Rapport d'enquête maritime M96C0090

Échouement
du pétrolier «IMPERIAL ST. CLAIR»
à la hauteur de la bouée A-22
sur le lac Saint-Louis (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 26 novembre 1996, le pétrolier canadien «IMPERIAL ST. CLAIR», chargé de mazout, s'est échoué à proximité de la bouée A-22 sur le lac Saint-Louis par suite d'ennuis du système d'hélice à pas variable. Le lendemain, le navire est parvenu à se renflouer assisté par deux remorqueurs. Aucune pollution ou interruption de trafic n'a été rapportée par suite de cet événement.

    Renseignements de base

    Fiche technique du navire

    Nom « IMPERIAL ST. CLAIR »
    Port d'immatriculation Toronto (Ontario)
    Pavillon Canada
    Numéro officiel 348195
    Genre Pétrolier
    Jauge brute 8 046 tonneaux
    Longueur 132,59 m
    Tirant d'eau (avant l'échouement) avant : 7,34 m arrière : 7,64 m
    Construction 1974, Port Weller, St. Catharines (Ontario)
    Propulsion Un diesel MAN de 4 781 kW entraînant une hélice à pas variable
    Cargaison 11 700 tonnes de mazout
    Équipage 16
    Propriétaires Imperial Oil Ltd. Toronto (Ontario)

    Le 26 novembre 1996, le «IMPERIAL ST. CLAIR» appareille de Nanticoke (Ontario) à destination de Montréal (Québec). Vers 1 h 5Note de bas de page 1 le 28 novembre 1996, alors que le navire se trouve dans les atterrages du mur d'approche en amont de l'écluse Snell (New York), une alarme de mauvais sens du pas de l'hélice se fait entendre. On mouille l'ancre de tribord et le pilote en informe Voie maritime Eisenhower par radiotéléphone très haute fréquence. De plus, il demande que des lamaneurs soient prêts à recevoir les amarres du navire. Le reste des manoeuvres d'accostage sont faites à l'aide du transmetteur d'ordres et exécutées directement de la salle des machines.

    On procède à la vérification du système propulsif, dont l'hélice est à pas variable, puis on effectue plusieurs essais sans toutefois trouver de problème apparent. Le navire reçoit l'autorisation de poursuivre son passage. À l'appareillage, le capitaine met la machine principale en marche avant lente puis en marche avant demi, sans toutefois obtenir de référence séquentielle sur l'indicateur du pas de l'hélice. Le navire a déjà dérivé une bonne distance par rapport au mur d'approche. On décide alors de transférer la commande du pas variable à la salle des machines. Le «IMPERIAL ST. CLAIR» entre dans l'écluse Snell, où il attend l'arrivée des inspecteurs de la Voie maritime. Entre-temps, les mécaniciens procèdent au nettoyage des principaux filtres du système Kamewa et purgent les conduites pour en évacuer l'air qui aurait pu se trouver dans le système. On trouve un peu de saleté dans l'un des filtres et le système ne semble pas contenir d'air.

    À 4 h 30, sous la supervision du chef mécanicien et en présence de deux inspecteurs, le pas variable est mis à l'essai, et à 5 h 30, comme le fonctionnement semble normal, le navire obtient l'autorisation de poursuivre son passage jusqu'à Montréal. Il est 6 h quand le navire quitte l'écluse Snell.

    Le «IMPERIAL ST. CLAIR» transite le lac Saint-François jusqu'à Beauharnois (Québec), traverse les écluses et poursuit son voyage sur le lac Saint-Louis. Vers 12 h 24, alors que le navire file 13 noeuds environ, le pas de l'hélice tombe à zéro et l'alarme de mauvais sens du pas de l'hélice se fait entendre. On demande, à l'aide du transmetteur d'ordres, de mettre la machine en marche arrière toute. Le navire fait une embardée vers bâbord, sort du chenal et s'immobilise à l'extérieur de celui-ci. On donne l'ordre de mouiller les ancres de bâbord et de tribord.

    Le navire ne semble pas s'être échoué ni avoir touché le fond. On décide donc de remonter les ancres et de ramener le navire dans le chenal. Au cours de ces manoeuvres, qui s'avèrent difficiles à cause de la bouée A-22 qui se trouve tout près de la hanche bâbord, on s'aperçoit que le navire est immobilisé. Personne n'avait ressenti de secousse pouvant laisser supposer un échouement.

    Vers 12 h 45, le capitaine confirme qu'il y a échouement et le pilote en fait rapport aux autorités de la Voie maritime; l'ancre de bâbord est mouillée Le navire est sur un cap au 220° (G et V) à la position 45°23,8′N, 073°47,4′W. L'ancre de croupiat est aussi mouillée.

    Les armateurs ont en place un plan élaboré de gestion du risque. Par conséquent, dès qu'on se rend compte que le navire est échoué, toutes les dispositions sont prises pour éviter un déversement.

    Des membres de l'équipage sont immédiatement affectés au sondage des citernes à cargaison et des réservoirs. Le personnel de la salle des machines fait de même en ce qui concerne les fonds. À 13 h 50, un rapport préliminaire fait état des sondages et confirme l'intégrité de la coque. À 14 h 10, les remorqueurs «CHARLES ANTOINE» et «HELEN McALLISTER» sont en route vers le lieu de l'échouement avec une équipe de plongeurs.

    Le 29 novembre 1996 au matin, les préparatifs pour le renflouement du pétrolier sont en cours. Les barrières flottantes et l'équipement nécessaire pour la prévention de la pollution sont en place. On essaie la machine principale et le propulseur d'étrave. Les compartiments susceptibles d'être endommagés sont vérifiés.

    Les remorqueurs qui doivent assister le «IMPERIAL ST. CLAIR» sont en place. Une séance d'information sur les manoeuvres envisagées est donnée aux intervenants, et les autorités de la Voie maritime en sont informées. Quelque 160 m3 de mazout sont transférés des citernes no 1 bâbord et tribord à la citerne no 6 centre, pour donner au navire l'assiette voulue afin de faciliter le renflouement. Vers 13 h 30, les manoeuvres sont engagées, et après plusieurs tentatives, le navire réussit à se renflouer à 14 h 45, sans dommage ni pollution.

    Le navire se dirige vers le poste de mouillage en aval des écluses de Beauharnois à vitesse réduite assisté par les remorqueurs. Arrivés sur les lieux, les plongeurs commencent leur inspection de la coque. Après quelques heures de plongée, on fait le constat des avaries qui se résument à quelques égratignures sur la coque.

    Après le renflouement, un expert de Kamewa procède à un examen minutieux du système à pas variable. Il est décidé d'amener le navire à destination, assisté par deux remorqueurs, pour éviter tout nouvel incident. Une fois le navire arrivé à Montréal, une autre vérification du système à pas variable permet de conclure que le pétrolier doit être mis en cale sèche. Cette décision a été prise pour permettre une révision complète de l'arbre porte-hélice et de son mécanisme.

    Le pas de l'hélice peut être commandé à partir de la passerelle ou de la salle de commande dans la salle des machines. Le transfert du poste commande-passerelle vers la salle de commande de la salle des machines se fait au moyen d'un commutateur placé dans cette dernière.

    Le 20 décembre 1996, alors que le navire venait de sortir de la cale sèche et que l'on effectuait les vérifications d'usage, l'alarme de mauvais sens du pas de l'hélice a été vérifiée en présence des représentants de Kamewa, de la Sécurité maritime de Transports Canada, d'un enquêteur du BST et des officiers du navire. Il a été démontré que peu importe la façon dont le système Kamewa est commandé, c'est-à-dire à partir de la passerelle ou de la salle de commande dans la salle des machines, les alarmes (visuelles et sonores) de mauvais sens du pas de l'hélice fonctionnent simultanément aux deux endroits lorsque l'on simule le mauvais sens du pas de l'hélice. Cette vérification a été nécessaire pour éliminer certains doutes relativement au fonctionnement de ces alarmes, et ce dans toutes les conditions précitées.

    Analyse

    Lorsque l'on s'est aperçu que l'indicateur du pas de l'hélice ne correspondait pas à l'ordre de manoeuvre, on a immédiatement avisé le personnel de la salle des machines pour qu'il puisse se charger des manoeuvres du pas variable. La rapidité avec laquelle l'équipage a réagi a contribué à éviter des conséquences plus graves.

    L'inspection du système effectuée en cale sèche a permis de constater que certaines pièces, entre autres les joints d'étanchéité à l'intérieur du moyeu de l'hélice, étaient sèches et usées. Il semble que les composantes du mécanisme à l'intérieur de l'arbre, qui règle le pas de l'hélice, n'avaient pas été remplacées depuis la mise en service du navire en 1974.

    L'hélice à pas variable du «IMPERIAL ST. CLAIR» est un modèle de catégorie S2 (Kamewa). La particularité de ce modèle est qu'il fonctionne à haute pression et que ses joints d'étanchéité, à l'intérieur du moyeu de l'hélice, sont en caoutchouc plutôt qu'en acier, comme c'est le cas sur les autres modèles.

    Kamewa n'a pas fourni au BST de l'information sur l'entretien de ces joints d'étanchéité. Toutefois, l'information sur l'entretien du système Kamewa qui a été obtenue d'une autre source ne mentionne pas à quel intervalle il faut remplacer ces joints. En pratique, l'inspection de ces composantes se fait apparemment tous les 10 ans. Toutefois, il n'a pas été possible d'expliquer pourquoi les joints d'étanchéité n'avaient pas été remplacés au cours des 22 ans de service du navire ou comment on avait pu supposer qu'ils dureraient aussi longtemps.

    Il est possible de vérifier l'étanchéité des joints sans nécessairement démonter l'arbre porte-hélice. Cependant, cette méthode ne permet de déterminer ni l'usure ni le niveau d'élasticité de ces derniers.

    Faits établis

    1. Le pas de l'hélice a commencé à montrer des signes de mauvais fonctionnement à partir de l'écluse Snell.
    2. L'embardée vers bâbord est survenue parce que le pas de l'hélice est tombé à zéro et elle a été accentuée par la mise de la machine principale en marche arrière.
    3. Après les deux premiers incidents, les vérifications et les essais n'ont pas permis de cerner le problème. On a décidé de mettre le navire en cale sèche pour procéder à l'inspection du moyeu de l'hélice.
    4. La perte du pas de l'hélice a été causée par l'usure des composantes du mécanisme du système Kamewa.
    5. Les bagues antifuite d'huile ainsi que certaines composantes du mécanisme de réglage du pas de l'hélice n'avaient pas été remplacées depuis la mise en service du navire en 1974.
    6. La rapidité avec laquelle l'équipage a réagi ainsi que l'application de directives strictes a contribué à limiter les dommages.

    Causes et facteurs contributifs

    Le pétrolier «IMPERIAL ST. CLAIR» s'est échoué à cause d'une perte de poussée de l'hélice à pas variable alors que le navire transitait dans les eaux restreintes de la Voie maritime en marche avant toute. Le pas variable de l'hélice est tombé à zéro à cause d'une chute de pression dans le système Kamewa causée par l'usure excessive de certaines composantes du mécanisme.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.