Échouement
du chimiquier/transporteur de produits
Sichem Aneline
dans le port de Montréal (Québec)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 11 avril 2007 à 17 h 30, heure avancée de l'Est, le chimiquier/transporteur de produits Sichem Aneline, chargé de benzène, connaît une panne d'appareil à gouverner et s'échoue sur le côté sud du mouillage de Pointe-aux-Trembles dans le fleuve Saint-Laurent. Le navire est renfloué le 15 avril 2007 et remorqué au port de Montréal. L'événement n'a fait ni victime ni pollution. Le navire a subi de petites avaries.
Renseignements de base
Fiche technique du navire
Nom du navire | Sichem Aneline |
Numéro OMI | 9171735 |
Port d'immatriculation | Majuro |
Pavillon | Îles Marshall |
Type | Chimiquier/transporteur de produits |
Jauge brute | 6202 |
LongueurNote de bas de page 1 | 115,3 m |
Tirant d'eauNote de bas de page 2 | Avant: 7,7 m Arrière: 8,3 m |
Construction | 1998 |
Propulsion | 1 moteur diésel MAN B&W de 3962 kW entraînant une seule hélice à pas variable |
Cargaison | 7781 tonnes de benzène |
Équipage | 20 personnes |
Propriétaire enregistré | Daiichi Chuo Kisen, au Japon |
Armateur gérant | EMS Ship Management, en Inde |
Renseignements sur le navire
Le Sichem Aneline est un chimiquier/transporteur de produits. La machinerie et les emménagements sont situés à l'arrière. Il est pourvu de six citernes à cargaison et il est équipé d'un système de chargement fermé et d'un système de récupération de vapeur. Ses citernes à cargaison sont isolées par des citernes de double-fond et des ballasts séparés, ce qui en fait un navire de conception double coque.
Déroulement du voyage
Le 11 avril 2007 à 17 h 15Note de bas de page 3, le Sichem Aneline appareille de la section 105 du port de Montréal (Québec) pour se rendre à Philadelphie en Pennsylvanie aux États-Unis avec une cargaison de 7781 tonnes de benzène. Le navire est sous la conduite d'un pilote. Les vents sont légers et la visibilité est très bonne. La vitesse du courant du fleuve est estimée entre 1,5 et 2 noeuds. Les deux pompes de l'appareil à gouverner sont en marche.
En plus du pilote et d'un apprenti pilote, le capitaine et le premier officier se trouvent sur la passerelle. Le timonier est au pupitre de barre, mais l'officier de quart n'est pas encore revenu de l'avant du navire après le largage des amarres.
Au moment où le navire est presque centré dans le chenal et qu'il commence à se diriger vers l'aval, le pilote demande l'allure en avant demie, puis il confie la conduite du navire à l'apprenti pilote. L'apprenti pilote demande un cap au 025° (G), mais le timonier est incapable d'exécuter l'ordre en utilisant le volant de commande de la barre en mode asservi (full follow up ou FFU). L'indicateur d'angle de barre indique que le gouvernail est arrêté à quelques degrés sur tribord, et la barre ne répond pas. L'apprenti pilote répète l'ordre au moment où le premier officier prend la commande de la barre à l'aide de la manette de commande en mode non asservi (full follow up ou FFU).non follow up ou NFU). La barre répond de nouveau. L'apprenti pilote donne l'ordre de mettre la barre à gauche 20, et de nouveau la barre répond bien. L'ordre de mettre la barre à zéro et l'ordre de prendre un cap au 023° sont exécutés sans problème, et l'on confie de nouveau la barre du navire au timonier. Le pas de l'hélice est ajusté pour passer à l'allure avant toute de manoeuvre, et le navire atteint bientôt une vitesse fond de 11,5 noeuds.
Lorsque le Sichem Aneline passe sur l'arrière du travers d'un des navires ancrés au mouillage de Pointe-aux-Trembles, le timonier prévient le pilote que la barre ne répond pas et que l'indicateur d'angle de barre affiche un angle de barre entre 5° et 10° sur tribord. Le pilote demande immédiatement en avant lente, et l'officier de quart, qui vient tout juste d'arriver sur la passerelle, place la manette NFU à bâbord pour passer outre à l'asservissement du volant de commande manuelle. Le gouvernail étant revenu à gauche, le pilote donne l'ordre de mettre la barre à gauche toute. Comme le navire répond bien à la barre, le pilote demande en avant demie pour accroître la vitesse de giration sur bâbord.
Malgré tous les efforts déployés, le Sichem Aneline sort du chenal navigable et passe à l'arrière d'un navire ancré dans l'aire de mouillage. Réalisant que l'embardée sur tribord ne pourra être corrigée à temps pour éviter un échouement, le pilote donne l'ordre de mettre la barre à zéro et de renverser le pas de l'hélice pour passer à en arrière toute. Les membres d'équipage mouillent l'ancre de tribord, mais le navire continue sur son erre à une vitesse d'environ 5 noeuds, et vers 17 h 30, le navire s'échoue par 45°38,6′ N, 073°28,6′ W (voir position A, Annexe A) et prend une gîte de 6° à 7° sur tribord. Aucune voie d'eau n'a été constatée dans les compartiments.
Appareil à gouverner
Disposition des groupes moteurs et des systèmes de commande
L'appareil à gouverner électrohydraulique du Sichem Aneline a été fabriqué à Vigo en Espagne par Fluidmecanica S.A. Les quatre presses de l'appareil sont raccordées par des conduites hydrauliques aux deux groupes moteurs (voir Figure 1).
Chaque groupe moteur comprend un moteur électrique et une pompe hydraulique à palettes, ainsi qu'un système de commande (bloc de soupapes comprenant entre autres la soupape pilote [voir D, photo 2] et la soupape directionnelle [voir E, photo 2] avec ses soupapes d'équilibrage [voir B, photo 2]).
Lorsqu'un groupe moteur est mis en marche, que ce soit à partir du local de l'appareil à gouverner ou de la passerelle, le système de commande correspondant est par défaut mis sous tension. Si l'autre groupe moteur est mis en marche, son système de commande sera également mis sous tension. La conception est telle que les deux systèmes de commande sont sous tension lorsqu'on sélectionne le fonctionnement simultané des deux groupes moteurs. Si un des systèmes de commande vient à faire défaut ou ne reçoit pas de signal électrique, il peut entraver le fonctionnement de l'autre système en créant un verrouillage hydraulique, situation qui ne déclenche aucune alarme.
Sur la passerelle, l'appareil à gouverner est commandé à partir du pupitre de barre principal au moyen du volant de commande manuelle FFU ou de la manette NFU. Bien qu'il y ait un sélecteur NFU/volant de commande manuelle/pilote automatique, le fait d'actionner la manette NFU annule toujours l'action du volant de commande manuelle. Le système de pilotage automatique est composé de deux appareils Sperry ADG 3000 installés de sorte que l'un ou l'autre (bâbord ou tribord) peut être sélectionné pour mettre le pilotage automatique en marche.
L'un ou l'autre des groupes moteurs, ou les deux, peuvent être mis en marche à partir d'un emplacement situé sur la passerelle. Il est aussi possible de mettre un groupe moteur en marche et de mettre l'autre en disponibilité (stand-by), de sorte que le groupe moteur en disponibilité se met automatiquement en marche en cas de défaillance de l'autre groupe moteur.
Des essais effectués par la suite avec un groupe moteur en marche ont révélé que le temps nécessaire pour orienter le gouvernail de la position à droite toute à la position à gauche toute était de l'ordre de 25 ou 26 secondes, et que lorsque les deux groupes moteurs étaient en marche, ce temps était réduit à 13 secondes environ. Chaque groupe moteur est pourvu de quatre alarmes :
- alarme de bas niveau d'huile;
- alarme de panne d'alimentation électrique de la pompe (incluant la coupure de phase);
- alarme de panne d'alimentation du circuit de commande (24 volts CC);
- alarme de surcharge.
Le système est également équipé d'une alarme de bas niveau dans les réservoirs de rétention d'huile hydraulique.
Pannes de l'appareil à gouverner
Les pannes citées ci-après sont les seules ayant été enregistrées par l'équipage du Sichem Aneline depuis l'acquisition du navire par l'armateur gérant actuel en janvier 2007.
Le 3 avril 2007, l'appareil à gouverner du Sichem Aneline est tombé momentanément en panne, mais sans causer d'incident, au moment où le navire s'approchait du quai à son arrivée à Montréal. À ce moment-là, tout comme lors de la panne qui a précédé l'échouement du 11 avril 2007, aucune alarme ne s'est déclenchée.
Après l'arrivée à Montréal, l'équipage a démonté la soupape pilote no 1. Les joints toriques étaient secs et fissurés, l'un d'eux était cassé et une petite pièce s'était logée dans un des orifices de commande de la soupape. Après le remplacement des joints toriques de cette soupape pilote, l'appareil à gouverner a été testé dans le cadre d'une inspection par Det Norske Veritas (DNV) le 4 avril 2007, et il a fonctionné correctement. Tous se sont alors entendus pour dire que cela était probablement la cause de la panne du 3 avril 2007 et que le problème avait été corrigé.
Après l'échouement du 11 avril 2007, des enquêteurs du BST et un technicien du fabricant de l'appareil à gouverner ont examiné l'appareil à gouverner et ont noté ce qui suit :
- de l'huile fuyait de chacune des huit soupapes d'équilibrage (quatre dans chaque groupe);
- des joints toriques des soupapes d'équilibrage étaient manquants ou endommagés;
- des joints toriques de la soupape pilote no 2 étaient secs et fissurés;
- les filtres à huile contenaient une grande quantité de débris, dont certains semblaient être des pièces de téflon blanc semblable au matériau des joints toriques;
- la soupape de délestage du groupe no 2 était inopéranteNote de bas de page 4;
- les tuyaux flexibles de refoulement principaux du groupe no 1 n'étaient pas de la bonne longueur (voir A, photo 2);
- des barres de support avaient récemment été soudées au droit des tuyaux flexibles de refoulement principaux du groupe no 1 afin de réduire les contraintes latérales qui s'exerçaient sur ces tuyaux flexibles en raison de leur longueur incorrecte et de leur déviation de 180° (voir C, photo 2);
- les temps de fonctionnement indiqués pour les groupes no 1 et no 2 étaient respectivement de 21 693 heures et 14 310 heures.
Des modifications ont été apportées, et l'appareil à gouverner a été testé par le technicien et un inspecteur de DNV avant le départ de Montréal.
Le 26 avril 2007, après le départ de Montréal mais toujours dans les eaux restreintes du fleuve Saint-Laurent, alors que les deux pompes étaient en marche et que le navire était gouverné au moyen du volant de commande manuelle FFU, une panne momentanée de l'appareil à gouverner s'est produite. Le gouvernail s'est arrêté à 2° sur tribord. On a arrêté la pompe no 2, et la barre a aussitôt répondu. Par la suite, la pompe no 2 a été remise en marche sans autre incident.
Le BST a appris qu'un autre navire, le Gran Canaria CarNote de bas de page 5, équipé d'un appareil à gouverner du même fabricant, avait connu une panne intermittente d'appareil à gouverner en 2002. La cause avait été identifiée comme étant une chute de voltage excessive entre la commande de la passerelle et l'appareil à gouverner. Cette chute de voltage empêchait le fonctionnement des relais KA4 et KA5. Le fabricant a corrigé le problème sur le Gran Canaria Car en refaisant le câblage dans les boîtes de démarrage des blocs d'alimentation, de façon à contourner les relais KA4 et KA5Note de bas de page 6.
Entretien et registres de l'appareil à gouverner
La gestion du navire avait changé de main en janvier 2007, mais les registres d'entretien de l'appareil à gouverner depuis octobre 2005 étaient disponibles dans l'ordinateur du chef mécanicien.
Ces registres semblent correspondre à la date du changement de société de classification, du Bureau Veritas (BV) à DNV, et indiquent que les graissages de routine de l'appareil à gouverner étaient effectués toutes les semaines et que les vérifications de routine des presses, des connexions électriques et des assises étaient effectuées tous les trois mois. De plus, l'ensemble du système avait fait l'objet d'une vérification générale le 28 septembre 2005, le 10 mars 2006 et le 21 novembre 2006. Le tableau ci-après fait la synthèse des éléments d'intérêt qui ont été relevés dans les registres du navire.
Date | Observations |
15 janvier 2006 | Remplacement de deux tuyaux flexibles. |
10 mars 2006 | Remplacement des tuyaux flexibles là où cela était nécessaire en raison des fuites. Nouveaux tuyaux commandésNote de bas de page 7. |
03 juillet 2006 | Remplacement de deux relais du groupe no 1. |
En raison du changement d'armateur gérant du navire en janvier 2007, la consommation d'huile hydraulique n'était connue que depuis cette date. Les registres indiquent une consommation d'huile hydraulique de 40 litres en janvier 2007 et de 50 litres en février 2007.
L'Association internationale des sociétés de classification (IACS) fournit dans ses règles communes (Unified Requirements ou UR) des lignes directrices sur la façon d'installer des tuyaux flexibles dans les systèmes de gouverne. Les règles stipulent, entre autres, que :
[Traduction]
Des tuyaux flexibles d'un type approuvé par la société de classification peuvent être installés entre deux points où la flexibilité est nécessaire mais ne doivent pas être soumis à de la flexion-torsion en conditions d'exploitation normale. D'une manière générale, la longueur du tuyau doit être limitée au minimum nécessaire pour assurer la flexibilité et le bon fonctionnement de la machineNote de bas de page 8.
Dans le présent cas, ni note ni condition de classe n'ont été émises pour consigner le fait que les tuyaux flexibles du groupe moteur no 1 étaient plus longs que nécessaire et n'étaient pas installés dans le conduit prévu à cette fin. Pour aider à supporter les contraintes latérales s'exerçant sur les tuyaux flexibles en conditions d'exploitation normale, les tuyaux flexibles étaient retenus par des colliers de serrage à une barre de stabilisation fabriquée par l'équipage.
Changement de société de classification et inspection annuelle par DNV
Le BV avait inspecté l'appareil à gouverner chaque année de 2000 à 2004 inclusivement, la dernière inspection remontant au 25 novembre 2004. En 2003, une inspection quinquennale avait été effectuée. Lors de cette inspection, on avait procédé à la dépose et à la révision des cylindres en atelier ainsi qu'au démontage et à la révision des moteurs électriques des deux pompes hydrauliques; on avait fait des essais avec un appareil Megger et on avait procédé à la vérification de l'alarme de bas niveau d'huile hydraulique dans les deux réservoirs. Aucune observation défavorable ou condition de classe n'ont été enregistrées pendant cette période.
Le 14 novembre 2005, l'armateur gérant précédent avait changé de société de classification, passant du BV à DNV. Un Certificat de classe provisoire avait alors été délivré en se fondant sur les documents de transfert de classe émis par le BV. Le 4 décembre 2006, alors qu'il se trouvait à Beaumont au Texas aux États-Unis, le navire avait fait l'objet d'une inspection annuelle réalisée par le bureau de Houston au Texas de DNV. Un Certificat de classe en règle (full term Class Certificate) avait été délivré le 19 décembre 2006.
Les registres de DNV indiquent que l'appareil à gouverner avait été testé et jugé dans un état satisfaisant au cours de l'inspection annuelle.
Gouvernail
Le Sichem Aneline est équipé d'un gouvernail à volet articulé. Comparé à un gouvernail classique, un gouvernail à volet articulé permet d'augmenter la poussée latérale à tous les angles d'orientation du gouvernail. Pendant que le navire était à quai à Montréal, des plongeurs ont procédé à l'inspection sous-marine de la coque et du gouvernail. On a alors observé que la soudure de l'aiguillot supérieur du volet était cassée et que le volet présentait une petite fissure de quelque 210 mm de longueur, juste au-dessous du deuxième aiguillot supérieur. La présence de corrosion visible indique que la fissure n'était pas récente. Ces avaries ne semblent pas avoir entravé le fonctionnement du gouvernail.
Changement d'armateur gérant
Au cours des neuf années d'existence du Sichem Aneline, la gestion du navire a changé de main à quatre reprises. En règle générale, comme dans le présent cas, chaque fois qu'un armateur gérant prend en charge un navire, son programme d'entretien et ses registres remplacent les précédents. L'armateur gérant précédent garde tous les dossiers d'entretien de la période antérieure.
Un échantillonnage au hasard de 20 % de la base de données Sea-webNote de bas de page 9, portant sur les navires d'un port en lourd (DWT) entre 8000 et 50 000 tonnes construits en 1997, révèle qu'en moyenne, un navire change d'armateur gérant deux fois après sa construction. Sur les 100 navires échantillonnés, 45 n'ont eu qu'un seul armateur gérant. Le reste des navires ont eu en moyenne presque trois armateurs gérants dans l'intervalle de 10 ans.
Expérience du personnel
Le capitaine est titulaire d'un brevet de Capitaine au long cours et a commencé son service en mer en 1977. Il travaillait comme capitaine depuis 2006. Embarqué sur le navire le 28 mars 2007, il effectuait sa première affectation sur ce navire.
L'officier de quart a commencé son service en mer en 1999 et a obtenu son brevet de Premier officier de pont en 2005. Il avait embarqué sur le navire le 21 mars 2007.
Le pilote est titulaire d'un brevet de Capitaine au long cours. Pilote breveté depuis mai 2006, il avait été apprenti pilote pendant deux ans.
Le chef mécanicien était titulaire d'un brevet d'Officier mécanicien de première classe, navire à moteur, depuis 2002. Il travaillait sur le navire depuis un certain temps mais la date exacte de son embarquement n'était pas consignée.
Opération de sauvetage maritime
Le capitaine a contacté l'armateur gérant du navire en Inde et a amorcé le processus de consultation en vue de faire renflouer le navire. L'armateur gérant du navire a contacté son fournisseur de services d'intervention d'urgence pour faire effectuer les calculs nécessairesNote de bas de page 10.
Dans les heures qui ont suivi l'échouement, un inspecteur de Transports Canada est monté à bord du navire et a remis au capitaine une Note de la Sécurité maritime spécifiant les conditions suivantes :
- aucune tentative de dégagement du navire ne doit être effectuée avant qu'un plan de sauvetage maritime n'ait été soumis à Transports Canada;
- le plan de sauvetage devra inclure les calculs de la stabilité après avarie, au cas où les endroits ayant fait contact, comme les ballasts ou les citernes de double-fond, soient percés;
- une inspection sous-marine des endroits ayant fait contact devra être effectuée avant l'opération de renflouage;
- les ballasts et leur atmosphère doivent être vérifiés régulièrement.
Le 12 avril 2007, les membres du Comité consultatif sur le sauvetageNote de bas de page 11 ont tenu deux conférences téléphoniques pour discuter des opérations de sauvetage du Sichem Aneline. Il a été convenu qu'un remorqueur resterait à proximité du navire, prêt à intervenir, et qu'un pilote portuaire resterait continuellement à bord du Sichem Aneline.
Entre-temps, un capitaine de remorqueur local possédant de l'expérience dans les opérations de sauvetage était monté à bord du navire pour remplir les fonctions de conseiller et de contact sur place avec la compagnie de remorquage (Le Groupe Océan ltée) qui fournit les services de remorquage dans le port de Montréal. Les assureurs maritimes de la coque du navire continuaient d'assurer l'encadrement de l'ensemble des opérations de sauvetage. Différents scénarios de renflouage ont été envisagés, mais tous se sont entendus pour dire qu'alléger le navire avant de le renflouer réduirait les risques pour le navire et pour l'environnement.
Le 13 avril 2007, les marques de tirant d'eau indiquaient que le navire s'enfonçait davantage. Plus tard dans la journée, un plan de sauvetage comprenant la disposition des remorqueurs et la puissance de traction disponible de chacun a été soumis à Transports Canada. Cependant, le plan n'incluait pas les calculs des contraintes dans la coque ni les calculs de la stabilité après avarie.
Transports Canada a refusé le plan, dans l'attente de renseignements complémentaires sur l'état de la stabilité du navire et des contraintes dans la coque et d'une proposition plus détaillée sur la séquence des événements entourant le renflouage. Le 14 avril 2007, conformément à la demande de Transports Canada, l'armateur gérant du navire a soumis un plan révisé qui incluait les renseignements demandés. Le plan contenait aussi une évaluation indiquant que les risques associés à l'allègement étaient inacceptables. Transports Canada a accepté le plan, sous réserve d'une évaluation favorable par le Comité consultatif sur le sauvetage, laquelle a été accordée.
Des dispositions ont été prises pour élever autant que possible le niveau de l'eau dans le port de Montréal. Vers 15 h le 15 avril 2007, les opérations de sauvetage commençaient et, vers 15 h 45, le Sichem Aneline était dégagé puis remorqué à un quai du port de Montréal.
Analyse
Pannes de l'appareil à gouverner
Entre le 3 avril et le 26 avril 2007, l'appareil à gouverner du Sichem Aneline est tombé en panne à quatre reprises. Les points communs entre ces pannes incluent l'utilisation du volant FFU, le fonctionnement simultané des deux pompes de l'appareil à gouverner, l'absence d'alarme et le fait que le navire faisait route. Les pannes n'ont pu être reproduites lors des tests à quai. Le quatrième incident est survenu le 26 avril 2007 après une importante remise à neuf des composants hydrauliques et la vidange de l'huile hydraulique avant le départ de Montréal, de même que le remplacement d'un des appareils de pilotage automatique Sperry sur la passerelle. Vu le travail d'entretien effectué sur le système hydraulique avant le dernier événement, il est peu probable que le système hydraulique soit à l'origine du mauvais fonctionnement.
La cause des pannes de l'appareil à gouverner n'a pu être déterminée avec certitude, mais il est probable qu'une anomalie de nature électrique s'est produite dans le pupitre de barre, dans les boîtes de démarrage des groupes moteurs dans le local de l'appareil à gouverner, ou quelque part entre les deux. Les mesures prises par le fabricant de l'appareil à gouverner du Sichem Aneline (voir la partie Mesures de sécurité du présent rapport), de même qu'à bord du Gran Canaria Car, indiquent que les relais KA4 et KA5 situés dans les boîtes de démarrage des groupes moteurs pourraient présenter des problèmes intermittents.
En outre, des facteurs de nature autre qu'électrique ont fait augmenter le risque de panne de l'appareil à gouverner. La base de données du BST compte deux autres événementsNote de bas de page 12 où des appareils à gouverner ont mal fonctionné sans que les alarmes ne se déclenchent. Dans ces deux cas, les navires se sont échoués et utilisaient simultanément les deux groupes moteurs d'appareil à gouverner qui, par défaut, alimentaient leur système de commande respectif. La défaillance d'une des servocommandes peut causer un verrouillage hydraulique, avec comme résultat que le gouvernail ne répond plus et qu'aucune alarme ne se déclenche. Après l'échouement du CedarNote de bas de page 13, Transports Canada a insisté pour qu'un interrupteur soit installé sur la passerelle du navire afin de permettre le fonctionnement d'un seul télémoteur (système de commande) à la fois, même lorsque les deux groupes moteurs sont en marche.
Les principales sociétés de classification ont également identifié des conséquences négatives au fonctionnement simultané de plus d'un groupe moteur de l'appareil à gouverner. Les règles communes de l'IACS concernant les machines précisent que l'avis suivant doit être affiché à proximité du pupitre de barre ou inclus dans les consignes d'utilisation à bord du navire :
[Traduction]
Attention : Dans certaines circonstances, lorsque deux groupes moteurs fonctionnent simultanément, il se peut que le gouvernail ne réponde pas à la barre. Si cela se produit, arrêter chaque pompe une à la fois jusqu'à ce que la commande soit rétablieNote de bas de page 14.
L'exigence spécifiée dans la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS)Note de bas de page 15 d'avoir plus d'un groupe moteur de l'appareil à gouverner en marche dans les zones où la navigation exige une attention particulière (et lorsque ceux-ci peuvent fonctionner simultanément) se veut une mesure de réduction du risque. Fait paradoxal, cette mesure réglementaire peut augmenter le risque d'accident. Si un des systèmes de commande tombe en panne, le mouvement du gouvernail peut être entravé sans qu'une alarme ne se déclenche. Et lorsqu'on s'aperçoit que l'appareil à gouverner ne répond pas, c'est seulement par tâtonnement (arrêter un groupe, essayer l'autre et vice versa) que l'on peut résoudre le problème. Cette méthode fait perdre un temps précieux et peut contribuer à faire échouer le navire s'il se trouve en eaux restreintes.
L'exigence qui stipule qu'il faut avoir plus d'un groupe moteur de l'appareil à gouverner en marche dans les zones où la navigation exige une attention particulière est de nature prescriptive et n'est pas basée sur la performance. Cette règle est fondée sur de bonnes intentions, mais elle perd son sens lorsqu'elle est appliquée à un système électrohydraulique moderne doté d'un système auxiliaire automatique, comme c'est le cas à bord du Sichem Aneline. De plus, la manoeuvrabilité de nombreux navires est de beaucoup supérieure à ce qu'elle était dans le passé. Un gouvernail à volet articulé ou une propulsion par pod orientable améliore grandement la maniabilité d'un navire.
L'exigence de la règle 25 du chapitre V de la Convention SOLAS, qui stipule que plus d'un groupe moteur de l'appareil à gouverner doivent être en marche dans les zones où la navigation exige une attention particulière, n'est ni basée sur la performance, ni nécessairement en accord avec les progrès réalisés dans la conception des systèmes de gouverne des navires.
Entretien continu pendant la durée de vie du navire
Peu de registres d'entretien à bord du Sichem Aneline dataient d'avant janvier 2007, moment où la nouvelle compagnie de gestion a pris le navire en charge. L'absence d'historique d'entretien a empêché les mécaniciens d'anticiper et de prévenir les problèmes susceptibles d'apparaître sur les équipements critiques pour les opérations, comme l'appareil à gouverner.
Certains registres antérieurs sur l'entretien de l'appareil à gouverner du navire ont été retrouvés dans l'ordinateur du chef mécanicien, mais ils étaient peu détaillés et ne dataient pas d'avant octobre 2005. Les registres couvrant les sept années d'existence du navire depuis sa construction n'étaient pas facilement accessibles, bien que très importants pour analyser le rendement du système.
L'échantillon statistique du BST porte à croire que la plupart des navires ne sont pas gérés par un seul armateur gérant, mais bien qu'ils changent d'armateur gérant deux ou trois fois tous les dix ans. Le Code international de gestion pour la sécurité (Code ISM) exige que chaque compagnie de gestion s'assure que les registres d'entretien des machines et d'enquête sur les pannes soient gardés à bord du navire.
Les lignes directrices de l'IACS relatives à l'entretien indiquent ce qui suit :
[Traduction]
En plus de fournir une preuve de conformité aux procédures, les registres découlant des activités d'entretien à bord peuvent aussi être considérés comme une base de données contenant de précieux renseignements pour la gestion. À titre d'exemple, l'analyse appropriée des registres d'inspections, de défectuosités, de non-conformités et de mesures correctives peut procurer de l'information qui servira à modifier les calendriers d'inspection et d'entretien préventif, réduisant ainsi le travail inutile et la fréquence des pannes. Cette même analyse pourrait permettre d'identifier les tendances ou les problèmes répétitifs qui exigent une enquête plus approfondie et des solutions à plus long termeNote de bas de page 16.
Lorsqu'un navire est transféré à un nouvel armateur gérant, ces registres sont conservés par la compagnie de gestion précédente plutôt qu'à bord du navire. Pour le nouvel armateur gérant et l'équipage, de l'information critique pour la sécurité est ainsi perdue. En 2000, le navire Millenium Yama a subi une panne majeure de la machine principale dans l'estuaire du fleuve Saint-LaurentNote de bas de page 17. Au terme de son enquête, le Bureau avait conclu ce qui suit :
La sécurité est accrue quand l'historique du navire et de son équipement est disponible. Le Millenium Yama a appartenu à cinq compagnies différentes. Le manque d'information sur l'historique des pièces de rechange tient au fait que les propriétaires n'ont pas transmis la documentation pertinente au nouveau propriétaire après la vente du navire.
La forte consommation d'huile, la grande différence entre le nombre d'heures de fonctionnement des groupes moteurs nos 1 et 2, l'utilisation de pièces non conformes aux spécifications du fabricant (comme des tuyaux flexibles trop longs ou trop courts), et la soupape de délestage inopérante du groupe no 2 étaient toutes des informations précieuses concernant le rendement de l'appareil à gouverner. Cependant, vu que l'équipage n'avait pas accès aux registres pertinents, la compréhension analytique du système était impossible, notamment en ce qui concerne l'historique du rendement et des réparations.
La fiche technique du navire et les rapports d'état des inspections de classe sont acheminés à la nouvelle société de classification lorsqu'un navire change de classe, mais la majeure partie de ces renseignements sont de haut niveau et concernent les machines, la structure, et, comme le nom l'indique, l'état des inspections. La nouvelle société doit examiner les registres d'inspection de classe de la société précédente avant de délivrer un certificat définitif d'acceptation, mais cet examen est effectué « dans la mesure jugée nécessaireNote de bas de page 18 », sauf pour quelques exceptions précises. La plus grande partie des éléments d'entretien continu effectué par l'équipage sur les composants critiques pour la sécurité, comme l'appareil à gouverner, n'est pas incluse dans ces registres.
Les renseignements sur l'entretien et les pannes des composants critiques pour la sécurité sont le plus utiles lorsqu'ils sont disponibles en permanence à bord du navire auquel ils se rattachent, peu importe l'identité de l'armateur gérant du navire.
L'absence de registres sur l'entretien continu à bord d'un navire peut faire obstacle à l'entretien préventif fondé sur le risque et à l'analyse des tendances et augmente par conséquent le risque de panne des machines.
État de préparation au sauvetage maritime
Le Sichem Aneline s'est échoué dans une zone relativement sans danger du port de Montréal. En raison des fluctuations minimales du niveau de l'eau, du faible courant et du fond vaseux, les avaries au navire et les dommages à l'environnement ont été minimes. Ces conditions ont permis d'étaler les préparatifs et les opérations de sauvetage sur une période de trois jours. Dans des conditions plus défavorables, ces opérations doivent être effectuées plus rapidement pour éviter les risques de dommages majeurs à l'environnement et aux biens.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Il est probable qu'une anomalie de nature électrique dans le circuit de commande de l'appareil à gouverner a causé la panne de l'appareil à gouverner.
- Le gouvernail s'est immobilisé à un angle compris entre 5° et 10° à tribord dans un chenal étroit. Après que la commande a été transférée au système en mode non asservi (NFU), le gouvernail a répondu, mais le navire est tout de même sorti du chenal et s'est échoué.
Faits établis quant aux risques
- Lorsque deux systèmes de commande de l'appareil à gouverner fonctionnent simultanément, la défaillance de l'un peut empêcher le mouvement du gouvernail sans pour autant activer les alarmes correspondantes.
- Un nombre indéterminé d'appareils à gouverner fabriqués par Fluidmecanica S.A. sont en service sans avoir fait l'objet de modifications électriques, comme ce fut le cas pour le Gran Canaria Car et le Sichem Aneline. Ces appareils sont susceptibles d'être touchés par des pannes intermittentes semblables à celles survenues sur le Sichem Aneline.
- L'absence de registres sur l'entretien continu à bord d'un navire peut faire obstacle à l'entretien approprié du navire et à l'analyse des tendances et augmente par conséquent le risque de panne des machines.
Autres faits établis
- L'exigence de la règle 25 du chapitre V de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), qui stipule que plus d'un groupe moteur de l'appareil à gouverner doivent être en marche dans les zones où la navigation exige une attention particulière, n'est ni basée sur la performance, ni nécessairement en accord avec les progrès réalisés dans la conception des systèmes de gouverne des navires.
- Des tuyaux flexibles qui n'étaient pas conformes aux spécifications du fabricant (tuyaux trop longs et pliés selon un angle de plus de 180° par rapport à l'orientation prévue) étaient soumis à de fortes contraintes latérales en conditions d'exploitation normale.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
Le 4 mai 2007, le BST a officiellement demandé au fabricant de l'appareil à gouverner, Fluidmecanica S.A., de lui fournir les renseignements complémentaires suivants :
- quels travaux ont été faits sur le Gran Canaria Car pour corriger le problème;
- si des problèmes intermittents de cette nature ont été enregistrés sur d'autres navires équipés d'appareils à gouverner fabriqués par Fluidmecanica S.A;
- si la compagnie a apporté des modifications permanentes au câblage des blocs d'alimentation des boîtes de démarrage en cours de production.
Le 7 mai 2007, alors que le Sichem Aneline était à quai à Philadelphie aux États-Unis, le câblage des blocs d'alimentation des boîtes de démarrage des groupes moteurs nos 1 et 2 a été refait par un représentant du fabricant, de façon à contourner les relais KA4 et KA5. Cette modification a été approuvée par la société de classification et appuyée par l'État du pavillon. Le navire n'a pas signalé d'autres pannes de son appareil à gouverner depuis cette modification.
Le 8 août 2007, la société de classification du navire, Det Norske Veritas, a émis une condition de classe comprenant notamment une instruction pour qu'une seule pompe de l'appareil à gouverner soit utilisée à la fois, afin de prévenir le risque de panne du système lorsque deux groupes moteurs sont en marche simultanément.
Le 14 novembre 2007, le BST a fait parvenir un Avis de sécurité maritime (MSA-06/07) à l'Association internationale des sociétés de classification (IACS) ainsi qu'une copie de cet avis à Fluidmecanica S.A., le fabricant de l'appareil à gouverner. L'avis décrit la modification apportée aux blocs d'alimentation des boîtes de démarrage des groupes moteurs de l'appareil à gouverner de façon à contourner les relais KA4 et KA5. L'avis demandait également à l'IACS de diffuser cette information aux armateurs gérants des navires classés par les sociétés membres. Le 21 novembre 2007, l'IACS a répondu que ses sociétés membres avaient été informées de cette modification.
Le 14 novembre 2007, le BST a également fait parvenir une Lettre d'information sur la sécurité maritime (MSI 04/07) à Transports Canada pour l'informer des règles communes de l'IACS concernant l'avis devant être affiché au pupitre de barre ou inséré dans les consignes d'utilisation à bord. La lettre prévient que, dans certains cas, lorsque deux groupes moteurs sont en marche simultanément, il se peut que le gouvernail ne réponde pas à la barre et qu'une pompe doit alors être arrêtée. La lettre mentionne également que l'exigence de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), qui stipule qu'il doit y avoir plus d'un groupe moteur en marche dans certaines zones, semble être une mesure de réduction du risque, mais qu'une telle exigence perd son sens lorsqu'elle est appliquée à un système électrohydraulique moderne doté d'un système auxiliaire automatique. Le 28 décembre 2007, Transports Canada a répondu que la lettre d'information serait transmise à l'Organisation maritime internationale (OMI) à titre d'information et pour les besoins de toute mesure jugée nécessaire.
Le 14 décembre 2007, le BST a fait parvenir une Lettre d'information sur la sécurité maritime (MSI 08/07) à Transports Canada. La lettre précise que, pour une application vraiment efficace du Code international de gestion pour la sécurité (Code ISM), les renseignements sur l'entretien et les pannes des composants critiques pour la sécurité doivent être conservés à bord pendant toute la durée de vie du navire. L'absence d'un tel registre continu à bord du navire fait obstacle à l'entretien préventif fondé sur le risque et à l'analyse des tendances et augmente par conséquent les risques de panne des machines, et par ricochet les risques au navire, à l'équipage et à l'environnement. La lettre conclut que Transports Canada devrait considérer la pertinence d'attirer l'attention des autres États du pavillon et de l'OMI sur la question de la continuité des registres d'entretien, indépendamment de tout changement d'armateur gérant, de société de classification ou d'équipage.
Le 14 décembre 2007, en réponse à l'Avis de sécurité maritime MSA 06/07, le fabricant de l'appareil à gouverner Fluidmecanica S.A. a indiqué qu'après avoir analysé la situation il ne croyait pas que le matériel de la compagnie ait causé ou contribué aux pannes intermittentes. Le fabricant n'a pas précisé si des modifications permanentes au câblage, semblables à celles effectuées sur le Sichem Aneline à Philadelphie, avaient été adoptées pour les blocs d'alimentation des groupes moteurs neufs.
En décembre 2007, Pêches et Océans Canada (Garde côtière canadienne) et Transports Canada (Région du Québec) ont mis la touche finale à une liste de vérification générique destinée à être remise à l'armateur gérant et aux sauveteurs d'un navire qui est échoué. La liste a été utilisée pour la première fois en avril 2008 dans le cadre de l'échouement d'un navire près de Trois-Rivières (Québec). Les autorités dans la Région du Québec semblent être les seules à utiliser cette liste de vérification.
Mesures requises
Recommandation de sécurité
Continuité des registres d'entretien et de pannes
L'historique des registres d'entretien et des renseignements sur les pannes de l'équipement critique pour la sécurité (incluant la gouverne, l'alimentation électrique, la propulsion, les engins de sauvetage et la limitation des avaries) est un élément clé pour l'armateur gérant et l'équipage d'un navire dans l'évaluation du rendement d'un système et dans la planification de l'entretien préventif fondé sur le risque. Dans le présent événement, à la suite d'un récent changement d'armateur gérant du navire, l'armateur gérant précédent a conservé les registres historiques de pannes et d'entretien. De ce fait, le nouvel armateur gérant et l'équipage n'avaient pas facilement accès aux registres et renseignements pertinents sur les pannes et les réparations antérieures de l'appareil à gouverner.
Le 14 décembre 2007, par suite du présent événement, le BST a fait parvenir un Avis de sécurité maritime (MSA 08/07) à Transports Canada indiquant que, pour une application vraiment efficace du Code ISM, les renseignements sur l'entretien et les pannes des composants critiques pour la sécurité doivent être conservés à bord pendant toute la durée de vie du navire. L'avis mentionnait également que Transports Canada devrait considérer la pertinence d'attirer l'attention des autres États du pavillon et de l'OMI sur la question de la continuité des registres d'entretien. En décembre 2008, Transports Canada a répondu qu'il n'existait dans le Code ISM aucune exigence stipulant qu'une compagnie doit fournir de tels registres d'inspection une fois que la responsabilité de l'exploitation du navire a été transférée à la compagnie suivante, et que de tels registres sont transférés uniquement à la demande explicite du nouveau propriétaire au moment de l'achat. La réponse de Transports Canada était cependant muette sur la question principale.
Dans l'industrie maritime, un changement d'armateur gérant n'est pas inhabituel. Au moment du présent événement, le Sichem Aneline avait neuf ans, il avait déjà changé d'armateur gérant quatre fois, et les registres d'entretien à bord remontaient seulement au dernier changement qui avait eu lieu six mois auparavant.
Le contexte commercial entourant le transfert de propriété de navires de commerce intérieur ou international ne favorise pas la communication ni le transfert des registres d'entretien. À titre d'exemple, le formulaire de vente norvégien (Norwegian Sales Form ou NSF)Note de bas de page 19 sert de contrat de vente standard dans l'industrie maritime. Ce formulaire permet une inspection de l'acheteur « sur place et dans l'état » du navire, ce qui n'offre aucune garantie ou assurance quant à la condition en cours du navire ou à son entretien dans le passé. Pour ce qui est de la connaissance de l'historique d'entretien du navire, le formulaire NSF fonctionne selon le principe du caveat emptor (que l'acheteur prenne garde) et, à moins d'amendement, le transfert d'information sur l'entretien est limité à un examen des registres de la classe.
La gestion de navires fait l'objet d'une forte concurrence, et lorsqu'un navire change de propriétaire il change habituellement de compagnie de gestion. Les compagnies possèdent des systèmes exclusifs de gestion de la sécurité, et ceux-ci, de même que les registres d'entretien qui s'y rattachent, ne sont pas transférés à une compagnie de gestion qui prend la relève. En conséquence, un navire se trouve exposé au plus haut niveau de risque au moment où il change de main, surtout si le changement amène un nouvel équipage qui ne connaît pas le navire, son équipement ou son historique d'entretien. Cela est applicable au Canada où au moins 33 navires commerciaux battant pavillon étrangerNote de bas de page 20 ont été importés et sont passés sous pavillon canadien au cours des cinq dernières années sans qu'il soit exigé que leurs registres soient transférés aux nouveaux armateurs gérants.
Ce n'est pas la première fois que le BST identifie le manque de registres d'entretien continu comme étant une question de sécurité. L'enquête sur un événement survenu au Millenium YamaNote de bas de page 21 en 2001 a révélé que le navire avait changé cinq fois d'armateur gérant. Au moment de l'événement, on n'a trouvé à bord aucune documentation de référence qui aurait pu permettre au personnel machine de déterminer la condition et l'origine d'une bielle défaillante. Le nouvel armateur gérant avait ainsi été privé d'information suffisante pour prendre des décisions éclairées sur l'entretien et assurer le maintien de la sécurité. Le BST avait alors envoyé une Lettre d'information sur la sécurité maritime (MSI 07/01) à l'armateur gérant du Millenium Yama pour signaler l'absence de registres d'entretien à bord du navire et l'absence d'un système pour transférer de tels registres à l'armateur gérant suivant. L'armateur gérant du navire au moment de l'événement avait reconnu que le transfert des registres d'entretien à l'armateur gérant suivant serait bénéfique aux fins de l'entretien préventif, mais que ce n'était pas chose courante.
Le Canada n'est pas le seul pays à relever le problème de la continuité des registres d'entretien. Après un événement survenu en 2002Note de bas de page 22 à une embarcation de sauvetage immédiatement après un changement d'armateur gérant, la Marine Accident Investigation Branch (MAIB) du Royaume-Uni avait indiqué que tous les registres du navire autres que les plans du navire avaient été retirés du navire. La MAIB avait également indiqué que la pratique au sein de l'industrie aéronautique était de conserver les registres de maintenance à bord de l'aéronef peu importe le nombre de fois que l'aéronef change de propriétaire. La MAIB avait recommandé à l'OMI, par l'entremise de la Marine and Coast Guard Agency du Royaume-Uni, que :
[Traduction]
elle inclut dans le Code ISM, une exigence stipulant que tous les registres et notes concernant l'état et l'entretien de l'équipement et de la machinerie du navire doivent être conservés à bord du navire au moment de la vente du navire au nouveau propriétaire, dans le but d'assurer la sécurité du navire et l'efficacité de la navigation.
La question a été soumise à l'OMI par le Royaume-Uni en 2004Note de bas de page 23, mais peu de progrès ont été réalisés jusqu'ici.
La Convention SOLAS reconnaît l'importance de conserver certains registres à bord du navire. La Convention exige que la fiche synoptique continue soit conservée à bord du navire durant toute la durée de vie du navireNote de bas de page 24. La fiche synoptique vise à fournir un dossier de bord des antécédents du navire en ce qui concerne les renseignements qui y sont consignés, notamment les noms antérieurs du navire, le nom du ou des propriétaires inscrits, le nom de toutes les sociétés de classification, le nom de l'administration ou de l'organisme reconnu qui a délivré le Certificat de gestion de la sécurité en vertu du Code ISM. Cependant, la Convention ne contient pas d'exigence requérant que la fiche synoptique continue contienne un historique de l'entretien et des pannes.
Du fait de ces lacunes de sécurité et de leur reconnaissance par d'autres États du pavillon, le Bureau est préoccupé de constater que l'OMI n'a pas pris de mesures pour gérer les risques encourus quand les registres appropriés d'entretien et de pannes ne sont pas disponibles.
En conséquence, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports propose à l'Organisation maritime internationale (OMI) des mesures efficaces afin d'assurer que les registres d'entretien et de pannes soient conservés à bord pendant toute la durée de vie du navire.
Recommandation M09-01 du BST
Préoccupations liées à la sécurité
Maintien des registres d'entretien et de pannes à bord des navires domestiques
Dans l'industrie canadienne de l'aviation, le Règlement de l'aviation canadien (RAC) exige que tous les renseignements concernant l'entretien et les pannes soient consignés et qu'ils accompagnent l'aéronef pendant toute sa durée de vie. Le RACNote de bas de page 25 stipule que :
Le propriétaire d'un aéronef qui transfère le titre de propriété de l'aéronef ou de la cellule, du moteur, de l'hélice ou d'un appareillage de l'aéronef à une autre personne doit également, au moment du transfert, lui livrer tous les dossiers techniques se rapportant au produit aéronautique en cause.
Transports Canada reconnaît l'importance de maintenir des registres d'entretien continu pour les aéronefs, mais aucune exigence semblable n'est en place pour l'industrie maritime au Canada. En conséquence, le Bureau est préoccupé de constater que les armateurs gérants ne sont peut-être pas au courant des vices cachés de leur navire ou de ses problèmes inhérents qui ont été identifiés antérieurement. Cette situation peut faire obstacle à un entretien approprié et à l'analyse des tendances, et de ce fait pose un risque pour les passagers, l'équipage et l'environnement. Le Bureau va continuer à surveiller la situation.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A - Croquis des lieux de l'événement
Annexe B - Schéma de câblage des boîtes de démarrage
Annexe C - Liste de vérification pour l'inspection de l'appareil à gouverner (Det Norske Veritas)
Dispositifs de commande et de contrôle de l'appareil à gouverner [403] | - | |
Tester les alarmes, incluant l'alarme de panne d'alimentation du circuit de commande, et s'assurer du bon fonctionnement de la source d'alimentation auxiliaire lorsque cette source est exigée. | MC.A | La source d'alimentation auxiliaire doit être actionnée automatiquement en moins de 45 secondes. Se reporter aux documents suivants pour les conditions d'application. [SOLAS 1986 Ch. II-1 règle 29, Recueil HSC (Recueil international de règles de sécurité applicables aux engins à grande vitesse] 2000 Ch.12.5, Code Modu-89 2001 Ch.7.5.17 et SS jan. 2004 Partie 3 ch.3 sec.2 J900] |
Tester le fonctionnement des modes de commande locale et à distance de l'appareil principal et de l'appareil auxiliaire incluant : a) les indicateurs, b) le démarrage des moteurs d'actuateurs, c) les contacts de fin de course du gouvernail, d) les soupapes de sécurité. | MC.A | S'assurer que les indicateurs sont indépendants du dispositif de commande de l'appareil à gouverner. Tester les indicateurs sur la passerelle de navigation et dans le local de l'appareil à gouverner. Les contacts de fin de course doivent entrer en fonction avant les soupapes de sécurité. [SOLAS 1986 Ch. II-1 règle 31] |
Tester les groupes moteurs et les actionneurs des appareils à gouverner installés sur un gouvernail, et les systèmes d'actionnement des appareils à gouverner installés sur une hélice orientable. | MC.A | |
Disposition d'ensemble de l'appareil à gouverner [422] | - | |
Examiner l'ensemble de l'appareil à gouverner, incluant les conduites hydrauliques, les caisses de réserve d'huile et les filtres à huile, et s'assurer que les filtres sont remplacés selon les recommandations du fabricant. | MC.A | Rechercher les fuites, le déversement d'huile, les irrégularités, la corrosion, etc. Entrevoir la possibilité de démonter les filtres à huile. S'assurer que les composants essentiels sont lubrifiés en permanence ou munis de graisseurs. Vérifier l'état des mains courantes et des surfaces antidérapantes. [SOLAS 1986 Ch.II-1 Règle 29] |
Groupes moteurs de l'appareil à gouverner [C151] | - | |
S'assurer de la possibilité de remplir un système d'actionnement. | MC.A | S'assurer qu'au moins un système d'actionnement, incluant le réservoir, peut être rempli à partir d'un emplacement situé à l'intérieur du local de l'appareil à gouverner au moyen d'une caisse de réserve fixe pourvue d'une jauge et raccordée en permanence au système hydraulique. [SOLAS 1986 Ch.II-1 Règle 29 et SS jan. 2004 Partie 3 ch.3 sec.2 J] |
Annexe D - Sigles et abréviations
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- BV
- Bureau Veritas
- CC
- courant continu
- Code ISM
- Code international de gestion pour la sécurité de l'exploitation des navires et la prévention de la pollution (Code international de gestion de la sécurité)
- DNV
- Det Norske Veritas
- FFU
- de l'anglais full follow up, mode asservi
- FSI
- Flag State Implementation (Application des instructions par l'État du pavillon
- G
- gyro (degrés)
- IACS
- Association internationale des sociétés de classification
- Kw
- kilowatt
- m
- mètre
- mm
- millimètre
- MAIB
- Marine Accident Investigation Branch (Royaume-Uni)
- N
- nord
- NFU
- de l'anglais non follow up, mode non asservi
- OMI
- Organisation maritime internationale
- RAC
- Règlement de l'aviation canadien
- Sea-web
- base de données en ligne de Lloyd's Register-Fairplay qui fournit des renseignements sur les navires
- SOLAS
- Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer
- UR
- IACS Unified Requirements (Règles communes de l'IACS)
- v
- volt
- W
- ouest
- °
- degré
- '
- minute