Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Déroulement du vol
Le 28 juin 2024 à 12 h 45Les heures sont exprimées en heure avancée de l’Atlantique (temps universel coordonné moins 3 heures)., l’aéronef Bombardier Inc.Le titulaire actuel du certificat de type est De Havilland Aircraft of Canada Limited. DHC-8-402 (immatriculation C-GLQP, numéro de série 4271) exploité par Porter Airlines Inc. a quitté l’aéroport international Ottawa/MacDonald-Cartier (CYOW) (Ontario) sous l’indicatif de vol PTR 2375 à destination de l’aéroport international de Fredericton (CYFC) (Nouveau-Brunswick). L’aéronef effectuait un vol régulier avec à son bord 74 passagers, 2 membres d’équipage de conduite et 2 membres d’équipage de cabine. Le commandant de bord occupait le siège de gauche et était le pilote aux commandes (PF); le premier officier occupait le siège de droite et était le pilote surveillant (PM).
À l’altitude de croisière, le PF a fait un exposé sur l’approche Z par navigation de surface du système mondial de navigation par satellite (RNAV [GNSS]) de la piste 27. En fonction de la masse à l’atterrissage et des volets réglés à 15°, la vitesse de référence d’atterrissage (VREF) cible prévue était de 124 nœuds de vitesse indiquée (KIAS), et l’équipage de conduite a ajouté une marge de 10 nœuds, ce qui a augmenté la vitesse d’approche prévue à 134 KIAS. À 13 h 56, le vol a reçu l’autorisation d’atterrir, et la tour de contrôle a indiqué que les vents soufflaient du 350° magnétique à 11 nœuds.
À 13 h 59 min 30 s, lorsque l’aéronef était à 267 pieds au-dessus de l’altitude de zone de poser (TDZE), le PF a débrayé le pilote automatique et a commencé à effectuer l’approche manuellement. Lorsque l’aéronef était à 135 pieds au-dessus de la TDZE, il se déplaçait à 126 KIAS, son taux de descente était de 700 pi/min, et l’assiette en tangage était de 3,2°. Lorsque l’aéronef était à 20 pieds au-dessus de la TDZE, il se déplaçait à 124 KIAS, son taux de descente avait augmenté à 980 pi/min, et l’assiette en tangage était de 1,1°. La composante vent debout a diminué de 5,5 nœuds à 0,5 nœud en 3 secondes, ce qui a augmenté le taux de descente maximal à 1050 pi/min. En réponse, en l’espace de 2 secondes, le PF a augmenté l’assiette en tangage de 1,1° à 6,8°. La puissance moteur est demeurée constante à un couple de 14 %.
À 13 h 59 min 53 s, le train d’atterrissage principal droit a touché la piste, suivi du train d’atterrissage principal gauche. Une accélération verticale de 3,51 g a été enregistrée. Après le contact initial avec la piste, l’aéronef a rebondi, et l’équipage de conduite a amorcé une remise des gaz conformément aux procédures d’exploitation normalisées (SOP)Les procédures d’exploitation normalisées stipulent que [traduction] « [un] atterrissage interrompu doit être effectué si un rétablissement après rebond est nécessaire. Lorsqu’une remise des gaz ou un atterrissage interrompu est entamé, il faut le poursuivre ». (Source : Porter Airlines Inc., Dash 8–400 Standard Operating Procedures, révision 15 (12 juin 2023), section 2.18 : Go-Around, Balked Landing, and Discontinued Approach Procedures and Callouts)de Porter Airlines Inc. Deux secondes plus tard, un 2e contact avec la piste s’est produit avec une accélération verticale enregistrée de 1,42 g.
Après le 1er toucher des roues, le voyant d’avertissement « TOUCHED RUNWAY » [piste touchée] s’est allumé, indiquant qu’un capteur près de la queue de l’aéronef avait été déclenché par un contact avec la surface de la piste. De plus, le voyant d’avertissement principal s’est mis à clignoter. Pendant la montée, l’équipage de conduite a remarqué le voyant d’avertissement principal et le voyant d’avertissement « TOUCHED RUNWAY »; toutefois, il n’en a pas discuté davantage à ce moment-là.
Le contrôleur tour a autorisé l’équipage de conduite à effectuer un circuit selon les règles de vol à vue et de revenir se poser. L’aéronef a atterri sans incident à 14 h 08, et l’équipage de conduite a fait circuler l’aéronef jusqu’à l’aire de trafic avant d’arrêter les moteurs. Des dommages ont été décelés sur la partie inférieure de l’arrière du fuselage, et le personnel des opérations aériennes de la compagnie en a été avisé.
Renseignements sur l’équipage de conduite
Renseignements sur l’aéronef
Rien n’indique que la défaillance d’un composant ou d’un système a joué un rôle dans l’événement à l’étude. La masse et le centre de gravité de l’aéronef se trouvaient dans les limites prescrites.
L’aéronef à l’étude était doté d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) de 2 heures et d’un enregistreur de données de vol (FDR). Les données des 2 enregistreurs ont été téléchargées avec succès.
Renseignements météorologiques
Les conditions météorologiques à CYFC sont signalées sous la forme d’une prévision d’aérodrome (TAF) et d’un message d’observation météorologique régulière d’aérodrome automatique (METAR AUTO) horaire. Les données du METAR AUTO sont recueillies par un système automatisé d’observations météorologiques. Les données météorologiques sont diffusées aux pilotes au moyen d’un système automatique d’information de région terminale (ATIS).
- vents du 320° vrai à 14 nœuds;
- visibilité de 9 milles terrestres (SM);
- plafond de nuages fragmentés à 7100 pieds au-dessus du sol (AGL) et couche de nuages fragmentés à 8000 pieds AGL;
- température de 21 °C, point de rosée de 10 °C;
- calage altimétrique de 29,97 pouces de mercure.
De plus, au moment de l’atterrissage, il y avait une composante vent debout de 5,5 nœuds, qui est passée à 0,5 nœud en 3 secondes. Cette réduction rapide de la vitesse du vent debout a très probablement entraîné un cisaillement qui a occasionné une performance moindre.
Un cisaillement qui occasionne une performance moindre […] se produit lorsque le cisaillement réduit la vitesse propre [de l’aéronef]. […] Un cisaillement réduisant la performance résulte d’un vent debout diminuant rapidement ou d’un vent arrière augmentant rapidement. L’effet du cisaillement sur un aéronef est d’une importance particulière pendant le décollage et l’atterrissage parce qu’il peut entraîner des décrochages, ainsi que des atterrissages trop courts ou trop longs, selon la situationDéfense nationale, Manuel de météorologie du commandement aérien (17 décembre 2004), chapitre 11 : Vents et turbulence dans la couche limite..
Surveillance de l’assiette en tangage et mesures d’atténuation
Aux alentours de 2003, à la suite d’une série d’impacts de la partie arrière du fuselage sur des aéronefs DHC-8 où les équipages de conduite ont réagi instinctivement en augmentant rapidement l’assiette en tangage pour freiner un taux de descente excessif, le constructeur de l’aéronef (Bombardier Inc.) a produit une vidéo de formationDe Havilland Aircraft of Canada Limited (Bombardier Inc.), « Dash 8-Q400 Pitch Awareness » [vidéo] (2003).. La vidéo souligne l’importance de surveiller l’assiette en tangage et de gérer l’énergie de l’aéronef en contrôlant un taux de descente excessif par une application de puissance moteur plutôt que par une augmentation de l’assiette en tangage près du sol.
En 2008, même si la vidéo était disponible depuis 5 ans, des impacts de la partie arrière du fuselage se produisaient encore. En réponse, le fabricant a émis une lettre de service le 11 septembre 2008Bombardier Inc., Service Letter DH8-400-SL-00-020: Q400 Pitch Awareness Training (11 septembre 2008).. La lettre s’adressait uniquement aux exploitants de DHC-8-400 et réitérait l’importance de la surveillance de l’assiette en tangage durant l’arrondi et le poser. La lettre recommandait d’inclure des annonces normalisées concernant des assiettes en tangage de 5° et 6° dans les procédures et de gérer le taux de descente sous 200 pieds AGL au moyen des manettes des gaz. La lettre de service faisait aussi référence à la vidéo de formation et suggérait aux exploitants d’offrir de la formation initiale et périodique sur la surveillance de l’assiette en tangage.
En plus de l’événement à l’étude, 13 autres événements avec impact de la partie arrière du fuselage sur des aéronefs DHC-8 ont été signalés au BST depuis 2002 : 1 pour la série 100, 6 pour la série 300 et 6 pour la série 400Enquêtes du BST sur les impacts de la partie arrière du fuselage : A24W0038, A22C0093, A22C0094, A20Q0013, A16Q0002, A14W0079, A13O0098, A12Q0161, A12O0156, A09O0073, A08W0229, A05Q0054 et A02O0317.. Dans ces événements, le tangage avait dépassé les limites indiquées dans le manuel d’utilisation de l’aéronef.
Porter Airlines Inc. sensibilise et forme sur simulateur les équipages de conduite aux limites de tangage et aux moyens d’atténuer les risques de contact queue-sol. Les SOP fournissent des lignes directrices aux équipages de conduite concernant la surveillance de l’assiette en tangage et les annonces lorsque l’assiette en tangage est supérieure à 5°Porter Airlines Inc., Dash 8–400 Standard Operating Procedures, révision 15 (12 juin 2023), section 2.16.3 : Pitch Awareness and Callouts.. Porter Airlines Inc. a également une politique non punitive pour les remises des gaz dans les cas où l’équipage de conduite pense que les marges de sécurité sont dépassées lors d’une approche.
Voyant d’avertissement « TOUCHED RUNWAY »
Le voyant d’avertissement rouge « TOUCHED RUNWAY » (figure 1) avertit l’équipage de conduite que la structure inférieure de la partie arrière du fuselage de l’aéronef est entrée en contact avec une surface dure. L’allumage du voyant d’avertissement « TOUCHED RUNWAY » nécessite une inspection de l’aéronef par des membres qualifiés du personnel de maintenance avant d’entreprendre tout autre vol.
Le voyant d’avertissement « TOUCHED RUNWAY » peut être associé à des dommages structuraux à l’aéronef. De Havilland Aircraft of Canada Limited recommande que, lorsque les circonstances le permettent, les équipages de conduite envisagent de poursuivre l’atterrissage plutôt que d’amorcer une remise des gaz lorsque le voyant s’allume.
Dommages à l’aéronef
L’aéronef à l’étude a subi des dommages considérables au fuselage et au train d’atterrissage principal à la suite de la première tentative d’atterrissage. L’accélération verticale a dépassé la tolérance de 2,8 g du train d’atterrissage principal; le train a donc dû être remplacé. Le capteur « TOUCHED RUNWAY » a été arraché du fuselage au moment de l’impact avec la surface de la piste (figure 2).
Mesures de sécurité prises
À la suite de l’événement, la direction des opérations aériennes de Porter Airlines Inc. a effectué un débreffage avec l’équipage de conduite, qui a suivi un programme de retour au vol. Après avoir satisfait à cette exigence, les 2 membres d’équipage de conduite ont repris leurs fonctions.
De plus, le service des opérations aériennes a ajouté une section au formulaire de compte rendu des pilotes afin que les équipages de conduite puissent fournir de la rétroaction sur des approches et des départs particuliers. Ces renseignements peuvent ensuite être ajoutés au manuel de routes de la compagnie.
En décembre 2024, Porter Airlines Inc. a publié une nouvelle version de ses SOP. La version comprend une nouvelle section sur les techniques d’atterrissage, qui précise que lors d’un rétablissement après un rebond à l’atterrissage, les pilotes doivent [traduction] « mettre les gaz à pleine puissance et maintenir une assiette en tangage d’au plus 6 degrés jusqu’à ce que l’aéronef atteigne une altitude empêchant un contact queue-sol, pour ensuite poursuivre une remise des gaz normaleIbid., section 2.17 : Landing Techniques. ».
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 29 janvier 2025. Le rapport a été officiellement publié le 6 février 2025.