Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Déroulement du vol
Le 20 septembre 2023, l’aéronef De Havilland DHC-2 (Beaver) (immatriculation C-GSBA, numéro de série 690), sous immatriculation privée au nom de Sealand Aviation Ltd.Sealand Aviation Ltd. [traduction] « révise, reconstruit, récupère et répare des aéronefs. [Elle] fabrique aussi des trousses de modification et des composants pour aéronefs. La compagnie est approuvée par Transports Canada pour les structures, la maintenance, le soudage et la fabrication. » (Source : Sealand Aviation Ltd., à l’adresse sealandaviation.com [dernière consultation le 18 juillet 2024].), effectuait un vol de familiarisation selon les règles de vol à vue à partir et à destination de l’aéroport de Campbell River (CYBL) (Colombie-Britannique), avec 2 pilotes à bord.
L’aéronef était équipé d’un moteur diesel à pistons RED A03-005, fabriqué par Raikhlin Aircraft Engine Developments GmbH (RED d’Allemagne. Cette combinaison de cellule et de moteur était un prototype qui était en cours de développement par Sealand Aviation Ltd. Le vol à l’étude était autorisé en vertu d’un permis de vol à des fins spécifiques (voir la section Autorité de vol).
Le commandant de bord connaissait bien l’aéronef. Le copilote était un pilote d’essai agréé qui se familiarisait avec l’aéronef en vue de participer au futur programme d’essais en vol de l’aéronef prototype. Ce type de vol d’entraînement faisait partie des opérations aériennes autorisées par le permis de vol à des fins spécifiques.
Pendant le vol, un exercice de décrochage sans puissance moteur a été effectué à une altitude d’environ 4000 pieds au-dessus du niveau de la mer (3340 pieds au-dessus du sol). Vers 10 h 31Les heures sont exprimées en heure avancée du Pacifique (temps universel coordonné moins 7 heures)., lorsque la puissance a été commandée au moteur pendant la sortie du décrochage, l’aéronef n’a pas produit une poussée suffisante pour maintenir l’altitude, et un atterrissage forcé a été effectué (figure 1).L’aéronef s’est immobilisé dans une zone densément boisée à environ 10 milles marins (NM) au sud-sud-est de CYBL. Les pilotes ont été légèrement blessés, mais ont tous deux pu évacuer l’aéronef. Ils ont été transportés à l’hôpital par un hélicoptère de recherche et sauvetage.
L’aéronef a été lourdement endommagé. Aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact. La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) s’est activée.
Renseignements sur les pilotes
Le commandant de bord, qui était assis dans le siège de droite, était titulaire de la licence et des qualifications requises pour effectuer le vol conformément à la réglementation en vigueur; il était titulaire d’une licence de pilote professionnel annotée des qualifications pour les avions terrestres et les hydravions. Avant l’événement, le pilote avait accumulé plus de 8500 heures de vol. Environ 3600 de ces heures avaient été accumulées sur la version à moteur conventionnel de l’aéronef DHC-2, et environ 20 heures avaient été accumulées sur l’aéronef à l’étude.
Le pilote recevant la formation de familiarisation, qui occupait le siège de gauche, détenait une licence de pilote de ligne annotée des qualifications pour les avions terrestres et les hydravions. Avant l’événement, il avait accumulé environ 15 000 heures de vol. Il ne détenait pas de certificat médical d’aviation valide au moment de l’événement; toutefois, étant donné qu’il n’était pas le commandant de bord pour le vol et que l’aéronef était approuvé pour les opérations à un seul pilote, il n’était pas tenu de détenir ce certificat.
Renseignements sur l’aéronef
L’aéronef à l’étude (figure 2) a été fabriqué par De Havilland Aircraft of Canada Ltd. en 1954. Il a été exploité par l’armée des États-Unis avant d’être vendu à un exploitant civil aux États-Unis dans les années 1970. En juin 2020, l’aéronef a été immatriculé à titre privé au Canada au nom de Sealand Aviation Ltd., puis a été partiellement démonté et reconstruit. Pendant cette remise en état, l’aéronef a été muni d’un moteur RED A03-005.
Renseignements sur le moteur
Le moteur RED A03-005 (figure 3) est un moteur 12 cylindres à turbocompresseur double et à allumage par haute compression, avec 2 rangées de 6 cylindres capables de fonctionner indépendamment l’une de l’autre. Le moteur est commandé par un système de régulation électronique numérique à pleine autorité (FADEC), lui-même commandé par une unité de commande électronique moteur (EECU). Un seul levier du poste de pilotage sert à commander à la fois la puissance du moteur et l’angle des pales de l’hélice MTV-9-E-C-R(M) de MT-Propeller GmbH à pas variable et à pas réversible entraînée par le moteur. L’hélice tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre (vu du siège du pilote) à une vitesse maximale de 2127 tr/min.Le moteur a une puissance maximale de 550 hp et est approuvé pour fonctionner avec des carburants à base de kérosène, y compris le carburéacteur.
Le moteur RED A03-005 fait l’objet en Europe d’un certificat de type délivré par l’Agence européenne de la sécurité aérienne et, aux États-Unis, d’un certificat de type délivré par la Federal Aviation Administration. Au moment de l’événement, aucun certificat de type canadien n’avait été délivré pour ce moteur. Cependant, l’utilisation du moteur sur l’aéronef à l’étude immatriculé au Canada avait été autorisée sous réserve des conditions stipulées dans 2 permis de vol délivrés à l’exploitant par Transports Canada (TC) : un permis de vol expérimental et un permis de vol à des fins spécifiques.
Autorité de vol
Le permis de vol expérimental délivré par TC autorisait un programme d’essais en vol dans le but d’élaborer un certificat de type supplémentaire qui permettrait une installation certifiée du moteur RED A03-005 dans la cellule du DHC-2 après la certification du moteur au Canada. Le permis de vol à des fins spécifiques autorisait l’aéronef à effectuer des vols de démonstration et d’entraînement. L’un ou l’autre des permis pouvait être mis en vigueur par une inscription dans le carnet de bord de l’aéronef; toutefois, l’aéronef ne pouvait pas être exploité en vertu des 2 permis simultanément. Une seule autorité de vol pouvait être en vigueur à la fois.
Les 2 permis exigeaient que l’aéronef soit configuré et équipé conformément à un dessin technique précisé par les permis. Toute modification apportée à l’aéronef qui s’écartait de cette configuration nécessitait une consultation avec TC ainsi que la délivrance d’une autorité de vol révisée.
L’enquête a permis de déterminer que l’aéronef avait été modifié après la délivrance des 2 permis de vol et qu’il était exploité dans cet état modifié. L’enquête a aussi permis de déterminer que les modifications n’étaient pas conformes aux conditions et limites prévues par les permis, et qu’elles n’avaient pas été communiquées à TC pour qu’une autorité de vol révisée soit délivrée.
De plus, l’enquête a permis de déterminer que le dessin technique auquel les permis de vol délivrés faisaient référence était inexact. Au lieu d’exposer en détail la configuration complète de l’aéronef, le dessin auquel on faisait référence se limitait à des détails sur le support du moteur de l’aéronef.
Maintenance et modifications de l’aéronef
Certaines modifications apportées à l’aéronef, dont le changement du système de régulateur d’hélice, n’étaient pas conformes aux conditions prévues par l’autorité de vol. L’enquête a permis de déterminer que le régulateur d’hélice à pas réversible d’origine (régulateur no 1) avait été retiré du moteur en raison de difficultés rencontrées lors d’opérations aériennes. Un régulateur d’hélice à pas irréversible (régulateur no 2) a été installé, et l’aéronef était exploité en vertu de son permis de vol expérimental. Environ 2 mois plus tard, un prototype de régulateur d’hélice à pas réversible (régulateur no 3) a été installé, mais il a été retiré avant que l’aéronef ne soit piloté, et le régulateur d’hélice à pas irréversible (régulateur no 2) a été réinstallé. C’est ce modèle qui était installé dans l’aéronef au moment de l’événement. Aucune de ces modifications n’était documentée dans les dossiers de maintenance ou les dossiers techniques de l’aéronef.
Le régulateur d’héliceMT-Propeller, numéro de modèle P-983-43D. dont l’utilisation était autorisée en vertu de l’autorité de vol de l’aéronef (régulateur no 1) était conçu pour être utilisé avec une hélice à pas réversible. Le régulateur d’héliceMT-Propeller, numéro de modèle P-883-50K. qui était installé au moment de l’événement (régulateur no 2) n’était pas conçu pour être utilisé avec une hélice à pas réversible. Les 2 régulateurs d’hélice sont des systèmes à simple effet à commande électronique qui utilisent la pression d’huile pour réduire le pas de l’hélice; cependant, ils diffèrent en ce qui concerne leur pression d’huile de sortie.
On a déterminé que le régulateur d’hélice installé au moment de l’événement (régulateur no 2) avait une pression d’huile de sortie suffisante pour entraîner les pales de l’hélice dans un angle de pas inverse lorsque la puissance moteur est au ralenti dans certaines conditions de vol. Lorsque le pas inverse était établi, le fait d’avancer la manette des gaz ne permettait pas de rétablir un pas positif avec le régulateur d’hélice installé parce que la pression d’huile de sortie du régulateur demeurait au niveau nécessaire pour produire un pas inverse. En vol, un angle de pas d’hélice inverse crée un vecteur de poussée qui est opposé à la trajectoire de vol. L’analyse du laboratoire du BST sur les dommages aux composants du système d’hélice a permis de déterminer que les 3 pales d’hélice se trouvaient probablement dans la plage des angles de pale inverse lorsque l’aéronef a heurté le relief. Cela pourrait expliquer pourquoi la poussée était insuffisante après l’exercice de décrochage sans puissance moteur.
Normalement, un système mécanique et un système électronique assurent une protection contre les angles de pas d’hélice inverse non intentionnels avec le régulateur et l’hélice approuvés. Le système mécanique est un verrouillage physique, qui prévient la formation d’un angle de pas inverse quand la rotation de l’hélice dépasse environ 1400 tr/min. Le régime de l’hélice au moment de l’événement est inconnu. Le système de protection électronique n’était pas compatible avec le régulateur (régulateur no 2) installé au moment de l’événement et avait été désactivé.
Renseignements météorologiques
Les aérodromes les plus près du lieu de l’événement qui émettent des messages d’observation météorologique régulière d’aérodromeLes messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome sont émis toutes les heures et décrivent les conditions météorologiques actuelles dans un rayon de 3 km du site d’observation. sont CYBL, à environ 10 NM au nord-nord-ouest, et l’aérodrome de Comox (CYQQ) (Colombie-Britannique), à 13 NM à l’est-sud-est. Les conditions météorologiques consignées étaient propices pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue et n’ont pas été retenues comme facteur dans cet événement.
Renseignements sur l’impact et sur l’épave
L’aéronef a percuté le sol dans une zone densément boisée au relief accidenté (figure 4). L’épave présentait les signes d’un impact à faible énergie et à faible angle, correspondant à un atterrissage forcé. Les ailes et le train d’atterrissage s’étaient détachés de l’aéronef, et les bords d’attaque des ailes étaient endommagés. Toutes les pales de l’hélice avaient subi des dommages cohérents avec un impact alors qu’elles étaient en rotation. Les réservoirs de carburant dans la partie ventrale de l’aéronef ont été endommagés et ont laissé s’échapper une quantité inconnue de carburant.L’espace habitable du fuselage n’a pas été compromis. Aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact.
Questions relatives à la survie des occupants
Les sièges et les dispositifs de retenue de l’aéronef ont fonctionné comme prévu. L’aéronef était muni de dispositifs de retenue à 3 points d’ancrage pour les 2 pilotes.
L’aéronef était muni d’une ELT automatique fixe de 406 MHz. À la suite de l’événement, l’ELT de l’aéronef s’est déclenchée automatiquement et a émis un signal, qui a été reçu par le système de satellites Cospas-Sarsat et a aidé le Centre conjoint de coordination de sauvetage de Victoria (Colombie-Britannique) à diriger le personnel de recherche et sauvetage vers l’emplacement de l’aéronef.
Message de sécurité
Il est rappelé aux propriétaires et aux exploitants d’aéronefs que tous les travaux de maintenance doivent être consignés comme il se doit pour que les documents de l’aéronef constituent une méthode fiable pour déterminer la navigabilité et l’état de l’aéronef. Pour que les mesures de protection découlant des conditions et limites énumérées dans un permis de vol réglementaire soient efficaces, il est essentiel que les aéronefs soient exploités conformément au permis et que toute modification apportée à un aéronef soit approuvée avant le vol.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 24 juillet 2024. Le rapport a été officiellement publié le 6 août 2024.