Rapport d'enquête maritime M00C0053

Talonnage du pétrolier Algoeast
Dans le passage d'Amherstburg (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 10 août 2000, le Algoeast faisait route vers l'amont dans la partie profonde du passage d'Amherstburg (Ontario) avec une cargaison de mazout brut à destination de Sarnia (Ontario).

    En arrivant aux bouées «D57» et «D56», le capitaine ne s'est pas rendu compte immédiatement que les feux qu'il apercevait étaient ceux d'un navire qui croisait sa route à l'avant et il a ordonné tardivement le changement de cap nécessaire. Résultat, le navire est sorti de la partie profonde du chenal et a talonné. L'événement est survenu à 21 h 42, heure avancée de l'Est. Le navire a subi des avaries au peak avant et aux doubles-fonds. Personne n'a été blessé; il n'y a pas eu de pollution.

    Renseignements de base

    Nom « ALGOEAST » Ex Imperial St. Lawrence
    Numéro officiel 371941
    Port d'immatriculation Toronto (Ontario)
    Pavillon Canada
    Type Pétrolier
    Jauge bruteNote de bas de page 1 8 544,6
    Longueur 131,5 m
    Largeur 20 m
    Tirant d'eau Av. : 7,1 m Ar. : 7,4 m
    Construction 1977
    Groupe propulseur un moteur diesel B&W de 6 cylindres entraînant une seule hélice à pas variable et un propulseur d'étrave
    Cargaison 9 157,9 mètres cubes (8 863 tonnes) de mazout lourd
    Équipage 17 personnes
    Propriétaires Algoma Tankers Limited, St. Catherines, (Ontario)

    Description du navire

    Le Algoeast a été construit au Japon par Mitsubishi Heavy Industry Ltd. en 1977. Il avait été construit à l'origine pour être utilisé comme pétrolier/transporteur de produits raffinés à doubles côtés, mais en avril 2000, il a été transformé en navire à double coque par l'adjonction d'un nouveau double-fond. Le navire est construit selon les normes applicables aux pétroliers de la classe ESP (cc), 100A1, 1A+LMC du Lloyd's Register of Shipping. Il possède six citernes à cargaison dotées de serpentins de chauffage capables de prendre en charge 10 327 mètres cubes de produits. Les emménagements et l'espace machines se trouvent à l'arrière. Le navire transporte régulièrement des cargaisons de mazout lourd destinées à des ports des Grands Lacs, du fleuve Saint-Laurent, de l'Est du Canada et du nord-est des États-Unis.

    Déroulement du voyage

    Le 10 août 2000 à 7 h 5, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 2, le Algoeast quitte le port de Nanticoke sur le lac Érié, avec une cargaison de 8 863 tonnes de mazout à destination de Sarnia. Le capitaine prépare le plan de route du navire pour le trajet jusqu'à Sarnia et l'approuve. À bord se trouve un plan de route informatisé fourni par la compagnie, mais ce plan est conçu pour un plus grand bâtiment avec passerelle à l'avant; le capitaine doit donc adapter le plan pour le Algoeast; le plan de route du Algoeast l'amène à suivre trois alignements lumineux pour la traversée du passage d'Amherstburg. L'examen du plan de route par les enquêteurs du BST a confirmé que la description des alignements lumineux était correcte et correspondait aux données de la carte hydrographique. Le navire est aussi muni d'une carte électronique non obligatoire et d'un système de navigation intégré.

    Le navire fait route vers l'extrémité ouest du lac Érié où il commence à remonter la rivière Detroit (vers le nord). L'officier de quart appelle le capitaine, comme celui-ci le lui a demandé, une heure avant que le navire n'atteigne le feu du passage East Outer. À 20 h 37, alors que le navire approche du passage East Outer, c'est le capitaine qui assure la conduite du navire. L'équipe à la passerelle comprend le capitaine, le troisième officier qui surveille le radar de tribord et s'occupe des radiocommunications, ainsi que le timonier. Un capitaine stagiaire et un évaluateur se trouvent également sur la passerelle. L'évaluateur est un représentant de l'armateur qui est chargé de vérifier les aptitudes au pilotage du capitaine dans le passage d'Amherstburg.

    Le navire traverse le passage Lower Livingstone et pénètre dans le passage d'Amherstburg. Le passage d'Amherstburg se trouve du côté canadien de la rivière Detroit, à l'est de l'île Bois Blanc. Il est utilisé par les navires remontants. La moitié ouest, qui constitue le chenal profond, a une largeur de 183 m. La carte 14848 du United States National Ocean Service indique que la profondeur du chenal est de 27 pi (8,2 m) et sa largeur, de 225 pi (68,6 m).

    Alors que le Algoeast approche des bouées «D56» et «D57», le capitaine cherche des yeux l'alignement lumineux suivant pour le suivre, soit les feux jaunes fixes d'Amherstburg Reach. Entre les bouées «D56» et «D57», le chenal navigable change de direction par 17,5 degrés. À cet endroit, le capitaine retarde le moment de venir sur bâbord parce qu'il aperçoit droit devant deux grands feux blancs qui, croit-il, pourraient être des feux d'alignement qui lui sont inconnus. Les autres officiers de l'équipe à la passerelle voient eux aussi les feux, mais ils se rendent compte qu'un navire traverse le chenal en amont, d'ouest en est. Il n'y a pas d'échange d'information concernant les feux entre les membres de l'équipe à la passerelle jusqu'à ce que l'officier préposé au radar de tribord signale la présence d'un navire droit devant. À ce moment-là, les feux d'Amherstburg Reach sont en alignement.

    Le capitaine donne ensuite l'ordre de mettre la barre à gauche 10, puis, peu après, de mettre mettre la barre à gauche 20. À 21 h 42, pendant une évolution sur bâbord, le navire talonne le fond par 42° 05,45'N et 083° 06,91'W, soit à l'est de la limite est de la partie profonde du chenal indiquée sur la carte. Selon l'information recueillie, la vitesse du navire juste avant le talonnage est de 7,8 noeuds. Après le talonnage, le capitaine donne les ordres suivantes : la barre à gauche toute, zéro la barre, puis la barre à droite toute, avant de stabiliser le navire dans l'axe de l'alignement lumineux d'Amherstburg Reach.

    Le capitaine ordonne ensuite de sonder les doubles-fonds. On ne décèle ni voie d'eau ni rejet de polluants. Le capitaine décide de gagner la zone de mouillage du nord de l'île Fighting afin de mouiller le navire et d'évaluer les dommages. À 21 h 55, il se sert de son téléphone cellulaire pour signaler l'événement à Sarnia Traffic, à qui il signale également son intention de se rendre à la zone de mouillage. Il ne se sert pas de la radio VHF. À 23 h 6, le Algoeast est à l'ancre dans la zone de mouillage.

    Un inspecteur de Transports Canada, de même que des représentants des propriétaires, de la Lloyds et des assureurs du navire inspectent le navire à la recherche d'avaries. Ils constatent que, contrairement aux premiers rapports, le peak avant a été troué et est inondé. En examinant la coque, un plongeur décèle une fissure de 1,2 à 1,5 m au droit du peak avant.

    Transports Canada autorise le navire à se rendre au port de Sarnia de jour. À 8 h 40 le 12 août, le Algoeast lève l'ancre pour se rendre à Sarnia. À la demande d'Algoma Tankers, un pilote de l'Administration de pilotage des Grands Lacs (APGL) monte à bord pour le reste du voyage. À 15 h 15, le navire arrive à Sarnia; après le déchargement, on procède à l'inertage des citernes et on procède à une inspection complète des oeuvres vives.

    Avaries au navire

    Le bâtiment présentait, à bâbord de l'axe longitudinal, une fracture du bordé du peak avant d'environ 1,2 m de longueur sur quelque 0,3 m de largeur, par laquelle l'eau pénétrait dans le compartiment. Le navire présentait également des avaries internes et externes à ses doubles-fonds, sur l'axe longitudinal; ces avaries ne détruisaient cependant pas son étanchéité.

    Qualifications et expérience du personnel

    Le capitaine, le troisième officier et un timonier se trouvaient sur la passerelle. Un capitaine stagiaire et un évaluateur étaient aussi présents. Les officiers du navire possédaient les brevets et certificats requis pour ce type de navire et la zone d'exploitation.

    Le capitaine commandait le Algoeast depuis deux ans. Au cours des trois années précédentes, il avait fait environ 25 allers simples sur le réseau des rivières Detroit et St. Clair.

    Le troisième officier naviguait depuis 20 ans sur divers navires et il avait déjà fait plusieurs voyages dans le réseau des rivières Detroit et St. Clair. Il avait rejoint le Algoeast le 12 juillet 2000 après avoir navigué sur le Algonova.

    Le timonier avait rejoint le Algoeast à la mi-juillet 2000. Il s'agissait de son premier voyage sur le réseau des rivières Detroit et St. Clair.

    L'évaluateur, qui était un capitaine de la compagnie, avait déjà à son actif 38 allers simples sur le réseau des rivières Detroit et St. Clair sur d'autres navires. Il s'agissait de sa première expérience en tant qu'évaluateur.

    Pour le capitaine, le voyage représentait une seconde évaluation dans ces eaux. Il avait déjà été évalué sur divers tronçons fluviaux et on lui avait dit qu'il devait acquérir plus d'expérience dans le passage d'Amherstburg.

    Le capitaine stagiaire était à bord à titre d'observateur et pour se familiariser avec le trajet. Dans les deux années précédentes, il avait fait environ 10 voyages vers l'amont et vers l'aval en tant que premier lieutenant sur plusieurs navires. En tant que premier lieutenant, sa participation à la navigation avait cependant été limitée.

    Conditions météorologiques et courants

    Les conditions météo de 20 h, heure locale, enregistrées par la station météorologique de Grosse Île étaient les suivantes : ciel nuageux, visibilité de 10 milles (16 km) et vents du nord-nord-est à 4 noeuds. Les membres de l'équipe à la passerelle ont signalé des conditions semblables au moment de l'événement, soit une bonne visibilité et des vents légers.

    La publication United States Coast Pilot 6, 29th edition de la National Oceanic and Atmospheric Administration des États-Unis ainsi que les Instructions nautiques pour les Grands Lacs, volume 1, 10e édition, du Service hydrographique du Canada demandent aux navigateurs de redoubler de prudence en négociant le virage devant les amener de Hackett Reach dans Amherstburg Reach à cause des courants. Les données les plus récentes datent de juillet 1999 et elles ont été recueillies de 400 à 460 m en aval de la bouée «D56» par le US Corps of Army Engineers. Elles signalent la présence d'un courant d'une force maximale de 2,5 noeuds près du milieu du chenal. Le capitaine et le troisième officier connaissaient les effets du courant.

    À 21 h 45, le niveau de l'eau enregistré à Amherstburg était de 0,738 m au-dessus du zéro des cartes, ce qui est normal pour cette époque de l'année.

    Pilotage

    L'APGL a été créée en vertu de la Loi sur le pilotage pour gérer le pilotage dans les eaux situées à l'intérieur des limites géographiques décrites dans la loi. Les eaux canadiennes des chenaux reliant les lacs Érié et Huron ont été déclarées, par règlement, zones de pilotage obligatoire, et les navires qui y circulent doivent être sous la conduite d'un pilote ou du titulaire d'un certificat de pilotage.

    Les navires canadiens sont dispensés du pilotage obligatoire s'ils sont sous le commandement d'un capitaine ou d'un officier de pont :

    • qui est un membre régulier de l'équipage du navire,
    • qui possède un certificat délivré par le propriétaire du navire au cours des 12 derniers mois, certificat qui atteste que le capitaine ou l'officier de pont a effectué dans la zone de pilotage obligatoire où le navire navigue, au moins 10 voyages d'aller au cours des trois années précédant la date du certificat.

    Cette dispense n'a été instaurée au départ qu'à titre temporaire, pour donner aux capitaines et aux officiers de quart à la passerelle le temps d'obtenir leur certificat de pilotageNote de bas de page 3. Les armateurs des navires exploités sur les Grands Lacs ont cependant pris l'habitude de s'en prévaloir de façon systématique.

    Selon l'APGL, l'armateur avait attesté que le capitaine du Algoeast et l'évaluateur satisfaisaient aux exigences pour être exemptés de l'obligation d'avoir à bord un pilote dans les eaux où l'événement est survenu. L'APGL n'a pas vérifié elle-même ni fait vérifier les compétences en pilotage du capitaine.

    L'évaluateur ne pouvait compter que sur les habiletés qu'il avait acquises comme capitaine pour évaluer les compétences du capitaine du Algoeast, il n'avait pas reçu de formation spéciale à cet égard et il n'avait pas reçu de consignes sur la façon d'évaluer les compétences en pilotage. Il a donc mené l'évaluation en se guidant sur la manière dont il avait lui-même été évalué en 1999. Même si plus tôt il avait discuté avec le capitaine de l'utilisation des points de changement de route, l'évaluation s'est déroulée surtout en silence, elle s'est bornée à l'observation et n'a comporté qu'une interaction limitée avec l'équipe à la passerelle.

    Conditions pour avoir droit à la dispense du pilotage

    En novembre 1999, le ministre des Transports a ordonné à l'APGL de resserrer les conditions d'octroi de dispenses en exigeant, entre autres, 15 allers simples au lieu de 10; cinq de ces voyages devant avoir été faits dans les 12 mois précédant la demande de dispense, et que le navire ait à bord dans la zone de pilotage obligatoire deux officiers ayant accompli le nombre minimal de voyages. L'APGL a consulté une association d'armateurs dans les derniers mois de l'an 2000 et au début de 2001. Au terme des consultations, l'APGL a transmis à Transports Canada des projets de modifications au Règlement de pilotage des Grands Lacs.

    Le 15 avril 2001, le ministre des Transports a demandé à l'APGL de garder en suspens sa demande de modification en attentant le résultat d'une évaluation des conditions actuelles d'octroi des dispenses de pilotage obligatoire pour les eaux de l'APGL, exécutée à l'aide de la Méthodologie de gestion du risque en matière de pilotage (Pilotage Risk Management Methodology ou PRMM). L'évaluation PRMM, qui devrait être achevée au début de 2002, porte sur la possibilité de dispenser du pilotage obligatoire les navires domestiques et elle prend en compte des éléments comme la formation et les certificats.

    L'APGL possède un manuel de formation pour l'évaluation des compétences en pilotage des navigateurs auxquels des dispenses ont été accordées en fonction d'un nombre prescrit de voyages. Le manuel de formation, inspiré d'un manuel similaire pour les apprentis pilotes, prescrit de la formation et des examens pour vérifier les habiletés de pilotage des navigateurs des Grands Lacs.

    L'APGL travaille à mettre en place un système de vérification informatisé pour contrôler le nombre de voyages accomplis par des officiers titulaires de certificats ou en attente de certificats. À l'heure actuelle, les armateurs de navires bénéficiant de dispenses produisent des affidavits attestant que l'officier a accompli le nombre minimal de voyages exigé, mais sans préciser le nombre exact de voyages faits par l'officier, et ils n'y sont pas obligés.

    Système électronique de navigation de bord

    Le journal de navigation du disque rigide du système de cartes éélectroniques contient des données provenant de capteurs externes ainsi que d'écrans de visualisation. Dans le cas à l'étude, l'intervalle d'enregistrement était de 10 secondes et chaque inscription au journal contenait l'information suivante : date, heure, latitude et longitude du navire, source de position, cap du navire, source de cap, route sur le fond et vitesse sur le fond. De plus, puisqu'on se servait d'un système de positionnement global (GPS) pour établir la position, le nombre de satellites utilisés et en vue était aussi consigné sur support électronique.

    Selon les fichiers, le navire est resté à l'intérieur des limites recommandées du chenal pendant la majeure partie de la traversée, à une exception près. Environ 25 minutes avant d'atteindre le lieu de l'événement, il y a eu une série d'enregistrements indiquant que le navire serrait de très près la limite ouest de la partie profonde du chenal. La position du talonnage signalée par le personnel navigant du navire correspond (à 15 m près) à la route du navire enregistrée sur la carte électronique du système de navigation intégré.

    Afin que les cartes de navigation soient présentées dans un format lisible sur ce visuel de navigation particulier, les données hydrographiques et géographiques concernant la voie navigable sont converties sous format vectoriel. Cela a été fait par le fabricant qui a préparé des folios pour des régions particulières. La meilleure carte vectorielle pour naviguer dans la région, la Carte 14848 du United States National Ocean Service, avait été dûment téléchargée automatiquement par le personnel s'occupant de la navigation.

    Analyse

    Mise en place de la gestion des ressources à la passerelle

    L'objectif de la gestion des ressources à la passerelle (GRP) est d'assurer la sécurité du navire, de son personnel et de sa cargaison, ainsi que de protéger l'environnement. Elle met l'accent sur le travail d'équipe en vue d'optimaliser l'utilisation de toutes les ressources disponibles, y compris l'équipement, l'information écrite, les procédures et le personnel. Elle fait appel à la participation de tous les membres de l'équipe à la passerelle et son efficacité est tributaire de l'existence de communications claires ainsi que d'un environnement qui favorise la franche discussion, surtout pendant les phases critiques de la traversée.

    Le capitaine et l'équipe à la passerelle avaient reçu de la formation GRP, mais ils n'ont pas mis les principes de GRP en pratique alors que le navire approchait des bouées «D56» et «D57» le capitaine cherchait l'alignement lumineux suivant qu'il devait suivre. Lorsque le capitaine a aperçu les feux blancs devant, il a supposé qu'il s'agissait d'un alignement lumineux nouvellement installé. Il n'a pas immédiatement validé son observation auprès de l'équipe à la passerelle dont les membres avaient aussi aperçu les feux et avaient reconnu les feux d'un navire qui croisait leur route droit devant. Cette interprétation a été confirmée en observant l'écran radar. Les membres de l'équipe à la passerelle ont présumé que le capitaine avait tiré la même conclusion qu'eux et ils ne lui ont pas dit que les feux qu'ils voyaient droit devant étaient ceux d'un navire qui croisait leur route. Même si les rôles de l'évaluateur et du capitaine stagiaire n'avaient pas été clairement définis à l'avance et même s'ils ne faisaient pas partie de l'équipe à la passerelle et n'avaient pas à intervenir dans la navigation, ils seraient intervenus dans un environnement de GRP bien établi s'ils avaient constaté une entorse à la procédure habituelle qui risquait de compromettre la sécurité du navire.

    La formation GRP n'est pas obligatoire pour l'instant, mais l'armateur a fait donner de la formation GRP à ses officiers et s'attend à ce que l'on mette en pratique les principes de GRP. Une des parties intégrantes d'un programme de formation d'entreprise comme la GRP est la validation des objectifs des cours grâce à la constatation de changements et de l'amélioration des méthodes à bord. L'entreprise évalue les habiletés de pilotage de ses capitaines et de ses officiers, mais peu est fait pour s'assurer que les habiletés et les connaissances acquises pendant les cours de GRP amènent des changements correspondants dans les méthodes de navigation.

    Évaluation des compétences en matière de pilotage

    Des zones de pilotage obligatoire sont établies pour protéger l'environnement et prévenir les accidents et pour améliorer la sécurité des opérations maritimes; dans ces zones, un navire doit être conduit par une personne compétente. Pour déterminer cette compétence, il faut bien évaluer les aptitudes, les connaissances et les habiletés de la personne en question. Le succès de l'évaluation dépend des connaissances et de l'expérience de l'évaluateur, de la qualité et de la nature des critères d'évaluation, ainsi que de l'objectivité du processus.

    Afin de mesurer et de vérifier les compétences et les connaissances des capitaines et des officiers pour voir s'ils sont en mesure de naviguer en toute sécurité dans les eaux resserrées des Grands Lacs et du Saint-Laurent, Algoma Central Marine, la filiale qui exploite les transporteurs de vrac sec, a mis en place en mai 2000 un programme de pilotage pour ses navires. Les évaluateurs d'Algoma Central Marine ont mis sur pied un cours de formation pour les évaluateurs afin de former d'autres capitaines de la flotte pour en faire eux-mêmes des évaluateurs. Cependant, au moment de l'événement, l'armateur n'avait pas de programme du genre pour ses transporteurs de vrac liquide, dont le Algoeast fait partie. En l'absence de critères bien établis, toute évaluation faite par des spécialistes risque d'être entachée de subjectivité, de contenir des jugements de valeur et des erreursNote de bas de page 4.

    Le programme de pilotage pour transporteurs de vrac sec d'Algoma Central Marine est axé sur l'évaluation des connaissances des employés. L'évaluation du comportement au travail ne repose que sur une question subjective, «L'équipe applique-t-elle adéquatement les principes de la GRP?» Dans le contexte du pilotage, la délégation, le travail d'équipe, la prise de décision et la communication sont des éléments essentiels; les critères d'évaluation doivent porter sur chacun de ces aspects séparément. Il est relativement aisé de mesurer les compétences et les connaissances en évaluant les réponses à des questions précises et en examinant l'exécution de tâches précises facilement vérifiables, par exemple, la fréquence radio à utiliser à un endroit donné. Il est beaucoup plus difficile, cependant, d'évaluer des tâches qui font appel à l'équipe ou qui requièrent une interaction avec d'autres personnes. Cela introduit un élément de subjectivité et nécessite de l'évaluateur qu'il connaisse la spécialité ainsi que les critères qui peuvent servir à apprécier le comportement professionnel dans son ensemble.

    Déclaration d'un accident

    Le maintien d'une écoute continue sur une voie radiotéléphonique commune permet aux navires qui se trouvent dans des eaux resserrées d'être immédiatement informés de toutes circonstances susceptibles de requérir de leur part la prise de mesures rapides. L'événement a été signalé à un régulateur du trafic maritime par téléphone cellulaire plutôt que par radio VHF. La réglementation n'exige pas qu'un accident soit signalé par radio VHF; toutefois, quand un accident est signalé par téléphone cellulaire, les autres navires sont privés de la possibilité de prendre immédiatement les mesures de précaution qui s'imposent.

    Exactitude du positionnement électronique

    À partir des fichiers, les enquêteurs du BST ont été en mesure d'évaluer l'exactitude de la localisation fournie par le GPS en temps réel ainsi que des corrections différentielles. Pendant la traversée du passage d'Amherstburg, aucune défectuosité majeure du système n'a été enregistrée par le système de cartes éélectroniques, et les données sur le sillage ont été enregistrées sans interruption à intervalles de 10 secondes. On estime que les données fournies par le récepteur GPS au moment de l'événement sont exactes.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Le capitaine du Algoeast ne s'est pas immédiatement rendu compte que les feux qu'il voyait droit devant étaient ceux d'un navire qui croisait la route de son navire, et il a donné tardivement l'ordre de venir sur la gauche. Résultat, le navire est sorti de la partie profonde du chenal et a talonné.
    2. Le personnel navigant avait reçu de la formation à la gestion des ressources à la passerelle (GRP), mais les principes de GRP n'étaient pas appliqués à bord au moment de l'événement.

    Faits établis quant aux risques

    1. Les conditions actuelles d'octroi de la dispense aux navires ne comprennent pas l'évaluation des compétences en pilotage des capitaines et des officiers de navigation.
    2. L'absence de critères d'évaluation en matière de pilotage augmente les risques de subjectivité et d'évaluation incorrecte.
    3. Le fait qu'à l'heure actuelle on n'évalue pas la façon dont le personnel de bord applique les principes de GRP risque de compromettre la sécurité de la navigation.
    4. Il n'y a pas eu d'évaluation de suivi formelle de la formation pour s'assurer que les principes de GRP étaient appliqués dans les opérations quotidiennes.
    5. Quand un accident est signalé par téléphone cellulaire, les autres navires sont privés de la possibilité de prendre immédiatement les mesures de précaution qui s'imposent.

    Mesures de sécurité

    Mesures prises par Algoma Central Marine

    Le 31 août 2000, l'armateur a adopté et mis en application le Programme de pilotage d'Algoma Central Marine pour ses transporteurs de vrac liquide.

    Une directive a été diffusée pour demander aux navires d'appliquer les principes de GRP dans toutes les situations.

    Il est proposé de remettre à chaque évaluateur des instructions écrites précisant son rôle et indiquant qu'il fait partie de l'équipe à la passerelle.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A - Croquis du secteur de l'accident