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Rapport d'enquête aéronautique A15F0165

Passage dans une zone de forte turbulence
Air Canada
Boeing 777-333ER C-FRAM
85 nm ENE d'Anchorage (Alaska)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 30 décembre 2015, le Boeing 777-333ER (immatriculé C-FRAM, numéro de série 35250) exploité par Air Canada effectuait le vol 088 (ACA088) depuis l'aéroport Shanghai/Pudong (Chine) à destination de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (Ontario). À 19 h 24, temps universel coordonné, soit 8 heures après le décollage, le vol ACA088 s'est trouvé dans une zone de forte turbulence au niveau de vol 330, à environ 85 milles marins à l'est-nord-est d'Anchorage (Alaska), aux États-Unis. Durant cet épisode de turbulence, 21 passagers ont été blessés; 1 passager a été grièvement blessé. L'ACA088 s'est dérouté vers l'aéroport international de Calgary (Alberta), où il a atterri environ 2 heures et 45 minutes plus tard. Les dommages causés à l'aéronef étaient limités aux aménagements de la cabine et à la défaillance d'un collier en V installé sur une gaine du système de conditionnement d'air no 2.

Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le 30 décembre 2015, le Boeing 777-333ER exploité par Air Canada et effectuant le vol 088 (ACA088) s'apprêtait à partir de l'aéroport Shanghai/Pudong (ZSPD) en Chine, à destination de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ) (Ontario) avec 19 membres d'équipage et 332 passagersNote de bas de page 1 à bord. La durée prévue du vol était de 13 heures 40 minutes. Le service de régulation des vols d'Air Canada a établi la route et émis le plan de vol exploitation (OFP) vers 6 h 45, temps universel coordonnéNote de bas de page 2. L'équipage de conduite a imprimé ce plan de vol à 8 h 46. Aucune modification n'a été apportée à la route prévue.

Le vol devait décoller à 10 h 5, mais il a été retardé à cause de l'arrivée tardive de l'aéronef en provenance de Toronto. L'ACA088 a refoulé de la porte d'embarquement à 10 h 59 et a décollé de Shanghai à 11 h 23.

Étant donné la durée du vol, l'ACA088 comptait un équipage de conduite renforcé de 4 membres : un commandant de bord et un premier officier en service, ainsi qu'un premier officier de renfort et un pilote de relève. L'équipage de conduite a établi son horaire de travail avant le départ. Dans ce cas-ci, le commandant de bord et le premier officier en service devaient effectuer le décollage et établir le vol en croisière, puis le premier officier de renfort et le pilote de relève prendraient les commandes pendant 3 heures. Le commandant de bord et le premier officier en service prendraient ensuite la relève pendant les 3  heures suivantes, et ainsi de suite durant le reste du vol. Tous les membres de l'équipage de conduite possédaient les licences nécessaires pour effectuer le vol, conformément aux politiques d'Air Canada et au Règlement de l'aviation canadien (RAC).

Au total, 15 agents de bord étaient affectés à l'ACA088, dont 2 étaient des chefs de cabine. Ainsi, il y aurait toujours au moins 1 chef de cabine en service en tout temps. Au moment de l'événement à l'étude, 7 agents de bord et 1 chef de cabine se trouvaient au poste de repos du personnel de cabine.

Le système de conditionnement d'air no 1Note de bas de page 3 avait occasionnellement surchauffé lors de vols récents, y compris pendant le vol vers Shanghai. Le personnel de maintenance l'a inspecté au sol à Shanghai, mais n'a constaté aucun problème, et l'aéronef a été remis en service. À quelques reprises au cours des premières heures du vol à l'étude, on a constaté une surchauffe du système no 1. L'équipage de conduite a réussi à réinitialiser le système, et les 2 systèmes de conditionnement d'air ont bien fonctionné par la suite. Toutefois, on observait une fluctuation de la pression dans les gaines du système no 1.

Vers 16 h 35, le commandant de bord et le premier officier en service ont reçu un bulletin de renseignements météorologiques significatifs (SIGMET) du service de régulation des vols d'Air Canada par l'intermédiaire du système embarqué de communications, d'adressage et de compte rendu (ACARS). Ce SIGMET (appelé SIGMET I2) faisait état d'une zone de forte turbulence occasionnelle sur la route de l'ACA088 entre les niveaux de vol (FL) 260Note de bas de page 4 et FL400. Ce renseignement a également été transmis par l'Air Route Traffic Control Center (ARTCC) d'Anchorage de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis.

À 17 h 45, le premier officier de renfort et le pilote de relève ont relevé le commandant de bord et le premier officier en service, et les 4 membres d'équipage de conduite ont discuté du bulletin SIGMET I2. Le premier officier de renfort a assumé les fonctions de pilote aux commandes dans le siège de droite, tandis que le pilote de relève a assumé celles de pilote surveillant dans le siège de gauche. Comme pilote surveillant, le pilote de relève était également responsable des communications radio.

Le pilote de relève a communiqué avec le contrôleur d'Anchorage West afin de s'informer des conditions de vol pour la route et l'altitude de l'ACA088. Le contrôleur d'Anchorage West a répondu que l'on avait signalé de la turbulence de faible à modérée associée au courant-jet, mais qu'il n'y avait à ce moment aucun signalement de turbulence de modérée à forte au FL330.

Un Boeing 777 d'Air Canada, qui effectuait le vol 016 (ACA016), devançait l'ACA088 de 90 minutes sur la même route. Un troisième vol Air Canada, le 006 (ACA006) effectué par un Boeing 787, naviguait au FL390Note de bas de page 5 sur la même route. L'ACA006 se trouvait à 60 minutes de vol derrière l'ACA016 et à 30 minutes de vol devant l'ACA088 (figure 1).

Figure 1. Routes des vols ACA016, ACA006 et ACA088 et zone de turbulence prévue par le SIGMET I2
Routes des vols ACA016, ACA006 et ACA088 et zone de turbulence prévue par le SIGMET I2

Vers 17 h 55, l'ACA016 s'est trouvé dans de la turbulence de modérée à forte au FL350 près du point de cheminement GULKANA, dans la zone visée par le SIGMET I2. Ce renseignement a été transmis à l'ARTCC d'Anchorage par un compte rendu météorologique de pilote (PIREP). Le service de régulation des vols d'Air Canada a récupéré ce PIREP dans son logiciel de suivi des vols, mais ne savait pas qu'il provenait de l'ACA016. Les PIREP indiquent seulement le type d'aéronef duquel ils proviennent, mais pas le transporteur aérien. Le service de régulation des vols d'Air Canada a ensuite diffusé le PIREP à l'ACA088 par l'intermédiaire du système ACARS. L'ARTCC d'Anchorage a également transmis ce PIREP à l'ACA088.

L'ACA016 avait d'abord traversé une zone de forte turbulence au FL350 et avait reçu l'autorisation de l'ARTCC d'Anchorage pour voler entre le FL330 et le FL370. Pour sa part, l'ACA016 avait traversé une turbulence moins forte au FL330, mais avait choisi de remonter au FL350 pour survoler une couche de nuages.

À 18 h 10, l'ACA016 a de nouveau traversé une zone de forte turbulence au FL350, et il est de nouveau descendu au FL330; durant cet épisode, un agent de bord a été légèrement blessé. L'ACA016 a transmis cette information au service de régulation des vols d'Air Canada par l'intermédiaire du système ACARS et y a apporté des précisions une heure plus tard, à 19 h 5, avec un appel par téléphone satellite. Durant cet appel téléphonique de 5 minutes, on a discuté de l'intensité et de la durée de la turbulence et des fluctuations de vitesse anémométrique, et l'on a conclu que le FL330 offrirait une meilleure qualité de vol. Le service de régulation des vols d'Air Canada a transmis cette information à l'ACA088 à 19 h 9.

À 18 h 22, l'ACA006 a reçu, par l'intermédiaire du système ACARS, un message du service de régulation des vols d'Air Canada qui décrivait l'intensité de la turbulence et les écarts de vitesse anémométrique transmis par l'ACA016. À 18 h 50, l'ACA006 a envoyé un message par l'intermédiaire du système ACARS directement à l'ACA016 pour s'informer de la turbulence que ce dernier avait traversée. L'ACA016 a répondu que la turbulence avait duré de 15 à 20 minutes avec un intervalle de 5 minutes; il recommandait fortement un déroutement vers le sud. La recommandation n'a été transmise ni au service de régulation des vols d'Air Canada ni à l'ACA088.

La durée de la turbulence subie par l'ACA006 a été semblable à celle de l'ACA016, mais on a jugé que son intensité était modérée, et non forte.

Vers 18 h 50, soit environ 35 minutes avant que l'ACA088 pénètre dans la zone connue de turbulence de modérée à forte, le premier officier de renfort a appelé le chef de cabine pour lui dire qu'ils approchaient du courant-jet et que l'aéronef devant eux, qui volait à une altitude plus élevée, avait signalé une forte turbulence. Le premier officier de renfort a ensuite demandé au personnel de cabine d'interrompre le service cabine et de préparer la cabine, mesures qui étaient conformes au manuel d'exploitation d'Air CanadaNote de bas de page 6.

Le chef de cabine a demandé aux agents de bord de ranger tous les chariots de service et les objets non arrimés dans l'office, d'interrompre le service cabine, de faire des annonces aux passagers, et de circuler dans la cabine pour vérifier si les passagers avaient bouclé leur ceinture et rangé leurs objets non arrimés. L'éclairage dans la cabine est demeuré en veilleuse, réglé à faible niveau.

Pendant que l'on préparait la cabine, on a fait plusieurs annonces en anglais, en français et en mandarin. Ces annonces étaient conformes aux procédures d'Air Canada (voir la section 1.17.3 du présent rapport).

À 19 h 22, l'ARTCC d'Anchorage a informé l'ACA088 que l'on avait signalé de la turbulence de modérée à forte aux FL280 et FL350, et de la turbulence modérée au FL390 entre la position actuelle de l'aéronef et le point de cheminement GULKANA. L'équipage de conduite de l'ACA088 a choisi de demeurer au FL330, sa route prévue au plan de vol, en fonction de l'information reçue du service de régulation des vols d'Air Canada et de l'ARTCC d'Anchorage, et des indices visuels qui laissaient croire qu'il y aurait moins de turbulence au FL330.

Juste avant que l'ACA088 pénètre dans la zone de turbulence, un passager assis dans la rangée 1 en classe affaires s'est levé pour se rendre aux toilettes. À ce moment, tous les agents de bord étaient assis avec leurs ceintures sous-abdominales et leurs ceintures-baudriers bouclées. Le chef de cabine a demandé au passager de retourner à son siège, mais le passager a insisté pour aller à la toilette. Alors que le passager retournait à son siège, l'aéronef a traversé une première zone de turbulence, et le passager a été projeté au plafond, puis au plancher.

Après ce premier épisode de turbulence, l'ACA088 a changé de cap de 30° vers la droite.

Ce premier épisode a duré 2 minutes, et on a décrit la turbulence comme étant de modérée à forte. Il a été suivi d'un deuxième épisode de turbulence de faible à modérée qui a duré environ 8 minutes. Immédiatement après, un troisième épisode de turbulence de modérée à forte est survenu, qui a duré 7 minutes et 30 secondes (figure 2). C'est ce troisième épisode qui a fait le plus grand nombre de blessés.

Figure 2. Lieu, heure et intensité des turbulences subies par le vol ACA088
Lieu, heure et intensité des turbulences subies par le vol ACA088

De 19 h 26 à 19 h 35, le système d'affichage des paramètres réacteurs, de mise en garde et d'alarme (EICAS) a affiché le message « BLEED LEAK R », qui indiquait une défaillance du système de conditionnement d'air no 2. Comme le système de conditionnement d'air no 1 avait surchauffé plus tôt, l'équipage de conduite craignait une perte totale de pressurisation en cas de nouvelle défaillance alors que le système no 2 était en panne. Une perte de pressurisation aurait exiger une descente à une altitude d'au plus 13 000 pieds; à ce stade du vol, toutefois, l'altitude sécuritaire de franchissement d'obstacles était de 18 600 pieds.

Une fois la turbulence passée, le commandant de bord et le premier officier en service sont retournés au poste de pilotage. Ils ont eu de la difficulté à ouvrir la porte, celle-ci étant bloquée par des objets (papiers, uniformes, etc.) qui jonchaient le poste de pilotage. Une fois que ces 2 membres d'équipage sont entrés dans le poste de pilotage, le premier officier de renfort et le pilote de relève ont pris place dans les strapontins et sont demeurés en fonction pour aider le commandant de bord en service.

Le premier officier de renfort s'est par la suite rendu dans la cabine pour évaluer la situation, puis en donner un aperçu au commandant de bord, et l'aider à déterminer la marche à suivre. Pendant qu'il était dans la cabine, le premier officier de renfort a rassuré les passagers et répondu à leurs questions, ce qui les a calmés.

Un parodontiste parmi les passagers a aidé le personnel de cabine à donner les premiers soins aux passagers blessés. On a consigné le nombre de blessés et la nature de leurs blessures et transmis ces renseignements au commandant de bord en service. Celui-ci a informé le service de régulation des vols d'Air Canada et a discuté des options de déroutement. Un déroutement vers Vancouver (Colombie-Britannique, la plus proche destination convenable) aurait exigé une montée à des altitudes plus élevées pour franchir le relief montagneux. On a décidé qu'il était essentiel de changer de cap pour contourner le relief montagneux et de naviguer à une altitude moins élevée, l'aéronef étant privé de l'un de ses systèmes de conditionnement d'air.

L'ACA088 a maintenu sa route vers les Territoires du Nord-Ouest et le nord de l'Alberta, puis vers Calgary (Alberta). On a envisagé Edmonton (Alberta) comme aéroport de dégagement, mais on a choisi Calgary pour des motifs d'évitement de relief, de maintenance, et de commodité pour les passagers qui devraient faire une correspondance. De plus, l'aéronef devrait effectuer un atterrissage en surcharge : la piste plus longue à Calgary permettrait d'éviter la surchauffe des freins durant le roulement à l'atterrissage.

Avant l'atterrissage, on a informé les passagers que les services médicaux d'urgence monteraient à bord à la porte d'embarquement pour évaluer les blessés et les débarquer en priorité. Le débarquement a pris environ 1 heure.

Photo 1. Bloc service passagers endommagé au siège 35K
Bloc service passagers endommagé au siège 35K

1.2 Victimes

La plupart des blessures consistaient en des entorses, des foulures, des ecchymoses et des égratignures. Les passagers blessés étaient à différents endroits dans la cabine (annexe A). Un passager en classe affaires a été coupé par un verre brisé, et 1 passager grièvement blessé a dû être hospitalisé pendant un certain temps. Les blessures ont été causées par des chocs contre le plafond, le plancher et les aménagements de la cabine.

Les épisodes de turbulence de modérée à forte étaient caractérisés par une importante force g négative, suivie aussitôt d'une force g positive. La hauteur du plafond d'un Boeing 777 est de 2,4 mètres dans les couloirs, et de 1,6 mètre au siège côté hublot. Plusieurs blocs service passagers ont été endommagés lorsque des passagers ont été projetés contre le plafond durant l'épisode de force négative (photo 01). Le passager qui a été grièvement blessé était assis près de la porte G4 (annexe A) : il a été projeté vers le haut, puis contre le plancher près de la porte.

La plupart des passagers qui ont subi des blessures physiques savaient qu'ils devaient porter leur ceinture de sécurité, mais ont choisi de ne pas le faire. Deux d'entre eux dormaient et n'ont pas entendu l'annonce à ce sujet.

Aucun ensemble de retenue d'enfant n'était utilisé à bord de l'aéronef, et leur utilisation n'était pas obligatoire en vertu de la réglementation. Les 2 enfants en bas âge étaient retenus dans les bras de leur gardien et n'ont pas été blessés. Le personnel de cabine est venu en aide à 3 passagers décrits comme étant des enfants (âgés de 2 à 13 ans). Aucune blessure physique et aucun problème associé au port de la ceinture de sécurité n'a été signalé.

Tableau 1. Victimes
  Équipage Passagers Autres Total
Tués 0
Blessés graves 1 1
Blessés légers 20 20
Aucune 19 311 330
Total 19 332 351

1.3 Dommages à l'aéronef

Les dommages causés à l'aéronef étaient limités aux aménagements de la cabine et à la défaillance d'un collier en V installé sur une gaine du système de conditionnement d'air no 2.

1.4 Autres dommages

Sans objet.

1.5 Renseignements sur le personnel

Tableau 2. Renseignements sur le personnel
  Commandant de bord Premier officier Premier officier de renfort Pilote de relève
Licence de pilote Licence de pilote de ligne Licence de pilote de ligne Licence de pilote de ligne Licence de pilote de ligne
Date d'expiration du certificat médical 1er déc. 2016 1er févr. 2016 1er janv. 2017 1er mars 2016
Heures totales de vol 22 529 13 906 19 738 5 221
Heures de vol sur ce type 5 061 5 814 1 459 1 453
Heures de vol – 7 derniers jours 12 13 12 12
Heures de vol – 90 derniers jours 159 84 62 132
Heures de service avant l'événement à l'étude 11 11 11 11
Heures de congé avant la période de travail 24 24 24 24

L'équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

Tableau 3. Renseignements sur l'aéronef
Constructeur The Boeing Company
Type, modèle et immatriculation 777-333ER, C-FRAM
Année de construction 2008
Numéro de série 35250
Date d'émission du certificat de navigabilité 25 juin 2008
Nombre total d'heures de vol cellule 39 452 heures
Type de moteur (nombre de moteurs) General Electric, GE90-115B (2)
Masse maximale autorisée au décollage 351 534 kg
Types de carburant recommandés Jet A, Jet A-1
Type de carburant utilisé Jet A-1

L'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément aux règlements en vigueur et aux procédures approuvées. La masse et le centrage se trouvaient dans les limites prescrites.

1.7 Renseignements météorologiques

1.7.1 Généralités

Les vols long-courriers posent des défis particuliers, entre autres celui de prédire les conditions météorologiques. Les prévisions météorologiques pour les lignes long-courriers peuvent s'obtenir jusqu'à 20 heures avant l'heure d'arrivée. Plus les prévisions météorologiques sont à long terme, moins elles sont précises. Pour garantir la sécurité des vols, les compagnies aériennes utilisent un système de régulation et de suivi des vols qui transmet l'information météorologique à l'équipage de conduite à l'aide de un ou plusieurs des moyens suivants :

Le service de régulation des vols peut également transmettre l'information par l'intermédiaire du contrôle de la circulation aérienne.

Avant le départ, l'équipage de conduite de l'ACA088 a reçu le plan de vol exploitation (OFP), qui comprenait les prévisions météorologiques pour la route. Ces renseignements météorologiques avaient été préparés pour Air Canada par un fournisseur tiers. La phase en route de ces renseignements comprend des cartes à vue en plan qui montrent les données sur les vents et la température de l'air à divers niveaux de vol; une vue latérale montrant l'information sur les vents et la température pour la route; les comptes rendus de pilotes de vols d'Air Canada; et des cartes de prévision du temps significatif. Toutes ces cartes sont monochromes pour en faciliter l'impression aux nombreux endroits où Air Canada mène ses activités. L'OFP ne comprenait aucune carte particulière de turbulence ni carte qui indiquait les ondes orographiques.

La route d'un vol transpacifique depuis l'Asie vers l'Amérique du Nord suit habituellement une orthodromieNote de bas de page 7 (le plus possible, en tout cas) qui traverse les régions polaires. L'hiver, ces routes traversent 2 masses d'air dominantes au-dessus de l'océan Pacifique Nord, une masse d'air arctique et une masse d'air polaire. Les cartes du temps significatif indiquent souvent des zones de turbulence modérée dans cette région en saison hivernale.

L'OFP préparé pour l'ACA088 s'écartait de 550 milles marins (nm) de la route orthodromique idéale afin que le vol, compte tenu de l'heure de son passage, puisse éviter les régions polaires qui risquaient d'être exposées à des éruptions solairesNote de bas de page 8. Selon la route retenue, l'aéronef devait traverser un courant-jet soufflant du sud vers le nord au-dessus de l'Alaska. La route de l'ACA088 devait nécessairement traverser le courant-jet à un moment donné. Pour l'éviter, il aurait fallu s'en écarter excessivement, ce qui était peu réaliste. La carte du temps significatif qui faisait partie de l'OFP montrait la trajectoire du courant-jet et une zone de turbulence modérée connexe sur la route de l'aéronef près du sud de l'Alaska (annexe B).

À mesure que progressait le vol, les prévisions de départ qui annonçaient de la turbulence modérée ont été mises à jour par le SIGMET I2, qui faisait état de forte turbulence, ce qui a ensuite été confirmé par des PIREP. L'équipage de conduite de l'ACA088 a pu recevoir ces renseignements météorologiques ainsi que d'autres renseignements tout au long du vol.

1.7.2 Courants-jets

Les zones de transition entre masses d'air peuvent donner lieu à du temps significatif. Pour les aéronefs en vol de croisière, cela se traduit fréquemment par de la turbulence associée aux courants-jets. Le courant-jet est un couloir étroit de vents violents créé par la différence de température entre 2 masses d'air. Les vents du courant-jet soufflent habituellement de 80 à 120 nœuds, mais ils peuvent atteindre 240 nœudsNote de bas de page 9. La turbulence en ciel clair (CAT) associée au courant-jet est fréquente près de la tropopauseNote de bas de page 10. Pour l'ACA088, la hauteur prévue de la tropopause se situait entre le FL290 et le FL330. Dans l'événement à l'étude, le courant-jet que le vol a croisé devait souffler à 130 nœuds, avec de la CAT prévue entre le FL290 et le FL330. L'enregistreur numérique de données de vol (DFDR) de l'ACA088 a enregistré des vents soufflant jusqu'à 120 nœuds aux environs d'Anchorage. Quelques minutes avant le premier épisode de forte turbulence pour l'ACA088, les vents enregistrés avaient diminué à 70 nœuds.

Une méthode stratégique pour éviter la turbulence consiste à planifier les routes en fonction des conditions prévues. On peut aussi l'éviter selon une méthode tactique, soit en modifiant les routes ou altitudes en fonction des mises à jour météorologiques, des formations nuageuses et des PIREP, et en observant les changements de la température extérieure (OAT). La température de l'air statique (SAT) enregistrée par le DFDR de l'ACA088 indiquait une baisse de 15 °C de la température au cours des 25 minutes qui ont précédé la turbulence.

La topographie est un autre facteur qui peut accroître l'intensité de la turbulence associée au courant-jet. Si le courant-jet franchit un relief montagneux à angle droit, il occasionne souvent des ondes orographiques et une forte turbulence connexe du côté sous le vent des montagnes. La présence de montagnes peut causer de la turbulence dans une large amplitude altitudinale.

Les routes de l'ACA088, de l'ACA016 et de l'ACA006 se trouvaient toutes dans les parages de la chaîne côtière méridionale de l'Alaska. La zone visée par le SIGMET I2 se trouvait sous le vent de la zone où l'on prévoyait que le courant-jet franchirait la chaîne côtière méridionale.

D'après la circulaire d'information de la FAA, intitulée « Clear Air Turbulence Avoidance », relative à la turbulence engendrée par les courants-jets en régions montagneuses :

[traduction]

6.7.2 Les courants-jets de plus de 110 nœuds (en leur cœur) peuvent générer une forte turbulence près de la pente de la tropopause au-dessus du cœur, dans le front de courant-jet sous le cœur, et sur le côté basse pression du cœur.

6.7.3 Le cisaillement du vent et la CAT qu'il génère dans les courants-jets sont plus prononcés au-dessus et sous le vent des plages d'ondes orographiques. Il convient de prévoir de la CAT lorsqu'une route traverse un puissant courant-jet aux environs de reliefs montagneuxNote de bas de page 11.

La dernière fois que l'équipage de conduite de l'ACA088 avait reçu de l'information sur les courants-jets et la turbulence remontait à une formation suivie en 2011 et en 2012Note de bas de page 12. Les régulateurs de vol d'Air Canada avaient également suivi une formation sur le temps propice à la CAT et les courants-jetsNote de bas de page 13. Ni l'une ni l'autre de ces formations n'abordait spécifiquement les conditions que génèrent les courants-jets qui franchissent un relief montagneux.

1.8 Aides à la navigation

Sans objet.

1.9 Communications

Air Canada utilise un système de contrôle d'exploitation de type « A » approuvé par Transport Canada (TC) pour appuyer ses opérations aériennes. Le centre d'exploitation à Toronto fournit des exposés météorologiques, assure le contrôle du chargement et effectue le suivi des vols d'Air Canada. Un vol est autorisé lorsque le régulateur de vol approuve l'OFP et le commandant de bord l'accepte. Les OFP doivent être émis au plus tard 90 minutes avant l'heure de départ prévue.

L'OFP comprend de l'information sur la route, le contrôle du chargement, la météo, les avis aux aviateurs (NOTAM)Note de bas de page 14 et d'autres informations pertinentes au vol. Il incombe au commandant de bord d'examiner ces informations, d'y apporter des corrections ou des modifications de concert avec le service de régulation des vols et, une fois qu'il a accepté le plan de vol, de faire un breffage aux autres membres de l'équipage de conduite et au personnel de cabine.

D'après le manuel de régulation des vols d'Air Canada :

[traduction]

Il incombe au régulateur de vol de planifier des routes à des altitudes qui satisfont aux exigences suivantes :

Le manuel de régulation des vols énonce clairement que, lorsque l'on établit une route [traduction] « certains facteurs opérationnels, comme l'évitement de la turbulence ou du mauvais temps, peuvent l'emporter » sur les considérations d'économies de coûtsNote de bas de page 16.

D'après la section du manuel de régulation des vols qui traite de la forte turbulence :

[traduction]

La turbulence forte ou extrême peut gravement endommager l'intégrité structurale d'un avion de ligne, sans compter l'effet qu'elle peut avoir sur le confort des passagers et le service en vol. On doit examiner soigneusement les cartes TEMSI (temps significatif) et éviter autant que possible les zones connues de forte turbulence, soit en les contournant, soit en choisissant un niveau de vol différent.

On peut également s'attendre à de la turbulence en ciel clair (CAT) dans les conditions suivantes :

Le régulateur de vol doit être au courant des effets de la turbulence et de la vitesse de cisaillement sur la performance de l'aéronef à son altitude maximale ou proche de celle-ci.

Nota :

Les vitesses de cisaillement élevées sont endémiques dans certaines régions du globe, comme l'Atlantique Nord et le Pacifique Nord en hiver. Par conséquent, il peut s'avérer difficile de les éviter malgré une planification judicieuse des vols.

Une fois qu'un vol est en cours, on doit tenir les équipages de conduite au fait de tout changement aux zones de turbulence et leur transmettre le plus rapidement possible tout SIGMET ou PIREP que l'on reçoit à propos de ces zonesNote de bas de page 18.

Les procédures d'utilisation normalisées (SOP) d'Air Canada comprennent une procédure pour transmettre les comptes rendus des pilotes sur la turbulence par l'intermédiaire du système ACARS. Cette procédure fait également partie du manuel de référence rapide intitulé Boeing B777 Quick Reference Handbook (QRH) – Normal. On recueille et verse les comptes rendus des pilotes dans le système PIREP dont se servent les régulateurs de vol et pilotes d'Air Canada pour effectuer la planification prévol et prendre des décisions en route en fonction de la météo. La page du QRH qui traite des comptes rendus de turbulence précise 7 niveaux d'intensité et 3 niveaux de fréquence de la turbulence. Les équipages de conduite de l'ACA006 et de l'ACA016 n'ont pas utilisé la fonction PIREP du système ACARS pour signaler la turbulence. L'équipage de conduite de l'ACA088 s'est servi de l'échelle de turbulence décrite dans le QRH, mais a transmis cette information au service de régulation des vols dans un message ACARS générique.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

Sans objet.

1.11 Enregistreurs de bord

1.11.1 Enregistreur numérique de données de vol

L'enregistreur numérique de données de vol (DFDR) a enregistré 25 heures de données de bonne qualité. Cet appareil n'enregistre pas la position du bouton poussoir de consigne lumineuse ceintures sur le panneau supérieur du poste de pilotage.

Le DFDR a toutefois enregistré 2 épisodes de forte turbulence à partir des accéléromètres de l'aéronef (annexe C). Le DFDR ne mesure pas l'intensité de la turbulence. Pour déterminer celle-ci, il faut tenir compte du temps écoulé entre les changements d'accélération. Durant le premier épisode, l'appareil a enregistré des forces d'accélération verticale maximales de + 1,7gNote de bas de page 19 et + 0,14 g. Durant le second épisode, les forces d'accélération verticale maximales enregistrées étaient de + 2,21g et −1,32 g.

Durant le second épisode, l'inclinaison de l'aéronef a varié de 10° à 15° à gauche et à droite. Aucun écart important d'assiette longitudinale ou de lacet n'a été enregistré. Avant que l'aéronef pénètre dans la zone de turbulence, l'altitude enregistrée était de 33 000 pieds. L'altitude a ensuite varié de 32 868 pieds à 33 383 pieds durant les 21 minutes qu'a duré l'épisode de turbulence. L'appareil a enregistré des vitesses anémométriques calculées qui ont oscillé de 261 à 320 nœuds, et une activation momentanée du vibreur de manche 27 secondes après le début du premier épisode.

La turbulence dans laquelle s'est trouvé l'ACA016 était semblable à celle qu'a croisée l'ACA088 90 minutes plus tard, mais pas tout à fait aussi forte. On a analysé le DFDR de l'ACA016 au Laboratoire du BST. Lorsque l'on a comparé les 2 vols, les données d'accélération ont montré 31 cas où les forces d'accélération verticale changeaient plus rapidement pour l'ACA088 que pour l'ACA016.

1.11.2 Enregistreur numérique de conversations de poste de pilotage

L'enregistreur numérique de conversations de poste de pilotage (CVR) à bord de l'ACA088 enregistre en boucle 2 heures de données. L'ACA088 a atterri à Calgary 2 heures et 45 minutes après l'épisode de turbulence. Par conséquent, l'événement a été écrasé, y compris toute annonce faite dans la cabine avant et durant l'épisode de turbulence. L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a proposé des modifications à l'annexe 6 de la Convention relative à l'aviation civile internationale qui exigeraient que tout avion de ligne neuf de plus de 27 000 kg soit muni d'un CVR d'une capacité d'enregistrement de 25 heures, à compter de 2021.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

Après l'arrivée de l'ACA088 à Calgary, le personnel de maintenance d'Air Canada a soumis l'aéronef à une inspection en cas de forte turbulenceNote de bas de page 20. Lorsque le personnel a ouvert la trappe d'accès à la baie du système de conditionnement d'air no 2, un collier en VNote de bas de page 21 est tombé de l'aéronef. Une inspection du collier a permis de constater qu'il s'était ouvert à cause d'une défaillance de la bande de serrage à boulon à T, expliquant pourquoi la gaine s'était détachée du robinet de réglage de débit. On a déterminé qu'il s'agissait de la source du message « BLEED LEAK R » du système EICAS qu'a lu l'équipage de conduite durant l'épisode de turbulence.

Les colliers en V sont des dispositifs de raccordement utilisés dans les ensembles pneumatiques de gaines et avec les composants d'air de prélèvement. On les assemble en serrant l'écrou de serrage, ce qui exerce une force radiale vers l'intérieur sur le collier. La tension dans la bande génère une charge axiale sur les surfaces de contact à cause de l'effet de coinçage du collierNote de bas de page 22.

L'installation normale d'un collier en V se fait comme suit :

  1. Appliquer un couple initial de 50 à 60 pouces-livres à l'écrou de serrage.
  2. Taper l'extérieur du collier avec une massette en commençant du côté opposé du boulon à T et en progressant vers celui-ci. Répéter cette étape des 2 côtés du collier.
  3. Serrer de nouveau l'écrou de serrage à 50 à 60 pouces-livres, puis taper l'extérieur du collier comme à l'étape 2.
  4. Répéter jusqu'à ce que moins d'un demi-tour de serrage suffise pour atteindre le couple requis pour l'écrou de serrage.

Ainsi, le collier sera fermement fixé aux brides des gaines. Boeing ajoute une mise en garde mentionnant de ne pas serrer les colliers tant que toutes les gaines ne sont pas correctement alignées pour éviter les fuites et les dommages au systèmeNote de bas de page 23.

Sur un collier en V serré correctement, 0,5 pouce ou plus de filetage devrait être exposé sur le boulon à T. Dans le cas du collier en V en cause, 1,01 pouce de filetage était exposé. Les instructions de maintenance n'indiquent pas de nombre maximal de pouces de filetage qui devrait être exposé.

Le collier en V en cause avait été installé à bord de l'aéronef de l'événement durant sa construction. Le 2 décembre 2015, le personnel de maintenance avait manipulé ce collier lors du remplacement de robinets de réglage de débit.

Après l'événement, on a envoyé le collier en V au Laboratoire du BST aux fins d'analyses plus approfondies. L'examen a indiqué que la défaillance du collier était attribuable à des criques de fatigue qui se sont formées dans la bande du collier. On a noté des contraintes circonférentielles dans la bande. Ces contraintes ont été causées par le serrage du boulon à T durant l'installation ou la maintenance du collier.

Boeing a été informé de plusieurs cas antérieurs de défaillance de ce collier, à cet endroit et à des endroits adjacents, qui ont provoqué des messages « BLEED LEAK L/R » et « BLEED LOSS L/R » du système EICAS. Boeing a soumis plusieurs colliers qui ont cédé à des essais de vibration et a pu reproduire la défaillance. Toutefois, la source de ces défaillances ne se situait pas aux points de soudure comme c'était le cas dans l'aéronef de l'événement. Les essais ont permis d'observer une réaction du boulon à T selon sa position par rapport à la tige de robinet à papillon sur le robinet de réglage de débit. Comme mesure intérimaire, Boeing a étudié la possibilité de tourner le collier en V afin d'éviter le point de charge accrue engendré par l'écoulement d'air en aval du robinet à papillon sur le robinet de réglage de débit. Le 5 janvier 2015, Boeing a publié des procédures de maintenance révisées qui indiquaient d'orienter le boulon à T de manière à ce qu'il soit à 90° ± 5° de l'axe de la tige du robinet à papillon.

Sur l'aéronef en cause, on n'a pas pu déterminer l'orientation du collier en V qui a cédé, étant donné qu'il était tombé de l'aéronef. Toutefois, le collier en V du système de conditionnement d'air no 1 était orienté conformément à la procédure révisée.

Par suite des cas antérieurs de défaillance de colliers, Boeing a mis au point un nouveau collier qui comprend des rivets (au lieu de points de soudure) et peut supporter des charges accrues. Ces nouveaux colliers sont entrés dans la production d'avions neufs en mars 2010. Le 31 mars 2011, Boeing a publié la révision 1 du bulletin de service 777-21-0145 pour la flotte d'aéronefs 777. Ce bulletin informait les exploitants qu'ils pouvaient désormais installer le nouveau collier sur les aéronefs plus âgés. D'après ce bulletin de service :

[traduction]

La mise en œuvre du présent bulletin de service préviendra le bris prématuré des brides sur les gaines du bloc de conditionnement d'air. Des brides endommagées ou brisées pourraient entraîner une fuite de gaine du bloc de refroidissement pendant toute la durée d'un vol, ainsi que la perte d'un bloc de conditionnement d'air ou le déroutement d'un volNote de bas de page 24.

Ni l'un ni l'autre des colliers en V à bord de l'aéronef en cause n'avait été remplacé par le nouveau modèle plus solide comme le recommandait Boeing dans son bulletin de service.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Sans objet.

1.14 Incendie

Il n'y a pas eu d'incendie.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

Sans objet.

1.16 Essais et recherches

1.16.1 Ceintures de sécurité

Les renseignements recueillis durant l'enquête confirment que la consigne lumineuse ceintures était allumée, que plusieurs annonces avaient été faites dans 3 langues, et que les agents de bord avaient vérifié que les passagers se conformaient aux consignes avant que l'aéronef pénètre dans la zone de turbulence.

Après l'atterrissage à Calgary, on a inspecté l'aéronef pour s'assurer que les consignes lumineuses et carillons ceintures fonctionnaient bien partout dans la cabine et pour vérifier la sûreté et l'état des ceintures des sièges des passagers blessés. Plus précisément, on a vérifié les sangles, les boucles et les points d'attache à la structure des sièges. Les ceintures de sécurité n'étaient pas défectueuses et n'avaient fait l'objet d'aucun rapport de défaillance. Les consignes lumineuses et carillons ceintures fonctionnaient normalement.

1.16.2 Ensembles de retenue d'enfant

En 2015, après son enquête sur un atterrissage interrompu à bas régime et collision avec le relief survenu à Sanikiluaq (Nunavut) en décembre 2012 (rapport d'enquête aéronautique A12Q0216 du BST), le BST a conclu qu'en cas d'accident ou de turbulence, les bébés et les enfants mal retenus courent le risque de se blesser et de perdre la vie et pourraient blesser ou causer la mort d'autres passagers. Le Bureau a de plus établi que, jusqu'à l'adoption de nouveaux règlements sur l'utilisation d'ensembles de retenue d'enfant, les bébés et jeunes enfants assis sur les genoux sont exposés inutilement à des risques et ne bénéficient pas d'un niveau de sécurité équivalent à celui des passagers adultes. Par conséquent, le Bureau a recommandé que

le ministère des Transports travaille avec l'industrie pour mettre au point des ensembles de retenue convenant à l'âge et à la taille des bébés et des jeunes enfants voyageant à bord d'aéronefs commerciaux et qu'il en oblige l'utilisation afin d'assurer un niveau de sécurité équivalent à celui des adultes.
Recommandation A15-02 du BST

Dans sa réponse à cette recommandation, TC a déclaré notamment que

Au cours de l'exercice 2016/2017, le Ministère mènera un examen en profondeur en matière de réglementation sur la question. Le Ministère devrait publier une communication qui articulerait son intention de déterminer les méthodes les plus performantes pour répondre aux recommandations, il devrait ensuite exposer son plan et consulter les intervenants de l'industrie.

Transports Canada poursuivra sa participation et son soutien aux efforts internationaux visant à améliorer la sécurité des passagers, notamment par le biais du Groupe de travail de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) sur la sécurité des passagers, et aux activités de suivi dans l'optique d'une harmonisation avec les partenaires étrangers.

Le BST a évalué la réponse de TC en avril 2016. Dans son évaluation, le Bureau affirme notamment que

Le Bureau juge encourageant que Transports Canada a commencé à prendre des mesures et prépare un examen exhaustif afin de remédier à cette lacune de sécurité. Toutefois, le Bureau remarque également que l'OACI a publié des lignes directrices à l'intention des organismes de réglementation sur l'application de la réglementation à propos des dispositifs de retenue d'enfant. Cette documentation pourrait accélérer l'examen de la réglementation prévu.

Bien que les actions qu'entend prendre Transports Canada à moyen et long termes puissent avoir des avantages, le BST n'est pas en mesure de déterminer si ces actions aboutiront à des solutions pour assurer aux bébés et aux jeunes enfants un niveau de sécurité équivalent à celui des adultes.

Par conséquent, la réponse à la recommandation A15-02 a été jugée comme dénotant une intention satisfaisante.

1.16.3 Comportement des passagers et port de la ceinture de sécurité

1.16.3.1 Études comparatives

Peu importe le mode de transport, les passagers peuvent utiliser ou non la ceinture de sécurité. Quoique le port de la ceinture de sécurité à bord de véhicules routiers soit obligatoire depuis de nombreuses années, TC reconnaît que le meilleur taux de conformité des occupants de véhicules au Canada, peu importe la place qu'ils occupent dans le véhicule, n'est encore que de 95 % environ. D'après ces données, quelque 5 % des occupants de véhicules ne bouclent toujours pas leur ceintureNote de bas de page 25, malgré un risque évident et immédiat pour leur vie et l'imposition d'amendes et de points d'inaptitude à leur dossier.

Aux États-Unis [traduction] « si le taux d'occupants des sièges avant qui portent la ceinture de sécurité le jour […] est de 87 %, ce taux est considérablement plus faible dans les États dont les lois ne prévoient pas la mise en application du port de la ceinture obligatoire et parmi les passagers des sièges arrièreNote de bas de page 26 ». De plus [traduction] « en 2013, on a constaté que près de 50 % des quelque 20 000 occupants de véhicules (et plus) mortellement blessés n'étaient pas attachésNote de bas de page 27 ».

En Chine, pays d'origine de la plupart des passagers à bord de l'ACA088, ces taux sont encore plus faiblesNote de bas de page 28. De 2005 à 2007, on avait observé dans 2 villes de l'est de la Chine adjacentes à Shanghai (Nanjing [province du Jiangsu] et Zhoushan [province du Zhejiang]) les tendances de 95 933 occupants des sièges avant et arrière de véhicules routiers à boucler leur ceinture en milieu urbain. Le taux de port de la ceinture oscillait entre 47 % et 49 % pour les conducteurs, et entre 1 % et 9 % pour les passagers avant. Il était encore plus faible pour les passagers arrière. Ces taux ont considérablement diminué d'une année à l'autre. Dans une étude ultérieureNote de bas de page 29, des groupes de discussions étaient d'accord pour imposer des amendes aux conducteurs et donner des avertissements aux passagers avant. On estimait toutefois que le port de la ceinture de sécurité n'était pas vraiment nécessaire pour les passagers arrière, peu importe le type de route. On a évoqué le manque de confort et l'incommodité comme principales raisons de négliger le port de la ceinture de sécurité.

1.16.3.2 Influer sur les comportements

Selon une étude réalisée par l'Australian Transport Safety BureauNote de bas de page 30, les communications de sécurité dans la cabine sont généralement peu efficaces.

[traduction]

L'étude a conclu que de nombreux facteurs nuisent à l'efficacité de la communication, notamment : l'excès de confiance des passagers; les perceptions négatives sur la pertinence; le faible taux de conformité des passagers; des niveaux variables de compréhension; des communications qui ne captivent pas leur auditoire; les normes sociales négatives.

Trois principales influences sociales peuvent conditionner les passagers à porter la ceinture de sécurité : le conformisme, l'acquiescement et l'obéissanceNote de bas de page 31, Note de bas de page 32.

  1. Conformisme. Le conformisme est une influence sociale passive. Si la norme sociale qui prévaut dans une cabine est favorable au port la ceinture de sécurité, un passager pourrait se conformer uniquement parce qu'il sent qu'il le doit ou parce qu'il craint la désapprobation sociale s'il ne le fait pas. Si la norme sociale veut que l'on ignore les communications de sécurité, un passager pourrait décider de ne pas s'attacher. Dans ce cas-là, l'expérience de vol du passager ou le besoin d'être perçu comme un voyageur détendu et sûr de lui pourrait guider son choixNote de bas de page 33.
  2. Acquiescement. En l'absence de nécessité de se conformer (1), un passager pourrait boucler sa ceinture de sécurité en acquiesçant volontairement à une demande active. Ce geste n'exige pas du passager qu'il reconnaisse l'importance de la ceinture de sécurité ou y accorde crédit. L'acquiescement du passager à la demande de boucler sa ceinture de sécurité peut dépendre de ses motifs ou de la perception qu'il a du personnel qui lui demande de le faire.
  3. Obéissance. Nonobstant la nécessité de se conformer (1) ou d'acquiescer à une demande (2), un passager pourrait boucler sa ceinture de sécurité comme suite à une instruction active venant d'une figure d'autorité qui implique une conséquence en cas de désobéissance.

Si un passager n'est pas motivé à se conformer socialement (1), à acquiescer à la demande du personnel (2) ou à obéir aux ordres (3), on pourrait toujours influer sur lui ainsi :

  1. Persuasion. La persuasion consiste à tenter activement de changer l'attitude, les convictions ou les sentiments, et potentiellement, le comportement d'un passager. Cette démarche peut comprendre l'éducation sur les risques et dangers de la turbulence, et les avantages de la ceinture de sécurité comme outil d'atténuation. Une fois convaincu, le passager pourrait porter la ceinture de sécurité parce qu'il estime que c'est ce qu'il y a de mieux à faire, peu importe si on le lui demande ou si la loi l'y oblige.

Pour accroître l'utilisation de la ceinture de sécurité et des ensembles de retenue d'enfant dans les véhicules motorisés, la National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis recommande une approche à 3 volets : des lois accompagnées de mesures d'application (qui pourraient favoriser l'obéissance au point [3] ci-dessus), et l'éducation (qui pourrait influencer les attitudes et convictions au point [4] ci-dessus)Note de bas de page 34. Dans le cas des études sur le port de la ceinture de sécurité menées en Chine, des participants ont jugé que des vidéos d'accidents où les passagers ne portaient pas de ceinture de sécurité pourraient être efficaces pour en favoriser l'utilisation, surtout si les accidents se déroulaient à vitesse relativement basseNote de bas de page 35.

Le NTSB a recommandé des lois et des mesures d'application pour accroître le port de la ceinture de sécurité dans les voituresNote de bas de page 36. Un examen des études scientifiques sur le port de la ceinture de sécurité aux États-Unis démontre que pour en augmenter l'adoption, les mesures punitives directes (contravention pour le non-usage de la ceinture de sécurité) sont plus efficaces que les mesures indirectes (donner une contravention seulement si la personne a enfreint un autre règlement)Note de bas de page 37.

1.16.3.3 Directives de sécurité

La FAA a publié en 2011 une lettre d'information spéciale sur la sécurité qui soulignait que [traduction] « la turbulence est la principale cause de blessures durant les vols », et que « la réglementation exige le port de la ceinture de sécuritéNote de bas de page 38 ». En 2012, l'Association du transport aérien international (IATA) a elle aussi publié des directives sur la gestion de la turbulenceNote de bas de page 39. Ce document insistait sur l'importance d'avoir une politique préventive sur le port de la ceinture de sécurité afin de mieux gérer la turbulence. Ces directives portaient sur : l'information de sécurité prévol; le port de la ceinture de sécurité durant le vol; la combinaison de la consigne lumineuse ceintures, d'annonces aux passagers, de vérifications de conformité à la consigne, et d'interventions par l'équipage de conduite avant et durant la turbulence. TC a par la suite émis une Circulaire d'information spéciale en 2014Note de bas de page 40 sur le port des ceintures de sécurité en vol qui recommandait de personnaliser les annonces sur le port de la ceinture en fonction de l'intensité et de la durée approximatives de la turbulence prévue; la Circulaire comportait aussi des renseignements supplémentaires sur les risques que pose la turbulence.

Le RAC ne contient aucune exigence sur la communication aux passagers d'information particulière sur la turbulence ou ses effets.

1.16.4 Rapports du laboratoire du BST

Le BST a complété les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur l'organisme et sur la gestion

1.17.1 Consigne lumineuse ceintures et annonces aux passagers

L'IATANote de bas de page 41 et TC recommandent d'utiliser la consigne lumineuse ceintures uniquement durant le décollage et l'atterrissage et dans les zones de turbulence pour éviter de désensibiliser les passagers face à son utilisation. Conformément aux exigences du RACNote de bas de page 42 et aux procédures d'Air Canada, la consigne lumineuse ceintures était allumée à bord de l'ACA088 avant l'épisode de turbulence.

Fondées sur le RAC, les procédures d'Air Canada indiquent au personnel de cabine de faire les breffages suivants aux passagers :

3.1 Après le décollage

3.1.1 Ceintures de sécurité et interdiction de fumer

Mesdames et messieurs, nous vous invitons à boucler votre ceinture en tout temps [. . .].

3.2 Turbulence

3.2.1 Turbulences légères

Nous traversons une zone de légère[s] turbulences, veuillez boucler votre ceinture.

3.2.2 Turbulences dépassant le degré d'intensité légère

Nous traversons une zone de turbulences, veuillez ranger vos bagages et boucler votre ceintureNote de bas de page 43.

L'article 605.26 du RAC et les procédures d'Air Canada sur le port des ceintures de sécurité à l'intention de l'équipage de conduite et du personnel de cabine comprend des mots comme « doit », « s'assurer », « tenu d'utiliser » et « donner à toute personne [...] l'ordre ». Les annonces aux passagers sont formulées autrement, par exemple « nous vous invitons à boucler votre ceinture » et « veuillez boucler votre ceinture ». C'est habituellement le personnel de cabine qui fait ces annonces. De plus, le mode d'emploi de la ceinture de sécurité figure sous la rubrique « pour votre sécurité » sur les cartes des mesures de sécurité.

À titre comparatif, l'article 602.06 du RAC interdit de fumer à bord d'un aéronef, et l'article 602.04 du RAC interdit la consommation de boissons alcooliques qui ne sont pas fournies par l'exploitant. Ces règlements contiennent des mots autoritaires comme « interdit » et « doivent ». Contrairement aux messages sur le port de la ceinture de sécurité, les messages sur l'interdiction de fumer et l'alcool utilisent un langage plus directif. Après le décollage, le personnel de cabine informe les passagers que « La réglementation fédérale interdit de fumer à bord » et que « Air Canada interdit l'utilisation de cigarettes électroniques » [insistance ajoutée]Note de bas de page 44.

Le message d'interdiction de fumer d'Air Canada comprend même une conséquence à l'effet que les passagers pourraient être accueillis par les autorités s'ils ne s'y conforment pasNote de bas de page 45 ainsi que de l'information sur la présence de détecteurs de fumée dans les toilettes. Les annonces sur le port des ceintures de sécurité ne donnent aucune indication d'une conséquence ou d'une mesure d'application.

Comme l'exigent le RAC et les procédures d'Air Canada, le personnel de cabine a fait une annonce aux passagers de l'ACA088 environ 35 minutes avant le premier épisode de faible turbulence. Aucune information supplémentaire sur la turbulence ou ses effets n'a été fournie avant ou durant le vol.

1.17.2 Équipage de conduite

Le manuel d'exploitation d'Air Canada comprend des directives pour les équipages de conduite et le personnel de cabine sur les opérations en zone de turbulence. Ce manuel fait état de 3 intensités de turbulence : faible, modérée et forte. En prévision d'une zone de forte turbulence, le manuel d'exploitation stipule que l'on doit allumer la consigne lumineuse ceintures, faire une annonce d'interruption du service, demander aux passagers de regagner leur siège et de boucler leur ceinture, informer le chef de cabine du moment prévu de la turbulence, et informer le chef de cabine lorsque le personnel de cabine peut reprendre ses tâches.

Le manuel d'exploitation du Boeing 777 d'Air Canada stipule que lorsqu'un aéronef pénètre dans de l'air turbulent au-dessus de 25 000 pieds, il doit ralentir à Mach 0,82 ou à 280 nœuds de vitesse indiquée, selon la moins élevée des 2. D'après le DFDR, l'équipage de conduite a programmé une vitesse de Mach 0,82 sur le panneau de commande de mode vers 19 h, et l'aéronef a ralenti peu de temps après.

1.17.3 Personnel de cabine

En ce qui concerne la turbulence, le manuel Mesures de sécurité et d'urgence – Personnel de cabine d'Air Canada reprend les mêmes lignes directrices que le manuel d'exploitation . Il exige du personnel de cabine qu'il interrompe le service, fasse des annonces, s'assure que les passagers retirent les bébés de leur berceau, range l'équipement et les liquides chauds, vérifie que la cabine est sécurisée, donne le signal « cabine prête » au chef de cabine, s'assied et boucle sa ceinture sous-abdominale et sa ceinture-baudrier, et reste assis jusqu'à ce que le chef de cabine avise qu'il est sécuritaire de reprendre les tâchesNote de bas de page 46.

Selon l'intensité de la turbulence, les équipages de conduite et le personnel de cabine d'Air Canada doivent suivre les consignes suivantes :

  1. Repos de l'équipage en vol : Il est obligatoire d'utiliser les ceintures de sécurité dans les aires de repos de l'équipage, y compris pour s'étendre.
  2. Turbulence (légère) : Allumer la consigne des ceintures > Faire une annonce > Procéder à une vérification visuelle (veiller à ce que les ceintures soient attachées). On peut effectuer le service.
  3. Turbulence (modérée ou forte) : Allumer la consigne des ceintures > Interrompre le service > Faire une annonce. Procéder à une vérification visuelle (veiller à ce que les ceintures soient attachées). S'asseoir et attacher sa ceinture sous-abdominale et sa ceinture-baudrier.
  4. Turbulence (modérée imprévue) : Allumer la consigne des ceintures > Interrompre le service > Faire une annonce > Procéder à une vérification visuelle (veiller à ce que les ceintures soient attachées). S'asseoir immédiatement. L'annonce aux passagers doit prendre la forme d'une directive, par ex. « Les agents de bord et les passagers doivent s'asseoir immédiatement et attacher leur ceinture. »
  5. Turbulence (forte imprévue) : Allumer la consigne des ceintures > Appliquer les freins des chariots > Faire une annonce > S'asseoir immédiatement. L'annonce du commandant de bord aux passagers doit prendre la forme d'une directive, par ex. « Les agents de bord et les passagers doivent s'asseoir immédiatement et attacher leur ceinture. »[Aucune vérification du respect des consignes].
  6. Le chef de cabine demande aux passagers de s'asseoir et d'attacher leur ceinture.
  7. Les membres d'équipage doivent s'asseoir et boucler leur ceinture immédiatement dès que les turbulences atteignent un niveau compromettant la sécurité personnelleNote de bas de page 47.

Les équipages de compagnies aériennes disposent de moyens limités pour contraindre les passagers à se conformer aux consignes de boucler leur ceinture de sécurité. Le seul véritable recours en cas de non-respect des consignes sur la ceinture de sécurité se trouve au sous-alinéa 705.175(b)(iii) du RAC relatif à l'entrave au travail de l'équipage ou au refus d'un passager de se conformer aux consignes de sécurité reçues. En cas d'« omission répétée d'un passager de se conformer aux consignes de sécurité d'un membre d'équipage », le passager s'expose à une poursuite par TC en vertu de l'article 7.41 de la Loi sur l'aéronautique.

1.18 Renseignements supplémentaires

Sans objet.

1.19 Techniques d'enquête utiles ou efficaces

Le BST a collaboré avec le Computational Mechanics Lab du National Institute for Aviation Research pour créer une animation à partir d'une partie des données d'accélération extraites du DFDR de l'ACA088. Les forces d'accélération enregistrées ont servi à représenter, dans une cabine d'aéronef générique, les effets d'une forte turbulence sur les passagers, certains ayant bouclé leur ceinture et d'autres pas (figure 3).

Figure 3. Copie d'écran d'une animation qui montre les effets d'une forte turbulence sur des passagers attachés (en vert) et des passagers non attachés (en jaune) dans un aéronef, déterminés à partir des données d'accélération extraites de l'enregistreur numérique de données de vol de l'ACA088.
Copie d'écran d'une animation qui montre les effets d'une forte turbulence sur des passagers attachés (en vert) et des passagers non attachés

Les 12 passagers dans l'animation sont représentés par des versions numériques du dispositif anthropomorphe d'essai Hybrid II de 50e centile. Ces dispositifs représentent un homme adulte de taille et de poids moyens et dont l'amplitude des mouvements, le centre de gravité et les masses des sous-parties sont déterminés par des études anthropométriques. Chaque dispositif avait un poids de modélisation d'environ 170 livres.

La cabine a été modelée sur celle d'un avion de ligne générique à couloir unique munie de sièges espacés de 34 pouces. La cabine a été conçue avec des sièges normaux d'avion commercial munis d'une ceinture de sécurité sous-abdominale plate en nylon.

Le modèle entier (12 dispositifs anthropomorphes d'essai et les composants intérieurs) comprenait 1,5 million d'éléments. Afin de produire une animation dans un délai et à un coût raisonnables, tous les éléments ont été modélisés en tant que composants rigides. Par conséquent, toutes les forces de choc ou d'impact génèrent beaucoup de bruit et pourraient paraître irréalistes étant donné la rigidité de toutes les surfaces. Toutefois, les mouvements dans la cabine sont réalistes en fonction des données d'accélération verticale et latérale qui ont été utilisées.

2.0 Analyse

2.1 Établissement du plan de vol

La planification de routes et d'altitudes pour des vols long-courriers pose de nombreux défis, notamment celui des prévisions météorologiques. La fiabilité des prévisions diminue avec chaque heure additionnelle de temps de vol, en particulier les prévisions établies plus de 12 heures à l'avance.

Dans le cas du vol 088 d'Air Canada (ACA088), le dossier d'information météorologique de l'équipage de conduite indiquait une zone de turbulence modérée, ce qui était normal compte tenu de la route à cette période de l'année. Rien dans le dossier d'information météorologique avant départ n'aurait incité le commandant de bord à envisager une autre route.

2.2 Turbulence

L'ACA088 a pénétré dans une zone de turbulence de modérée à forte causée par un courant-jet qui franchissait la chaîne côtière méridionale de l'Alaska. Le fait que le courant-jet franchissait 2 importantes régions montagneuses situées à 85 milles marins (nm) et à 191 nm à l'est-nord-est d'Anchorage (Alaska) explique les 2 épisodes de forte turbulence.

Le bulletin de renseignements météorologiques significatifs (SIGMET) I2 prévoyait une forte turbulence dans une large amplitude altitudinale (niveaux de vol [FL] 260 à FL400) dans une région où le courant-jet pouvait engendrer des ondes orographiques. L'équipage de conduite du vol 016 d'Air Canada (ACA016), qui devançait l'ACA088 de 90 minutes, a conclu que le FL330 serait probablement la meilleure altitude pour traverser cette région. Il a tiré cette conclusion alors que l'ACA016 se trouvait à cette altitude et dans la région entre les importantes chaînes de montagnes, où le courant-jet engendrait moins d'ondes orographiques.

Les forces d'accélération auxquelles l'aéronef a été soumis ont projeté les passagers non attachés contre les aménagements de la cabine. Ils ont subi diverses blessures; 1 passager a été grièvement blessé.

Le vol 006 d'Air Canada (ACA006), le Boeing 787 qui volait au FL390 et devançait l'ACA088 de 30 minutes sur la même route n'a pas traversé de zone de forte turbulence, car ses performances lui permettaient de naviguer à une altitude considérablement supérieure à celle de la tropopause.

2.2.1 Formation donnée par Air Canada

Au moment de déterminer la meilleure route et la meilleure altitude dans une zone de turbulence potentielle de modérée à forte, ni les régulateurs de vol d'Air Canada ni l'équipage de conduite de l'ACA088 n'avaient pleinement conscience de l'effet combiné du courant-jet et du relief montagneux. Les documents de formation que les pilotes et les régulateurs de vol avaient reçus ne contenaient aucune information sur la probabilité accrue de turbulence dans une large amplitude altitudinale lorsque le courant-jet franchit un relief montagneux.

Si les documents de formation ne contiennent pas d'information complète sur tous les facteurs qui contribuent à la turbulence, il y a un risque que l'on n'opte pas pour la meilleure marche à suivre.

2.2.2 Suivi des vols et rapports de pilotes

Une fois qu'un vol est en route, le service de régulation des vols d'Air Canada surveille la météo pour le vol et communique tout changement majeur, le cas échéant. Dans l'événement à l'étude, la prévision de turbulence modérée a changé à de la forte turbulence occasionnelle (comme l'indiquait le SIGMET I2). Ce changement a été confirmé lorsque l'ACA016, qui devançait l'ACA088 de 90 minutes, a traversé de la turbulence au FL350 et a diffusé un compte rendu météorologique de pilote (PIREP).

Ce renseignement a été transmis à l'ACA088 à temps pour que l'équipage de conduite puisse déterminer la meilleure façon d'éviter cette turbulence. L'information que l'équipage de conduite avait reçue du service de régulation des vols d'Air Canada et de l'Air Route Traffic Control Center (ARTCC) d'Anchorage, ainsi que les indices visuels, laissaient croire que le FL330 offrirait les meilleures conditions de vol. Par conséquent, et comme il n'avait reçu aucune information de déroutement, l'équipage de conduite a décidé que le cap actuel au FL330 représentait la meilleure option. Afin de prévenir toute blessure, le premier officier de renfort a donné l'ordre de préparer la cabine et le poste de pilotage en vue de la turbulence.

L'information de l'ACA016 voulant qu'une route plus au sud permette d'éviter la forte turbulence n'a jamais été transmise à l'équipage de conduite de l'ACA088. On ne sait pas si ce déroutement vers le sud aurait permis d'éviter la turbulence. Toutefois, si les équipages de conduite et les régulateurs de vol ne reçoivent pas toute l'information pertinente sur les conditions de vol, ils risquent de ne pas prendre les décisions optimales quant à la marche à suivre, ce qui augmente le risque d'être exposé à des conditions défavorables.

Dans l'événement à l'étude, aucun des équipages de conduite ne s'est servi de la fonction de signalement de turbulence, à la page de compte rendu de position du système embarqué de communications, d'adressage et de compte rendu (ACARS). Ce système comprend plusieurs échelles qui permettent de dresser un compte rendu détaillé, qui est ensuite saisi par le système de planification des vols pour usage ultérieur. Ni l'équipage de conduite de l'ACA088 ni le régulateur de vol d'Air Canada n'ont reconnu toute l'ampleur et l'intensité de la turbulence. Un compte rendu de turbulence détaillé, comme celui que produit le système ACARS, aurait pu les aider à comprendre l'intensité et la durée de la turbulence. Si l'on n'utilise pas pleinement les systèmes comme le système ACARS, on risque de ne pas avoir accès à de l'information plus détaillée sur les conditions de vol.

2.2.3 Préparation de la cabine

Ayant été avisé environ 35 minutes à l'avance, le personnel de cabine de l'ACA088 a commencé à mettre en œuvre les mesures de sécurité dans la cabine en vue de la turbulence. Grâce aux efforts du personnel de cabine, environ 94 % des passagers ont évité des blessures, et aucun agent de bord n'a été blessé. Par contre, 21 passagers (6 %) ne portaient pas leur ceinture de sécurité et ont, par conséquent, été blessés.

Le personnel de cabine a vérifié visuellement que les ceintures de sécurité étaient bouclées. Toutefois, à bord de l'ACA088, cette vérification a eu lieu sous un éclairage tamisé, ce qui aurait pu empêcher les agents de bord de voir les ceintures non bouclées. En général, les ceintures de sécurité, de couleur foncée, sont difficiles à voir lorsque l'éclairage est faible. En outre, plusieurs passagers utilisaient des couvertures qui ont pu couvrir entièrement leur ceinture de sécurité.

Si l'intensité d'éclairage de la cabine est insuffisante, il y a un risque que le personnel de cabine ne voie pas les ceintures de sécurité non bouclées à cause du manque de contraste du matériau de la ceinture et de leur dissimulation par les couvertures.

2.2.4 Respect de la consigne lumineuse ceintures par les passagers

On n'a pas pu déterminer avec certitude combien de passagers ne portaient pas leur ceinture de sécurité. Étant donné l'intensité des forces d'accélération que les passagers et l'aéronef ont subies durant l'épisode de forte turbulence, il est probable que tout passager non attaché aurait été blessé.

L'enquête a permis de cerner les raisons suivantes pour expliquer le non-respect des consignes ceintures :

Les sections qui suivent se penchent sur les divers facteurs qui ont influé sur les décisions des passagers de ne pas boucler leur ceinture de sécurité.

2.2.4.1 Conformisme

Les attitudes culturelles envers le port de la ceinture de sécurité à bord de véhicules routiers pourraient influer sur son port à bord d'aéronefs, en ce sens qu'une utilisation peu fréquente de la ceinture de sécurité pourrait donner lieu à une norme de non-conformité. Même si la norme sociale reconnue préconise le port de la ceinture de sécurité, il n'y a aucun témoin lumineux ni alarme pour signaler qu'un passager ne la porte pas. De plus, on ne perçoit pas que le fait de ne pas porter sa ceinture peut avoir des répercussions pour les autres passagers. Par conséquent, la désapprobation sociale est facilement évitée. Cela fait contraste au non-respect de l'interdiction de fumer, immédiatement évident, qui dérange les autres passagers. Dans ce cas, la désapprobation sociale est habituellement prompte à se manifester.

S'il n'y a aucun indicateur visuel ou sonore de non-utilisation de la ceinture de sécurité, il y a un risque accru que les passagers ne portent pas la ceinture de sécurité.

2.2.4.2 Acquiescement

Il est plus probable que les passagers soient attentifs à l'information de sécurité dans la cabine et s'y conforment s'ils estiment qu'elle est pertinente. Avant la turbulence, les conditions dans la cabine étaient comme suit :

Ces facteurs pourraient avoir eu une incidence sur la perception des passagers quant à l'imminence du risque et sur la probabilité qu'ils se conforment promptement aux consignes de façon soutenue. Transports Canada recommande de personnaliser les annonces sur la ceinture de sécurité en fonction de l'intensité et de la durée de la turbulence prévue.

Si les annonces sur le port de la ceinture ne contiennent pas suffisamment d'information explicite sur la turbulence prévue, il y a un risque que les passagers ne se conforment pas immédiatement à la consigne de boucler leur ceinture et de rester attachés.

2.2.4.3 Obéissance

D'après les directives sur la gestion de la turbulence publiées par l'Association du transport aérien international, les passagers ont tendance à obéir davantage aux annonces sur le port de la ceinture de sécurité lorsque c'est l'équipage de conduite qui les fait plutôt que le personnel de cabineNote de bas de page 48.

D'après la documentation d'orientation d'Air Canada sur la forte turbulence imprévue, le commandant de bord doit faire une annonce aux agents de bord et aux passagers qui prend la forme d'une directive. Par exemple : « Les agents de bord et les passagers doivent s'asseoir immédiatement et attacher leur ceinture ».

Dans l'événement à l'étude, comme la turbulence était prévue, les annonces ont été faites par le personnel de cabine, conformément aux procédures d'Air Canada. Toutefois, le langage de ces annonces était moins directif que celui qu'emploie l'équipage de conduite. Si, dans ses annonces de sécurité, le personnel de cabine n'emploie pas un langage faisant bien comprendre que l'on s'attend des passagers qu'ils respectent les consignes, il y a un risque que ceux-ci perçoivent ces annonces comme étant moins rigoureuses et ne s'y conforment pas.

2.2.4.4 Persuasion

La capacité des passagers d'évaluer les risques et la confiance qu'ils ont dans leurs propres moyens pour réagir à une urgence influent grandement sur leurs attitudes et comportements. Une fois qu'ils sont à bord d'un aéronef, les passagers ne reçoivent aucune information précise ni éducation quant aux effets de la turbulence ou à sa probabilité. De plus, lorsque l'aéronef est en vol de croisière, il n'y a aucune rétroaction sensorielle immédiate indiquant un risque pour les passagers, surtout dans un environnement de cabine sombre et calme. C'est tout le contraire durant le décollage et l'atterrissage. Ces phases de vol s'accompagnent d'information sensorielle physique et visuelle; les passagers sentent le mouvement de lacet, l'assiette longitudinale, la vitesse et les forces d'impact potentielles, comme celles que l'on ressent en voiture. En outre, on ne donne aux passagers aucune information sur les blessures qu'ils pourraient causer aux autres s'ils ne sont pas attachés à leur siège durant un épisode de turbulence.

La Federal Aviation Administration des États-Unis emploie des cartes de la taille de cartes professionnelles pour donner de l'information aux passagers sur les risques que pose la turbulence. Transports Canada recommande de personnaliser les annonces sur le port de la ceinture de sécurité par l'ajout d'information sur les risques que pose la turbulence.

Si les breffages de sécurité aux passagers manquent d'information sur les effets que peut avoir la turbulence sur chaque passager, leurs biens et les autres, il y a un risque de réduction du taux d'utilisation des ceintures de sécurité.

2.2.4.5 Mesures d'application

Les mesures d'application sont un autre facteur qui influe sur le respect des consignes par les passagers. Le langage qu'emploie le personnel de cabine dans ses annonces peut faire impression sur la perception qu'ont les passagers des conséquences du non-respect des consignes.

Les annonces d'interdiction de fumer à bord des aéronefs indiquent clairement les graves conséquences auxquelles s'expose un passager qui choisit de fumer. Par contre, le langage des annonces sur le port de la ceinture de sécurité est moins autoritaire et ne véhicule pas les conséquences pour un passager qui choisirait de ne pas la porter.

Les équipages de compagnies aériennes ont des moyens limités pour contraindre les passagers à se conformer aux consignes de boucler leur ceinture de sécurité. Si les passagers n'entrevoient aucune conséquence ni mesure d'application lorsqu'ils ne bouclent pas leur ceinture de sécurité, ils pourraient ne pas percevoir l'obligation de l'utiliser lorsque la consigne est donnée.

2.2.4.6 Approche combinée

L'utilisation de la ceinture de sécurité dépend de nombreux facteurs liés à la conformité, à l'acquiescement, à l'obéissance et à la persuasion. Il serait vain d'utiliser une mesure ne portant que sur un seul de ces facteurs pour améliorer le taux d'utilisation.

La peur ou le risque pourraient être inefficaces comme unique outil de persuasion étant donné que le simple fait de monter à bord d'un aéronef laisse supposer que le passager perçoit déjà les voyages aériens comme étant sécuritaires. Pourtant, la plupart des passagers estiment qu'en cas d'accident, la probabilité de survie est faible. Cette combinaison crée chez les passagers la perception qu'un scénario dangereux est improbable, mais que s'il devait se produire, ses conséquences échapperaient en grande partie à leur contrôle. Cela peut avoir un effet sur les attitudes par rapport aux communications de sécurité et aux comportements sécuritaires dans la cabine.

Selon un examen plus récent des comportements, la probabilité d'acquiescement (qui est volontaire) ou d'obéissance(qui est obligatoire) s'appuie sur de nombreux facteurs autres que la demande ou la consigne même. Citons par exemple le sacrifice que l'on fait (le confort de ne pas porter de ceinture) et l'effet perçu sur le groupe élargi (responsabilité sociale). Comme les vols long-courriers ont une incidence sur le bien-être des passagers (confort, privation de sommeil), de simples consignes pourraient ne pas suffire pour surmonter ces besoins essentiels. Parallèlement, comme rien n'indique si un passager porte sa ceinture de sécurité, et comme les passagers ne sont pas informés du danger qu'ils représentent pour les autres lorsqu'ils ne sont pas attachés, une simple consigne pourrait être insuffisante pour surmonter ce manque de responsabilité sociale perçue.

Selon des études sur le port de la ceinture de sécurité dans les voitures, l'éducation et la publicité à elles seules n'incitent pas les passagers à adopter un comportement plus sécuritaire. Il faut aussi un renforcement par les autorités et des mesures d'application.

Si une approche visant à accroître l'utilisation de la ceinture de sécurité ne tient pas compte des normes culturelles et sociales des passagers, de l'éducation pour sensibiliser davantage, d'attitudes plus positives et d'un programme connexe de mesures d'application pour favoriser les changements de comportement souhaités, il y a un risque que les passagers ne portent pas leur ceinture de sécurité.

2.3 Installation des colliers en V

L'expérience de maintenance a démontré que l'orientation des colliers en V installés à l'origine sur les gaines de conditionnement d'air était importante. Il est essentiel d'installer correctement les colliers en V. Les canalisations et composants à raccorder doivent être alignés les uns par rapport aux autres avant d'installer le collier. Les brides doivent elles aussi être correctement orientées avant d'installer les colliers afin que le joint soit solide.

Les résultats de l'examen du collier en V laissent croire que l'ultime défaillance en surcharge de la bande de serrage du collier est probablement survenue durant l'épisode de turbulence. Le collier a cédé comme suite à la formation de criques de fatigue dans sa bande. Ces contraintes ont été causées par le serrage du boulon à T durant l'installation ou la maintenance du collier.

Des brides endommagées ou brisées pourraient entraîner des fuites dans la gaine du système de conditionnement d'air pendant toute la durée d'un vol, ainsi que la perte d'un bloc de conditionnement d'air ou le déroutement d'un vol. Si les colliers en V  ne sont pas installés selon la bonne procédure et le bon couple, il y a un risque de défaillance du collier en V et de perte partielle d'un système de conditionnement d'air et de pressurisation de la cabine.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le vol 088 d'Air Canada a pénétré dans une zone de turbulence de modérée à forte causée par un courant-jet qui franchissait la chaîne côtière méridionale de l'Alaska.
  2. Les forces d'accélération auxquelles l'aéronef a été soumis ont projeté les passagers non attachés contre les aménagements de la cabine. Ils ont subi diverses blessures; 1 passager a été grièvement blessé.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Si les documents de formation ne contiennent pas d'information complète sur tous les facteurs qui contribuent à la turbulence, il y a un risque que l'on n'opte pas pour la meilleure marche à suivre.
  2. Si les équipages de conduite et les régulateurs de vol ne reçoivent pas toute l'information pertinente sur les conditions de vol, ils risquent de ne pas prendre les décisions optimales quant à la marche à suivre, ce qui augmente le risque d'être exposé à des conditions défavorables.
  3. Si l'on n'utilise pas pleinement les systèmes comme le système embarqué de communications, d'adressage et de compte rendu (ACARS), on risque de ne pas avoir accès à de l'information plus détaillée sur les conditions de vol.
  4. Si l'intensité d'éclairage de la cabine est insuffisante, il y a un risque que le personnel de cabine ne voie pas les ceintures de sécurité non bouclées à cause du manque de contraste du matériau de la ceinture et de leur dissimulation par les couvertures.
  5. S'il n'y a aucun indicateur visuel ou sonore de non-utilisation de la ceinture de sécurité, il y a un risque accru de non-conformité au port de la ceinture de sécurité.
  6. 6. Si les annonces sur le port de la ceinture ne contiennent pas suffisamment d'information explicite sur la turbulence prévue, il y a un risque que les passagers ne se conforment pas immédiatement à la consigne de boucler leur ceinture et de rester attachés.
  7. Si, dans ses annonces de sécurité, le personnel de cabine n'emploie pas un langage faisant bien comprendre que l'on s'attend des passagers qu'ils respectent les consignes, il y a un risque que ceux-ci perçoivent ces annonces comme étant moins rigoureuses et ne s'y conforment pas.
  8. Si les breffages de sécurité aux passagers manquent d'information sur les effets que peut avoir la turbulence sur chaque passager, leurs biens et les autres, il y a un risque de réduction du taux d'utilisation des ceintures de sécurité.
  9. Si les passagers n'entrevoient aucune conséquence ni mesure d'application lorsqu'ils ne bouclent pas leur ceinture de sécurité, ils pourraient ne pas percevoir l'obligation de l'utiliser lorsque la consigne est donnée.
  10. Si une approche visant à accroître le port de la ceinture de sécurité ne tient pas compte des normes culturelles et sociales des passagers, de l'éducation pour sensibiliser davantage, d'attitudes plus positives et d'un programme connexe de mesures d'application pour favoriser les changements de comportement souhaités, il y a un risque que les passagers ne portent pas leur ceinture de sécurité.
  11. Si les colliers en V ne sont pas installés selon la bonne procédure et le bon couple, il y a un risque de défaillance du collier en V et de perte partielle d'un système de conditionnement d'air et de pressurisation de la cabine.

3.3 Autres faits établis

  1. La décision de l'équipage de conduite du vol 088 d'Air Canada de mettre en œuvre les mesures de sécurité dans la cabine et de réduire la vitesse de l'aéronef à la vitesse de pénétration en turbulence a contribué à la prévention d'un nombre élevé de blessures dans la cabine et de dommages potentiels à l'aéronef.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Air Canada

Les mesures de sécurité ci-après ont été mises en place suite à l'événement à l'étude.

Le 4 avril 2016, Air Canada a mis en œuvre un programme de remplacement des colliers en V pour sa flotte de B777, conformément au Bulletin de service Boeing 777-21-0145R01 intitulé « Air Conditioning – Cooling – Environmental Control Systems Pack Air Supply Ducts Coupling Replacement ».

Le service de régulation des vols d'Air Canada a émis le Bulletin de procédures d'utilisation normalisées SOP ACA no 16/16R1 : SUBJECT FDM 6.3.3 Flight Watch Tasks and Responsibilities. Ce bulletin comprend les directives suivantes propres aux régulateurs de vol :

[traduction]

Nota : lorsque l'on fait état de turbulence réelle ou connue, modérée ou forte, le régulateur de vol doit proposer une route ou une altitude de rechange, selon le cas, et informer le chef régulateur en service de toute turbulence signalée supérieure à une intensité modéréeNote de bas de page 49.

Le service des opérations aériennes d'Air Canada a émis le Bulletin d'opérations aériennes EFB 16-09R EFB DIGEST : « GETTING THE MOST OUT OF WSI OPTIMA FOR TURBULENCE MITIGATION ». Ce bulletin de 6 pages comprend de l'information détaillée sur la façon d'éviter la turbulence en ciel clair. Il comprend également de l'information détaillée sur les applications d'aide aux équipages de conduite pour éviter la turbulence qui sont installées sur les tablettes iPad fournies par la compagnie.

Le sous-alinéa 8.18.2.1 du Manuel d'exploitation d'Air Canada, intitulé « Clear Air Turbulence », a été approuvé pour être incorporé dans la modification d'avril 2017. Cette mise à jour comprend de l'information sur les zones où peut survenir la turbulence en air clair, notamment en région montagneuse, et les techniques pour l'éviter.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Aménagement de la cabine et emplacement des portes

Source : Air Canada, avec annotations du BST
annexe-a

Annexe B – Carte du temps significatif d'Air Canada

Source : Air Canada, en anglais seulement
annexe-b

Annexe C – Tracé de l'enregistreur numérique de données de vol du vol 088 d'Air Canada