Rapport d'enquête maritime M93W0008

Chavirements multiples
Groupe de kayaks de mer affrétés
Baie Laskeek, îles de la Reine-Charlotte
(Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Neuf kayakistes amateurs, conduits par deux guides, se dirigeaient vers la pointe Vertical sur l'île Louise (C.-B.), à bord de kayaks de mer affrétés. Le groupe a essuyé du gros temps près du cap Heming, et quatre kayaks ont été submergés et ont chaviré. Deux personnes du groupe ont été repêchées sur-le-champ, tandis que deux autres, emportées par les lames, ont été retrouvées dans l'eau trois heures plus tard, au cours d'une mission de recherches et sauvetage. L'une souffrait d'hypothermie aiguë; la mort de l'autre a plus tard été attribuée à l'hypothermie et à la noyade.

    Le Bureau a déterminé que le groupe de kayakistes inexpérimentés a entrepris une excursion en mer, même si les membres n'étaient pas suffisamment formés et entraînés pour manier leur embarcation en toute sécurité et pour faire face aux situations d'urgence. Ils étaient également mal préparés pour les conditions qu'ils étaient susceptibles d'affronter au large, compte tenu des prévisions météorologiques. Le fait que la discipline de groupe n'ait pas été maintenue et que la mission de recherches et sauvetage ait été retardée à cause de la confusion initiale au sein du groupe et de problèmes de communications radio a contribué à la mort d'un membre du groupe.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Description et renseignements techniques sur les kayaks

    Des kayaks de trois types différents, appartenant tous au Kayak Institute de Canmore (Alberta), étaient utilisés pour ce voyage (voir photos à l'annexe A).

    Le kayak de type A est un kayak de mer monoplace de 4,88 m de longueur sur 0,61 m de largeur, en fibre de verre moulée, dont la coque est divisée en trois compartiments par deux cloisons transversales étanches. On retrouve des flotteurs en mousse aux deux extrémités des compartiments avant et arrière. L'espace libre de chaque compartiment est utilisé pour l'arrimage d'équipement. On accède à ces compartiments par des écoutilles étanches dans le pontage. Le cockpit, au centre du kayak, est protégé contre l'entrée d'eau par une jupette qui s'ajuste, d'un côté, à la taille du kayakiste, et de l'autre, à la hiloire de cockpit. Pour réduire le volume du cockpit et minimiser l'envahissement en cas de chavirement, on peut se servir d'une sorte de boyau appelé chausson de kayak qui se place à l'intérieur du cockpit et est retenu fermement autour de la hiloire de cockpit.

    Le kayak de type B est un kayak de mer biplace de 6,6 m de longueur sur 0,76 m de largeur, en fibre de verre moulée, dont la coque est divisée par quatre cloisons transversales étanches. Il a deux cockpits, un compartiment central, un compartiment avant et un compartiment arrière. Les compartiments avant et arrière ont des flotteurs en mousse à leurs deux extrémités et ils sont utilisés comme espace d'arrimage. Le compartiment central sert également pour l'arrimage. On accède à ces trois compartiments par des écoutilles étanches dans le pontage. Des chaussons de kayak peuvent être utilisés dans les deux cockpits, sur les kayaks biplaces.

    Le kayak de type C est un kayak de mer monoplace de 5 m de longueur sur 0,603 m de largeur, en polyéthylène réticulé. La coque, d'une seule pièce, est construite dans un moule chauffé. Dans ce type de construction, les cloisons sont remplacées par un chausson de kayak ou pod rigide permanent. Une telle installation rétrécit le cockpit. Il y a une pompe pour le pod, mais pas pour l'intérieur de la coque.

    1.2 Déroulement du voyage

    Neuf kayakistes amateurs, quatre hommes et cinq femmes, ont rencontré leurs deux guides à l'île Hotspring (C.-B.), le 26 juillet 1993 (voir le croquis du secteur à l'annexe B). Trois kayaks de type A, un kayak de type B et six kayaks de type C avaient été affrétés pour l'excursion. Cela donnait un ratio de quatre ou cinq kayakistes par guide, ce qui correspond aux normes en vigueur dans l'industrie.

    Les deux premiers matins, les kayakistes du groupe ont participé à des périodes d'entraînement, comprenant des exercices de chavirement et de récupération, l'apprentissage des techniques de maniement de la pagaie, des exercices de lecture de cartes et d'orientation à la boussole. Les kayakistes du groupe n'ont pas tous participé aux exercices de chavirement ou de récupération. La technique d'accouplage de kayaks pour améliorer la stabilité pendant les sauvetages, ou celle des arrêts sur l'eau, ont été décrites mais le groupe ne les a pas pratiquées.

    Il a aussi été question du «compagnonnage», par lequel deux kayaks conviennent, au début de la journée, de voyager de conserve. Différents kayaks pouvaient ainsi décider de naviguer en compagnonnage, mais les dispositions devaient être prises avant le départ chaque jour.

    Aucun plan de route n'a été déposé à une station radio de la Garde côtière (SRGC) Note de bas de page 1.

    Les tout premiers jours, certains membres du groupe ont changé de kayak jusqu'à ce qu'ils trouvent celui qui leur convenait le mieux. Un des hommes s'est servi d'un kayak monoplace en fibre de verre (type A) pendant tout le voyage parce que c'était celui qui lui convenait le mieux à cause de sa taille.

    Le 30 juillet 1993, les guides ont écouté les prévisions météorologiques de 5 h 45 Note de bas de page 2 pour le secteur. À 8 h 30, le groupe a quitté son campement de nuit situé sur la pointe nord-est de l'île Lyell (C.-B.) et s'est dirigé, sans se hâter, vers un village autochtone fantôme sur l'île Tanu (C.-B.), à une distance d'environ cinq milles.

    Pendant la pause-repas au village de Tanu, le chef guide a écouté les prévisions météorologiques de 11 h 45 pour la région. Selon son interprétation, le bulletin prévoyait une diminution du vent et de la hauteur des vagues, ainsi qu'une amélioration des conditions.

    Avant le départ, le chef guide a averti le groupe de porter des vêtements chauds en prévision de la longue traversée par temps froid qui s'annonçait. Les femmes se souviennent toutes d'avoir entendu le conseil et elles en ont tenu compte. L'une d'elles a mis tous les vêtements extérieurs qu'elle avait. Elle portait un pull d'entraînement, un blouson de polyester molletonné, une veste et des pantalons imperméables, des bottes isothermiques, un chapeau en toile et un gilet de sauvetage. Quelques hommes, qui n'ont pas entendu le conseil ou n'en ont pas tenu compte, étaient vêtus très légèrement en dessous de la taille, région du corps qui devait être, croyaient-ils, protégée des éléments par la jupette de cockpit.

    Vers 15 h 30, tous se sont dirigés vers leur campement de nuit prévu, sur la pointe Vertical de l'île Louise, soit un voyage d'environ neuf milles. En deux groupes, ils ont pagayé vers le nord-ouest dans les eaux relativement calmes du secteur abrité par les îles Kunga et Lyell.

    Le premier groupe comprenait le chef guide, dans un kayak monoplace, et cinq kayakistes, eux aussi dans des kayaks monoplaces. Ce groupe a pris la direction de l'île Helmet (C.-B.) pour observer les lions de mer. Le chef guide comptait faire halte sur une plage située du côté sud du cap Porter sur la péninsule Tangil, avant de se rendre à l'île Helmet. Une fois rendu à cet endroit, il a constaté que la mer était trop forte pour permettre de toucher terre en douceur. Il a donc décidé de continuer vers une seconde halte-repos sur l'île Talunkwan (C.-B.), du côté sud du cap Heming.

    Le second groupe comprenait l'assistant guide dans un kayak monoplace, un couple dans le kayak biplace et deux autres kayakistes dans des kayaks monoplaces. Ce groupe pêchait en prévision du repas et voyageait à une allure plus lente, car l'assistant guide et une kayakiste pêchaient à la traîne. Très peu de temps après avoir quitté Tanu, le couple a décidé de ne pas pêcher avec le second groupe, et a quitté celui-ci pour aller se joindre au premier groupe. Comme les guides n'avaient pas imposé le «compagnonnage» les jours précédents, ce changement dans les plans n'a pas suscité de commentaire.

    L'assistant guide et une kayakiste ont dépassé l'autre kayak monoplace, laissant une distance d'environ deux encablures entre eux. Ils sont arrivés près de l'île Helmet et s'y sont arrêtés pour observer les lions de mer. L'assistant guide s'efforçait de rester en vue du groupe de tête afin que les deux groupes ne perdent pas complètement contact.

    Dans l'intervalle, la personne qui pêchait a eu des problèmes avec son engin de pêche et a demandé de l'aide. L'assistant guide a fait demi-tour pour aller l'aider, laissant l'autre kayakiste seule à observer les lions de mer. Lorsque cette dernière a constaté que le premier groupe s'éloignait, elle a décidé de partir à sa suite au lieu d'attendre l'assistant guide et la retardataire. Elle a rejoint le premier groupe et s'est placée juste derrière le chef guide.

    Après avoir dégagé son engin de pêche et celui de la kayakiste, l'assistant guide s'est remis à pagayer de conserve avec celle-ci. Il s'est mis à pleuvoir. La dernière fois que l'assistant guide a aperçu le premier groupe, celui-ci se trouvait près du cap Heming.

    Le chef guide avait alors huit kayakistes avec lui, et l'assistant guide, une seule.

    Alors que le premier groupe approchait du cap Heming et quittait la zone abritée par l'île Kunga (C.-B.), le vent s'est intensifié et la hauteur des vague s'est accrue. Le chef guide a constaté que la seconde halte-repos était, elle aussi, inutilisable à cause des grosses lames qui déferlaient sur la plage. Il a alors décidé d'accoster du côté nord-ouest du cap Heming.

    Lorsque le premier groupe a atteint le cap Heming, plusieurs kayakistes commençaient à s'inquiéter de leur capacité de manier un kayak dans les conditions ambiantes. Le vent soufflait désormais à 20 noeuds environ et les lames atteignaient une hauteur de trois mètres, avec des crêtes déferlantes. Le vent et la mer venaient du sud-est. Les lames étaient plus hautes dans la zone de hauts-fonds, à proximité du cap Heming.

    Pour parer les vagues côtières, le chef guide a décidé, à partir de l'île Helmet, de suivre une route laissant la mer à 45° sur la hanche tribord des kayaks, ce qui constitue, pour des kayakistes inexpérimentés, le meilleur angle pour étaler les lames sans chavirer. Par le travers du cap Heming, le chef guide a constaté que, pour doubler le cap, il faudrait suivre une route qui amènerait à avoir la mer de l'arrière. Le guide a estimé que certains kayakistes ne seraient pas en mesure de faire face à de telles conditions, aussi a-t-il décidé de continuer vers le lieu prévu pour le campement de nuit, sur la pointe Vertical.

    Il a fait faire demi-tour à son kayak pour aller avertir les autres de son plan et pour resserrer le groupe assez dispersé. Jusqu'à ce moment, la majorité des membres du groupe ne connaissait pas dans le détail les intentions du chef guide. Dans le breffage avant le départ, celui-ci n'avait donné que des directives d'ordre général pour la traversée.

    La kayakiste qui se trouvait auparavant juste derrière le chef guide, n'étant pas rassurée de ne plus avoir le guide devant elle et de se trouver en tête du groupe, a cessé de pagayer, ce qui a déséquilibré l'embarcation et l'a fait chavirer, et elle a perdu son coussin d'appui dorsal lorsque l'embarcation s'est renversée.

    Les autres membres du groupe sont rapidement venus l'aider à réintégrer son kayak. On a asséché le pod du cockpit à l'aide de la pompe mais, à cause de la perte du coussin, la kayakiste a été incapable d'atteindre les pédales de gouverne. Elle a pris panique et, demandant aux autres de la suivre, elle s'est dirigée vers les plages rocheuses de la pointe Nelson, que les kayakistes évitent habituellement. Suivie d'une kayakiste moins novice, elle a atterri rudement parmi les rochers, s'infligeant une profonde coupure à la joue. Sa camarade, plus expérimentée, a fini par la calmer. Les deux femmes ont changé de vêtements, allumé un feu et dressé le camp.

    Au cours de cette première opération de secours, un deuxième kayak a chaviré. Après que les autres membres du groupe eurent aidé le kayakiste à réintégrer son cockpit, il a commencé à pomper l'eau du pod. Le chef guide s'est vite rendu compte que de l'eau avait pénétré à l'intérieur de la coque du kayak, qui était en train de couler. Le kayak a chaviré une seconde fois. Le chef guide a dit au kayakiste de grimper sur le pont du kayak biplace, entre les deux cockpits, conformément aux procédures de secours usuelles avec ce type d'embarcation.

    Pendant que ce second sauvetage se déroulait, les trois autres kayakistes pagayaient pour maintenir leur position et stabiliser leur embarcation. Après que le chef guide eut demandé à un de ces kayakistes de l'aider, une grosse lame a heurté un des kayaks par le travers et l'a emporté loin du groupe. La kayakiste dont l'embarcation était ainsi entraînée a crié pour demander de l'aide, mais personne ne l'a entendue. Après avoir vainement tenté de rejoindre le groupe et avoir perdu celui-ci de vue, elle a aperçu un îlot rocheux, vers lequel elle s'est dirigée. Quelques minutes plus tard, vers 17 h 45, le kayak a chaviré.

    La kayakiste a tenté de réintégrer seule son embarcation, par les méthodes qu'on lui avait enseignées plus tôt, mais qu'elle n'avait pas pratiquées. Elle est remontée sur le kayak renversé et l'a redressé, mais elle a été incapable d'assécher le pod parce qu'elle n'a pas réussi à faire fonctionner la pompe.

    Elle a réussi à passer la jambe gauche dans le cockpit, torse en travers du pont et jambe droite encore dans l'eau. Elle portait tous les vêtements extérieurs qu'elle avait apportés avec elle. Peu après, le kayak a été entraîné dans un lit de varech. La kayakiste, dont la jambe s'était prise dans le varech, a été entraînée hors du kayak. Elle a tenté de se retenir au varech avec son kayak, mais elle a été incapable de résister aux lames. Celles-ci l'ont emportée, de même que le kayak, vers l'îlot vers lequel elle se dirigeait, mais le courant l'a forcée à le contourner. Plus tard, elle a entendu le bruit des brisants et elle s'est rendu compte qu'elle approchait de la côte, laquelle était d'une falaise rocheuse anfractueuse. La kayakiste se préparait à toucher terre rudement lorsqu'elle a aperçu le projecteur d'un hélicoptère de secours.

    Dans l'intervalle, le sauvetage de l'homme dont le kayak avait chaviré se poursuivait. Après avoir attaché le kayak biplace et un des kayaks monoplaces ensemble pour former une plate-forme plus stable, le chef guide a pris ceux-ci en remorque. Le convoi a fini par s'échouer sur la plage après avoir franchi de forts brisants du côté nord du cap Heming. À un moment donné, l'homme qui se trouvait dans l'autre kayak a été séparé du groupe. L'occupant du kayak chaviré a été traité pour hypothermie. On a dressé le camp.

    L'assistant guide, en compagnie d'une kayakiste, est arrivé près du cap Heming vers 16 h 30. Il n'a pas aperçu le premier groupe à cause de la mauvaise visibilité et de la hauteur des lames. À 17 h, il a appelé le chef guide sur la voie 68 de son radiotéléphone très haute fréquence (VHF) portatif, mais sans avoir de réponse. Croyant que le groupe principal s'était dirigé vers Thurston Harbour, il a mis le cap sur ce secteur.

    À l'arrivée, l'assistant guide et la kayakiste qui l'accompagnait ont découvert qu'un yacht américain mouillé était le seul autre navire qui se trouvait à Thurston Harbour. Après avoir dressé le camp sur la plage, l'assistant guide a fait un autre appel VHF au chef guide à 18 h. Comme il n'avait pas de réponse, il a envoyé un appel à tous les navires du secteur pour leur demander de tenter de communiquer avec le chef guide sur la voie 68 du VHF.

    À 18 h 5, l'assistant guide a demandé à la SRGC de Prince Rupert de communiquer avec le chef guide avant son prochain appel réglementaire, qui était prévu pour 19 h. La station radio a fait savoir qu'elle ne pouvait appeler que sur les voies 16 ou 22A. Lorsque l'assistant guide a été incapable de rejoindre le chef guide à 19 h, il a de nouveau demandé l'aide de la station radio. La SRGC a tenté d'établir le contact, mais en vain.

    La SRGC a demandé à l'assistant guide de rappeler s'il était incapable de rejoindre le chef guide à 20 h, heure du contact radio suivant prévu. À 19 h 56, le chef guide a utilisé son poste VHF pour demander aux navires qui se trouvaient dans les parages de l'aider à retrouver le kayak chaviré, à la dérive, dont l'occupant avait déjà été repêché. Au départ, aucun navire à proximité n'a répondu à cet appel PAN.

    Le chef guide ignorait les difficultés éprouvées par d'autres membres de son groupe. Lorsque la SRGC de Prince Rupert lui a offert l'assistance des services de recherches et sauvetage (SAR) de la Garde côtière canadienne (GCC), il l'a refusée.

    L'assistant guide a entendu la conversation du chef guide avec la station radio et il s'y est mêlé. Il en est ressorti qu'il manquait quatre personnes du groupe et qu'il fallait entreprendre des recherches.

    Il a été convenu que l'assistant guide emprunterait le pneumatique à moteur hors-bord du yacht américain et irait chercher le chef guide du côté nord du cap Heming pour se mettre avec lui à la recherche des kayakistes manquants. Environ 35 minutes plus tard, au départ de Thurston Harbour, l'assistant guide a demandé au yacht entrant «OCEAN LIGHT» de se joindre aux recherches.

    Le garde-côte canadien «GORDON REID» et la SRGC de Prince Rupert ont signalé l'incident au Centre de coordination du sauvetage (CCS) de Victoria. Le CCS a lancé un appel MAYDAY à 20 h 25, et l'opération SAR a commencé. Le «GORDON REID», le bateau de pêche «KING II», le «OCEAN LIGHT» et le bateau de travail «GORDONDALE II» ont été mobilisés. Un hélicoptère commercial a aussi été envoyé ratisser le littoral dans les environs de la pointe Vertical.

    Le chef guide a dit à l'assistant guide par radio que l'hélicoptère était en route pour le secteur. On a abandonné l'idée d'aller prendre le chef guide pour qu'il puisse prendre part aux recherches.

    La réception du signal radio était assez mauvaise à cause du grand nombre de stations en cause; l'assistant guide a donc décidé de retransmettre les messages.

    Un des navires de recherche a retrouvé, seule, la femme qui s'était rendue à Thurston Harbour de conserve avec l'assistant guide et, après lui avoir parlé, l'opérateur a signalé à la station radio que tous les kayakistes étaient saufs. L'assistant guide, entendant cela, a demandé à l'opérateur du navire quelle était sa position et il a été en mesure de déterminer avec qui il avait été en contact. L'assistant guide a ensuite informé la SRGC de Prince Rupert et les autres participants aux recherches qu'il manquait encore des personnes. Les recherches se sont poursuivies.

    À 21 h 44, l'équipage de l'hélicoptère a trouvé les deux femmes sur la plage de la pointe Nelson. Après avoir atterri et leur avoir parlé, l'équipage de l'hélicoptère a repris les recherches dans la baie Breaker. À 21 h 54, l'équipage de l'hélicoptère a informé la SRGC de Prince Rupert qu'un kayak, ainsi qu'un homme portant des lunettes, avaient été aperçus dans l'eau à proximité. L'homme semblait sans vie. Une minute plus tard, l'hélicoptère a aperçu le kayak qui manquait encore à l'appel à environ 150 mètres du premier. Il était environ à 15 mètres de l'île Haswell et était occupé par une femme qui battait des pieds.

    L'hélicoptère a éclairé les deux kayaks avec un projecteur jusqu'à ce que la femme ait été recueillie par le «OCEAN LIGHT» et que le «GORDONDALE II» ait repêché le corps de la victime qui, lorsqu'il a été retiré de l'eau, portait des vêtements légers et un gilet de sauvetage.

    Les deux personnes ont été transportées à Thurston Harbour pour être placées à bord de l'hélicoptère. En route vers Thurston Harbour, la femme, qui avait passé environ trois heures dans l'eau, a été traitée pour hypothermie aiguë par l'équipage du «OCEAN LIGHT». L'équipage du «GORDONDALE II» a été incapable de réanimer l'homme.

    À l'arrivée à Thurston Harbour, les deux personnes ont été héliportées au Queen Charlotte City Hospital, où elles sont arrivées peu après 23 h.

    Entre-temps, le «KING II» avait mis à l'eau son pneumatique et tenté sans succès de recueillir les deux femmes campées à la pointe Nelson. Lorsqu'il a été confirmé que les femmes avaient un abri, on a pris des dispositions pour aller les chercher sur la plage au matin. Le lendemain matin, le «GORDON REID» a évacué les gens et les kayaks des trois campements.

    1.3 Victimes

    Guides Kayakistes amateurs Total
    Tués - 1 1
    Disparus - - -
    Blessés graves - 1 1
    Blessés légers - 2 2
    Indemnes 2 5 7
    Total 2 9 11

    Selon le rapport du coroner, la mort du kayakiste a été causée par l'hypothermie et la noyade.

    1.4 Avaries aux kayaks

    Le kayak monoplace en polyéthylène qui a coulé a été récupéré plus tard. Comme les panneaux d'écoutille étanches avant et arrière étaient toujours intacts, il semble que l'eau ait envahi la coque par le joint du pod. Les autres kayaks n'ont pas été endommagés.

    1.5 Certificats et brevets

    1.5.1 Certificats des embarcations

    Étant de petites embarcations de moins de 15 tonneaux, les kayaks n'ont pas besoin de certificats.

    1.5.2 Brevets du personnel

    Les personnes qui conduisent ou qui affrètent des kayaks n'ont pas besoin d'être titulaires de brevets.

    De même, les personnes qui agissent comme guides ou instructeurs pour le kayak de mer n'ont pas besoin d'avoir de certificats.

    1.6 Antécédents du personnel

    1.6.1 Chef guide

    Le chef guide, copropriétaire du Kayak Institute, possédait 18 ans d'expérience du kayak d'eau vive et du kayak de mer. Il possédait 10 ans d'expérience comme guide commercial de kayak de mer en Colombie-Britannique en été et à Baja California, au Mexique, en hiver, et il donne un cours de 10 jours à l'intention des guides de kayak de mer, cours donné dans le cadre d'un Programme de formation de guides d'aventure. Il connaît les techniques de survie en plein air et il est titulaire d'un certificat avancé de secourisme en milieu sauvage. Il possède aussi un certificat restreint de radiotéléphoniste (Service maritime).

    1.6.2 Assistant guide

    L'assistant guide est un pilote de ligne commercial professionnel. Il est aussi titulaire d'un certificat restreint de radiotéléphoniste (Service maritime). Depuis plusieurs années, il guide des groupes pour des excursions de canoé en Ontario. Il faisait du kayak d'eau vive depuis six ans et du kayak de mer depuis quatre ans. Depuis qu'il avait commencé à s'adonner au kayak de mer, il avait été instructeur et guide sur la côte ouest avec des kayaks en polyéthylène et en fibre de verre.

    1.6.3 Calendrier de travail des guides

    Depuis la mi-juin, le chef guide avait effectué trois excursions de 10 jours en kayak de mer avec peu ou pas d'intervalle entre chacune. En sa qualité de propriétaire de la compagnie d'affrètement et des kayaks utilisés pour les quatre excursions, il avait dû assurer l'entretien des kayaks pendant les excursions et entre celles-ci. Comme chef guide, il était responsable de la sécurité de tout le groupe.

    L'assistant guide en était à sa seconde excursion de 10 jours en kayak de mer depuis qu'il était revenu d'une croisière de plaisance à bord de son yacht, le «CARPE DIEM», qui l'avait mené de l'île de Vancouver (C.-B.) jusqu'en Alaska. Les excursions en kayak devaient constituer une pause dans son calendrier de navigation, et elles étaient intégrées à son horaire de croisières d'été.

    1.6.4 Kayakistes amateurs

    Des neuf personnes qui avaient affrété les kayaks, une seule avait l'expérience du kayak de mer, trois possédaient une expérience limitée du kayak de rivière et cinq n'avaient absolument aucune expérience du kayak.

    1.7 Renseignements sur l'environnement

    1.7.1 Prévisions météorologiques

    Les prévisions météorologiques pour les eaux septentrionales, diffusées par Environnement Canada à 11 h 45, le 30 juillet 1993, pour la période se terminant à 12 h, le 31 juillet 1993, faisaient état de vents du sud-est de 25 noeuds, tournant au sud et au sud-ouest et diminuant à 10 à 15 noeuds, avec des lames devant atteindre de un à deux mètres.

    1.7.2 Conditions météorologiques signalées par les embarcations

    Au cap Heming, des vents du sud-est atteignant les 25 noeuds étaient prévus. On estime que les lames ont atteint une hauteur de trois mètres avec des crêtes déferlantes. La visibilité était réduite à cause de la pluie et des lames.

    Les deux stations météorologiques les plus proches ont enregistré des conditions qui correspondent à ces observations.

    1.7.3 Marées et courants

    La marée basse dans la baie Pacofi, à sept milles en amont dans la passe Selwyn, était prévue pour 18 h 22 le 30 juillet, et la marée haute suivante, pour 0 h 20, le 31 juillet. Le flux et le reflux atteignent généralement une vitesse d'environ deux noeuds dans la passe. La température moyenne de l'eau de mer dans la région du détroit d'Hecate, en juillet, est de 13 à 14 °C.

    1.7.4 Coucher du soleil et crépuscule

    Le coucher du soleil et le crépuscule civil étaient respectivement à 19 h 58 et à 20 h 41.

    1.8 Équipement de navigation

    Chacun des deux guides avaient une boussole magnétique, et chacun des 10 kayaks était muni d'une table des courants et marées et d'une carte plastifiée de la région.

    1.9 Communications radio

    Les deux guides étaient munis de postes VHF à piles portatifs. La voie 68 était la seule et unique voie de travail, et on ne passait sur les autres voies que pour écouter les prévisions météorologiques ou communiquer avec la SRGC. Parce qu'on n'avait aucun moyen de recharger les piles, on n'assurait pas de veille radio continue. Les communications étaient faites aux heures.

    Aucun des kayaks n'avait de nom ou d'indicatif d'appel aux fins des communications radio. Le chef guide utilisait «S.S. PUFFIN» comme indicatif et l'assistant guide, «CARPE DIEM».

    Après le départ de Tanu, les communications horaires ne devaient commencer qu'après 18 h ou si les guides étaient séparés. Vers 17 h, le chef guide a dû faire face à son premier chavirement et secourir une première personne, et son récepteur radio n'était pas ouvert. À 18 h, le chef guide remorquait les kayaks attachés à couple vers la terre ferme, et son récepteur radio n'était pas ouvert lorsque l'assistant guide a essayé d'entrer en communication avec lui.

    1.10 Équipement d'urgence

    1.10.1 Équipement de sauvetage

    Tous les kayakistes portaient, en tout temps lorsqu'ils étaient sur l'eau, un gilet de sauvetage auquel un sifflet était attaché. Il n'y avait ni feux ni bande réfléchissante sur les gilets de sauvetage.

    Des sangles de récupération étaient attachées à chaque kayak pour que l'occupant puisse réintégrer de lui-même le cockpit du kayak en cas de chavirement. Il n'y avait pas de bande réfléchissante sur le dessous des kayaks.

    1.10.2 Équipement d'urgence et de sécurité

    Les kayaks étaient munis d'une trousse standard d'équipement d'urgence et de sécurité :

    • un ballon de récupération, qui n'était pas gonflé pour économiser l'espace;
    • une pagaie de réserve;
    • des boudins latéraux gonflables (flotteurs latéraux servant au kayakiste à se hisser à bord après un chavirement et permettant de stabiliser le kayak), eux aussi transportés dégonflés pour ne pas prendre trop de place;
    • une pompe d'assèchement.

    En outre, les kayaks utilisés par les guides avaient à bord des ancres flottantes.

    1.11 Recherches et sauvetage

    Le «GORDON REID» a fait savoir qu'il prévoyait arriver sur les lieux de l'accident dans cinq heures. Par conséquent, l'opération SAR a été menée par des bateaux de pêche et des bateaux de travail qui se trouvaient dans les parages, avec l'aide d'un hélicoptère commercial muni d'un projecteur mais dépourvu d'engin de récupération.

    1.12 Stabilité

    Par gros temps, il est possible d'améliorer la stabilité du kayak en pagayant continuellement. Les kayaks étaient munis de ballons de récupération et de boudins latéraux gonflables qu'il est possible d'installer pour aider le kayakiste à réintégrer son embarcation après un chavirement, et pour améliorer la stabilité. Toutefois, pour installer ces boudins, le kayakiste doit cesser de pagayer. Avant les multiples chavirements, on n'avait pas songé à utiliser les boudins gonflables pour augmenter la stabilité. Ceux-ci n'ont donc pas servis.

    1.13 Exigences et conditions préalables pour affréter des kayaks

    1.13.1 Information fournie par le Kayak Institute

    Dans la publicité et les brochures d'information qu'il envoie aux clients potentiels, le Kayak Institute affirme qu'il n'est pas nécessaire d'avoir l'expérience du kayak pour s'inscrire à ses programmes. Il demande cependant aux affréteurs d'avoir passé suffisamment de temps à camper sous la tente dans l'arrière-pays pour être en mesure de voyager dans des régions sauvages éloignées.

    Les brochures du Kayak Institute précisent aussi que les prix de tous les programmes englobent le coût des leçons, des guides et de l'équipement spécialisé de kayakiste.

    1.13.2 Exigences pour affréter des kayaks

    Les brochures du Kayak Institute stipulent que les participants doivent apporter leur propre ÉQUIPEMENT DE CAMPING ET LEUR NOURRITURE. Après s'être inscrits à l'un des programmes offerts par le Kayak Institute, les kayakistes reçoivent une liste détaillée de l'équipement nécessaire, un guide alimentaire et de planification des menus, ainsi que de l'information sur la façon de charger les kayaks.

    Les brochures et la liste de vérification de l'équipement mentionnent les vêtements isothermiques, mais comme équipement facultatif seulement. La feuille de renseignements supplémentaires précise que les vêtements isothermiques ne sont pas absolument nécessaires pour faire du kayak de mer - à moins que les kayakistes ne soient très sensibles au froid. Dans la partie qui traite de la plongée libre, on mentionne pourtant que l'eau est vraiment froide, mais offre d'excellentes conditions pour la plongée.

    Les clients ne sont pas obligés de fournir une preuve médicale de leur aptitude à supporter l'effort physique exigé par ces excursions. Au contraire, on suppose que quiconque a fait du camping dans l'arrière-pays est capable de faire l'excursion et, en outre, n'est pas trop gros pour pouvoir s'insérer dans un kayak. Ce critère est aussi utilisé par d'autres entreprises d'affrètement de kayak et n'est pas exceptionnel dans l'industrie.

    1.14 Guide d'utilisation

    Le fabricant des kayaks de type C fournit un guide d'utilisation avec chaque kayak. Ce guide complet contient des conseils sur différents aspects du kayak de mer, sous diverses rubriques.

    Aucun des kayaks de type C n'avait ce manuel à bord.

    Le manuel donne notamment ces quelques conseils utiles sur le bon usage maritime :

    Sans vouloir alarmer personne, il convient toutefois de préciser que le kayak de mer constitue une activité qui exige un bon jugement et de la prudence. Et cela demeure toujours vrai, peu importe l'expérience que l'on a du kayak. Il est bien évident, et il ne faut pas s'en étonner, que la période où le kayakiste est le plus vulnérable c'est pendant son apprentissage. Voici certains conseils de prudence qui peuvent aider à franchir ces premières étapes.

    • Le principal danger qui guette les adeptes du kayak de mer c'est l'hypothermie. L'eau glacée tue. Il faut porter un vêtement isothermique et se renseigner sur l' hypothermie.
    • Commencer petit à petit, par temps maniable, près des côtes, avec un compagnon expérimenté. N'affronter les grands vents que lorsqu'ils soufflent vers la côte.
    • Apprendre à très bien connaître son embarcation. La faire chavirer pour se rendre compte comment il est facile d'en sortir et à quel point il peut être difficile de se hisser à bord.
    • Informer quelqu'un de sa destination et du moment prévu du retour.

    Les risques

    La plupart des accidents surviennent parce qu'on évalue mal les conditions météorologiques, les courants et la topographie. Il convient donc d'apporter une attention particulière aux considérations suivantes :

    Vent :

    Éviter de faire du kayak lorsque la mer moutonne, tant qu'on n'a pas suffisamment d'expérience pour bien saisir la situation.

    Le vent peut :

    • retourner un kayak.
    • rendre les virages plus difficiles.
    • provoquer la formation d'une mer non maniable.
    • déporter le kayak hors de sa route.
    • ralentir le kayak.

    2.0 Analyse

    2.1 Introduction

    L'excursion était à but éducatif et récréatif. Elle devait donner aux kayakistes les habiletés nécessaires pour planifier et exécuter eux-mêmes une excursion en kayak de mer. Comme les guides faisaient confiance à chacun pour évaluer ses propres capacités et son expérience, ils n'ont pas imposé à tous toute la formation donnée. Compte tenu du niveau d'expérience de la majorité des membres du groupe, l'entraînement fourni avant le départ n'était pas suffisant pour assurer la survie de tous les participants lorsque le groupe a rencontré du gros temps.

    2.2 Entraînement préalable en vue de situations d'urgence

    Même si elle avait assisté d'autres membres du groupe dans des exercices de redressement de kayak, la femme dont le kayak a été séparé du premier groupe n'avait pas elle-même exécuté ces exercices pendant les leçons données par les guides. Malgré cela, elle a été en mesure de redresser son kayak et de sortir au moins partiellement de l'eau glacée.

    Comme personne n'a vu l'homme qui est mort d'hypothermie et de noyade après qu'il a été séparé du groupe principal, on ne sait pas comment il s'est retrouvé dans l'eau à côté de son kayak. En outre, il a été impossible de savoir s'il s'était pratiqué à redresser son kayak pendant l'entraînement.

    2.3 Interprétation des prévisions météorologiques

    Comme le chef guide a pensé que les prévisions météorologiques annonçaient une diminution des vents, il a décidé de compléter l'étape prévue pour la journée. Même s'il connaissait la région, le chef guide a sous-estimé les effets possibles de hautes lames sur le groupe de personnes inexpérimentées qu'il conduisait.

    2.4 Vêtements

    Le propriétaire des kayaks connaissait l'utilité du vêtement isothermique qui assure une bonne protection contre l'hypothermie, mais il laissait ceux qui affrétaient des kayaks décider s'ils porteraient ce vêtement ou non. Le propriétaire était aussi parfaitement au courant de la température de l'eau puisque, dans les brochures du Kayak Institute, il avertit les clients éventuels que l'eau est vraiment froide.

    Le texte de la brochure est plus modéré que celui du guide d'utilisation du kayak qui souligne que le principal danger qui guette les adeptes du kayak de mer c'est l' hypothermie. L'eau glacée tue. Il faut porter un vêtement isothermique et se renseigner sur l' hypothermie .

    La kayakiste qui a été séparée du premier groupe avait suivi les conseils du guide et s'était vêtue chaudement, et elle a ainsi augmenté ses chances de survie. Elle a souffert d'hypothermie après le chavirement de son kayak, mais grâce aux multiples couches de vêtements qu'elle portait, la kayakiste a pu survivre.

    Les chances de survie de l'homme qui a perdu la vie auraient été meilleures s'il avait été chaudement vêtu.

    La brochure ne donne pas à ceux qui songent à affréter des kayaks suffisamment d'information pour qu'ils puissent décider, en toute connaissance de cause, de porter ou non un vêtement isothermique. Il est probable que personne n'aurait souffert d'hypothermie grave si le port d'un vêtement isothermique avait été obligatoire pour l'excursion.

    2.5 Discipline de groupe

    Les guides n'ont pas insisté pendant l'entraînement préalable sur l'importance de la discipline de groupe pour une telle excursion. Cette lacune a contribué à l'accident et a eu des répercussions sur l'issue des événements.

    Comme les membres du groupe n'étaient pas pleinement conscients de l'importance du «compagnonnage», ils n'en ont pas tenu compte. Malgré les efforts des guides pour instaurer le «compagnonnage», les kayakistes se sont regroupés à leur guise. C'est ce qui explique que le chef guide, alors qu'il était concentré sur des manoeuvres de secours, était responsable de huit kayakistes alors que l'assistant guide n'en avait qu'une seule avec lui. La norme volontairement acceptée par l'industrie pour le kayak de mer c'est un ratio de un guide pour quatre kayakistes. Cette norme, qui était respectée au début de la journée, ne l'était plus au moment de l'accident.

    Il est probable que le chef guide ne s'est pas rendu compte que son groupe comptait autant de kayakistes. C'est surtout à cause des conditions météorologiques que deux des kayakistes ont été séparés du premier groupe, mais il n'en demeure pas moins que le chef guide n'était pas en mesure de leur venir en aide parce qu'il avait déjà deux sauvetages en cours.

    2.6 Utilisation de l'équipement radio

    À cause de la durée de vie limitée des piles, on ne pouvait se servir des radios qu'«aux heures» lorsque les deux groupes n'étaient pas en vue l'un de l'autre.

    Le système n'a pas fonctionné parce que le chef guide était très occupé à secourir des kayakistes ou à remorquer des kayaks à 18 h et à 19 h. Si les guides avaient pu communiquer l'un avec l'autre à ces occasions, l'intervention SAR aurait pu commencer beaucoup plus tôt.

    2.7 Recherches et sauvetage

    L'opération SAR n'a pas été déclenchée sur-le-champ parce que le chef guide ne s'est pas immédiatement rendu compte qu'il manquait deux kayakistes dans son groupe. C'est pour cette raison qu'il a d'abord refusé l'assistance qu'on lui offrait.

    C'est grâce aux connaissances en radiocommunications de l'assistant guide que l'opération SAR a été, dans l'ensemble, réussie. Au début, les recherches se sont faites de manière assez dispersée à cause du manque de données fiables et de l'éparpillement des kayaks. En retransmettant les messages et en corrigeant les malentendus, l'assistant guide a été en mesure d'éliminer la confusion initiale.

    2.8 Équipement d'urgence et de sécurité

    Les boudins latéraux et les ballons de récupération n'avaient pas été gonflés et installés avant le départ pour aider les kayakistes à réintégrer leur embarcation en cas de chavirement, ou pour améliorer la stabilité des kayaks. Par conséquent, lorsque les kayakistes sont entrés dans une zone où la mer était forte, ils ont dû pagayer continuellement pour empêcher leur embarcation de se retourner. Chaque kayak était muni de ce type de flotteurs. Tant que les kayakistes n'ont pas rencontré du gros temps, on ne prévoyait pas avoir besoin des boudins latéraux - dont c'est le rôle accessoire - pour stabiliser les kayaks.

    2.9 Considérations relatives à la conception des kayaks

    Si le second kayak à chavirer s'est empli d'eau, c'est sans doute parce que le joint extérieur en «U» du pod a été arraché de la hiloire, probablement lorsque l'occupant est sorti du pod quand le kayak a chaviré. Il a été impossible de savoir si le joint intérieur était défectueux, car le propriétaire a ultérieurement remplacé les deux joints. Ce faisant, il a éliminé la fuite, mais on ne sait pas lequel des deux nouveaux joints a réglé le problème.

    Comme seul le pod est asséché par une pompe, rien n'est prévu pour vider la coque si elle s'emplit d'eau. Pour assécher la coque, il faut retourner le kayak et enlever les panneaux étanches d'écoutille de pont. C'est pour cette raison que l'occupant du kayak a été repêché et le kayak abandonné.

    Comme le coussin d'appui dorsal d'un autre kayak n'était pas attaché, la kayakiste a été incapable d'atteindre les pédales servant à actionner le gouvernail. Se voyant dans l'impossibilité de maîtriser le kayak, l'occupante a pris panique et a quitté le groupe, ce qui a contribué à accroître la confusion au cours de l'opération SAR. En l'occurrence, cette personne, même si elle s'est blessée, a eu de la chance de pouvoir toucher terre.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis

    1. La formation donnée aux kayakistes inexpérimentés et les exercices pratiques qu'on leur a fait faire avant le départ pour l'excursion en mer n'étaient pas suffisants pour assurer la survie de tous les participants lorsque le groupe a rencontré du gros temps.
    2. La brochure de la compagnie d'affrètement ne donnait pas à ceux qui songeaient à affréter des kayaks suffisamment d'information pour qu'ils puissent décider, en toute connaissance de cause, de porter ou non un vêtement isothermique.
    3. L'excursion s'est poursuivie malgré des prévisions météorologiques faisant état de conditions défavorables pour de petites embarcations comme des kayaks.
    4. On n'a pas fixé de stabilisateur aux kayaks avant de pénétrer dans une zone où la mer était forte.
    5. La majorité des kayakistes ne connaissait pas les étapes prévues par le chef guide, ni la destination finale.
    6. Aucun plan de route n'avait été communiqué à une station radio de la Garde côtière (SRGC).
    7. La discipline du groupe a été détruite parce que les guides n'ont pas imposé le «compagnonnage» et ne se sont pas assurés que chaque groupe de kayakistes demeurait d'une taille raisonnable.
    8. La moitié des membres du groupe n'a pas suivi le conseil du chef guide de s'habiller chaudement pour l'excursion.
    9. C'est probablement parce qu'il était légèrement vêtu que l'homme qui a perdu la vie a été rapidement en proie à l'hypothermie.
    10. Le chef guide, concentré sur des tâches de secours, n'était pas au courant de la disparition de quatre membres de son groupe et il a d'abord refusé l'assistance offerte par la SRGC de Prince Rupert.
    11. C'est grâce aux connaissances en radiocommunications de l'assistant guide qu'une opération de recherches et sauvetage a pu être montée, et c'est parce que ce dernier a retransmis des messages que les malentendus et la confusion initiale ont pu être éliminés.

    3.2 Causes

    Le groupe de kayakistes inexpérimentés a entrepris une excursion en mer, même si les membres n'étaient pas suffisamment formés et entraînés pour manier leur embarcation en toute sécurité et pour faire face aux situations d'urgence. Ils étaient également mal préparés pour les conditions qu'ils étaient susceptibles d'affronter au large, compte tenu des prévisions météorologiques. Le fait que la discipline de groupe n'ait pas été maintenue et que la mission de recherches et sauvetage ait été retardée à cause de la confusion initiale au sein du groupe et de problèmes de communications radio a contribué à la mort d'un membre du groupe.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures prises

    4.1.1 Navires affrétés

    Par suite de plusieurs événements, le BST a publié, en février 1994, cinq recommandations concernant les navires affrétés qui échappent à la réglementation en matière de sécurité. Le Bureau a recommandé que :

    Le ministère des Transports procède à une évaluation en bonne et due forme de la sécurité des opérations sous affrètement au Canada, s'assurant d'une part que les exigences en matière d'inspection du navire ainsi que de formation des équipages sont suffisantes et d'autre part que les méthodes d'exploitation actuelles sont adéquates
    Recommandation M94-01 du BST

    Le ministère des Transports accélère la modification proposée des dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada touchant le transport de passagers payants à bord de navires affrétés,
    Recommandation M94-02 du BST

    Le ministère des Transports incite tous les exploitants de navires affrétés à munir leurs navires d'équipement de sauvetage, de communication en cas d'urgence et de signalisation convenant au type d'exploitation
    Recommandation M94-03 du BST

    Le ministère des Transports incite les exploitants de bateaux affrétés à préparer des plans de route et à organiser, avant l'appareillage, des séances d'information sur la sécurité à l'intention des passagers.
    Recommandation M94-04 du BST

    Le ministère des Transports entreprenne des travaux de recherche et de développement sur les façons d'assurer que tout l'équipement d'urgence demeure accessible, même après le chavirement du navire.
    Recommandation M94-05 du BST

    4.1.2 Constitution d'un groupe de travail sur les opérations sous affrètement

    À la suite de l'accident à l'étude, la Garde côtière canadienne (GCC) a mis sur pied un groupe de travail comprenant des représentants des bureaux régionaux de la GCC de tout le pays, chargé de produire un projet de politique concernant la sécurité et l'exploitation des navires affrétés.

    4.1.3 Étude sur la sécurité de l'exploitation des navires affrétés

    En réponse à la recommandation M94-01, la GCC a chargé le Groupe Conseil et Vérification Canada d'entreprendre une étude formelle sur la sécurité des navires affrétés. En juin 1995, les consultants ont interrogé une quinzaine d'exploitants de navires affrétés, de constructeurs, d'architectes navals et de compagnies d'assurance des régions de l'Ouest et ont participé aux travaux du Groupe de travail de la GCC sur la sécurité et l'exploitation des navires affrétés. On croit savoir que la première ébauche du rapport a été achevée en septembre 1995.

    4.1.4 Plan de route

    En janvier 1995, la GCC a publié le Bulletin de la sécurité des navires no 4/95 intitulé Mesures de communications de sécurité pour petits bateaux. Le bulletin est destiné à tous les exploitants de petites embarcations, y compris les bateaux de pêche et les navires affrétés. Il porte sur des points comme le service d'alerte et de traitement des plans de route par les stations radio de la Garde côtière, le téléphone cellulaire pour les services d'urgence maritimes, ainsi que les séances d'information sur la sécurité.

    4.1.5 Sécurité nautique

    En 1994, un groupe de travail mixte fédéral/provincial a été constitué afin de se pencher sur trois importants secteurs de responsabilité concernant la sécurité nautique : la délivrance de permis aux navires; la compétence des exploitants et les programmes de sécurité nautique; et la mise en application de normes pour réglementer les voies de navigation ainsi que l'assistance aux plaisanciers en cas d'urgence.

    En 1995, le ministère des Pêches et Océans (MPO) nouvellement restructuré a créé un Bureau de la sécurité nautique. Ce bureau fournit plusieurs services concernant la sécurité des plaisanciers. Il a aussi reçu des fonds du Secrétariat national de la recherche et du sauvetage pour la production d'un document vidéo sur la sécurité en kayak qui devrait être diffusé en mars 1996.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Maurice Harquail.

    Annexes

    Annexe A - Photographies

    Kayak de type A
    Image
    Kayak de type A
    Kayak de type B
    Image
    Kayak de type B
    Coussin semblable à celui qui a été perdu lorsque le kayak de type C a chaviré.
    Image
    Coussin semblable à celui qui a été perdu lorsque le kayak de type C a chaviré.
    Kayak de type C
    Image
    Kayak de type C

    Annexe B - Croquis du secteur de l'événement

    Annexe C - Sigles et abréviations

    BST
    Bureau de la sécurité des transports du Canada
    C. - B.
    Colombie - Britannique
    CCS
    Centre de coordination du sauvetage
    GCC
    Garde côtière canadienne
    HAP
    heure avancée du Pacifique
    m
    mètre(s)
    MPO
    ministère des Pêches et Océans
    PAN
    message d'urgence
    SAR
    recherches et sauvetage
    SRGC
    station radio de la Garde côtière
    UTC
    temps universel coordonné
    VHF
    très haute fréquence
    °
    degré(s)