Chavirement avec perte de vie
du petit bateau de pêche Melina & Keith II
à 70 milles marins à l'est de Bonavista
(Terre-Neuve-et-Labrador)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'après-midi du 12 septembre 2005, le petit bateau de pêche Melina & Keith II, avec huit personnes à bord, hale ses filets au large du banc de l'île Funk (Terre-Neuve-et-Labrador). Après avoir embarqué de l'eau par l'ouverture latérale pour le halage, il chavire à la position approximative de 48°55,5' N, 051°17,5' W. Bilan, quatre personnes ont été récupérées; le corps d'un membre d'équipage a été repêché; trois membres d'équipage sont portés disparus et présumés morts par noyade.
Renseignements de base
« MELINA & KEITH II » | |
Numéro officiel | 809085 |
---|---|
Port d'immatriculation | St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador) |
Pavillon | Canada |
Type | Petit bateau de pêche |
Jauge brute | 126,62 |
LongueurNote de bas de page 1 | 18,78 m |
Tirant d'eauNote de bas de page 2 | Avant : 3,0 m Arrière : 3,2 m |
Construction | 1988, Glovertown (Terre-Neuve-et-Labrador) |
Propulsion | Un moteur diesel développant 373 kW et entraînant une seule hélice |
Cargaison | 27 000 kg de crevette, 4500 kg de flétan noir (turbot) |
Équipage | 7 personnes |
Observateur des pêches | 1 |
Propriétaire enregistré | Propriétaire privé, Eastport (Terre-Neuve-et-Labrador) |
Renseignements sur le navire
Le Melina & Keith II est un petit bateau de pêche ponté à coque à double bouchain en acier soudé. La coque sous le pont principal est divisée en plusieurs compartiments par des cloisons transversales étanches à l'eau. Elle abrite le coqueron avant, les caisses à eau, la salle des machines, la cale à poisson, le cofferdam, les réservoirs de combustible et la cambuse. Le poste d'équipage est situé sur l'avant du pont principal. Un pont-abri prolongé se trouve sur l'arrière du pont principal. La timonerie se trouve au dessus des emménagements. Une seule porte étanche aux intempéries mène des emménagements à la partie arrière du pont principal; à tribord de cette porte se trouve un hublot de cuisine. Une ouverture latérale pour le halage est aménagée dans le bordé de muraille tribord, au droit du pont-abri.
Le Melina & Keith II fait partie d'une série de bateaux de pêche de 65 pieds dont le premier a été construit en 1982. Bien que tous ces bateaux soient d'une conception fondamentalement semblable, leurs propriétaires y ont apporté diverses modifications. Le Melina & Keith II avait été construit avec un pont de travail ouvert. En raison de sa configuration, le bateau embarquait souvent des paquets de mer, ce qui rendait les conditions dangereuses sur le pont de travail. Le pont a été complètement fermé en 2000 et quatre pompes submersibles ont été installées pour l'évacuation de l'eau.
Le Melina & Keith II avait été construit comme palangrier, mais dans les années suivantes il a été transformé en bateau de pêche polyvalent pour le chalutage par l'arrière ou la pêche aux engins fixes tels que filets maillants et palangres. Les modifications suivantes ont été apportées :
- pose d'un bâti en A sur la partie arrière du bateau;
- pose de treuils sur le pont-abri;
- pose de stabilisateurs sur les hanches bâbord et tribord;
- fermeture complète du pont exposé pour le rendre étanche aux intempéries;
- pose de pompes à eaux usées submersibles sur le pont exposé pour l'évacuation de l'eau du pont fermé;
- obturation par soudure des sabords de décharge;
- réaménagement des emménagements pour recevoir un équipage de 12 personnes;
- agrandissement de la timonerie;
- pose d'une rambarde en acier autour de la passerelle haute située sur le toit de la timonerie, mais avec une petite ouverture dans la partie arrière. Les trois rambardes bâbord sont continues, mais seule la rambarde supérieure tribord est continue; les deux rambardes inférieures ont été découpées pour permettre le passage d'un radeau de sauvetage.
La timonerie est équipée des appareils de communication et de navigation suivants :
- un radiotéléphone VHF avec fonction ASN (appel sélectif numérique)
- un appareil SSN (système de surveillance des navires);
- un téléphone satellite;
- un téléphone cellulaire;
- un écho-sondeur (détecteur de poissons);
- des radars.
Déroulement du voyage
Le 6 septembre 2005, le Melina & Keith II appareille de Catalina (Terre-Neuve-et-Labrador) pour aller pêcher le flétan noir et la crevette avec un équipage de sept personnes et un observateur des pêches. Le bateau participe à la pêche expérimentale du flétan noir. En route vers les lieux de pêche de la crevette, il fait un arrêt pour haler les filets maillants. Un membre d'équipage se blesse à la main en stockant le flétan noir; il sera par la suite incapable de participer aux opérations de pêche. Après avoir embarqué les 125 filets maillants et stocké environ 4500 kg de flétan noir et 725 kg de prises accessoires, le Melina & Keith II remet les filets maillants à l'eau et fait route cap au nord-est sur environ 80 milles marins pour pêcher la crevette. Le matin du 11 septembre, après trois jours de pêche, le bateau a récolté plus de 27 000 kg de crevette qui sont stockés dans 11 des 15 compartiments de la cale à poisson; quant aux autres compartiments, deux sont à moitié remplis de flétan noir; un est à moitié rempli de glace, et l'autre contient 725 kg de prises accessoires.
Après que la dernière prise de crevette a été ramenée à bord, le vent qui était modéré augmente à 40 ou 45 nœuds du nord-est. Le Melina & Keith II se dirige alors lentement vers les filets maillants de flétan noir en vue de les haler le matin avant de rentrer au port. À 9 h, heure avancée de Terre-Neuve (HAT)Note de bas de page 3, le 12 septembre, les membres d'équipage sont réveillés et appelés sur le pont pour préparer le bateau à la manœuvre des filets. À 11 h 40, ils commencent à embarquer le premier jeu de 40 filets maillants. Le vent a molli et souffle maintenant du nord-est à 15 nœuds avec des vagues estimées à 2 m de hauteur.
Le patron se trouve dans la timonerie. L'observateur et les membres d'équipage sont sur le pont. Le membre d'équipage blessé se trouve dans la cuisine. Pendant la récupération des filets, le navire donne de la bande sur tribord et les vagues entrent par l'ouverture pour le halage du côté tribord, trempant l'équipage. Le fait de se faire mouiller pendant le relevage des engins de pêche n'est pas inhabituel pour l'équipage.
Le patron descend sur le pont pour aider l'équipage à relever les engins de pêche et à ramasser le poisson, tout en manœuvrant le bateau à l'aide des commandes à distance situées près de l'ouverture pour le halage. À mesure que les filets sont ramenés à bord, le flétan noir est récolté et placé dans un bac à bâbord de l'axe longitudinal du bateau tandis que les engins sont arrimés sur la hanche tribord du bateau. On tente sans succès de déplacer une partie des engins sur bâbord. Après que l'équipage a récupéré plus de la moitié des filets, le bateau roule modérément à tribord et embarque environ 5 cm d'eau sur le pont. Les pompes parviennent alors à évacuer toute l'eau. Le bateau se redresse, mais roule modérément à tribord, embarquant environ 15 à 20 cm d'eau. Le bateau ne parviendra plus à se redresser. Les pompes submersibles ne suffisent plus à évacuer l'eau. Le bateau accuse une forte gîte et il y a maintenant 20 à 25 cm d'eau sur le pont tribord.
Le haleur de filet est arrêté, la machine est débrayée et le patron court à la timonerie pour vérifier si des alarmes se sont déclenchées et étudier les écrans vidéo qui reçoivent les images de caméras situées dans diverses parties du bateau. Ne voyant aucune eau dans les bas sur les écrans vidéo, le patron commence à prendre les combinaisons d'immersion qui se trouvent dans l'armoire de la timonerie. Peu après que le patron a quitté le pont de pêche, le bateau a un fort mouvement de roulis; cette fois, l'eau s'engouffre constamment par l'ouverture pour le halage. Les personnes sur le pont se dirigent sur bâbord et quittent la timonerie. Le membre d'équipage qui se trouvait dans la cuisine se rend à la timonerie en passant par les emménagements où il croise le patron. Les deux quittent la timonerie où le patron a en partie endossé une combinaison d'immersion.
Le Melina & Keith II accuse maintenant une forte gîte, et tout le personnel est rassemblé sur bâbord et se tient debout sur le côté de la timonerie. L'équipage tente de larguer manuellement le radeau de sauvetage bâbord qui se trouve sur le toit de la timonerie, mais comme le radeau est surélevé derrière les rambardes, l'équipage n'y arrive pas.
Événements qui ont suivi le chavirement
Vers 15 h 29, le bateau est engagé et continue de rouler jusqu'à se retrouver complètement à l'envers. Pendant que le bateau roulait, les huit personnes ont escaladé le côté du bateau jusqu'à ce qu'elles arrivent, debout, sur son fond. Après que le bateau a chaviré, la radiobalise de localisation des sinistres (RLS) sera aperçue à la mer, avec son feu clignotant. Les huit personnes demeureront sur le fond du bateau renversé pendant deux heures, jusqu'à ce que le bateau coule à la position approximative de 48°55,5′N, 051°17,5′W.
À 17 h 40, lorsque le bateau glisse sous la surface de l'eau, les huit personnes sautent à l'eau, mais deux d'entre elles ne savent pas nager et disparaissent presque immédiatement. Aucun débris ne fait surface sauf le bateau de travail en aluminium qui refait surface 10 minutes plus tard. Quatre personnes s'y accrochent mais, après que deux morceaux de styromousse refont également surface, deux membres d'équipage lâchent le bateau pour s'y accrocher. Le patron flotte dans sa combinaison d'immersion, tandis qu'un autre membre d'équipage s'accroche à une planche qu'il a trouvée. Un des membres d'équipage agrippé au bateau de travail en aluminium glisse sous l'eau au bout de 45 minutes environ et ne sera plus revu. L'autre tient bon, ayant passé son bras par une ouverture dans la partie avant du bateau.
Les cinq personnes encore à l'eau y seront encore quelque 90 minutes, jusqu'à ce qu'un bateau de pêche arrive. Bilan, quatre personnes ont été récupérées, mais la cinquième a succombé une quinzaine de minutes avant l'arrivée du bateau.
Recherche et sauvetage
La RLS a commencé à émettre un signal peu après que le bateau de pêche a chaviré. À 15 h 32, le signal de la RLS de 406 MHz a été reçu par un satellite (à haute altitude) GOESNote de bas de page 4 (satellite d'exploitation géostationnaire pour l'étude de l'environnement) et relayé vers le Centre canadien de contrôle des missions (CCCM) de Trenton (Ontario). L'information provenant de ce satellite et du Registre canadien des balises de détresse (qui ne fournit que le nom du navire et les coordonnées des personnes à contacter en cas d'urgence) est transmise au Centre conjoint de coordination de sauvetage (CCCS) de Halifax (Nouvelle-Écosse), puis relayée au Centre secondaire de sauvetage maritime (CSSM) de St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador) à 15 h 36.
Voici un détail des activités de recherche et sauvetage (SAR) :
15 h 32 | Le satellite GOES reçoit le signal de la radiobalise. |
15 h 35 à 16 h 11 | Le coordonnateur SAR de service tente 14 fois de joindre les deux personnes contact; il obtient soit la tonalité d'occupation, soit aucune réponse. |
16 h 23 | Le satellite Cospas-9 indique deux positions possibles. |
16 h 24 à 16 h 26 | Deux autres tentatives sont faites pour joindre les personnes contact. |
16 h 31 | Les données indiquent une position dans les environs de Glovertown (Terre-Neuve-et-Labrador). Un dossier de recherche est ouvert. |
16 h 39 | La position donnée par le système SSN est vérifiée. |
16 h 40 | Les Services de communication et de trafic maritimes (SCTM) appellent le Melina & Keith II par radio. Aucune réponse. |
16 h 43 | Le CSSM demande au CCCS de dépêcher des aéronefs de recherche. |
16 h 44 | Le satellite Sarsat-8 reçoit un signal. La position du navire en détresse est établie. Les SCTM lancent un appel à tous les navires dans les parages. |
16 h 50 | L'hélicoptère Cormorant R908 est dépêché sur les lieux. |
16 h 50 à 16 h 56 | Des bâtiments de la Garde côtière canadienne (GCC) et des bateaux de pêche sont dépêchés sur les lieux. Le CSSM appelle le numéro de téléphone satellite du Melina & Keith II. Aucune réponse. |
17 h 00 | Le CSSM diffuse le message d'urgence PAN PAN. |
17 h 03 | Le système SSN indique que le Lady Charlotte Star se trouve dans les parages. |
17 h 17 | Un Mayday Relay est diffusé après de nouvelles tentatives de joindre le téléphone satellite et la ligne terrestre. D'autres navires sont appelés en renfort, dont le Lady Charlotte Star. |
18 h 10 | L'hélicoptère R908 décolle. |
19 h 20 | Le Lady Charlotte Star arrive sur place et récupère une première personne de l'eau. |
19 h 23 | L'hélicoptère R908 arrive sur les lieux. |
Au moment de l'événement, un coordonnateur SAR était de service au CSSM.
Les RLS déclenchent de nombreuses fausses alarmes, aussi les coordonnateurs SAR doivent-ils vérifier l'authenticité des signaux de détresse. À cette fin, le coordonnateur SAR doit appeler la ou les personnes dont le nom figure sur le formulaire d'enregistrement des balises RLS comme personnes que l'on peut appeler 24 heures sur 24, afin de déterminer si le navire est en mer et, le cas échéant, quelle est sa position.
Dans le cas présent, le coordonnateur SAR a fait 14 appels aux deux numéros à appeler 24 heures sur 24 (un numéro de téléphone résidentiel et un numéro de téléphone cellulaire). Il n'a obtenu aucune réponse.
Victimes
Quatre personnes ont été récupérées. Le corps d'un des membres d'équipage mort par noyade a été repêché; trois membres d'équipage sont portés disparus et présumés morts par noyade.
Brevets et certificats
Le Melina & Keith II devait se soumettre à des inspections quadriennales de Transports Canada en vertu du Règlement sur l'inspection des petits bateaux de pêche. Il avait été inspecté la dernière fois en août 2004 après un grand carénage consécutif à un incendie à bord survenu en 2003.
Le patron travaillait sur des bateaux de pêche depuis un jeune âge et était considéré comme un pêcheur d'expérience; il était titulaire d'un brevet de capitaine de pêche, deuxième classe, ce qui excédait les exigences de la réglementation de Transports Canada pour les limites des voyages de cabotage classe I applicables au Melina & Keith II. Par ailleurs, même si la réglementation de Transports Canada exigeait la présence d'un officier de pont titulaire au minimum d'un brevet de capitaine de pêche, quatrième classe, aucun autre membre d'équipage à bord n'était titulaire d'un brevet. Trois des quatre survivants avaient suivi une formation aux fonctions d'urgence en mer (FUM); l'enquête n'a pas permis d'établir si les quatre autres membres d'équipage avaient reçu cette formation.
Conditions météorologiques
Vents du nord-est de 10 à 15 noeuds avec des vagues de 2 mètres; température de l'air de 14 °C; température de l'eau de 14 °C.
Installations d'épuisement du pont-abri
Le Melina & Keith II était doté de quatre puisards de cale, chacun ayant une pompe à eaux usées submersible. Les puisards étaient situés aux quatre coins du pont de pêche fermé. Deux pompes avaient une capacité de 7,3 litres d'eau par seconde et deux autres, de 8,2 litres par seconde.
Stabilité
Exigences en matière de stabilité des petits bateaux de pêche
Étant un petit bateau de pêche ne dépassant pas 150 tonneaux de jauge brute et 24,4 m de longueur, le Melina & Keith II était assujetti aux exigences du Règlement sur l'inspection des petits bateaux de pêche. Les propriétaires n'étaient pas tenus de présenter des données sur la stabilité pour approbation parce que le bateau devait être utilisé pour la pêche à la crevette, au crabe ou au poisson de fond. Par contre, les bateaux de même taille utilisés pour la pêche au hareng ou au capelan doivent présenter des données sur la stabilité pour approbation par Transports Canada. Les critères minimaux de stabilité pour ces bateaux sont énoncés dans la norme STAB 4 de la publication de Transports Canada Normes de stabilité, de compartimentage et de lignes de charge (TP 7301).
En 2000, le Melina & Keith II avait subi d'importantes modifications qui avaient réduit sa stabilité. Ni Transports Canada ni le propriétaire n'avaient exigé une évaluation de la stabilité du bateau après l'inspection quadriennale de 2004.
Facteurs de stabilité
Comme le Melina & Keith II n'a pas fait l'objet d'essais de stabilité, il n'existe pas de données pour juger de sa stabilité transversale. La plupart des modifications apportées au fil des ans ont entraîné l'ajout de poids par rapport au déplacement lège d'origine, et ce, au-dessus du centre de gravité d'origine, ce qui a réduit la stabilité transversale du bateau.
Le bateau présentait une gîte sur tribord, probablement attribuable à une répartition asymétrique des poids fixes. Dès lors que le liquide dans les citernes n'était pas chargé de façon à compenser l'asymétrie, la gîte était permanente, ce qui réduisait la capacité de redressement du bateau du côté de la gîte.
Le jour de l'événement, le bateau était lourdement chargé de crevette, de poisson et de glace. Les réservoirs de combustible arrière étaient partiellement remplis, les réservoirs de combustible avant étaient pleins, la caisse à eau douce était partiellement remplie et les ballasts étaient pleins, ce qui réduisait le franc-bord du bateau.
La charge était inégalement répartie dans la cale à poisson : les compartiments bâbord, tribord et central contenaient respectivement 10 886 kg de poisson, 13 608 kg de crevette et 8165 kg de glace. Cette répartition a créé un moment d'inclinaison transversale, et l'angle de gîte sur tribord a accentué la gîte permanente.
La force produite par le halage des engins de pêche par l'ouverture latérale a encore accentué la gîte sur tribord. Pendant la levée des filets, le bateau avait une gîte sur tribord et un franc bord réduit. Le bateau embarquait de l'eau par l'ouverture pour le halage du côté tribord. À mesure que les filets étaient embarqués, le flétan noir était récolté et les engins étaient arrimés sur la hanche tribord du bateau, ce qui augmentait le moment d'inclinaison et l'angle de gîte du bateau, réduisant toujours plus la stabilité transversale du bateau.
Équipement de sauvetage
Des gilets de sauvetage étaient rangés dans les cabines avant et des combinaisons d'immersion se trouvaient dans une armoire de la timonerie. Selon l'information recueillie, des gilets de survie et des combinaisons de flottaison étaient rangés dans une armoire sur le pont. Au moment de l'événement, aucun membre d'équipage ne portait de gilet de sauvetage ou de vêtement de flottaison individuel (VFI); seul le patron portait une combinaison d'immersion.
Le bateau était muni de deux radeaux de sauvetage pneumatiques : un à 8 places et un à 10 places. Les deux radeaux étaient dotés d'un dispositif de largage automatique. Le bateau transportait également une barque en aluminium à cinq places. Les radeaux de sauvetage sont souvent arrimés au-dessus des emménagements ou sur le toit de la timonerie des bateaux de pêche. Sur le Melina & Keith II, les radeaux se trouvaient de part et d'autre du toit de la timonerie, contre la rambarde. Les membres d'équipage ont tenté de libérer le radeau de sauvetage arrimé du côté bâbord, mais, gênés par la rambarde, ils n'y sont pas parvenus.
Le Bureau a déjà traité des lacunes relatives à l'arrimage et à l'accessibilité des radeaux de sauvetage et a émis à ce sujet la recommandation M93-03. En réponse, Transports Canada a publié les Bulletins de la sécurité des navires (BSN) 09/1993 et 03/2001 qui fournissent des recommandations pour l'arrimage des radeaux de sauvetage pneumatiques à jeter manuellement par-dessus bord. Une des recommandations est que les radeaux de sauvetage doivent être arrimés à un endroit d'où on peut les soulever facilement au-dessus de leur support et les laisser tomber directement à l'eau par-dessus la rambarde ou le pavois. En outre, Transports Canada a entrepris une étude en mars 1998 sur les méthodes qui permettraient d'améliorer l'arrimage de l'équipement de sauvetage à bord des bateaux de pêche. Un des objectifs consistait à élaborer un système d'arrimage et de mise à l'eau de petits radeaux de sauvetage exigeant peu d'entretien et qui soit économique, sûr et efficace. L'étude n'a toutefois pas été achevée.
Dans le nouveau Règlement sur la sécurité des bateaux de pêche dont on prévoit l'aboutissement en 2008, Transports Canada entend prévoir des dispositions exigeant que tous les radeaux de sauvetage soient arrimés de sorte qu'ils puissent se dégager et flotter librement si le bateau chavire et coule.
Équipement et alertes de détresse
Le bateau était muni de l'équipement de détresse suivant : une radiobalise de localisation des sinistres (RLS) 406 MHz de classe 1, un émetteur-récepteur VHF avec appel sélectif numérique (ASN) et un système de communication par satellite (Sat-C) conforme au Système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM), intégré au système SSN, capable d'envoyer une alerte de détresse. Le bateau disposait aussi d'un téléphone satellite portable et d'un téléphone cellulaire.
Radiobalise de localisation des sinistres (RLS)
La RLS a refait surface et a transmis l'alerte de détresse comme prévu. Des signaux RLS envoyés au système Cospas-Sarsat sont utilisés dans un incident réel de détresse et de sécurité chaque jour à l'échelle mondialeNote de bas de page 5. Cependant, des statistiques recueillies en 2003 révèlent que pour la radiobalise de 406 MHz, le taux mondial de fausses alertes de détresse est d'environ 95 %. De plus, il faut parfois jusqu'à 90 minutes pour que le système Cospas-Sarsat précise l'origine d'un signal de radiobalise. Dans le cas présent, le signal a été reçu en quelques minutes par un satellite GOES, mais ce n'est qu'à 16 h 44, soit 72 minutes plus tard, lorsque le satellite Sarsat a reçu la position du bateau, que celle-ci a pu être établie.
Le premier signal de la RLS du Melina & Keith II reçu par le satellite GOES a seulement permis de connaître le nom du bateau et les numéros de téléphone de deux personnes contact. Dans de nombreux cas, un simple appel de téléphone suffit à constater qu'un navire qui a déclenché une alerte par inadvertance est amarré dans un port.
Sur le formulaire d'enregistrement des balises RLS du Secrétariat national de recherche et de sauvetage (SNRS) figurent des endroits pour inscrire deux numéros de téléphone (domicile et bureau). Aucun des deux n'est désigné comme un numéro d'urgence. Au dos du formulaire, en petits caractères, il est indiqué de donner le ou les numéros où on peut appeler 24 heures sur 24.
Aux États-Unis par contre, le formulaire d'enregistrement des balises RLS comporte quatre espaces pour des numéros primaires et quatre espaces pour des numéros auxiliaires de personnes avec qui communiquer 24 heures sur 24, le tout sous une rubrique intitulée [Traduction] « noms et numéros en cas d'urgence ». Les instructions précisent que ces numéros doivent être ceux de personnes autres que le propriétaire. Quatre espaces de plus sont prévus ailleurs dans le formulaire pour les communications avec le propriétaire ou l'exploitant.
Radio VHF-ASN et système de surveillance des navires (SSN)
Ni la radio VHF-ASN ni les alertes de détresse Sat-C n'ont été déclenchées manuellement. Ni le téléphone satellite ni le téléphone cellulaire du bateau n'ont été utilisés.
Une radio VHF-ASN permet de transmettre une alerte de détresse en cinq secondes environ, et un déclenchement accidentel est peu probable.
À Terre-Neuve-et-Labrador, le ministère des Pêches et des Océans (MPO) a imposé le système SSN pour ses principales pêches en 2004, aux fins de la gestion des pêches. Un système SSN permet au MPO d'améliorer sa surveillance et ses capacités de contrôle des pêches, ce qui rehausse sensiblement la gestion générale des pêches et fournit des données supplémentaires pour la recherche scientifique. Le système SSN permet de transmettre à intervalles réguliers la position des bateaux de pêche au MPO, par le biais d'un système de communication par satellite. L'information est ensuite relayée à un centre de surveillance. Lorsque le bouton de détresse est enfoncé, une alerte de détresse est transmise en même temps que l'identité du navire, l'heure et les données de positionnement. Le système Inmarsat C accorde la plus haute priorité aux alertes et messages de détresse. Les alertes sont transmises sans délai de la station terrestre au CCCS pertinent.
Au moment de l'événement, tous les coordonnateurs SAR du CSSM de St. John's avaient reçu de la formation formelle et informelle sur le système de gestion des missions de recherche et le système SSN. Cependant, le coordonnateur SAR de service n'avait jamais eu l'occasion d'utiliser le système SSN pour localiser un navire en détresse.
Séances de familiarisation et exercices d'abandon
Rien n'indique que les membres de l'équipage aient participé à des séances de familiarisation avec l'équipement de sécurité et de sauvetage du bateau ou qu'ils aient participé régulièrement à des exercices d'abandon. Certains membres d'équipage ne connaissaient pas l'emplacement des combinaisons d'immersion.
Analyse
Stabilité
Le Melina & Keith II accusait une gîte sur tribord lorsqu'il a embarqué de l'eau par-dessus le bord inférieur de l'ouverture pour le halage, ce qui a réduit la stabilité du bateau pour les raisons suivantes :
- de l'eau s'est accumulée au point où les pompes ne pouvaient pas l'évacuer, et l'accumulation de l'eau sur le pont tribord a aggravé la situation;
- le poids supplémentaire de l'eau embarquée a élevé le centre de gravité final;
- les sabords de décharge du bateau avaient été obturés par soudage, ce qui empêchait l'évacuation de l'eau embarquée sur le pont. L'eau retenue sur le pont a créé un effet de carène liquide qui a également élevé le centre de gravité virtuel du bateau.
Équipement de sauvetage
Radeaux de sauvetage
Bien que les deux radeaux de sauvetage aient été dotés d'un dispositif de largage automatique et qu'on ait indiqué qu'un des deux radeaux avait été libéré, ni l'un ni l'autre n'a fait surface. Les dispositifs sont conçus de façon à entrer en fonction lorsqu'ils sont submergés à une profondeur de plus de 4 m, ce qui devait être le cas lorsque le bateau de pêche était à l'envers; cependant, les mécanismes de largage ne se sont peut-être pas déclenchés. Compte tenu de la durée pendant laquelle le bateau de pêche est demeuré à flot après avoir chaviré, il se peut que de l'eau se soit infiltrée par les trous d'écoulement, remplissant le conteneur rigide du radeau de sauvetage jusqu'à ce qu'il perde sa réserve de flottabilité. Quoi qu'il en soit, au moins un des radeaux aurait dû faire surface.
Les membres d'équipage ont tenté de libérer le radeau de sauvetage bâbord, mais ils n'ont pas réussi à le soulever de son berceau. Comme le bateau de pêche a coulé, la raison exacte pour laquelle les deux radeaux de sauvetage n'ont pas fait surface n'a pas pu être déterminée. Cependant, l'aménagement de la rambarde sur la passerelle haute aurait empêché le radeau de sauvetage bâbord d'émerger librement parce que le bateau avait une gîte sur tribord.
Sur les petits bateaux de pêche, les radeaux de sauvetage sont souvent placés sur le toit de la timonerie où ils ne risquent pas de gêner les opérations de pêche. Les membres d'équipage doivent donc se rendre sur le toit de la timonerie pour dégager le radeau de son berceau. Quoique l'arrimage des radeaux soit difficile en raison des dimensions des petits bateaux de pêche, de leurs limitations physiques et de la nécessité d'arrimer les radeaux à un endroit où ils ne risquent pas de gêner les opérations de pêche, il existe diverses solutions :
- on peut aménager une ouverture dans la rambarde pour permettre le passage du radeau de sauvetage;
- on peut installer un berceau d'où on peut soulever facilement le radeau et le laisser tomber directement à l'eau par dessus bord en toute sécurité;
- on peut installer un mécanisme de mise à l'eau exigeant un minimum d'entretien;
- on peut aménager une barrière physique pour empêcher l'emmêlement du gréement lors de la mise à l'eau.
Bien que l'emplacement habituel des radeaux de sauvetage à bord gêne la mise à l'eau rapide des radeaux en cas d'urgence et prive ainsi l'équipage d'un précieux équipement de sauvetage, Transports Canada ne donne aucune indication à ses inspecteurs pour les aider à déterminer l'emplacement optimal des radeaux de sauvetage à bord.
Vêtements de flottaison individuel (VFI)
Lors d'une situation critique nécessitant l'abandon d'un petit bateau de pêche, les événements se succèdent si rapidement que les membres d'équipage ont peu de temps pour endosser un VFI. Comme les gilets de sauvetage exigés par la réglementation sont encombrants, les membres d'équipage ne les portent pas; et comme ces gilets sont volumineux, ils présentent un risque d'emmêlement avec les engins de pêche. Des VFI pleine longueur qui seraient pratiques à porter en même temps qu'une exigence de les porter pourraient aider à atténuer certains risques, et ainsi augmenter les chances de survie dans les conditions climatiques froides du Canada.
Bien que les réformes proposées à la Loi sur la marine marchande du Canada abordent l'utilisation des VFI sur les embarcations non pontées et sur le pont et que Transports Canada encourage fortement leur utilisation, le projet actuel de règlement stipule seulement que les VFI doivent être rangés dans un endroit facile d'accès. Faute d'obligation de les porter, les pêcheurs continueront d'être exposés à de grands risques en cas d'abandon du navire.
Alertes de détresse
Le bateau de pêche a chaviré subitement, ne laissant au patron et à l'équipage guère de temps pour se préparer. Lorsque le patron a constaté qu'il y avait problème, il a quitté le pont pour se rendre à la timonerie examiner les écrans vidéo mais il savait déjà que le bateau était en danger. Après avoir récupéré des combinaisons d'immersion, il a eu peu de temps pour appuyer sur le bouton de détresse de la radio VHF-ASN ou du système Sat-C. C'est ainsi qu'aucune alerte de détresse supplémentaire n'a été transmise.
Le signal RLS a donc été la seule indication que le bateau était en difficulté. Cependant, un signal RLS qui est reçu en même temps qu'un autre indicateur de détresse - comme une alerte ASN, une alerte Inmarsat-C, un message vocal Mayday ou un appel par téléphone satellite ou cellulaire - permettrait de confirmer rapidement la situation de détresse.
Recherche et sauvetage
Au moment de l'accident, un seul coordonnateur SAR était de service. Des renforts ont été demandés une fois que l'urgence est devenue évidente. Faute d'information exacte dans le Registre canadien des balises de détresse, un temps précieux a été perdu à s'assurer que l'urgence était réelle.
Le système SSN peut être d'un précieux secours pour les coordonnateurs SAR. Dans le cas présent, le coordonnateur SAR n'a vérifié les données de positionnement relatives au Melina & Keith II qu'immédiatement avant d'avoir obtenu une position satellite composite. Même si certains coordonnateurs SAR avaient déjà utilisé le système SSN pour identifier des bateaux de pêche dans les parages d'un navire en détresse et, dans un cas, pour vérifier la position d'un navire en détresse, le coordonnateur SAR de service ne l'avait jamais utilisé comme moyen principal pour établir la position d'un navire en détresse.
L'information demandée par le Registre canadien des balises de détresse, et le fait que le système SSN n'a pas été utilisé au mieux dès le début, a fait perdre un temps précieux à confirmer la situation de détresse.
Intervention de recherche et sauvetage
Bien que le bateau ait chaviré une demi-heure avant la fin des heures de travail en semaine du ministère de la Défense nationale (MDN), alors que le MDN prescrit un délai d'intervention de 30 minutes durant les heures de travail en semaine, l'affectation des ressources aériennes de recherche s'est faite après les heures de travail en semaine. Ainsi les ressources aériennes principales de la Base des Forces canadiennes Gander devaient respecter un délai d'intervention de deux heures. L'hélicoptère de recherche (R908) qui a été dépêché a décollé 80 minutes après avoir été affecté à l'urgence et il n'est pas possible de déterminer si cela a eu des conséquences sur le résultat final.
En 1992, le vérificateur général du Canada a effectué un examen du programme de recherche et sauvetage nationalNote de bas de page 6 et signalé que ni la GCC ni le MDN n'avaient institué de normes de service visant tous les éléments temporels d'une opération de recherche et sauvetage. Le vérificateur général a également indiqué que malgré la nécessité de prévoir des normes de service, les délais d'intervention pouvaient devoir être plus longs dans les régions moins peuplées où il y a moins d'incidents et qui sont plus éloignées des ressources.
En 1994, le vérificateur général a fait le point sur les mesures prises à la suite des observations et des recommandations de 992. Il notait que la GCC et le MDN « n'ont ni établi ni utilisé de normes de service en recherche et en sauvetage (. . .) afin de planifier les ressources et d'indiquer au public les normes d'intervention attendues des ressources de recherche et de sauvetage. Ils sont toujours d'avis que de telles normes de service ne seraient ni avantageuses ni pratiques parce qu'elles ne donnent pas d'indication véritable de l'efficacité du Programme de recherche et de sauvetage »Note de bas de page 7.
En 1999, le SNRS a réalisé une étude des services d'intervention en recherche et sauvetageNote de bas de page 8 indiquant que si le MDN prescrivait un délai maximum de 30 minutes durant les heures de travail en semaine et de 2 heures à tout autre moment, la GCC maintenait quant à elle un délai maximum de 30 minutes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 dans le cas des principaux bâtiments de recherche et sauvetage. Le rapport indique que la disponibilité des ressources détermine les délais du MDN et que le délai maximum de 30 minutes durant les heures de travail en semaine du MDN ne coïncide pas toujours avec les jours ou les périodes de plus grande activité de recherche et sauvetage.
Cette question a de nouveau été examinée après 1999 dans le cadre du Projet d'initiative de transition stratégique que le SNRS a terminé en 2002. En décembre 2004, le Comité interministériel de recherche et de sauvetage a approuvé les objectifs et les principes à appliquer dans l'élaboration de niveaux de service précis pour chaque organisme fédéral participant au Programme national de recherche et de sauvetage (PNRS), étant entendu que chacun de ces partenaires préciserait le niveau de service à l'égard de ses propres activités.
Un bilan dressé par le BST des accidents maritimes signalés ayant nécessité l'intervention des services de recherche et sauvetage aériens entre 1995 et 2005 indique qu'au moins 60 % des accidents sont survenus durant les heures de travail en semaine du MDN.
Le rapport du SNRS arrive à la conclusion suivante : « L'absence de gestion stratégique du PNRS a forcé chaque ministère à formuler individuellement son état de préparation, sans consulter les autres ministères qui interviennent dans le PNRS. Pour cette raison, il n'existe pas de logique commune qui justifie les états de préparation actuels. »
Le rapport recommande que « l'état de préparation des ressources primaires en recherche et sauvetage devrait être principalement fonction d'une analyse de la demande de ces services ».
Le SNRS n'a pas effectué d'autre examen sur l'état de préparation et le délai d'intervention pour les opérations de recherche et sauvetage depuis 1999. Les commandants SAR locaux du MDN ont la latitude d'ajuster les délais d'intervention en fonction des périodes de plus grande activité de recherche et sauvetage, mais la politique du MDN limite la période du délai de 30 minutes à 40 heures par semaine, ce qui indique que la disponibilité des ressources continue d'être le premier facteur dans les normes de service en matière de recherche et sauvetage.
Sécurité opérationnelle à bord
Lors des manoeuvres, le patron du bateau est responsable de la sécurité des personnes à bord et de l'équipement de sécurité.
Dans le présent événement, certaines pratiques comportaient des risques qui n'étaient pas entièrement reconnus :
- la pêche s'est poursuivie dans du clapot, avec une cale presque pleine et une gîte sur tribord;
- les membres d'équipage n'avaient pas été informés de l'emplacement des combinaisons d'immersion, n'avaient pas participé régulièrement à des exercices d'abandon et n'étaient pas familiers avec les radeaux de sauvetage et les dispositifs de largage automatique;
- malgré l'exigence réglementaire en ce sens, aucun officier de pont qualifié n'était à bord pour aider à coordonner une situation d'urgence ou une situation critique nécessitant l'abandon du navire, ni pour aider aux activités et à la prise de décision quotidiennes;
- l'équipage n'a pas reçu instruction de se rendre aux postes de sécurité ou d'endosser une combinaison d'immersion.
De telles pratiques dangereuses sont courantes sur les petits bateaux de pêche. Elles résultent d'une absence de culture de la sécurité, d'une mauvaise perception ou appréciation des risques et d'un manque de conscientisation.
Par exemple, avec chaque voyage terminé sans encombre, la personne est de plus en plus susceptible de percevoir que le risque d'accident est faible. À mesure que la personne acquiert plus de confiance, le seuil du risque augmente et des pratiques plus dangereuses peuvent être adoptéesNote de bas de page 9, ce qui expose le navire et l'équipage à un plus grand risque.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le Melina & Keith II pêchait dans du clapot, avec une cale à poisson presque pleine et une gîte sur tribord, et en travers du vent. Lorsque les pompes du bateau n'ont plus été en mesure d'évacuer l'eau qui s'engouffrait par l'ouverture pour le halage, le bateau a chaviré sur tribord.
- Les sabords de décharge du bateau avaient été obturés par soudage, ce qui empêchait l'évacuation de l'eau embarquée sur le pont.
- L'effet conjugé des conditions de chargement du bateau et de l'accumulation d'eau sur le pont dans les conditions qui prévalaient a occasionné la perte de stabilité transversale du bateau.
Faits établis quant aux risques
- L'information demandée par le Registre canadien des balises de détresse n'est pas de nature à faire gagner un temps précieux pour la confirmation d'une situation de détresse.
- Bien que l'emplacement habituel des radeaux de sauvetage à bord gêne la mise à l'eau rapide des radeaux en cas d'urgence et prive ainsi l'équipage d'un précieux équipement de sauvetage, Transports Canada ne donne aucune indication à ses inspecteurs pour les aider à déterminer l'emplacement optimal des radeaux de sauvetage à bord.
- Ni la réglementation actuelle ni l'exigence réglementaire proposée pour le transport des vêtements de flottaison individuels (VFI) et des gilets de sauvetage ne traitent du risque associé au non-port de l'équipement par les pêcheurs quand ils travaillent sur le pont.
- Le Melina & Keith II avait subi d'importantes modifications qui avaient réduit sa stabilité. Ni Transports Canada ni le propriétaire n'avaient exigé une évaluation de la stabilité du bateau après l'inspection quadriennale de 2004.
- La pratique dangereuse de naviguer sans officier de pont qualifié à bord a fait que le patron s'est retrouvé seul et sans relève qualifiée et sans autre personne désignée à bord pour l'aider à transmettre des alertes de détresse et l'aider à coordonner l'abandon du navire.
Autre fait établi
- Le système de surveillance des navires n'a pas été utilisé opportunément pour confirmer la position du bateau.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
Enregistrement des balises
En avril 2006, le BST a adressé au Secrétariat national de recherche et de sauvetage (SNRS) l'avis de sécurité maritime 06/06 concernant les formulaires d'enregistrement des balises RLS et des numéros de téléphones demandés en cas d'urgence. L'avis indiquait que comme les coordonnateurs de recherche et sauvetage (SAR) ont une forte charge de travail et ont déjà eu de la difficulté à communiquer avec les propriétaires ou exploitants de bateaux de pêche au moyen de ces numéros d'urgence, le formulaire d'enregistrement des balises RLS avait peut-être besoin d'une mise à jour ou d'une révision.
Le SNRS a répondu qu'il était en voie d'actualiser le Registre canadien des balises de détresse, qu'il tenait compte des suggestions du BST et qu'il les mettrait en œuvre dans le cadre du plan global du projet. Le SNRS a aussi assuré le BST qu'il continuerait de tenir de l'information exacte et utile dans le Registre canadien des balises de détresse et de coopérer avec les organismes de réglementation afin d'encourager l'enregistrement et la tenue à jour de renseignements exacts.
En août 2006, le registre a fait l'objet d'une mise à jour. Le formulaire actuel comprend deux sections clairement identifiées : coordonnées du propriétaire et contacts d'urgence. Dans la section réservée aux contacts d'urgence, il faut indiquer un contact d'urgence primaire et un contact d'urgence secondaire avec qui on puisse communiquer 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, en précisant qu'il ne doit pas s'agir du propriétaire, sauf si celui-ci n'est pas à bord.
Stabilité
Au fil des ans, le Bureau a exprimé sa préoccupation face au fait que l'absence d'évaluations de la stabilité des petits bateaux de pêche compromet leur utilisation en toute sécurité. En novembre 2003, le Bureau a recommandé à Transports Canada (recommandations M03-05 et M03-06) d'exiger que tous les petits bateaux de pêche inspectés, neufs ou existants, présentent des données sur la stabilité et fassent l'objet d'une vérification. En 2005, à la suite de l'accident survenu au Ryan's Commander, le Bureau s'est inquiété de ce que faute de mesures efficaces pour faire suite aux recommandations passées, les pêcheurs continuaient d'être exposés à des risques inacceptables. Le Bureau a donc présenté une nouvelle recommandation (M05-04) pressant Transports Canada de mettre immédiatement en œuvre les recommandations M03-05 et M03-06.
En réponse à la recommandation M05-04, Transports Canada a indiqué qu'en attendant l'entrée en vigueur du nouveau Règlement sur la sécurité des bateaux de pêche, il avait adopté une politique provisoire visant à déterminer en fonction d'une liste de facteurs si un petit bateau de pêche devrait disposer d'un livret de stabilité. Cette mesure provisoire apporte d'importants renseignements supplémentaires au capitaine ou patron; elle est entrée en vigueur le 7 mars 2006.
Transports Canada a publié le Bulletin de la sécurité des navires (BSN) no 04/2006 intitulé « Sécurité des petits bateaux de pêche : Information pour les propriétaires/capitaines sur les livrets de stabilité ». Il décrit le processus que propriétaires et exploitants de bateaux doivent suivre pour déterminer si leur bateau a besoin d'un livret de stabilité et il indique comment en obtenir un. Le bulletin s'adresse à tous les propriétaires et exploitants de bateaux de pêche, neufs et existants, qui font entre 15 et 150 tonneaux de jauge brute et moins de 24,4 m de longueur.
Les mesures provisoires prises par Transports Canada réduiront sensiblement les risques associés aux lacunes de sécurité visées par les recommandations M03-05 et M03-06. En conséquence, le Bureau estime qu'une attention entièrement satisfaisante a été accordée aux lacunes.
Rapports de position éélectroniques
À la suite du chavirement et du naufrage du Melina & Keith II, le surintendant du Centre secondaire de sauvetage maritime (CSSM) de la Région Terre-Neuve-et-Labrador de la Garde côtière canadienne (GCC) a fait circuler aux coordonnateurs SAR une note de service au sujet des systèmes de rapports comme le système d'information sur la navigation maritime (INNAV), le système d'information automatisé et le système de surveillance des navires (SSN). La note de service indique que même si ces systèmes ne sont pas visés par des dispositions réglementaires sur les alertes de détresse maritime, ils peuvent être d'un précieux secours en cas d'événements maritimes nécessitant une intervention SAR, ou en cas d'alerte de détresse non localisée ou signalée par une RLS de 406 MHz, ou pour trouver des ressources qui peuvent prêter assistance. La note de service donnait instruction aux coordonnateurs SAR d'utiliser ces ressources dès que possible pour assurer l'efficacité de l'intervention SAR.
Examens sur les opérations de recherche et sauvetage
À la suite de l'accident du Melina & Keith II, deux examens ont été réalisés : un sur les opérations SAR et un sur les normes de service. Ils ont donné lieu respectivement à 18 et 17 recommandations. Nombre d'entre elles ont été mises en œuvre depuis lors et les autres sont en voie de l'être. On y traite des éléments suivants :
- formation d'appoint et formation continue pour les coordonnateurs SAR sur les systèmes éélectroniques de collecte de renseignements comme le système SSN et le système international de repérage par satellite Cospas-Sarsat (en cours);
- examen de la disponibilité des aéronefs SAR (en cours);
- ajout d'une fonction GPS (système de positionnement global) à toutes les radiobalises de localisation des sinistres (RLS) (en cours);
- sensibilisation des coordonnateurs SAR à l'état de préparation des ressources primaires du ministère de la Défense nationale (MDN) en ce qui concerne le changement d'un délai de 30 minutes à un délai de 2 heures à compter de 16 h, heure locale (terminé);
- mise à jour du Manuel national de recherche et de sauvetage (en cours).
Préoccupations liées à la sécurité
La question de l'emplacement des radeaux de sauvetage sur les bateaux de pêche et l'exigence qu'ils se dégagent librement ont été abordées plusieurs fois ces dernières années. En 1993, à la suite de l'accident du Cape AspyNote de bas de page 10, le Bureau a formulé la recommandation M93-03 et Transports Canada a publié le Bulletin de la sécurité des navires (BSN) no 09/93. En mars 1998, Transports Canada a entamé une étude sur les méthodes qui permettraient d'améliorer l'arrimage de l'équipement de sauvetage sur les bateaux de pêche, mais cette étude n'a jamais été achevée. Des accidents à des bateaux de pêche entraînant des pertes de vieNote de bas de page 11 ont soulevé des questions semblables et entraîné la publication du BSN no 03/01. En 2003, Transports Canada a aussi publié le document Petits bateaux de pêche - Manuel de sécurité (TP 10038), qui recommande que les radeaux de sauvetage soient installés à un endroit d'où ils peuvent être facilement mis à l'eau, mais également d'où ils pourront se dégager et flotter librement si le bateau fait naufrage avant la mise à l'eau du radeau.
En novembre 2006, Transports Canada a actualisé sa réponse à la recommandation M93-03 du Bureau. Il a alors indiqué que des dispositions exigeant que les radeaux de sauvetage puissent se dégager et flotter librement seront proposées en vue d'être adoptées dans le Règlement sur la sécurité des bateaux de pêche, et qu'elles seront semblables à celles intégrées à la version modifiée du Règlement sur l'équipement de sauvetage pour les navires à passagers. L'entrée en vigueur du Règlement sur la sécurité des bateaux de pêche est prévue pour 2008.
Entre-temps, Transports Canada entend publier un nouveau BSN au sujet de l'arrimage des radeaux de sauvetage et des plates-formes gonflables. Ce nouveau bulletin présentera des renseignements contenus dans les BSN 09/1993 et 03/2001 ainsi que de l'information supplémentaire sur l'emplacement optimal des radeaux de sauvetage.
Le Bureau se préoccupe du fait qu'en attendant que les dispositions réglementaires soient adoptées et que les radeaux de sauvetage des bateaux de pêche soient placés de façon optimale et arrimés de façon à pouvoir se dégager et flotter librement en cas de naufrage, les membres d'équipage continueront d'être exposés à des risques.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A - Croquis du lieu de l'accident
Annexe B -Sigles et abréviations
- ASN
- appel sélectif numérique
- BSN
- Bulletin de la sécurité des navires
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- CCCM
- Centre canadien de contrôle des missions
- CCCS
- Centre conjoint de coordination de sauvetage
- cm
- centimètre
- Cospas-Sarstat
- Sarstat système international de repérage par satellite
- CSSM
- Centre secondaire de sauvetage maritime
- FUM
- fonctions d'urgence en mer
- GCC
- Garde côtière canadienne
- GOES
- satellite d'exploitation géostationnaire pour l'étude de l'environnement
- GPS
- système de positionnement global
- HAT
- heure avancée de Terre-Neuve
- HEX
- code hexadécimal
- INNAV
- Système d'information sur la navigation maritime
- Inmarsat
- International Maritime Satellite Organization est une compagnie de télécommunication
- Inmarsat-C
- système C du système Inmarsat, service de messagerie bidirectionnel via un terminal léger pouvant être monté sur un bateau
- kg
- kilogramme
- kW
- kilowatt
- m
- mètre
- MDN
- ministère de la Défense nationale
- MHz
- mégahertz
- MPO
- ministère des Pêches et des Océans
- N
- nord
- OMI
- Organisation maritime internationale
- PNRS
- Programme national de recherche et de sauvetage
- RLS
- radiobalise de localisation des sinistres
- R908
- hélicoptère Cormorant
- SAR
- recherche et sauvetage
- Sat-C
- système de communication par satellite
- SCTM
- Services de communication et de trafic maritimes
- SMDSM
- Système mondial de détresse et de sécurité en mer
- SNRS
- Secrétariat national de recherche et de sauvetage
- SSN
- système de surveillance des navires (par satellite)
- TP
- publication de Transports Canada
- VFI
- vêtement de flottaison individuel
- VHF
- très haute fréquence
- W
- ouest
- °
- degré
- ° C
- degré Celsius
- %
- pour cent
- '
- minute