Heurt violent de l'hydroptère à passagers
Seaflight I
contre une embarcation de plaisance à
Youngstown, dans l'État de New York
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'hydroptère à passagers immatriculé au Canada Seaflight I avec huit passagers à bord descendait le cours inférieur de la rivière Niagara. Près de la zone de mouillage du yacht-club de Youngstown, le safran a pivoté à gauche toute de façon intempestive. Malgré les tentatives de redressement, l'hydroptère a fait une embardée sur bâbord et a heurté quatre embarcations de plaisance amarrées à une certaine distance de la rive. Le Seaflight I n'a pas été endommagé, mais une des embarcations de plaisance a coulé. L'accident n'a fait ni blessé ni pollution.
Renseignements de base
« Seaflight I » | « Awakin » | |
---|---|---|
Numéro officiel | 820287 | S/O |
Port d'immatriculation | Toronto | New York |
Pavillon | Canada | États-Unis |
Type | Hydroptère à passagers | Yacht à voile, C&C-32 |
Jauge brute Note de bas de page 1 | 145 tonneaux | S/O |
Longueur | 30 m | 9,75 m |
Tirant d'eau | 2,45 m | 1,5 m |
Construction | 1996, Novgorod, Russie | 1985, Niagara-on-the-Lake (Ontario) |
Groupe propulseur | Deux diesels MTU de 960 kW | Un diesel Yanmar, 9,7 kW |
Équipage | 5 personnes | Aucun |
Passagers | 8 (maximum de 138) | Aucun |
Propriétaires | Gowesh Canada Inc., Toronto (Ontario) | M. David Fleischmann Grand Island, État de New York |
Le Seaflight I est un hydroptère; sa coque et sa superstructure sont faites d'alliage d'aluminium soudé et il peut transporter 138 passagers. Ses surfaces portantes avant et arrière, inférieures et supérieures, sont en acier inoxydable. La passerelle se trouve à l'avant et le compartiment-machines, à l'arrière. Sa propulsion est assurée par deux moteurs diesel rapides entraînant une hélice conique par l'intermédiaire de réducteurs en V.
Le 29 août à 18 h, heure avancée de l'Est (HAE), Note de bas de page 2 le Seaflight I quitte Toronto avec huit passagers pour une traversée régulière à destination de Queenston (Ontario). La traversée du lac se déroule sans incident, et l'hydroptère traverse la barre de la Niagara et remonte la rivière du côté américain à une allure de 33 noeuds. À 18 h 58, alors que l'hydroptère se trouve à 60 m au large de la zone de mouillage du yacht-club de Youngstown, le safran se déplace de façon intempestive vers la gauche. Le capitaine, qui assure la conduite de l'hydroptère, engage la pompe auxiliaire, puis le système de commande auxiliaire de gouvernail. Le second place les machines en arrière toute et actionne la corne pour signaler le danger; cependant, on n'entend que trois coups de corne avant que le Seaflight I pénètre dans la zone de mouillage selon un angle d'environ 45 degrés.
Comme l'hydroptère approche des embarcations mouillées, le capitaine aperçoit six personnes à bord d'un yacht et il laisse délibérément l'hydroptère continuer son évolution sur bâbord pour ne pas heurter cette embarcation, même si cela l'amène à heurter quatre autres yachts à voile inoccupés. Le yacht à voile Awakin est endommagé par la surface portante inférieure de bâbord à laquelle il reste accroché avant de couler par quelque 21 m de fond environ trois minutes après l'accident. Le Awakin sera par la suite renfloué et déclaré perte totale implicite. Étant donné que les embarcations de plaisance que le Seaflight I a heurtées étaient inoccupées au moment de l'accident, il n'y a pas eu de blessé.
Le Seaflight I lance un appel Mayday sur la voie 16 VHF, tout comme le ponton annexe Half Moon du yacht-club de Youngstown. Le garde-côte canadien de recherche et sauvetage CGR 100 capte l'appel de détresse et arrive sur les lieux trois minutes après l'accident. Le Half Moon s'approche immédiatement du Seaflight I pour lui prêter assistance et s'assure qu'il n'y a pas de blessé à bord des autres embarcations touchées. Avant que le Awakin ne coule, le capitaine du Half Moon note que le panneau principal est fermé et verrouillé de l'extérieur, ce qui indique qu'il n'y a personne à bord.
Le Seaflight I est remorqué jusqu'à un mouillage situé à l'embouchure de la rivière Niagara, où des inspecteurs de la Garde côtière américaine montent à bord. L'inspection révèle que l'appareil à gouverner hydro-électronique ne fonctionne que par intermittence et repousse constamment le gouvernail à gauche toute. Le système hydro-électrique auxiliaire fonctionne bien.
À 22 h 30, les passagers du Seaflight I sont transbordés sur le CGR 100 qui les conduit à Queenston, leur lieu de destination. L'appareil à gouverner hydro-électronique ne fonctionne toujours pas, mais le Seaflight I quitte Youngstown à 23 h 40 à destination de Toronto en se servant du système de gouverne électrique auxiliaire.
Au moment de l'accident, le vent soufflait du nord-nord-ouest à 10 noeuds et la visibilité était d'environ 7 milles.
À cause de plaintes faites par les marinas situées du côté canadien, le Seaflight I passait systématiquement du côté américain de la rivière Niagara pour se rendre à Queenston. Même si le Seaflight I produit un sillage peu important quand il se déplace sur ses surfaces portantes, il semble qu'il génère une onde de choc sous-marine. Quand il se déplace sur la coque, à moins que son allure ne soit réduite à en avant le plus doucement possible, il produit un sillage important. Avant l'accident, la Garde côtière américaine avait également reçu de nombreuses plaintes de résidents américains et de propriétaires d'embarcations qui reprochaient à l'hydroptère de passer systématiquement à moins de 23 m de la bordure extérieure de la zone de mouillage. La Garde côtìere américaine avait écrit plusieurs fois à l'exploitant de l'hydroptère pour lui faire part de ces plaintes, la dernière lettre ayant été envoyée la veille de l'accident.
Une fois l'hydroptère de retour à Toronto, le chef mécanicien de l'exploitant, mis au courant de la panne, indique qu'il connaît la source du problème et il se rend immédiatement au compartiment gyro. Là, il découvre une plaquette de commande du système de gouverne hydro-électronique où des diodes semblent avoir surchauffé. Il remplace alors la plaquette. Lors d'essais en mer de l'hydroptère exécutés en présence de représentants du BST et de la Sécurité maritime de Transports Canada (TC), cette plaquette endommagée sera remise en service, mais le problème ne se reproduira pas.
Il n'existe pas de règlement canadien régissant l'inspection des engins à grande vitesse. Jusqu'à ce que de tels règlements aient été élaborés, le Bureau d'inspection des navires à vapeur permet qu'on se réfère au Recueil de règles de sécurité applicables aux engins à portance dynamique (Recueil DSC) Note de bas de page 3 et au Recueil international des règles de sécurité applicables aux engins à grande vitesse (Recueil HSC) Note de bas de page 4 pour l'inspection des engins à grande vitesse.
Le Recueil DSC a été préparé par l'OMI en 1977 afin de faciliter la recherche et le développement concernant les engins à portance dynamique pour que ceux-ci soient acceptés à l'échelle internationale. Les rédacteurs sont partis de l'idée qu'il ne fallait pas adopter les paramètres traditionnels de réglementation des navires à passagers comme les seuls permettant d'assurer un niveau de sécurité approprié. Depuis 30 ans, de nouveaux modèles de navires sont apparus qui ne sont pas tout à fait conformes aux conventions de sécurité existantes. Ces engins ont toutefois prouvé qu'ils assurent un niveau de sécurité acceptable quand ils sont exploités pour certains types de voyage et assujettis à des calendriers de maintenance et de révision approuvés.
Le Recueil HSC a été préparé par l'OMI en 1994; il s'agit d'une actualisation du Recueil DSC. Il est fondé sur une philosophie de gestion du risque faisant appel à l'aménagement des espaces, à des dispositifs de sécurité active, à des restrictions de l'exploitation, à la gestion de la qualité et à l'ergonomie. Le tout nouvel engin à grande vitesse qui vient d'entrer en service au Canada, le Pacificat Explorer de la British Columbia Ferry Corporation, en est un bon exemple. Une condition de validité du certificat du Pacificat Explorer, c'est qu'il doit avoir à bord un manuel de navigation programmée qui indique notamment des trajets sûrs pour les déplacements de l'engin.
Suite à une enquête faite en 1992 concernant l'accident entre le traversier à grande vitesse Royal Vancouver et le traversier classique Queen of Saanich, le BST a fait plusieurs recommandations liées à la sécurité des passagers (recommandations M94-23, M94-24, M94-25 et M94-26) et concernant la formation et les lignes directrices pour l'exploitation (recommandations M94-27 et M94-28). La Sécurité maritime de TC a accepté les recommandations. Faisant référence au Recueil HSC à venir, il a indiqué que le recueil en question touchait tous les aspects des navires comme le Royal Vancouver. Puisque le Recueil HSC ne s'applique pas aux navires exploités sur les Grands Lacs, la Sécurité maritime de TC a inspecté l'engin en vertu des dispositions du vieux Recueil DSC qui n'exige pas la présence à bord d'un manuel de navigation programmée. La Sécurité maritime de TC a participé à des essais en mer pendant les deux mois précédant la délivrance du certificat à l'engin, essais au cours desquels l'engin est passé du côté américain de la rivière Niagara sans problème de gouverne.
Le Seaflight I était autorisé en vertu de son certificat à transporter 138 passagers et 5 membres d'équipage pour des traversées de la partie ouest du lac Ontario, sans s'éloigner à plus de 23 milles d'un port de refuge. Les déplacements en avant toute sur ses surfaces portantes étaient limités à des conditions où la hauteur de la vague ne dépassait pas 3 m. Quand il se déplace sur ses surfaces portantes et à cette allure, le navire a une distance d'arrêt maximale de 335 m. Le permis d'exploiter un engin à grande vitesse (SIC 52), délivré le 16 juin 1998, était périmé depuis le 28 août 1998 (la veille de l'accident); en conséquence, l'hydroptère ne possédait pas de certificat en état de validité au moment de l'accident.
Comme la technologie des hydroptères est nouvelle au Canada, il n'y a pas beaucoup d'officiers de marine qui possèdent de l'expérience sur ce type d'engin. Le Canada n'a pas encore intégré de formation sur les engins à grande vitesse (HSC) ou à portance dynamique (DSC) à la réglementation relative aux certificats. Les propriétaires d'engins ont cependant accepté de leur plein gré de se conformer au Recueil HSC pour ce qui est de l'armement en équipage. Les régions de l'Ontario, des Maritimes et de l'Ouest de la Sécurité maritime de TC délivrent des visas HSC pour les capitaines, les lieutenants et les mécaniciens. Les officiers qui assuraient la conduite de l'hydroptère au moment de l'accident avaient été formés par des officiers russes possédant de l'expérience sur ce type d'engin avant de se voir délivrer des visas HSC appropriés après avoir passé un examen de la Sécurité maritime de TC.
Système de gouverne
Le système de gouverne du Seaflight I comprend deux presses hydrauliques propulsées par des pompes hydrauliques à débit constant montées sur les machines principales. Habituellement, une seule pompe est utilisée, la seconde étant gardée en réserve en cas de panne, ou lorsque les volets stabilisateurs sont en service.
Il existe trois systèmes de commande du gouvernail à partir de la passerelle :
-
Système hydro-électronique
Ce système constitue le mécanisme de direction principal et il fonctionne selon un principe d'asservissement, c.-à-d. que le safran se déplace en fonction de la roue et s'arrête. Un signal électronique émis de la passerelle actionne deux électrovannes placées dans le compartiment de l'appareil à gouverner, lesquelles dirigent le liquide hydraulique vers la presse appropriée. Un capteur électrique d'axiomètre, solidaire du palonnier, fournit l'information de position pour le circuit d'asservissement et l'axiomètre de la passerelle. L'engin n'est pas équipé d'une alarme en cas de perte d'alimentation électrique à la commande électronique.
Lorsque l'engin file moins de 24 noeuds, le safran peut se déplacer de 35 degrés à gauche ou à droite, qui est son angle maximal. Lorsque l'engin file plus de 18 noeuds, l'angle du safran est restreint à 10 degrés. Cette caractéristique permet de limiter les forces hydrodynamiques s'exerçant sur le gouvernail à un niveau acceptable et d'assurer la stabilité de l'engin à grande vitesse sur ses surfaces portantes.
-
Système hydro-électrique
Ce système comprend deux boutons-poussoirs qui, lorsqu'on les enfonce, actionnent directement les électrovannes pour diriger le liquide hydraulique vers la presse appropriée. Pour mettre ce système en service, on coupe le système de gouverne électronique principal et on actionne un commutateur à bascule dans l'habitacle. Un voyant lumineux indique que le système est en service. Un second commutateur transfert est placé au niveau du parquet de l'appareil à gouverner (protégé par un couvercle) et chaque électrovanne est reliée à un bouton-poussoir qui permet de la commander manuellement sur place.
Les électrovannes, qui dirigent le liquide hydraulique vers le pot de presse approprié sur réception du signal de la passerelle, sont communes au système de commande électrique et au système de commande électronique du gouvernail.
-
Système manuel à prise directe
Un télémoteur manuel à prise directe permet de commander directement le gouvernail à partir de la roue sur la passerelle. La roue actionne une pompe rotative qui transmet un signal hydraulique directement aux presses.
Le Règlement sur les appareils et le matériel de navigation et le Règlement sur les machines de navires pris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada exposent en détail les exigences concernant les appareils à gouverner des navires canadiens; toutefois, les dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada ne s'appliquent pas aux hydroptères comme le Seaflight I. La Sécurité maritime de TC a plutôt inspecté l'engin en vertu des dispositions du Recueil DSC qui stipule notamment que :
L'administration devrait déterminer, à l'aide d'une démonstration, tout effet néfaste que pourrait avoir sur la sécurité de l'exploitation de l'engin une déformation totale et irrémédiable de l'un quelconque des dispositifs de conduite. L'administration devrait prescrire toute limite d'utilisation de l'engin qui pourrait être jugée nécessaire pour garantir que le matériel de réserve et le réseau de sauvegarde du système assurent une sécurité équivalente. Note de bas de page 5
Le manuel de dépannage fourni par le fabricant du système de commande du gouvernail fait état de plusieurs scénarios possibles qui auraient pu causer un déplacement intempestif du safran à gauche toute ou à droite toute :
- absence de pression dans le circuit hydraulique;
- fusibles défectueux dans le circuit de commande électronique « Biryuza »
- défectuosité du capteur de position d'axiomètre et du circuit de retour.
En outre, le système de commande électronique du gouvernail est conçu pour que le safran se déplace à gauche ou à droite si l'alimentation est rétablie après une interruption momentanée. Il s'agit d'une séquence d'autovérification de l'appareil à gouverner. Le Seaflight I a fait l'objet d'essais pendant une période de deux mois avant la délivrance du certificat et n'a jamais éprouvé de problèmes de gouverne au cours de cette période. Toutefois, les essais en mer auxquels ont procédé les représentants du BST et de la Sécurité maritime de TC, le 23 mars 2000, ont confirmé qu'une coupure de l'alimentation aussi brève qu'une seconde déclenche cette séquence d'autovérification et donne lieu à un déplacement du safran de 10 degrés à gauche ou à droite. Pendant les essais à grande vitesse lors des déplacements de l'engin sur ses surfaces portantes, le déplacement intempestif du safran a provoqué une embardée qui a fait dévier rapidement l'engin de sa route. Les essais effectués en simulant des défectuosités de fusibles n'ont cependant pas provoqué de mouvement du gouvernail.
Le système de commande électronique du gouvernail du Seaflight I n'est pas muni d'une alarme sonore en cas de panne d'alimentation, mais il est équipé de témoins lumineux pour l'alimentation en courant 220 V et 27 V de la commande de l'appareil à gouverner. L'engin est équipé d'une alarme en cas de défaillance du circuit hydraulique de gouverne, mais elle ne s'est pas déclenchée au moment de l'accident.
Les inspecteurs du BST ont aussi constaté que l'axiomètre ne fonctionne que lorsque le système de commande électronique ou le système de commande électrique du gouvernail sont en service. Lorsqu'on passe en commande manuelle directe, l'axiomètre ne fonctionne pas. Il n'y a pas d'instructions écrites concernant le changement de mode de commande du gouvernail d'affichées au poste de conduite sur la passerelle.
Analyse
Le capitaine est le maître ultime à bord d'un navire; toutefois, une des règles fondamentales de la gestion moderne de la sécurité, c'est que les dirigeants à terre sont les responsables ultimes de l'établissement des politiques, des procédures et des instructions d'exploitation pour assurer le fonctionnement en toute sécurité de toute l'entreprise. La mise en place d'un système de gestion de la sécurité exige qu'une entreprise élabore et mette en application des procédures de gestion de la sécurité afin de s'assurer que les conditions et les opérations, sur terre et sur l'eau, qui sont susceptibles d'influer sur la sécurité et la protection de l'environnement, sont planifiées, exécutées et vérifiées conformément aux règlements et aux consignes de l'entreprise. Un système structuré permet aussi à l'entreprise de mettre l'accent sur la promotion de la sécurité des opérations des navires et sur la préparation aux situations d'urgence. Les entreprises qui réussissent à mettre en place un système de gestion de la sécurité efficace peuvent s'attendre à voir le nombre d'accidents chuter.
La philosophie du Recueil HSC en matière de sécurité est notamment fondée sur la volonté de gérer et de réduire les risques grâce à la gestion de la qualité. Un des principes généraux est que « la direction de la compagnie qui exploite l'engin exerce un contrôle strict sur son exploitation et sur son entretien, en appliquant un système de gestion de la qualité ». Note de bas de page 6 Le Recueil HSC ne s'applique cependant pas aux engins à grande vitesse exploités sur les Grands Lacs.
Pour le Seaflight I, la mise en place d'un système de gestion de la qualité de l'entreprise fondé sur des consignes officielles approuvées, en particulier concernant la planification des traversées, aurait été d'un grand secours à l'équipage de l'hydroptère pour la traversée des eaux resserrées de la rivière Niagara.
La conception du système de commande électronique du gouvernail limite l'angle du safran à 10 degrés; toutefois, dans le cas qui nous occupe, le safran s'est déplacé à gauche toute (32 degrés). Cela indique que la régulation automatique n'a pas bien fonctionné. Le déplacement intempestif du safran correspond davantage à une routine d'autovérification qui provoque le déplacement du safran à gauche toute ou à droite toute après une coupure de courant du système de commande électronique du gouvernail. Comme le système de commande électronique n'est pas muni d'une alarme en cas de panne d'alimentation, l'équipe à la passerelle ne pouvait pas savoir que l'alimentation du système de commande avait été coupée tant que le timonier ne tournait pas la roue, ou avant le déplacement intempestif du safran après le rétablissement de l'alimentation.
Après l'accident, le système de commande électronique était toujours hors d'usage. On a donc utilisé le système de commande hydro-électrique pour le retour à Toronto. Le fait que les électrovannes (qui sont communes aux deux systèmes de commande du gouvernail) fonctionnaient révèle également que la panne du gouvernail venait du système de commande électronique.
Le Recueil DSC exige que l'administration détermine par voie de démonstration les effets dangereux pour l'engin d'un braquage non contrôlé d'un dispositif de conduite. Le système électronique utilisé à bord du Seaflight I est un système complexe qui fait appel à de l'information provenant à la fois du loch et du système de stabilisation pour limiter les mouvements du gouvernail à des valeurs préétablies. Un examen plus détaillé des caractéristiques du système de commande électronique (en ce qui concerne la manoeuvrabilité de l'engin) au moment de l'inspection du Seaflight I aurait mis en lumière les conséquences potentiellement dangereuses de la séquence d'autovérification suivant la coupure de l'alimentation du système de commande électronique et aurait permis à la Sécurité maritime de TC de mieux comprendre les limites de l'hydroptère.
Malgré les nombreuses plaintes des résidents et les nombreux avertissements de la Garde côtière américiane, le Seaflight I passait systématiquement à moins de 23 m de la zone de mouillage. La prudence aurait commandé de rester à une distance suffisante de tout danger possible pour la navigation; au moment de l'accident cependant, le Seaflight I se trouvait à environ 60 m des yachts au mouillage.
Compte tenu :
- de la distance d'arrêt de l'engin qui est de 335 m à 33 noeuds (17 m/sec);
- du temps nécessaire à l'équipage pour déceler la panne et passer à un autre mode de commande du gouvernail;
- du temps de réponse du gouvernail (cinq secondes pour faire passer le gouvernail de la position à gauche toute ou à droite toute à la position zéro à l'aide de la commande électrique);
les yachts au mouillage étaient trop proches pour que le Seaflight I soit capable de les éviter après le déplacement intempestif du safran à gauche toute.
La rivière Niagara a une largeur de 550 m à Youngstown, dans l'État de New York; cependant, déduction faite de la largeur de la zone de mouillage du yacht-club de Youngstown, la largeur libre de la rivière est de 365 m. Comme l'hydroptère a besoin de 335 m pour s'arrêter, le cours d'eau n'est pas assez large pour lui permettre de passer en toute sécurité à 33 noeuds en position déjaugée. Un manuel de navigation programmée du genre qu'exige le Recueil HSC aurait obligé l'engin à suivre une route plus proche du milieu de la rivière Niagara, en se déplaçant sur la coque, ce qui aurait donné à l'équipage plus de temps pour reprendre la situation en main ou stopper l'hydroptère.
Faits établis
- Du fait que le Seaflight I était exploité sur les Grands Lacs, il était inspecté en vertu des dispositions du Recueil de règles de sécurité applicables aux engins à portance dynamique (Recueil DSC), lesquelles n'exigent pas que la compagnie et le navire aient un système de gestion de la sécurité.
- Les conditions de délivrance du certificat ne prévoyaient ni limite de vitesse ni itinéraire fixe pour l'engin.
- Avant l'accident, le Seaflight I passait systématiquement près de la zone de mouillage du yacht-club de Youngstown.
- Le Seaflight I remontait la rivière Niagara à une vitesse de 33 noeuds en position déjaugée, et il se trouvait à environ 60 m de la zone de mouillage au moment de l'accident.
- À une vitesse de 33 noeuds, le Seaflight I avait besoin d'environ 335 m pour s'arrêter.
- Grâce à la décision du capitaine du Seaflight I de parer un yacht qui transportait six personnes, l'accident a eu des conséquences moins graves et il n'y a pas eu de blessés.
- Après l'accident, on a constaté que le système principal de commande électronique du gouvernail ne fonctionnait pas bien; toutefois, le système auxiliaire de commande électrique fonctionnait correctement.
- Le manuel d'entretien du système de commande électronique énumère plusieurs défaillances susceptibles de provoquer le déplacement intempestif du safran vers la gauche.
- Lorsque l'alimentation du système de commande électronique du gouvernail est rétablie après une coupure de plus d'une seconde, le safran se déplace de façon intempestive de 10 degrés à gauche ou à droite.
- L'engin n'est pas muni d'une alarme en cas de panne de l'alimentation du système de commande hydro-électronique du gouvernail.
- À Youngstown, dans l'État de New York, la rivière Niagara n'est pas assez large pour permettre le passage en toute sécurité du Seaflight I en position déjaugée.
Causes et facteurs contributifs
Après une panne de gouvernail causée par la défaillance du système de commande électronique, le Seaflight I a heurté quatre yachts au mouillage. La vitesse élevée de l'hydroptère dans des eaux relativement exiguës et le fait que l'engin passait proche de la zone de mouillage ont contribué à l'accident.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
En avril 1999, le BST a envoyé à la Sécurité maritime de Transports Canada (TC) l'Avis de sécurité maritime no 04/99 décrivant plusieurs caractéristiques dangereuses du système de commande du gouvernail installé sur le Seaflight I et sur son bâtiment jumeau, le Seaflight II. La Sécurité maritime de TC a répondu qu'une attention toute particulière serait portée à ces caractéristiques dangereuses au moment de l'inspection annuelle des deux hydroptères.
Le 23 mars 2000, le Seaflight I et son bâtiment jumeau le Seaflight II ont fait l'objet d'essais en mer en présence de représentants de la Sécurité maritime de TC et du BST. Les essais ont confirmé que le safran avait tendance à se déplacer de façon intempestive vers la gauche ou la droite lorsque l'alimentation en courant 220 V du système de commande du gouvernail était rétablie après une coupure aussi brève qu'une seconde. Il a été démontré qu'une telle coupure pouvait être provoquée par la fermeture manuelle de l'alimentation depuis la passerelle ou dans la salle des appareils de contrôle ou par une panne du moteur-générateur alimentant le système. Par la suite, la Sécurité maritime de TC a exigé que les propriétaires de l'hydroptère installent une alarme sonore sur la passerelle pour alerter l'équipage en cas de panne de l'alimentation 220 V du système de commande du gouvernail.
Des essais consistant à enlever les divers fusibles associés aux types de défaillances prévues dans le manuel d'entretien n'ont pas provoqué de mouvement du gouvernail.
Vu le nombre d'accidents avec des engins à grande vitesse, l'exploitation et la sécurité de ce type d'engin préoccupe la Sécurité maritime de TC. C'est pourquoi la Région de l'Ontario de la Sécurité maritime de TC a publié un rapport intitulé High Speed Craft Operations on Lake Ontario during 1998. Le rapport recommande notamment :
- que l'on détermine les paramètres de conception des fabricants avant de fixer les zones d'exploitation;
- que les systèmes de commande éélectroniques du gouvernail soient inspectés et vérifiés régulièrement pour s'assurer qu'ils fonctionnent bien;
- que tous les hydroptères soient tenus de se déplacer sur la coque quand ils traversent des eaux encombrées, des chenaux étroits ou des ports ou quand ils passent très près de marinas, en gouverne hydraulique manuelle ou hydro-électrique;
- que des essais en mer soient exécutés afin de déterminer la vitesse maximale appropriée en déplacement sur coque pour minimiser le sillage laissé par l'engin;
- que la Sécurité maritime de TC précise expressément sur le certificat du Seaflight I qu'il faut se servir uniquement du système de commande hydro-électrique ou du système de commande hydraulique manuel quand l'engin évolue dans des eaux resserrées.
- que l'on émette des instructions dans le manuel d'exploitation de l'engin concernant le type de voyage auquel il est assigné.
Les exploitants de l'engin ont fait savoir qu'on procède désormais à des essais du gouvernail à l'aide de tous les systèmes de commande six milles avant d'entrer dans la rivière Niagara et que l'hydroptère doublera la zone de mouillage du yacht-club de Youngstown en se déplaçant sur la coque. De plus, les représentants des constructeurs de l'hydroptère ont modifié le système de gouvernail afin de limiter l'angle du safran à 10 degrés lorsque le navire est en mode de gouverne hydraulique, peu importe sa vitesse.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau.
Annexes