Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Déroulement du vol
Vers 7 h 30Les heures sont exprimées en heure avancée du Pacifique (temps universel coordonné moins 7 heures). le 25 juin 2023, l’avion ultra-léger de type évolué Savannah sous immatriculation privée (immatriculation C-ISVG, numéro de série 05-10-51-433), qui était muni de flotteurs amphibies, a décollé de l’aéroport de Chetwynd (CYCQ) (Colombie-Britannique) pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de Dawson Creek (CYDQ) (Colombie-Britannique). L’aéronef est retourné à CYCQ à 11 h 30.
Puis, vers 12 h 13, l’aéronef a décollé de CYCQ pour effectuer un vol VFR à destination de quelques lacs locaux. Le pilote, qui était le seul occupant, avait désigné 2 personnes de confianceUne personne de confiance s’entend d’une « personne qui a convenu avec celle ayant déposé l’itinéraire de vol de voir à ce que les services suivants soient avisés […] lorsque l’aéronef est en retard : a) soit une unité de contrôle de la circulation aérienne, une station d’information de vol ou une station radio d’aérodrome communautaire; b) soit un centre de coordination de sauvetage. » (Source : Transports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien, article 602.70) à qui il communiquerait régulièrement ses positions et ses intentions pendant la journée.
L’aéronef est arrivé au premier lac, le lac IverAussi appelé le lac Snow. (55°19'45" N 122°10'46" W) (Colombie‑Britannique), à 12 h 47, et est reparti à 14 h 30 pour ensuite atterrir au lac Azouzetta (55°23'12" N 122°36'46" W) (Colombie-Britannique) à 14 h 52. Il a quitté le lac Azouzetta à 14 h 56, et le pilote a utilisé un dispositif de communication par satellite pour envoyer un message aux personnes de confiance, les informant qu’il avait l’intention d’effectuer son prochain amerrissage au lac Simpson (55°32'6" N 122°40'25" W) (Colombie-Britannique). À la suite de ce message du pilote, les personnes de confiance n’en ont reçu aucun autre du pilote. Elles lui ont envoyé 4 messages entre 15 h 14 et 16 h 15, qui sont demeurés sans réponse.
L’une des personnes de confiance, qui est pilote, s’est envolée vers le secteur, à environ 37 milles marins (NM) à l’ouest-sud-ouest de CYCQ. Vers 17 h, elle a aperçu l’aéronef à l’étude dans l’eau, près de la rive nord-ouest du lac SimpsonLe lac Simpson est un lac de montagne d’environ 4100 pieds de long et 1000 pieds de large. Les montagnes environnantes s’élèvent à environ 1000 pieds au-dessus du niveau du lac.. Après avoir identifié l’aéronef, elle est retournée à CYCQ. En route, elle a établi un contact radio avec un hélicoptère qui survolait le secteur près du lieu de l’accident, mais son équipage n’était pas en mesure d’aider.
La deuxième personne de confiance a fait des démarches pour trouver un hélicoptère, qui s’est rendu sur le lieu de l’accident avec la première personne de confiance. L’hélicoptère a atterri près du lieu de l’accident, et le pilote de l’événement a été retrouvé mortellement blessé.
La deuxième personne de confiance a communiqué avec le Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) de Victoria (Colombie-Britannique) à 17 h 18 pour signaler l’accident d’aéronef. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a été avisée à 17 h 39 et s’est rendue sur les lieux peu de temps après. L’aéronef était lourdement endommagé.
Renseignements sur le pilote
Le pilote était titulaire d’une licence de pilote de planeur, d’une licence de pilote privé – avion avec qualifications de nuit et d’hydravion, et d’un certificat médical valide de catégorie 3. Il avait à son actif un total de quelque 400 heures de vol, dont environ 40 heures à bord de l’aéronef à l’étude. Il était aussi technicien d’entretien d’aéronef.
Le pilote en était à son premier vol à destination du lac Simpson.
Renseignements météorologiques
Il n’y a aucune station d’observation météorologique au lac Simpson. Les stations météorologiques les plus proches se trouvent à l’aérodrome de Mackenzie (CYZY) (Colombie‑Britannique) et à CYCQ. CYZY se trouve à 21 NM au sud-ouest du lieu de l’accident, mais il n’a pas fourni de compte rendu météorologique après 7 h cette journée-là. CYCQ se trouve à 37 NM à l’est-nord-est du lieu de l’accident et a émis un message d’observation météorologique régulière d’aérodrome à 15 h qui indiquait ce qui suit :
- vents soufflant du 150° vrai (V) à 9 nœuds; direction variable entre 120°V et 260°V;
- visibilité de 35 milles terrestres (SM);
- quelques nuages cumulus bourgeonnants à 4500 pieds au-dessus du sol (AGL), quelques nuages à 5000 pieds AGL, nuages épars à 11 000 et 15 000 pieds AGL;
- température de 27 °C, point de rosée de 14 °C;
- calage altimétrique de 29,93 pouces de mercure.
- cumulus bourgeonnant 2/8, cumulus 1/8, altocumulus 1/8 et altostratus 1/8;
- virgaLe virga se compose de particules d’eau ou de glace tombant d’un nuage, ayant habituellement l’aspect de mèches ou de sillons et s’évaporant complètement avant d’atteindre le sol. (Source : NAV CANADA, Le Temps en Ontario et au Québec – Prévision de zone graphique 33, Glossaire de termes météorologiques, p. 218.) au nord, au sud-est et au sud-ouest;
- fumée épaisse dans les vallées au sud et à l’ouest;
- pression au niveau de la mer de 140 hectopascals et altitude-densité de 3800 pieds.
Le BST a demandé à Environnement et Changement climatique Canada une analyse météorologiqueEnvironnement et Changement climatique Canada, Meteorological Assessment – June 25, 2023 - Lake Simpson, British Columbia (25 septembre 2023).. Le rapport d’analyse indique que, le jour de l’événement, il y avait un faible gradient de pression à la surface avec une large crête de haute pression au-dessus du nord et du centre de la Colombie-Britannique. Cela signifie qu’en plus du développement quasi convectif et des gradients de température, les vents auraient été légers. Les nuages se situaient entre 5000 et 10 000 pieds au-dessus du niveau de la mer.
Selon les images radar, il y avait peu de précipitations. Les données satellite ont révélé que le risque de givrage dans les nuages était faible et que même si de la fumée était présente dans la région, elle n’aurait pas été assez importante pour réduire la visibilité.
L’analyse a permis de conclure que même des conditions météorologiques convectives étaient possibles, aucune preuve provenant des données radar et des données sur la foudre n’indiquait qu’une convection ou des orages importants étaient présents près du lac Simpson au moment de l’événement. Selon l’analyse, il est également possible que les nuages convectifs dans le secteur aient pu produire un cisaillement des vents aux altitudes inférieures en raison de rafales de vents ou de courants ascendants et descendantsIbid., p. 16..
Effets des vents sur les aéronefs ultra-légers
Le guide de Transports Canada (TC) intitulé « Vol en avion ultraléger – Exploitation » précise que « [l]e vent est une préoccupation importante lorsque l’on pilote des avions ultralégers de faible masse »Transports Canada, « Vol en avion ultraléger – Exploitation », à l’adresse tc.canada.ca/fr/aviation/regles-generales-utilisation-vol-aeronefs/pratiques-exemplaires-aviation-generale/vol-avion-ultraleger-exploitation (dernière consultation le 9 septembre 2024)..
TC précise également qu’« [u]ne charge alaire plus faible fait que de nombreux ultra-légers se comportent comme des cerfs-volants lorsqu’ils volent en air turbulent. Le comportement peut nuire au maintien de l’altitude, rendre le vol désagréable et compliquer la maîtrise de l’appareil près du sol, par exemple lors de l’atterrissage »Transports Canada, « Pratiques exemplaires pour la transition à un avion ultra-léger », à l’adresse tc.canada.ca/fr/aviation/publications/securite-aerienne-nouvelles/numero-4-2023/pratiques-exemplaires-transition-avion-ultra-leger (dernière consultation le 9 septembre 2024)..
Renseignements sur l’aéronef
L’aéronef Savannah est un avion léger sportif monomoteur à voilure haute prêt à monter produit par I.C.P. S.r.l. (figure 1).
L’aéronef figure sur la liste des modèles d’ultra-légers admissibles à l’immatriculation en tant qu’avions ultra-légers de type évolué de TCTransports Canada, « Liste des modèles éligibles pouvant être immatriculés comme avions ultra-légers de type évolué (AULE) », à l’adresse tc.canada.ca/fr/aviation/navigabilite-aeronefs/navigabilite-aeronefs-loisir/liste-modeles-eligibles-pouvant-etre-immatricules-comme-avions-ultra-legers-type-evolue-aule (dernière consultation le 9 septembre 2024).. Le modèle Savannah d’origine est muni de sièges côte à côte pour 2 passagers et est conçu pour être équipé d’un moteur Rotax 912, qui est un moteur à aspiration naturelle, à cylindres opposés à plat et à carburateur qui produit 80 hp. L’aéronef à l’étude était équipé d’une hélice à pas variable à 3 pales en matériaux composites et d’une voilure à becs de bord d’attaque avec les becs fixés devant le bord d’attaque de l’aile.
Modifications
On a constaté que l’aéronef à l’étude avait été modifié par rapport à sa conception d’origine.
Le moteur Rotax 912F (numéro de série 4412620) installé dans l’aéronef avait fait l’objet d’une conversion connue sous le nom de « kit 914 ». Le kit comprenait l’ajout d’un turbocompresseur Rotax, d’une chambre de distribution d’air et d’une unité de contrôle du turbocompresseur ainsi que quelques modifications au système de distribution du carburant. L’installation des éléments du kit a permis d’améliorer le rendement, augmentant la puissance du moteur à 115 hp, ce qui équivaut à celle d’un moteur Rotax 914. Le kit a également augmenté la masse à sec du moteur de 131,80 à 140,80 livres.
L’avionneur a mis au point un kit approuvé pour transformer les ailes du Savannah en ailes VG (avec générateurs de tourbillons). Les becs de bord d’attaque sont ainsi retirés, et des générateurs de tourbillons sont installés. Pour installer ce kit, il faut enlever le revêtement du bord d’attaque, les fausses nervures et les supports de fixation des becs, puis les remplacer par de nouvelles fausses nervures et un revêtement de bord d’attaque. Le nouveau bord d’attaque a un profil légèrement différent de celui de la voilure à becs de bord d’attaque afin de tenir compte des changements aérodynamiques découlant de l’enlèvement des becs du bord d’attaque. Les ailes de l’aéronef à l’étude avaient été modifiées.
Sur les ailes de l’aéronef à l’étude, des générateurs de tourbillons avaient été installés dans la courbe supérieure des bords d’attaque des ailes.Sur les ailes, les supports de fixation des becs étaient fixés aux bords d’attaque, mais sans que les becs de bord d’attaque ne soient installés (figure 2). L’enquête a permis de déterminer que ces modifications ont été effectuées par la personne qui était propriétaire de l’aéronef avant le propriétaire au moment de l’événement. Le pilote de l’événement à l’étude avait piloté l’aéronef avec et sans les becs de bord d’attaque installés.
Lignes directrices de Transports Canada sur les ultra-légers de type évolué
Le site Web de TC fournit des lignes directrices aux propriétaires d’avions ultra-légers de type évolué, y compris des renseignements sur les modifications et les responsabilités des propriétairesTransports Canada, « Aviation de loisir et opérations aériennes spécialisées – Les modifications et le propriétaire d’un avion ultra-léger de type évolué », à l’adresse tc.canada.ca/fr/aviation/regles-generales-utilisation-vol-aeronefs/aeronefs-ultra-legers/aviation-loisir-operations-aeriennes-specialisees-modifications-proprietaire-avion-ultra-leger-type-evolue (dernière consultation le 12 juillet 2024).,Transports Canada, « Liste des modèles éligibles pouvant être immatriculés comme avions ultra-légers de types évolués », à l’adresse tc.canada.ca/fr/aviation/navigabilite-aeronefs/navigabilite-aeronefs-loisir/liste-modeles-eligibles-pouvant-etre-immatricules-comme-avions-ultra-legers-types-evolues-aule (dernière consultation le 12 juillet 2024).. L’une de ces responsabilités est l’obligation pour les propriétaires d’obtenir l’approbation de l’avionneur avant de modifier un avion ultra-léger de type évolué : « [l]es constructeurs d’avions ultra-légers de type évolué sont les seuls à pouvoir offrir l’approbation nécessaire pour toute modification de leurs avions »Ibid..
De plus, lorsqu’un avion ultra-léger de type évolué est vendu, le propriétaire actuel et le nouveau propriétaire signent une attestation de bon état de vol, qui est exigée pour immatriculer l’aéronef de nouveau auprès de TC. L’attestation sert de déclaration du vendeur et d’acceptation de l’acheteur indiquant « que l’avion est en bon état de vol, que toutes les interventions obligatoires ont été effectuées et qu’aucun travail de maintenance n’est en souffrance »Ibid..
Le pilote dans l’événement à l’étude avait acheté l’aéronef et l’avait immatriculé en septembre 2022. Une attestation de bon état de vol a été remplie au cours du processus d’immatriculation. TC a le formulaire au dossier; cependant, il ne contient aucun nom, aucune date et aucune signature de l’ancien et du nouveau propriétaire.
Renseignements sur l’épave
L’aéronef a été retrouvé à l’endroit, avec les roues des flotteurs rentrées. La partie avant des flotteurs et la partie inférieure du moteur étaient endommagées. La partie arrière du fuselage a été poussée vers le bas, et la section inférieure de cette partie était écrasée (figure 3). Un sac de gravier de 10 livres se trouvait dans la partie arrière du fuselage.
Le câble qui commandait la décharge des gaz d’échappement du turbocompresseur a été retrouvé sectionné. Il n’a pas été possible de déterminer si cela s’était produit avant l’événement ou en conséquence de l’impact. Avec ce câble sectionné, le moteur aurait fonctionné comme un moteur à aspiration normale, produisant 80 hp au lieu de 115 hp comme un moteur muni d’un turbocompresseur.
Les pales de l’hélice étaient endommagées : des tiges de torsion internes étaient pliées vers l’arrière, et la section en matériaux de composite des pales s’était effilochée. Les effilochures ressemblaient à un balai et commençaient au tiers de la distance entre le moyeu de l’hélice et chacune des 3 extrémités des pales. Ces dommages à l’hélice correspondent à ceux d’une hélice qui tournait au moment de l’impact. Toutefois, en raison des matériaux de composite des pales, la vitesse de rotation est inconnue. L’enquête n’a pas permis de déterminer la position du pas de l’hélice au moment de l’impact.
Les dommages causés à l’aéronef indiquent que l’appareil a heurté l’eau dans une assiette avec le nez bas et l’aile gauche légèrement basse, et à l’endroit. L’assise du siège du pilote s’est affaissée sous les importantes forces d’inertie vers le bas. Les rivets supérieurs qui fixent l’aile droite au fuselage ont été arrachés de l’aile, de sorte que l’aile droite pendait vers le bas.
L’épave a été transportée à un organisme de maintenance agréé à Fort St. John (Colombie‑Britannique), où la cellule et le moteur ont été examinés par le BST. Par la suite, le moteur a été envoyé aux installations de Rotech Motor Ltd.Rotech Motor Ltd. est un organisme de formation autorisé par l’usine, qui offre une formation normalisée concernant les moteurs d’aéronef Rotax. à Vernon (Colombie-Britannique) pour d’autres essais et analyses menés par des techniciens de Rotech Flight Safety Inc. en présence du BST.
Essais relatifs au moteur
Au cours de l’examen du moteur, il a été noté que la chambre de distribution d’air était équipée de drains conçus pour gérer l’accumulation d’eau ou de carburant. Ces drains étaient reliés à un « réservoir de collecte », que l’on ne retrouve généralement pas sur les aéronefs équipés d’un moteur Rotax. Le réservoir de collecte de l’aéronef à l’étude contenait environ 200 ml de carburant.
Au cours des premiers essais relatifs au moteur, des problèmes de débordement de carburant ont été relevés, faisant en sorte que le moteur fonctionnait mal. Des examens plus poussés ont révélé qu’un petit passe-câble électrique bloquait le débit de retour du carburant (figures 4 et 5). Après son retrait, les essais suivants ont permis de constater un fonctionnement normal du moteur sans anomalies.
Le moteur a peut-être subi un blocage du circuit carburant en raison du passe-câble électrique logé dans la conduite de retour du carburant. Cela aurait entraîné le noyage du carburateur, et le déversement subséquent de l’excédent de carburant dans le réservoir de collecte installé sur la cloison pare-feu.
Chances de survie
Le pilote portait un casque, ce qui constitue une exigence pour les avions ultra-légers de base, mais pas pour les avions ultra-légers de type évolué. Le pilote portait également un vêtement de flottaison individuel et une ceinture de sécurité à 4 points composée d’une ceinture sous-abdominale et d’une ceinture-baudrier.
Rapports de laboratoire du BST
Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :
- LP087/2023 – NVM Data Recovery – PEDS and Satellite Communicator [Récupération des données de la mémoire non volatile – appareils électroniques personnels et appareils de communication par satellite]
- LP019/2024 – Wreckage Examination and Rotech Flight Safety Inc. Report Review [Examen de l’épave et examen du rapport de Rotech Flight Safety Inc.]
Message de sécurité
L’utilisation d’un aéronef ayant fait l’objet de modifications qui s’inscrivent hors des spécifications de l’avionneur peut donner lieu à un rendement inférieur aux attentes.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 25 septembre 2024. Le rapport a été officiellement publié le 3 octobre 2024.