Incendie et naufrage
du crevettier usine-congélateur Katsheshuk
76 nm à l'est-nord-est de
Belle Isle (Terre-Neuve-et-Labrador)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Dans l'après-midi du 17 mars 2002, alors que le grand bateau de pêche Katsheshuk était immobilisé dans les glaces en attendant que la météo s'améliore, un incendie s'est déclaré dans la partie avant du navire. Après avoir vainement tenté de lutter contre l'incendie, on a décidé d'abandonner le navire. Plusieurs jours plus tard, le remorqueur Atlantic Maple a pris le navire en remorque et a appareillé en direction de St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador). Le remorqueur et le navire remorqué ont rencontré du mauvais temps et ont dû s'abriter dans la baie Trinity. Quand la météo s'est améliorée, le remorqueur et le navire remorqué sont repartis. Le matin du 30 mars 2002, alors qu'il était à environ 6 milles marins au nord-ouest du cap St. Francis (Terre-Neuve-et-Labrador), le Katsheshuk a gîté et a coulé.
Renseignements de base
Fiche technique du navire
« Katsheshuk » (ancien « Ice King », ancien « Atlantic Enterprise ») | |
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Numéro officiel | 808380 |
Port d'attache | Halifax (Nouvelle-Écosse) |
Pavillon | Canada |
Type | crevettier usine-congélateur |
Jauge bruteNote de bas de page 1 | 2674 |
LongueurNote de bas de page 2 | 64,6 m |
Tirant d'eau | 6,25 m |
Construction | Langsten Slip & Batbyggeri A/S, 1987 |
Propulsion | un moteur Caterpillar 3612 de 3750 kW |
Équipage | 30 personnes |
Propriétaire | Katsheshuk Fisheries Limited St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador) |
Description du navire
Le navire a été construit en Norvège en 1987. À l'origine, c'était un chalutier arrière à une seule hélice construit entièrement en acier soudé et équipé pour le traitement et la congélation des pétoncles. La passerelle et les emménagements se trouvaient à l'avant du navire, les installations de transformation étaient à mi- longueur, et la salle des machines était à l'arrière. En 1988, le navire a été importé au Canada où il a reçu un certificat d'immatriculation. En 1991, il a été refondu en crevettier et a été engagé dans des activités de pêche à la crevette sur la côte est du Canada. Son propriétaire actuel l'a acheté en 2001. La coque était subdivisée en sept cloisons étanches transversales; cinq de ces cloisons étanches allaient de la quille jusqu'au niveau du pont principal; la sixième servait de cloison d'abordage et montait jusqu'au pont-abri. Une septième cloison étanche s'étendait du pont principal jusqu'à l'entrepont et séparait la cale réfrigérée avant du pont inférieur (lieu de traitement du poisson). Le plafond du double fond étanche abritant les citernes de ballast s'étendait sur toute la longueur de la cale à poisson. La coque au droit de la salle des machines était à double fond (Figure 1a).
Déroulement du voyage
Le 11 mars 2002 à minuit, heure normale de Terre-Neuve (HNT)Note de bas de page 3, le Katsheshuk appareille de Harbour Grace (Terre-Neuve-et-Labrador) avec un équipage de 30 personnes à destination des lieux de pêche à la crevette situés au large de la côte est du Labrador (Annexe A). Arrivé sur les lieux, le bateau se met à pêcher mais il doit se déplacer pour trouver des crevettes. Le matin du 17 mars 2002, le bateau ne peut pas pêcher à cause du mauvais temps. Le bateau se dirige alors vers l'ouest-sud-ouest et s'engage dans la banquise. À midi, le navire s'arrête dans les glaces en attendant que les conditions s'améliorent. Vers 15 h 45, deux membres de l'équipage qui travaillent sur le pont voient de la fumée s'échapper de la porte G (Figure 2) de la superstructure du pont de chalutage qui donne accès au vestibule. Un des membres de l'équipage va aussitôt prévenir l'officier de quart tandis que l'autre entre dans les emménagements en bas pour avertir l'équipage.
Dès qu'il apprend qu'il y a un incendie, l'officier de quart déclenche l'alarme incendie, mais celle-ci reste silencieuse. Il est bientôt relevé par le capitaine, et il se rend à son poste d'appel. Le capitaine fait une annonce à l'aide du système de sonorisation et déclenche l'alarme générale qui se fait entendre. Le capitaine communique ensuite par radio VHF avec le Newfoundland Otter, le Arctic Endurance et le Ocean Pride qui pêchent dans les parages et les informe qu'il y a un incendie à bord du Katsheshuk et leur demande de l'aide. Toutefois, le capitaine estime qu'il a trop à faire à bord et n'appelle pas la Garde côtière canadienne (GCC) pour signaler la situation.
L'inspection initiale ayant révélé que la fumée provient de la partie avant du bateau, on ferme à distance les portes étanches à glissières par mesure de précaution. Tandis que le capitaine surveille la situation à partir de la timonerie, on se prépare, dans les emménagements de l'entrepont, trois ponts plus bas, à localiser et à combattre l'incendie.
On forme une équipe d'incendie dans la coursive transversale arrière des emménagements de l'entrepont. L'équipe d'incendie comprend un chef d'équipe (qui porte seulement une combinaison de travail et un appareil respiratoire autonome) et une équipe de porte-lance sans appareil respiratoire autonome. Après avoir mis le collecteur d'incendie sous pression, l'équipe d'incendie remonte la coursive bâbord et entre dans la buanderie en passant par la porte A qui.est ouverte (Figure 3a). Le chef d'équipe laisse l'équipe de porte-lance dans la buanderie et entre dans le solarium par la porte C qu'il fixe en position ouverte. Il ouvre ensuite la porte D et entre dans un petit salon rempli de fumée. En ouvrant la porte E ou FNote de bas de page 4, il est surpris par la chaleur et aperçoit des flammes. Il arrose alors les flammes avec sa manche d'incendie droit devant, mais il ne peut continuer que pendant quelques secondes avant que l'équipe de porte-lance (sans appareil respiratoire autonome) lui dise de se replier. Le chef d'équipe d'incendie, qui commence à manquer d'air, laisse tomber sa manche d'incendie dans la buanderie et retourne dans la coursive transversale en laissant certaines portes ouvertes.
Pendant que la première équipe d'incendie se trouve à l'avant, on forme une seconde équipe à l'insu de la première, dans la coursive tribord (Figure 3b). L'équipe comprend un chef d'équipe qui porte des jeans et une chemise à manches courtes ainsi qu'un appareil respiratoire autonome, et une équipe de porte-lance. Tandis que la première équipe se replie, la seconde ouvre la porte B qui mène au solarium, et le chef d'équipe constate que de la chaleur se dégage de cet endroit. Après avoir arrosé le solarium pendant environ une minute, il décide de revenir sur ses pas pour prendre une ligne de sécurité. Il se rend ensuite jusqu'à la porte D. En ouvrant la porte, il aperçoit des flammes blanches qui jaillissent au-dessus de sa tête et lèchent le plafond. Il arrose le feu, mais des débris qui tombent du plafond le forcent à reculer. Les membres de la seconde équipe d'incendie retournent ensuite dans la coursive transversale arrière, en laissant eux aussi des portes ouvertes.
Forcé d'abandonner son plan qui consistait à lutter contre l'incendie de l'intérieur, l'équipage commence à prendre des mesures pour refroidir les cloisonnements de l'extérieur. Pour refroidir le plafond du placard du gaillard d'avant, on fait passer une manche d'incendie jusqu'au pont avant en passant par la timonerie, puis on la fait descendre par un écoutillon (ouverture par laquelle on fait passer les amarres) jusqu'au poste d'amarrage avant. Peu après la mise sous pression de la manche d'incendie, une bride qui retient la manche d'incendie à sa fixation se brise, et l'équipage doit couper la pression pour rattacher la bride. On installe une seconde manche d'incendie sur le pont de chalutage, en prenant soin de diriger son jet vers la cloison transversale située à l'extrémité avant du pont de chalutage. Pendant ce temps, le capitaine entre en contact avec les autres navires dans les parages pour leur demander du matériel additionnel de lutte contre l'incendie. Les autres bateaux de pêche transfèrent des manches d'incendie et des appareils respiratoires autonomes à bord du Katsheshuk, mais les raccords de manche s'avèrent incompatibles et il faut fabriquer un adaptateur pour pouvoir utiliser une des bouches d'incendie du Katsheshuk.
À peu près au même moment, soit quelque 45 minutes après la découverte de l'incendie, le capitaine décide de faire évacuer le personnel non essentiel vers les autres bateaux de pêche dans les parages. On essaie de hisser le canot de sauvetage du navire (Photo 2) à l'aide du bossoir bâbord, mais l'équipage n'arrive pas à faire fonctionner le bossoir. On décide alors d'utiliser la grue tribord. Les membres de l'équipage embarquent dans le canot de sauvetage du bord au pont de gaillard, puis on utilise la grue pour amener le canot et le mettre à l'eau. Après plusieurs opérations de mise à l'eau, on décide d'utiliser l'échelle de pilote pour faire descendre les membres de l'équipage pour embarquer dans le canot de sauvetage du Katsheshuk et dans les embarcations dépêchées par les navires voisins. Lors de cette première évacuation, 24 membres de l'équipage sont évacués sur le Arctic Endurance et le Newfoundland Otter. Comme il va bientôt faire nuit, on décide d'évacuer deux autres membres de l'équipage.
Avec le temps, le navire commence à gîter; un membre de l'équipage enfile alors un équipement de pompier avec appareil respiratoire autonome et entre dans les emménagements de l'entrepont pour couper l'arrivée d'eau dans les manches d'incendie que l'on croit toujours sous pression dans les coursives bâbord et tribord. Il constate que la manche d'incendie bâbord est fermée et que celle de tribord a éclaté. Il ferme la bouche d'incendie qui alimente la manche d'incendie tribord et quitte les emménagements de l'entrepont.
Comme la timonerie commence à s'emplir de fumée, le capitaine décide que les membres de l'équipage qui se trouvent toujours à bord doivent abandonner le navire. On coupe l'alimentation électrique principale et auxiliaire et les quatre membres de l'équipage qui restent enfilent des combinaisons d'immersion et se préparent à abandonner le navire. On jette un radeau de sauvetage gonflable par-dessus bord et on le gonfle pour s'en servir comme abri temporaire. Deux des membres de l'équipage font une chute en descendant l'échelle de pilote. L'un d'entre eux tombe sur la glace et se fracture un pied; l'autre tombe à l'eau, mais est rapidement repêché. Les quatre membres de l'équipage sont évacués sur le Arctic Endurance lors de cette évacuation finale. Environ 3 heures et 45 minutes après le début de l'incendie, le Newfoundland Otter signale l'accident à la GCC pour la première fois par l'intermédiaire des Services de communications et de trafic maritimes (SCTM) de St. Anthony (Terre-Neuve-et-Labrador).
Victimes
Un membre de l'équipage s'est fracturé un pied en tombant de l'échelle de pilote. Un second membre de l'équipage a subi des lacérations à la main quand il a touché du verre brisé en voulant prendre une hache d'incendie.
Sauvetage
Les propriétaires du Katsheshuk ont retenu les services du remorqueur Atlantic Maple pour ramener le navire au port. Quand le remorqueur est arrivé sur les lieux, le navire abandonné avait dérivé au sud sur quelque 168 milles marins. Le matin du 26 mars 2002 (Photo 4), le Atlantic Maple, escorté par le NGCC Henry Larsen, a pris le Katsheshuk en remorque. Le plan original consistait à ramener le navire directement à St. John's (T.-N.-L.), mais, en raison des vents violents, le remorqueur et le navire remorqué ont dû s'abriter dans la baie Trinity et, plus tard, dans la baie Conception.
Au petit matin du 30 mars 2002, la météo étant favorable, le Atlantic Maple appareille avec le Katsheshuk en remorque à destination de St. John's. Vers 6 h 16, l'équipage du Atlantic Maple constate que le Katsheshuk accuse une forte gîte et semble s'enfoncer. À 7 h 26, le Katsheshuk coule à la position 47°54,3′N et 052°49,5′W (Annexe B).
Avaries au navire
Le navire a coulé et a été déclaré perte totale.
Dommages à l'environnement
Les vents et les vagues qui sévissaient au moment du naufrage ont dispersé le combustible, et l'impact sur l'environnement a été jugé minime.
Certificats du navire
Le navire possédait le certificat de chalutier de pêche arrière de la classe 1A1 KMC ICE-1ANote de bas de page 5 qui lui avait été délivré par la société de classification Det Norske Veritas. Le navire avait fait l'objet d'inspections régulières aux termes du Règlement sur l'inspection des grands bateaux de pêche de la Sécurité maritime de Transports Canada. Il possédait les certificats et l'équipement exigés par la réglementation canadienne. Après sa dernière inspection le 29 mars 2001, il avait obtenu un certificat d'inspection SIC 31.
Brevets du personnel
Le capitaine et les officiers du navire étaient titulaires de brevets valides pour les postes qu'ils occupaient et pour le genre de voyage que le navire effectuait. Tous les officiers ainsi que la plupart des membres de l'équipage avaient suivi des cours sur les fonctions d'urgence en mer.
Antécédents du personnel
Le capitaine possédait 27 années d'expérience en mer et environ 7 ans comme capitaine sur différents bateaux de pêche.
Conditions météorologiques
Il est estimé que des vents de 50 noeuds du nord-nord-ouest avec une houle de 4 m étaient présents au moment de l'événement. Au moment du naufrage, il y avait des vents de 15 à 20 noeuds du nord-ouest et la hauteur des vagues était de 1,5 m.
Magasin avant
Le magasin avant était situé dans le coqueron avant, au niveau de l'entrepont. Il était limité par la coque de chaque côté, par le coqueron et le puits aux chaînes au-dessous, par l'aire d'amarrage avant au-dessus, et par une cloison en acier à l'arrière. Il disposait d'une isolation thermique au droit de la coque et il était chauffé par une chaufferette de 5 kWNote de bas de page 6 (440 V c.a.), suspendue au plafond. Un écriteau indiquait que la porte devait être fermée quand le navire était en mer, mais cette porte étanche aux intempéries ainsi que l'issue de secours permettant d'évacuer le compartiment par le haut étaient habituellement laissées en position ouverte. Des fournitures variées étaient entreposées dans ce compartiment, dont des articles de literie (oreillers), du papier hygiénique, des serviettes de papier, des cartons, des produits de nettoyage, des aérosols, des décorations de Noël, des briquettes de charbon et du liquide d'allumage pour barbecue. Selon l'information recueillie, la tenue des lieux laissait à désirer. La veille de l'incendie, plusieurs membres de l'équipage avaient été affectés au nettoyage de ce compartiment, et à la fin des travaux de nettoyage, on a dit que le magasin était plus propre et plus en ordre.
Porte du poste d'amarrage avant
La porte H (Figure 2) qui donnait sur l'aire d'amarrage avant à partir du vestibule du pont-abri était habituellement laissée ouverte.
Exercices d'incendie et d'embarcation
Des exercices d'incendie et d'embarcation avaient lieu régulièrement à bord du navire. Au cours de ces exercices, les membres de l'équipage se rassemblaient à leurs postes d'urgence où ils faisaient l'énoncé de leurs fonctions. Les membres de l'équipage avaient l'habitude d'enfiler leurs combinaisons d'immersion et de vérifier et de lubrifier les fermetures à glissière des combinaisons. On faisait également des exercices visant à familiariser l'équipage avec les appareils respiratoires autonomes et la manière de les porter. Toutefois, lors de l'enquête, aucun des membres de l'équipage ne s'est rappelé avoir fait d'exercice d'incendie où les manches d'incendie avaient été déployées et mises sous pression. De plus, rien n'indique qu'on ait tenu des exercices d'incendie comportant des scénarios visant à familiariser l'équipage avec l'équipement et à favoriser une interaction et une coordination accrues entre les membres d'équipe.
Système de détection d'incendie
Le navire était équipé d'un système automatique de détection d'incendie, relié à des capteurs répartis dans le navire. En cas d'incendie, le capteur détecte la fumée ou la chaleur et transmet un signal (pré-alarme) à la timonerie. Le personnel de la timonerie peut soit accuser réception du signal et en chercher la cause, soit déclencher immédiatement l'alarme incendie. Habituellement, si l'on n'accuse pas réception de la pré-alarme dans un délai pré-établi, le système de détection déclenche automatiquement l'alarme. Souvent, le dispositif d'alarme incendie et le dispositif d'alarme générale sont intégrés au système de sonorisation du bord, de façon qu'il soit possible de désactiver temporairement l'alarme pendant une annonceNote de bas de page 7. À la fin de l'annonce, l'alarme recommence automatiquement à se faire entendre.
Analyse
Panne du système de détection d'incendie
Dès qu'il a appris qu'il y avait un incendie à bord, l'officier de quart a déclenché manuellement le système d'alarme incendie. Peu après, il a été relevé par le capitaine et il a quitté la timonerie pour se rendre à son poste d'appel. Le capitaine s'est vite rendu compte que l'alarme incendie ne s'était pas fait entendre. Il a alors pris le microphone du système de sonorisation du bord pour faire un appel général. Il a également déclenché l'alarme générale. À la fin de l'annonce du capitaine sur le système de sonorisation du bord, l'alarme générale a retenti.
Il a été impossible d'examiner le navire vu qu'il a coulé. Il n'a donc pas été possible de déterminer la cause précise de la panne du système de détection d'incendie. Voici toutefois les deux scénarios les plus probables :
- Une défectuosité du système de détection d'incendie a empêché le système de détecter le feu et de déclencher la pré-alarme ainsi que l'alarme incendie.
- Une défectuosité momentanée du système de sonorisation du bord a neutralisé les dispositifs d'alarme et empêché les alarmes de se faire entendre. La défectuosité s'est corrigée d'elle-même quand le capitaine s'est servi du système de sonorisation du bord.
Notification tardive des autorités
Il s'est écoulé environ 3 heures et 40 minutes entre le moment où l'incendie a été détecté (à 15 h 45) et le moment où il a été signalé au centre des SCTM pour la première fois (à 19 h 25). Lors de l'enquête, le capitaine a indiqué qu'il avait jugé qu'il n'était pas nécessaire d'entrer en contact avec le centre des SCTM puisqu'il y avait trois autres navires dans les parages. De plus, il était très occupé à s'acquitter des fonctions d'urgence dans la timonerie.
On compte d'autres cas où la situation d'urgence n'a pas été signalée aux autorités compétentes dans les meilleurs délais. Notamment, lorsque le bateau de pêche Fame s'est retrouvé dans une situation d'urgence, les autorités n'ont été avisées que 14 heures et demie plus tardNote de bas de page 8. Si la situation d'urgence s'aggrave et qu'on tarde à aviser les autorités, on risque de compromettre la sécurité du personnel et du navire. Comme le succès d'une mission de recherche et sauvetage (SAR) dépend de la rapidité et de l'efficacité avec lesquelles les ressources SAR sont dépêchées, il est essentiel que toute situation d'urgence soit signalée aux autorités dès le début. Le service SAR pourra alors identifier les unités et l'équipement nécessaires, et les préparer et les dépêcher sur les lieux dans les meilleurs délais, si la situation d'urgence s'aggrave ou si une intervention SAR s'avère nécessaire ou si on fait appel à leurs services. Quand le service SAR n'est pas avisé, le navire et l'équipage sont placés dans une situation de vulnérabilité. Si l'on réussit à maîtriser la situation d'urgence et qu'on n'a plus besoin d'assistance, il est toujours possible de suspendre l'intervention SAR.
En août 2001, Transports Canada a publié le Bulletin de la sécurité des navires no 06/2001, intitulé Système mondial de détresse et sécurité en mer (SMDSM) et conseils sur des procédures d'utilisation importantes. Ce bulletin donne, entre autres, des directives aux capitaines en situation de détresse et insiste sur l'importance d'aviser dès que possible les autorités SAR de toute situation qui constitue ou risque de constituer un danger pour la vie humaine. Pour que cette information soit plus facilement accessible aux marins, Transports Canada a égalememt pris des mesures pour que cette information soit publiée dans l'édition annuelle des Aides radio à la navigation maritime de la GCC.
Lieu de l'incendie
Le chef de la première équipe d'incendie a ouvert la porte D et est entré dans un petit salon rempli de fumée. Quand il a ouvert la porte E ou F, il a constaté la présence de chaleur et de flammes. Le chef de la seconde équipe d'incendie s'est rendu jusqu'à la porte D, et quand il a ouvert la porte, il a aperçu des flammes blanches qui jaillissaient au-dessus de sa tête et léchaient le plafond. La porte D permettait d'accéder au compartiment qui abritait les conduits des chaînes. La porte F donnait accès au magasin avant. Il y a donc lieu de croire que le feu a pris naissance dans le compartiment abritant les conduits des chaînes ou dans le magasin avant.
Rien ne permet de penser qu'il y ait eu des produits combustibles et une source d'inflammation dans le compartiment abritant les conduits des chaînes.
Les méthodes de rangement dans le magasin avant laissaient à désirer. Les articles étaient déposés sur le pont ou sur des tablettes et n'étaient pas arrimés. Ils étaient donc susceptibles de se déplacer quand le navire a été ballotté par des vents de 50 noeuds et a affronté une houle de 4 mètres. Dans le magasin, il y avait des produits inflammables comme du liquide d'allumage pour barbecue, des produits chimiques et des produits de nettoyage pouvant produire des vapeurs toxiques dans un espace clos, ainsi que des produits combustibles comme des articles en papier. Tous ces produits combustibles étaient susceptibles d'alimenter un incendie.
La température dans le magasin avant était telle qu'on laissait toujours les portes ouvertes. Comme le magasin était équipé d'une chaufferette de 5 kW et qu'on y gardait des produits hautement inflammables, il y a tout lieu de croire que le feu a pris naissance dans ce compartiment.
Cause de l'incendie
La cause de l'incendie n'a pas pu être établie vu que le navire a coulé.
Exercices d'embarcation et d'incendie
Le navire avait été acheté récemment (à la fin de 2001) et des exercices d'embarcation et d'incendie avaient lieu régulièrement à bord. Toutefois, comme l'équipage avait passé peu de temps à bord (3 ou 4 mois), peu d'exercices d'embarcation et d'incendie avaient été tenus à bord. Malgré les exigences de la réglementationNote de bas de page 9, rien n'indique que l'une ou l'autre des manches d'incendie ait déjà été déployée, inspectée et mise sous pression. Un processus qui prévoit l'inspection et la mise sous pression régulière des manches d'incendie, conformément à la réglementation, permettrait de détecter les défaillances dans les meilleurs délais et de les corriger.
Comme les exercices d'incendie ne comportaient pas de scénarios, les membres de l'équipage ne connaissaient pas très bien les fonctions qu'ils devaient remplir et n'étaient pas vraiment à l'aise dans ces fonctions pour faire face à une véritable situation d'urgence, et ce même s'ils avaient suivi une formation sur les fonctions d'urgence en mer. Par conséquent, l'équipage était mal préparé à exécuter une intervention synchronisée et coordonnée de lutte contre l'incendie.
Lutte contre l'incendie
Les mesures de lutte contre l'incendie qui ont été prises par l'équipage, quoique bien intentionnées, étaient inappropriées et se sont avérées infructueuses. L'examen du rôle d'appel des exercices incendie a révélé que les membres de l'équipage ne se sont pas rendus à leurs postes d'urgence désignés, mais qu'ils ont plutôt pris des mesures chacun de leur côté, si bien que l'intervention n'a pas été coordonnée. En raison de cette situation, ni l'un ni l'autre des chefs d'équipe d'incendie (bâbord et tribord) n'était équipé d'un appareil respiratoire autonome et d'un équipement de pompier, et ni l'un ni l'autre n'a pu rester sur les lieux pour lutter contre l'incendie. L'équipe de porte-lance bâbord avait un équipement de pompier à sa disposition, mais l'équipe de porte-lance tribord n'en avait pas. Il y avait à bord deux équipements de pompier et deux appareils respiratoires autonomes complets, mais un des équipements de pompier n'était pas disponible. Le fait que l'un des équipements de pompier du bord n'était pas disponible peut être attribué en partie au fait que les membres de l'équipage ne se sont pas présentés aux postes d'incendie désignés. Résultat, l'équipement de pompier a été apporté à un autre poste pendant la lutte contre l'incendie.
Vu qu'il y avait deux appareils respiratoires autonomes et deux équipements de pompier à bord, une seule équipe d'incendie avec des membres munis de tout l'équipement de protection nécessaire et portant des appareils respiratoires autonomes aurait été mieux préparée à lutter contre l'incendie et aurait eu de meilleures chances de réussite.
Confinement de l'incendie
On croit que le feu a pris naissance dans un compartiment relativement petitNote de bas de page 10, mais qu'il a rapidement ravagé ce compartiment et a fini par consumer tout le navire. La principale difficulté pour l'équipage qui essayait de lutter contre l'incendie est le fait que plusieurs portes et écoutilles avaient été laissées ouvertes avant le début de l'incendie, et qu'un nombre plus grand encore de portes et d'écoutilles ont été laissées ouvertes après que l'équipage eut renoncé à lutter contre l'incendie de l'intérieur. Le feu s'est alors propagé vers l'arrière, en direction des emménagements de l'entrepont, par la porte étanche de la cloison d'abordage (qui était ouverte). On ne sait pas exactement combien de portes sont restées ouvertes, mais l'enquête révèle que plusieurs portes de la partie avant des emménagements de l'entrepont sont restées ouvertes après la première tentative infructueuse de lutte contre l'incendie. La fumée a envahi l'aire d'amarrage avant en passant par l'issue de secours du placard avant qui était restée ouverte et, à partir de l'aire d'amarrage avant, la fumée a envahi le vestibule du pont-abri par une porte qui avait été laissée ouverte.
Le manque de coordination en matière de lutte contre l'incendie, ainsi que les problèmes touchant certains équipements de lutte contre l'incendie, a freiné les efforts de l'équipage. Ayant dû renoncer à lutter contre le feu directement de l'intérieur, l'équipage a tenté de refroidir les cloisonnements à quatre endroits : à l'avant de la coursive bâbord de l'entrepont, à l'avant de la coursive tribord de l'entrepont, à la cloison avant du pont-abri (pont de chalutage) et sur le pont-abri avant (plafond du placard). On avait installé des moyens de refroidissement à deux endroits dans les emménagements de l'entrepont, mais on a découvert un peu avant l'évacuation finale du navire que la manche d'incendie bâbord était fermée et que la manche d'incendie tribord était défectueuse (elle avait éclaté). De plus, une des manches d'incendie qui servait à arroser la partie avant du pont-abri est devenue inutilisable quand une bride s'est brisée, et il a fallu la réparer.
À court d'équipement, le navire a demandé aux bateaux de pêche dans les parages de lui prêter du matériel de lutte contre l'incendie. Quand on a apporté les manches d'incendie à bord, on a constaté que les raccords des manches d'incendie empruntées n'étaient pas compatibles avec ceux du système de lutte contre l'incendie (bouches d'incendie et manches d'incendie) du Katsheshuk. Il a donc fallu que l'équipage du navire fabrique rapidement un adaptateur pour une des bouches d'incendie.
L'équipage n'a pas pris les mesures nécessaires pour contenir l'incendie. Le confinement permet de lutter efficacement contre un incendie. Les chances de venir à bout de l'incendie auraient été bien meilleures si l'on avait fermé toutes les portes. Grâce au confinement de l'incendie et au refroidissement des cloisonnements, le feu aurait pu s'éteindre de lui-même.
Évacuation du navire
Quand il est devenu impossible de lutter contre l'incendie de l'intérieur, on a décidé de faire évacuer le personnel non essentiel. Au début, l'équipage a utilisé le canot de sauvetage du bord et ceux des navires voisins pour évacuer le Katsheshuk. L'équipage embarquait dans le canot de sauvetage au pont de gaillard, et le canot était amené et mis à l'eau à l'aide de la grue tribord. Seul un nombre limité de personnes pouvait être évacué grâce au canot de sauvetage du bord, car il fallait deux membres d'équipage pour manoeuvrer le canot. On estime que quatre transferts de personnel ont été effectués de cette façon. De peur de manquer d'électricité, on a décidé d'utiliser une échelle de pilote, ce qui a obligé les membres de l'équipage à descendre l'échelle jusqu'à une embarcation de sauvetage qui les attendait le long du bord du navire. Selon l'information recueillie, l'échelle de pilote tribord était en mauvais état en ce sens que de nombreuses marches en bois de l'échelle n'étaient pas solides ou étaient manquantes. De plus, des morceaux de glace flottante heurtaient continuellement le bas de l'échelle et la faisaient se torsader. Deux membres de l'équipage sont tombés de cette échelle pendant l'évacuation.
Canot de sauvetage du bord
Le Katsheshuk avait à son bord un canot de sauvetage de 5,4 m, équipé d'un moteur hors-bord de 40 HP, qui faisait partie de l'équipement de sécurité du navireNote de bas de page 11. Il appert que la télécommande de barre du canot de sauvetage était défectueuse depuis la mi-janvier 2002. Pour pouvoir conduire le canot, on avait improvisé une allonge de barre (Photo 5) qu'on avait reliée au moteur hors-bord. À cause de ce dispositif de fortune, il fallait deux personnes pour conduire le canot; une pour le diriger et une autre pour actionner la commande des gaz.
L'enquête n'a pas permis d'établir la cause de la défectuosité du bossoir bâbord lors de l'évacuation.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Il n'a pas été possible d'établir la cause de l'incendie qui, selon toute vraisemblance, a pris naissance dans le magasin avant.
- Les efforts de lutte contre l'incendie ont été mal coordonnés et se sont avérés inefficaces pour les raisons suivantes :
- plusieurs membres de l'équipage ne se sont pas acquittés des fonctions d'urgence en mer qui leur incombaient en vertu du plan de fonctions d'urgence affiché à bord;
- plusieurs portes étaient ouvertes avant le début des opérations de lutte contre l'incendie, et plusieurs autres portes ont été laissées en position ouverte après la fin des opérations de lutte contre l'incendie;
- les membres des deux équipes de porte-lance ne portaient pas des vêtements appropriés pour lutter contre l'incendie;
- certains équipements de lutte contre l'incendie n'ont pas fonctionné quand on en a eu besoin.
Faits établis quant aux risques
- Les autorités ayant été avisées de la situation d'urgence avec 3 heures et 40 minutes de retard, il a été impossible de dépêcher des ressources de recherche et sauvetage dans les meilleurs délais.
- Contrairement aux exigences de la réglementation, les manches d'incendie n'ont pas été mises à l'essai, ce qui a empêché de détecter rapidement les défaillances et de corriger les problèmes.
- L'échelle de pilote tribord était en mauvais état, ce qui a gêné l'équipage lors de l'abandon du navire et occasionné des blessures à des membres de l'équipage.
- L'habitude de laisser en position ouverte l'issue de secours du magasin avant, ainsi que la porte étanche aux intempéries du magasin avant et la porte menant du poste d'amarrage au vestibule du pont-abri, est une pratique dangereuse.
Autres faits établis
- La télécommande de barre du canot de sauvetage était défectueuse depuis deux mois, au moment de l'événement.
Mesures de sécurité
Préoccupations liées à la sécurité
Exercices d'embarcation et d'incendie à bord des bateaux de pêche
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada a déjà reconnu l'importance de la préparation de l'équipage et de l'efficacité des exercices. Dans la recommandation M94-07, intitulée « Exercices d'embarcation et d'incendie à bord des bateaux de pêche », le Bureau recommandait à Transports Canada de faire en sorte que les propriétaires et les exploitants de bateaux de pêche respectent l'esprit du Règlement sur les exercices d'embarcation et d'incendie en ce qui a trait à la sécurité. En réponse, Transports Canada a publié le Bulletin de la sécurité des navires no 13/1999, intitulé « Rôle d'appel et pratique des manoeuvres d'urgence », dans lequel il rappelle la raison d'être des exercices, à savoir que, pour intervenir efficacement en cas d'urgence en mer et pour maximiser les chances de survie de toutes les personnes concernées, il est impératif d'être préparé à ce genre de situation et de savoir comment réagir.
Des exercices d'embarcation et d'incendie réguliers et conformes à la réglementation permettent à l'équipage de se familiariser avec les mesures à prendre pour réagir aux situations d'urgence susceptibles de survenir à bord. Conformément à l'esprit du Règlement sur les exercices d'embarcation et d'incendie, les exercices qui ont lieu à bord de navires comme le Katsheshuk doivent se dérouler chaque mois, et les membres de l'équipage doivent se familiariser avec les installations du bord et leurs fonctions respectives et recevoir des instructions à ce sujet. Chaque membre de l'équipage doit démontrer qu'il a bien assimilé la formation à cet égard. Les exercices doivent notamment porter sur le déploiement, l'examen et l'essai sous pression des manches d'incendie, sur l'examen des casques et des appareils respiratoires et du matériel connexe de lutte contre l'incendie, etc.
Les exercices sont censés permettre d'améliorer l'efficacité de l'équipage, mais aussi d'assurer la vérification, l'évaluation et le bon état de fonctionnement de l'équipement. Le recours à des exercices présentant des scénarios réalistes permet d'accroître le niveau de préparation et d'efficacité de l'équipage.
Le Bureau est inquiet car, malgré les efforts qui sont faits pour aider les équipages des bateaux de pêche à mieux connaître les équipements et pour leur apprendre comment réagir en cas d'urgence, des accidents comme celui qui est survenu à bord du Katsheshuk continuent de menacer la sécurité des équipages et des navires. Le Bureau continuera de surveiller la situation de près et décidera si des mesures de sécurité supplémentaires doivent être prises.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A - Croquis des lieux de l'accident
Annexe B - Croquis du secteur où le navire a coulé
Annexe C - Sigles et abréviations
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- c.a.
- courant alternatif
- GCC
- Garde côtière canadienne
- kW
- kilowatt
- m
- mètre
- NGCC
- navire de la Garde côtière canadienne
- SAR
- Recherche et sauvetage
- SCTM
- Services de communications et de trafic maritimes
- SIC
- certificat d'inspection
- V
- volt
- VHF
- très haute fréquence
- °
- degré
- ′
- minute