Rapport d'enquête maritime M00N0089

Chavirement
de l'embarcation non pontée BPC 127606
à l'anse Sleepy
à North Twillingate (Terre-Neuve-et-Labrador)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 8 octobre 2000, de jour, en relevant des filets maillants alors que le vent s'intensifiait et que les lames devenaient de plus en plus hautes, l'embarcation non pontée BPC 127606, à bord de laquelle se trouvait le patron et un membre d'équipage, a chaviré près de la côte à proximité de l'anse Sleepy à North Twillingate (Terre-Neuve-et-Labrador). Un des deux marins-pêcheurs est resté accroché à la coque renversée mais n'a pas survécu tandis que l'autre, qui n'a jamais été retrouvé, est présumé noyé. Aucun des deux hommes ne portait de gilet de sauvetage ou de vêtement de flottaison individuel.

    Renseignements de base

    Fiche technique du bateau

    Nom Numéro de BPC « 127606 »
    Port d'attache Port de Twillingate
    Pavillon Canada
    Type Bateau de pêche non ponté en fibre de verre
    Jauge bruteNote de bas de page 1 +/− 1
    Longueur hors tout 5,18 m
    Largeur 1,8 m
    Propulsion Un seul moteur hors-bord à essence de 55 HP
    Équipage 2 personnes
    Propriétaire Propriétaire privé
    Durrel, (Terre-Neuve-et-Labrador)

    Description du bateau

    Photo 1. Le BPC 127606 après sa récupération (avirons arrimés)
    Image
    Le BPC 127606 après sa récupération (avirons arrimés)

    Le bateau de pêche canadien (BPC) 127606 est un petit bateau de pêche non ponté en fibre de verre construit à partir du même moule qu'une foule d'autres embarcations utilisées pour la pêche côtière à Terre-Neuve. L'intérieur de la coque est subdivisé par des bancs transversaux qui servent de raidisseurs et forment des compartiments qui contiennent le poisson, les filets et les engins de pêche. Un puits moteur est aménagé à l'arrière.

    Des matériaux de flottaison intégrés permettent au bateau de rester à flot même lorsqu'il est complètement envahi ou chaviré.

    Le moteur hors-bord est monté dans une échancrure au centre du tableau arrière. Le bas de l'échancrure se trouve sous la ligne de projection de la lisse de plat-bord. Comme il s'agit du point où le franc-bord est le plus faible, c'est un endroit de la coque très exposé à embarquer de l'eau pendant les opérations de pêche. Un haleur de ligne et de filet est placé dans un caisson étanche installé du côté bâbord du compartiment juste en avant de la place du conducteur (l'annexe A, photo 2).

    Déroulement du voyage

    Figure 1. Lieu approximatif de l'accident
    Image
    Lieu approximatif de l'accident

    Le dimanche 8 octobre 2000, vers 10 h 45Note de bas de page 2, le patron et son membre d'équipage quittent le quai de Twillingate à bord de l'embarcation non pontée BPC 127606 pour se rendre dans des lieux de pêche situés sur la côte nord-ouest de l'île North Twillingate. La décision de prendre la mer est prise très soudainement.

    Les deux marins-pêcheurs ont les permis requis pour pêcher la morue avec six filets maillants chacun, et ils se sont servis de leur total combiné de 12 filets pour pêcher plus tôt cette même semaine. Sept de ces filets ont été rentrés le vendredi précédent. Ils comptaient retirer les cinq derniers filets le lendemain afin de se conformer aux conditions du permis qui exigent que tous les filets maillants soient retirés de l'eau entre 18 h le samedi et 6 h le lundi. Cependant, les conditions météorologiques sont si mauvaises le samedi qu'aucun bateau de pêche local ne prend la mer. Le patron ne pêche ordinairement pas le dimanche, et il ne dit rien ni à sa famille ni à son membre d'équipage le samedi soir qui pourrait faire croire qu'il compte relever les filets le lendemain.

    Quatre des filets se trouvent à environ un demi-mille de la côte, entre l'anse Sleepy et la pointe Long. L'autre train de pêche a apparemment été placé un peu plus loin, en eau plus profonde, afin d'obtenir des prises plus abondantes, les résultats ayant été médiocres récemment. Dans des circonstances normales, il faut environ deux heures pour relever cinq filets.

    En rentrant les filets maillants, on commence habituellement par ceux qui sont placés en eau profonde pour se rapprocher graduellement de la côte. En récupérant une bouée repère de filet avec le poids servant à l'ancrer, le filet est halé sur un guide placé à l'avant. Chaque section du filet remontée à bord est systématiquement débarrassée du varech et des autres débris et on en retire le poisson utilisable avant de l'arrimer convenablement. Les vents s'intensifient le matin et des lames atteignant une hauteur de un à deux mètres compliquent la récupération des filets maillants.

    À 14 h 49, le Centre secondaire de sauvetage maritime (CSSM) de St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador) est prévenu par un membre local de la Garde côtière auxiliaire canadienne (GCAC) qu'un bateau chaviré a été aperçu vers 14 h 30 près de la pointe Long à l'anse Sleepy. Plusieurs navires de la GCAC (bateaux de pêche locaux) prennent la mer pour lui porter secours. Le garde-côte Cape Roger ainsi qu'un hélicoptère de recherche et sauvetage (SAR) sont mobilisés, mais on estime qu'ils ne pourront pas arriver sur les lieux avant deux ou trois heures. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) informe le CSSM qu'un petit bateau de pêche est en retard et les deux occupants sont identifiés.

    Les marins-pêcheurs ne disposent d'aucun moyen de télécommunication pour demander de l'aide et comme aucun autre bateau ne pêche dans le secteur ce matin-là, les naufragés ne peuvent compter sur aucune aide immédiate au moment du chavirement.

    Entre 15 h 45 et 16 h, un bateau de pêche local vient se ranger contre l'embarcation chavirée qui se trouve à la position approximative de 49°41′0,23 N par 54°48′0,92 W. Le corps du patron est retrouvé accroché à la coque retournée par une ligne de bouées-repères enroulée autour de son cou. Il ne porte ni gilet de sauvetage ni vêtement de flottaison individuel.

    Une partie d'un filet maillant est retrouvée en paquet près du bateau chaviré, l'autre partie étant toujours mouillée. Il n'y a aucune trace du second-marin pêcheur. Le BPC 127606 est plus tard redressé et remorqué jusqu'à Crow Head (Terre-Neuve-et-Labrador).

    Des recherches intensives sont menées pendant plusieurs jours pour retrouver le membre d'équipage manquant, mais les recherches, qui sont gênées par des conditions météorologiques difficiles, demeurent vaines.

    Victimes

    L'autopsie a révélé que le patron est mort accidentellement d'asphyxie aiguë par strangulation. Le membre d'équipage a plus tard été déclaré perdu en mer et présumé noyé.

    État du bateau

    Le dessous de la crosse à l'arrière portait des traces d'abrasion récente et le couvercle du moteur hors-bord était manquant. Les pales de l'hélice avaient subi des dommages considérables et une tige métallique de guidage montée sur le tableau arrière avait été déformée par une violente force extérieure. Les avirons étaient arrimés (photo 1).

    Conditions météorologiques

    Les prévisions maritimes pour Terre-Neuve-et-Labrador émises par Environnement Canada à 20 h le samedi 7 octobre 2000 pour la côte nord-est, Cap St. John et sud se lisaient comme suit : « Avertissement de coups de vent maintenu. Vents d'est de 10 à 15 noeuds devenant du nord-est de 15 à 20 noeuds dimanche après-midi avant de s'intensifier pour se transformer en vents du nord-ouest de 25 noeuds et même en coups de vent de 35 noeuds en soirée le dimanche. Pluie occasionnelle cessant en soirée dimanche. Bancs de brume. Visibilité passable sous la pluie et mauvaise dans la brume. Température assez stable. Aperçu pour lundi . . . vents d'ouest de modérés à forts se changeant en vents légers. » [Traduction] Les prévisions maritimes émises à 3 h le dimanche 8 octobre 2000 étaient identiques.

    La mer était modérée avec des lames de un à deux mètres augmentant à deux ou trois mètres plus tard au cours de la journée. Les températures de l'eau et de l'air étaient respectivement de 10 °C et de 8 °C.

    Équipage

    Le patron était un marin-pêcheur de très bonne réputation, ancien président de l'Association canadienne des chasseurs de phoques. Il était aussi membre de la GCAC et très actif dans les pêches locales. Il possédait plus de 20 ans d'expérience combinée de la chasse aux phoques, du chalutage hauturier et de la pêche côtière. Depuis quelques années, il se livrait à la pêche de fond au filet maillant dans les eaux locales. Sa mauvaise vue l'obligeait à porter des lunettes. Il était apparemment un bon nageur. Le membre d'équipage avait très peu d'expérience de la pêche au filet maillant et ne savait pas nager.

    Certificats du bateau

    Le BPC 127606 était enregistré au ministère des Pêches et des Océans (MPO).

    L'embarcation, qui avait une jauge brute de moins de 15, n'était pas assujettie à des inspections de la Sécurité maritime de Transports Canada (SMTC). Néanmoins, elle devait être conforme aux dispositions du Règlement sur l'inspection des petits bateaux de pêche qui touchent l'équipement de sauvetage et de lutte contre les incendies.

    Statistiques relatives à la recherche et au sauvetage

    Une étude de la sécurité des petits bateaux de pêche effectuée pour le compte de la Direction de la recherche et du sauvetage de la Garde côtière canadienne révèle que le nombre annuel d'incidents SAR sur les côtes de Terre-Neuve a presque doublé depuis l'annonce du moratoire sur la pêche à la morue décrété en 1992, passant de 193 en 1993 à 382 en 1999. Il y a eu 46 pertes de vie au cours de cette période, surtout parmi les équipages de bateau de moins d'environ huit mètres.

    Gestion de la pêche à la morue

    Considérations générales

    Les scientifiques ont mis de l'avant un vaste éventail de mesures de conservation, notamment des limites de taille, le plafonnement des quantités de prises, l'interdiction de certains engins de pêche et la désignation de zones et de saisons de pêche. Dans le cadre du processus, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques (CCRH), après avoir consulté l'industrie, recommande au ministre des Pêches et des Océans des mesures de conservation des stocks de poissons de fond. Le MPO examine alors ces recommandations et, après de nouvelles consultations avec l'industrie, prépare un Plan de pêche axé sur la conservation (PPAC) pour chaque secteur de la flotte avant de mettre la touche finale au Plan de gestion intégré des pêches (PGIP). Les conditions des permis sont ensuite déterminées à la lumière du PPAC et du PGIP.

    Une carte de la zone de pêche canadienne de 200 milles et des limites de pêche de l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest (OPANO) figure à l'annexe B.

    Enlèvement des filets maillants

    Au milieu de mars 2000, après la fermeture d'urgence de la pêche à la morue à Terre-Neuve la semaine précédente, des agents des pêches patrouillant dans la baie de Plaisance (zone 3Ps) sur la côte sud ont relevé en une seule journée 30 filets contenant 10 000 kg de morue morte. Certains filets maillants appartenaient à des braconniers, certains avaient été perdus par gros temps et d'autres avaient été tout simplement abandonnés.

    Après la découverte de ce gaspillage de morues dans la baie de Plaisance, le CCRH a recommandé que tous les navires ramènent tous les filets maillants au port chaque jour, de façon à ce qu'aucun filet maillant ne reste abandonné dans l'eau. À la suite de ces recommandations, la Fish, Food and Allied Workers Union (FFAW) et des représentants du secteur des pêches regroupant des bateaux de moins de 65 pieds ont rencontré le MPO pour exprimer leurs préoccupations quant à la recommandation obligeant à relever les filets maillants chaque soir. Ils ont demandé au MPO de réexaminer les recommandations du CCRH au moment de l'élaboration du PPAC. Une de ces recommandations était que les filets maillants soient retirés de l'eau de 20 h le samedi soir à 6 h le lundi matin chaque semaine. Le MPO a intégré cette recommandation dans le PPAC de 2000 pour la zone 3Ps dans la baie de Plaisance et des permis ont été établis en conséquence. La décision a été par la suite appliquée à la pêche à la morue à partir de la partie sud de la côte du Labrador et de l'est de Terre-Neuve, dans un secteur qui englobe les zones 2J, 3K et 3L.

    Le 19 juin 2000, le MPO a rencontré la FFAW ainsi qu'un groupe représentatif de marins-pêcheurs qui ont exprimé certaines inquiétudes concernant l'exigence de ramener les filets maillants sur la côte les fins de semaine. Leurs inquiétudes concernaient principalement la difficulté pour un petit bateau de relever des filets maillants par gros temps. Le MPO a laissé savoir au groupe qu'à moins qu'il puisse proposer des mesures de substitution permettant d'atteindre les buts visés par la recommandation du CCRH, les dispositions actuelles obligeant à ramener les filets maillants sur la côte les fins de semaine seraient maintenues dans les conditions attachées aux permis.

    Par la suite, le MPO a annoncé dans ses mesures de gestion de la pêche à la morue du Nord pour l'an 2000 dans les zones 2J, 3K et 3L que la pêche serait ouverte de la fin de juin au 29 juillet et du 11 septembre au 28 octobre 2000. La date de début en juin serait annoncée lorsque les conditions attachées aux permis seraient définitivement arrêtées.

    Conditions rattachées au permis d'exploitation

    Les permis commerciaux et conditions et immatriculations délivrés à l'exploitant par le MPO pour l'an 2000 incluaient deux bateaux - le BPC 127606 (17 pieds de longueur) et le BPC 136080 (18 pieds de longueur). Le permis autorisait à pêcher plusieurs espèces au moyen de filets maillants ou de palangres à l'intérieur des eaux relevant de l'OPANO (zones 2J, 3K et 3L) et établissait des quotas individuels pour le homard et toutes les espèces côtières y compris la morue.

    Le permis précisait en outre que l'exploitant était autorisé à pêcher la morue uniquement dans la zone 3K à l'intérieur de la limite de 12 milles. Il était autorisé à utiliser six filets de 50 brasses chacun pour récolter 8 400 livres de morue et il devait retirer les filets de l'eau entre 18 h le samedi et 6 h le lundi.

    Exécution des conditions du permis

    La saison de pêche de la morue du Nord a débuté le 26 juin 2000 et, fin juillet, la Direction de la conservation et de la protection du MPO a porté 14 accusations contre des pêcheurs locaux qui avaient enfreint la « règle des fins de semaine ». Tous les accusés ont été condamnés et chacun a dû verser une amende de 100 $ et a perdu un filet maillant. La période de pêche estivale s'est terminée le 29 juillet 2000.

    Après l'ouverture de la saison de pêche automnale, plusieurs marins-pêcheurs locaux qui avaient des filets mouillés le jour de l'événement ont jugé les conditions météorologiques trop difficiles pour prendre la mer. Après avoir communiqué avec un agent local de la Direction de la conservation et de la protection du MPO, ces personnes ont reçu l'assurance qu'elles pouvaient laisser leurs filets à l'eau et qu'elles ne seraient pas poursuivies. Il n'y a aucune mention du genre dans les conditions rattachées au permis et nulle annonce, diffusion ou publication n'autorise un assouplissement des règles en fonction des conditions météorologiques.

    Les agents des pêches tirent leur pouvoir discrétionnaire du paragraphe 25(3) de la Loi sur les pêches qui prévoit que « l'agent des pêches peut permettre de laisser en place des engins ou appareils de pêche après le début d'une période d'interdiction pendant le temps qu'il estime nécessaire à leur enlèvement ».

    Transports Canada

    En 1999, un comité directeur chargé des petits bâtiments de pêche a été mis sur pied par le Conseil consultatif maritime canadien (CCMC). Son rôle était d'examiner le régime réglementaire en place et de revoir les projets de règlement qui avaient été élaborés en 1993 mais qui étaient restés sur les tablettes depuis. Le parachèvement des règlements proposés demeure en suspens.

    En 1999, un comité directeur chargé des petits bâtiments de pêche a été mis sur pied par le Conseil consultatif maritime canadien (CCMC). Son rôle était d'examiner le régime réglementaire en place et de revoir les projets de règlement qui avaient été élaborés en 1993 mais qui étaient restés sur les tablettes depuis. Le parachèvement des règlements proposés demeure en suspens.

    Analyse

    Introduction

    Un petit bateau en fibre de verre, surtout s'il est peu ou pas chargé, est beaucoup plus léger sur l'eau et plus vulnérable aux vents violents et aux vagues qu'une embarcation de même taille faite de matériaux plus lourds comme du bois.

    Le patron du BPC 127606 pêchait dans la zone 3K bien à l'intérieur de la limite de 12 milles et les filets qu'il avait placés à un demi-mille de la côte se trouvaient dans une zone houleuse au littoral anfractueux, parsemé d'une foule de passes, d'îlots et de hauts-fonds rocheux faisant saillie sur un fond marin au relief accidenté. C'est près de l'un de ces hauts-fonds rocheux qui viennent occasionnellement crever la surface de la mer qu'on a retrouvé le bateau chaviré.

    Chavirement

    Pour rentrer un filet maillant à bord, le patron avait l'habitude d'arrêter le moteur hors-bord et de se placer à l'avant pour aider le membre d'équipage à haler le filet par-dessus de l'avant. Lorsqu'une longueur suffisante de filet se trouvait à bord, le bateau étant retenu par la partie submergée du filet agissant comme ancre de proue, les deux hommes s'affairaient à enlever les débris et le poisson avant de rentrer le reste du filet. Les vents ont dû faire pivoter l'arrière du bateau vers le haut-fond.

    On ne connaît pas exactement les circonstances du chavirement. Lorsque le bateau de pêche a été retrouvé, la tige métallique de guidage verticale était recourbée. Si le filet s'est accroché au fond rocheux, il se peut que les marins-pêcheurs aient enroulé la partie se trouvant tout près de l'eau autour de la tige métallique de guidage verticale à l'arrière dans l'espoir que le soulèvement du bateau arrache le filet du fond. Si le filet s'est soudainement dégagé du fond, le bateau a dû se déplacer brusquement sous l'action du vent, des vagues et probablement de brisants voisins.

    Les avaries à la crosse et à l'hélice montrent que, de toute évidence, le bateau a talonné sur un haut-fond rocheux avant de chavirer.

    Décision de récupérer les filets

    Il est impossible de savoir précisément pourquoi le patron a décidé de récupérer ses filets. Après l'événement, on a d'abord pensé qu'il y avait plusieurs facteurs qui lui offraient une conjoncture favorable pour sortir en mer, mais les conditions rattachées à son permis à des fins de gestion des pêches ont pu exercer une influence préoccupante sur sa décision.

    Les prises avaient été rares dans les jours précédant l'événement et le patron avait décidé de placer un train de filet en eau plus profonde dans l'espoir d'obtenir de meilleurs résultats. Le patron avait l'habitude de relever ses filets quotidiennement afin d'éviter le gaspillage, or ceux-ci étaient mouillés depuis un certain temps. Compte tenu des conditions météorologiques défavorables prévues pour l'après-midi depuis la veille, il a pu vouloir saisir l'occasion de prendre la mer le matin pour récupérer les filets - une tâche d'une durée estimée à deux heures. L'autre option était d'attendre que les conditions météorologiques s'améliorent une fois les coups de vent finis. À la lumière de l'information recueillie et compte tenu de l'expérience du patron, on peut raisonnablement conclure que ce sont ces facteurs opérationnels qui ont le plus pesé dans la décision de prendre la mer. En outre, rien ne permet de croire que le patron n'aurait pu compléter le voyage en toute sécurité si son bateau n'avait pas touché le haut-fond.

    Vers la fin de juillet, avant la fermeture de la période de pêche estivale, des accusations avaient été portées contre 14 marins-pêcheurs locaux. La période de pêche automnale avait débuté le 11 septembre et rien ne permettait de penser que la règle des fins de semaine ne continuerait pas de s'appliquer ou pourrait être assouplie en cas de mauvais temps. Le jour de l'événement, cependant, plusieurs marins-pêcheurs locaux ont obtenu une permission spéciale pour laisser leurs filets en place, ce qui indique que les pouvoirs discrétionnaires des agents de conservation et de protection du MPO étaient généralement connus.

    Bien que la réglementation de la sécurité en mer ne relève pas du MPO, les règles de gestion des pêches peuvent avoir une incidence pour réduire ou augmenter les risques en mer. Il faut penser à la sécurité lors de l'élaboration de la réglementation sur les pêches et, lorsque cette réglementation peut avoir une incidence directe sur les opérations de pêche, elle doit laisser aux marins-pêcheurs une latitude suffisante pour leur permettre d'opter pour une ligne de conduite sûre.

    Sécurité

    Gilets de sauvetage

    Aucun des deux pêcheurs ne portait de gilet de sauvetage normalisé approuvé ou un autre vêtement de flottaison individuel. Selon les témoignages, le patron estimait, comme bon nombre de marins-pêcheurs, que le gilet de sauvetage normalisé approuvé par le ministère des Transports est trop encombrant et empêche celui qui le porte de manier correctement et de façon sûre les engins et l'équipement de pêche à bord d'un petit bateau.

    Transports Canada est conscient de ce problème depuis un certain temps. La Sécurité maritime de Transports Canada travaille à la mise au point d'un gilet de sauvetage normalisé que les marins-pêcheurs pourront porter continuellement sans inconvénient pendant leurs activités de pêche.

    Aide en cas d'urgence

    Les marins-pêcheurs qui se trouvent dans les mêmes parages s'aident les uns les autres dans une situation d'urgence, mais il n'y avait pas d'autres bateaux en mer ce jour-là. Ni le NGCC Cape Roger ni l'hélicoptère SAR ne pouvaient intervenir rapidement. Même le bâtiment local de la GCAC qui est arrivé promptement sur les lieux a dû être alerté par un observateur terrestre qui a aperçu par hasard l'embarcation chavirée environ deux heures après que son retard à rentrer au port a été signalé. Si le patron du BPC 127606 avait eu à sa disposition un quelconque moyen de télécommunication comme une radiobalise de localisation des sinistres (RLS) ou un poste très haute fréquence (VHF) étanche, un signal Mayday aurait pu sauver des vies.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    En relevant des filets par gros temps, le bateau a heurté un haut-fond rocheux, ce qui a provoqué un violent moment inclinant et l'a fait chavirer brusquement.

    Faits établis quant aux risques

    1. Les marins-pêcheurs n'étaient peut-être pas tous conscients du fait que les agents de conservation du MPO avaient le pouvoir discrétionnaire de lever temporairement la règle des fins de semaine.
    2. Un moyen de communication efficace à bord du bateau aurait pu permettre d'obtenir de l'aide.
    3. Aucun des deux marins-pêcheurs ne portait de gilet de sauvetage normalisé approuvé ou un autre vêtement de flottaison qui aurait pu améliorer ses chances de survie dans l'eau.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Pêches et Océans Canada

    Un mois après l'événement, le ministère des Pêches et des Océans a publié un avis aux pêcheurs, NF 259/00, daté du 10 novembre 2000 et intitulé Règlements relatifs aux filets maillants, qui stipule :

    • Le ministère des Pêches et des Océans a été sollicité pour retirer l'exigence de ramener les filets maillants au port chaque samedi.
    • Le MPO considère le relèvement des filets maillants comme une mesure de conservation susceptible de réduire la quantité de poisson gaspillé à cause de filets laissés sans surveillance. Cette volonté de conservation a toujours sa raison d'être, tout spécialement dans la baie de Plaisance où on retrouve aujourd'hui des concentrations élevées d'engins de pêche.
    • Le MPO est aussi préoccupé par la sécurité. Pour des raisons de conservation, l'obligation de retirer les filets de l'eau le samedi est maintenue.
    • Cependant, nous demandons aux marins-pêcheurs de tenir compte des conditions météorologiques en tout temps.
    • Le MPO ne portera pas d'accusation contre des marins-pêcheurs qui n'auront pas respecté cette exigence parce qu'ils auront estimé que les conditions météorologiques rendaient dangereux de prendre la mer pour relever leurs filets.
    • Le MPO continuera d'exercer une surveillance et des mesures d'exécution seront prises en cas de dérogation flagrante à la politique.

    Transports Canada

    Gilets de sauvetage

    Transports Canada travaille à la mise au point d'un nouveau gilet de sauvetage normalisé qui offrira plus de souplesse (c'est-à-dire qui pourra être porté même pendant l'accomplissement des tâches reliés à la pêche), tout en continuant d'assurer un degré élevé de sécurité. La question du transport et du port des gilets de sauvetage est discutée au Comité permanent sur la sécurité des bateaux de pêche du CCMC dans le cadre de la Réforme de la réglementation.

    Aide en cas d'urgence

    Transports Canada est en train de procéder à une étude d'évaluation des risques touchant les dispositions d'alerte en cas de détresse pour les navires de ce type et de cette taille. Le rapport final devrait être achevé pour la réunion de novembre 2003 du CCMC.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A - Photos

    Annexe A. Vue de l'échancrure arrière logeant le moteur hors-bord, avec le haleur de filet et de ligne en arrière-plan
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    Vue de l'échancrure arrière logeant le moteur hors-bord, avec le haleur de filet et de ligne en arrière-plan
    Annexe A. Vue des pâles de l'hélice endommagées
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    Vue des pâles de l'hélice endommagées

    Annexe B - Zone de pêche de 200 milles et limites de pêche de l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest

    Annexe B. Zone de pêche de 200 milles et limites de pêche de l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest
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    Zone de pêche de 200 milles et limites de pêche de l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest

    Appendix B - 200-Mile Fishing Zone and Northern Atlantic Fisheries Organization Fishing Boundaries

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    Appendix B - 200-Mile Fishing Zone and Northern Atlantic Fisheries Organization Fishing Boundaries

    1. Units of measurement in this report conform to International Maritime Organization (IMO) standards or, where there is no such standard, are expressed in the International System (SI) of units.

    2. All times are Newfoundland daylight time (Coordinated Universal Time [UTC] minus two and one-half hours).