation d'urgence, il est probable que le pilote doive alterner rapidement entre des tâches devant être exécutées simultanément; dans une telle situation, il y a un risque de trop s'attarder sur une tâche et d'en négliger une autre. En outre, la formation et l'expérience du pilote auront une incidence sur ses décisions puisqu'il sera susceptible d'avoir recours à des procédures qui se sont révélées efficaces par le passé.
L'enquête a permis d'établir que le pilote avait déjà subi des fluctuations de débit carburant et des pertes de puissance de moteur lors de vols précédents avec l'aéronef C-GPDK, mais qu'il avait alors réussi à rétablir le fonctionnement et la puissance normale du moteur. Il y était parvenu en manipulant la commande de mélange de carburant. Rien n'indique que le pilote ait suivi correctement les procédures d'urgence du manuel d'utilisation et manuel de vol de l'aéronef de Beechcraft afin de rétablir le fonctionnement normal du moteur lors de ces événements ou lors du vol qui a mené à l'accident. La maintenance et le dépannage réalisés à la suite de ces événements antérieurs n'avaient révélé aucune anomalie.
Analyse
Aucun problème mécanique qui aurait pu causer une perte de puissance du moteur n'a été relevé au cours de l'enquête. Par conséquent, l'analyse se concentrera sur le type de carburant utilisé, le débit carburant, les procédures d'urgence pour l'aéronef et la prise de décision du pilote.
Il a été impossible de déterminer le type de carburant alimenté au moteur au moment de la perte de puissance. Cependant, étant donné que le pilote avait déjà utilisé de l'essence automobile (MOGAS) et qu'une forte d'odeur de MOGAS se dégageait des réservoirs de bout d'aile de l'aéronef, il est probable que les réservoirs de carburant de l'aéronef contenaient un mélange d'essence d'aviation (AVGAS) et de MOGAS. Bien que la formation d'un bouchon de vapeur soit plus élevée avec de la MOGAS, ce phénomène aurait aussi pu se produire avec de l'AVGAS, car les performances de montée de l'aéronef lui permettaient d'atteindre une altitude-densité plus élevée (8700 pieds) tandis que la température du carburant restait haute.
Si l'on utilise de la MOGAS dans des aéronefs qui ne sont pas certifiés pour ce type de carburant, il y a un risque accru de perte de puissance attribuable à des problèmes d'alimentation en carburant, comme un bouchon de vapeur. La vidéo tournée avec le téléphone cellulaire montre que le pilote avait subi des fluctuations de débit carburant et de régime moteur qui pourraient avoir été causées par un bouchon de vapeur. En l'absence de problèmes mécaniques, il est probable que le moteur de l'aéronef ait été privé de carburant par un bouchon de vapeur, ce qui a causé la perte de puissance.
En cas de perte de puissance ou de panne du moteur, le manuel d'utilisation et manuel de vol de l'aéronef de Beechcraft recommande au pilote de mettre en marche la pompe d'appoint et d'ajuster le mélange à richesse maximale. Toutefois, le pilote était parvenu antérieurement à rétablir la pleine puissance simplement en ajustant le mélange de carburant. De plus, Tornado Alley recommande sur son site Web que lorsqu'un bouchon de vapeur s'est formé ou est en voie de se former, le pilote mette en marche la pompe d'appoint, puis une fois la montée terminée, l'arrête et revienne à un mélange pauvre.
La perte de puissance du moteur s'est produite à environ 6000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) (5000 pieds au-dessus du sol [agl]). À cette altitude, l'aéronef aurait dû pouvoir planer sur une distance totale de 8,5 milles marins (nm) (annexe A). L'aéroport d'Osoyoos se trouve à une élévation de 1100 pieds asl et à environ 7 nm de la position estimative de la perte de puissance du moteur. Il se pourrait que le pilote ait tardé à choisir un lieu d'atterrissage forcé parce qu'il était parvenu par le passé à rétablir la pleine puissance du moteur. À ce moment, il n'était plus possible d'atteindre l'aéroport le plus proche : l'autoroute 97, qui était alors la meilleure solution de rechange, a donc été choisie .
Au cours de l'atterrissage forcé sur l'autoroute, l'aéronef a heurté un camion, puis un poteau; un incendie après impact s'est ensuite déclaré lorsque le carburant qui s'était déversé s'est enflammé.
Les blessures subies par le pilote étaient des brûlures graves causées par l'incendie après impact. L'aéronef C-GPDK n'était équipé d'aucun des matériaux, technologies ou composants suggérés par la recommandation A06-10 du BST, et rien ne l'obligeait à en être équipé. Si les aéronefs ne sont pas équipés de composants de circuit carburant résistant à l'écrasement capables de confiner le carburant ou de systèmes éliminant les sources d'incendie, il y a un risque accru de blessure ou de décès attribuable à un incendie après impact.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Il est probable que le moteur de l'aéronef ait été privé de carburant par un bouchon de vapeur, ce qui a causé la perte de puissance.
- Il se pourrait que le pilote ait tardé à choisir un lieu d'atterrissage forcé parce qu'il était parvenu par le passé à rétablir la pleine puissance du moteur. À ce moment, il n'était plus possible d'atteindre l'aéroport le plus proche : l'autoroute 97, qui était alors la meilleure solution de rechange, a donc été choisie.
- Au cours de l'atterrissage forcé sur l'autoroute, l'aéronef a heurté un camion, puis un poteau; un incendie après impact s'est ensuite déclaré lorsque le carburant qui s'était déversé s'est enflammé.
Faits établis quant aux risques
- Si l'on utilise de l'essence automobile dans des aéronefs qui ne sont pas certifiés pour ce type de carburant, il y a un risque accru de perte de puissance attribuable à des problèmes d'alimentation en carburant, comme un bouchon de vapeur.
- Si les aéronefs ne sont pas équipés de composants de circuit carburant résistant à l'écrasement capables de confiner le carburant ou de systèmes éliminant les sources d'incendie, il y a un risque accru de blessure ou de décès attribuable à un incendie après impact.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .
Annexes