Rapport d'enquête maritime M93C0002

Échouement
Vraquier chargé «ZIEMIA CIESZYNSKA»
Pont 11, canal Welland (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Après avoir franchi le pont 11 du canal Welland (Ontario) au cours d'un voyage vers l'amont, de nuit et par épais brouillard, le «ZIEMIA CIESZYNSKA» a abattu sur tribord et s'est échoué sur la berge ouest. Le navire était sous la conduite d'un pilote. Peu après, il s'est remis à flot, sans assistance, et s'est rendu, par ses propres moyens, à un poste à quai temporaire dans le canal. Le navire a subi des avaries considérables aux oeuvres vives à l'avant. L'événement n'a fait ni blessé ni pollution.

    Le Bureau a déterminé que le «ZIEMIA CIESZYNSKA» s'est échoué parce que le pilote, désorienté, a procédé à un changement de cap inattendu et erroné. La formation soudaine de brouillard d'advection et l'absence d'échange continu de renseignements entre le pilote et le capitaine ont aussi contribué à l'échouement.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Fiche technique du navire

    « ZIEMIA CIESZYNSKA »
    Numéro officiel 4311
    Port d'immatriculation Szczecin, Pologne
    Pavillon Polonais
    Type Vraquier
    Jauge brute 17 464 tonneaux Note de bas de page 1
    Longueur 172,45 m
    Largeur 23,10 m
    Tirant d'eau av. Note de bas de page 2 : 7,95 m
    ar. : 7,95 m
    Cargaison 17 939 tonnes de blocs d'acier
    Équipage 23
    Passagers 1
    Construction 1993, Istanbul, Turquie
    Groupe propulseur Un diesel Sulzer de six cylindres, puissance nominale de 5 425 kW, entraînant une seule hélice à pas fixe
    Propriétaire Polish Steamship Company
    Szczecin, Pologne

    1.1.1 Renseignements sur le navire

    Le «ZIEMIA CIESZYNSKA» est un vraquier typique dont la passerelle, la salle des machines et les emménagements se trouvent à l'arrière. La timonerie est munie d'un centre complet de commande des instruments passerelle assisté par ordinateur. Les radars se trouvent aux extrémités bâbord et tribord du pupitre de commande avant.

    1.2 Déroulement du voyage

    Le «ZIEMIA CIESZYNSKA» est parti de l'écluse 7 du canal Welland à 23 h 15 Note de bas de page 3 le 21 septembre 1993, afin de poursuivre son voyage vers l'amont (du nord au sud). Le navire était sous la conduite d'un pilote de la voie maritime, monté à bord depuis peu. À 23 h 52, le navire a franchi le pont 10 et, peu après, l'équipe à la passerelle a été relevée. En plus du pilote, le capitaine, un officier de quart, un timonier et des électriciens de navire se trouvaient sur la passerelle à minuit.

    Alors que le «ZIEMIA CIESZYNSKA» approchait du pont 11 (voir l'annexe A), le capitaine surveillait le radar de tribord tandis que le pilote naviguait par repères visuels. Le pilote jetait à l'occasion un coup d'oeil de deux ou trois secondes sur l'écran radar.

    Au nord du pont 11, le pilote a demandé de placer un feu blanc visible sur tout l'horizon sur les barres traversières du mât de misaine afin de lui faciliter la tâche pour la navigation. Le navire a franchi le pont 11 à 0 h 13 le 22 septembre. Tout à coup, un épais brouillard a masqué la lueur du feu blanc du mât de misaine et a réduit la visibilité dans le chenal, sauf pour une bande étroite le long de la berge ouest qui était illuminée par des feux, dont deux étaient visibles. Le pilote a ordonné de mettre la barre à droite toute et a expliqué que le navire devait passer entre les deux feux blancs. On a estimé que le navire filait alors de quatre à cinq noeuds.

    Le capitaine, constatant sur l'écran radar que le navire se trouvait au centre du chenal, a contremandé l'ordre du pilote et ordonné de mettre la barre à gauche toute, mais il était trop tard pour éviter l'échouement. Estimant que le pilote était tout à fait désorienté, le capitaine a repris la conduite du navire et a verbalement relevé le pilote de ses fonctions.

    Le pilote ne s'est tout d'abord pas rappelé avoir donné l'ordre de mettre la barre à droite toute et il l'a nié par la suite, mais le tracé de l'enregistreur de route de la passerelle montre très clairement un brusque changement de cap vers tribord à 0 h 13. Le navire faisait originellement route au 188 °(G), et il s'est échoué sur un cap au 248 °(G) (voir les annexes A et B). Le timonier a déclaré que le pilote lui avait ordonné de mettre la barre à droite et qu'il n'y avait pas eu de mouvement accidentel de la barre.

    Le pilote a en outre émis l'hypothèse que le navire avait peut-être fait une embardée en raison de l'effet de succion de la berge causé par un changement dans le profil sous-marin du canal. Une inspection sous-marine du secteur effectuée ultérieurement n'a rien révélé qui étayerait cette hypothèse.

    Pendant que le pontier était en train d'abaisser le pont, il a aperçu le «ZIEMIA CIESZYNSKA» qui se trouvait à une soixantaine de mètres et dont l'arrière se déplaçait rapidement vers l'est. Il a estimé que l'avant du navire faisait un angle de 45 à 50 degrés par rapport à l'axe du chenal en direction de la rive ouest, près d'une bouée à espar. Le navire s'est échoué à 0 h 14, par 43°04′24"N et 079°12′36"W.

    Le «ZIEMIA CIESZYNSKA» s'est rapidement remis à flot et a poursuivi sa route sous la conduite du capitaine. On a sondé les différents compartiments. Ces sondages ont révélé que la citerne du peak avant et la citerne de double fond no 1 de tribord étaient percées. Les pompes du navire n'ont pas réussi à étaler la voie d'eau. Comme le navire était de plus en plus sur le nez, on l'a dirigé vers le quai no 10, un poste à quai qui se trouve dans un bassin à l'extérieur du canal proprement dit. Une fois le navire amarré, à 3 h 20, on a constaté que le tirant d'eau était de 8,35 m à l'avant, de 8,2 m au milieu et de 7,95 m à l'arrière.

    1.3 Victimes

    Personne n'a été blessé.

    1.4 Avaries au navire

    Le navire a subi des avaries considérables au bordé de carène ainsi qu'aux membrures de la citerne du peak avant et de la citerne de double fond no 1 de tribord.

    1.5 Certificats et brevets

    1.5.1 Certificats du navire

    Les certificats, l'équipement et l'armement en personnel du navire étaient conformes aux règlements en vigueur.

    1.5.2 Brevets du personnel

    Le capitaine et l'officier de quart étaient tous deux titulaires de brevets valides pour les postes qu'ils occupaient et le genre de voyage qu'effectuait le navire. Le pilote était dûment breveté par l'Administration de pilotage des Grands Lacs.

    1.6 Antécédents du personnel

    1.6.1 Capitaine

    Le capitaine possédait 15 ans d'expérience dans ces fonctions. Il commandait le «ZIEMIA CIESZYNSKA» depuis le lancement de celui-ci en mars 1993.

    1.6.2 Officier de quart

    L'officier de quart exerçait ces fonctions depuis deux ans et il était lui aussi sur le «ZIEMIA CIESZYNSKA» depuis le lancement du navire.

    1.6.3 Pilote

    Le pilote conduisait des navires dans le secteur des Grands Lacs depuis 20 ans. Auparavant, il avait été capitaine de navires dans les eaux canadiennes et il possédait les brevets voulus. Avant l'affectation en cause, il avait profité d'un congé de 72 heures.

    Le pilote a depuis ce temps pris sa retraite de l'Administration de pilotage des Grands Lacs.

    1.6.3.1 Examens médicaux

    Comme le pilote avait plus de 55 ans, il était tenu de subir un examen médical complet tous les ans. Son dernier examen médical datait de février 1993, et il avait été à cette occasion déclaré apte à l'exercice de ses fonctions.

    1.7 Renseignements sur l'environnement

    1.7.1 Conditions météorologiques

    Il y a souvent du brouillard d'advection dans ce secteur en automne. Au cours de la soirée, il y avait eu une pluie légère intermittente qui réduisait la visibilité à sept ou huit milles. Après 23 h le 21 septembre, la température de l'air et le point de rosée coïncidaient à 10 °C, et on voyait du brouillard se former au-dessus de la terre ferme. Peu après minuit, le chenal s'est recouvert d'un épais brouillard. Un vent d'environ deux noeuds soufflait du nord-ouest.

    1.7.2 Débit du canal

    Sur la berge ouest du canal, à environ 230 m au sud du pont 11, il y a un déversoir marqué par deux bouées à espar, qui régularise le niveau d'eau dans le canal entre les écluses 7 et 8 en dosant le volume d'eau qui s'écoule hors de cette section du canal. Le débit du déversoir varie entre 10 m3 et 12 m3 à la seconde. Les éléments de preuve indiquent qu'au débit maximal, l'effet latéral sur l'écoulement nord-sud du canal est minime, voire inexistant.

    1.8 Équipement de navigation

    1.8.1 Instruments de navigation

    Le «ZIEMIA CIESZYNSKA» est muni d'une panoplie d'aides à la navigation ultramodernes, dont un enregistreur de route. Le radar de tribord très perfectionné est muni d'une aide au pointage radar automatique (APRA).

    Le gouvernail est commandé par une petite roue actionnée manuellement. Au moment de l'incident, deux servomoteurs de barre étaient en marche, permettant de passer d'«à gauche toute» à «à droite toute» en 14 secondes.

    1.8.2 Éclairage du canal

    Au sud de la position de l'échouement, sur la rive est, entre le pont 11 et le point milliaire 11, il y a deux feux placés à bonne distance du bord du canal. Au coude dans le canal au point milliaire 11, il y a un feu blanc sur la berge est.

    Les feux sur la rive ouest du canal sont espacés d'environ 100 m et se trouvent à une quinzaine de mètres du bord du canal. Au point milliaire 11, il y a, sur la berge ouest, un feu blanc placé plus haut que le feu blanc de la berge est.

    L'éclairage du canal est commandé par le pontier du pont 11. Lorsque la visibilité diminue, l'intensité peut être augmentée. Toutefois, avec l'éclairage maximal par visibilité réduite, la diffusion de la lumière à travers les particules d'eau en suspension dont le brouillard est constitué peut avoir un effet éblouissant qui peut empêcher de voir la bordure du chenal. Au moment de l'événement, l'intensité lumineuse des feux était presque au maximum, la berge est du canal n'était pas visible, et les deux premiers feux au sud du pont 11 sur la berge ouest du canal étaient à peine visibles.

    1.9 Communications radio et surveillance par caméra de télévision

    Le Centre de régulation du trafic du canal Welland de l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent (Welland - Voie maritime) assure la coordination du trafic maritime dans le canal. Le régulateur est à l'écoute sur la voie 14 du radiotéléphone très haute fréquence (VHF) (dans le secteur 2) et, par mauvais temps, il surveille, sur des écrans de télévision, les conditions locales afin d'être en mesure d'avertir les navires de la présence de grands vents, de zones de visibilité réduite, etc. Les navires en transit doivent faire rapport à Welland - Voie maritime pour l'informer de leur progression.

    À 23 h le 21 septembre 1993, Welland - Voie maritime a signalé la présence de brouillard au sol mais, à ce moment-là, on jugeait qu'il n'y avait pas suffisamment de brouillard pour nuire au déplacement des navires.

    1.10 Régulation du trafic dans le canal

    Lorsqu'il y a du brouillard, certains secteurs du canal peuvent être fermés et, si la visibilité est réduite à moins d'un quart de mille, l'ensemble du réseau peut être fermé.

    À 24 h, le «ZIEMIA CIESZYNSKA» était dans le brouillard, mais il devait poursuivre sa route parce qu'il se trouvait dans une «zone où la navigation à contrebord est interdite» et où il n'y a pas d'installations d'amarrage.

    Le «ZIEMIA CIESZYNSKA» s'est échoué à 0 h 14. Welland - Voie maritime a été informé de la situation à 0 h 30. La circulation vers l'aval a été interrompue à partir de l'écluse 8 afin de permettre au «ZIEMIA CIESZYNSKA» de se rendre au quai no 10, près du point milliaire 17, après l'échouement.

    1.11 Interaction entre le pilote et le personnel à la passerelle

    Le pilote est responsable envers le capitaine de la sécurité de la navigation du navire. Il doit informer le capitaine ou son représentant de toute mesure qu'il compte prendre pour s'acquitter de cette responsabilité.

    Aucune difficulté d'ordre linguistique n'entravait la communication des ordres nécessaires.

    La conversation sur la passerelle a été tenue au plus strict minimum; le pilote donnait des ordres au timonier qui en accusait réception. Il n'y a eu que peu d'échange de renseignements entre le capitaine et le pilote.

    Le capitaine est resté aux commandes du radar, qui était d'un type que le pilote ne connaissait pas bien. Le pilote naviguait par repères visuels.

    1.12 État de santé

    Après l'incident, le pilote a été incapable de se rappeler les événements ayant conduit à l'échouement. Le moment de désorientation qui lui a fait donner l'ordre extraordinaire au timonier, ordre qui a mené à l'échouement, a causé des inquiétudes au sujet de l'état de santé du pilote.

    La Direction des services médicaux du BST a procédé à un examen des dossiers médicaux du pilote. Au moment de l'examen, les dossiers indiquaient que le pilote était apte à s'acquitter de ses fonctions.

    2.0 Analyse

    2.1 Équipement de navigation

    Le «ZIEMIA CIESZYNSKA» est un navire neuf muni d'instruments de navigation ultramodernes; le personnel à la passerelle du navire devait donc très bien connaître cet équipement ainsi que son fonctionnement.

    Lorsqu'il est monté à bord du navire, le pilote s'est retrouvé en face d'un radar qui lui a peut-être semblé familier à prime abord, mais qui était si complexe que, pour qu'il puisse s'en servir comme principale aide à la navigation dans le brouillard, il aurait eu besoin d'instructions au préalable. Par conséquent, le pilote a préféré naviguer par repères visuels en ne jetant que de brefs et rares coups d'oeil à l'écran radar.

    Même si l'on a constaté que le brouillard s'épaississait soudainement alors que le navire s'est trouvé non loin du pont 11, le capitaine a été en mesure de voir sur le radar que le navire s'était écarté de sa route prévue. Il est donc évident que le radar fonctionnait correctement et que son état de marche n'a joué aucun rôle dans l'échouement.

    2.2 Communication entre le capitaine et le pilote

    Comme le pilote ne connaissait pas très bien le radar perfectionné, il ne s'en est guère servi. Une fois le navire dans le brouillard, le radar est devenu l'aide à la navigation la plus fiable. Le capitaine est resté aux commandes du poste radar en service, ce qui a pu ne pas inciter le pilote à s'en servir.

    Le capitaine a indiqué qu'il avait presque immédiatement constaté sur l'écran radar que le navire abattait vers la berge, mais qu'il n'avait pas pu contremander l'ordre à la barre du pilote assez vite pour éviter l'échouement.

    À cause des indices visuels qu'il avait devant lui, le pilote a cru qu'il était nécessaire de venir sur tribord. Chacun des deux hommes disposait d'une vue partielle de la situation; s'ils avaient communiqué efficacement l'un avec l'autre avant la décision de changer de cap, l'échouement aurait pu être évité.

    2.3 Raison pour laquelle le voyage n'a pas été interrompu

    En vertu des règlements de la voie maritime, toutes les fois que du brouillard est prévu, la navigation peut être interrompue. Les navires peuvent soit mouiller l'ancre, soit s'amarrer à un poste à quai voisin. Comme le «ZIEMIA CIESZYNSKA» se trouvait dans une «zone où la navigation à contrebord est interdite», peu après minuit, il a dû poursuivre sa route en dépit de la formation soudaine de brouillard d'advection.

    Après l'échouement, la circulation vers l'aval a été interrompue et le «ZIEMIA CIESZYNSKA» a été dirigé vers le quai no 10, un poste à quai situé à l'extérieur du chenal de la voie maritime, parce que le navire était de plus en plus sur le nez.

    2.4 Conscience de la situation et traitement de l'information

    La conscience de la situation peut se définir comme étant toute l'information dont on dispose et qui peut être intégrée en une image cohérente, au besoin, pour évaluer une situation et y faire face. Pour maintenir sa conscience de la situation, il s'agit de rester à l'affût de signaux ou d'indices susceptibles de révéler des renseignements importants comme la position ou la vitesse et la présence de dangers. La conscience de la situation est essentielle au pilote de navire pour assurer la conduite sûre du navire.

    Dans l'exécution de tâches usuelles, on en vient à tellement bien connaître le déroulement normal des activités et les façons de faire qu'on ne prend pas toujours en considération toutes les possibilités et tous les éléments avant d'agir.

    On a naturellement tendance à négliger certains indices. On se fie plutôt à l'apparition de certains indices attendus pour confirmer rapidement son évaluation de la situation et pour décider des gestes à poser dans les circonstances, sans tenir compte d'autres données susceptibles de corroborer ou d'infirmer l'évaluation.

    Lorsqu'une personne est tendue, son attention est souvent concentrée davantage sur un point précis, de sorte qu'elle risque de ne pas voir, de négliger ou de mettre de côté des indices apparents. Le stress peut aussi modifier la notion du temps. En situation de stress, les gens ont tendance à surestimer le temps écoulé.

    2.5 Motif du changement de cap

    Lorsque le «ZIEMIA CIESZYNSKA» a franchi le pont 11, le nez du navire était stable. Selon le pontier, lorsque le navire se trouvait à une soixantaine de mètres de lui, l'arrière abattait déjà rapidement vers bâbord. Par conséquent, l'ordre de mettre la barre à droite toute et la déclaration du pilote au capitaine, selon laquelle le navire devait passer entre les deux feux blancs, ont dû se produire immédiatement après que l'arrière du navire ait franchi le pont.

    Le pilote connaissait bien le secteur. Il savait qu'aucun changement de cap important n'y était nécessaire. Rationnellement, il savait aussi que la route suivie pour franchir le pont avait été correcte et qu'aucun changement de cap important n'était requis à la position où il se trouvait. Le prochain changement de cap important devait se faire vers bâbord, à environ un mille plus haut dans le canal.

    Dans l'épais brouillard, il est probable que le pilote, ne pouvant compter sur de l'information radar continue, a perdu conscience de la situation et a été visuellement désorienté. En outre, il est probable qu'il avait également perdu la notion du temps, parce qu'il a procédé au changement de cap bien avant le point où ce changement de cap était nécessaire. Un autre indice de cette désorientation est le fait que le pilote a été incapable de se rappeler les événements qui ont conduit à l'échouement.

    Le fait que les feux de la berge ouest du canal étaient réglés à l'intensité lumineuse maximale peut avoir été un facteur de désorientation parce que le pilote a confondu ces feux avec les feux blancs du point milliaire 11.

    Les feux du point milliaire 11 n'étaient pas visibles dans le brouillard.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis

    1. Un épais brouillard d'advection a soudainement recouvert le canal Welland dans les environs du pont 11.
    2. La communication entre le pilote et le personnel à la passerelle a été tenue au plus strict minimum.
    3. Le pilote n'a pas demandé qu'on lui montre comment fonctionnait le radar de passerelle avant le départ, et on ne le lui a pas offert.
    4. Le capitaine est resté aux commandes du radar lorsque le brouillard est descendu rapidement sur le canal au moment où le «ZIEMIA CIESZYNSKA» franchissait le pont 11.
    5. Le pilote jetait de brefs et rares coups d'oeil sur l'écran radar par-dessus l'épaule du capitaine.
    6. Lorsqu'il se trouvait à une soixantaine de mètres au sud du pont 11, on a vu le navire abattre largement sur tribord, manoeuvre qui a mené à l'échouement.
    7. Le tracé de l'enregistreur de route montre très clairement le changement de cap.
    8. Le pilote a été incapable de se rappeler les événements qui ont précédé l'échouement, y compris d'avoir donné l'ordre de mettre la barre à droite.
    9. Le capitaine a contremandé l'ordre du pilote de mettre la barre à droite, a relevé celui-ci de ses fonctions et a ordonné de mettre la barre «à gauche toute», mais cette mesure est venue trop tard pour changer l'issue des événements.
    10. Le capitaine a repris la conduite du navire parce qu'il a estimé que le pilote était désorienté.
    11. Une fois le «ZIEMIA CIESZYNSKA» remis à flot, on a demandé au navire, qui était de plus en plus sur le nez, de poursuivre sa route et d'aller s'amarrer au quai no 10.

    3.2 Causes

    Le «ZIEMIA CIESZYNSKA» s'est échoué parce que le pilote, désorienté, a procédé à un changement de cap inattendu et erroné. La formation soudaine de brouillard d'advection et l'absence d'échange continu de renseignements entre le pilote et le capitaine ont aussi contribué à l'échouement.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures prises

    4.1.1 Gestion des ressources sur la passerelle

    Après l'échouement antérieur d'un navire canadien (rapport no M93L0001 du BST), la Garde côtière canadienne (GCC) a rédigé un document de travail sur la gestion des ressources sur la passerelle. Ce document est actuellement en train d'être révisé par des écoles de marine et des administrations de pilotage choisies. Dans sa forme définitive, il constituera le noyau d'un cours facultatif de formation en matière de gestion des ressources sur la passerelle.

    En outre, le Bureau a récemment publié une Étude de sécurité portant sur les rapports de travail entre les capitaines et officiers de quart, et les pilotes de navire. Cette étude a mis en évidence des lacunes sur le plan du travail d'équipe sur la passerelle, notamment en ce qui concerne les communications entre les pilotes, les capitaines et les officiers de quart. Dans cette étude, le Bureau a recommandé que :

    Le ministère des Transports exige que le programme de formation initiale de tous les officiers de navire soit modifié de façon à comporter un volet sur les compétences en gestion des ressources sur la passerelle.
    Recommandation M95-09 du BST

    Le ministère des Transports exige que tous les officiers de navire fassent la preuve de leurs compétences en gestion des ressources sur la passerelle avant de se voir délivrer des certificats de maintien des compétences.
    Recommandation M95-10 du BST

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Maurice Harquail.

    Annexes

    Annexe A - Croquis du secteur de l'événement

    Annexe B - Photographies

    Point de vue du pontier vers le sud à partir du pont 11 à Allanburg.
    Image
    Annexe B - Photographies2

    Annexe C - Sigles et abréviations

    APRA
    aide au pointage radar automatique
    ar.
    arrière
    av.
    avant
    BST
    Bureau de la sécurité des transports du Canada
    C
    Celsius
    G
    gyro (degrés)
    GCC
    Garde côtière canadienne
    HAE
    heure avancée de l'Est
    kW
    kilowatt(s)
    m
    mètre(s)
    m3
    mètre(s) cube(s)
    N
    nord
    noeud
    un mille marin à l'heure
    OMI
    Organisation maritime internationale
    SI
    système international (d'unités)
    UTC
    temps universel coordonné
    VHF
    très haute fréquence
    W
    ouest
    Welland Centre
    de régulation du trafic du canal Welland de l'Administration de
    Voie maritime la voie maritime du Saint
    Laurent
    °
    degré(s)
    minute(s)
    seconde(s)