Rapport d'enquête maritime M03W0237

Échouement
du navire porte-conteneurs Cielo del Canada
sur le fleuve Fraser (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 8 novembre 2003, le porte-conteneurs Cielo del Canada appareille du terminal Fraser Surrey Docks sous la conduite d'un pilote côtier de la Colombie-Britannique et s'échoue à marée descendante à 8 h 28 entre les bouées S0 et S2 dans le chenal de navigation balisé.

    Le navire est remis à flot avec l'aide de la marée montante et de remorqueurs et ramené à quai au terminal Fraser Surrey Docks. L'inspection sous-marine effectuée à quai ne révéle aucune avarie évidente à la structure du fond du navire.

    Renseignements de base

    Fiche technique du navire

    Nom « CIELO DEL CANADA »
    Numéro Officiel SSR 4872
    Port d'immatriculation Leer
    Pavillon Allemagne
    Type Navire porte-conteneurs
    Jauge bruteNote de bas de page 1 25 361
    Longueur 207,34 m
    Tirant d'eau Avant : 10,15 m Arrière : 10,25 m
    Construction Novembre 1998 à Wismar en Allemagne
    Propulsion 1 moteur diésel 6 cylindres de 17 220 kW entraînant une hélice à pas fixe
    Capacité de chargement 2470 EVPNote de bas de page 2
    Cargaison 874 containeurs
    Équipage 18 personnes et 2 personnes surnuméraires
    Passagers Aucun
    Propriétaire Hermann Buss GmbH & Cie KG

    Description du navire

    Le Cielo del Canada est un navire porte-conteneurs de 2470 équivalents vingt pieds (EVP) Note de bas de page 2, c'est-à-dire qu'il peut transporter 2470 conteneurs de 20 pieds. Il possède cinq cales. Les logements de l'équipage et la salle des machines sont situés à l'arrière de la cale 5. Il est équipé de trois grues utilisées surtout pour la manutention de la

    Photo 1. Le porte-conteneurs Cielo del Canada
    Image
    Le porte-conteneurs Cielo del Canada

    cargaison. La timonerie est décalée à tribord de l'axe longitudinal du navire en raison de l'angle mort créé par les colonnes de support de grue situées le long de l'axe longitudinal du navire.

    Port du fleuve Fraser

    L'Administration portuaire du fleuve Fraser est l'autorité compétente dans les limites de sa zone portuaire qui s'étend de l'embouchure du bras sud du fleuve Fraser, près de Sand Heads, au ruisseau Kanaka à Maple Ridge, mais exclut le bras nord et le bras central du fleuve Fraser. Les postes d'amarrage en eau profonde sur le fleuve servent principalement pour le transport des produits forestiers, des marchandises générales, des automobiles et du vrac. La profondeur à quai varie de 4,6 m à 11,6 m.

    Déroulement du voyage

    • À 6 h 18, heure normale du Pacifique (HNP)Note de bas de page 3, le 8 novembre 2003, le Cielo del Canada appareille du terminal Fraser Surrey Docks pour se rendre à Oakland (Californie) aux États-Unis avec à son bord un pilote du fleuve Fraser et un pilote côtier de la Colombie-Britannique. Il fait beau, le ciel est dégagé et la mer est ridée.
    • La traversée jusqu'à l'entrée du fleuve Fraser où aura lieu le changement de pilotes prend environ deux heures, une distance d'environ 20 milles marins.
    • Avant le départ, le capitaine et le pilote du fleuve Fraser discutent de la procédure d'appareillage du quai.
    • Le pilote côtier entre dans la timonerie à la hauteur de la bouée S6 pour prendre connaissance de la position du navire, de l'équipement de navigation, ainsi que du trafic dans les parages et à l'approche du fleuve.
    • Le pilote du fleuve utilise les feux d'alignement pour maintenir le navire au milieu du chenal balisé.
    • La relève du pilote fluvial a lieu dans la zone de pilotage obligatoire désignée.
    • Immédiatement après avoir été relevé par le pilote côtier, le pilote fluvial quitte la timonerie et, aidé par l'officier de quart, se dirige vers l'échelle de pilote pour débarquer du navire.
    • Le timonier et le pilote côtier sont sur la passerelle pendant que le capitaine surveille le débarquement du pilote fluvial depuis l'aileron de passerelle tribord. L'allure de la machine est diminuée à en avant très lente pour permettre au pilote fluvial de passer plus facilement dans le bateau-pilote.
    • Pendant que le capitaine et l'officier de quart sont ainsi occupés et que le navire poursuit sa route à vitesse réduite, le navire amorce une abattée sur bâbord. Pour enrayer l'abattée, le pilote ordonne de mettre la barre à droite et de mettre la machine à en avant lente. Cependant, à 8 h 28, le navire s'échoue sur un fond mou dans le chenal balisé, entre les bouées S2 et S0, à la position 49°05′55″N, 123°18′39″W. À la demande du pilote côtier, le pilote fluvial remonte à bord pour aider à la remise à flot du navire.
    Figure 1. Lieu de l'échouement
    Image
    Lieu de l'échouement
    1. Le Cielo del Canada est vidé de son lest liquide et, avec l'assistance de remorqueurs, il est remis à flot à la faveur de la marée montante à 12 h 54, soit environ 4 heures et demie après s'être échoué.
    2. Le navire quitte le fleuve, et à 13 h 42, le pilote côtier débarque du navire. Il y a relève du pilote fluvial avant le voyage de retour au terminal Fraser Surrey Docks où le navire arrive à 16 h 40 pour subir une inspection sous-marine et embarquer d'autres conteneurs.
    3. L'inspection sous-marine effectuée pendant que le navire est amarré à quai ne révèle aucune avarie apparente à la structure du fond du navire, et un inspecteur de Transports Canada autorise le navire à poursuivre son voyage.

    Certificats et brevets

    Certificats du navire

    Le Cielo del Canada a les certificats exigés en vertu de la réglementation en vigueur.

    Le navire possède un certificat de gestion de la sécurité en état de validité, conformément au Code international de gestion pour la sécurité de l'exploitation des navires et la prévention de la pollution.

    Brevets et certificats du personnel

    Le capitaine, les officiers et les autres membres de l'équipage sont titulaires de brevets et de certificats correspondants à la classe du navire et au voyage prévu.

    Le capitaine a 25 années d'expérience comme capitaine de navire de haute mer et effectue son quatrième voyage consécutif sur le fleuve Fraser dans le cadre de son contrat actuel sur le Cielo del Canada.

    Le timonier est un apprenti-timonier ayant terminé deux ans et demi sur sa période d'apprentissage de trois ans.

    Brevets et certificats des pilotes

    Le pilote fluvial est titulaire d'un brevet de capitaine de navire de cabotage d'une jauge inférieure à 350 tonneaux et d'une licence de pilote en état de validité pour la zone concernée (circonscription de pilotage du Pacifique, zone de pilotage obligatoire no 1). Il est pilote sur le fleuve Fraser depuis 1980.

    Le pilote côtier de la Colombie-Britannique est titulaire d'un brevet de capitaine de navire de cabotage d'une jauge inférieure à 350 tonneaux et d'une licence de pilote pour le littoral de la Colombie-Britannique (circonscription de pilotage du Pacifique, zones de pilotage obligatoire nos 2 à 5). Cependant, la zone où s'est échoué le navire ne figure pas parmi les zones pour lesquelles le pilote est autorisé à exercer ses fonctions. Il est pilote côtier de la Colombie-Britannique depuis cinq ans et demi.

    Conditions météorologiques et courants

    Le temps était dégagé, un vent léger soufflait du nord à 8 noeuds et la visibilité était bonne.

    Selon les Tables des marées et courants du Canada, volume 5 du Service hydrographique du Canada (SHC), la marée haute à la pointe Atkinson (le port de référence le plus proche) était prévue pour 5 h 45 et devait atteindre une hauteur de 4,3 m au-dessus du zéro des cartes; la prochaine marée basse était prévue pour 11 h 5 et devait atteindre une hauteur de 3,0 m au-dessus du zéro des cartes. Au moment de l'échouement, la marée était descendante; la hauteur d'eau était à environ 3,66 m au-dessus du zéro des cartes et diminuait.

    D'après le SHC, le courant de surface prévu était un courant portant au sud à une vitesse variant entre 1,5 noeud à la bouée S4 et 0,4 noeud au lieu de l'échouement.

    La carte no 3490 du SHC indique que la profondeur dans les parages du lieu de l'échouement est de 6,7 m au-dessus du zéro des cartes.

    Vitesses et événements ayant mené à l'échouement

    Le navire faisait route à une vitesse estimée à 10 noeuds avec la machine à en avant lente jusqu'à ce que le pilote fluvial soit sur le point de débarquer. La machine a alors été mise à en avant très lente, ce qui est considéré comme la vitesse optimale pour le passage du pilote dans le bateau-pilote.

    On estime que le navire filait 4,6 noeuds au moment de l'échouement. Le pilote côtier savait que le courant portait au sud dans le secteur; il avait prévu que le timonier mettrait de la barre de façon à empêcher le navire d'amorcer une abattée. Le pilote a ordonné au timonier de mettre la barre à droite de 20° puis a donné l'ordre de mettre la machine à en avant lente, mais il était trop tard pour enrayer l'abattée. Alors que le capitaine revenait de l'aileron de passerelle, l'avant du navire s'est soulevé légèrement au contact d'un fond mou. La machine a d'abord été mise à en avant demie, puis à en avant toute, de façon à faire glisser le navire au-dessus du fond mou. Le navire n'a toutefois pas bougé et s'est immobilisé sur un cap au 237° V. Des manoeuvres de barre et de la machine ont ensuite été effectuées dans l'espoir de dégager le navire.

    Gestion des ressources à la passerelle

    Avant l'appareillage, conformément aux procédures de gestion des ressources à la passerelle (GRP), l'échange de renseignements entre le pilote du fleuve Fraser et le capitaine s'est limité aux manoeuvres d'appareillage. Aucun plan de traversée n'a été discuté, et le pilote côtier n'a pas participé à la planification de la traversée.

    Durant la traversée sur le fleuve, le capitaine s'en est remis entièrement au savoir-faire du pilote fluvial et il y a eu très peu d'interaction entre l'équipe à la passerelle et le pilote fluvial. Même si l'officier de quart surveillait la position du navire, le point n'a pas été porté sur la carte.

    Lors du transfert de responsabilité, l'échange de renseignements entre le pilote fluvial et le pilote côtier a été minimal; les renseignements importants sur le courant, la largeur du chenal et les profondeurs n'ont pas été communiqués.

    Lieu du transfert de responsabilité

    La position officielle sur la carte indiquant le lieu du transfert de responsabilité est située à environ 1,8 mille au sud-ouest du phare de Sand Heads.

    Des informations contradictoires ont été recueillies concernant le lieu exact du changement de pilotes. Selon une source, le transfert de responsabilité a eu lieu entre les bouées S2 et S4, mais selon une autre source, il a eu lieu lorsque le navire était par le travers du phare de Sand Heads. Quoi qu'il en soit, la conduite du navire a été confiée à l'autre pilote dans la zone de pilotage obligatoire à laquelle le pilote fluvial était affecté alors que le navire était toujours dans le chenal balisé.

    Le pilote fluvial est autorisé à assurer la conduite de navires dans la zone 1, comprenant le fleuve Fraser et un secteur s'étendant au-delà des bouées d'entrée du fleuve S0 et S1, dans le détroit de Géorgie, et chevauchant la zone 2. Par ailleurs, le pilote côtier est autorisé à assurer la conduite de navires dans la zone 2, mais absolument pas à l'est d'une ligne suivant approximativement un axe nord-sud qui recoupe presque les bouées d'entrée du fleuve S0 et S1.

    Ensablement et curage (affouillement) dans le fleuve

    Le fleuve Fraser est à ses niveaux les plus faibles en janvier, février et mars. Le niveau d'eau du fleuve s'élève en avril lorsque la neige commence à fondre à l'intérieur des terres, atteignant son niveau le plus élevé en juin puis fluctuant autour des niveaux les plus élevés jusqu'à la mi-août. L'eau apporte chaque année environ 32 millions de mètres cubes de sédiments, dont environ 2 millions de mètres cubes sont déposés dans les chenaux de navigation du fleuve Fraser. Les profondeurs changent constamment, certains endroits s'ensablent davantage que d'autres. Le dégagement causé par le courant rapide du fleuve cause aussi de l'affouillement de sorte que durant les périodes de ruissellement maximal, un important remplissage naturel se produit dans le chenal. Des chenaux profonds se créent plus près de la berge, à l'extérieur du chenal principal dragué, et il arrive que les pilotes empruntent ces récents chenaux profonds.

    Les endroits névralgiques qui s'ensablent dans le fleuve Fraser entre le km 0 (l'embouchure) et le km 35 (terminal Fraser Surrey Docks) sont le passage Sand Heads (Sand Heads Reach) (entre les bouées S8 et S0); la courbe de Steveston (Steveston Bend); le passage Steveston (Steveston Cut); la bouée S23; la courbe de Tilbury (Tilbury Bend) (bouée S28); la bouée S32; le pont Alex Fraser et le terminal Fraser Surrey Docks.

    Au sud du principal chenal dragué, entre les bouées S2 et S0, une barre (banc) se développait constamment depuis trois ans avant l'échouement, empiétant graduellement sur le principal chenal de navigation dragué.

    Conception du chenal

    Le chenal est dragué et entretenu conformément aux Lignes directrices pour une conception sécuritaire de chenaux commerciaux et les Lignes directrices sur les manoeuvres dans les voies navigables canadiennes : paramètres de conception d'un chenal. Celles-ci respectent les normes de l'AIPCNNote de bas de page 4, qui permettent une réduction de 20 p. 100 de la largeur du couloir de manoeuvre pourvu que les aides à la navigation soient bonnes ou qu'un pilote soit disponible.

    La Garde côtière canadienne (GCC) prescrit des lignes directrices sur les normes minimales quant aux paramètres de conception et aux limites des principaux chenaux de navigation du fleuve Fraser. La conception est fondée sur les besoins des utilisateurs du fleuve ainsi que sur le lieu et le type des activités de navigation et des activités portuaires sur le fleuve. Dans cette optique, la GCC a conçu un chenal navigable à double sens d'une largeur variant entre 200 m et 300 m et d'une profondeur entretenue de 10,7 m, tenant compte de la tolérance de maréeNote de bas de page 5, de Sand Heads (km 0) au pont Port Mann (km 42).

    Les paramètres sont fondés sur le transit d'un navire cible possédant les caractéristiques d'un navire cargo de haute mer PanamaxNote de bas de page 6, ayant une longueur de 228,6 m, une largeur de 32,3 m et un tirant d'eau de 10,67 m. La profondeur du chenal doit permettre à un navire cible d'accomplir le transit en 2 heures (avec l'effet des marées) 95 p. 100 des jours de toute année.

    Chenal de navigation principal et largeurs draguées

    La largeur du chenal balisé dans le bras sud du fleuve Fraser varie d'environ 250 m à 310 m. La dernière section du fleuve en direction de la mer, entre les bouées S8 et S2 fait environ 310 m de largeur.

    Suivant les lignes directrices sur les normes minimales établies par la GCC, l'Administration portuaire du fleuve Fraser fait l'entretien d'un chenal dragué pour les navires de haute mer comme suit :

    1. L'Administration assure l'entretien d'un chenal extérieur sur une largeur de 200 m à 250 m pour les navires ayant un tirant d'eau maximal de 10,7 m.
    2. L'Administration assure l'entretien d'un chenal intérieur sur une largeur de 130 m à 170 m pour les navires à plus fort tirant d'eau (jusqu'à 11,5 m).

    Levés bathymétriques, cartes de levés et travaux de dragage

    Un plan de sondage et de dragage est dressé pour l'année. Les secteurs sujets aux ensablements fréquents sont dragués plus souvent. Le dragage est toutefois fortement limité du 1er mars à la mi-juin, pour protéger et conserver les habitats de poisson dans le fleuve et éviter d'endommager l'équipement de dragage durant les périodes de ruissellement maximal où le débit de l'eau est plus rapide.

    Lorsque le fleuve ralentit après le ruissellement maximal, il est difficile de faire un suivi de l'état et de l'évolution des sédiments déposés dans les diverses parties du fleuve. Le lit du fleuve change constamment et rapidement, des parties préoccupantes du chenal navigable pouvant s'ensabler en 48 heures.

    Les levés sont effectués par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et l'entretien du chenal dragué est assuré par l'Administration portuaire du fleuve Fraser. La fréquence des levés dépend du débit et du niveau du débit fluvial, la situation étant évaluée d'après le débit à Hope. Des cartes de levés à l'intention des pilotes du fleuve sont habituellement produites et distribuées aux pilotes dans les 36 heures suivant la réalisation du levé.

    La fiche indiquant les profondeurs du fleuve au lieu de l'échouement du Cielo del Canada, utilisée par le pilote du fleuve le 8 novembre 2003, était fondée sur un levé effectué le 17 septembre 2003. Les profondeurs indiquées pour le lieu de l'échouement varient entre 6,2 m et 6,3 m au-dessus du zéro des cartes.

    Renseignements figurant dans les Instructions nautiques et sur la carte no 3490 du Service hydrographique du Canada

    La publication intitulée Sailing Directions, British Columbia Coast (South Portion)Note de bas de page 7 indique :

    DEPTHS - Because of continual changes in the depths of the Fraser River as a result of silting, scouring and dredging, the charts may not show the latest conditions. Surveys are conducted by Public Works Canada.

    Dredging is also carried out at the wharves in Fraser Port. For up-to-date information, particularly when a critical draught is concerned, the owners of the wharf should be contacted.

    [Traduction libre] PROFONDEURS - Du fait du changement constant des profondeurs du fleuve Fraser en raison de l'ensablement, du curage et du dragage, les cartes peuvent ne pas indiquer les conditions les plus récentes. Les levés sont effectués par Travaux publics Canada.

    Des travaux de dragage sont aussi effectués aux quais du port du Fraser. Pour obtenir des renseignements à jour, surtout lorsque le tirant d'eau du navire est préoccupant, il convient de communiquer avec les propriétaires du quai.

    Nota : Pour la version française officielle, le lecteur peut consulter la publication Instructions nautiques - Littoral de la Colombie-Britannique (partie sud).

    La carte no 3490 du Service hydrographique du Canada pour le fleuve Fraser comporte l'avertissement suivant :

    Attention - Les navigateurs prendront garde que les profondeurs carthographiées peuvent changer en raison de l'ensablement, du curage et du dragage.

    Programmation des arrivées et des départs des navires de haute mer

    Les paramètres pour la programmation des arrivées et des départs quotidiens de tous les navires de haute mer qui entrent dans le port du fleuve Fraser ou qui le quittent sont calculés à l'avance par un comité de pilotes de l'Administration de pilotage du Pacifique. Les calculs du comité se fondent sur le livret Schematization of the Fraser River Model (schématisation du modèle du fleuve Fraser), publié chaque année par le Service hydrographique du Canada. Un créneau horaire est calculé pour permettre au navire d'un tirant d'eau donné d'entrer et de sortir du port en toute sécurité. Les calculs prévoient un dégagement sous quille de 1,4 m.

    Analyse

    Observations générales

    Conformément aux paramètres de conception fixés par la GCC, l'Administration portuaire du fleuve Fraser assure l'entretien des chenaux extérieurs et intérieurs dragués sur des largeurs de 200 m à 250 m et de 130 m à 170 m, permettant d'accueillir des navires ayant un tirant d'eau maximal de 10,7 m et de 11,5 m. Cependant, la largeur réelle du chenal balisé dépasse ces limites, atteignant entre 250 m et 310 m, par exemple entre les bouées S8 et S2.

    Cette différence entre la largeur du chenal dragué et la largeur du chenal balisé est connue des pilotes du fleuve. Elle n'est toutefois pas connue de tous et n'est pas mentionnée dans les Instructions nautiques ni sur les cartes du Service hydrographique du Canada pour le fleuve Fraser. Les capitaines et les officiers des navires de haute mer et les pilotes côtiers ne sont donc pas au courant de ces restrictions de largeur.

    Communication de l'information sur les chenaux dragués

    La plus récente information sur les levés des chenaux dragués et les zones d'ensablement est communiquée aux pilotes du fleuve dès que possible dans les 36 heures suivant la réalisation du levé. Cependant, les cartes contenant cette information ne sont pas distribuées à d'autres personnes, comme les pilotes côtiers, et cette information n'est pas mentionnée dans la fiche de renseignements capitaine/pilote à l'intention de l'équipage. Dans le cas du Cielo del Canada, ni le capitaine ni le pilote côtier n'était au courant de la profondeur draguée dans la partie du fleuve où le pilote côtier a assumé la conduite du navire.

    Gestion des ressources à la passerelle (GRP)

    La GRP est la gestion des ressources humaines et techniques dans un contexte maritime opérationnel et elle ne se limite pas à la planification de la traversée. L'efficacité de l'équipe à la la passerelle dépend de sa connaissance des aides à la navigation et de son habileté à gérer des ressources humaines.

    Il arrive fréquemment que les capitaines et les membres d'équipage ne connaissent pas les conditions locales et que les pilotes ignorent les caractéristiques de manoeuvre du navire. En conséquence, l'échange de renseignements doit être le plus exhaustif que possible, de telle sorte que tant le capitaine, qui est responsable de la sécurité du navire, que le pilote, à qui il incombe d'amener le navire à bon port, soient au courant de tous les facteurs qui peuvent influer sur la sécurité de la navigation.

    La pratique veut que le pilote du fleuve remette au capitaine une fiche de renseignements capitaine/pilote sur laquelle sont indiquées la largeur du chenal, l'information sur les marées et les courants pour la traversée ainsi que les points d'arrimage des remorqueurs. (Voir l'Annexe A). Une fiche de renseignements avec ces informations n'a pas été remise au capitaine du Cielo del Canada; cependant, selon l'information recueillie, le pilote du fleuve a discuté avec le capitaine de certains des éléments figurant sur la fiche.

    Le navire s'est échoué à l'intérieur du chenal balisé, entre les bouées S2 et S0 (comme le montre la carte no 3490 du SHC à la Figure 1), où une barre qui se prolongeait dans le chenal dragué était signalée depuis trois ans. Les sondages du fleuve du 17 septembre 2003, auxquels le pilote du fleuve avait accès, indiquaient une profondeur de 6,3 m au-dessus du zéro des cartes à l'endroit où le navire s'est échoué. La tolérance de marée à ce moment était de 3,5 m, pour une profondeur d'eau disponible de 9,8 m. Cette profondeur reste toutefois inférieure aux 10,25 m du tirant d'eau maximal du Cielo del Canada.

    La discussion de cette information au tout début de la traversée, dans le cadre de méthodes de GRP adéquates, aurait fourni au pilote côtier et à l'équipe à la passerelle les renseignements nécessaires pour évaluer le risque et ils auraient eu la possibilité de prévoir des mesures pour assurer que le navire demeure en eau profonde jusqu'à sa sortie de l'estuaire.

    Le départ du pilote du fleuve a réduit l'équipe à la passerelle, ce qui a encore diminué l'efficacité de la GRP. L'officier de quart qui surveillait la traversée a accompagné le pilote du fleuve jusqu'à l'échelle. Le capitaine s'est rendu sur l'aileron de passerelle pour surveiller le transfert du pilote dans le bateau-pilote. L'équipe à la passerelle a alors été réduite de 5 à 2 personnes (le pilote et le timonier) à un moment critique de la traversée.

    Lieu du transfert de responsabilité et sécurité

    La position prévue sur les cartes pour le changement de pilotes est située à environ 1,8 mille au sud-ouest du phare de Sand Heads, mais il s'agit d'un lieu où l'on rencontre souvent du trafic et qui est exposé aux effets du mauvais temps. Il était donc devenu habituel en présence d'un trafic important ou de mauvais temps que le changement de pilotes se fasse sur le fleuve, près de l'embouchure du fleuve. Il semble toutefois que cette pratique était devenue la norme, les pilotes du fleuve confiant prématurément la conduite du navire aux pilotes côtiers même lorsque les conditions ne l'exigeaient pas.

    L'échouement est survenu dans la zone de pilotage obligatoire à laquelle le pilote fluvial était affecté.

    Dans ce cas, le pilote fluvial n'a pas communiqué l'information sur les courants et le chenal, et le pilote côtier n'a pas demandé cette information lors de l'échange de renseignements. L'estuaire à l'embouchure du fleuve est situé à un stade critique de la traversée pour tous les navires à fort tirant d'eau, surtout quand ils se dirigent vers la mer. Les navires doivent naviguer à vitesse réduite durant les changements de pilotes. Comme un changement de pilotes anticipé peut être justifié dans des circonstances particulières, un échange de renseignements le plus exhaustif que possible entre les pilotes et les équipes à la passerelle est essentiel. Il faut indiquer la météo, l'information sur les courants ainsi que la profondeur et la largeur du chenal. Par ailleurs, le capitaine d'un navire transitant dans une zone de pilotage obligatoire au Canada s'attend à ce que le pilote qui monte à bord soit breveté et qu'il ait les compétences nécessaires pour assurer la conduite du navire en toute sécurité dans cette zone. Un pilote qui n'est pas autorisé à assurer la conduite d'un navire dans une zone particulière devrait en informer le capitaine qui pourra alors prendre une décision éclairée sur la meilleure façon d'effectuer le voyage.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Le pilote du fleuve Fraser a confié la conduite du navire au pilote côtier et a quitté le navire avant que le navire pénètre dans la zone de pilotage 2 et sans s'assurer que l'équipe à la passerelle et le pilote côtier connaissaient les profondeurs du chenal.
    2. Le pilote côtier responsable de la conduite du navire n'était pas au courant des restrictions de largeur du chenal ni des plus récentes mesures de profondeur du chenal avant d'assumer la conduite du navire.
    3. Des membres clés de l'équipe à la passerelle ont participé au transfert du pilote, laissant la conduite du navire au pilote côtier qui n'a pas réagi assez rapidement à l'abattée sur bâbord pour éviter l'échouement.
    4. Une gestion inefficace des ressources à la passerelle et des échanges de renseignements inefficaces entre le pilote fluvial, le pilote côtier et le capitaine et son équipage, avant et pendant la traversée, ont contribué à l'échouement.

    Faits établis quant aux risques

    1. Les pilotes du fleuve Fraser confient la conduite des navires aux pilotes côtiers avant d'arriver à la zone pour laquelle les pilotes côtiers sont autorisés à exercer leurs fonctions, et cette pratique fait courir des risques aux navires.
    2. L'information actualisée sur les chenaux du fleuve Fraser n'est pas diffusée aux pilotes côtiers, et l'échange incomplet de renseignements entre les pilotes du fleuve et les pilotes côtiers lors du transfert de responsabilité compromet la sécurité de la navigation.
    3. Ni les Instructions nautiques pour le littoral de la Colombie-Britannique (partie sud) ni la carte no 3490 du Service hydrographique du Canada (fleuve Fraser) ne renseigne le navigateur sur la différence entre la largeur du chenal profond dragué et la largeur véritable du chenal balisé sur le fleuve Fraser.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    À la suite de l'événement, le Bureau a fait connaître ses préoccupations au sujet de certains problèmes liés à la navigation à divers intervenants, dont le Service hydrographique du Canada (région du Pacifique), l'Administration de pilotage du Pacifique, la British Columbia Coast Pilots Ltd. et l'Administration portuaire du fleuve Fraser. Les préoccupations concernaient :

    • le manque d'information sur les largeurs des chenaux sur les cartes et dans les Instructions nautiques;
    • la non-diffusion de l'information sur les plus récentes mesures de profondeur des chenaux aux parties concernées;
    • la pratique concernant le changement de pilotes.

    Sont données ci-après les mesures prises par les parties concernées.

    Mesures prises par le Service hydrographique du Canada

    Le Service hydrographique du Canada - région du Pacifique a diffusé un Avis aux navigateurs :

    1. qui précisait que l'Administration de pilotage du Pacifique assure le maintien des paramètres des chenaux grâce à un programme annuel de dragage d'entretien;
    2. qui indiquait les largeurs des chenaux extérieurs et intérieurs ainsi que les restrictions de profondeur;
    3. dans lequel figurait l'avertissement suivant :
      • les bouées n'indiquent pas la largeur du chenal dragué;
      • en raison de l'ensablement rapide, de l'affouillement (curage) et du dragage, les cartes peuvent ne pas indiquer les conditions les plus récentes.

    Initiatives conjointes prises par les parties concernées

    Une réunion entre la British Columbia Coast Pilots Ltd., l'Administration portuaire du fleuve Fraser et l'Administration de pilotage du Pacifique a été organisée pour examiner les pratiques de changement de pilotes à Sand Heads. Les recommandations suivantes ont été formulées :

    1. Les paramètres courants des chenaux seront publiés et des copies seront remises à tous les pilotes côtiers de Colombie-Britannique.
    2. L'Administration portuaire du fleuve Fraser devra envoyer par courrier électronique les données actualisées des sondages à l'Administration de pilotage du Pacifique dès qu'elles sont disponibles.
    3. Les navires qui sont limités en raison des conditions de la marée ou de leur fort tirant d'eau doivent éviter de faire un changement de pilotes avant la limite de la British Columbia Coast Pilots Ltd. et de l'Administration portuaire du fleuve Fraser, entre les bouées S0 et S1.
    4. En raison de la densité accrue du trafic sur le fleuve, il faut noter que les traversées du fleuve peuvent exiger plus de temps que par le passé.
    5. Si le pilote côtier est présent sur la passerelle au moment de l'appareillage, il devrait participer à la discussion sur la gestion des ressources à la passerelle avec le capitaine.
    6. Le site des sondages Avadepth de la Garde côtière canadienne a été rattaché au site Web de la British Columbia Coast Pilots Ltd. et est accessible à tous les pilotes de la British Columbia Coast Pilots Ltd.

    Nouvelle pratique proposée au port du fleuve Fraser

    Pour améliorer la sécurité dans le port, l'Administration portuaire du fleuve Fraser a entrepris un examen de ses pratiques et procédures. Elle a proposé ce qui suit :

    PRATIQUE DEUX - NAVIGATION

    8) Navires handicapés par leur tirant d'eau

    L'Administration portuaire du fleuve Fraser assure le maintien d'un chenal profond ayant un corridor ou chenal intérieur d'une largeur d'environ 130 m pour les navires ayant un tirant d'eau de 11,5 m. Ce chenal intérieur est dans la plupart des cas la seule partie du chenal que peuvent emprunter les navires à fort tirant d'eau.

    Afin de rehausser la sécurité dans le port, l'Administration portuaire du fleuve Fraser entend réviser ses Pratiques et procédures, conformément à l'article 56 de la Loi Maritime du Canada et à la règle 1b) du Règlement sur les abordages pris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada. Le changement proposé, qui vise à mieux sensibiliser les navigateurs aux conditions particulières auxquelles doivent faire face les navires de haute mer dans le port, prendra la forme de l'ajout suivant à la PRATIQUE DEUX - NAVIGATION, qui entrera en vigueur le 1er mai 2004 :

    PRATIQUE DEUX - NAVIGATION

    8) Navires handicapés par leur tirant d'eau

    Lors de son déplacement à l'intérieur du chenal maritime du fleuve Fraser, un navire handicapé par son tirant d'eau, au sens de la règle 3h) du Règlement sur les abordages pris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, et dont le déplacement dans le chenal maritime intérieur a été organisé par l'Association des pilotes du fleuve Fraser, peut, outre les feux prescrits pour les navires à propulsion mécanique de sa catégorie, montrer à l'endroit le plus visible, trois feux rouges superposés visibles sur tout l'horizon la nuit, ou une marque cylindrique le jour.

    La règle 3, alinéa h) du Règlement sur les abordages prévoit que : « L'expression 'navire handicapé par son tirant d'eau' désigne tout navire à propulsion mécanique qui, en raison de son tirant d'eau et de la profondeur et de la largeur disponibles des eaux navigables, peut difficilement modifier sa route. »

    En outre, l'Administration portuaire du fleuve Fraser entend poursuivre ses démarches en vue de faire abroger la modification canadienne à la règle 28, alinéa b) du Règlement sur les abordages qui stipule : « Nonobstant l'alinéa a), dans les eaux canadiennes d'une rade, d'un port, d'un cours d'eau, d'un lac ou d'une voie navigable intérieure, aucun navire ne doit montrer trois feux rouges superposés visibles sur tout l'horizon, ni une marque cylindrique. »

    Initiatives prises par Transports Canada

    Pour ce qui est de l'abrogation de la modification canadienne à la règle 28, alinéa b) du Règlement sur les abordages en ce qui concerne les navires handicapés par leur tirant d'eau, l'Administration portuaire du fleuve Fraser a présenté sa proposition au Comité permanent sur la navigation et les opérations du Conseil consultatif maritime canadien (CCMC) à sa séance de mai 2004. Aucune préoccupation n'a été exprimée envers la décision du port du fleuve Fraser d'autoriser les navires à afficher les feux et formes indiquant qu'ils sont handicapés par leur tirant d'eau. Le comité était toutefois indécis quant à l'opportunité d'abroger la modification canadienne du Règlement sur les abordages. Certains participants soutenaient la proposition alors que d'autres jugeaient que l'interdiction devrait être abrogée uniquement au cas par cas. Faute d'exemples justifiant son abrogation pour régler d'autres domaines ou situations problématiques et compte tenu de l'incertitude quant aux répercussions qu'aurait l'élimination de cette disposition établie de longue date, la modification canadienne a été conservée.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A - Fiche de renseignements capitaine/ pilote

    Annexe A. Fiche de renseignements capitaine/ pilote
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    Fiche de renseignements capitaine/ pilote

    Nota : Ce document n'existe pas en français.

    Annexe B - Zone d'embarquement et de débarquement des pilotes

    Annexe B. Zone d'embarquement et de débarquement des pilotes
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    Zone d'embarquement et de débarquement des pilotes

    Annexe C - Carte de sondage de la zone où s'est échoué le navire (préparée par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada)

    Annexe C. Carte de sondage de la zone où s'est échoué le navire (préparée par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada)
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    Carte de sondage de la zone où s'est échoué le navire (préparée par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada)

    Annexe D - Schéma montrant le remplissage par la crue nivale

    Changement rapide du chenal et zone montrant un chenal profond à l'extérieur du chenal principal.

    Annexe D. Schéma montrant le remplissage par la crue nivale
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    Schéma montrant le remplissage par la crue nivale