Chavirement et naufrage
du petit bateau de pêche Cape Fin-Tose
à 2,4 milles marins au nord-est de King's Point,
Green Bay (Terre-Neuve-et-Labrador)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 1er novembre 2006, un peu après 8 h, heure normale de Terre-Neuve, le petit bateau de pêche Cape Fin-Tose a chaviré à environ 2,4 illes marins au nord-est de King's Point (Terre-Neuve-et-Labrador), pendant qu'on procédait au pompage du maquereau contenu dans la senne coulissante du Cape Jedsue, lequel était en abord. Les quatre personnes qui étaient à bord ont abandonné le bâtiment et ont pris place dans une embarcation amarrée le long du bord. Le bâtiment retourné est resté à flot pendant environ deux heures, après quoi il a coulé.
Renseignements de base
Fiche technique du bâtiment
Nom | Cape Fin-Tose |
Numéro officiel | 809080 |
Port d'immatriculation | St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador) |
Pavillon | Canada |
Type | Petit bateau de pêche |
Jauge brute | 98.50 |
Longueur (hors tout) Note de bas de page 1 | 19,79 m (64 pieds et 11 pouces) |
Tirant d'eau | Avant : 2,74 m (9 pieds) Arrière : 3,35 m (11 pieds) |
Construction | 1987, Glovertown (Terre-Neuve-et-Labrador) |
Propulsion | Un moteur diesel Caterpillar 3412, de 466 kW, entraînant une seule hélice |
Cargaison | 63 500 kg (140 000 livres) de maquereau (approximativement) |
Équipage | Six personnes |
Propriétaire enregistré | LMH Enterprise Ltd., King's Point (Terre-Neuve-et-Labrador) |
Description du bâtiment
Le Cape Fin-Tose était un petit bateau de pêche ponté qui avait une coque à bouchains vifs faite d'acier soudé. Sous le pont principal, la coque était subdivisée par des cloisons étanches transversales qui délimitaient (à partir de l'avant) le coqueron avant, les citernes d'eau douce et des ballasts, la salle des machines avec les soutes de mazout dans la partie avant, une cale à poisson, et une cambuse avec une soute et des ballasts de chaque côté. Sur le pont principal, il y avait les emménagements de l'équipage à l'avant et un pont-abri partiel sur l'arrière. La timonerie était située un pont au-dessus des emménagements. Une seule porte étanche aux intempéries séparait les emménagements du pont arrière.
Le Cape Fin-Tose faisait partie d'une série de bateaux de pêche de 65 pieds dont le premier a été construit en 1982. Bien que tous ces bateaux soient d'une conception fondamentalement semblable, leurs propriétaires y ont apporté diverses modifications. À l'origine, le Cape Fin-Tose a été construit pour servir comme palangrier/chalutier affecté à la pêche de la crevette, du crabe des neiges et du poisson de fond. À l'automne de 2005, on l'a modifié pour l'adapter à la pêche d'espèces pélagiquesNote de bas de page 2. Dépendamment du type de pêche, les modifications permettaient d'installer ou de démonter facilement les éléments suivants :
- section tribord arrière de la cloison et du pont-abri
- pavois du tableau arrière
- potence arrière en aluminium
- tambour à filet en acier
- panneaux de chalut
- treuil à senne en aluminium
- table pour senne en aluminium
- treuil de boursage en acier
Le matin de l'événement, le bateau était gréé pour la pêche du maquereau. On avait démonté les cinq premiers apparaux de la liste ci-dessus, et installé les trois derniers.
En août 2005, les propriétaires du bateau ont fait faire une expertise de l'état du Cape Fin-Tose. Le rapport d'expertise a conclu que le bateau était en très bon état et qu'il était très bien entretenuNote de bas de page 3.
Déroulement du voyage
Le 31 octobre 2006 vers 16 h 30Note de bas de page 4, le petit bateau de pêche Cape Fin-Tose part du quai des propriétaires du bateau, à King's Point (Terre-Neuve-et-Labrador), avec à son bord un équipage de six personnes, pour aller faire la pêche du maquereau dans Green Bay (Terre-Neuve-et-Labrador). Vers 1 h le 1er novembre, le bateau commence à pomper le maquereau du premier jeu de filets pour l'envoyer dans sa cale à poisson. Une fois cette opération terminée, l'équipage range les engins, nettoie l'aire de travail et prépare le jumelage avec un autre petit bateau de pêche, le Cape Jedsue, dont il doit récolter les prises de maquereau. Vers 5 h 30, le Cape Fin-Tose se place à couple, proue sur poupe, avec le Cape Jedsue, la senne du Cape Jedsue placée entre les deux bateaux, et il fixe l'amarre avant du Cape Jedsue à son pavois tribord, sur le pont principal. Le Cape Fin-Tose se sert de son esquif à moteur, manœuvré par un membre de l'équipage, pour maintenir les deux bateaux à une certaine distance l'un de l'autre et pour les maintenir au centre de la baie (voir la figure 1).
Vers 6 h, le Cape Fin-Tose commence à pomper le maquereau contenu dans la senne du Cape Jedsue. À l'origine, on a prévu que les deux bateaux allaient pomper en même temps le poisson contenu dans la senne. Le Cape Jedsue commence à haler la senne et à enrouler le filet sur le rouleau tribord de la poulie motrice, mais il doit arrêter l'opération, alors que la senne est fermée en poche, parce qu'une conduite hydraulique s'est percée. Le pompage se poursuit pendant environ deux heures, le poisson étant envoyé dans la cale à poisson divisée par des planches de séparation ; le Cape Fin Tose maintient une assiette égale tout au long du pompage. À mesure que le maquereau est pompé à bord via l'écoutille principale (on n'utilise pas les écoutillons), on ajoute des planches de séparation additionnelles jusqu'à ce qu'elles arrivent à environ 450 millimètres (18 pouces) du barrot de pont. Vers 8 h, comme le Cape Fin-Tose est presque chargé au maximum, un des membres de son équipage passe à bord du Cape Jedsue pour aider à récolter le reste des prises.
Peu de temps après, on s'aperçoit que le Cape Fin-Tose gîte sur tribord et que le pont arrière commence à être submergé. Le panneau d'écoutille et la porte étanche aux intempéries sont ouverts. On interrompt immédiatement le pompage à bord du bateau, mais celui-ci prend encore plus de gîte sur tribord. Constatant que le bateau est sur le point de chavirer, les quatre membres d'équipage qui sont encore à bord abandonnent le navire et prennent place à bord d'un petit bateau porte-feuxNote de bas de page 5 amarré à l'arrière du bateau, sans avoir pu couper complètement les saisines reliées au pavois afin de larguer le filet. Les membres de l'équipage du Cape Jedsue, craignant que le Cape Fin-Tose se renverse par-dessus leur bateau, laissent filer immédiatement leur senne, mettent la barre à droite toute, et la machine à en avant toute pour éloigner la poupe de leur bateau, après quoi ils libèrent leur bateau de la senne. Puis, le Cape Fin-Tose chavire et se retrouve renversé. Comme le Cape Fin-Tose a chaviré rapidement, dans un délai de trois à cinq minutes d'après les estimations, l'équipage n'a pas le temps de lancer un appel de détresse, de sorte que c'est le Cape Jedsue qui donne l'alarme.
Les quatre membres d'équipage qui prennent place dans le petit bateau se placent bord à bord avec l'esquif et le désamarrent du Cape Fin-Tose. Ils se rendent ensuite à bord du Cape Jedsue, après quoi on essaie de remorquer le Cape Fin-Tose chaviré, mais en vain. Après avoir observé le bateau pendant une heure environ, le Cape Jedsue rentre au port de King's Point.
Avaries subies par le bateau
Le bateau est resté à flot pendant environ deux heures après s'être renversé, après quoi il a coulé par 49°37′10″N et 056°09′43″W, à une profondeur d'environ 61 brasses.
Impact environnemental
On a d'abord estimé que le naufrage du Cape Fin-Tose avait causé une pollution considérable, mais la légère irisation d'hydrocarbures s'est dissipée rapidement du fait de l'évaporation et de l'action du vent et des vagues. L'impact sur l'environnement a été négligeable.
Victimes
Les quatre membres d'équipage qui étaient à bord du bateau au moment de l'événement, le conducteur de l'esquif et un sixième membre d'équipage qui se trouvait à bord du Cape Jedsue, n'ont pas été blessés.
Recherche et sauvetage
Le Cape Jedsue a signalé l'accident au centre des Services de communications et de trafic maritimes (SCTM) de St. Anthony (Terre-Neuve-et-Labrador), lequel a ensuite avisé le Centre secondaire de sauvetage maritime (MRSC) de St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador). Le NGCC Harp a été dépêché sur place et est arrivé dans le secteur de l'accident le 1er novembre à 15 h.
Comme tous les membres d'équipage ont été secourus immédiatement par le Cape Jedsue et ramenés à King's Point, il n'a pas été nécessaire de recourir aux services de recherche et de sauvetage.
Certificats du bateau
La dernière inspection du Cape Fin-Tose faite par la Direction de la sécurité maritime de Transports Canada, remontait au 5 août 2004 ; un Certificat d'inspection de bateau de pêche commercial (SIC 29)Note de bas de page 6 a été délivré à cette occasion. Le certificat, qui devait expirer le 21 juillet 2008, autorisait le navire à participer à des voyages de cabotage de classe INote de bas de page 7, mais interdisait qu'il soit affecté à la pêche du capelan ou du hareng.
Entretien du bateau
Les résultats d'une expertise du bateau, qui a été faite à la demande des propriétaires en août 2005, montrent que le Cape Fin-Tose était en très bon état et très bien entretenu. Aucune infiltration d'eau antérieure à l'accident n'a été signalée, les couvercles des trous d'homme (écoutillons) donnant sur la cale à poisson et la cambuse étaient apparemment bien lubrifiés et bien entretenus, et l'alarme de niveau d'eau de la cambuse n'a pas retenti avant que le bateau chavire. Quand on a fait des recherches dans le compartiment moteur du Cape Fin-Tose pour trouver un tuyau hydraulique de remplacement pour le Cape Jedsue, on n'a pas signalé la présence d'eau dans le compartiment moteur.
Brevets du personnel
À bord d'un bateau de pêche ayant une jauge brute d'au plus 100, le capitaine ou le premier lieutenant doit être titulaire d'un brevet de Capitaine de bâtiment de pêche, quatrième classe. Le capitaine possédait un brevet de Capitaine de bâtiment de pêche, troisième classe, délivré en 2004 (ce qui excédait les exigences de la réglementation de Transports Canada (TC) quant aux limites des voyages de cabotage de classe I, et il possédait les qualifications voulues pour participer aux opérations de pêche qu'on menait lors de l'événement.
Antécédents du personnel
Le capitaine comptait 18 ans d'expérience dans l'industrie de la pêche, et il était capitaine du Cape Fin-Tose depuis 11 ans. Le propriétaire, qui était aussi à bord à titre de membre de l'équipage, était pêcheur depuis environ 35 ans et il était propriétaire du Cape Fin-Tose depuis la construction du bateau, en 1987.
Conditions météorologiques
Lors de l'événement, le vent soufflait de l'ouest à une vitesse de 5 nœuds et la mer était calme.
Équipement de sauvetage
L'équipement de sauvetage du Cape Fin-Tose comprenait huit gilets de sauvetage, sept combinaisons d'immersion, un radeau de sauvetage pneumatique pour huit personnes muni d'un dispositif de largage hydrostatique, un bateau pour six personnes, deux bouées de sauvetage et une radiobalise de localisation des sinistres (RLS) à dégagement libre. Dans ce cas précis, le radeau de sauvetage pneumatique n'a pas émergé et ne s'est pas déployé, même s'il était muni d'un dispositif de largage hydrostatique.
En raison de la vitesse à laquelle le bateau a chaviré, personne n'a pu enfiler les gilets de sauvetage ou revêtir les combinaisons d'immersion. La RLS a fait surface et s'est activée peu de temps après que le bateau eut coulé.
À la suite de plusieurs événements impliquant des radeaux de sauvetage des petits bateaux de pêche et de remorqueurs, le BST a formulé les recommandations ci-après :
- ...s'assure qu'à bord de tous les navires approuvés ou inspectés..., les radeaux de sauvetage soient arrimés de façon à faciliter la mise à l'eau manuelle dans toutes les conditions que le navire est susceptible de rencontrer.... (M93-03, publiée en mars 1993);
- ...entreprenne des travaux de recherche et de développement sur les façons d'assurer que tout l'équipement d'urgence demeure accessible, même après le chavirement du navire. (M94-05, publiée en février 1994);
- ...de l'importance d'arrimer les radeaux de sauvetage à bord de tous les navires avec un système le largage muni d'un dispositif de dégagement qui permette de libérer le radeau pneumatique facilement lorsque le navire coule. (M00-07, publiée en mars 2001);
- ...étudie l'efficacité des dispositifs de dégagement automatique des radeaux de sauvetage afin d'empêcher le déclenchement prématuré de ces dispositifs à bord des petits bateaux de pêche dans des conditions de mer agitée. (M00-08, publiée en mars 2001).
En réponse à ces recommandations, TC a entrepris des travaux de recherche, a publié des Bulletins de la sécurité des navires (BSN) sur le sujet et a discuté des aspects pertinents de la question avec les représentants de l'industrie maritime, à l'occasion de réunions du Conseil consultatif maritime canadien (CCMC). À la suite de ces activités, on a procédé à l'examen de la réglementation existante et on a proposé de lui apporter des modifications. Le nouveau Règlement sur la sécurité des bateaux de pêche, qui doit être publié en 2009, inclura des exigences quant à l'utilisation d'un système de largage hydrostatique ou de profonds chantiers qui permettent aux radeaux d'émerger librement. Il faudra aussi prévoir des moyens convenables de largage des radeaux de sauvetage. Le 2 août 2007, TC a émis un BSN mis à jourNote de bas de page 8 dont voici un extrait :
Pour être en mesure de flotter librement, les radeaux de sauvetage (y inclus les radeaux sous bossoir) devraient :
- soit être placés dans de profonds chantiers sans saisines pour qu'ils puissent automatiquement flotter librement si le navire coule;
- soit être assujettis au moyen d'une saisine munie d'un dispositif de largage hydrostatique;
- soit être placés ou assujettis de sorte qu'ils pourront flotter librement automatiquement.
Maquereau
Le maquereau se rassemble habituellement en bancs très denses. Contrairement à d'autres espèces pélagiques, le maquereau est dépourvu de vessie natatoire, de sorte qu'il doit nager continuellement pour conserver sa flottabilité et aussi pour assurer une circulation continue de l'eau de mer dans ses branchies, pour pouvoir respirer. Si un grand banc de maquereaux est pris au piège dans une senne coulissante, les poissons ne peuvent pas nager, meurent rapidement et coulent au fond de la senne à mesure qu'on remonte celle-ci.
Exigences en matière de stabilité
Exigences actuelles
La partie I du Règlement sur l'inspection des petits bateaux de pêche s'applique aux bateaux qui ont une jauge brute de plus de 15 sans excéder 150 et qui mesurent au plus 24,4 mètres de longueur. Aux termes du règlement, les bateaux pontés construits le 6 juillet 1977 ou après cette date, qui sont affectés à la pêche du hareng ou du capelan, doivent avoir à leur bord des données approuvées sur la stabilité.
Les normes minimales qui permettent de déterminer la stabilité de ces bateaux sont énoncées à la section STAB 4 de la publication de TC intitulée Normes de stabilité, de compartimentage et de lignes de charge (TP 7301F). La conformité avec les exigences de la norme STAB 4 fait en sorte que les petits bateaux de pêche conservent des marges adéquates de stabilité transversale à l'état intact dans toute une gamme de conditions de chargement propres au service auquel le navire est affecté. Toutefois, elle n'assure pas une protection absolue contre les risques de chavirement et ne tient pas compte non plus des forces excessives (inhabituelles) qui s'exercent subitement sur le navire pendant les activités normales de pêche.
Exigences proposées
Avec les années, le BST a été amené à formuler plusieurs recommandations à propos de la stabilité des petits bateaux de pêche. En voici quelques-unes :
- mette au point et valide des critères de stabilité adéquats...qui tiennent compte de leurs caractéristiques et du type de voyage qu'ils effectuent, ainsi que des conditions dans lesquelles ils sont exploités. (M94-30, publiée en décembre 1994);
- étudie des façons de faire en sorte que les modifications apportées à la structure et l'ajout d'articles lourds soient consignés et soient pris en compte au moment de la réévaluation de la stabilité des petits bateaux de pêche. (M94-32, publiée en décembre 1994);
- établisse des lignes directrices relatives aux livrets de stabilité, de façon que les renseignements qu'ils renferment soient présentés sous une forme simple, claire et utilisable. (M94-33, publiée en décembre 1994);
- exige que tous les nouveaux petits bateaux de pêche pontés inspectés présentent, aux fins d'approbation, des données sur la stabilité. (M03-05, publiée en novembre 2003);
- exige que tous les petits bateaux de pêche inspectés, pour lesquels il n'y a pas actuellement de données approuvées sur la stabilité, soient soumis à un essai de période de roulis et une vérification du franc-bord correspondant au plus tard lors de leur prochaine inspection quadriennale régulière. (M03-06, publiée en novembre 2003);
- entreprenne de réduire les pratiques imprudentes, par l'entremise d'un code de pratiques exemplaires, à l'intention des petits bateaux de pêche, qui traitera notamment du chargement et de la stabilité, et que l'adoption d'un tel code soit appuyée par l'entremise de programmes d'éducation et de sensibilisation (M03-07, publiée en novembre 2003);
- veille à ce que les recommandations antérieures M03-05 et M03-06 du Bureau soient mises en œuvre immédiatement. (M05-04, publiée en novembre 2005).
En réponse aux recommandations susmentionnées, TC a indiqué que le nouveau Règlement sur la sécurité des bateaux de pêche, qui doit être publié en 2009, traitera de l'équipement de sécurité des petits bateaux de pêche, de leur construction et de certaines questions relatives à leur exploitation. Ce règlement remplacera le Règlement sur l'inspection des petits bateaux de pêche.
TC reconnaît aussi que l'industrie de la pêche est devenue très spécialisée et que certains aspects de celle-ci comportent des risques pour la sécurité des bâtiments et des équipages. C'est pourquoi TC collabore avec l'industrie afin d'améliorer les conditions de sécurité.
En vertu de la nouvelle réglementation, les bateaux de pêche qui sont le plus à risque, lesquels sont identifiés par les capitaines et évalués par les inspecteurs de TC, devront faire l'objet d'une évaluation approfondie de stabilité. Ceux qui sont moins à risque ne seront pas tenus de subir une évaluation approfondie, mais devront respecter des exigences simplifiées de stabilité et de franc-bord minimumNote de bas de page 9.
En réponse aux recommandations nos M03-05, M03-06 et M05-04 du BST, TC a émis une politique intérimaire qui permet de déterminer si un petit bateau de pêche doit avoir à son bord un livret de stabilité. Le Bulletin de la sécurité des navires no 04/2006, intitulé Sécurité des petits bateaux de pêche : Information pour les propriétaires/capitaines sur les livrets de stabilité, est obligatoire pour les bateaux ayant une jauge brute de 15 à 150, fournit des informations pertinentes aux propriétaires/capitaines et inclut un modèle pour les « notes aux capitaines. » Des exposés présentés à l'occasion de la réunion nationale du CCMC, en novembre 2006, ont traité notamment de l'éducation qu'on doit donner aux architectes navals quant à la façon de communiquer des informations utiles aux capitaines des bateaux.
Expériences et données relatives à la stabilité
Le Cape Fin-Tose avait été affecté à la pêche du crabe, de la crevette et du poisson de fond par le passé, et il faisait l'objet de permis de pêche valides. Lors de l'événement, le bateau était affecté à la pêche du maquereau ; or, si l'on s'en tient à une interprétation stricte de la réglementation, il n'était pas nécessaire qu'on fournisse des données sur la stabilité du bateau. Le 5 mai 2005, le propriétaire a fait faire un essai de stabilité du bateau, même si la réglementation ne l'exigeait pas. En août et en septembre 2005, un rapport d'essai de stabilité et deux livrets de stabilité – un pour la pêche de la crevette et du crabe, et un second pour la pêche du capelan, du maquereau et du hareng – ont été produits respectivement et soumis à l'approbation de TC.
Lors de l'événement, les deux livrets n'avaient pas encore été approuvés, mais les résultats finaux présentés dans les livrets respectaient les critères minimaux de stabilité de la norme STAB 4, pourvu que, quand le bateau est affecté à la pêche du capelan, du maquereau ou du hareng, on respecte notamment les conditions d'exploitation suivantes :
- que, pour la pêche à la senne, les deux soutes à combustible du compartiment moteur soient les seules à être remplies. Les deux soutes à combustible de la cambuse doivent être vides (Notes au capitaine du livret de stabilité - 4A); et
- que, durant la pêche à la senne, tout le matériel de chalutage et le portique de manutention du chalut, soient retirés du navire (Notes au capitaine du livret de stabilité - 9C).
Lors de l'événement, les deux soutes à combustible de la cambuse étaient remplies à environ 80 p. 100 de leur capacité, et les deux treuils de chalut et les funes étaient encore à bord.
Stabilité du bateau lors de l'événement
Après l'accident, le Bureau a procédé à une analyse de stabilitéNote de bas de page 10 afin de connaître les valeurs de stabilité transversale au moment de l'accident et avant celui-ci. En tenant compte des modifications faites au bateau après l'essai de stabilité le plus récent, réalisé en mai 2005, et du fait que les treuils de chalut et les funes étaient encore à bord, le Bureau a déterminé les caractéristiques de stabilité à l'état lège pour le moment de l'accident.
Comme il était impossible de déterminer avec précision la quantité de poisson et de produits consomptibles qui était à bord du bateau au moment de l'accident, on a estimé comme suit les valeurs de remplissage de la cale à poisson et des citernes du bateau :
- cale à poisson remplie à 80 p. 100 d'un chargement de maquereau (poids spécifique de 0,801) réparti uniformément;
- soutes à combustible arrière et avant remplies respectivement à 80 p. 100 et à 100 p. 100 de leur capacité;
- citerne d'eau douce remplie à 25 p. 100 de sa capacité.
Pour les besoins de l'analyse de la stabilité, on a simulé différentes conditions de chargementNote de bas de page 11 qui tiennent compte des forces exercées sur le pavois : aucune force, une force de 1 tonne longue, de 6 tonnes longues et de 6,5 tonnes longues.
Les résultats des calculs tenant compte de ces conditions de chargement ont été comparés aux exigences de la norme STAB 4. Ils sont présentés dans le tableau ci-dessous :
Critères minimaux de la norme STAB 4 (exprimés en tonne(s)) | Grandeur de la force exercée sur le pavois (en tonnes longues) | |||
---|---|---|---|---|
Nulle | 1 | 6 | 6,5 | |
GMt (hauteur métacentrique transversale) (0,35 m) | 0,628 | 0,625 | 0,369 | 0,247 |
Aire sous la courbe GZ (bras de redressement) jusqu'à un angle de gîte de 30° (3,152 m-deg.) | 3,146 | 2,545 | 0,29 | 0,098 |
Aire sous la courbe GZ jusqu'à un angle de 40° (5,154 m-deg.) | 4,645 | 3,789 | 0,579 | 0,29 |
Aire sous la courbe GZ pour des angles de gîte de 30° à 40° (1,719 m-deg.) | 1,5 | 1,244 | 0,29 | 0,192 |
Angle de valeur GZ maximale (25 degrés) | 48 | 47 | 49 | 60 |
Franc-bord résiduel en m (aucun critère) | 0,40 | 0,31 | −0,15 | −0,25 |
Angle d'envahissement en degrés (aucun critère) | 48 | 47 | 45 | 45 |
Les résultats montrent que, lorsqu'aucune force n'est appliquée sur le pavois, les caractéristiques de stabilité transversale auraient été presque conformes aux exigences de stabilité de la norme STAB 4. Dans ces conditions, l'envahissement par les hauts se produirait à un angle d'environ 48 degrés et le franc-bord sur le côté du pont aurait été d'environ 0,40 mètres (16 pouces).
Analyse
Chavirement du bateau
À cause d'un ennui mécanique à bord du Cape Jedsue, le Cape Fin-Tose était le seul des deux bateaux qui pouvait recueillir le maquereau. Pour cette raison, un grand nombre de poissons sont restés prisonniers au fond de la senne pendant plusieurs heures. Incapables de nager, les maquereaux ont commencé à mourir et, à mesure qu'ils coulaient, ils exerçaient sur le fond de la senne un poids accru qui s'est ajouté à celui de la senne. Cette charge s'est transférée aux saisines de la ralingue assujetties au pavois tribord du Cape Fin-Tose et au rouleau à filet du Cape Jedsue, sur le pavois tribord du pont principal. Cette situation a fait gîter fortement les deux bateaux, mais comme le Cape Jedsue n'avait pas commencé à charger le poisson, il a conservé suffisamment de stabilité et un franc-bord suffisant pour compenser la gîte.
Comme la gîte s'est manifestée très rapidement, l'équipage du Cape Fin-Tose n'a pas pu détacher complètement les saisines de la ralingue et réduire la charge qui s'exerçait sur le pavois. En outre, comme le Cape Jedsue a réduit la tension exercée par la senne sur la poulie motrice pendant qu'il manœuvrait pour s'éloigner du Cape Fin-Tose alors que celui-ci chavirait, le pavois du Cape Fin- Tose a dû supporter un poids accru, ce qui a fait empirer le problème.
Bien qu'il soit impossible de calculer avec précision la force totale que le poids du poisson a exercée sur la senne, on estime qu'il y avait encore de 18 000 à 45 000 kg (de 40 000 à 100 000 livres) de maquereaux dans la senne, un poids qui s'ajoutait à celui de la senne proprement dite. Il s'ensuit qu'une force de pivotement considérable (de 18 à 45 tonnes longues) a dû agir sur le pavois du Cape Fin-Tose et le rouleau à filet du Cape Jedsue. L'analyse montre que les caractéristiques de stabilité transversale du Cape Fin-Tose auraient été légèrement réduites si, par exemple, une force d'une grandeur arbitraire d'une tonne longue avait agi sur le pavois, et que cet effet augmenterait de façon marquée à mesure que la force augmente. Lors de cet événement, une valeur « seuil » de 6,5 tonnes longues agissant sur le pavois aurait suffi pour excéder le moment d'inclinaison transversale du bateau.
Le chavirement a été accéléré par un envahissement par les hauts dans l'écoutille ouverte et la porte des emménagements; l'envahissement s'est produit lorsque le bateau a atteint un angle de gîte d'environ 45 degrés. Il est aussi vraisemblable que le poisson contenu dans la cale s'est déplacé avant que le bateau ait atteint cet angle, contribuant encore plus au chavirement.
Livret de stabilité – Notes au capitaine
Les notes au capitaine 9C, qui faisaient partie du carnet d'assiette et de stabilité à l'état intact pour la pêche du capelan, du maquereau et du hareng, renfermaient des instructions voulant que, durant la pêche à la senne, tout le matériel de chalutage et le portique de manutention du chalut soient retirés du navire. Bien que les calculs de stabilité effectués par le propriétaire du Cape Fin-Tose aient tenu compte du fait que le terme « matériel de chalutage » incluait les treuils du chalut et les funes, ce fait n'a pas été énoncé clairement; les treuils du chalut et les funes n'ont pas été retirés avant que le bateau parte pour faire la pêche à la senne. De même, on ne s'est pas conformé à la note 4A, laquelle exigeait que les soutes à combustible de la cambuse soient vides pendant la pêche à la senne.
Ces notes, qui donnent aux exploitants de bateaux de pêche des indications sur la sécurité, constituent des recommandations que Transports Canada fait dans le Bulletin de la sécurité des navires no 04/2006, en attendant la publication du nouveau Règlement sur la sécurité des bateaux de pêche, en 2009.
Radeau de sauvetage
Même si le règlement ne l'exigeait pas, le Cape Fin-Tose disposait, sur le pont avant, d'un radeau de sauvetage pour huit personnes muni d'un dispositif de largage hydrostatique. Comme ce radeau de sauvetage était susceptible d'être affecté par les paquets de mer qui s'abattaient sur le pont, on utilisait habituellement deux saisines faites de matériau composite, consistant en des bandes d'assemblage et de cordes pour casiers à crabes, pour arrimer le radeau à son berceau. Quand le bateau s'est renversé, le dispositif de largage hydrostatique a dû s'activer mais le radeau de sauvetage n'a pas pu se dégager, éventuellement parce que la réserve de flottabilité de la capsule du radeau n'était pas suffisante pour briser le cordage pour casiers à crabes qui retenait le radeau. Il est aussi possible que le radeau de sauvetage, tout comme la radiobalise de localisation des sinistres, soit resté emprisonné sous le bateau renversé et n'ait pas pu remonter à la surface. Dans cette éventualité, la capsule du radeau a dû se remplir d'eau de mer durant les deux heures où le bateau est resté à la surface, et elle a dû perdre sa réserve de flottabilité. Quand le bateau a fini par couler, il a dû entraîner le radeau avec lui.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- L'exploitation du bateau n'était pas conforme aux dispositions des notes incluses au livret de stabilité (en attente d'approbation), étant donné que les deux soutes à combustible de la cambuse n'étaient pas vides et que les treuils du chalut et les funes étaient encore à bord.
- Du fait que les deux bateaux n'aient pas pu récolter le maquereau de la senne simultanément, les poissons sont restés prisonniers du filet pendant plus longtemps et sont vraisemblablement morts.
- Quand les maquereaux prisonniers du filet ont commencé à mourir, ils ont exercé un poids accru au fond du filet et ont ainsi fait augmenter la charge supportée par le pavois tribord du bateau.
- Le transfert de poids qui s'est produit lorsque le Cape Jedsue a réduit la tension sur la senne a fait augmenter encore davantage la charge qui s'exerçait sur le pavois du Cape Fin-Tose.
- Le moment d'inclinaison a excédé le moment de redressement du bateau, de sorte que le Cape Fin-Tose a chaviré.
Faits établis quant aux risques
- Même s'il était muni d'un dispositif de largage hydrostatique, le radeau de sauvetage a pu être empêché de se déployer, étant donné qu'il était retenu à son berceau par deux saisines similaires à des courroies. S'il s'est bel et bien dégagé de son berceau, le radeau est probablement resté emprisonné sous le bateau renversé.
- Il est vraisemblable que la radiobalise de localisation des sinistres, qui est équipée d'un dispositif de largage hydrostatique, s'est libérée de son berceau mais est restée emprisonnée sous le bâtiment. Le déploiement et l'activation subséquente ont eu lieu immédiatement après le naufrage.
- En raison de la vitesse à laquelle le bateau a chaviré, personne n'a eu le temps d'enfiler un gilet de sauvetage, de déployer le radeau de sauvetage et de lancer un appel de détresse.
Autres faits établis
- Même si la réglementation ne l'exigeait pas, le propriétaire avait fait faire un essai de stabilité du bateau. Des données sur la stabilité ont été produites et ont été présentées pour approbation à Transports Canada.
- La consigne, basée sur la " Note au capitaine " du livret de stabilité, voulant que tout le matériel de chalutage soit retiré du navire durant la pêche à la senne, n'indiquait pas clairement que les treuils de chalut et les funes devraient aussi être retirés.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes