Incendie dans la salle des machines tribord
à bord du navire de ravitaillement de plates-formes de forage en mer et de soutien aux opérations de plongée Thebaud Sea
à 70 milles à l'est-sud-est de Halifax
(Nouvelle-Écosse)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Aux petites heures du matin du 3 février 2001, tandis que le Thebaud Sea se dirigeait vers les champs gaziers Sable situés au large de l'île de Sable, un incendie s'est déclaré dans la salle des machines tribord du navire. Les membres de l'équipage ont été rassemblés, après quoi on a rapidement scellé la salle des machines. Une fois tous les membres d'équipage localisés, du CO2 a été libéré dans la salle des machines. Environ deux heures et demie plus tard, après avoir déterminé que le feu était éteint, une équipe de lutte contre les avaries équipée d'extincteurs portatifs et de tuyaux d'incendie est entrée dans la salle des machines tribord. Elle a éteint les foyers d'incendie isolés et a refroidi les points chauds, après quoi on a annoncé que l'incendie était éteint. Plusieurs heures plus tard, l'équipage a été en mesure de rétablir l'alimentation de secours et la puissance de propulsion dans la salle des machines bâbord. Le navire est ensuite rentré à Halifax sous escorte.
Renseignements de base
Fiche technique du navire
« THEBAUD SEA » | |
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Port d'immatriculation | Halifax (Nouvelle-Écosse) |
Pavillon | Canada |
Numéro d'immatriculation / de permis | 821340 |
Type | Navire de ravitaillement de plates-formes de forage en mer et de soutien aux opérations de plongée |
Jauge brute | 2 594 tonneaux |
Longueur | 73,5 mNote de bas de page 1 |
Tirant d'eau | 7,0 m |
Construction | 1999, Escatawpa, Mississippi |
Propulsion | Six moteurs diesels Caterpillar 3516B d'une puissance de 1 901 kilowatts chacun, entraînant deux propulseurs électriques orientables |
Équipage | 13 personnes |
Propriétaire enregistré | Secunda Marine Services Ltd.,Dartmouth (Nouvelle-Écosse) |
Description du navire
Le Thebaud Sea est un navire construit d'acier soudé qui sert au ravitaillement des plates-formes de forage en mer et au soutien des opérations de plongée. Sa superstructure, qui abrite la timonerie, les emménagements et les salles des machines bâbord et tribord, se trouve sur l'avant. Chaque salle des machines compte trois génératrices diesels-électriques (machines principales). Un puits central se trouve juste à l'arrière de la superstructure, et les bassins à boues sèches et liquides sont situés juste à l'arrière du puits central. Les salles des machines bâbord et tribord se trouvent à l'arrière. Le navire est équipé d'un système de positionnement dynamique à double redondance avec capacité pour les opérations de plongée, et a aussi une certification relative à une exploitation avec compartiment moteur sans personnel de quart.
Déroulement du voyage
Le Thebaud Sea quitte le quai de Mobil à Dartmouth (Nouvelle-Écosse) le 2 février 2001 à 20 h 10, heure normale de l'Atlantique (HNA)Note de bas de page 2, à destination des champs gaziers Sable. Le voyage se déroule normalement jusqu'au moment de l'événement. Les vents soufflent du nord-est à 20 noeuds, les creux sont de 1 m à 1,5 m et la température de l'air est de 0 °C. Un peu avant 4 h, le troisième mécanicien se rend au mess pour boire un café après avoir terminé sa ronde dans les salles des machines bâbord et tribord. À 4 h, le système d'alarme des machines retentit et le troisième mécanicien se rend à la salle de commande pour déterminer la cause de l'alarme. Quand il ouvre la porte de la salle des machines tribord, il voit des flammes sortir du grillage d'acier au niveau mezzanine. Il referme immédiatement la porte, revient au vestiaire et actionne l'alarme d'incendie. Il téléphone à la timonerie pour faire part de l'incendie au premier lieutenant. Le premier lieutenant sonne l'alarme générale et diffuse par l'entremise du système de communication interne un message disant qu'un incendie s'est déclaré dans la salle des machines. Pendant ce temps, le troisième mécanicien informe le chef mécanicien et le deuxième mécanicien (qui se reposent dans leur cabine) de la situation tandis que les membres de l'équipage se rendent à leurs postes d'incendie.
Peu après, le capitaine arrive sur la passerelle, prend le commandement et dit au premier lieutenant de se rendre à son poste de rassemblement. On réduit la vitesse du navire et on règle le pilote automatique pour placer le navire face au vent. Pendant que l'équipage se rassemble sur le pont arrière, le chef mécanicien va dans la salle des machines bâbord pour évaluer la situation et pour faire démarrer les deux génératrices principales restantes. Il transfère la charge électrique du tableau de distribution de la salle des machines tribord au tableau de la salle des machines bâbord et isole le tableau tribord. Puis, il gagne son poste de rassemblement et, avec l'accord du capitaine, il actionne le dispositif de coupure à l'admission de carburant de la salle des machines tribord. L'alimentation électrique s'interrompt à ce moment. Il se rend ensuite à la salle de la génératrice d'urgence et met cette dernière en route afin de hâter le rétablissement du courant à bord du navire.
Pour se préparer à libérer du CO2 dans la salle des machines tribord, le capitaine et le chef mécanicien se conforment à une liste de contrôle et confirment que :
- les dispositifs de coupure à l'admission de carburant sont actionnés;
- les ventilateurs d'aération sont arrêtés;
- les registres coupe-feu sont fermés;
- la porte entre les salles des machines bâbord et tribord est fermée;
- la porte étanche entre la salle des machines tribord et l'atelier a été fermée à distance à partir de la passerelle.
Comme le feu continue de brûler dans la salle des machines tribord et que la température augmente, on décide de libérer du CO2 dans le compartiment. À 4 h 14, une fois tous les membres de l'équipage localisés et en sûreté, le capitaine donne l'ordre et le chef mécanicien procède à libérer du CO2 dans la salle des machines tribord. Immédiatement après, le capitaine entre en contact avec le centre de communication de la Sable Offshore Energy Inc. (SOEI) pour l'aviser de la situation. Conformément au protocole de sécurité mis en place, le centre de communication de la SOEI avise les autorités compétentes à terre. À 4 h 18,on confirme que du CO2 a été libéré quand on entend le bruit dû à l'écoulement du gaz dans les conduites d'amenée.
Peu de temps après que du CO2 a été libéré, on entend un sifflement en provenance de la passerelle de navigation. Après enquête sur l'origine du bruit, on constate que des flammes bleues dont la hauteur est estimée à 6 m à 8 m sortent par l'échappement de la génératrice principale no 6. Le capitaine, craignant que le feu se propage aux gaines d'échappement des moteurs, ordonne à l'équipe d'incendie de réserve de gréer les tuyaux d'incendie et de se préparer à arroser les espaces contigus pour les refroidir; toutefois, il s'avère que cela n'est pas nécessaire.
On communique à de nombreuses reprises avec le centre de communication de la SOEI pour l'informer de l'évolution de la situation. À 4 h 28, le navire apprend qu'on a envoyé des ressources de recherche et sauvetage (SAR) chargées de lui prêter main-forte.
Après que du CO2 a été libéré, on voit de la fumée et d'autres gaz visibles s'échapper par le conduit de ventilation de la salle des machines, ce qui indique que les registres du compartiment ne se sont pas fermés et que l'espace n'est pas scellé. Après avoir vérifié les cloisons de la salle des machines tribord, on décide à 5 h de tenter une observation visuelle dans la salle des machines tribord en ouvrant la porte étanche arrière. Après avoir pris des mesures pour pouvoir commander localement la porte étanche, on entrouvre la porte. L'équipe de pompiers perçoit un appel d'air et referme la porte conformément aux ordres du capitaine. Dix minutes plus tard, on entrouvre la porte à nouveau pour faire une seconde observation visuelle. Cette fois, l'équipe signale que la circulation de l'air s'est inversée. On ouvre la porte un peu plus, jusqu'à environ 30 centimètres, mais comme la visibilité est nulle, on referme la porte. L'équipe se retire sur le pont arrière. Le chef mécanicien, qui est en communication avec la passerelle, informe l'équipe qu'il est primordial d'entrer dans la salle des machines tribord et d'y faire une reconnaissance.
À 5 h 33, le chef de l'équipe d'incendie, portant un appareil respiratoire autonome et muni d'un extincteur portatif, entre dans la salle des machines tribord pour la première fois. Il voit des flammes du côté intérieur de la génératrice principale no 4 et vide un extincteur à poudre sèche sur le feu. Il atteint ensuite le niveau de la mezzanine et utilise tout le contenu de son extincteur sur des flammes qu'il remarque dans le secteur, après quoi il revient à l'atelier.
Dix-sept minutes plus tard, une équipe de deux pompiers entre dans la salle des machines tribord pour la deuxième fois et se rend jusqu'au niveau de la mezzanine. À cet endroit, ils attaquent et éteignent les flammes qu'ils voient à l'aide d'extincteurs à poudre sèche. Ils redescendent au niveau inférieur de la salle des machines tribord et utilisent tout le contenu de leurs extincteurs sur un point chaud qu'ils ont remarqué. Ne détectant plus aucun signe de flammes, ils reviennent à l'atelier. À 6 h 21, les membres de l'équipe entrent dans la salle des machines tribord pour la troisième fois, équipés cette fois de tuyaux d'incendie et de lances à jet diffuseur dont ils se servent pour arroser les points chauds éventuels. L'équipe inspecte d'abord la mezzanine, puis le niveau inférieur. L'équipe continue d'arroser le secteur pendant qu'elle sort de la salle des machines pour aller remplacer ses bouteilles d'air. Vingt-deux minutes plus tard, on entre pour la quatrième fois dans la salle des machines tribord pour refroidir les points chauds qui restent. On confirme l'extinction de l'incendie à ce moment.
À 7 h 23, le navire canadien de Sa Majesté (NCSM) St. John's, la première ressource SAR dépêchée par le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (CCCOS) de Halifax, arrive sur les lieux et envoie à bord du Thebaud Sea une équipe de militaires chargée de prêter main-forte à l'équipage du navire. À 8 h 48, les membres d'une équipe de pompiers comptant des membres du personnel du navire et des militaires entrent dans la salle des machines tribord après s'être munis d'équipement de détection par imagerie thermique et d'évaluation de la qualité de l'air; l'équipe fait savoir que le feu est éteint, qu'il n'y a plus de points chauds et que l'atmosphère est nettoyée. Une fois la reconnaissance terminée, l'équipe de pompiers quitte la salle des machines et on commence à ventiler le navire pour extraire la fumée qui reste à bord.
À 9 h 25, le service machines met en route les trois génératrices principales de la salle des machines bâbord. On remet en route le système de propulsion bâbord ainsi qu'un propulseur d'étrave et un appareil à gouverner. Une fois les vérifications et les essais nécessaires terminés, l'équipe de militaires quitte le navire et le CCCOS de Halifax libère le NCSM St. John's.
À 11 h 15, le Thebaud Sea se remet en route et rentre à Halifax en se faisant escorter par le garde-côte Sambro de la Garde côtière canadienne (GCC) et le Venture Sea. À son arrivée à Halifax, il s'amarre au quai de Mobil à 21 h 30.
Exercices d'embarcation et d'incendie
Le règlement stipule que des exercices d'embarcation et d'incendie doivent avoir lieu à des intervalles d'au plus un moisNote de bas de page 3, mais le manuel de sécurité de la compagnie exigeait qu'on tienne des exercices hebdomadaires à bord de tous les navires engagés dans des activités au large.
Opérations de recherche et sauvetage
Au moment où l'on a libéré du CO2 dans la salle des machines, le navire a appelé le centre de communication de la SOEI pour l'informer de la situation. La SOEI a relayé l'information au CCCOS de Halifax, lequel a immédiatement demandé à un hélicoptère SAR, un avion Hercules, un destroyer et deux garde-côtes SAR de la GCC de venir en aide au navire en difficulté. Pendant qu'on préparait les deux aéronefs au décollage, le navire a fait savoir que le feu était maîtrisé, si bien que la sortie des aéronefs a été suspendue.
À son arrivée à pied d'oeuvre, le NCSM St. John's a offert au Thebaud Sea d'envoyer à son bord une équipe complète de lutte contre l'incendie, équipée d'appareils de contrôle de la qualité de l'air et d'un appareil de thermographie infrarouge. Comme l'incendie était maîtrisé à ce moment, le capitaine du Thebaud Sea a profité de la présence du personnel militaire et de son équipement pour aider l'équipage de son navire à explorer l'intérieur de la salle des machines tribord et à en évaluer l'état. Grâce à la compatibilité des appareils respiratoires autonomes (ARA) employés par les navires, on a pu utiliser l'équipement sans interruption pendant la lutte contre l'incendie.
Les garde-côtes Bickerton et Sambro de la GCC et le Venture Sea sont arrivés à pied d'oeuvre à 9 h 10. Comme leur aide directe n'était pas nécessaire, on a demandé aux deux garde-côtes de rester en attente.
Avaries subies par le navire
L'incendie a causé des dommages considérables à la partie avant de la salle des machines tribord et à la mezzanine. La plupart des câbles électriques ont été gravement altérés, sinon détruits. Le treillis en acier qui surmontait directement la génératrice principale no 4 a subi une distorsion marquée. Le feu a endommagé la peinture au niveau de la mezzanine qui surplombait directement la génératrice principale no 4. À cause de la chaleur, la peinture qui recouvrait la cloison séparant les mezzanines bâbord et tribord a noirci et a cloqué dans la salle des machines bâbord.
Les avaries causées par le feu à la génératrice principale no 4 ont affecté surtout la partie avant de la génératrice, en l'occurrence le préfiltre à carburant et le filtre à carburant secondaire, le collecteur d'eau douce, l'amortisseur de vibrations et divers accessoires et faisceaux de câbles montés sur la génératrice.
Certificats du navire, brevets de l'équipage et expérience du personnel
Le Thebaud Sea était un navire neuf qui était en service depuis 15 mois lors de l'événement. Les certificats du navire, son armement en équipage, son équipement et son exploitation étaient conformes à la réglementation qui régit les navires de sa taille et de son type et les opérations auxquelles il était affecté.
Par le passé, le capitaine avait commandé divers remorqueurs et navires hauturiers depuis 1978. Le chef mécanicien avait servi à bord de différents navires depuis environ 25 ans, et le troisième mécanicien comptait une quinzaine d'années d'expérience à titre de responsable du quart dans la salle des machines.
Les membres de l'équipage du Thebaud Sea avaient tous suivi la formation sur les fonctions d'urgence en mer (FUM).
Entretien des génératrices principales
La génératrice principale no 4 avait cumulé 5 737 heures de fonctionnement lors de l'événement. Les dossiers d'entretien ont indiqué que la génératrice du navire avait été inspectée et entretenue conformément aux recommandations du fabricant. La dernière inspection avait été faite 232 heures avant l'événement et elle n'avait révélé aucune anomalie de fonctionnement.
Examen de la génératrice principale no 4
Les enquêteurs du BST ont inspecté la génératrice principale no 4 au matin du 4 février 2001. Le logement du préfiltre à carburant couvre toute la largeur de la génératrice et se trouve un peu sur l'avant de la génératrice et sur l'arrière du collecteur d'eau douce. Le filtre à carburant secondaire couvre la moitié de la largeur de la génératrice et se trouve directement au-dessus du logement du préfiltre à carburant, du côté intérieur de la génératrice. Les inspecteurs ont découvert le robinet de sélection carburant dans la position « MAIN RUN » (alimentation principale), ce qui indique que le préfiltre à carburant était en service au moment de l'événement. Directement à l'arrière des logements du préfiltre et du filtre à carburant secondaire, on trouve les culasses des cylindres, un refroidisseur d'air de suralimentation et les collecteurs d'échappement dotés d'un bouclier thermique. Les deux collecteurs d'échappement, qui atteignent des températures de l'ordre de 1 150 °F (620 °C), se trouvent à environ 60 cm de la conduite d'alimentation en carburant qui s'est brisée.
La partie de la génératrice qui se trouve au droit des filtres à carburant, le collecteur d'eau douce et les culasses situées à l'avant du moteur étaient carbonisés et couverts de suie et de débris tombés à travers le treillis situé au-dessus. On a relevé un secteur de « combustion propre » situé directement au-dessus des filtres à carburant, au droit des sections tordues du treillis d'acier. Des dépôts de suie huileuse indiquaient que du carburant s'était écoulé sur l'avant de la génératrice. L'observation des marques de la suie, des pièces carbonisées et des dégâts causés à la génératrice indique que le feu a fait rage derrière le collecteur d'eau douce de la génératrice, et s'est propagé vers l'arrière en direction des collecteurs d'échappement placés entre les rangées de cylindres.
Préfiltre à carburant
L'inspection du préfiltre à carburant a permis de constater qu'une conduite composite de détection de pression de carburant, constituée d'un tuyau hydraulique et d'un tube de cuivre, s'était rompue au droit du tuyau hydraulique. On a retrouvé les deux raccords d'extrémité du tuyau hydraulique fixés au préfiltre à carburant et au tube en cuivre, respectivement. Le tuyau hydraulique fortement carbonisé était détaché des deux raccords et se trouvait sur le dessus de la génératrice.
Filtre à carburant secondaire
L'inspection du filtre à carburant secondaire a révélé que le coude à sortie latérale de la conduite de carburant s'était séparé partiellement du couvercle. À cause de cette séparation, un joint torique, qui se trouve normalement à l'intérieur du couvercle d'extrémité du filtre à carburant et est normalement complètement caché, était bien visible. Quand on a retiré la conduite d'alimentation secondaire de la génératrice, on a relevé des dommages étendus aux filets du raccord coudé et du couvercle d'extrémité.
Défaillance du raccordement d'arrivée de carburant
Au cours de l'enquête, le raccordement d'arrivée de carburant défectueux et la conduite flexible de carburant qui a été endommagée ont été envoyés au Laboratoire technique du BST à des fins d'évaluation. Après avoir fait un examen et une analyse poussés des pièces, le laboratoire en est venu aux conclusions exposées ci-après, publiées dans le rapport technique LP 16/2001 :
- La séparation du raccord coudé à 90° a été causée par une usure étendue des filets du raccord coudé et des filets internes du couvercle d'extrémité du filtre à carburant. L'usure en question a probablement résulté d'un serrage insuffisant ou du desserrage du contre-écrou. Le manque de serrage initial du raccordement entre les filets droits du raccord et les filets légèrement coniques du couvercle a dû faciliter le
- mouvement relatif des filets sous l'effet des vibrations engendrées par le fonctionnement normal de la génératrice.Il semblerait que le combustible qui a alimenté le feu se soit écoulé en fuyant entre les filets altérés.
- Il semble que les tuyaux employés dans la génératrice aient été du modèle approprié pour une utilisation dans des circuits d'alimentation sous pression de moteurs marins.
- On croit que le tuyau de carburant qu'on a retrouvé détaché des autres raccords s'est brisé après que le feu eut brûlé pendant un certain temps.
Système d'alarme et de surveillance
Les machines principales et auxiliaires et le système de détection des incendies sont contrôlés par un système d'alarme et de surveillance à enregistrement de données. Quand un des paramètres du système dépasse une limite prédéterminée, le système d'alarme détecte l'anomalie et entre en état d'alarme, déclenchant alors une alarme sonore et visuelle. L'annulation de l'alarme est un processus en deux étapes qui consiste à désactiver d'abord le signal d'alarme puis à accuser réception de l'alarme. La désactivation du signal permet seulement d'annuler les signaux sonores et visuels. Pour réenclencher le système d'alarme de façon qu'il puisse détecter une autre situation dangereuse, il faut accuser réception de l'alarme.
L'examen de l'imprimé de l'enregistreur de données du système d'alarme et de surveillance a révélé que de nombreuses alarmes de basse pression de carburant s'étaient déclenchées sur la génératrice principale no 4 au cours des deux mois précédents. Après chaque alarme, on vérifiait visuellement la pression de carburant de la génératrice pour déterminer si l'alarme était fondée. Chaque fois, les mécaniciens constataient que la pression de carburant était normale et qu'il s'agissait d'une fausse alarme. Pour éviter la répétition des fausses alarmes, il était courant de désactiver l'alarme, mais de ne pas en accuser réception. En raison de cette façon de procéder, la fonction de surveillance de la pression de carburant était inactive. On a noté qu'environ cinq heures et demie avant l'événement, la génératrice principale no 4 avait été l'objet d'une alarme de basse pression de carburant qui avait été désactivée, mais dont on n'avait pas accusé réception et qui n'avait pas été réenclenchée. Pour cette raison, la basse pression de carburant n'était pas contrôlée par le système d'alarme et de surveillance au moment de l'incendie.
La pression de carburant normale de la génératrice principale no 4 est de 4 bars, tandis que l'alarme de basse pression de carburant est réglée à 2,0 bars. Le débit nominal minimum de la pompe de suralimentation en carburant est de 1 260 litres par heure. Lors de l'événement, la consommation spécifique de carburant de la génératrice était estimée à 310 litres par heure.
Système d'arrêt d'urgence de l'alimentation en carburant
Le navire est équipé d'un système de vannes à fermeture rapide à commande manuelle et à fonctionnement hydraulique. Le système est relié par des tubes et une série de robinets de purge à des vannes de sectionnement à fermeture rapide, dans les salles des machines bâbord et tribord. Les vannes à fermeture rapide reliées aux caisses journalières bâbord et tribord servent à interrompre rapidement l'arrivée de carburant en provenance de la citerne sélectionnée, en cas d'urgence. Pour empêcher le fonctionnement accidentel des vannes à fermeture rapide, les robinets de purge restent normalement en position ouverte. On prévient ainsi l'accumulation de pression dans les conduites de signalisation lorsque la température augmente en permettant au carburant contenu dans les conduites de prendre de l'expansion et de refouler vers le petit collecteur. Pour actionner ou fermer une vanne, on laisse ouvert le robinet de purge approprié et on ferme tous les autres robinets de purge. Une petite pompe hydraulique actionnée à la main produit dans la conduite de signalisation une pression qui actionne un petit piston monté sur le dessus des vannes respectives. La vanne est alors déclenchée ou fermée. Une fois la vanne déclenchée, la seule façon de l'ouvrir oblige à se rendre jusqu'à la vanne et à la réenclencher manuellement.
Système de positionnement dynamique
Le Thebaud Sea est muni d'un système de positionnement dynamique à double redondance pour lequel le Det Norske Veritas a attribué une désignation DYNPOS AUTR. Pour obtenir la désignation AUTR, un navire doit être muni d'un système automatique redondant de maintien en position. Voici certains des avantages d'un système à double redondance :
- le système est conçu de façon à ne pas tomber en panne totale lorsque survient une défectuosité isolée.
- en cas de défectuosité d'un élément du système, les autres éléments ne sont pas affectés.
- l'élément qui fonctionne encore dans le système permet de prendre des mesures correctives quand une panne est détectée.
- en cas de panne de l'ordinateur de traitement, l'ordinateur de secours du système prend automatiquement la relève.
Analyse
Source d'inflammation et provenance du combustible qui a alimenté le feu
Normalement, pour qu'un combustible liquide s'enflamme, il faut qu'il ait dépassé son point d'éclair, ce qui fait que les vapeurs forment un mélange inflammable. Lors de cet événement, deux collecteurs d'échappement atteignant des températures d'environ 1 150 °F (620 °C) se trouvaient à environ 60 cm de raccords défectueux. Il a été déterminé que le point d'éclair du carburant qui alimentait la génératrice était de 68 °C. Si du carburant s'échappe sous pression, comme dans le cas qui nous intéresse, l'inflammation peut se produire à une température inférieure au point d'éclair du combustible, s'il y a une source d'inflammation dont la température est supérieure au point d'éclair du carburant. Étant donné la façon dont le feu a brûlé et la provenance du combustible qui a causé l'inflammation, on considère que les collecteurs d'échappement ont été la source d'inflammation.
Compte tenu de la séparation partielle du raccord de carburant et du boîtier du filtre, combinée à une pression de carburant de 4 bars, on obtiendrait un mélange atomisé qui s'enflammerait facilement. Après l'événement, quand on a rétabli la pression dans le système d'alimentation, le « joint torique » du raccord coudé défectueux a commencé à laisser passer des jets de carburant à une pression de 1,5 bar, soit environ 37,5 % de la pression d'alimentation normale. Compte tenu de la position des collecteurs d'échappement, on considère que le carburant qui s'écoulait du raccord défectueux du boîtier du filtre à carburant secondaire a été la principale source du combustible qui a alimenté le feu.
Une fois le feu établi, un tuyau flexible de carburant faisant partie d'une conduite de signalisation composite qui reliait le préfiltre à carburant à l'interrupteur de basse pression d'alimentation en carburant a brûlé de part en part et s'est rompu. Cela a constitué une source secondaire de combustible pour alimenter le feu.
Incidence de la désactivation du système d'alarme et de surveillance de l'alimentation en carburant
Il est peu probable que l'alarme de faible pression de carburant, même si elle avait été enclenchée, aurait fonctionné au moment opportun avant le début de l'incendie compte tenu :
- de la différence qu'il y avait entre la valeur normale et la valeur d'alerte de pression de carburant,
- que le rapport entre l'alimentation en carburant et la consommation de carburant était supérieur à quatre pour un,
- que la fuite en provenance du raccordement d'arrivée de carburant était relativement petite.
Cause de la panne de courant
Avant le rétablissement de l'alimentation principale et de l'alimentation auxiliaire à bord du navire, le chef mécanicien a inspecté les vannes de carburant à fermeture rapide et a constaté que les vannes menant aux deux salles des machines étaient en position de coupure de carburant. Toutes les machines des salles des machines bâbord et tribord ont alors manqué de carburant, ce qui a causé la panne de courant. La panne est survenue au moment où le dispositif de coupure de carburant de la salle des machines tribord était actionné. Cela donne à penser que le déclenchement accidentel du dispositif de coupure de carburant de la salle des machines bâbord se serait produit à peu près à ce moment-là et aurait été responsable de la panne de courant.
Une génératrice d'urgence est censée démarrer et se mettre en charge automatiquement dès qu'une panne de courant se produit. Comme le temps pressait, le chef mécanicien est intervenu et a effectué la manoeuvre manuellement.
Ventilation d'extraction des salles des machines
Quand ils ont été montés à l'origine au chantier maritime, les registres de ventilation d'extraction de la salle des machines étaient conçus pour qu'on puisse les actionner à distance au moyen d'un solénoïde. Idéalement, un système de ce genre devrait être conçu pour que les registres se ferment en cas de panne de courant (« à fermeture en cas d'avarie »). Lors des radoubs consécutifs à l'incendie, on a constaté que les registres de ventilation étaient restés ouverts lors de la panne de courant (« en position ouverte en cas d'avarie »), c'est-à-dire qu'un courant électrique était nécessaire pour les fermer.
Il est fort probable qu'immédiatement après le début de l'incendie, les fils électriques qui alimentaient le solénoïde ont brûlé et se sont brisés. À la suite de la perte du circuit électrique alimentant le solénoïde, les registres de ventilation aspirante de la salle des machines ont cessé de fonctionner et sont donc restés ouverts.
Intervention d'urgence
Le navire compte deux salles des machines séparées, et seule la vanne de coupure de carburant de la salle des machines tribord avait été actionnée. Comme on avait fait assumer la charge électrique par les trois génératrices principales de la salle des machines bâbord, du carburant devait être disponible pour la salle des machines bâbord. Dès qu'on a actionné le robinet de coupure de carburant de la salle des machines tribord, le navire a subi une panne complète de l'alimentation principale et de l'alimentation auxiliaire. Comme l'effectif de bord était réduit et comme le temps pressait, on a accordé la priorité à l'extinction du feu, si bien qu'il n'y a pas eu d'investigation sur la cause de la panne de courant. Une fois le feu éteint, quand on a fait démarrer les génératrices principales de la salle des machines bâbord, on a découvert que la panne de courant avait été causée par le fait que le robinet d'arrêt de carburant de la salle des machines bâbord avait été actionné par inadvertance. Cela s'est produit soit parce que le robinet de purge de la vanne d'arrêt de carburant de la salle des machines bâbord ne s'est pas fermé complètement, soit parce qu'une pression hydraulique s'est accumulée dans le système d'arrêt de carburant d'urgence bâbord à cause de l'incendie et que cette pression a été suffisante pour actionner la vanne. Dès l'extinction de l'incendie, on a rétabli l'alimentation électrique à partir de la salle des machines bâbord, et le navire a pu rentrer au port par ses propres moyens.
Le regroupement rapide des membres de l'équipage et leur intervention efficace et rapide peuvent être attribués directement à la fréquence des exercices d'intervention d'urgence. Comme ces exercices ont lieu une fois la semaine, en l'occurrence quatre fois plus fréquemment que ce qui est exigé par le règlement, le fait que l'équipage se soit familiarisé avec le navire et ses protocoles et équipements d'urgence a fait en sorte que l'intervention se déroule avec rapidité et efficacité.
Feu dans la cheminée
Il a été impossible de déterminer la cause exacte du feu qui s'est déclaré dans la cheminée de la génératrice principale no 6. Il se peut qu'au moment où le dispositif de coupure à l'admission du carburant a été actionné à distance, la génératrice a baissé de régime, étant privée de carburant. Quand le régulateur a décelé un ralentissement du régime de la génératrice, il a mis les gaz à fond. La génératrice, étant effectivement privée de carburant, a continué à ralentir, ce qui a causé une combustion incomplète du carburant fourni aux cylindres. En raison de cette combustion incomplète, du carburant imbrûlé a pu s'introduire dans le conduit de fumée de la génératrice et s'enflammer sous l'effet de la chaleur due à l'incendie.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le combustible qui a alimenté le feu s'est écoulé du raccord à carburant brisé du filtre à carburant secondaire.
- La défaillance du raccord d'alimentation en carburant a été causée par le desserrage du contre-écrou du raccord coudé et le mouvement relatif des deux pièces.
- Les collecteurs d'échappement de la génératrice ont été les sources d'inflammation.
- La rupture et la combustion de la conduite de signalisation de pression de carburant entre le préfiltre de carburant et l'interrupteur d'alarme de basse pression de carburant ont constitué une source secondaire de combustible.
Faits établis quant aux risques
- La combinaison de pièces à filetage cylindrique et de pièces à filetage conique dans un système sous pression peut occasionner des fuites dans certaines circonstances.
- Les registres de ventilation d'extraction des salles des machines ont été installés de telle façon qu'il fallait un courant électrique pour les actionner (fermer).
Autres faits établis
- Le regroupement rapide des membres de l'équipage et leur intervention efficace et rapide peuvent être attribués directement à la fréquence des exercices d'intervention d'urgence.
- La fermeture par inadvertance de la vanne de coupure de carburant de la salle des machines bâbord a causé la panne de courant à bord du navire.
- Il a été impossible de déterminer la cause exacte de l'incendie qui a brûlé dans la cheminée de la génératrice principale no 6.
Mesures de sécurité
Mesures prises par le BST
Le 25 avril 2001, on a fait parvenir un exemplaire du rapport technique LP 16/2001 au fabricant de la génératrice et aux propriétaires du Thebaud Sea pour qu'ils en prennent connaissance et qu'ils appliquent les mesures correctives appropriées.
Mesures prises par les propriétaires du navire
On a fait une inspection complète de tous les raccords de carburant similaires à celui qui a connu une défaillance sur les cinq autres génératrices du Thebaud Sea. L'inspection n'a pas révélé d'autres problèmes au niveau des raccords.
Les propriétaires ont diffusé un bulletin de sécurité destiné au personnel de tous leurs navires, dans lequel on donne des instructions sur l'inspection des systèmes d'alimentation en carburant de la marque spécifique de génératrice.
On a déplacé les interrupteurs de pression de carburant de façon qu'il ne soit plus nécessaire de faire passer une conduite de carburant sous pression près du collecteur d'échappement.
On a installé des pare-éclaboussures sur les filtres à carburant pour faire en sorte que le carburant soit dévié vers le fond de cale si une fuite de carburant se produit.
Les solénoïdes des registres de ventilation d'extraction des salles des machines ont été remplacés par des dispositifs non électrifiés à fermeture manuelle (avertisseur d'incendie).
Mesures prises par Transports Canada
Par le passé, la Sécurité maritime de Transports Canada (SMTC) a publié deux bulletins de la sécurité des navires (BSN) portant sur des questions similaires à celles qui ont été en cause dans l'événement à l'étude, en l'occurrence le BSN no 13/1985 - Précautions contre les incendies - tuyaux de carburant et raccords, publié le 18 juillet, et le BSN no 08/2000 - Précautions à prendre contre les risques d'incendie associés au mazout, à l'huile de graissage, aux tuyaux et aux raccords, publié le 22 juin 2000.
Ces BSN portaient sur la possibilité de doter les raccords de boucliers destinés à contenir ou à faire dévier les projections de combustible en cas de rupture des conduites ou de fuite, ainsi que sur l'intégrité et l'état de ces conduites. Pour mettre en évidence les dangers potentiels dont il est question dans les BSN, la SMTC inscrira les questions abordées dans les BSN au programme de la séance de novembre 2002 du comité permanent de la construction et de l'équipement du Conseil consultatif maritime canadien.
Mesures prises par le fabricant
À ce jour, le BST n'a pas été informé de mesures de sécurité mises en place par le fabricant.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A -Croquis représentant le secteur de l'événement
Annexe B - Liste des rapports pertinents
Le Laboratoire technique du BST a rédigé le rapport suivant :
- LP 16/2001 - Fuel Hose Connections (Connexions de tuyaux de carburant).
On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Annexe C - Sigles et abréviations
- ARA
- appareil respiratoire autonome
- BSN
- Bulletin de la sécurité des navires
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- C
- Celsius
- CCCOS
- Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage
- cm
- centimètre(s)
- CO2
- dioxyde de carbone
- F
- Farenheit
- FUM
- fonctions d'urgence en mer
- HNA
- heure normale de l'Atlantique
- m
- mètre(s)
- NCSM
- navire canadien de Sa Majesté
- SAR
- recherche et sauvetage
- SMTC
- Sécurité maritime de Transports Canada
- SOEI
- Sable Offshore Energy Incorporated
- ′
- minute(s)
- °
- degré(s)