Heurt violent
du catamaran à passagers à grande vitesse
Famille Dufour II contre le
quai public de l'île aux Coudres (Québec)
le 24 août 2004
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Vers 9 h 30 le 24 août 2004, par temps calme et dégagé, le catamaran à passagers à grande vitesse Famille Dufour II, qui transportait 159 passagers, a heurté la façade sud-ouest du quai public de l'île aux Coudres, à une vitesse de 8,7 noeuds. La violence du choc a occasionné des blessures à neuf passagers et à un membre de l'équipage et causé des avaries à la coque du navire sur bâbord avant.
Renseignements de base
Fiche technique du navire
Nom | FAMILLE DUFOUR II |
---|---|
Numéro d'immatriculation | 815649 |
Port d'immatriculation | Québec (Québec) |
Pavillon | Canada |
Type | Catamaran à passagers à grande vitesse |
Jauge bruteNote de bas de page 1 | 465 |
LongueurNote de bas de page 2 | 36,6 m |
Tirant d'eau | Avant : 2,5 m Arrière : 2,5 m |
Construction | 1994, île aux Coudres (Québec) |
Propulsion | 2 hydrojets Hamilton, puissance de 4176 kW, vitesse de 30 noeuds |
Équipage | À bord : équipage de 15 personnes Équipage minimum de 10 personnes |
Passagers | À bord : 159 passagers Capacité de 340 passagers |
Exploitant | Groupe Dufour |
Propriétaire | La Goélette Marie-Clarisse Inc. |
Description du navire
Le navire est un catamaran multicoque en aluminium à grande vitesse à bordé à franc-bord, propulsé par deux hydrojets, destiné au transport de passagers (voir la photo 1). Il est très manoeuvrable et sa vitesse commerciale est de 30 noeuds.
Le pont principal et le pont supérieur sont équipés de tables et de chaises faisant face à l'avant et à l'arrière pour les passagers. Un pont d'observation découvert est aménagé au-dessus du pont supérieur, un peu à l'arrière de la passerelle de navigation. Des espaces de pont découvert similaires sont aménagés à l'avant et à l'arrière du navire pour les passagers. Sa passerelle typique d'un navire à grande vitesse comprend deux sièges; le capitaine occupe habituellement le siège tribord et le premier lieutenant celui de bâbord. Les instruments de manoeuvre et de navigation se trouvent au-dessous du pare-brise de la passerelle. Des manettes à commande double (dual-control levers) pour les machines de propulsion sont montées sur le pupitre central de manoeuvre situé entre les deux sièges. La barre est commandée à l'aide d'une manette montée dans l'accoudoir tribord du siège du capitaine. Le navire est équipé d'un radar, d'un compas gyroscopique, d'un système de positionnement global (GPS), d'un échosondeur et de deux systèmes de cartes éélectroniques.
Le navire navigue surtout entre Québec, l'île aux Coudres et Tadoussac (Québec) et offre des croisières en journée et en soirée, ainsi que des excursions d'observation des baleines pendant la saison de navigation d'été. Le navire transporte aussi les clients des hôtels de l'exploitant situés sur l'île aux Coudres et à Tadoussac.
Déroulement du voyage
Vers 7 h 30, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 3 le 24 août 2004, le Famille Dufour II appareille de Québec pour se rendre à l'île aux Coudres et à Tadoussac avec à son bord 159 passagers et un équipage de 15 personnes, dont un naturaliste qui doit servir de guide aux passagers pendant le voyage. L'équipe à la passerelle se compose du capitaine, d'un capitaine observateur et du premier lieutenant.
Au début du voyage, conformément à ses fonctions, le naturaliste donne sur le système de sonorisation du bord des consignes aux passagers sur l'équipement de sauvetage du navire. Le navire file 25 à 30 noeuds en suivant la route prévue pour se rendre à l'île aux Coudres. Le capitaine assure la conduite du navire et le voyage se déroule sans incident.
Vers 9 h 15, alors que le navire approche du quai public situé à la pointe nord de l'île aux Coudres, le premier lieutenant sort de la passerelle pour aller s'occuper des manoeuvres d'accostage. Le capitaine assure la conduite du navire et le capitaine observateur occupe le siège bâbord d'où la plupart des commandes sont facilement accessibles. Environ 5 à 10 minutes avant l'arrivée, le naturaliste annonce sur le système de sonorisation du bord que les passagers qui veulent descendre à l'île aux Coudres doivent se préparer pour le débarquement.
La météo et la visibilité sont bonnes, les vents sont légers et la mer est calme. La marée est montante, la marée haute étant prévue pour 12 h 24 environ.
Même si la vitesse du navire a été réduite en approchant du quai, le premier lieutenant constate que la vitesse est plus élevée que la normale pour les manoeuvres d'accostage. Il appelle la passerelle sur sa radio portative pour signaler que la vitesse d'approche est trop élevée. Comme le navire poursuit sa route en direction du quai sans ralentir, le premier lieutenant appelle la passerelle à deux autres reprises. Le capitaine observateur entend un des appels radio et fait une remarque au capitaine au sujet de la vitesse d'approche excessive. Le capitaine n'accuse réception d'aucun des appels.
Vers 9 h 30, le navire heurte la façade sud-ouest du quai public à une vitesse de 8,7 noeuds, à un angle d'approche de quelque 37 degrés. L'extrémité bâbord de la partie avant du navire et la coque bâbord, à la hauteur de la flottaison, subissent des avaries (voir la photo 2).
Au moment de l'accident, des passagers étaient assis dans leurs sièges et d'autres se déplaçaient sur le pont principal ou le pont supérieur. Il y avait également des passagers dans les escaliers. Les neuf passagers et le membre de l'équipage qui ont été blessés n'étaient pas assis au moment de l'accident. Certains sont tombés sur le pont, d'autres ont été heurtés par un objet. Un des passagers est tombé dans l'escalier.
Une fois le navire accosté à quai, le premier lieutenant observe que l'arrière du navire s'écarte du quai. Il se rend alors sur la passerelle pour s'enquérir de la situation. En chemin, il demande à un membre de l'équipage de demander sur le système de sonorisation du bord que les passagers qui ont une expérience d'ordre médical prêtent assistance aux personnes dans le besoin. Un des passagers, qui est préposé aux soins, vient en aide aux passagers blessés.
Quand le premier lieutenant arrive, la passerelle est déserte. Il vérifie alors la position des commandes par manette unique (single-lever controls) bâbord et tribord. La manette bâbord est à la position de ralenti arrière et la manette tribord est au ralenti avant, ce qui fait que le navire a tendance à virer. Il place alors les deux manettes à la position de vitesse nulle. Les commandes par manette unique commandent à la fois le régime des moteurs et les déflecteurs de jet à conduits séparés. Quand les manettes sont à la position de vitesse nulle, le régime sélectionné est au minimum établi (soit environ 8 % du régime maximal) et les déflecteurs de jet sont réglés de façon à ne générer aucune poussée avant; il est toutefois possible de gouverner le navire. En position de ralenti avant et de ralenti arrière, les déflecteurs de jet sont réglés de façon à générer la poussée dans le sens voulu.
Le capitaine observateur avait laissé le capitaine seul sur la passerelle un peu plus tôt pour aller constater les avaries au navire, mais le capitaine est ensuite sorti de la passerelle pour aller observer les avaries à partir du quai.
À 9 h 50, le premier lieutenant signale l'accident aux Services de communications et de trafic maritimes (SCTM) de la Garde côtière canadienne.
Le premier lieutenant et les membres de l'équipage s'occupent des passagers et du débarquement. Un autobus, qui se trouvait là pour prendre les passagers qui devaient descendre dans un hôtel de l'île, est utilisé pour transporter les blessés vers la clinique médicale locale, sauf un des passagers blessés et le membre de l'équipage blessé qui sont transportés par ambulance vers un hôpital à l'extérieur de l'île. Les autres passagers rentrent à Québec en autobus.
Au terme d'une inspection menée par Transports Canada, le navire est autorisé à quitter le quai pour qu'on procède aux réparations voulues.
À 22 h 43, le navire appareille du quai public sous la conduite d'un autre capitaine à destination du chantier maritime de la compagnie, situé lui aussi dans l'île aux Coudres.
L'annexe A présente un croquis du secteur de l'événement.
Certificats du navire
Le 11 mai 2004, Transports Canada avait reçu pour approbation un nouveau plan d'équipement de sauvetage. Le plan n'avait pas été approuvé lors de la dernière inspection. Le 14 mai 2004, un certificat d'inspection pour un navire à passagers auquel la Convention de sécurité ne s'applique pas (formulaire SIC 16) a été délivré au terme de l'inspection du 11 mai; il n'y avait aucun commentaire au sujet des changements visant l'équipement de sauvetage. En vertu de ce certificat, le navire était autorisé à faire des voyages en eaux secondaires de classe I et à transporter 340 passagers (maximum de 50 enfants) ainsi qu'un équipage de 10 personnes, soit 350 personnes. Deux officiers brevetés devaient être sur la passerelle quand le navire était en route.
Comme le navire navigue uniquement dans des eaux situées à l'ouest d'une ligne tracée entre Pointe-au-Père et Pointe Orient sur le fleuve Saint-Laurent, il n'est pas assujetti aux règles du Recueil international des règles de sécurité applicables aux engins à grande vitesse de 1994 (Recueil HSC de 1994) ni au Recueil international des règles de sécurité applicables aux engins à grande vitesse de 2000 (Recueil HSC de 2000)Note de bas de page 4 de l'Organisation maritime internationale (OMI). Du fait que le navire est un navire à passagers dont la jauge brute est supérieure à 5 tonneaux et qu'il est autorisé à transporter plus de 12 passagers, Transports Canada a déterminé qu'il devait être conforme aux exigences du Règlement sur l'équipement de sauvetage concernant les navires de classe IV.
Qualifications, formation et expérience du personnel
Le capitaine était titulaire d'un brevet de capitaine au long cours délivré en 1991. Il avait rempli les fonctions de capitaine à bord de plusieurs navires de différentes compagnies. Il s'agissait de son troisième voyage à titre de capitaine du Famille Dufour II sans la présence d'un autre capitaine ayant l'expérience de la conduite du navire, et il effectuait son premier voyage après une longue absence due à des maux de dos récurrents. À part ses fonctions sur le Famille Dufour II, le capitaine n'avait aucune expérience de la conduite des navires à grande vitesse et des navires propulsés par hydrojets.
Comme le capitaine en était à sa première saison à la compagnie, il avait d'abord rempli les fonctions de premier lieutenant sur le Famille Dufour II lors de trois voyages, avant d'assurer la conduite du navire. Lors de ces voyages, il avait eu l'occasion d'assurer la conduite du navire lors des manoeuvres d'accostage, sous la supervision d'un autre capitaine. Après un accident en début de saison (le navire ayant heurté le quai de Tadoussac alors qu'il était sous la conduite du capitaine), le capitaine avait reçu de la formation complémentaire dispensée par un capitaine expérimenté et il avait rempli les fonctions de premier lieutenant lors de trois des quatre voyages additionnels qu'il avait faits avant de bénéficier d'un congé de maladie.
Au cours de ces quatre voyages, il avait de nouveau eu l'occasion d'assurer la conduite du navire sous la supervision d'un capitaine qui possédait une plus vaste expérience du navire. À l'exclusion des journaux de bord habituels du navire, la compagnie n'a conservé aucun dossier sur cette formation et n'a fait passer aucun test de compétence au capitaine. La durée et la nature de la formation ont été laissées à la discrétion du capitaine d'expérience qui dispensait la formation. Cette formation a fait l'objet de peu d'encadrement, voire d'aucun encadrement, de la part de la compagnie.
Comme il s'agissait du premier voyage du capitaine après son congé de maladie, la compagnie avait affecté un capitaine observateur à bord. Le capitaine observateur était titulaire d'un brevet de capitaine, eaux secondaires, délivré en 1997. Pendant la saison d'activité, il avait rempli les fonctions de capitaine sur le Aquaria II, un catamaran pouvant transporter 244 passagers et dont la vitesse commerciale est de 18 noeuds. Le capitaine observateur n'avait pas d'expérience de la conduite du Famille Dufour II.
Le premier lieutenant était titulaire d'un brevet de capitaine avec restrictions délivré en 2001. C'était sa troisième saison comme premier lieutenant, dont deux saisons sur le Famille Dufour II.
Le naturaliste en était à son deuxième été de travail sur le Famille Dufour II. Il n'avait suivi aucune formation sur les fonctions d'urgence en mer (FUM), mais au début de l'été 2003 et de l'été 2004, il avait assisté à une séance d'information d'une journée donnée par la compagnie, au cours de laquelle on l'avait informé de l'emplacement de l'équipement de sécurité et de la façon de s'en servir. Il avait participé à des exercices de simulation d'urgence à bord du navire au cours du premier été, mais il n'avait participé à aucun exercice de ce genre au cours de sa deuxième saison.
Exercices d'embarcation et d'incendie
Le Règlement sur les exercices d'embarcation et d'incendie stipule que des exercices d'embarcation et d'incendie réguliers doivent se tenir, à des intervalles d'au plus deux semaines, à bord des navires à passagers comme le Famille Dufour II. Rien n'indique que des exercices d'embarcation et d'incendie aient été tenus à bord du navire au cours de la période d'activité 2004 ayant précédé l'accident.
État de santé du capitaine
Le dernier examen médical du capitaine remonte à novembre 2003. En avril 2004, le capitaine a subi une intervention chirurgicale visant à corriger une affection dorsale. En juin et en juillet 2004, il a travaillé à bord du navire, mais le mal est réapparu et on lui a prescrit des médicaments anti-inflammatoires. Par la suite, on l'a mis en congé de maladie et on lui a prescrit des analgésiques. Un test réalisé au début d'août a démontré une forte probabilité de récurrence de ses maux de dos. À la mi-août 2004, un troisième médecin a fourni une note indiquant que le capitaine était apte à reprendre le travail; cette note se basait sur une description donnée par le capitaine de son état physique, sur un examen physique, dont un examen de l'amplitude des mouvements, et sur un exposé indiquant que les fonctions du bord étaient de nature plutôt sédentaire. Les résultats du test réalisé au début du mois ne figuraient pas encore dans le dossier de l'hôpital. L'accident est survenu le 24 août 2004. Le capitaine a été hospitalisé le 2 septembre 2004 pour un traitement non chirurgical de ses maux de dos.
Examen médical des gens de mer
Les examens médicaux que les navigants doivent passer sont exposés dans la Loi sur la marine marchande du Canada, 2001, dans la partie I, section 8 du Règlement sur l'armement en équipage des navires. Seul un médecin désigné peut délivrer un certificat médical, c'est-à-dire faire subir un examen médical initial ou périodique à un marin qui est tenu d'être titulaire d'un brevet ou d'un certificat pour remplir ses fonctions. Par ailleurs, tout médecin peut faire subir un examen médical initial ou périodique à un marin qui n'est pas tenu d'être titulaire d'un brevet ou d'un certificat pour remplir ses fonctions. De plus, tout médecin peut faire subir l'examen médical visant à permettre à un marin de reprendre le service après une absence pour raisons médicales d'une durée de plus de 14 jours, dans le cas du marin qui doit être titulaire d'un brevet ou d'un certificat, et de n'importe quelle durée, dans le cas du marin qui n'est pas tenu d'être titulaire d'un brevet ou d'un certificat pour exercer ses fonctions à bord d'un navire. Toutefois, en l'absence de médecin désigné en deçà de 200 km de la zone d'exploitation d'un navire qui est exploité dans les eaux de compétence canadienne, tout médecin ou toute infirmière autorisée peut, aux termes de la réglementation, faire subir un examen médical à un marin qui est employé à bord d'un navire.
Les examens médicaux doivent être réalisés conformément aux dispositions de l'article 63.1 du Règlement sur l'armement en équipage des navires, dans lequel on trouve les normes générales concernant l'aptitude physique et mentale exigée, et doivent être conformes aux lignes directrices énoncées dans le document Examen médical des gens de mer, Guide du médecin (TP 11343).
Les rapports des examens médicaux de la marine sont étudiés par la Direction de la certification médicale de Transports Canada, à Ottawa (Ontario). Cette étude est d'abord confiée à des commis de la Direction, qui transmettent le rapport à un des deux médecins membres du personnel, qui en fera un examen plus poussé pour déterminer si certains critères ont été respectés (c'est-à-dire conditions ou constatations particulières). S'il le juge nécessaire, le médecin chargé de la révision peut exiger que le marin subisse un nouvel examen et peut demander un complément d'information sous la forme de tests particuliers.
À moins qu'un nouvel examen ne soit exigé plus tôt aux termes de l'article 71 du Règlement sur l'armement en équipage des navires, le certificat médical reste en vigueur pendant deux ans pour les marins de plus de 40 ans qui sont titulaires d'un brevet ou d'un certificat, et pour les marins de plus de 60 ans qui ne sont pas titulaires d'un brevet ou d'un certificat, et pendant trois ans dans tous les autres cas.
À l'heure actuelle, les marins et les médecins ne sont pas tenus de signaler au ministre des conditions qui peuvent avoir été révélées autrement que pendant les examens médicaux périodiques de marine et qui pourraient avoir une incidence sur la sécurité. Par ailleurs, l'article 6.5 de la Loi sur l'aéronautique exige que le titulaire d'un document d'aviation canadien assorti de normes médicales ou optométriques (p. ex. titulaire d'une licence de pilote ou de contrôleur de la circulation aérienne) est tenu de dévoiler ce fait au médecin ou à l'optométriste avant l'examen. Le même article oblige le médecin ou l'optométriste à aviser le ministre de toute constatation susceptible de représenter un risque pour la sécurité aérienne. La Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, qui a reçu la sanction royale en novembre 2001 et doit entrer en vigueur en 2006, contient une disposition (article 90) similaire à l'article 6.5 de la Loi sur l'aéronautique.
En outre, Transports Canada examine l'ensemble du processus d'examen médical dans le cadre de sa réforme de la réglementation. L'examen devrait être achevé d'ici le mois d'août 2006. Dans le cadre de ses efforts de modernisation de la réglementation de la nouvelle Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, Transports Canada propose des modifications au Règlement sur l'armement en équipage des navires et au Règlement sur la délivrance des brevets et certificats (marine) qui combineront ces règlements en un seul nouveau règlement, appelé Règlement sur le personnel maritime.
Usage de médicaments
Transports Canada a émis des lignes directrices au sujet de l'usage de médicaments par les navigantsNote de bas de page 5; ces lignes directrices stipulent que : « Des problèmes peuvent survenir lorsque le patient doit continuer à prendre des médicaments qui lui ont été prescrits alors qu'il était malade ou lorsque de nouveaux médicaments sont recommandés pour supprimer ou contrôler la douleur continuelle. » Le document énumère les « médicaments antidouleur qui contiennent de la codéine, des stupéfiants ou des relaxants musculaires » au nombre des catégories de médicaments « qui peuvent influer sur la capacité d'un navigant à accomplir des tâches critiques en matière de sécurité. » Le document ajoute qu'on doit considérer chaque cas individuellement et il fournit un ensemble de facteurs dont il faut tenir compte avant de décider si l'utilisation d'un médicament donné est appropriée dans le contexte du service en mer.
Formation et proposition relative au certificat canadien de mention de type pour engin à grande vitesse
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada a fait six recommandationsNote de bas de page 6 dans le cadre de son enquête sur l'abordage survenu en 1992 entre le traversier roulier Queen of Saanich et le traversier catamaran à grande vitesse Royal Vancouver (qui comptait tous les blessés). Deux des recommandations (M94-27 et M94-28) tenaient compte du fait que l'exploitation des navires rapides est différente de celle des navires classiques et est habituellement plus exigeante, et traitaient de la formation de l'équipage et de l'exploitation.
Transports Canada s'est dit d'accord avec les recommandations et a indiqué que la mise en oeuvre du Recueil HSC de 1994 permettrait de corriger les lacunes de sécurité signalées dans les recommandations. En 1995, le Bureau de la sécurité des navires a déterminé (dans la décision no 5837) qu'on pourrait utiliser le Recueil HSC de 1994, avec des modifications canadiennes, aux fins de la certification et de l'approbation des navires à grande vitesse canadiens, plutôt que d'élaborer une réglementation canadienne particulière. Les modifications canadiennes portent essentiellement sur des exigences en matière de construction. À part le Famille Dufour II, seuls deux autres catamarans à grande vitesse destinés au transport de passagers sont en service au Canada. Ces deux navires possèdent des certificats de navires, et les capitaines et les officiers qui participent à l'exploitation du navire sont titulaires de certificats de mention de type conformes au recueil HSCNote de bas de page 7 pertinent.
On prévoit que le Règlement sur le personnel maritime, qui doit entrer en vigueur en 2006, renfermera un nouveau certificat de mention de type pour engin à grande vitesse. Les candidats au certificat devront notamment avoir réussi la formation de type et la formation opérationnelle conformément au recueil HSC pertinent, ainsi qu'un examen pratique à bord du navire. Les exigences relatives au certificat de mention de type viseront uniquement les officiers d'engins à grande vitesse construits conformément aux spécifications du recueil HSC. Toutefois, rien n'indique que les membres de l'équipe à la passerelle des engins à grande vitesse non assujettis au recueil devront être titulaires du certificat.
Sécurité des passagers
Communication de l'information de sécurité
Aux termes du Règlement sur l'équipement de sauvetage et du Règlement sur les petits bâtiments, des annonces de sécurité ou des exposés de sécurité doivent être faits à bord de tous les navires à passagers canadiens. Leur objectif est de fournir aux passagers l'information de sécurité nécessaire en cas d'urgence.
Dans le cas qui nous occupe, le naturaliste à bord du Famille Dufour II a donné sur le système de sonorisation du bord les consignes avant départ qu'il faut donner aux passagers concernant l'équipement de sauvetage du navire, alors que le navire était déjà en route. Lors de l'enquête, des passagers ont indiqué qu'ils se trouvaient sur le pont supérieur et qu'ils avaient eu du mal à entendre les consignes de sécurité en raison du bruit ambiant.
Conformément au Règlement sur l'équipement de sauvetage, on a indiqué aux passagers l'emplacement des gilets de sauvetage, des postes de rassemblement et des radeaux de sauvetage. On n'a ni expliqué ni montré aux passagers comment enfiler les gilets de sauvetage. Dans sa décision no 7597, entrée en vigueur le 2 mai 2002, le Bureau de la sécurité des navires a déterminé que, [Traduction] « dans tous les cas, les annonces de sécurité doivent inclure (. . .) des instructions sur la façon d'enfiler les gilets de sauvetage. » La décision ajoute que [Traduction] « Dans tous les cas, la distribution d'une description graphique indiquant l'emplacement de l'équipement de sécurité et la façon d'enfiler les gilets de sauvetage est un mode de diffusion acceptable. » Aucun document d'information sur la sécurité n'a été donné aux passagers. Une dizaine d'affiches avec des consignes écrites (en français et en anglais) et des illustrations sur la façon d'enfiler les gilets de sauvetage étaient placées pour la plupart sur les panneaux des compartiments supérieurs où étaient rangés les gilets de sauvetage.
De plus, les navires doivent avoir à bord et afficher de façon évidente leur plan d'équipement de sauvetage approuvé le plus récent, indiquant l'emplacement, le type et la quantité d'équipement de sécurité à bord. Le nouveau plan avait été présenté à Transports Canada pour approbation et n'était pas affiché à bord du navire.
Causes possibles de blessures et obstacles gênant la sortie et l'évacuation
L'enquête a révélé que sur le Famille Dufour II, des objets n'étaient pas arrimés ou étaient mal arrimés et pouvaient causer des blessures aux passagers et aux membres de l'équipage au moment d'un accident, notamment de grosses poubelles en métal, des ventilateurs électriques, des caisses enregistreuses, un chariot de service, plusieurs tables de service, des appareils de sonorisation, des aliments et des articles de nettoyage. On a également relevé dans ces aires des meubles et des finitions qui pouvaient causer des blessures, notamment des crochets à vêtements en métal en saillie (voir la photo 3), des écrans plats, des tables pliées avec des bords coupants, ainsi que des panneaux de verre non trempé dans la vitrine de la boutique de cadeaux.
On a aussi relevé plusieurs obstacles qui pouvaient gêner l'évacuation. Certains des articles non arrimés décrits précédemment se trouvaient à côté des issues de secours ou des coursives qui menaient à ces issues. Par exemple, il y avait de grosses poubelles en métal à côté de la plupart des issues de secours et à l'entrée de chaque coursive menant aux issues de secours arrière du pont principal. Il y avait également une table à côté de la même coursive du côté tribord du navire.
On a également relevé d'autres conditions susceptibles de gêner l'évacuation du navire, notamment :
- des articles non arrimés rangés près de l'écoutille de secours tribord de la salle des machines (voir la photo 4);
- des bacs à ordures fixés aux barrières d'embarquement (voir la photo 5);
- les deux échelles de tangon servant à l'embarquement dans les embarcations de sauvetage placées à l'extrémité avant du pont principal, qui n'étaient pas gréées pour un usage immédiat mais qui étaient arrimées en avant du point d'embarquement et liées à une platine à oeil par une manille (voir la photo 6).
Formation en gestion des passagers et des foules
Le capitaine est responsable du rôle d'appel, et selon le rôle d'appel affiché sur le pont du Famille Dufour II, les fonctions du naturaliste en cas d'urgence consistaient à assurer le contrôle des passagers, et à ce titre, il devait prendre des mesures pour gérer un groupe pouvant atteindre 340 passagers. En cas d'évacuation ou d'incendie, un barman ou une barmaid devait aider le naturaliste à diriger les passagers vers les postes d'embarquement. Le naturaliste était au courant de ses responsabilités, mais il n'avait suivi aucune formation officielle sur la maîtrise des foules, et il n'était pas tenu, en vertu de la réglementation, d'avoir reçu cette formation.
En juillet 1990, le BST a enquêté sur un quasi-abordageNote de bas de page 8 entre le traversier Woodside I et le remorqueur Tussle. Vu le grand nombre de passagers transportés régulièrement à bord de traversiers et de navires à passagers maintenus par des équipages réduits ayant reçu peu de formation, voire aucune, sur la maîtrise des foules, le Bureau avait recommandé que :
Le ministère des Transports exige que les officiers et les membres de l'équipage de tous les traversiers et navires à passagers inspectés par le gouvernement fédéral reçoivent une formation en bonne et due forme concernant les techniques de maîtrise des foules et les procédures d'urgence connexes.
Recommandation M93-07 du BST
Cette recommandation avait entraîné la révision du programme de formation sur les fonctions d'urgence en mer (FUM). Le cours pour le certificat d'officier (cours FUM C) comprend une séance de formation d'une heure sur la maîtrise des foules au cours de laquelle les officiers subalternes et le personnel clé apprennent les façons de contrôler les passagers lors d'une situation d'urgence. Les membres de l'équipage doivent avoir suivi le cours élémentaire de sécurité (FUM A1), et si le rôle d'appel indique qu'ils sont affectés à une équipe d'incendie, ils doivent avoir suivi le cours sur les embarcations de sauvetage (FUM B1) et le cours de lutte contre l'incendie à bord (FUM B2). Toutefois, aucun de ces trois cours ne traite de la maîtrise des foules.
À la suite d'un incendie survenu le 12 mai 2003 sur le pont-garage inférieur du traversier roulier Joseph and Clara SmallwoodNote de bas de page 9, le BST a fait parvenir à Transports Canada l'Avis de sécurité maritime 01/04 dans lequel il s'interrogeait sur la formation des membres d'équipage en matière de maîtrise des foules, de gestion des crises et de comportement humain. Transports Canada a répondu qu'il allait adopter, pour les navires à passagers canadiens qui ne sont pas assujettis à la Convention, les règles V/2 et V/3 de la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (Convention STCW) qui traitent de la formation sur la maîtrise des foules.
Rangement des gilets de sauvetage et signalisation
On avait modifié l'arrimage et le rangement de l'équipement de sauvetage à bord du Famille Dufour II avant le début de la saison 2004, notamment l'endroit où les gilets de sauvetage étaient rangés.
À l'origine, les gilets de sauvetage des passagers étaient rangés dans des armoires placées à des endroits appropriés sur le pont. Après les modifications, les gilets ont été placés dans des compartiments supérieurs aménagés au-dessus des fenêtres le long des côtés bâbord et tribord du pont principal et du pont supérieur. Tous les gilets de sauvetage pour enfants et le reste des gilets de sauvetage pour adultes étaient rangés dans un compartiment supérieur transversal situé au-dessus de la troisième rangée de sièges de la partie avant des emménagements sur le pont principal (voir la photo 7).
Les gilets de sauvetage étaient empilés dans le compartiment, et il était difficile de les récupérer en raison de la hauteur du panneau avant et de la sangle verticale en métal servant à fixer en place le compartiment. Le panneau avant du compartiment supérieur se trouvait à 2,18 m (86 po) de hauteur du pont. La rangée de sièges située au-dessous du compartiment était en place au moment de l'accident, mais il arrive qu'on retire cette rangée pour modifier la configuration du pont (voir la photo 8).
Il y avait une dizaine d'affiches avec des consignes écrites (en français et en anglais) et des illustrations sur la façon d'enfiler les gilets de sauvetage à divers endroits sur le navire. La plupart d'entre elles étaient fixées aux panneaux avant des compartiments supérieurs où se trouvaient les gilets de sauvetage. Il s'agissait d'affiches en papier laminées (de 0,2 m sur 0,28 m soit 8 po x 11 po) dans une pellicule de plastique, qui semblaient être des photocopies. Le lettrage était noir sur fond gris pâle et blanc et les illustrations des gilets de sauvetage étaient de couleur orange. L'affiche placée dans la partie avant des emménagements supérieurs (salon VIP) était placée sous une affiche décorative. L'affiche des consignes en cas d'urgence était plus petite que l'affiche décorative, et par rapport aux panneaux, elle n'offrait pas suffisamment de contraste pour être facilement visible.
Deux affiches (une avec des consignes écrites et une avec des illustrations) qui indiquaient l'emplacement des gilets de sauvetage pour enfants étaient placées côte à côte sur le panneau avant du compartiment supérieur transversal où étaient rangés les gilets. Les affiches n'étaient visibles que pour les personnes qui se trouvaient devant le compartiment. Il n'y avait à bord aucune autre affiche indiquant l'emplacement des gilets de sauvetage pour enfants. Les gilets pour enfants étaient identifiés comme tel en lettres majuscules, mais ils étaient de la même couleur que les gilets de sauvetage pour adultes.
Assujettissement des radeaux de sauvetage
Le navire transportait 10 radeaux pneumatiques pouvant accueillir 25 personnes et 2 radeaux pneumatiques pouvant accueillir 50 personnes de type RFD Surviva, qui étaient assujettis dans leurs berceaux par des saisines dotées d'un croc à échappement (voir la photo 9). Quand un radeau de sauvetage est assujetti de la sorte, une intervention humaine est nécessaire pour la mise à l'eau.À bord des navires à passagers de 25 m et plus de longueur, qui transportent plus de 12 passagers et qui naviguent dans des eaux abritées (c'est-à-dire voyages de cabotage de classe IV, voyages en eaux intérieures de classe II et voyages en eaux secondaires de classe I et de classe II), il n'est pas obligatoire que les radeaux de sauvetage soient munis d'un dispositif permettant au radeau d'émerger librement.
Normes relatives à l'exploitation des navires à grande vitesse aux États-Unis
Les problèmes associés à l'exploitation des navires à grande vitesse ont été reconnus par des exploitants des États-Unis. En 1999, la Passenger Vessel Association, un organisme sans but lucratif représentant près de 500 exploitants de navires à passagers de tous types qui battent pavillon américain ainsi que des membres associés, a établi, de concert avec la Garde côtière américaine, le premier de deux groupes de travail chargés d'élaborer des normes de l'industrie relatives à l'exploitation dans les eaux intérieures des États-Unis des navires à grande vitesse qui ne sont pas assujettis aux dispositions du Recueil HSC de 1994. Ces efforts ont permis l'élaboration de lignes directrices sur la formation des équipages, sur l'exploitation des navires et sur l'équipement de navigation et de sécuritéFootnote 10. Le second groupe de travail a élaboré des lignes directrices sur l'armement en équipage des navires à grande vitesse au pays qui ne sont pas assujettis aux dispositions du recueilFootnote 11.
Analyse
Vitesse d'approche du navire
Même si la vitesse du navire a été réduite pendant que le navire approchait du quai, elle était encore trop élevée pour les manoeuvres d'accostage. Le premier lieutenant sur le pont et le capitaine observateur sur la passerelle ont tous les deux remarqué que la vitesse était anormale. Le capitaine n'a pas répondu aux appels radio répétés du premier lieutenant et n'a pas non plus réagi à la remarque du capitaine observateur visant à signaler la vitesse d'approche trop élevée.
L'analyse des données éélectroniques du voyage ayant mené à l'accident révèle que le navire a heurté le quai à une vitesse de 8,7 noeuds.
Formation du capitaine
De par sa conception et son mode de propulsion, le Famille Dufour II est un navire très manoeuvrable. Sa conduite est sensiblement différente de celle d'un navire classique. Le capitaine était qualifié et avait une grande expérience de la conduite des navires classiques plus grands, mais son expérience de la conduite des navires à grande vitesse et des navires propulsés par hydrojets était limitée. La formation qu'il avait reçue à bord du Famille Dufour II avait été ponctuelle et informelle, car la durée et la nature de la formation avaient été en grande partie laissées à la discrétion du capitaine qui a dispensé la formation. Le capitaine qui dispensait la formation ne disposait pas de plans de cours ou de normes pouvant l'aider à évaluer la compétence de la personne en formation, et l'on ne tenait pas de dossiers sur la formation ni sur les contrôles des compétences.
En juillet 2003, l'exploitant a mis en oeuvre un « programme de qualité » concernant l'exploitation de ses navires. Ce programme, élaboré en fonction de la norme NQ 9700-010 du Bureau de normalisation du Québec intitulée Tourisme - Prestation des services à la clientèle - Principes généraux relatifs à la qualité, comprenait un manuel de formation à l'intention des équipages. Toutefois, le manuel ne traitait pas de la conduite des navires et ne comportait pas de politiques ou de procédures officielles d'évaluation de la compétence du personnel.
Dans le cadre de ce programme, on précisait aussi que le directeur de la division maritime de l'exploitant, en collaboration avec la division des ressources humaines, assumait la responsabilité de la formation des employés. Toutefois, le poste en question était vacant au cours de la saison d'activité 2004, et les responsabilités du poste avaient été réparties entre le président-directeur général et la directrice générale adjointe du Groupe Dufour.
Cela signifie que la formation pour le nouveau personnel du bord ne bénéficiait ni d'un encadrement formel quant aux procédures et aux normes de formation, ni d'un encadrement fourni par une personne qualifiée de la compagnie comptant du temps de service en mer.
Le Recueil HSC de 1994 et le Recueil HSC de 2000 exigent que le capitaine et les officiers participant à l'exploitation d'un engin à grande vitesse assujetti aux dispositions du recueil HSC, soient titulaires d'un certificat de formation spécialisée (formation de type) valide délivré à l'issue d'une période appropriée de formation en cours d'exploitation sur simulateur et d'une épreuve pratiqueFootnote 12. La Garde côtière américaine, reconnaissant que la conduite des navires à grande vitesse exige des compétences différentes de celles qui sont nécessaires pour la conduite des navires classiques, a rédigé des directives sur la formation des membres d'équipage des navires à grande vitesse qui ne sont pas assujettis aux dispositions du Recueil HSC de 1994Footnote 13.
Au Canada, les propriétaires de navires à grande vitesse peuvent adopter le Recueil HSC de 1994, avec modifications canadiennes, en remplacement de la réglementation canadienne pertinente. Toutefois, comme le démontre le présent accident et du fait que le navire n'est pas assujetti aux dispositions du recueil en vertu de sa date de construction et de la région géographique dans laquelle il navigue, le capitaine et les officiers ayant un rôle opérationnel ne sont pas tenus d'être titulaires d'un certificat de mention de type ou de suivre une formation approuvée sur les navires à grande vitesse. En conséquence, il n'y a aucune exigence formelle concernant l'évaluation des compétences et des connaissances des capitaines et des officiers des navires à grande vitesse engagés dans des voyages en eaux intérieures.
Aptitude au travail du capitaine
Lorsque le capitaine a repris le travail, on lui a prescrit un anti-inflammatoire (Apo-Naproxen) et un analgésique (Triatec-30) contenant de la codéine pour le soulagement de la douleur. Le premier médicament n'a aucun effet sur le fonctionnement cognitif de la personne. Le deuxième médicament peut agir comme dépresseur et causer de la somnolence et un ralentissement des délais de réaction. En général, on demande aux médecins de conseiller à leurs patients qui prennent des médicaments contenant de la codéine d'être prudents quand ils commencent à prendre le médicament, jusqu'à ce qu'ils sachent comment ce médicament peut les affecter.
La Direction de la certification médicale maritime de Transports Canada est d'avis que la prise de médicaments, y compris la codéine, peut être autorisée du moment que la personne a démontré qu'elle peut fonctionner normalement. Toutefois, la Direction considère que 30 mg, soit la dose contenue dans le Triatec-30, est une dose forte. Selon toute vraisemblance, la personne qui prend une telle dose de médicaments sera jugée inapte par Transports Canada à occuper un poste critique pour la sécurité sur un navire.
Lors de l'accident, le capitaine souffrait d'une affection dorsale qui pouvait causer des douleurs considérables et qu'il soignait avec des anti-inflammatoires et des analgésiques. Quand on a fait l'évaluation médicale du capitaine en vue de l'autoriser à reprendre le travail, on n'a pas tenu compte de l'ensemble des fonctions de bord du capitaine, et on ne disposait pas des résultats du test le plus récent (fait le 2 août 2004).
Cette évaluation n'a pas tenu compte de la possibilité que le capitaine soit obligé de s'acquitter des fonctions d'urgence en mer. Lors de la visite de la mi-août 2004, les résultats de l'examen du début du mois ne figuraient pas encore dans le dossier médical du capitaine à l'hôpital. Or, ces tests indiquaient une forte probabilité de récurrence de ses maux de dos. Si le médecin avait pu consulter les résultats des tests, il aurait disposé de renseignements complémentaires qui l'auraient aidé à prendre une décision éclairée.
Aptitude au travail et examen médical des marins
Quand il faut déterminer si un marin est apte à s'acquitter de ses fonctions, la décision est rarement simple. Il faut en effet tenir compte de divers facteurs et se montrer extrêmement prudent quand il s'agit de déterminer si le titulaire d'un poste critique pour la sécurité a les capacités physiques et mentales voulues pour faire le travail, car la décision rendue pourrait priver cette personne de son gagne-pain.
Tout médecin peut faire subir un examen médical initial ou périodique à un marin qui n'est pas tenu d'être titulaire d'un brevet ou d'un certificat pour remplir ses fonctions. De plus, tout médecin peut faire subir un examen médical visant à autoriser un marin à reprendre le service après une absence pour raisons médicales d'une durée de plus de 14 jours, dans le cas du marin qui doit être titulaire d'un brevet ou d'un certificat, et de n'importe quelle durée, dans le cas du marin qui n'est pas tenu d'être titulaire d'un brevet ou d'un certificat. Comme il n'est pas obligatoire que le médecin soit un médecin approuvé par Transports Canada, il se peut qu'il ou qu'elle ne soit pas tout à fait au courant du milieu de travail maritime, des détails concernant l'état ou les antécédents médicaux de la personne, ou des dossiers médicaux spéciaux qui la concernent.
Les médecins qui prennent des décisions de ce genre doivent être bien informés du dossier médical du marin et de l'environnement maritime pour faire une appréciation pertinente des risques et prendre des décisions éclairées qui peuvent avoir une incidence sur la sécurité des transports. La Direction de la certification médicale maritime de Transports Canada ne participe pas aux évaluations qui sont faites régulièrement lorsque des membres du personnel reprennent le travail après une période d'absence. Il s'ensuit que les décisions sont prises par des médecins qui ne disposent pas nécessairement de toutes les informations concernant le milieu de travail de la personne, son dossier médical et son état pathologique, et ils pourraient ne pas être en mesure de déterminer exactement si la personne est capable de s'acquitter de ses fonctions.
En outre, ni les marins ni les médecins ne sont tenus de signaler au ministre des conditions qui pourraient influer sur la capacité du marin de s'acquitter de ses fonctions en toute sécurité. Il est donc très peu probable que Transports Canada soit informé d'états pathologiques susceptibles d'avoir une incidence sur la capacité des marins de s'acquitter de leurs fonctions.
Par conséquent, il se pourrait que les décisions relatives à la capacité du marin de s'acquitter de ses fonctions ne tiennent pas compte de l'ensemble des éléments qui permettraient d'évaluer les risques et de prendre une décision éclairée, d'où le risque accru d'autoriser des marins à reprendre le travail alors qu'ils ne sont pas aptes à le faire. Dans le cas qui nous occupe, vu que le capitaine souffrait d'une affection dorsale et qu'il occupait un poste critique pour la sécurité (capitaine du navire), il n'était probablement pas apte à s'acquitter de ses fonctions lors de l'accident.
Sécurité des passagers à bord des navires à grande vitesse
Détermination et gestion des risques
Dans le cas des navires à passagers, un des objectifs premiers est de réduire le risque de blessures et d'accroître les chances de survie des passagers en cas d'urgence. Pour ce faire, il faut connaître les risques associés à l'exploitation du navire et gérer ces risques de manière efficace.
Préoccupé par la sécurité des passagers des navires à grande vitesse, le Bureau a recommandé à Transports Canada de mettre en oeuvre des normes de sécurité ainsi que des directives et des procédures d'exploitation visant à réduire la gravité des blessures subies par le personnel et à mieux préparer l'équipage aux situations d'urgenceFootnote 14. Transports Canada a répondu qu'il était d'accord avec les recommandations et a fait savoir que la mise en oeuvre du Recueil HSC de 1994 permettrait de corriger les lacunes de sécurité associées à l'exploitation des navires à grande vitesse. Toutefois, l'application du recueil HSC, à l'instar de plusieurs autres règlements, est restreinte aux navires exploités dans un secteur donné ou qui ont été construits à une date spécifique ou après cette date. Le profil de risque d'un navire varie en fonction de ses conditions d'exploitation. Par conséquent, pour réduire au minimum les risques auxquels les passagers et l'équipage sont exposés, il est essentiel de prendre en compte les risques associés à chaque navire et de prendre les mesures qui s'imposent dans chaque cas.
Une solution de rechange à l'adoption globale du recueil HSC est la mise en oeuvre de mesures individuelles, comme un système de gestion de la sécurité, visant à identifier et à gérer les risques. La mise en oeuvre d'un tel système suppose que l'on identifie les dangers associés aux activités, qu'on évalue les risques qui en résultent et qu'on élabore des stratégies d'atténuation de ces risques.
Une étude visant à évaluer la possibilité de mettre en oeuvre un système de gestion de la sécurité au sein de la flotte du Canada a été achevée en mai 2002. Transports Canada devrait terminer l'examen des résultats de l'étude d'ici le milieu de 2005Footnote 15. Dans l'intervalle, Transports Canada continue d'encourager les exploitants canadiens à se doter volontairement d'un système de gestion de la sécurité. Dans le cas qui nous occupe, le propriétaire du navire avait mis en place un système générique de gestion de la sécurité.
Toutefois, du fait que certains navires à passagers ne sont pas tenus d'avoir un mécanisme officiel visant à identifier et à atténuer les risques associés à l'exploitation du navire, il se peut que certaines conditions dangereuses ne soient pas décelées et corrigées comme il se doit.
Information de sécurité
L'information de sécurité permet de préparer les passagers à réagir correctement et au bon moment en cas d'urgence. Dans le cas qui nous occupe, les passagers n'ont pas reçu toute l'information de sécurité nécessaire pour diverses raisons :
- Comme le navire était en route au moment où les consignes de sécurité avant l'appareillage ont été données sur le système de sonorisation du bord, certains passagers ont eu du mal à entendre les consignes.
- Les consignes de sécurité affichées n'étaient pas bien en vue et étaient difficiles à lire.
- Les renseignements critiques pour la sécurité, notamment les instructions sur la façon d'enfiler les gilets de sauvetage, n'ont pas été fournis.
- Le plan d'équipement de sauvetage n'était pas affiché à bord.
Quand les passagers ne disposent pas de toute l'information de sécurité dont ils ont besoin, les risques qu'ils réagissent de façon inappropriée et qu'ils s'exposent à des risques inacceptables lors d'une situation d'urgence sont plus grands.
Causes potentielles de blessures et obstacles gênant l'évacuation et l'abandon du navire
La responsabilité générale de l'exploitation en toute sécurité du navire incombait au propriétaire, mais diverses conditions susceptibles de causer des blessures ou de gêner l'évacuation ainsi que l'abandon du navire n'ont pas été identifiées par l'équipage ou n'ont pas été relevées lors de l'inspection annuelle.
Vu l'augmentation exponentielle de l'énergie de rupture à mesure que la vitesse du navire augmente, le risque d'avaries au navire et de blessures aux passagers en cas d'accident est beaucoup plus grand pour les navires à grande vitesse. Des abordages, des heurts violents et des échouements survenus à des navires à grande vitesse ont déjà causé des blessures graves et des pertes de vie. Les blessures graves surviennent souvent lorsque les passagers sont projetés, ou qu'ils heurtent des surfaces dures ou des objets en saillie, ou qu'ils sont heurtés par des objets mal assujettis ou non assujettis. De plus, s'il faut abandonner le navire, il est crucial que les passagers et les membres de l'équipage puissent accéder rapidement aux issues de secours et aux plates-formes d'embarquement. C'est particulièrement important sur les navires d'excursion comme le Famille Dufour II, car le ratio passagers-équipage y est élevé, et des difficultés surgissent lorsque les passagers sont soumis à un stress considérable.
La réglementation en vigueur ne traitait pas des diverses lacunes de sécurité relevées à bord du Famille Dufour II et qui auraient pu causer des blessures à l'équipage ou gêner l'évacuation et l'abandon du navire en cas d'urgence, et les inspections n'ont pas permis de déceler ces lacunes.
Accessibilité des gilets de sauvetage
Bien que cela n'ait pas été un facteur dans l'accident, certains gilets de sauvetage n'étaient pas facilement accessibles en cas d'urgence étant donné la façon qu'ils étaient rangés. Á bord du Famille Dufour II, les gilets de sauvetage pour adultes étaient rangés sur les deux ponts. Toutefois, les 50 gilets de sauvetage pour enfants étaient rangés dans le compartiment supérieur situé à l'extrémité avant des emménagements du pont principal.
Le fait que tous les gilets de sauvetage pour enfants étaient rangés en un seul et même endroit, dans les emménagements avant du pont principal, aurait pu causer des difficultés au moment de la distribution des gilets de sauvetage pour enfants et retarder l'évacuation. Il y aurait eu un risque d'encombrement dans l'escalier et les coursives, en raison du va-et-vient des passagers avec des enfants qui se rendent aux lieux de rangement et en reviennent. Par ailleurs, le Famille Dufour II n'est peut-être pas le seul navire où tous les gilets de sauvetage pour enfants sont rangés en un seul et même endroit. Le Règlement sur l'équipement de sauvetage exige que tous les gilets de sauvetage du navire soient placés de manière qu'ils soient facilement accessibles pour une utilisation immédiate et soient rangés dans un endroit bien indiqué. Le règlement ne stipule aucune exigence, si ce n'est celle qui vise les navires de classe I, de classe II et de classe III et qui stipule que ces navires doivent avoir à bord un nombre suffisant de gilets de sauvetage pour 5 % de l'équipage, rangés dans un endroit bien indiqué sur le pont, ou que les gilets de sauvetage doivent être rangés dans des endroits répartis à la grandeur du navire. Par conséquent, compte tenu des circonstances qui peuvent survenir lors d'une situation d'urgence, il est possible que des gilets de sauvetage ne puissent pas être récupérés et utilisés si l'endroit où ils se trouvent devient inaccessible.
Les gilets de sauvetage pour adultes et pour enfants qui se trouvaient dans le compartiment supérieur transversal du Famille Dufour II n'étaient pas facilement accessibles. En raison de la conception et de la hauteur du compartiment, de la présence des sangles en métal et de la façon dont les gilets de sauvetage étaient rangés, il était difficile d'extraire les gilets du compartiment. La plupart des personnes auraient été obligées de monter sur la rangée de sièges pour atteindre les gilets. Comme il arrive qu'on retire les sièges à cet endroit, l'accès aux gilets de sauvetage serait alors impossible (voir Mesures de sécurité, Rangement des gilets de sauvetage, dans le présent rapport).
Différenciation entre les gilets de sauvetage pour adultes et ceux pour enfants
Il y avait des gilets de sauvetage pour adultes et des gilets pour enfants dans le compartiment supérieur. Toutefois, comme il n'y avait aucune barrière matérielle pour séparer les gilets de sauvetage pour adultes des gilets pour enfants et qu'ils étaient tous de la même couleur, il était impossible de distinguer facilement les gilets, d'où le risque accru qu'un passager ou une passagère se retrouve avec un gilet de sauvetage qui ne convenait pas à sa taille.
Arrimage des radeaux de sauvetage
Bien que cela n'ait pas été un facteur dans l'accident, les 12 radeaux pneumatiques étaient assujettis par des saisines dotées de croc à échappement, ce qui nécessite un largage manuel. Les saisines n'étaient pas dotées d'un dispositif de largage hydrostatique ou d'un autre dispositif permettant au radeau d'émerger librement en cas de naufrage du navire.
L'enquête sur l'accident du True North II (rapport M00C0033 du BST) a permis de constater ce qui peut arriver à un navire à passagers lorsque les radeaux de sauvetage ne sont pas munis des dispositifs nécessaires, peu importe la classe du navire ou le fait qu'il navigue dans des eaux abritées. Lors d'une situation d'urgence, les dispositifs qui exigent une intervention humaine peuvent faire en sorte qu'il soit impossible de déployer les radeaux de sauvetage si l'équipage ne peut pas accéder rapidement à l'équipement de sauvetage. Par conséquent, l'absence de dispositif de largage hydrostatique (ou d'un autre dispositif permettant au radeau d'émerger librement), pour des navires de cette classe ou pour ce type d'activité, compromet la sécurité des passagers. Transports Canada a reconnu que les radeaux de sauvetage doivent être assujettis par une saisine dotée d'un dispositif de dégagement hydrostatique ou être placés dans des chaumards profonds, sans saisines, de façon que le radeau puisse émerger et flotter librement en cas de naufrage du navire. Cette exigence est mentionnée dans des règlements autres que ceux qui s'appliquent au navire Famille Dufour II. Reconnaissant cette lacune de la réglementation, Transports Canada a publié le Bulletin de la sécurité des navires no 03/2001, dans lequel il recommande que tous les navires, sans égard à leurs dimensions, arriment leurs radeaux de sauvetage de façon qu'ils puissent émerger librement si le navire coule.
L'absence de dispositif permettant au radeau d'émerger librement réduit les chances de survie des passagers et de l'équipage en cas d'urgence en mer si l'embarcation de sauvetage coule avec le navire (voir Mesures de sécurité, Arrimage des radeaux de sauvetage, dans le présent rapport).
Maîtrise des passagers et des foules
La maîtrise des passagers et des foules revêt une importance critique pour la sécurité des passagers, et à plus forte raison sur les navires à passagers dont le ratio passagers-équipage est élevé. Par conséquent, les officiers et l'équipage doivent avoir les connaissances et les habiletés voulues pour pouvoir s'occuper d'un grand nombre de passagers en cas d'urgence. Dans le cas qui nous occupe, la maîtrise des passagers et des foules n'a pas été un facteur contributif; toutefois, le naturaliste qui avait la responsabilité des passagers n'avait suivi aucune formation officielle sur la maîtrise des passagers et des foules. Faute d'une telle formation, les membres d'équipage n'ont peut-être pas toutes les connaissances voulues pour intervenir efficacement et assurer la sécurité des passagers en cas d'urgence.
Les avantages de la formation sur la maîtrise des passagers et des foules ont été reconnus par l'OMI et sont exprimés dans la Convention STCW et le recueil HSC. Aux termes de la Convention STCW, le personnel désigné sur le rôle d'appel pour venir en aide aux passagers en cas de situation critique doit avoir suivi une formation sur la maîtrise des foules. En outre, le recueil HSC exige que tous les membres d'équipage suivent une formation et reçoivent des instructions concernant les communications avec les passagers pendant les situations critiques.
Le cours pour le certificat d'officier (cours FUM C) comprend une séance de formation d'une heure sur la maîtrise des foules, mais cette formation n'est pas obligatoire pour les membres d'équipage des navires à passagers canadiens qui ne sont pas assujettis à la Convention et aux dispositions du recueil.
Des exercices d'incendie et d'embarcation réguliers permettent à l'équipage de se familiariser avec les mesures à prendre en cas de situation critique. Selon l'information recueillie, des exercices de simulation d'urgence ont eu lieu au cours de la saison d'activité 2003, toutefois, rien n'indique que des exercices d'embarcation et d'incendie aient été tenus à bord du Famille Dufour II au cours de la période d'activité 2004 ayant précédé l'accident.
L'absence d'exercices de simulation d'urgence peut annuler les avantages de la formation en cas d'urgence et peut par le fait même compromettre la sécurité. Grâce à la formation et aux exercices, l'équipage apprend à intervenir en cas de situation critique. Ainsi, quand l'équipage fera réellement face à une situation critique, sa réaction fera davantage appel à des automatismes et exigera moins d'interprétation et de prises de décisions.
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le capitaine n'a pas donné suite aux avertissements du premier lieutenant et du capitaine observateur, et le navire a heurté le quai à une vitesse de 8,7 noeuds.
- Le capitaine avait une expérience limitée de la conduite des navires à grande vitesse et des navires propulsés par hydrojets; la formation qu'il avait reçue sur le Famille Dufour II avait été ponctuelle et informelle.
- Selon toute vraisemblance, le capitaine n'était pas apte à remplir ses fonctions au moment de l'accident.
Faits établis quant aux risques
- Les examens médicaux visant à permettre aux marins de reprendre le service après un congé de maladie ne tiennent pas compte des fonctions du marin et du fait que ces fonctions revêtent une importance critique pour la sécurité, ce qui expose les passagers et les marins à des risques inacceptables.
- On n'a pas bien tenu compte des risques associés à l'exploitation des navires à grande vitesse, lesquels ne sont pas assujettis aux dispositions du Recueil international des règles de sécurité applicables aux engins à grande vitesse de 1994 et du Recueil international des règles de sécurité applicables aux engins à grande vitesse de 2000.
- Il n'existe aucune exigence formelle visant une évaluation des compétences et des connaissances des capitaines et des officiers chargés de la conduite des navires à grande vitesse qui naviguent sur les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent.
- Du fait que certains navires à passagers ne sont pas tenus d'avoir un mécanisme officiel visant à identifier et à atténuer les risques associés à l'exploitation du navire, il se peut que certaines conditions dangereuses ne soient pas décelées et corrigées comme il se doit.
- La réglementation en vigueur ne traitait pas des lacunes de sécurité relevées à bord du Famille Dufour II et qui auraient pu causer des blessures à l'équipage ou gêner l'évacuation ainsi que l'abandon du navire en cas d'urgence, et les inspections n'ont pas permis de déceler ces lacunes.
- La sécurité des passagers est compromise lors d'une situation d'urgence :
- si l'information de sécurité pertinente n'est pas disponible;
- si l'on ne peut pas accéder rapidement et facilement à tous les gilets de sauvetage;
- si les radeaux de sauvetage ne sont pas pourvus d'un dispositif permettant au radeau de se dégager librement;
- si la formation sur la maîtrise des passagers et des foules n'est pas dispensée;
- si des exercices réguliers de simulation d'urgence ne sont pas conduits.
Mesures de sécurité
Mesures prises
Non-signalement d'un état pathologique
Lors d'une rencontre avec le Bureau de la certification médicale maritime de Transports Canada le 14 septembre 2004, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a fait savoir que, dans le cadre de son enquête sur le présent accident, il examinait des lacunes potentielles liées au non-signalement d'états pathologiques susceptibles d'affecter la capacité des marins de s'acquitter de leurs fonctions en toute sécurité. Transports Canada a indiqué qu'il était au courant des problèmes liés au non-signalement et il a fait savoir qu'on avait entrepris de rédiger des modifications au Règlement sur l'armement en équipage des navires afin de renforcer les exigences relatives aux examens médicaux auxquels les marins doivent se soumettre, et que ces modifications seraient présentées à l'industrie à des fins de discussion. Á la réunion de novembre 2004 du Conseil consultatif maritime canadien, un document de travail, portant sur le nouveau Règlement sur le personnel maritime proposé et spécifiant les exigences relatives aux examens médicaux des marins, a été examiné avec l'industrie; toutefois, le règlement proposé ne traitait pas de la question du non-signalement.
Il convient de noter que la Loi sur la marine marchande du Canada, 2001, qui n'est pas encore en vigueur, renferme une disposition qui précise que, si un médecin estime que l'état d'un marin est susceptible de constituer un danger pour la sécurité maritime, le médecin est tenu d'en informer le ministre.
Arrimage des radeaux de sauvetage
En novembre 2004, le BST a fait parvenir à Transports Canada l'Avis de sécurité maritime no 07/04, dans lequel il signalait les lacunes associées à l'absence de dispositif permettant au radeau d'émerger librement pour les radeaux de sauvetage des navires à passagers qui sont actuellement exemptés des dispositions pertinentes en raison de la classification des voyages.
En réponse, Transports Canada a convenu que les radeaux de sauvetage de tous les navires à passagers devraient pouvoir se dégager et flotter librement si le navire coulait. Á l'occasion de l'étape II de la réforme de la réglementation de la Loi sur la marine marchande du Canada, on essaiera de faire adopter une modification au Règlement sur l'équipement de sauvetage, de façon à permettre ce changement. Ce travail devrait commencer vers la fin de 2006. Entre temps, Transports Canada a publié le Bulletin de la sécurité des navires no 03/2001, dans lequel il recommande que tous les navires, sans égard à leur dimension, arriment les radeaux de sauvetage (autres que les radeaux sous bossoir) et les plates-formes d'embarquement gonflables pour qu'ils puissent émerger librement si le navire coule.
Rangement des gilets de sauvetage
En décembre 2004, le BST a fait parvenir à Transports Canada la Lettre d'information sur la sécurité maritime no 09/04, dans laquelle il signalait les risques auxquels les passagers sont exposés lorsque tous les gilets de sauvetage pour enfants du navire sont rangés en un seul et même endroit, que ces gilets ne sont pas séparés des gilets de sauvetage pour adultes et qu'ils sont entassés dans des compartiments difficilement accessibles à partir du pont.
L'exploitant range désormais les gilets de sauvetage pour enfants à un autre endroit sur le Famille Dufour II. Les gilets de sauvetage sont rangés dans deux compartiments dûment identifiés à l'extérieur de la partie arrière de la superstructure; l'un des compartiments se trouve sur le pont principal, et l'autre sur le pont supérieur.
Consignes de sécurité avant l'appareillage
Après l'accident, la compagnie a fait savoir qu'elle avait pris des mesures sur ses navires pour s'assurer que les passagers sont assis lorsque les consignes de sécurité sont données à bord et pour être certaine que les consignes sont bel et bien entendues partout sur le navire.
Sécurité des passagers et de l'équipage
La compagnie a indiqué qu'elle avait pris des mesures pour diminuer les risques que pouvaient poser certains éléments relevés au cours de l'enquête. (Á noter que le navire a été vendu en mai 2005.)
Normes d'exploitation et exigences en matière de formation
Le bureau régional de Transports Canada à Québec a demandé au nouveau propriétaire du Famille Dufour II de se conformer aux exigences du chapitre 18 du Recueil international des règles de sécurité applicables aux engins à grande vitesse (Recueil HSC) de 1994. Ce chapitre présente des prescriptions relatives à l'exploitation, notamment au contrôle opérationnel, aux documents, à la formation et aux qualifications, aux effectifs des embarcations de sauvetage et à l'encadrement, aux situations critiques et aux exercices. Avant que le nouveau propriétaire commence à exploiter le navire, des inspecteurs de Transports Canada soumettront l'équipage à des tests de compétence. Les officiers qui réussiront les tests recevront un certificat de mention de type pour engin à grande vitesse (S.I. 57) valide pour le navire et l'itinéraire visés.
Préoccupations liées à la sécurité
Risques associés aux navires à passagers à grande vitesse
Les navires à passagers à grande vitesse peuvent présenter des risques pour la sécurité que ne présentent pas normalement les navires classiques qui se déplacent à une vitesse modérée. Les navires à passagers à grande vitesse sont très manoeuvrables. De construction légère, leur rapport puissance-poids est plus élevé, et ils peuvent transporter un plus grand nombre de passagers par rapport à leur longueur que les navires classiques. De plus, l'augmentation exponentielle de l'énergie de rupture combinée à une plus grande vitesse accroît sensiblement les risques d'avaries à la structure et de blessures aux passagers.
La conduite d'un navire à grande vitesse est différente de celle d'un navire classique. Pour gérer efficacement les risques inhérents aux navires à grande vitesse, il faut veiller à ce que le niveau de surveillance assuré par les exploitants tienne compte des dangers que présentent les déplacements à grande vitesse. Toutefois, dans le cas des navires canadiens à grande vitesse qui transportent des passagers mais ne sont pas assujettis au Recueil HSC de 1994 ni au Recueil HSC de 2000, la méthode conventionnelle de réglementation des navires canadiens à passagers s'applique. L'organisme de réglementation n'a établi aucune directive officielle à l'intention des exploitants de ces navires pour l'évaluation et la gestion des risques des déplacements à grande vitesse. Les exploitants canadiens qui gèrent ces navires sont libres de se conformer aux recueils HSC. Si l'un des recueils HSC avait été applicable au Famille Dufour II, les lacunes comme celles liées à la formation et à la sécurité des passagers auraient probablement été décelées.
Du fait que l'application de directives officielles (comme les recueils HSC) pour aider les exploitants à gérer et à réduire les risques que présentent ces navires n'est pas systématique, le BST craint que les lacunes de sécurité ne soient pas décelées et corrigées comme il se doit. Le BST continuera donc à surveiller les événements liés aux navires à passagers à grande vitesse, ainsi que toute nouvelle initiative de Transports Canada ou de l'industrie visant à assurer l'exploitation en toute sécurité de ces navires.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .