Échouement
du transporteur de marchandises générales Vaasaborg
au large de l'île de Grâce (Québec)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Par temps clair le 22 mai 2002, le Vaasaborg remonte le fleuve Saint-Laurent en direction de Menominee (Michigan), aux États-Unis.
Le pilote vient de signaler que le navire se trouve au point d'appel île des Barques lorsqu'il remarque que le cap n'a pas changé même s'il a modifié le cap ordonné de un degré sur le pilote automatique. Lorsque le pilote essaie une deuxième fois de changer le cap, la proue du navire fait une embardée sur tribord. Les mesures pour ramener la barre sur bâbord sont retardées. On ordonne de mettre la machine en arrière toute et on dit à l'officier de quart de mouiller l'ancre. À 10 h 5, le navire s'échoue du côté nord du chenal au large de l'île de Grâce.
On essaie en vain de renflouer le navire. Le navire est allégé et, le 29 mai 2002, le Vaasaborg est renfloué. L'événement n'a pas causé de pollution ni de dommages importants et personne n'a été blessé.
Renseignements de base
Renseignements sur le navire
Nom du navire | « Vaasaborg » | |
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Numéro Officiel | 6644 | |
Port d'attache | Delfzijl, aux Pays-Bas | |
Pavillon | Pays-Bas | |
Type | Transporteur de marchandises générales | |
Jauge brute | 6 130 | |
LongueurNote de bas de page 1 | 132,23 m | |
Tirant d'eau | Av. : 6,97 m | Arr. : 7,05 m |
Construction | 2000, Bodewes Scheepswerf « Volharding » Foxhol B.V. Foxhol, aux Pays-Bas | |
Propulsion | Un moteur diesel Wartsila de 3 960 kW entraînant une hélice à pas variable | |
Cargaison | 7 997 tonnes métriques de pâte au sulphate blanchie de pin et de bouleau | |
Équipage | 11 personnes | |
Propriétaire | Wagenborg Shipping BV, Delfzijl, aux Pays-Bas |
Description du navire
Le Vaasaborg est un petit transporteur de marchandises générales comportant deux cales à marchandises placées à l'avant des emménagements. Une grue à portique sur rails permet de soulever les panneaux d'écoutille et d'effectuer d'autres tâches sur le pont. La salle des machines et les emménagements sont situés à l'arrière.
Description de la timonerie
La timonerie est située sur le dessus de l'étroite superstructure des emménagements. Elle est dotée d'un système de navigation intégré. Il y a un fauteuil de style capitaine de chaque côté du pupitre central. Chaque poste possède un écran radar, mais il n'y a aucun système de visualisation de cartes éélectroniques. Le pupitre de commande central comporte, entre autres, un échosondeur, deux appareils de communication très haute fréquence, un tableau de commande d'interphone, un tableau de commande du moteur de propulsion, deux unités de commande de gouverne à distance, un tableau de commande de pilote automatique et un tableau de commande de gouverne prioritaire à distance. La console de commande de gouverne et de gyropilote est située à l'arrière du pupitre central. Il y a quatre indicateurs d'angle de barre : un au plafond au centre de la timonerie, un sur le tableau d'affichage du pilote automatique et un dans chacun des ailerons de passerelle à la hauteur des portes.
Déroulement du voyage
Le 6 mai 2002, le Vaasaborg quitte Kotka, en Finlande, avec une cargaison de pâte de bois et fait route vers Menominee (Michigan), aux États-Unis.
Le 22 mai 2002, à 7 h 55, heure avancée de l'EstNote de bas de page 2, au large de la station de pilote de Pointe des Ormes, le pilote de Trois-Rivières à Montréal monte à bord du navire. En se rendant sur la passerelle, il croise le pilote de Québec à Trois-Rivières qui l'informe que l'erreur gyroscopique est de moins 4° et que le navire a une vitesse de croisière de 14 noeuds.
À son arrivée sur la passerelle, le pilote a une conversation avec le capitaine et il est entendu entre autres que le pilote utiliserait le pilote automatique pour gouverner le navire. Le capitaine explique brièvement le fonctionnement du pilote automatique au pilote, car ce dernier ne connaît pas le modèle utilisé à bord. Plus précisément, le capitaine explique au pilote que les touches flèches du clavier tactile du pilote automatique permettent de changer le cap de 1° et que le bouton tournant au centre permet de le changer de ½°. Le pilote assume la conduite du navire. Il place alors le transmetteur d'ordres en avant toute et entreprend de piloter le navire jusqu'à Montréal (Québec) en utilisant le pilote automatique pour gouverner le navire.
À l'approche de l'île des Barques et près de la bouée S120, le pilote voit le navire de la Garde côtière canadienne F.C.G. Smith qui effectue des sondages sur la route vers Sainte-Anne-de-Sorel (232° vrai). Afin de contourner ce navire, le pilote oriente le Vaasaborg sur tribord vers le côté nord du chenal et, une fois le navire dépassé, ramène le navire sur bâbord pour revenir vers le centre du chenal. La position du navire est signalée aux Services de communication et de trafic maritimes au point d'appel no 21 vers 9 h 59. En observant les balises de Sainte-Anne-de-Sorel, le pilote évalue que le navire est légèrement au sud du centre du chenal. Il essaie de rajuster le cap de 229° à 230°, mais l'indicateur du cap ordonné reste à 229°. Il active par mégarde le contrôle « Trim Man » (« C ») et presse une fois sur la flèche de droite. Cependant, il constate que le cap affiché demeure à 229°. À ce moment-là, le pilote appuie plusieurs fois sur une touche tactile du pilote automatique et le navire commence à tourner sur tribord.
Le pilote informe l'officier de quart que le pilote automatique ne semble pas réagir. L'officier de quart essaie alors de manipuler les commandes du pilote automatique pour corriger la situation, mais sans succès. Par la suite, l'officier de quart passe à la gouverne manuelle et met la deuxième pompe d'appareil à gouverner en marche. À ce moment-là, le navire a déjà dévié de son cap de quelque 80° sur tribord.
Le pilote place le transmetteur d'ordres en marche arrière. Le capitaine, qui se trouve dans le bureau du navire, sent le navire gîter sur bâbord. Il court immédiatement jusqu'à la passerelle. À son arrivée, il voit que l'indicateur d'angle de barre indique que la barre se déplace de tribord toute vers bâbord; il place le transmetteur d'ordres à zéro (stop), puis vers l'arrière. Le capitaine ordonne à l'officier de quart de jeter l'ancre. Malgré ces mesures, vers 10 h 5, à une vitesse par rapport au fond de 11,6 noeuds, le navire s'échoue à l'extérieur du côté nord du chenal, au large de l'île de Grâce. Le navire s'immobilise à la position 46°04′30″ N, 073°01'54″ W, sur un cap de 310,5° gyroscopique (voir la figure 1 et l'annexe A).
Opérations de sauvetage
Des remorqueurs essaient à plusieurs reprises de renflouer le navire, mais sans succès. Le 30 mai 2002, le navire est renfloué après avoir été allégé de 1 816 tonnes métriques de cargaison. Le Vaasaborg descend le fleuve jusqu'au port de Bécancour (Québec) où il est soumis à une inspection de la partie immergée et reprend sa cargaison. Le navire n'a subi aucun dommage évident et reprend son voyage vers Menominee (Michigan), aux États-Unis, le 31 mai 2002.
Tableau de commande du pilote automatique
L'appareil à gouverner du Vaasaborg peut être contrôlé automatiquement au moyen d'un système de pilotage automatique Anschutz, Pilotstar D de type AP01-S01Note de bas de page 3. Le tableau de commande principal du système se trouve sur le pupitre central près du fauteuil capitaine de tribord. Il comporte un écran à affichage à cristaux liquides (ACL), un clavier tactile et un bouton tournant (voir la photo 2). L'écran à affichage à cristaux liquides se divise en deux champs d'application logiques (c.-à-d. un champ de contrôle à gauche et un champ d'exploitation à droite). Le champ de contrôle affiche un indicateur de cap gyroscopique et plusieurs paramètres de réglage de fonctionnement. Le champ d'exploitation comprend un panneau schématique pour les déplacements hors cap et hors route, un indicateur de cap ordonné et un indicateur d'angle de barre avec touches tactiles (A, B, C, D et F) pour sélectionner le mode actif ainsi qu'un bouton tournant (E) pour la présélection du cap ordonné.
La touche de fonction « Auto On/Off » (A) met en marche le contrôleur de cap lorsque le navire est en vitesse de croisière.
La touche de fonction « Track » (B) met en marche le contrôleur de route d'un point de changement de route à un autre.
La touche de fonction « Trim Man » (C) a une double fonction :
- Lorsqu'on appuie une fois sur la touche, le système de pilotage automatique passe en mode de commande manuelle. Les contrôleurs de cap et de route sont désactivés. Le limiteur de mouvement du gouvernail (le nombre de degrés auquel est limité le gouvernail pendant que le système de pilotage automatique est en marche) est désactivé et la position du gouvernail est remise à 0°.
Dans ce mode, la position du gouvernail (barre) est maintenant réglée manuellement au moyen des touches flèches (D et F) ou du bouton tournant (E). Donc, le dispositif fonctionne alors en mode non asservi (de l'anglais non-follow-up). - Lorsqu'on appuie sur la touche une deuxième fois, le contrôleur de cap / « TRIM » est mis en marche. Dans ce mode de fonctionnement, un nouveau cap peut être fixé au moyen du bouton tournant. En utilisant les flèches, le gouvernail peut être réglé pour compenser tout effet de dérive ou déséquilibre marqué. Cependant, d'après le manuel d'utilisation, ceci ne doit être effectué que lorsque le navire se déplace à vitesse réduite.
Fonctionnement de l'appareil à gouverner
L'appareil à gouverner est un système électro-hydraulique comportant deux pistons entraînés par deux pompes identiques. Le gouvernail peut atteindre un angle de 45° sur bâbord et sur tribord et peut être manoeuvré au moyen du pilote automatique à partir de la passerelle, en mode manuel ou automatique. Pour le fonctionnement en mode manuel ou asserviNote de bas de page 4 (de l'anglais follow-up), on utilise un volant situé sur la console de commande de gouverne à l'arrière du pupitre central. Pour le fonctionnement en mode non asserviNote de bas de page 5, il y a, de chaque côté du pupitre central, deux manettes de commande de gouverne à distance. Pour surpasser les dispositifs de commande à distance en cas d'urgence, il y a aussi une manette de mode asservi maximal (de l'anglais full-follow-up) à l'arrière du pupitre central au niveau de la console de commande de gouverne.
Jusqu'à ce que le navire se trouve en situation d'urgence, une seule pompe actionnait l'appareil à gouverner.
À la suite de l'événement, le système de pilotage automatique a été soumis à plusieurs essais. On a découvert qu'il fonctionnait normalement. Avant l'événement, le système fonctionnait également comme il le devait.
Équipe de passerelle
Selon la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, 1978 (STCW), telle que modifiée en 1995 :
- Les administrations doivent appeler l'attention des compagnies, des capitaines, des chefs mécaniciens et de tout le personnel de quart sur les prescriptions, les principes et les directives figurant dans le code STCW qui doivent être observés pour assurer qu'un quart ou des quarts permanents, appropriés compte tenu des circonstances et conditions régnantes, soient continuellement tenus en toute sécurité à bord de tous les navires de mer.Note de bas de page 6
La STCW précise aussi que « l'officier chargé du quart à la passerelle peut assurer seul la veille », mais :
- Les tâches assignées à l'homme de veille et au timonier sont distinctes et l'on ne doit pas considérer le timonier comme préposé à la veille lorsqu'il est à la barre, sauf sur les navires de faible tonnage où l'on a une vue dégagée sur tout l'horizon depuis la barre et où rien ne gêne la vision nocturne ni n'entrave de quelque autre manière le maintien d'une veille satisfaisante.
Pour déterminer la composition de l'équipe de quart à la passerelle, qui peut comprendre des matelots ayant les qualifications appropriées, on doit prendre notamment en considération les facteurs suivants :- pressions inhabituelles que pourraient imposer au quart à la passerelle des circonstances spéciales sur le plan de l'exploitation.Note de bas de page 7
La STCW n'évoque pas expressément l'ajout de membres d'équipage, cette possibilité étant laissée à la discrétion des administrations individuelles. Le manuel de Wagenborg prévoit ce qui suitNote de bas de page 8 :
[TRADUCTION]
- Le capitaine veillera à ce qu'il y ait suffisamment de membres d'équipage pour assurer en toute sécurité le quart à la passerelle.
- Durant la navigation de jour en mer, lorsque les conditions sont normales, l'officier de quart à la passerelle est habituellement suffisant.
- Par visibilité réduite, par mauvais temps, en présence de glace, dans des eaux achalandées ou resserrées ainsi qu'en tout temps la nuit, au moins une vigie capable de prendre la barre en cas d'urgence devrait aussi être sur la passerelle.
- À sa discrétion, le capitaine peut prévoir des officiers et des matelots en plus grand nombre lorsqu'il considère que les circonstances et conditions l'exigent.
Cependant, pour les navires canadiens de taille semblable, les articles 38, 39 et 40 du Règlement sur l'armement en équipage des navires sont plus précis, exigeant deux personnes bien formées pour les fonctions de quart.
Dans le cas du Vaasaborg, l'équipe de passerelle était formée de l'officier de quart et du pilote. Le pilote a changé le cap au moyen des commandes du pilote automatique. Le capitaine montait sur la passerelle de temps en temps. Il n'y avait aucun timonier en service.
Analyse
Embardée à tribord
Puisque le pilote était assis dans le fauteuil capitaine de tribord face au système de navigation intégré et que le tableau de commande du pilote automatique est situé du côté tribord du pupitre central, le pilote était la personne la plus proche du tableau. Il était donc pratique qu'il actionne le pilote automatique lorsque des changements de cap étaient requis (c.-à-d. appuyer sur les touches flèches). Le capitaine a expliqué le fonctionnement de base du pilote automatique au pilote sans lui dire explicitement quoi faire, et le pilote a assumé son rôle sans plus de discussion. Le pilote n'a pas exigé la présence d'un timonier et le capitaine n'a pas offert les services d'un timonier.
Sur le tableau de commande du pilote automatique Pilotstar D, les touches de fonction tactiles « Auto On/Off », « Track » et « Trim Man » et les touches flèches (changement de cap) sont identiques du point de vue de la taille et du toucher. La proximité de la touche de fonction « Trim Man » et de la touche flèche de tribord ainsi que le comportement du navire au cours des événements menant à l'échouement portent à croire que le pilote a appuyé par mégarde sur la touche « Trim Man » plutôt que sur la touche flèche de tribord immédiatement avant que le navire ne vire abruptement sur tribord.
En appuyant sur cette touche de fonction, le pilote à désactivé le pilote automatique et a placé le système en mode de contrôle manuel et en mode non asservi. En mode manuel et en mode non asservi, l'indicateur de cap ordonné est désactivé et l'indication ne change pas. Toutes les tentatives ultérieures de rectifier le cap au moyen des flèches avaient en réalité l'effet de commandes au gouvernail. La séquence des événements indique en effet que les gestes posés par le pilote pour retrouver la maîtrise du gouvernail et gouverner sur 230° faisaient en sorte que le gouvernail se déplace de plus en plus sur tribord. Ceci expliquerait pourquoi le navire a abruptement viré sur tribord et dévié de 80° de son cap.
La tâche principale du pilote était de manoeuvrer le navire. Lorsque le pilote automatique n'a pas fonctionné comme prévu et que le navire a commencé à venir sur tribord, la charge de travail du pilote s'est accrue. Étant donné qu'il avait une connaissance limitée du système et qu'il n'a pu déterminer ce qui se passait en regardant l'écran à affichage à cristaux liquides du pilote automatique, il a dû partager son attention entre la conduite du navire et le fonctionnement du pilote automatique pour reprendre le contrôle du navire. Autrement dit, le déplacement du navire sur tribord l'a empêché de se concentrer sur la raison pour laquelle le pilote automatique ne fonctionnait pas comme il l'aurait dû.
En général, les normes de rendement de l'équipement moderne sont excellentes, mais si l'opérateur ne saisit pas l'importance des renseignements fournis, cela peut créer une situation potentiellement dangereuseNote de bas de page 9.
Dans le milieu maritime actuel, il y a un grand nombre de fabricants de matériel de navigation à travers le monde. Même si, en général, des normes de rendement régissent le fonctionnement des systèmes, l'apparence et la fonctionnalité des systèmes de commande ne sont pas normalisées et il n'existe aucune formation réglementaire obligatoire visant à pallier ces inconvénients.
Ne connaissant pas bien cette marque de pilote automatique, le pilote n'a pas compris pourquoi le navire ne réagissait pas à ses ordres et n'a pas pu corriger la situation ni expliquer à l'officier de quart ce qu'il avait fait pour désactiver le système.
Système de gouverne prioritaire de secours
Avant de passer en mode asservi au poste de gouverne et de mettre la deuxième pompe de l'appareil à gouverner en marche, l'officier de quart a essayé sans succès de corriger la situation au moyen des commandes du pilote automatique. L'officier de quart s'est finalement servi du volant de la console de commande de gouverne, mais il était déjà trop tard.
Dans les zones à forte densité de trafic ou dans les voies navigables restreintes, une panne d'appareil à gouverner ou une défaillance du pilote automatique peut s'avérer catastrophique. Parfois, il suffit d'appuyer fermement et au bon moment sur un seul bouton de commande pour éviter un dangerNote de bas de page 10. Un officier de quart doit absolument bien connaître l'utilisation du système de gouverne du navire et de toutes ses commandes. Le seul moyen de s'assurer qu'il comprend bien le fonctionnement du système et qu'il prend rapidement les mesures correctives adéquates en cas d'urgence est de lui offrir des séances de formation à intervalles réguliers. La manette du mode asservi maximal n'a pas été utilisée pour surpasser la commande de barre à tribord du système de pilotage automatique.
Familiarisation avec le matériel de navigation
Les systèmes de navigation intégrés comportent des ressemblances aux consoles pilote-copilote d'aéronefs. Le matériel de navigation est disposé de façon que les commandes soient partagées entre les deux opérateurs. Puisqu'il n'y a que deux personnes responsables du fonctionnement pour ce modèle, il est indispensable que les deux navigateurs soient dûment qualifiés et connaissent bien le matériel de navigation du navire.
Les pilotes d'aéronef doivent suivre de la formation sur simulateur afin de pouvoir bien maîtriser les commandes d'un aéronef donné. Ce type de formation n'est pas offert et ne pourrait pas être offert aux navigateurs et aux pilotes, car le matériel de navigation n'est pas normalisé. Lors du présent événement, l'équipe de passerelle était formée de deux navigateurs professionnels qui devaient travailler en équipe et conduire le navire en toute sécurité le long du fleuve. Les deux navigateurs avaient les qualifications requises pour effectuer le travail, mais la formation qu'ils avaient reçue relativement au fonctionnement de base du matériel de navigation et aux mesures à suivre en cas d'urgence était loin d'être adéquate. Des cours de formation initiale sur le matériel de navigation donnés dans le cadre du programme de formation générale permettent d'assurer la sécurité des transports.
La sécurité et l'effectif à la passerelle dans les zones de pilotage
La Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS)Note de bas de page 11, le Code international de gestion pour la sécurité de l'exploitation des navires et la prévention de la pollution (Code ISM) et le Code des méthodes et pratiques nautiques indiquent tous que le pilotage automatique devrait être mis en mode de gouverne manuelle en temps utile pour faire face en toute sécurité à toute situation potentiellement dangereuse, en particulier dans les zones à forte densité de trafic, lorsque la visibilité est limitée et dans toute autre situation de navigation dangereuse.
Si les seules personnes sur le pont sont le pilote et l'officier de quart dans des eaux resserrées, l'officier de quart aurait au besoin à assumer la gouverne manuelle, ce qui l'empêcherait de jouer son rôle primaire jusqu'à ce qu'un timonier intervienne. De même, si le pilote s'occupe de la gouverne, il serait incapable d'assumer ses fonctions principales. Dans l'événement à l'étude, aucun des trois matelots n'avait été désigné pour se tenir à la barre. Compte tenu des personnes sur la passerelle et comme le capitaine l'a demandé, le pilote s'est chargé de la tâche de gouverner le navire au moyen du pilote automatique. Dans une perspective de meilleures pratiques, et compte tenu du niveau d'automatisation à bord, de la disposition de la passerelle et de la connaissance limitée qu'avait le pilote de ce type de pilote automatique, le pilote n'aurait pas dû avoir la tâche ou l'obligation de gouverner le navire au moyen de cet équipement. « Nonobstant les tâches et obligations qui incombent aux pilotes, leur présence à bord ne décharge pas le capitaine ou l'officier du quart à la passerelle des tâches et obligations qui leur incombent sur le plan de la sécurité du navire . . . . »Note de bas de page 12 Les tâches d'assurer la gouverne et d'utiliser ou d'activer le pilote automatique reviennent à un membre de l'équipage qui connaît bien le matériel de navigation et qui peut accomplir ces tâches en toute sécurité.
La nécessité de prévoir à la passerelle l'effectif nécessaire au transit en toute sécurité d'un navire a été reconnue par l'administration canadienne. Pour un navire canadien de taille semblable, le Règlement sur l'armement en équipage des navires est précis quant à la composition de l'équipe de quart à la passerelle : il exige deux personnes bien formées aux fonctions de quart. Cependant, la STCW n'exige pas expressément des membres d'équipage supplémentaires, la question étant laissée à la discrétion de l'administration de chaque État d'immatriculation. Par ailleurs, comme des mesures peuvent devoir être prises rapidement dans certaines circonstances, les services d'un timonier compétent doivent en tout temps être disponibles pour assumer la gouverne d'un navireNote de bas de page 13. Sur une passerelle, chaque membre de l'équipe de navigation a des tâches précises à accomplir. Dans des conditions normales de fonctionnement en mer, lorsque le pilote automatique est en fonction, le timonier désigné peut effectuer d'autres tâches en plus de gouverner le navire. Dans les voies navigables restreintes, cependant, sa présence au poste de barre est essentielle. Cela n'était pas le cas à bord du Vaasaborg.
Utilisation des unités d'alimentation de l'appareil à gouverner
Même si cela n'a pas été un facteur contributif lors de l'événement à l'étude, une seule pompe d'appareil à gouverner était en fonction lorsque le pilote automatique a été placé en mode manuel.
Les navigateurs devraient reconnaître l'importance de respecter les exigences de la règle 19-1 du chapitre V de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) qui précise que :
- Dans le cas d'un navire muni de plus d'un groupe moteur de l'appareil à gouverner qui sont capables de fonctionner simultanément, au moins deux de ces groupes moteurs doivent fonctionner lorsque le navire se trouve dans une zone où la navigation demande une attention particulière.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Aucun membre de l'équipage du Vaasaborg n'avait été chargé de gouverner le navire et le pilote a entrepris de changer le cap ordonné au moyen du pilote automatique.
- En essayant de changer le cap ordonné, il est fort probable que le pilote a d'abord appuyé accidentellement sur la touche de fonction « Trim Man » plutôt que sur la touche flèche de tribord (changement de cap), désactivant ainsi le pilote automatique et plaçant le système en mode non asservi.
- Lorsque le pilote a appuyé sur la touche flèche de tribord, la barre s'est déplacée graduellement à la position à tribord toute mais l'indication du cap ordonné affichée à l'écran du pilote automatique n'a pas changé.
- Le temps que l'officier de quart place la commande de gouverne en mode asservi à la console de commande de gouverne, le navire avait commencé à venir rapidement sur tribord et il a été impossible de le ramener sur sa route avant qu'il quitte le chenal et s'échoue.
- L'officier de quart n'a pas utilisé le système de gouverne prioritaire de secours qui aurait pu agir plus rapidement pour corriger la situation.
Faits établis quant aux risques
- Le pilote n'avait pas acquis les compétences et les connaissances requises sur l'utilisation du pilote automatique pour pouvoir l'utiliser en toute sécurité dans une situation d'urgence.
- Au moment de la perte de contrôle de gouverne, l'officier de quart ne connaissait pas suffisamment bien le fonctionnement du pilote automatique pour utiliser le mode de gouverne le plus susceptible de lui faire reprendre le contrôle.
- Même si cela n'a pas été un facteur contributif lors de l'événement, une seule pompe de l'appareil à gouverner était en fonction lorsque le navire naviguait dans des eaux resserrées.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
Bureau de la sécurité des transports
En août 2002, la lettre d'information sur la sécurité maritime (MSI) no 08/02, décrivant les tâches accomplies par le pilote autres que celles généralement exécutées et l'utilisation du matériel de navigation sans formation adéquate, a été envoyée à l'Administration de pilotage des Laurentides (APL), aux propriétaires du navire et au Netherlands Shipping Inspectorate, avec copie conforme à Transports Canada.
Administration de pilotage des Laurentides
Sur réception de la lettre d'information sur la sécurité 08/02, l'APL a communiqué avec les pilotes du port de Montréal (circonscription 1.1) et les deux corporations de pilotes, c'est-à-dire Montréal-Québec (circonscription 1) et Québec-Les Escoumins (circonscription 2), recommandant que les pilotes ne gouvernent pas eux-mêmes le navire au moyen d'un pilote automatique, mais exigent les services d'un timonier compétent. L'APL insiste qu'un officier de quart à la passerelle et un timonier compétents de l'effectif du navire se trouvent à la timonerie prêts à gouverner le navire dans les zones de pilotage obligatoire.
Pilotes de l'APL et corporations de pilotes
Comme les pilotes du port de Montréal sont des employés de l'APL, leur observation des recommandations de l'APL est implicite. Cependant, les deux autres corporations ont initialement exprimé des réserves face à la recommandation de l'APL. Après échange de plusieurs lettres, en mai 2004, la Corporation des pilotes du Saint-Laurent central (circonscription 1) a acquiescé à la recommandation de l'APL en informant ses pilotes de respecter la recommandation en ce qui concerne la manipulation des commandes du pilote automatique et la présence d'un timonier à la timonerie.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A - Croquis du secteur de l'événement
Appendices