Perte de maîtrise et collision avec le relief
Airbus Helicopters AS 350 FX2, C-FBLW
TRK Helicopters Ltd.
82 nm au NW de Smithers (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 16 mars 2016, à 16 h 18, heure avancée du Pacifique, l'hélicoptère Airbus Helicopters AS 350 FX2 (immatriculé C-FBLW, numéro de série 2955) de TRK Helicopters Ltd. est parti du pied d'une piste de ski à environ 82 milles marins au nord-ouest de Smithers (Colombie-Britannique) pour effectuer un vol de jour selon les règles de vol à vue à destination du camp de base (situé à environ 7 milles marins au sud-sud-est de la piste de ski) avec le pilote et 6 passagers à bord. Environ 1 minute après le décollage, tandis qu'il volait à basse altitude, le pilote a amorcé une descente dans un ravin. Au cours de la descente, la vitesse anémométrique de l'hélicoptère a augmenté rapidement. Quelques instants plus tard, l'hélicoptère a brusquement roulé à droite, s'est cabré, puis a percuté le relief en pente abrupte couverte de neige. Il n'y a eu aucun blessé; les 7 occupants de l'aéronef ont pu sortir de l'hélicoptère. Ce dernier a été lourdement endommagé. Il n'y a pas eu d'incendie après impact, et la radiobalise de repérage d'urgence ne s'est pas déclenchée.
1.0 Renseignements de base
1.1 Déroulement du vol
Le 16 mars 2016, à 16 h 18Note de bas de page 1, l'hélicoptère Airbus HelicoptersNote de bas de page 2 AS 350 FX2Note de bas de page 3 (immatriculé C-FBLW, numéro de série 2955) de TRK Helicopters Ltd. est parti du pied d'une piste de ski à environ 82 milles marins (nm) au nord-ouest de Smithers (Colombie-Britannique) pour effectuer un vol de jour selon les règles de vol à vue à destination du camp de base (situé à environ 7 nm au sud-sud-est de la piste de ski). Le pilote et 6 passagers (1 guide et 5 skieurs) se trouvaient à bord de l'hélicoptère. Le vol à l'étude devait être le dernier de la journée. On avait prévu de suivre la rivière Skeena pour retourner au camp de base. Le pilote avait suivi la même route plus tôt le même jour.
Après avoir décollé, le pilote a d'abord volé à 150 pieds au-dessus du sol, puis il est descendu très près de la cime des arbres à l'approche d'une petite ligne de crête. Lorsque l'hélicoptère a franchi la ligne de crête, le pilote l'a mis en piqué d'environ 20° et est descendu dans un ravin.
Au cours de cette manœuvre, environ 10 secondes avant l'impact, l'hélicoptère est rapidement passé d'une vitesse anémométrique de 120 à 132 nœuds (KIAS)Note de bas de page 4. Au même moment, la charge en vol verticale a diminué à environ 0gNote de bas de page 5, et le taux de descente de l'hélicoptère a dépassé 5000 pieds par minuteNote de bas de page 6.
Tandis que l'hélicoptère approchait du relief ascendant sur l'autre versant du ravin, environ 3 secondes avant l'impact, le pilote a tiré le manche de pas cyclique vers l'arrière et tenté de virer vers la gauche pour éviter le relief devant lui. Toutefois, il n'est pas parvenu à déplacer le manche de pas cyclique vers la gauche. L'hélicoptère s'est cabré, et le rotor principal de l'hélicoptère s'est alors trouvé en surcharge aérodynamique et s'est emballé, ce qui a déclenché le klaxon de l'avertisseur de régime élevé du rotor principal de l'hélicoptère. Après un roulis intempestif vers la droite, l'hélicoptère a amorcé un virage à droite en descente non contrôlé au terme duquel son cap avait changé d'environ 180° (figure 1 et Figure 2).
Juste avant l'impact, le pilote a relevé le levier de collectif pour tenter de réduire le taux de descente de l'hélicoptère. L'hélicoptère était en assiette latérale droite lorsqu'il a heurté le versant enneigé du ravin, à une élévation de quelque 3100 pieds au-dessus du niveau de la mer, à environ 25 KIAS.
Les pales du rotor principal de l'hélicoptère ont creusé une tranchée dans le manteau neigeux à la gauche de l'aéronef et ont continué de tourner jusqu'à ce que le pilote arrête le moteur et actionne le frein rotor.
Il n'y a pas eu de blessés. Étant donné la forte pente descendante du côté droit de l'hélicoptère, les 7 occupants sont sortis par la gauche de l'hélicoptère après l'arrêt du rotor principal (figure 3 et figure 4).
1.2 Tués et blessés
Équipage | Passagers | Autres | Total | |
---|---|---|---|---|
Tués | 0 | 0 | – | 0 |
Blessés graves | 0 | 0 | – | 0 |
Légèrement blessés ou indemnes | 1 | 6 | – | 7 |
Total | 1 | 6 | – | 7 |
1.3 Dommages à l'aéronef
L'hélicoptère a été lourdement endommagé.
1.4 Autres dommages
Sans objet.
1.5 Renseignements sur le personnel
1.5.1 Généralités
Licence de pilote | Licences de pilote professionnel (CPL) – avion et hélicoptère |
Date d'expiration du certificat médical | 17 novembre 2015 |
Heures de vol total | 14 000 |
Heures de vol sur type | 600 |
Heures de vol au cours des 7 derniers jours | 12,1 |
Les dossiers indiquent que le pilote avait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote était titulaire d'une licence de pilote professionnel d'hélicoptère et d'avions avec annotation pour avions terrestres multimoteurs et hydravions. Il avait accumulé plus de 14 000 heures de vol au total sur divers modèles d'avions et d'hélicoptères. Il avait également de l'expérience en tant que propriétaire d'une école de pilotage et en tant qu'instructeur de vol sur hélicoptère.
Depuis son embauche par TRK Helicopters Ltd., le pilote avait accumulé environ 600 heures de vol à bord d'hélicoptères de la série AS 350. Le pilote avait volé environ 12 heures au cours des 7 jours précédents, qui faisaient suite à une période de repos de 21 jours au cours de laquelle il n'avait pas volé. Rien n'indique que la fatigue a joué un rôle dans l'événement à l'étude.
1.5.2 Dossiers de formation
Les enquêteurs n'ont pas eu accès aux dossiers de formation détaillés du pilote. Le pilote avait toutefois suivi la formation initiale sur l'AS 350, y compris la formation au sol en 2013. Celle-ci comprenait une formation au sol (mais pas d'exercice en vol) sur la transparence des servocommandes hydrauliques de l'AS 350Note de bas de page 7.
En 2015, le constructeur a publié une procédure de vol pour utilisation par les organismes de formation agréés aux fins de démonstration du phénomène de transparence des servocommandesNote de bas de page 8. Ce document reprenait un contenu publié à l'origine dans un rapport du comité d'évaluation opérationnelle de 2012. Toutefois, aucune réglementation n'oblige l'élève à effectuer cet exercice pour mettre en pratique la procédure de rétablissement dans une situation réelle de transparence des servocommandes.
Le pilote avait complété sa dernière formation au pilotage le 20 mai 2015 sur l'hélicoptère Bell 206.
1.6 Renseignements sur l'aéronef
1.6.1 Généralités
Constructeur | Airbus Helicopters |
Type, modèle et immatriculation | AS 350 FX2, C-FBLW |
Année de construction | 1996 |
Numéro de série | 2955 |
Date d'émission du certificat de navigabilité ou du permis de vol | 14 mars 2014 |
Total d'heures de vol cellule | 19 091,1 heures |
Type de moteur (nombre) | Honeywell LTS 101-700D-2 (1) |
Type de rotor | Semi-articulé, 3ripale |
Masse maximale autorisée au décollage | 4961 livres (2250 kg) |
Type(s) de carburant recommandé(s) | Jet A |
Type de carburant utilisé | Jet A |
Les dossiers indiquent que l'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément aux règlements en vigueur et aux procédures approuvées. L'hélicoptère ne présentait aucune anomalie connue avant le vol à l'étude et il était exploité dans les limites prescrites de masse et de centrage. Au moment de l'événement, la masse de l'hélicoptère était inférieure d'environ 139 livres à sa masse brute maximale de 4961 livres, et son centre de gravité était à la limite avant.
1.6.2 Circuit hydraulique de l'AS 350
1.6.2.1 Généralités
Afin de réduire la charge de travail du pilote, Airbus Helicopters utilise des commandes de vol assistées hydrauliquement sur l'hélicoptère AS 350. Dans des conditions d'exploitation normales (c.-à-d. dans le domaine de vol approuvé), le circuit hydraulique unique de l'AS 350, tel celui installé sur l'hélicoptère en cause dans l'événement à l'étude, est conçu pour [traduction] « appliquer une très faible charge sur les commandes de vol (manche de pas cyclique, levier de collectif et palonnier de rotor de queue)Note de bas de page 9 ». Pour obtenir ce résultat, on emploie [traduction] « des circuits hydrauliques irréversibles qui isolent le pilote des forces aérodynamiques du rotor principal au moyen de servocommandesNote de bas de page 10 ». Toutefois, la puissance hydraulique disponible maximale est limitée à dessein afin de protéger la cellule contre une surcharge en cas de dépassement du domaine de vol approuvé. En cas de défaillance hydraulique, le pilote est prévenu par un voyant rouge et une alarme sonore (klaxon)Note de bas de page 11.
Airbus Helicopters offre un double circuit hydraulique comptant 2 pompes hydrauliques indépendantes en parallèle qui fournissent la pression aux servocommandes. Les servocommandes du système sont munies de capteurs de pression intégrés qui activent le voyant LIMIT lorsqu'une limite prédéterminée est atteinte pour éviter une surcharge du rotor principal.
Le double circuit hydraulique est offert en option sur le modèle AS 350 B3. Depuis 2009, cette option est installée sur tous les hélicoptères AS 350 B3 livrés en Amérique du Nord. Elle n'existe pas dans les circuits hydrauliques simples installés dans les AS 350 B2 ni dans l'AS 350 modifié en cause dans l'événement à l'étude. Un double circuit hydraulique s'installe difficilement en rattrapage sur les versions à circuit hydraulique simple de l'AS 350Note de bas de page 12.
1.6.2.2 Transparence des servocommandes
Selon Airbus Helicopters, le phénomène de transparence des servocommandes peut se produire [traduction] « lors d'une manœuvre excessive en dehors du domaine de vol approuvé d'un hélicoptère équipé d'un circuit hydraulique simpleNote de bas de page 13 ». Le constructeur ne considère pas la transparence des servocommandes comme une défaillance du système, mais comme une limitation de tous les circuits hydrauliques simples. Contrairement à ce qui se passerait en cas de défaillance d'un circuit hydraulique, il n'y a aucun signal visuel ou sonore pour avertir le pilote que le circuit hydraulique approche de la transparence des servocommandes.
Le phénomène de transparence des servocommandes des hélicoptères de la série AS 350 a joué un rôle dans un certain nombre d'accidents (annexe A). Craignant que les exploitants et les pilotes ne comprennent mal le phénomène de transparence des servocommandes, Eurocopter a publié 2 lettres-service à titre de rappel sur le sujet le 4 décembre 2003. L'une de ces lettres-service (no 1648-29-03) avait pour objet les hélicoptères de la série AS 350 (annexe B) et l'autre (no 1649-29-03), les hélicoptères de la série Colibri (EC120B). En 2006, le contenu de la lettre no 1648-29-03 a été incorporé au manuel de vol de l'AS 350 BA (annexe C). On ne sait pas si le contenu de la lettre-service ou de la section correspondante du manuel de vol a été abordé durant la formation initiale du pilote sur l'AS 350.
Le manuel de vol et la lettre-service relative aux hélicoptères de la série AS 350 signalent que la transparence des servocommandes est un phénomène qui [traduction] « apparaît graduellement et n'est pas dangereux, dans la mesure où le pilote le prévoit correctement en cas de manœuvres abruptes ou générant des charges excessives, par exemple un virage ou un cabrage avec un grand facteur de charge positifNote de bas de page 14 ». L'exécution de manœuvres excessives en dehors du domaine de vol approuvé augmente le risque de survenue de la transparence des servocommandes, tout comme les facteurs suivants :
- vitesse anémométrique élevée;
- forte sollicitation du levier collectif (c.-à-d. haute puissance ou couple élevé);
- masse brute élevée;
- facteurs de charges élevés;
- densité-altitude élevée (hausse de l'altitude, de la température ou de l'humidité)Note de bas de page 15Note de bas de page 16.
Comme l'explique la lettre-service, la transparence des servocommandes survient lorsque, sous l'effet conjugué des facteurs ci-dessus, les forces aérodynamiques sur le rotor principal sont supérieures aux forces de servocommande en sens opposé. Les forces aérodynamiques non compensées sont alors transmises aux commandes de pas cyclique et de collectif. La lettre-service explique que sur les hélicoptères du type AS 350 (rotor principal tournant en sens horaire lorsque vu du dessus), c'est la servocommande droite qui est soumise à la plus grande charge lors des manœuvres (pale reculante). Par conséquent, la transparence des servocommandes déplace le plateau cyclique vers l'arrière droit et la réduction du pas collectif. Cela entraîne l'hélicoptère dans un cabrage et un roulis vers la droite.
La mesure corrective nécessaire pour contrer ces signaux de commande (actionner la commande de pas cyclique vers la gauche) peut, si le pilote ne connaît pas bien le phénomène de transparence des servocommandes, donner l'impression que les commandes de vol sont bloquées alors qu'en fait, le pilote peut surmonter les forces de roulis. Tant que l'intensité des manœuvres ne sera pas réduite, l'aéronef continuera de cabrer et rouler vers la droite. L'intensité de la réaction excessive des commandes est proportionnelle à celle de la manœuvre. Bien que son apparition soit souvent soudaine et surprenante pour le pilote [traduction] « la transparence des servocommandes dure normalement moins de 2 secondes puisque la réaction de l'aéronef qu'elle provoque tend à atténuer les facteurs qui contribuent à l'intensité de la manœuvre et à l'apparition du phénomèneNote de bas de page 17 ». Plus particulièrement, la baisse rapide de vitesse anémométrique provoquée par le cabrage, de pair avec l'abaissement du levier collectif, affaiblit les forces aérodynamiques qui mènent à la transparence des servocommandes.
La section sur les limitations du manuel de vol stipule que [traduction] « la poursuite des opérations en cas de transparence des servocommandes (où la force en retour est perçue dans les commandes) est interditeNote de bas de page 18 ». Selon le manuel de vol de l'AS 350 et les lettres-service, la première réaction du pilote pour juguler les forces en retour (c.-à-d. risque de transparence des servocommandes) devrait être de réduire immédiatement l'intensité de la manœuvreNote de bas de page 19. Le pilote devrait suivre le mouvement des commandes et laisser diminuer le pas collectif (en surveillant le régime du rotor principal à très petit pas) pour réduire la charge totale sur le rotor. Il doit aussi contrer doucement la tendance vers la droite du plateau cyclique pour éviter un brusque mouvement vers la gauche de ce dernier au moment du rétablissement de l'assistance hydrauliqueNote de bas de page 20. Selon le manuel de vol, les pilotes doivent en outre [traduction] « en configuration de puissance maximale, réduire légèrement le pas collectif avant d'amorcer un virage, puisque cette manœuvre requiert davantage de puissanceNote de bas de page 21 ».
La lettre-service no 1648-29-03 conclut [traduction] :
Note de bas de page 22En 1985, le constructeur a effectué des essais en vol dans le but d'explorer les situations où la transparence des servocommandes survient. Une série de graphiques a été créée à partir de ces données. Ainsi, il est possible de prévoir les valeurs de facteur de charge déclenchant la transparence des servocommandes en fonction de la masse, de la densité-altitude et de la vitesseNote de bas de page 23. Ces données ont été consignées dans le rapport d'essais en vol aux fins de certification H/EV 17.530.
De plus, le constructeur avait précédemment fait savoir que la transparence des servocommandes ne peut apparaître lorsque le couple est inférieur à 50 % et qu'il est très peu probable qu'elle survienne à une vitesse inférieure à 100 nœuds. Elle peut toutefois survenir à un facteur de charge d'à peine 1,5g, selon la masse et la vitesse de l'aéronef et les conditions atmosphériquesNote de bas de page 24. Le manuel ne contient pas cette information, pas plus qu'il ne mentionne les paramètres des combinaisons des valeurs des facteurs mentionnés plus haut et la façon dont ces combinaisons peuvent contribuer à l'apparition du phénomène.
Dans le but de cerner les problèmes systémiques relatifs aux directives mises à la disposition des exploitants et des pilotes, l'enquête du BST s'est penchée sur les consignes fournies pour différentes situations où la transparence des servocommandes est susceptible de se produire. Les situations analysées incluaient un cabrage dans l'axe, comme dans l'événement à l'étude, ainsi qu'un cabrage avec roulis à gauche ou à droite. Il a été établi antérieurement que la transparence des servocommandes, lorsqu'elle survient au cours d'un virage à gauche, est essentiellement autocorrectrice, comme l'explique le manuel de vol. Puisque l'hélicoptère a tendance à rouler vers la droite en situation de transparence des servocommandes, il y a un risque accru que le virage vers la droite soit plus prononcé lorsque l'hélicoptère se dirige droit devant ou vire à droite. La transparence des servocommandes présente un risque particulièrement élevé lorsqu'elle survient dans un virage à droite à faible altitude, puisqu'elle amplifie le roulis à droite tout en réduisant le pas collectif.
Selon l'Accident Investigation Board Norway (AIBN), le contenu du manuel de vol est [traduction] :
Note de bas de page 25Par conséquent, l'AIBN a émis la recommandation suivante [traduction] :
Note de bas de page 26Une recommandation similaire a été formulée par l'Air Accidents Investigation Branch (AAIB) du Royaume-Uni en avril 2009 comme suite de l'enquête sur un accident d'AS 350 survenu lors de manœuvres à haute vitesse et à faible altitude [traduction] :
Note de bas de page 27Dans sa réponse à l'AAIB, Airbus Helicopters (qui s'appelait alors Eurocopter) a contesté cette recommandation, sous prétexte que [traduction] « la présentation du phénomène de transparence des servocommandes dans le manuel de vol est suffisamment expliciteNote de bas de page 28 ». Le constructeur a également fait savoir qu'il était en désaccord avec la mise en garde proposée par la recommandation 2008-067Note de bas de page 29.
Le constructeur n'a donc pris aucune mesure pour donner suite aux recommandations de sécurité de l'AIBN et de l'AAIB.
En plus des lettre-services de 2003 d'Eurocopter, la Federal Aviation Administration (FAA) a publié la consigne de navigabilité spéciale (Special Airworthiness Bulletin [SAIB]) SW-04-35 le 19 décembre 2003. La SAIB SW-04-35 mentionnait les lettres-service no 1648-29-03 et no 1649-29-03 d'Eurocopter et indiquait qu'il se pourrait que certains exploitants et pilotes ne comprennent pas la transparence des servocommandes. Cette SAIB reprenait la majeure partie du contenu de la lettre-service no 1648-29-03 d'Eurocopter.
Le 14 mai 2007, la Civil Aviation Safety Authority de l'Australie a émis la consigne de navigabilité 27-008, édition 1, intitulée Eurocopter Flight Control Servo Transparency, qui réitérait le contenu de la SAIB SW-04-35 de la FAA.
L'enquête a permis d'établir que le pilote en cause dans l'événement à l'étude ne savait pas que la transparence des servocommandes pouvait survenir à une vitesse inférieure à la vitesse à ne jamais dépasser (VNE). Le pilote avait eu à composer antérieurement avec un raidissement momentané des commandes, mais tenait pour acquis que l'hélicoptère devait demeurer manœuvrable tant que la vitesse ne dépassait pas VNE pour se conformer aux exigences de certification. Le pilote ne comprenait pas bien comment les autres facteurs pouvaient contribuer à la survenue de la transparence des servocommandes, même à des vitesses inférieures à VNE.
1.7 Renseignements météorologiques
Au moment de l'événement, les conditions météorologiques étaient les suivantes : nuages fragmentés, pas de précipitations, température d'environ −5 ºC et vents légers. L'enquête a déterminé que la densité-altitude était d'environ 1000 pieds au moment de l'événement.
1.8 Aides à la navigation
Sans objet.
1.9 Communications
Sans objet.
1.10 Renseignements sur l'aérodrome
Sans objet.
1.11 Enregistreurs de bord
L'hélicoptère n'était pas muni d'un enregistreur des données de vol ni d'un enregistreur de conversations de poste de pilotage, et la réglementation en vigueur ne l'exigeait pas.
L'hélicoptère était muni d'un système mondial de positionnement pour navigation satellite (GPS) Garmin GPSMAP 296 capable d'enregistrer des données. Les données du GPS ont été téléchargées au Laboratoire d'ingénierie du BST. À l'aide de ces données GPS, on a déterminé qu'une accélération verticale de 1,5g à 1,8g a été commandée 3 secondes avant l'impact, lorsque le pilote a tenté d'éviter le relief sur l'autre versant du ravin.
L'hélicoptère était muni d'un système de suivi de vol par satellite SkyTrac DSAT-300, qui permet des comptes rendus automatiques de position.
1.11.1 Enregistrements de bord et suivi des données de vol
Le vol en cause a été documenté au moyen de 2 enregistrements vidéos personnels. Ces 2 vidéos ont permis de déterminer que la vitesse indiquée était nettement inférieure à la vitesse anémométrique réelle pendant la majeure partie du volNote de bas de page 30.
Au cours de la phase de croisière initiale du vol, la vitesse indiquée était constante à environ 55 nœuds, soit jusqu'à 60 nœuds de moins que la vitesse anémométrique estimée d'après les données GPS. Après une courte période, tandis que l'hélicoptère était stable en croisière, la vitesse indiquée a brusquement augmenté à environ 75 nœuds, soit jusqu'à 35 nœuds de moins que la valeur estimée à partir des données GPS. Lorsque le pilote a amorcé la descente dans le ravin, la vitesse indiquée a d'abord augmenté rapidement à 100 nœuds, puis à environ 135 nœuds, se rapprochant ainsi de la valeur estimée à partir des données GPS. L'écart entre les valeurs de vitesse était probablement dû à un blocage du circuit anémométrique causé par la neige.
Un sommaire détaillé des données des instruments de vol pour les 20 dernières secondes du vol est fourni ci-dessous.
Secondes avant l'impact | Couple (%) |
Rotor (tr/min) |
Vitesse aném. (nœuds) |
Vitesse GPS (nœuds) |
Roulis (degrés) |
Assiette en tangage (degrés) |
Altimètre (pieds) |
Descente (pi/min) |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
20 | 81 | 385 | 72 | 112 | NV* | NV | 3600 | 0 |
18 | 81 | 385 | 71 | 112 | 20D** | −4 | 3600 | 0 |
16 | 80 | 385 | 75 | 113 | 20D | −4 | 3600 | 0 |
14 | 80 | 390 | 75 | 113 | 20D | −5 | 3600 | 0 |
13 | 80 | 390 | 92 | 114 | 20D | −5 | 3600 | −300 |
12 | 80 | 390 | 98 | 115 | 20D | −5 | 3600 | −500 |
10 | 69 | 390 | 102 | 118 | 20D | −20 | 3600 | −700 |
9 | 64 | 390 | 115 | 119 | 10D | −23 | 3500 | −1000 |
8 | 64 | 390 | 130 | 120 | 5D | −25 | 3400 | −1400 |
7 | 72 | 385 | 130 | 124 | 5D | −22 | 3300 | −2300 |
6 | 79 | 385 | 132 | 130 | 10D | −19 | 3250 | −3000 |
5 | 80 | 385 | 132 | 137 | 10D | −10 | 3100 | −3000 |
4 | 66 | 390 | 132 | 141 | 10D | −10 | 3000 | −3000 |
3 | 50 | 390 | 130 | 141 | 30D | NV | NV | NV |
2 | NV | NV | NV | NV | NV | NV | NV | NV |
1 | 12 | 370 | 98 | NV | 30D | NV | NV | −3000 |
* NV : non visible
** D : droite
L'enquête a établi que le pilote dans l'événement à l'étude avait déjà remarqué des anomalies dans les vitesses anémométriques, similaires à celles consignées plus haut, après un atterrissage dans la neige, comme lors du vol à l'étude. L'expérience avait appris au pilote que la vitesse anémométrique reviendrait à la normale au bout de quelques minutes, l'anomalie étant possiblement due à une accumulation temporaire de neige dans la prise de pression statique sous l'hélicoptère.
Les 2 vidéos réalisées en vol ne peuvent être considérées comme des enregistrements de bord en bonne et due forme tels que définis par la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, pour le secteur aéronautique :
tout ou partie soit des enregistrements des communications orales reçues par le poste de pilotage d'un aéronef […], ou en provenant, soit des enregistrements vidéo des activités du personnel assurant le fonctionnement des aéronefs […] qui sont effectués à ces endroits à l'aide du matériel d'enregistrement auquel le personnel n'a pas accès. Y sont assimilés la transcription ou le résumé substantiel de ces enregistrements.Note de bas de page 31
Ces vidéos ont toutefois fourni des renseignements vitaux pour l'analyse du vol en cause.
En 2013, à l'issue de son enquête sur un incident de perte de maîtrise et de désintégration en vol survenu en mars 2011 au nord-est de Mayo (Yukon)Note de bas de page 32, le BST a constaté que l'absence de données enregistrées et d'enregistrements de conversations dans le poste de pilotage dans le cadre d'une enquête pourrait empêcher la détermination et la communication de lacunes au chapitre de la sécurité et ainsi l'amélioration de la sécurité des transports.
Dans le préambule à sa recommandation, le Bureau affirmait que
Compte tenu des statistiques combinées sur les accidents impliquant les exploitations des sous-parties 702, 703 et 704 du RAC [Règlement de l'aviation canadien], il existe des arguments convaincants pour que l'industrie et l'organisme de réglementation déterminent les dangers et gèrent les risques inhérents à ces exploitations de façon proactive. Afin d'assurer une gestion efficace du risque, il faut savoir pourquoi les incidents se produisent et quelles pourraient être les lacunes de sécurité qui y ont contribué. En outre, une surveillance régulière des activités normales peut aider ces exploitants à améliorer leur efficacité opérationnelle et à déceler les lacunes de sécurité avant qu'elles ne causent un accident. Si un accident venait à se produire, les enregistrements de systèmes d'enregistrement des données de vol légers fourniraient des renseignements utiles pour permettre de mieux déterminer les lacunes de sécurité dans le cadre de l'enquête.
Le Bureau reconnaît qu'il faudrait régler certains enjeux pour faciliter l'utilisation réelle des enregistrements provenant des enregistreurs des données de vol légers, notamment l'intégration de cet équipement dans un aéronef, à la gestion des ressources humaines et aux enjeux d'ordre juridique, comme la restriction concernant l'utilisation d'enregistrements des conversations et vidéo dans le poste de pilotage.
Néanmoins, compte tenu de ce que cette technologie combinée à la surveillance des données de vol (FDM) offre comme possibilités d'améliorer considérablement la sécurité, le Bureau croit qu'aucun effort ne doit être épargné pour surmonter ces obstacles. En conséquence, le Bureau a recommandé que :
le ministère des Transports, en collaboration avec l'industrie, élimine les obstacles et élabore des pratiques recommandées en ce qui a trait à la mise en œuvre du suivi des données de vol et à l'installation de systèmes d'enregistrement des données de vol légers par les exploitants commerciaux qui ne sont pas actuellement tenus de munir leurs aéronefs de ces systèmes.
Recommandation A13-01 du BST
TC a pris les mesures suivantes pour remédier à la lacune de sécurité qui a donné lieu à la recommandation A13-01, ayant pour objet l'installation de systèmes d'enregistrement des données de vol légers par des exploitants commerciaux qui ne sont pas actuellement tenus d'utiliser ces systèmes :
- En 2013, après avoir réalisé une évaluation des risques visant à étudier d'autres méthodes de FDM, TC a fait savoir au BST qu'il appuyait la recommandation A13-01. En 2015, TC a avisé le BST de son intention de revoir cette évaluation des risques.
- En 2013, TC a fait savoir au BST qu'il allait rédiger une circulaire d'information pour décrire les pratiques recommandées concernant les programmes de suivi des données de vol.
- En 2013, TC a fait savoir au BST qu'il allait incorporer son analyse et son étude de la recommandation A13-01 à son évaluation des enregistreurs de conversations de poste de pilotage et des enregistreurs de données de vol, qui devait débuter au cours de l'année 2014-2015.
- En 2014, TC a fait savoir au BST qu'il allait étudier la possibilité d'ajouter les principes du suivi des données de vol à ses initiatives ou amendements réglementaires à venir.
- En 2015, TC a fait savoir au BST qu'il allait rédiger un document de travail comprenant des renseignements factuels sur le FDM, ainsi que les avantages, les coûts et les défis liés à son utilisation.
Cependant, en raison d'autres engagements, TC n'a entrepris aucune mesure pour concrétiser ses intentions.
En février 2018, TC a organisé un groupe de discussion composé d'intervenants du secteur afin d'évaluer les défis et les avantages de l'installation d'enregistreurs de données de vol légers par les exploitants qui ne sont pas actuellement tenus de munir leurs aéronefs de ces systèmes.
Cependant, d'ici à ce que ce groupe de discussion formule des conclusions quant aux défis et aux avantages de l'installation d'enregistreurs de données de vol légers dans les aéronefs qui ne sont pas tenus d'en avoir à l'heure actuelle et que TC indique au BST le plan d'action découlant de ces conclusions, on ignore quand et comment la lacune de sécurité soulevée par la recommandation A13-01 sera corrigée. Le Bureau juge préoccupant que très peu de mesures concrètes aient été prises pour mettre la recommandation A13-01 en pratique. Le Bureau estime que cela causera d'importants retards, comme dans le cas de nombreuses autres recommandations.
Par conséquent, à l'égard de la réponse à la recommandation A13-01, le Bureau estime que son évaluation est impossible.
Les avantages des enregistreurs légers ont aussi été soulignés par l'AIBN, qui estime qu'ils constituent [traduction] « une avancée majeure susceptible de répondre dans une large mesure aux besoins des autorités d'enquête sur les accidentsNote de bas de page 33 ». Après son enquête sur un accident d'AS 350 B3, l'AIBN a formulé la recommandation SL 2012/10T [traduction] :
Note de bas de page 34Le 3 avril 2017, en réponse à 12 recommandations de sécurité émises par 7 autorités d'enquête sur les accidents, l'AESA a publié l'Avis de proposition de modification 2017-03 : In-flight recording for light aircraft. Cet avis propose de rendre obligatoires les enregistreurs de données de vol légers pour certaines catégories d'avions et d'hélicoptères légers en service commercial. L'avis propose également de promouvoir l'installation volontaire d'un tel dispositif dans tous les autres avions et hélicoptères légers ainsi que dans toutes les montgolfières.
En octobre 2017, ce NPA en était à la phase de consultation, et une décision est attendue au dernier trimestre de 2018Note de bas de page 35.
1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact
L'enquête n'a révélé aucune défectuosité préexistante; on a déterminé que tous les dommages avaient été causés par la collision avec le versant du ravin, de même que toutes les déformations et ruptures. Les forces d'impact ont été atténuées par l'épais manteau neigeux, l'écartement et la déformation des patins d'atterrissage, et la déformation des sièges. La poutre de queue était gauchie et pliée à son point de jonction avec l'arrière de la cellule. Le dessous de l'hélicoptère avait été écrasé et déformé par l'impact avec la neige. Le système de rotor principal et de transmission était entré en contact avec le versant du ravin; les 3 pales étaient légèrement rayées et pliées, et le bord de fuite de 2 d'entre elles s'était fendu sous l'effet des forces de compression. Il était possible de faire tourner tous les composants d'entraînement manuellement. Le moteur a continué de fonctionner tout au long du vol et au sol après l'impact; le système de surveillance EMS d'Aerodyne a enregistré un surcouple au moment de la collision. Les composants du circuit hydraulique de commande de vol ont été retirés pour être soumis à une analyse plus poussée.
Des vérifications de continuité et d'intégrité de tous les composants du circuit hydraulique, réalisées dans les installations du fabricant en Angleterre et en France, ont déterminé que ceux-ci étaient à l'intérieur des tolérances de service.
1.12.1 Radiobalise de repérage d'urgence
L'hélicoptère en cause était doté d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) émettant sur 406 MHz d'Artex Aircraft Supplies Inc. (Artex) (numéro de pièce 453-6604, numéro de série 188-08306)Note de bas de page 36. L'ELT ne s'est pas déclenchée au moment de l'impact. On a envoyé l'ELT au Laboratoire d'ingénierie du BST aux fins d'analyse plus poussée. L'enquête a établi que l'ELT émettait comme prévu lorsque l'interrupteur était réglé à ON, mais qu'elle ne se déclenchait pas au facteur de charge prescrit, comme elle était censée le faire, lorsque l'interrupteur était réglé à ARM.
À moins d'autorisation contraire du ministre des Transports, la réglementationNote de bas de page 37 stipule qu'un aéronef doit être entretenu selon un calendrier de maintenance conforme aux Normes relatives à l'équipement et à la maintenance des aéronefs. Ces normes comprennent la vérification de rendement annuelle des ELT et l'essai du système d'activation automatiqueNote de bas de page 38.
Dans ce cas-ci, le ministre n'avait pas accordé de dérogation au calendrier de maintenance de l'exploitant. L'ELT de l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude avait fait l'objet d'une vérification de rendement annuelle le 10 décembre 2015; aucune défectuosité n'avait été découverte.
Les procédures d'inspection d'Artex pour l'entretien périodique du contacteur à inertie comprenaient les instructions suivantes [traduction] :
Déclencher l'ELT en la soumettant à un mouvement (basculer) rapide vers l'avant (dans la direction de la flèche sur son étiquette), suivi d'un mouvement rapide vers l'arrière.
Si le récepteur fait entendre un balayage de fréquences sonores, l'ELT s'est déclenchée.
Réinitialiser l'ELT en plaçant l'interrupteur à ON, puis en le ramenant à ARMNote de bas de page 39.
Le contacteur à inertie doit s'actionner pour que l'ELT soit considérée comme utilisable.
Une analyse plus poussée de l'ELT en cause a établi que son interrupteur inertiel à 2 positions (autrement dit, le contacteur à inertie) (numéro de pièce 2014-20-000), fourni par Select Controls Inc. en septembre 2008, était grippé. Le contacteur à inertie est de type linéaire à amortissement pneumatique. Il comprend une bille de laiton plaqué or et un ressort d'argent à l'intérieur d'un logement tubulaire en laiton. En cas d'impact, la pression exercée sur la bille provoque la compression du ressort pour qu'elle touche un contact.
Dans le cas de l'ELT en cause, on a établi que les vibrations de la bille avaient érodé la dorure, causant une accumulation de résidus poudreux noirs. Ceux-ci faisaient adhérer la bille, de sorte que l'ELT ne fonctionnait plus correctement. On a toutefois aussi établi que même si l'ELT avait été en bon état de fonctionnement, elle ne se serait pas nécessairement déclenchée. En effet, l'hélicoptère est entré en collision avec une épaisse couche de neige, laquelle a probablement atténué les forces d'impact à un point tel qu'elles auraient été insuffisantes pour déclencher l'ELT.
Le modèle d'ELT en cause comprend un contacteur à inertie et un module de contacteur à inertie à 5 axes. Ce module exige une force minimale de 12g sur 1 de ses 5 axes pour déclencher l'ELTNote de bas de page 40. Toutefois, étant donné l'épaisse couche de neige, les forces d'impact auraient sans doute été atténuées à un point tel qu'elles auraient été insuffisantes pour actionner ce module de contacteur à inertie secondaire.
Au cours de l'enquête, le fournisseur du contacteur à inertie a confirmé que ce dernier peut se gripper momentanément en raison de la détérioration de la dorure à l'intérieur du logement et sur la bille causée par les vibrations. Cette détérioration produit un résidu poudreux à mesure que l'ELT vieillit, particulièrement dans des conditions de fortes vibrations. Par conséquent, le fournisseur recommande ce qui suit à propos des contacteurs à inertie : de les mettre à l'essai tous les 4 mois dans le cas d'ELT en service depuis 5 à 7 ans, et de les mettre à l'essai tous les 3 mois ou de les remplacer dans le cas d'ELT en service depuis 7 à 9 ans. Pour les ELT en service depuis 10 ans ou plus, les contacteurs à inertie devraient être remplacés.
Étant donné ces recommandations du fournisseur du contacteur à inertie, un fabricant d'ELT qui utilise le même type de contacteur à inertie a publié un bulletin de service sur cette question (annexe D). Le fournisseur du contacteur à inertie a alors discuté de ces recommandations avec un autre fabricant d'ELT. Ce dernier a lui aussi publié un bulletin de service présentant ces recommandations (annexe E). Après avoir été informé de possibles problèmes latents de contacteur à inertie sur le terrain en 2011, Artex a mis en marché un modèle modifié d'ELT Artex ME 406. Ce dernier est doté d'un contacteur à inertie amélioré et hermétiquement fermé qui a été approuvé par la FAA en 2013. De plus, tous les manuels de maintenance des composants d'Artex ont été mis à jour. On y recommande de remplacer l'ancien modèle de contacteur à inertie par le nouveau lors de tout travail de maintenance, y compris le remplacement quinquennal de la pile. Tous les produits ultérieurs d'Artex utilisent ce nouveau contacteur à inertie.
1.12.2 Événements antérieurs mettant en cause des contacteurs d'inertie grippés
Deux enquêtes antérieures du BSTNote de bas de page 41 avaient établi que le grippage des contacteurs d'inertie de Select Controls Inc. (numéro de pièce 2014-1-000) avait empêché le déclenchement de l'ELT après un événement. Dans les 2 cas, l'usure de la bille et du logement avait provoqué une accumulation de résidu poudreux noir qui avait grippé la bille, rendant l'ELT inutilisable.
1.13 Renseignements médicaux et pathologiques
Sans objet.
1.14 Incendie
Il n'y a pas eu d'incendie.
1.15 Questions relatives à la survie des occupants
Le pilote et le guide avaient fait un exposé aux passagers sur les procédures à l'intérieur et à proximité de l'hélicoptère. Tous les passagers portaient un casque de ski, ainsi qu'une ceinture-baudrier de sécurité. Le guide avait bouclé sa ceinture-baudrier de sécurité, mais sa tête n'était pas protégée. Le pilote portait un casque, et était retenu par une ceinture sous-abdominale et un baudrier.
Après l'impact, certains passagers ont d'abord tenté de sortir avant que le rotor principal ait cessé de tourner, mais le guide est intervenu, et les occupants ont attendu que le rotor principal s'immobilise. Tous les occupants sont alors sortis du côté gauche de l'hélicoptère.
1.16 Essais et recherches
1.16.1 Rapports de laboratoire du BST
Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :
- LP065/2016 – ELT Analysis [analyse de l'ELT]
- LP066/2016 – Video Analysis [analyse des vidéos]
- LP125/2016 – Performance Analysis [analyse des performances]
- LP126/2016 – Hydraulic System Examination [examen du circuit hydraulique]
1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion
1.17.1 TRK Helicopters Ltd.
TRK Helicopters Ltd. exploite des hélicoptères Robinson R44, Bell 205, Bell 407 et Airbus Helicopters EC 120 B, EC 130 B4, AS 350 et AS 355 en vertu des sous-parties 702 (Opérations de travail aérien) et 703 (Exploitation d'un taxi aérien) du RAC; sa base principale est à l'aéroport régional de Langley (CYNJ) (Colombie-Britannique).
TRK Helicopters Ltd. n'a pas de système de gestion de la sécurité (SGS) et la réglementation ne l'y oblige pas.
1.17.2 Surveillance de TRK Helicopters Ltd. par Transports Canada
En janvier 2016, TC a mené une inspection de validation de programme (IVP)Note de bas de page 42 chez TRK Helicopters Ltd. Les activités de cette IVP se limitaient à une revue des non-conformités à la réglementation relevées précédemment et des systèmes en place pour le suivi des manques, des mesures correctives et des mesures de suivi ou plans de mesures correctives. L'IVP ne comprenait pas d'évaluations des risques ni d'examen des dossiers de formation des pilotes, des activités de maintenance ou des lacunes de formation.
1.18 Renseignements supplémentaires
Sans objet.
1.19 Techniques d'enquête utiles ou efficaces
Sans objet.
2.0 Analyse
Rien n'indique qu'une défaillance d'un système aurait contribué à cet accident. La présente analyse portera principalement sur les caractéristiques de conception du circuit hydraulique de l'AS 350 et sur l'apparition de la transparence des servocommandes suite aux manipulations des commandes dans les dernières secondes du vol. L'analyse se penchera également sur des lacunes de sécurité relatives aux contacteurs à inertie de certaines radiobalises de repérage d'urgence (ELT), en plus de faire ressortir le rôle qu'ont joué les enregistrements vidéos personnels dans cette enquête.
2.1 Transparence des servocommandes
Le circuit hydraulique de l'hélicoptère AS 350 est conçu pour réduire la force nécessaire au pilotage de l'aéronef et pour isoler le pilote de ces forces. Cependant, une limite conceptuelle de ce système peut entraîner la transparence des servocommandes en cas de manœuvres excessives en conjonction avec divers facteurs (haute vitesse anémométrique, forte sollicitation du levier collectif, grosse masse brute, grand facteur de charge et densité-altitude élevée) même si l'hélicoptère est exploité dans le domaine de vol approuvé. Lorsque cela se produit, les forces augmentent jusqu'à excéder la capacité du circuit hydraulique; le pilote ressent ces forces comme un déplacement non commandé du plateau cyclique vers l'arrière et la droite.
Dans l'événement à l'étude, tous ces facteurs de risque étaient présents, à l'exception de la densité-altitude élevée, et la charge aérodynamique sur le rotor principal a dépassé la capacité du circuit hydraulique. La transparence des servocommandes résultante a provoqué un cabrage et un roulis vers la droite de l'hélicoptère tandis qu'il se trouvait très près de la pente enneigée. Bien que le problème ait eu tendance à se corriger naturellement (puisque le cabrage a fait diminuer la vitesse anémométrique et, par conséquent, les charges aérodynamiques), ce qui a permis au pilote de récupérer l'assistance hydraulique, il était alors trop tard pour éviter l'impact avec le relief enneigé. La transparence des servocommandes hydrauliques de l'AS 350 a été causée par la combinaison d'une descente à grande puissance à une vitesse approchant celle à ne jamais dépasser (VNE) et d'une accélération verticale de 1,5g à 1,8g avec une masse brute proche du maximum admissible.
Le phénomène de transparence des servocommandes des hélicoptères de la série AS 350 a joué un rôle dans un certain nombre d'accidents dans le passé. En 2003, le constructeur a publié une lettre-service, car il craignait que les exploitants et les pilotes ne comprennent pas bien le phénomène de transparence des servocommandes. Selon la lettre-service, ce phénomène n'est pas dangereux dans la mesure où le pilote le prévoit correctement en cas de manœuvres abruptes ou générant de fortes charges.
Dans l'événement à l'étude, le pilote ne comprenait pas bien les facteurs qui augmentaient le risque de transparence des servocommandes ni que le phénomène pouvait survenir à des vitesses inférieures à VNE. Le pilote a donc placé l'hélicoptère dans un régime de vol à faible altitude qui réunissait 4 des 5 facteurs augmentant le risque de transparence des servocommandes. L'hélicoptère se trouvait alors à une altitude ne permettant pas au pilote d'en reprendre la maîtrise avant l'impact avec le relief enneigé.
Le manuel de vol de l'AS 350 met en garde contre un dépassement du domaine de vol approuvé et interdit la poursuite des opérations en cas de transparence des commandes, mais donne peu d'information sur le phénomène. Même si Airbus Helicopters avait déterminé antérieurement que la combinaison des facteurs de charge, de la puissance, de la masse, de la vitesse et de la densité-altitude est susceptible de mener à la transparence des servocommandes, l'entreprise ne donne aucune information à ce sujet dans le manuel de vol de l'AS 350.
En outre, même si d'autres organismes d'enquête avaient recommandé à Airbus Helicopters d'ajouter au manuel de vol une mise en garde sur les risques inhérents à la transparence des servocommandes en virage à droite à faible altitude, le constructeur n'a pas suivi ces recommandations. La source la plus complète d'information sur la transparence des servocommandes produite par le constructeur et mise à la disposition des exploitants et pilotes est une lettre-service de 2003 contenant des renseignements généraux sur les facteurs qui augmentent le risque d'apparition du phénomène. Le manuel de vol a toutefois été mis à jour en 2006 pour intégrer les points essentiels de la lettre-service de 2003.
2.2 Contacteurs à inertie de la radiobalise de repérage d'urgence
Le contacteur à inertie à 1 axe s'est grippé à cause d'une usure non détectée. Cela a rendu l'ELT inutilisable. Bien que cette défectuosité n'ait rien changé aux conséquences de l'accident, elle révèle un risque potentiel pour le réseau des transports.
Le fournisseur du contacteur à inertie recommandait des procédures d'inspection et de remplacement, qui ont été adoptées par certains fabricants d'ELT. Comme l'a démontré l'événement à l'étude, certains fabricants d'ELT n'ont pas adopté le calendrier d'inspection et de remplacement recommandé par le fournisseur du contacteur à inertie, et la réglementation ne les y oblige pas.
Dans l'événement à l'étude, la défectuosité interne de l'ELT n'avait pas été détectée avant l'accident. Si les fabricants d'ELT ne respectent pas les calendriers d'inspection et de remplacement recommandés par les fournisseurs de sous-composants, il y a un risque accru de panne des ELT.
2.3 Enregistrements de bord et suivi des données
Les enregistrements vidéos personnels ont été cruciaux pour cerner les lacunes de sécurité dans l'événement à l'étude. Bien qu'ils ne puissent être considérés comme des enregistrements de bord en bonne et due forme aux termes de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, le rôle qu'ils ont joué dans la présente enquête est révélateur de la valeur des enregistrements en tant que moyen d'améliorer la sécurité des transports. Ils peuvent être utilisés de manière réactive, pour cerner les lacunes de sécurité qui ont contribué à un événement, ou préventive dans le cadre d'un programme de suivi des données de vol, afin d'éviter de possibles accidents.
Conscient de ces avantages de taille, le BST a émis la recommandation A13-01, qui demande à Transports Canada de collaborer avec les intervenants du secteur pour mettre en œuvre le suivi des données de vol et l'installation de systèmes d'enregistrement des données de vol légers dans les aéronefs commerciaux. L'adoption de cette recommandation et des mesures concrètes pourrait améliorer considérablement la sécurité des transports à de multiples égards.
À ce jour, Transports Canada n'a pris aucune mesure pour remédier spécifiquement à la lacune de sécurité relevée dans la recommandation A13-01. Par conséquent, les risques associés à la lacune de sécurité décrite dans la recommandation A13-01 persistent.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- La transparence des servocommandes hydrauliques de l'AS 350 a été causée par la combinaison d'une descente à grande puissance à une vitesse approchant de la vitesse à ne jamais dépasser et d'une accélération verticale de 1,5g à 1,8g avec une masse brute proche du maximum admissible.
- Le pilote a placé l'hélicoptère dans un régime de vol qui a causé la transparence des servocommandes à une altitude ne lui permettant pas d'en reprendre la maîtrise avant l'impact avec le relief enneigé.
3.2 Faits établis quant aux risques
- Si les fabricants de radiobalises de repérage d'urgence ne respectent pas les calendriers d'inspection et de remplacement recommandés par les fournisseurs de sous-composants, il y a un risque accru de défectuosité des radiobalises de repérage d'urgence.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 TRK Helicopters Ltd.
L'exploitant, TRK Helicopters Ltd., a fait savoir que son programme de formation avait été révisé pour accorder une importance particulière aux procédures d'urgence en cas de défaillance du circuit hydraulique et aux conditions qui augmentent le risque de transparence des servocommandes.
4.1.2 Airbus Helicopters
Airbus Helicopters a entrepris de mettre au point des systèmes de suivi de données de vol en collaboration avec une de ses sociétés affiliées, Appareo Systems, qui fournit des enregistreurs des données de vol légers embarqués.
Airbus Helicopters a également fait savoir qu'on révisera le programme de formation avancée sur la série AS 350 et envisage d'inclure une présentation vidéo du phénomène de transparence des servocommandes et des correctifs appropriés en vol.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .
Annexes
Annexe A – Événements antérieurs impliquant la transparence des servocommandes des hélicoptères de la série AS 350
Organisme | Date de l'événement | Numéro d'événement et résumé |
---|---|---|
National Transportation Safety Board (É.‑U.) | 2001-10-19 | FTW02FA017 – Le pilote a amorcé un virage à droite en descente à environ 200 pieds au-dessus du sol, à une vitesse anémométrique de 115 à 120 nœuds. Pendant le virage, le pilote s'est rendu compte que le virage était trop serré et a tenté de réduire l'inclinaison, mais le manche de pas cyclique ne bougeait pas; l'hélicoptère a percuté le sol. Il y a eu 2 décès. |
National Transportation Safety Board (É.‑U.) | 2004-12-14 | LAX05FA053 – En manœuvrant en vue d'un atterrissage, le pilote a été incapable de déplacer le manche de pas cyclique et l'hélicoptère a percuté le sol. Le rapport mentionne le phénomène de transparence des servocommandes. Il y a eu 1 décès. |
Bureau de la sécurité des transports du Canada | 2007-07-23 | A07W0138 – Le pilote s'est trouvé en situation de transparence des servocommandes au cours d'une descente soudaine à haute vitesse. Le pilote avait été formé à reconnaître la transparence des servocommandes, mais n'est pas parvenu à mettre en pratique cet apprentissage au cours de l'événement. Le pilote n'a pas réussi à reprendre la maîtrise de l'hélicoptère avant de percuter le relief. Il y a eu 1 décès. |
Air Accidents Investigation Branch (Royaume-Uni) | 2007-09-15 | EW/C2007/09/06 – Il est probable qu'à un moment donné, le pilote a poussé l'hélicoptère au maximum, soit pour éviter le relief ou freiner la descente, soit pour une autre raison. Cela aurait rendu la transparence des servocommandes plus probable. Il y a eu 4 décès. |
Accident Investigation Board Norway | 2011-07-04 | SL2012/13 – Des manœuvres brusques ont peut-être provoqué la transparence des servocommandes à une altitude ne permettant pas au pilote de reprendre la maîtrise de l'hélicoptère avant l'impact. Le rapport comprend une description détaillée de la transparence des servocommandes. Il y a eu 5 décès. |
Service suisse d'enquête de sécurité | 2013-07-01 | No 2265 – Selon le rapport, il est fort probable que le pilote a perdu la maîtrise de l'aéronef par suite de l'amorce de la transparence des servocommandes au cours d'un virage à droite à proximité du relief, ce qui a causé la collision de l'hélicoptère avec le terrain. Il y a eu 1 décès. |
Annexe B – Lettre-service no 1648-29-03 d'Eurocopter
Source : Eurocopter, Lettre-Service No. 1648-29-03 (4 décembre 2003), Hydraulic Power System: Servo Transparency [en anglais seulement]
Annexe C – Information du manuel de vol sur la transparence des servocommandes
Annexe D – Bulletin de service SB E-01.8 d'ACK Technologies Inc.
Annexe E – Bulletin de service ELT 910 No. 2 de Narco Avionics Inc.
Source : Narco Avionics Inc., Service Bulletin No. ELT 910 No. 2 (6 août 2008), ELT-910 "G" Switch Replacement and Testing Interval [en anglais seulement]