Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A19C0053

Collision avec le relief
Piper PA-12
Domain Lake (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    Le 28 mai 2019, à environ 15 h 03Note de bas de page 1, le pilote d'un Piper PA‑12S Super Cruiser privé (immatriculé C-FYDN, numéro de série 12-1574) muni de flotteurs a signalé à la station de radio de KenoraNote de bas de page 2 son intention de décoller en direction ouest à partir d'un quai privé situé sur le lac Red, en Ontario.

    Le pilote, qui était assis sur le siège avant, effectuait un vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination du lac Domain, en Ontario. Le vol avait pour objectif le transport de 2 passagers d'un camp éloigné au lac Domain à un deuxième camp éloigné situé au lac Optic, en Ontario. Les passagers étaient des employés du pilote, lui-même propriétaire de l'avion et des camps éloignés.

    Juste avant son départ du lac Red, le pilote a envoyé un itinéraire de vol par messagerie texte à une personne responsableNote de bas de page 3. La trajectoire de vol prévue était du lac Red au lac Domain, puis au lac Optic, ensuite retour au lac Domain, retour au lac Optic et enfin retour au lac Red avant 21 h 30 (figure 1).

    Figure 1. Aperçu des vols prévus (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Aperçu des vols prévus (Source : Google Earth, avec  annotations du BST)

    À 15 h 05, la station de radio de Kenora a avisé le pilote que l'état actuel du vent à l'aéroport de Red Lake (CYRL) (Ontario) était de 240 degrés magnétiques à 10 nœuds avec des rafales à 19 nœuds et que le calage altimétrique était de 29,69 pouces de mercure (inHg), puis a demandé au pilote d'appeler après le décollage. À 15 h 08, le pilote a signalé qu'il avait décollé. À 15 h 14, le pilote a indiqué que l'appareil C‑FYDN avait quitté la zone de contrôle à l'ouest à 2000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL).

    Le pilote a amerri au lac Domain à environ 16 h et a circulé jusqu'au camp éloigné. Par la suite, le pilote et le 1er passager sont partis pour le lac Optic, laissant le 2e passager au camp. À environ 17 h 30, des canoteurs ont vu l'avion amerrir sur le lac Optic.

    En poursuivant leur trajet autour de la berge du lac Optic, les canoteurs ont dû composer avec des conditions de canotage difficiles en raison de forts vents du sud-ouest et de grosses vagues (figure 2 ).

    Figure 2. Eau agitée sur le lac Optic à 17 h 11 (Source : tierce partie, avec permission)
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    Eau agitée sur le lac Optic à 17 h 11 (Source : tierce partie, avec permission)

    L'avion est resté au lac Optic, puis vers 20 h 15, les canoteurs ont entendu un aéronef quitter le lac Optic. Le pilote est retourné au lac Domain seul, a cueilli le 2e passager et a ensuite quitté le lac Domain en direction du lac Optic.

    À 21 h 24, les canoteurs ont aperçu un panache de fumée au nord-ouest, en direction du lac Domain.

    À 21 h 50, le pilote n'avait pas encore communiqué avec la personne responsable, qui a ensuite avisé le partenaire d'affaires du pilote que le vol était en retard.

    Le lendemain matin, vers 6 h 30, le partenaire d'affaires s'est rendu au domicile du pilote et a constaté que l'appareil C‑FYDN n'était pas au quai. Vers 8 h 30, le partenaire d'affaires et une deuxième personne ont piloté un avion privé de Red Lake/Howie Bay (CKS4) à destination du lac Domain, et ils ont constaté que l'appareil C-FYDN avait percuté des arbres et le relief et qu'il y avait un incendie de forêt près du lieu de l'écrasement.

    À 9 h 06, le Bureau principal des incendies de Red Lake a envoyé une équipe de garde-feux et un hélicoptère à l'endroit où la fumée avait été observée. Le Bureau principal des incendies de Red Lake a avisé à 9 h 50 la Police provinciale de l'Ontario qu'un avion s'était écrasé et a communiqué vers 10 h 30 avec le Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) de Trenton. Le JRCC de Trenton n'avait reçu aucun signal de radiobalise de repérage d'urgence (ELT).

    La Police provinciale de l'Ontario est ensuite arrivée sur les lieux et a constaté que les 2 occupants de l'avion avaient subi des blessures mortelles.

    Renseignements sur le pilote

    Les dossiers indiquent que le commandant de bord avait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote possédait une licence de pilote privé canadienne délivrée le 14 mai 2019. Il avait reçu l'annotation de qualification sur hydravion le 23 mai 2019. Les dossiers indiquent que le pilote avait accumulé 102,7 heures de temps de vol au total et environ 3,3 heures à titre de commandant de bord sur hydravion.

    Renseignements sur l'aéronef

    Le Piper PA-12S en cause (ci-après appelé « l'avion ») était un avion monomoteur haubané à ailes hautes muni de flotteurs, fabriqué par Piper Aircraft Corporation en 1947. Sa capacité totale de carburant était de 36 gallons américains (33 gallons américains utilisables) et il était équipé pour les vols VFR de jour seulement. L'avion était certifié pour transporter 1 pilote (sur le siège avant) et 2 passagers (sur la banquette arrière). Le siège du pilote était doté d'une ceinture sous-abdominale et d'une ceinture-baudrier, et la banquette arrière était dotée de deux ceintures sous-abdominales individuelles. L'avion avait accumulé environ 5235 heures de vol cellule au total et était entretenu selon la norme établie dans les appendices B et C de la norme 625 du Règlement de l'aviation canadien.

    L'avion était assorti de nombreux autres certificats de type supplémentaire (STC), modifications et notices techniques, notamment :

    • Installation d'un moteur Lycoming 0-320-A2B (STC-SA83AL)
    • Installation d'une hélice McCauley 1A175-GM8241 (STC-SA279AL)
    • Installation de volets d'ailes Piper Modèle PA-18 (STC-SA578AL)
    • Installation d'une commande de profondeur de type Piper PA-18
    • Installation de nouveaux mâts fermés (AD93-10-06)
    • Agrandissement de la soute à bagages 
    • Déplacement de la batterie et modification du système électrique 

    Le 5 mai 2013, des flotteurs ont été installés sur l'avion conformément au dessin de flotteur 11031 de Piper, qui indiquait l'installation d'une dérive ventrale. Une dérive ventrale sert à augmenter la stabilité directionnelle d'un avion. Elle peut être remplacée par des câbles de centrage de la gouverne de direction, conformément au STC SA289AL. Cependant, ni une dérive ventrale ni des câbles de centrage de la gouverne de direction n'étaient installés au moment de l'accident.

    L'avion était muni d'une ELT de 406 MHz, installée dans le poste de pilotage. En raison des dommages causés par l'incendie, on n'a pu déterminer si l'interrupteur de la radiobalise était en position allumé, armé ou éteint.

    Masse et centrage

    L'avion avait une masse à vide de 1378 livres et une masse maximale au décollage de 1838 livres sur les flotteurs.Note de bas de page 4 L'enquête n'a pas permis de déterminer la quantité de carburant à bord de l'avion ou si l'avion respectait les limites de masse et de centrage déterminées au moment de l'accident. 

    Renseignements météorologiques

    L'enquête n'a pas permis de déterminer si le pilote avait consulté des renseignements météorologiques pour l'aviation avant le vol.

    Les prévisions météorologiques pour l'aviation qui avaient été émises avant le départ du pilote indiquaient que des vents au sol d'ouest à 15 nœuds avec des rafales à 25 nœuds étaient prévus pour la région de Red LakeNote de bas de page 5, avec une turbulence mécanique modérée de la surface à 3000 pieds ASLNote de bas de page 6.

    À 15 h, les conditions météorologiques à CYRL étaient les suivantes : vents 260° vrais à 11 nœuds avec des rafales à 19 nœuds, visibilité de 15 milles terrestres (SM), nuages épars à 6400 pieds au-dessus du sol (AGL), nuages fragmentés à 20 000 pieds AGL, température de 19 °C, point de rosée de 4 °C et calage altimétrique de 29,69 inHg. Les vents en rafales ont continué à souffler jusqu'à au moins 20 h.

    Les rapports de 2 pilotes dans la région de Red Lake décrivent les conditions météorologiques à la fin de l'après-midi comme « violemment venteuses », et ils ont donc choisi de ne pas effectuer de vols pour le reste de la journée.

    À 17 h 26, une indication de l'intensité de la turbulence mécanique s'est produite à 115 milles marins au sud-est de CYRL, à Sioux Lookout, en Ontario. Un Beech 1900 a perdu 20 nœuds de vitesse anémométrique dans un cisaillement du vent à basse altitude, à 500 pieds AGL lors de l'approche finale. NAV CANADA a transmis un rapport météo de pilote (PIREP)Note de bas de page 7 urgent sur le service d'information de vol en route (FISE)Note de bas de page 8 à 17 h 31 pour les régions de Sioux Lookout, Kenora et Red Lake. Les messages du FISE étaient diffusés sur les fréquences 122,375, 123,275, 123,375, 123,475, 123,55 et 126,7 MHz.

    L'enquête n'a pas permis de déterminer si le pilote avait entendu le PIREP  urgent.

    À 21 h, les conditions météorologiques à CYRL étaient les suivantes : vents 300° vrais à 5 nœuds, visibilité de 15 SM, ciel dégagé, température de 17 °C, point de rosée de − °C et calage altimétrique de 29,68 inHg.

    Le 28 mai 2019, le soleil s'est couché à 21 h 19 au lac Domain, et la fin du crépuscule civil est survenue à 22 h 02.

    Renseignements sur l'épave et sur l'impact

    L'avion a percuté des arbres et le relief sur la berge du lac Domain (figure 3) en direction sud-est, dans une assiette en piqué d'environ 30°. L'avion a percuté des arbres, puis un rocher de granite à une altitude topographique d'environ 1394 pieds ASL.

    Figure 3. Lieu de l'accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Lieu de l'accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    Avant de percuter le rocher de granite, l'hélice a sectionné un arbre, ce qui indique que l'hélice tournait et que le moteur produisait une puissance élevée au moment de l'impact. Aucune traînée n'a été laissée par l'épave.

    Une inspection de la cellule pour découvrir des anomalies avant l'impact n'a pas été concluante en raison des dommages subis au moment de l'impact et pendant l'incendie après l'impact. Une inspection des câbles des commandes de vol n'a pas révélé de discontinuité pour les gouvernes de profondeur, les gouvernes de direction, les ailerons et le circuit des volets. L'incendie a consumé l'aile droite complète, le poste de pilotage et la majeure partie de l'entoilage de l'avion. En raison de l'incendie, l'inspection de l'aile droite s'est limitée à l'inspection d'un câble de commande de vol, et aucun défaut n'a été constaté. Le bouchon de carburant gauche n'a pas été trouvé sur le site de l'accident. L'examen des flotteurs était limité, mais les points d'attache et les fils étaient présents et ne présentaient aucun signe d'anomalie.

    Étude de sécurité aéronautique SSA93001 du BST

    Une étude de sécurité aéronautique publiée par le BST en 1994 observait que

    les avions qui sont le plus souvent équipés de flotteurs comme les «dérivés» du Piper Cub (J3, PA11, PA12, PA14, PA18, PA20, PA22), les Cessna 172, les Cessna 180, les Cessna 206, les Beaver et les Otter subissent davantage d'accidents mortels sur flotteurs que sur rouesNote de bas de page 9.

    L'étude a révélé que les pilotes ayant moins de 100 heures d'expérience sur un avion avec une configuration de train donnée comptaient pour 38 % des accidents étudiés. Ce pourcentage de 38 % était divisé entre les pilotes ayant moins de 100 heures d'expérience sur un avion terrestre (17 % des accidents) et ceux ayant moins de 100 heures d'expérience sur un hydravion (21 % des accidents). L'étude soulignait que la différence de 4 % donnait à croire que les pilotes d'hydravions récemment formés ne sont peut-être pas adéquatement préparés pour piloter ce type d'avion, car ils comptent pour une plus grande proportion des accidents que les pilotes d'avions terrestres, même s'ils ont probablement accumulé plus d'expérience de vol au total, car la majorité de ces pilotes avait de l'expérience sur les avions terrestres avant de passer aux hydravions.

    Message de sécurité

    Les pilotes doivent tenir compte de leurs compétences et de leur expérience ainsi que des capacités de l'avion lorsqu'ils planifient et effectuent des vols, surtout lorsqu'on prévoit des vents au sol en rafales et une turbulence modérée sur la trajectoire de vol.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .