Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M23C0032

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Fiche technique du navire

    Tableau 1. Fiche technique du navire
    Nom du navireAtlantic Vision
    Numéro OMI9211509
    Numéro officiel835621
    Port d’immatriculationSt. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)
    PavillonCanada
    Type de navireTraversier roulier
    Jauge brute30 285
    Longueur réglementaire / Longueur hors tout (m)187,2 / 203,3
    Tirant d’eau au moment de l’événement (m)Avant : 4,96 Arrière : 5,96
    Construction2001 à Kiel (Allemagne)
    Propulsion4 moteurs diesel d’une capacité totale de 46 550 kW, entraînant 2 hélices à pas variable
    Nombre maximal de personnes à bord700 passagers et 100 membres d’équipage
    Nombre de personnes à bord au moment de l’événement50 membres d’équipage
    PropriétaireBaltic SF IX Ltd.
    Représentant autorisé et exploitantMarine Atlantique S.C.C.*
    Organisme reconnuDNV
    Autorité de délivrance de la certification internationale de gestion de la sécuritéLloyd’s Register

    * Au moment de l’événement, Marine Atlantique S.C.C. avait un contrat d’affrètement coque nue avec le propriétaire du navire, et elle sera désignée comme le représentant autorisé du navire dans le présent rapport. Depuis, ce navire a été remis au propriétaire.

    1.2 Description du navire

    L’Atlantic Vision est un traversier roulier en acier (figure 1). Le navire est doté de 10 ponts, dont 4 ponts-garages accessibles par des rampes à la proue et à la poupe. La passerelle fermée est située à l’avant et comprend tous les équipements de navigation et de communication requis. Le navire a 4 moteurs diesel d’une capacité totale de 46 550 kW, entraînant 2 hélices à pas variable.

    Figure 1. L’Atlantic Vision (Source : Groupe Océan)
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    L’Atlantic Vision effectuait des traversées entre Port aux Basques (Terre-Neuve-et-Labrador) et North Sydney (Nouvelle-Écosse) à longueur d’année. Il effectuait aussi des traversées saisonnières entre Argentia (Terre-Neuve-et-Labrador) et North Sydney. Entre les traversées, l’Atlantic Vision s’amarrait avec l’aide de préposés aux amarres qui étaient familiers avec le navire et ses procédures d’amarrage.

    1.2.1 Propulseurs de manœuvre

    L’Atlantic Vision a 3 propulseurs de manœuvre en tunnel : 2 à la proue (figure 2) et 1 à la poupe. Ils fournissent une poussée latérale et peuvent servir à aligner le navire sur le quai, surtout lorsque l’espace de manœuvre est limité. 

    Figure 2. Vue de tribord des propulseurs d’étrave de l’Atlantic Vision (Source : BST)
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    Les 2 propulseurs d’étrave ont une puissance de 1950 kW chacun, et le propulseur de poupe a une puissance de 1350 kW. Chaque propulseur est actionné par un moteur électrique entraînant une hélice à pas variable qui peut agir à bâbord ou à tribord à des degrés de pas allant de 0 à 100.Au pas 0, le propulseur ne génère pas de poussée, mais l’arbre et les pales de l’hélice continuent de tourner.

    Il y a 3 jeux de commandes pour les propulseurs situés sur la passerelle : 1 jeu sur la console centrale et 1 jeu sur chaque console d’aileron. Les commandes comportent des leviers individuels permettant de régler le pas de l’hélice, ainsi que des boutons d’arrêt d’urgence pour chaque propulseur (figure 3).

    Figure 3. Commandes des propulseurs sur la console d’aileron tribord (Source : BST)
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    1.2.2 Stations d’amarrage

    Le navire dispose de 4 stations d’amarrage, toutes situées sur le pont 5 et entièrement couvertes. Deux des stations d’amarrage sont situées à l’avant, séparées par une rampe pour véhicules au milieu du navire. Les 2 autres sont situées à l’arrière dans la même configuration.

    Chacune des stations d’amarrage avant est équipée de 2 treuils d’amarrage électriques : 1 treuil autonome et 1 combiné guindeau et treuil d’amarrage. Les treuils autonomes sont dotés de 2 tambours cloisonnés (intérieur et extérieur) et d’un tambour de halageLe tambour de halage est un accessoire de forme cylindrique situé à l’extrémité du treuil. L’amarre peut être tendue en l’enroulant de quelques tours autour du tambour de halage; la tension de l’extrémité libre de l’amarre est maintenue manuellement pendant que le tambour de halage tourne. (figure 4). Les tambours cloisonnés intérieur et extérieur peuvent être utilisés indépendamment l’un de l’autre. Le tambour de halage est toujours enclenché lorsque le treuil est en marche. 

    Figure 4. Treuil d’amarrage du côté tribord et autres composants associés aux opérations d’amarrage (Source : BST)
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    Les stations d’amarrage tribord et bâbord avant sont dotées de commandes qui permettent de faire fonctionner l’équipement d’amarrage avant à partir de l’une ou l’autre station. Les commandes des combinés guindeau et treuil d’amarrage peuvent être réglées à 2 vitesses, la vitesse la plus lente étant généralement utilisée pour manipuler l’ancre, et la vitesse la plus rapide servant à manipuler les amarres.

    Au moment de l’événement, les commandes tribord du combiné guindeau et treuil d’amarrage tribord ne fonctionnaient qu’à la vitesse la plus lente, et la poignée des commandes avait été enlevée pour empêcher leur utilisation jusqu’à ce que les réparations soient effectuées (figure 5). Les commandes bâbord du combiné guindeau et treuil d’amarrage tribord fonctionnaient encore aux 2 vitesses. En raison de la rampe pour véhicules située au milieu du navire, il n’y avait pas de ligne de vision directe entre ces commandes et le treuil. 

    Figure 5. Vue du poste de commande tribord montrant les blocs de commande de l’équipement bâbord (à gauche) et de l’équipement tribord (à droite) (Source : BST)
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    Les amarres de l’Atlantic Vision sont des cordes à 12 torons en polyester mélangé d’un diamètre de 44 mm. Chaque amarre est munie à chaque extrémité d’un œil recouvert d’un manchon protecteur en nylon industriel de 2,4 m de long pour assurer une protection contre l’usure par frottement. Les amarres ont une résistance moyenne certifiée de 120 000 kg et une résistance minimale de 108 000 kg.

    1.3 Cale sèche de Les Méchins

    La cale sèche de Les Méchins est située sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, à environ 46 km à l’est de Matane (Québec) (figure 6). Elle est exploitée par le Groupe Océan, qui l’a acquise de Verreault Navigation en 2022. En raison de la conception de la cale sèche, les navires ne peuvent y entrer et en sortir que pendant un laps de temps précis autour du moment de la marée haute. Une fois qu’un navire est entré en cale sèche, il est soigneusement positionné sur des blocs, la porte de la cale sèche est fermée et l’eau est pompée hors de la cale. Le laps de temps dont on dispose pour entrer en cale sèche s’étend au maximum jusqu’à 2 heures après la marée haute. Dans l’événement à l’étude, le désamarrage de l’Atlantic Vision a eu lieu vers 15 h, et la marée haute était prévue à 16 h 20. Le navire disposait donc d’environ 3 heures et 20 minutes pour entrer en cale sèche. Le processus prend normalement entre 1 et 2 heures. 

    Figure 6. Vue de Les Méchins et de la cale sèche, et position estimée de l’Atlantic Vision au moment de l’événement (Source : Groupe Océan, avec annotations du BST)
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    Certains navires s’amarrent au quai public en attendant leur tour dans la cale sèche. Des services de préposés aux amarres ne sont pas offerts au quai public, mais les navires peuvent demander l’aide de l’officier de port de Les Méchins, qui constituera une équipe du quai composée de divers travailleurs de la cale sèche pour aider aux opérations d’amarrage. En règle générale, certains membres de l’équipe du quai montent à bord d’un navire si celui-ci est amarré au quai public afin d’être en mesure de prendre en charge les opérations d’amarrage une fois que le navire arrive à la porte de la cale sèche. Si l’équipage du navire ne maîtrise pas le français, les membres de l’équipe du quai sélectionnés pour monter à bord du navire sont choisis en fonction de leur connaissance pratique de l’anglais.

    Si l’équipe à la passerelle ne connaît pas la zone ou ne maîtrise pas le français, elle peut demander l’aide d’un conseiller local qui montera à bord du navire. Le conseiller local fournit des conseils de manœuvre et aide à la traduction et à la transmission des renseignements entre le personnel à bord du navire et à terre au moment d’entrer en cale sèche et d’en sortir. Les conseillers locaux sont des travailleurs autonomes qui travaillent sur appel. Ils rendent divers services, dont celui d’aider les navires à accoster à divers quais (p. ex., ceux de Sept-Îles [Québec] et de Matane) ainsi qu’à entrer dans la cale sèche de Les Méchins et à en sortir.

    1.4 Déroulement du voyage

    Le 22 mars 2023, l’Atlantic Vision a quitté North Sydney à destination de la cale sèche de Les Méchins en vue de son inspection périodique prévue. Le 23 mars à 7 h 30Les heures sont exprimées en heure avancée de l’Est (temps universel coordonné moins 4 heures)., le navire est arrivé à Les Méchins et a attendu le conseiller local à l’extérieur de la zone portuaire. À 10 h 10, le conseiller local est monté à bord du navire, et le navire s’est rendu au quai public en attendant que la cale sèche soit disponible.

    Étant donné qu’un autre navire s’apprêtait à quitter la cale sèche, le temps d’attente au quai public allait être court. L’équipe à la passerelle et l’officier de port ont donc convenu d’amarrer le navire en utilisant 3 amarres à l’avant pour retenir la proue du navire, et aucune amarre à l’arrière. L’arrière du navire serait maintenu contre le quai au moyen du propulseur de poupe et avec l’aide d’un remorqueur. À 11 h 10, l’Atlantic Vision était amarré au quai public.

    Pendant que l’Atlantic Vision attendait que le navire occupant la cale sèche en sorte, le capitaine, le conseiller local et l’officier de port ont élaboré un plan pour désamarrer l’Atlantic Vision et le faire entrer en cale sèche. Le plan prévoyait que l’amarre de bout avant soit treuillée pour la ramener sur le navire et que l’équipe du quai apporte à pied l’amarre traversière et la garde montante jusqu’à la cale sècheLorsque l’équipe du quai apporte à pied les amarres jusqu’à la cale sèche, elle tient l’extrémité des amarres une fois qu’elles ont été détachées des bollards, puis transporte les amarres d’un bollard à l’autre alors que le navire avance à faible vitesse jusqu’à la cale sèche. Puisque la distance entre le quai public et la cale sèche est courte, ce processus évite au navire d’avoir à treuiller toutes les amarres et à les redéployer peu après son arrivée en cale sèche..

    Comme 2 langues différentes étaient utilisées, les communications radio pour la coordination des manœuvres du navire jusque dans la cale sèche allaient être transmises sur 2 canaux : l’équipage du navire communiquait en anglais sur un canal du navire, tandis que l’équipe du quai communiquait en français sur un canal du quai. L’équipage a obtenu du conseiller local la confirmation qu’il faciliterait les communications entre les 2 équipes en écoutant le canal du navire et le canal du quai et en relayant les renseignements entre le capitaine et l’officier de port selon les besoins. L’équipage a également achevé les préparatifs d’entrée en cale sèche, dont le déballastage du navire pour réduire son tirant d’eau avant à 4,96 m afin qu’il puisse monter sur les blocs de la cale sècheLe tirant d’eau normal du navire se situait entre 6,1 et 6,3 m..

    À 14 h 02, les membres de l’équipe du quai qui devaient aider l’Atlantic Vision ont été appelés à leurs postes, tout comme les membres des équipes d’amarrage de l’Atlantic Vision. L’équipe d’amarrage avant de l’Atlantic Vision était composée de 5 membres d’équipage, soit le second officier, 1 charpentier et 3 matelots de pont. À ce moment-là, l’équipe à la passerelle était composée du capitaine, du premier officier, d’un quartier-maître et du conseiller local.

    L’équipe du quai était composée de 8 travailleurs de la cale sèche et de l’officier de port. Le directeur des opérations de la cale sèche était également présent sur le quai pour observer l’opération. Il était prévu que 4 des membres de l’équipe du quai montent à bord du navire pour prendre en charge les opérations d’amarrage après l’entrée du navire en cale sèche. Quatre membres de l’équipe du quai devaient rester sur le quai et s’occuper des amarres sous la supervision de l’officier de port.

    Vers 14 h 40, les 4 membres de l’équipe du quai sont montés à bord du navire. Deux d’entre eux se sont rendus à la station d’amarrage tribord arrière, et les 2 autres, à la station d’amarrage tribord avant. Les 2 qui se sont dirigés vers l’avant ont remarqué que les 3 amarres utilisées étaient attachées au treuil d’amarrage tribord avant (le treuil M5)Lorsque l’équipe du quai apporte à pied les amarres jusqu’à la cale sèche, la disposition privilégiée est d’attacher chacune des amarres à un treuil distinct. Une telle disposition permet de contrôler les amarres individuellement, de sorte qu’en cas de problème avec un treuil, ce ne sont pas les 2 amarres qui sont compromises., l’amarre de bout avant étant attachée au tambour de halage.

    L’équipe d’amarrage avant a informé les 2 membres de l’équipe du quai que le combiné guindeau et treuil d’amarrage du côté tribord avant (le treuil W1) ne fonctionnait pas correctement et ne pouvait donc pas être utilisé. Les membres de l’équipe du quai ont demandé des précisions sur l’état du treuil W1 et ont été informés que le treuil filait normalement, mais qu’il ne treuillait les amarres qu’à faible vitesse. Les membres de l’équipe du quai ont communiqué cette information à l’officier de port, qui a alors discuté de la situation avec l’équipe à la passerelle.

    Entre 14 h 40 et 15 h, le capitaine, le conseiller local et l’officier de port ont commencé à discuter d’un plan révisé pour désamarrer l’Atlantic Vision du quai public, vu le problème avec le treuil W1. Au cours de cette discussion, l’officier de port utilisait des numéros pour désigner les amarres, et le capitaine utilisait les noms des amarres. À 15 h 02, le capitaine a demandé des éclaircissements sur ce qui était prévu pour la garde montante. Le conseiller local a expliqué que la garde montante était l’amarre numéro 2, terme utilisé par l’équipe du quai, puis le capitaine et le conseiller local ont continué de discuter des treuils utilisés pour les différentes amarres.

    À 15 h 03, l’officier de port a demandé qu’une amarre supplémentaire soit prête à être utilisée sur le treuil W1. L’un des membres de l’équipe du quai à la station d’amarrage avant a par la suite confirmé que l’amarre était prête. L’officier de port a alors informé le conseiller local que l’équipe du quai était prête à procéder à l’opération de désamarrage et qu’elle apporterait l’amarre numéro 2 à pied.

    À 15 h 04, le conseiller local a indiqué au capitaine que l’opération de désamarrage pouvait débuter, en commençant par l’amarre traversière. Le capitaine a demandé au second officier d’entreprendre l’opération de désamarrage en commençant par l’amarre traversière et, peu après, il a ajouté que l’on pouvait également poursuivre avec l’amarre de bout avant. Le conseiller local a communiqué sur le canal du quai que le navire entamait l’opération de désamarrage, en commençant par l’amarre traversière et l’amarre de bout avant. Les 2 propulseurs d’étrave fonctionnaient. Le pas du propulseur d’étrave avant était réglé à un angle destiné à maintenir la proue du navire contre le quai. Le pas du propulseur d’étrave arrière était réglé à 0. Le propulseur de poupe était également toujours en service.

    Le second officier s’est rendu à son poste situé à l’ouverture la plus à l’arrière de la station d’amarrage tribord avant, d’où il était visible au reste de l’équipe d’amarrage avant ainsi qu’à l’équipe du quai, et d’où il pouvait les diriger à l’aide de signaux manuels. Au signal du second officier, le charpentier a activé le treuil M5 et donné du mou sur les 3 amarres afin qu’elles puissent être détachées plus facilement des bollards du quai. Soudainement, le treuil M5 a cessé de fonctionner. Le second officier a quitté son poste et s’est rendu au treuil M5 pour enquêter sur le problème. Il a également informé la passerelle. L’information a été transmise à l’officier de port par l’un des 2 membres de l’équipe du quai qui se trouvaient à la station d’amarrage avant.

    À 15 h 05 min 30 s, le premier officier a ordonné à un électricien de s’occuper du treuil M5, mais vers 15 h 07, le treuil s’est soudainement remis à fonctionner. Le capitaine a alors informé le second officier qu’il n’était pas nécessaire de treuiller la garde montante, car l’équipe du quai allait l’apporter à pied.

    Le second officier est resté à côté du treuil M5 et a commencé à débrayer le tambour retenant la garde montante afin que seules l’amarre traversière et l’amarre de bout avant soient treuillées. Le charpentier était aux commandes du treuil, 1 matelot de pont était à l’avant près du chaumard à rouleaux utilisé par l’amarre de bout avant, 1 matelot de pont s’occupait de l’amarre de bout avant sur le tambour de halage, et 1 matelot de pont lovait le mou de l’amarre de bout avant sur le pont (figure 7). La partie non utilisée de l’amarre de bout avant était rangée dans le caisson à cordages situé sous le pont. Les 2 membres de l’équipe du quai à la station d’amarrage avant se tenaient près du treuil W1 sous des sorties de ventilateur, qui produisaient beaucoup de bruit.

    Figure 7. Configuration d’amarrage de l’Atlantic Vision le long du quai public et position approximative des personnes à la station d’amarrage avant (Source : BST)
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    À 15 h 07 min 45 s, un membre de l’équipe du quai à la station d’amarrage avant a diffusé un message pour indiquer que les amarres allaient être larguées. Une conversation entre l’équipe du quai sur le quai et le membre de l’équipe du quai sur le navire s’est ensuivie pour savoir si le navire était prêt à remonter les amarres, et le membre de l’équipe du quai sur le navire a indiqué qu’il l’était.

    À un moment donné, après que l’ordre initial a été donné par le capitaine de larguer les amarres à 15 h 04, l’amarre de bout avant a été larguée dans l’eau. L’enquête n’a pas permis de déterminer l’heure exacte et les circonstances de son largage.

    À 15 h 08 min 04 s, l’un des membres de l’équipe à la passerelle a déclaré qu’une amarre était coincée dans le propulseur d’étrave. Au même moment, l’un des membres de l’équipe du quai à la station d’amarrage avant a diffusé un message indiquant qu’une amarre se rapprochait du propulseur. Entre 15 h 08 min 14 s et 15 h 08 min 16 s, l’un des membres de l’équipe du quai sur le quai a diffusé des messages indiquant que l’amarre se rapprochait dangereusement du propulseur, puis qu’elle était dans le propulseur. À 15 h 08 min 23 s, le directeur des opérations a aussi observé l’amarre de bout avant dans le tunnel du propulseur et a demandé au conseiller local d’arrêter le propulseur d’étrave.

    En recevant la demande du directeur des opérations, le conseiller local a immédiatement signalé au capitaine qu’il y avait une amarre dans l’un des propulseurs et lui a demandé d’arrêter le propulseur. Le capitaine a réglé le pas du propulseur d’étrave avant à 0.

    Pendant ce temps, à la station d’amarrage avant, l’amarre de bout avant s’était mise en tension et avait commencé à glisser sur le tambour de halage. Le matelot de pont qui tenait l’amarre de bout avant a fait un tour supplémentaire sur le tambour de halage pour arrêter le mouvement de l’amarre. À peu près au même moment, les membres de l’équipe du quai qui se trouvaient sur le quai ont vu que l’amarre de bout avant était soumise à une tension extrême et ont couru se mettre à l’abri au cas où elle se romprait brusquement.

    À 15 h 08 min 51 s, l’amarre de bout avant a été tirée rapidement à travers le tambour de halage et a heurté le matelot de pont à la tête, détruisant son casque de protection et le blessant grièvement (figure 8).

    Figure 8. Position du matelot de pont blessé par rapport au tambour de halage juste avant l’événement (Source : BST)
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    1.5 Conditions météorologiques

    Au moment de l’événement, la température de l’air était de 0 °C, et le ciel était couvert, avec une visibilité de 10 milles marins. Les vents soufflaient de l’est-nord-est à 10 nœuds et la houle venait du nord-est avec des vagues d’une hauteur de 0,1 m. La marée était montante; elle était basse à 10 h 08 (0 m), haute à 16 h 20 (3,2 m), puis de nouveau basse à 22 h 23 (0,3 m).

    1.6 Avaries

    Le propulseur d’étrave avant est devenu inutilisable jusqu’à ce que l’amarre enroulée sur lui soit coupée et enlevée (figures 9 et 10). 

    1.7 Certificats du navire

    L’Atlantic Vision avait tous les certificats requis pour sa classe de navire et le voyage prévu. Sa dernière inspection intermédiaire avait été réalisée par DNV le 26 novembre 2021. La dernière fois que le navire avait été en cale sèche était à Les Méchins en novembre 2020.

    1.8 Brevets, certificats et expérience du personnel

    1.8.1 Atlantic Vision

    Le capitaine détenait un brevet de capitaine au long cours et était à l’emploi de Marine Atlantique S.C.C. depuis 34 ans. Il était capitaine depuis 15 ans et il était devenu capitaine de l’Atlantic Vision en 2010. Avant l’événement, il s’était déjà rendu une fois à la cale sèche de Les Méchins en tant que capitaine de l’Atlantic Vision, soit en novembre 2020.

    Le premier officier était titulaire d’un brevet de capitaine au long cours et était employé par Marine Atlantique S.C.C. depuis 6 ans. Il avait travaillé principalement en tant que premier officier pendant 2 ans.

    Le second officier était titulaire d’un brevet d’officier de pont de quart et travaillait pour Marine Atlantique S.C.C. depuis 20 ans. Il avait travaillé en tant que second officier pendant 16 ans.

    Les 3 matelots de pont à la station d’amarrage avant étaient tous titulaires d’un brevet de matelot de quart à la passerelle et travaillaient pour Marine Atlantique S.C.C. depuis au moins 2 ans.

    Le capitaine et les officiers de pont de l’Atlantic Vision étaient tous titulaires d’un certificat général d’opérateur radio.

    1.8.2 Conseiller local

    Le conseiller local était titulaire d’un brevet de capitaine au long cours. Il travaillait principalement au port de Sept-Îles, mais il offrait aussi ses services sur une base contractuelle aux navires qui accostaient dans la région de Matane et de Les Méchins. Lors de l’événement, c’était la deuxième fois qu’il montait à bord de l’Atlantic Vision pour le faire entrer dans la cale sèche de Les Méchins, ayant également été à bord lorsque le navire était entré en cale sèche en novembre 2020.

    Le conseiller local était également titulaire d’un certificat général d’opérateur radio.

    1.8.3 Personnel de la cale sèche

    L’officier de port avait commencé à travailler à la cale sèche en 2017, devenant surintendant en 2019, puis officier de port en 2020. Avant de commencer à travailler à la cale sèche, l’officier de port comptait 18 années d’expérience, principalement en tant que matelot de quart à la passerelle.

    Les 8 membres de l’équipe du quai qui aidaient à désamarrer l’Atlantic Vision avaient reçu une formation dans divers métiers pertinents pour le travail en cale sèche (p. ex., électriciens, soudeurs, mécaniciens et peintres). Ils aidaient régulièrement des navires à entrer dans la cale sèche et à en sortir.

    Verreault Navigation avait à l’origine fourni aux travailleurs de la cale sèche un manuel qui était une copie des Principes de sécurité à l’amarrage élaborés par l’Institut maritime du Québec au Cégep de RimouskiInstitut maritime du Québec, Cégep de Rimouski, Principes de sécurité à l’amarrage (septembre 2012), à l’adresse https://www.csmoim.qc.ca/public_upload/files/organismes-entreprises-maritimes/sante-securite/principes-de-securite-a-l_amarrage-guide-eleve.pdf (dernière consultation le 9 septembre 2024).. Ce manuel donnait un aperçu des opérations d’amarrage à bord des navires et visait à familiariser les gens de mer avec les processus et l’équipement utilisés sur les navires pendant ces opérations. Les membres de l’équipe du quai avaient également suivi une séance de formation de 2 jours qui était fondée sur le contenu du manuel. La première journée de la séance de formation était axée sur la théorie, tandis que la seconde portait sur la mise en pratique. Une fois par année, les membres de l’équipe du quai suivaient une formation de recyclage sur les éléments de sécurité de base des opérations d’amarrage.

    1.9 Communications radio

    Le site Web d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada fournit des procédures générales pour l’utilisation de la radio à l’intention du publicIndustrie Canada, CIR-22 – Procédures générales d’exploitation en radiotéléphonie, à l’adresse https://ised-isde.canada.ca/site/gestion-spectre-telecommunications/sites/default/files/attachments/2022/ric22f.pdf (dernière consultation le 9 septembre 2024).. Dans l’industrie maritime, les capitaines et les officiers de pont sont tenus de suivre une formation en communication radio. Cette formation a pour but de normaliser les communications et de réduire le risque de malentendus.

    Aucune formation n’est exigée pour les opérations radio internes quotidiennes, telles que celles effectuées à la cale sèche, et les travailleurs de la cale sèche n’avaient pas suivi de formation sur les procédures radio. Les communications radio visant à coordonner les manœuvres d’un navire entrant dans la cale sèche de Les Méchins sont généralement transmises sur 2 canaux, soit un canal du navire et un canal du quai. Dans l’événement à l’étude, l’équipage du navire se servait de radios à ultra haute fréquence, tandis que l’équipe du quai se servait de radios à très haute fréquence. Le conseiller local à bord était chargé de surveiller les 2 canaux et de traduire et relayer les renseignements entre le capitaine et l’officier de port, au besoin.

    Lors de l’opération de désamarrage, de nombreux messages étaient transmis, parfois de façon simultanée sur les 2 canaux radio, sans suivre les procédures radio standards. Le contexte et la pertinence de l’information transmise n’étaient pas toujours clairs.

    1.10 Gestion de la sécurité

    Un système de gestion de la sécurité (SGS) est un cadre reconnu à l’échelle internationale qui permet aux compagnies de cerner les dangers, de gérer les risques et d’améliorer la sécurité de leurs activités, idéalement avant qu’un accident survienne. Un SGS utilise une approche documentée et systématique et fournit aux personnes à chaque échelon d’une entreprise les outils dont elles ont besoin pour prendre des décisions judicieuses, en temps normal comme en situation d’urgence. Les politiques, les procédures, les pratiques, la formation et la culture de sécurité d’une compagnie sont les fruits d’un SGS. La gestion des risques en vertu d’un SGS est un cycle continu qui aide les entreprises et les exploitants de navires à déterminer, évaluer et atténuer les risques existants et potentiels pour les navires, le personnel et l’environnement, et à en assurer le suivi.

    Au moment de l’événement, seuls les navires canadiens qui effectuaient des voyages internationaux et qui étaient assujettis au chapitre IX de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (le Code international de gestion de la sécurité) étaient tenus de se conformer au Règlement sur la gestion pour la sécurité de l’exploitation des bâtiments. Bien que la réglementation ne l’exige pas, Marine Atlantique S.C.C. avait volontairement élaboré un SGS pour sa flotte qui était audité et certifié par Lloyd’s Register aux fins de conformité au Code international de gestion de la sécurité. Son SGS comprend notamment des consignes sur les opérations d’amarrage, des instructions sur l’utilisation de l’équipement de protection personnelle et des documents à l’appui des échanges entre le capitaine et le pilote.

    Le 3 juillet 2024, le nouveau Règlement sur le système de gestion de la sécurité maritime est entré en vigueur. Ce règlement élargit les exigences en matière de SGS à la majorité des bâtiments commerciaux canadiens, incluant les traversiers. Tous les représentants autorisés concernés doivent se conformer aux nouvelles exigences d’ici 1 à 3 ans, selon la taille de leur navire et le type d’opération.

    1.10.1 Opérations d’amarrage et de désamarrage

    Marine Atlantique S.C.C. disposait de divers documents dans son SGS qui portaient sur les opérations d’amarrage et de désamarrage, dont une procédure générale dans le manuel d’exploitation de la flotte, ainsi que certains documents propres aux navires, comme des manuels d’instructions de travail et des listes de contrôle de la sécurité au travail.

    La procédure générale était destinée à l’ensemble de la flotte de Marine Atlantique S.C.C. Elle précisait que les officiers du navire devaient se familiariser avec les principes de l’amarrage en fonction de l’équipement d’amarrage, des amarres, des charges de calcul, etc. de leur navire. Elle donnait également des conseils sur la communication et la sécurité de l’équipe à la passerelle pendant les opérations d’amarrage, en précisant que l’officier responsable doit être visible et facilement entendu pendant les opérations d’amarrage. La majeure partie du contenu de la procédure portait sur divers types de systèmes d’amarrage et les considérations relatives à ces systèmes. La procédure indiquait que dans le cas des configurations inhabituelles ou non standards des dispositifs d’amarrage, un formulaire d’évaluation des risques devait être rempli. Un formulaire d’évaluation des risques avait été rempli avant l’arrivée de l’Atlantic Vision à Les Méchins, portant principalement sur des préoccupations liées à la stabilité du navire.

    Le manuel d’instructions de travail de l’Atlantic Vision comprenait un chapitre sur les étapes de l’amarrage. Ce chapitre précisait les membres du personnel qui devaient être présents à une station d’amarrage ainsi que les éléments à prendre en compte au moment de fixer les amarres, notamment de veiller à ce que [traduction] « le mou de l’amarre soit maintenu hors de l’eauMarine Atlantique S.C.C., Work Instructions Manual MV Atlantic Vision, révision WV-2016-001 (mars 2016), chapitre 11, p. 22. ».

    Le navire disposait également d’une liste de contrôle de la sécurité au travail pour l’amarrage qui devait être remplie avant chaque opération d’amarrage. Cette liste comprenait des points à prendre en compte pendant les opérations d’amarrage, comme le fait de s’assurer que toutes les personnes disposent d’un équipement de protection personnelle approprié et que l’ordre des amarres pour les opérations d’amarrage est bien compris. On y précisait aussi que l’officier responsable devait surveiller l’équipage de pont, les préposés aux amarres et les amarres. Les enquêteurs n’ont pas reçu de copie de la liste de contrôle de la sécurité au travail remplie avant l’événement à l’étude.

    Enfin, le navire disposait d’une analyse de la sécurité des tâches portant particulièrement sur le désamarrageUne fois par quart, l’analyse de la sécurité des tâches devait être examinée et signée par tous les membres d’équipage participant à l’opération. Elle avait été signée par l’équipage de l’événement à l’étude, mais n'était pas datée.. L’analyse cernait les étapes du désamarrage, les dangers potentiels associés à chaque étape ainsi que les mesures préventives visant à atténuer les dangers. Elle indiquait un risque lié au fait que les moteurs et les propulseurs du navire fonctionnent quand les amarres étaient larguées. Les dangers potentiels connexes étaient les suivants : mouvement non contrôlé du navire, dommages matériels, blessures, morts ou emmêlement de l’amarre dans les propulseurs ou les hélices du navire. L’analyse indiquait 2 mesures préventives [traduction] : « une bonne communication entre toutes les parties avant de commencer le désamarrage » et le fait que le « capitaine veille aux bons mouvements du navire pendant le désamarrageMarine Atlantique S.C.C., Job Safety Analysis: Un-Mooring Operations (15 août 2018), p. 1. ».

    1.10.2 Équipement de protection individuelle

    Le chapitre du manuel d’instructions de travail de l’Atlantic Vision qui abordait les étapes de l’amarrage précisait que tout l’équipement de protection individuelle applicable devait être porté en tout temps. Dans la liste de contrôle de la sécurité au travail et l’analyse de la sécurité des tâches, on indiquait aussi aux membres d’équipage de s’assurer de porter l’équipement de protection individuelle approprié. Dans l’événement à l’étude, l’équipe d’amarrage avant portait l’équipement de protection individuelle requis, y compris des casques approuvés.

    1.10.3 Échange de renseignements entre le navire et le conseiller local

    Le SGS comprenait une fiche de pilotage à remplir pour faciliter l’échange de renseignements entre le capitaine et les pilotes. La fiche de pilotage était destinée à présenter des renseignements essentiels sur le navire et son équipement, y compris l’état de l’équipement.

    En prévision de l’embarquement du conseiller local à Les Méchins le 23 mars, la fiche de pilotage a été remplie le 18 mars; aucun défaut de fonctionnement de l’équipement n’était relevé sur la fiche. Le problème du treuil W1 avait été repéré le 17 mars. Quand le conseiller local est monté à bord, le problème du treuil W1 ne lui a pas été communiqué, et il n’en avait donc pas connaissance lorsque le plan initial de désamarrage a été élaboré. Il n’en a été informé que lorsque l’équipe du quai est arrivée à la station d’amarrage avant.

    1.11 Conscience situationnelle d’équipe

    Lorsque des personnes travaillent en équipe, il est important d’établir une conscience situationnelle d’équipe pour que les opérations soient sécuritaires et efficaces. La conscience situationnelle d’équipe consiste à établir une perception et une compréhension communes de la situation actuelle afin d’être en mesure de prévoir ce qui se produira bientôt. La perception, la compréhension et la prédiction sont déterminées par les renseignements accessibles à l’équipe, l’expérience et les connaissances de l’équipe, et le contexte général. Une conscience situationnelle d’équipe efficace permet aux membres de l’équipe d’établir des attentes en matière de rendement et de comprendre comment leurs rôles individuels appuient l’atteinte des objectifs communs. Quand les membres de l’équipe acquièrent une compréhension commune d’une situation, ils peuvent communiquer entre eux pour contre-vérifier leurs perceptions respectives de la situation.

    Afin d’établir et de conserver une conscience situationnelle d’équipe, les bons renseignements doivent se rendre aux bonnes personnes au bon moment, ce qui nécessite une coordination au sein de l’équipeK. T. Harris, C. M. Treanor et M. L. Salisbury, « Improving patient safety with team coordination: challenges and strategies of implementation », Journal of Obstetric, Gynecologic, and Neonatal Nursing, vol. 35, no 44 (2006), p. 557 à 566.. L’efficacité d’une équipe est souvent le reflet du degré auquel ses membres communiquent de l’information entre eux (p. ex., par des questions, des contre-vérifications, de la coordination, l’établissement des priorités et la planification d’urgence)C. A. Bowers, F. Jentsch, E. Salas et C. C. Braun, « Analyzing communication sequences for team training needs assessment », Human Factors, vol. 40, no 4 (1998), p. 672 à 679..

    La conscience situationnelle d’équipe peut être compromise par des ruptures de communication. Ces ruptures peuvent se traduire par des renseignements qui sont communiqués trop tard pour être utiles, qui ne sont pas toujours complets et précis ou qui sont ambigus. Elles peuvent aussi se traduire par des problèmes qui ne sont pas résolus jusqu’à ce qu’ils deviennent urgentsA. Parush, C. Kramer, T. Foster-Hunt, K. Momtahan, A. Hunter et B. Sohmer, « Communication and team situation awareness in the OR: implications for augmentative information display », Journal of Biomedical Informatics, vol. 44, no 3 (2011), p. 477 à 485..

    1.12 Treuils d’amarrage

    L’Atlantic Vision disposait de 6 treuils électriques autonomes et de 2 combinés guindeau et treuil d’amarrage électriques. L’équipement d’amarrage a été fabriqué par Rolls-Royce en 2000 et installé sur le navire la même année. L’équipement a été conçu et fabriqué conformément aux normes reconnues de l’industrie à l’époque. Bien que l’équipement d’amarrage ait été conçu par Rolls-Royce, les treuils contenaient des convertisseurs de fréquence fabriqués par une autre compagnie, Vacon.

    Le SGS de Marine Atlantique S.C.C. exigeait que l’équipement essentiel, comme les treuils, figure dans les systèmes d’entretien prévu des navires et que l’entretien périodique soit surveillé. Les calendriers d’entretien de l’équipement essentiel étaient fondés sur les renseignements fournis par les fabricants dans les manuels d’utilisation. Au moment de l’événement, le navire disposait d’un manuel d’utilisation couvrant les 6 treuils autonomes ainsi que les 2 combinés guindeau et treuil d’amarrage. La première page du manuel indiquait qu’il fallait consulter le manuel d’utilisation de Vacon pour obtenir des renseignements sur les convertisseurs de fréquence. Le navire n’avait pas de copie du manuel d’utilisation de Vacon à bord au moment de l’événement à l’étude. Le BST a obtenu une copie du manuel d’utilisation de Vacon et a déterminé qu’il était principalement axé sur la façon de programmer les convertisseurs et qu’il ne comprenait aucune ligne directrice sur l’entretien.

    Au moment de l’événement, le convertisseur de fréquence Vacon du treuil M5 était le convertisseur d’origine (Vacon CX) datant de l’installation initiale de l’équipement d’amarrage sur le navire, en 2000. En 2005-2006, une nouvelle génération de convertisseurs de fréquence Vacon a été mise sur le marché (Vacon NX). La génération CX est devenue obsolète en 2012, et Vacon a cessé de fournir des pièces pour cette génération de convertisseurs.

    En 2014, le treuil M5 a commencé à éprouver des problèmes, et un technicien a été appelé pour l’examiner. Le technicien a recommandé que le convertisseur de fréquence soit mis à niveau au cours du prochain entretien prévu du navire, car il n’y avait pas de pièces disponibles pour le réparer. Un autre technicien a examiné les treuils lorsque le navire était en cale sèche en 2015. Ce technicien a confirmé que le logiciel était obsolète et a tenté de mettre à niveau tous les treuils, mais – pour des raisons inconnues – n’a pas pu le faire pour 3 d’entre eux (W1, W2 et M5). Il a été décidé de laisser cet équipement tel qu’il était, puisqu’il fonctionnait selon les paramètres établis.

    Le 17 mars 2023, il a été signalé que le treuil W1 ne fonctionnait pas correctement. Ce rapport a déclenché une série de courriels entre l’équipage du navire, le personnel de la compagnie et des techniciens externes visant à résoudre le problème avant l’arrivée du navire en cale sèche. Cependant, malgré les tentatives de dépannage, il n’a pas été possible de rendre le treuil pleinement opérationnel avant l’événement à l’étude.

    Un technicien qui a visité le navire après l’événement n’a pas pu déterminer exactement pourquoi le treuil M5 avait cessé de fonctionner au moment de l’événement, mais il a noté dans son rapport que le convertisseur de fréquence du treuil était un Vacon CX d’origine et qu’il devait être mis à niveau vers la génération NX pour que le treuil puisse continuer à fonctionner de façon sécuritaire. Le technicien a indiqué que le cycle de vie prévu des cartes de circuits imprimés à l’intérieur du convertisseur de fréquence était de 10 ans. Le technicien a par ailleurs déterminé que le problème du treuil W1 provenait d’une connexion entre la poignée de commande et le bloc de commande.

    À la suite de l’événement, Marine Atlantique S.C.C. a remplacé les composants obsolètes des treuils W1, W2 et M5 et a réglé le problème des commandes du treuil W1.

    Au moment de l’événement, les treuils d’amarrage n’étaient généralement pas visés par les inspections des sociétés de classification. Ils n’étaient pas non plus visés par les inspections obligatoires, qui vérifient seulement la fixation du treuil sur le pontAprès l’événement, le Règlement sur la construction et l’équipement des bâtiments a été modifié pour inclure des exigences relatives à la conception, à l’entretien et à l’inspection de l’équipement d’amarrage..

    1.13 Événements antérieurs

    De 2013 à 2023, 19 événements (en comptant celui à l’étude) comprenant des blessures ou des morts pendant des opérations d’amarrage ont été signalés au BSTLes données sur tous les événements de transport maritime survenus depuis 1995 sont disponibles sur le site Web du BST à l’adresse https://www.bst.gc.ca/fra/stats/marine/data-6.html et sont mises à jour tous les mois.. Du fait de ces événements, 18 personnes ont subi des blessures graves, et 2 personnes ont subi des blessures mortelles. Dans 2 de ces événements, des membres d’équipage ont été grièvement blessés par une amarre qui s’était emmêlée dans une hélice.

    1.14 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    La gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance 2022. Certains transporteurs ne gèrent pas efficacement leurs risques en matière de sécurité, et plusieurs ne sont toujours pas tenus de mettre en œuvre des processus de gestion de la sécurité officiels. De plus, les transporteurs qui ont mis en œuvre un SGS formel ne sont pas toujours en mesure de démontrer qu’il fonctionne et qu’il permet d’améliorer comme prévu la sécurité. Comme le démontre l’événement à l’étude, tous les exploitants de navires ne sont pas tenus d’avoir un SGS, et même si des processus de gestion de la sécurité sont en place, il se peut que certains risques ne soient pas atténués.

    1.15 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

    Le laboratoire du BST a examiné le casque de protection porté par le membre d’équipage qui a été blessé dans l’événement à l’étude, pour déterminer s’il était conforme à la réglementation et pour estimer les forces qui ont dû s’exercer pour l’endommager.

    L’analyse en laboratoire a permis de déterminer qu’au moment de l’événement, le casque était en bon état et bien entretenu. Le casque était conforme à la norme CAN/CSA Z94.1-15, une norme publiée par le Conseil canadien des normes qui s’applique aux casques de protection. La conformité à la norme CAN/CSA Z94.1-F05 est exigée par le Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritimeLa norme CAN/CSA Z94.1-15 était la dernière révision de la norme relative aux casques de protection au moment de l’événement. Le Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime renvoie à une version antérieure de cette norme (CAN/CSA Z94.1-F05)..

    L’analyse en laboratoire n’a pas permis de quantifier de manière concluante la force qui s’est exercée sur le casque lors de l’événement. Cependant, l’analyse a pu raisonnablement démontrer que la vitesse de coup de fouet était probablement supérieure au maximum que pouvait supporter le casque comme impact sur la couronne ou le côté. Par conséquent, la coque du casque s’est brisée tout en absorbant une quantité considérable d’énergie (figure 11). Il s’en est suivi une réduction de l’énergie transmise au dispositif de suspension du casque.

    Figure 11. Casque à l’étude (Source : BST)
    Image

    2.0 Analyse

    L’un des membres d’équipage de l’Atlantic Vision a été grièvement blessé après qu’une amarre s’est emmêlée dans le propulseur d’étrave du navire et a été tirée rapidement à travers un treuil d’amarrage, heurtant un membre d’équipage. L’analyse portera sur l’opération de désamarrage effectuée le jour de l’événement, en mettant l’accent sur la planification et la communication. Elle portera aussi sur l’état de l’équipement d’amarrage du navire.

    2.1 Opération de désamarrage le jour de l’événement

    L’opération de désamarrage a commencé lorsque l’équipe d’amarrage avant a actionné le treuil d’amarrage pour donner du mou aux amarres afin qu’elles puissent être détachées des bollards. Une fois les amarres détendues, le treuil a soudainement cessé de fonctionner. Le second officier a quitté le poste qui lui avait été attribué pour enquêter sur le problème et n’a donc pas pu continuer à surveiller les amarres et les préposés aux amarres.

    Lorsque le treuil s’est soudainement remis à fonctionner, une discussion s’est ensuivie sur le canal radio de l’équipe du quai qui a pu donner l’impression qu’il était temps de larguer les amarres dans l’eau. L’enquête n’a pas permis de déterminer le moment exact et les circonstances du largage de l’amarre de bout avant dans l’eau. Il se peut que l’amarre de bout avant ait été larguée après cette discussion, mais il est également possible qu’elle ait été larguée plus tôt, après que la passerelle a donné l’ordre de commencer l’opération de désamarrage. Quel que soit le moment du largage, l’équipe d’amarrage avant ne savait pas que l’amarre de bout avant était entrée dans l’eau et a continué à croire que toutes les amarres se trouvaient encore sur les bollards.

    Au moment de l’événement, le tirant d’eau du navire avait été réduit pour la mise en cale sèche, et les propulseurs se trouvaient juste sous la surface de l’eau. Pour maintenir la proue du navire près du quai, le propulseur d’étrave avant était en marche. Sur l’Atlantic Vision, les propulseurs d’étrave ne sont pas dotés d’un dispositif de protection pour éviter que des objets indésirables n’y pénètrent. L’action du propulseur d’étrave avant a eu pour effet d’attirer l’amarre de bout avant vers lui.

    Il ne s’est écoulé que 1 minute environ entre le moment où il a été remarqué pour la première fois que l’amarre de bout avant était près du propulseur d’étrave et le moment où l’amarre a été tirée à travers le tambour de halage et a blessé le matelot de pont. Il n’y avait donc que peu de temps pour comprendre la situation qui survenait, communiquer des renseignements à ceux qui en avaient besoin et agir en conséquence. Lorsque le conseiller local a reçu un message concernant la présence d’une amarre dans le propulseur, il a immédiatement transmis cette information au capitaine et lui a demandé d’arrêter le propulseur d’étrave. Compte tenu des renseignements qu’il a reçus, le capitaine a réglé le pas à 0, ce qui empêche le propulseur d’aspirer de l’eau. Cependant, au pas 0, l’arbre et les pales de l’hélice du propulseur d’étrave ont continué à tourner, enroulant l’amarre autour de l’arbre.

    Puisque l’opération se déroulait sur 2 canaux radio et dans 2 langues différentes, les renseignements ne sont pas parvenus à tout le monde en même temps. Par exemple, étant donné que les conversations sur la présence d’une amarre dans le propulseur ont eu lieu sur la passerelle et sur le canal radio de l’équipe du quai, l’équipe d’amarrage avant n’a reçu aucun renseignement sur la situation qui survenait. Ne sachant pas que l’amarre de bout avant avait été larguée et était coincée dans le propulseur, l’équipe d’amarrage avant n’était pas consciente du risque pour sa sécurité et n’a donc pas eu l’occasion de se mettre à l’abri.

    Lorsque l’extrémité submergée de l’amarre de bout avant a été aspirée dans le propulseur d’étrave et a commencé à s’enrouler autour de l’arbre d’hélice, le reste de l’amarre a été mis sous tension parce qu’il se trouvait toujours sur le tambour de halage du treuil d’amarrage. Sous l’effet de la tension, l’amarre de bout avant a commencé à glisser sur le tambour de halage. Le matelot de pont a remarqué que l’amarre de bout avant glissait; toutefois, sans disposer de renseignements sur la situation qui survenait, il en a déduit que le navire s’éloignait du quai. Il a fait un tour supplémentaire sur le tambour de halage; cependant, la tension exercée sur l’amarre de bout avant a continué d’augmenter à mesure que l’amarre s’enroulait autour de l’arbre du propulseur d’étrave en rotation. Une fois que la tension a atteint un point critique, l’amarre de bout avant a été tirée hors du caisson à cordages et à travers le tambour de halage, heurtant le matelot de pont et le blessant grièvement.

    2.2 Planification de l’opération de désamarrage

    Les opérations de désamarrage peuvent présenter des risques pour les personnes à bord d’un navire et pour celles à terre. La phase de planification de cette opération offre l’occasion de mener une évaluation des risques et de veiller à ce que tous les dangers cernés soient atténués. La planification permet aussi de s’assurer que toutes les personnes concernées ont la même compréhension du déroulement de l’opération et que leurs actions sont coordonnées.

    Dans le cas de l’Atlantic Vision, le désamarrage était généralement une opération de routine effectuée dans un endroit familier avec des préposés aux amarres qui connaissaient le navire et ses procédures. Cependant, dans l’événement à l’étude, l’opération de désamarrage était différente de la normale. L’équipage du navire et l’équipe du quai ne se connaissaient pas, et l’opération était menée dans 2 langues sur 2 canaux radio différents. Dix-sept personnes participaient directement à l’opération de désamarrage, dont 5 assuraient un rôle de supervision. Le navire se trouvait dans un endroit méconnu de son équipage, et son état était différent de la normale, car il avait un tirant d’eau réduit et un treuil qui ne fonctionnait pas correctement.

    Une évaluation des risques liés à la mise en cale sèche de l’Atlantic Vision avait été réalisée, mais elle portait essentiellement sur des considérations de stabilité et ne tenait pas compte des risques liés à l’entrée en cale sèche et à sa sortie, comme l’utilisation des propulseurs d’étrave avec un tirant d’eau réduit pendant les opérations de désamarrage. Bien que l’analyse de la sécurité des tâches concernant le désamarrage ait repéré un risque lié au fait que les moteurs et les propulseurs du navire fonctionneraient lorsque les amarres seraient larguées, les mesures préventives fournies étaient de nature générale, et l’enquête n’a pas permis de déterminer si l’analyse de la sécurité des tâches avait été examinée avant d’entreprendre l’opération à l’étude.

    En l’absence d’une évaluation complète des risques liés à l’opération de désamarrage, certains dangers n’ont pas été atténués pendant la phase de planification. Par exemple, l’utilisation de 1 treuil pour contrôler toutes les amarres présentait le risque que le navire perde le contrôle de toutes les amarres en cas de défaillance de l’équipement. De plus, comme les propulseurs d’étrave étaient utilisés avec un tirant d’eau réduit, ils fonctionnaient plus près de la surface, et il y avait donc un risque que les amarres soient aspirées vers eux. Les précautions à prendre pourraient consister à arrêter les propulseurs d’étrave une fois que les amarres entrent dans l’eau, ou à demander aux préposés aux amarres de prendre des mesures pour réduire au minimum la longueur des amarres dans l’eau. Lorsqu’il est nécessaire de maintenir les propulseurs et les hélices en fonctionnement pendant les opérations de désamarrage, la prudence est de mise en raison du risque d’emmêlement des amarres.

    Il est important que tout le monde ait la même compréhension de la manière dont une opération de désamarrage sera effectuée, surtout si elle se déroule dans des conditions différentes qu’en temps normal. Dans l’événement à l’étude, ni le conseiller local ni l’officier de port n’ont été avisés du problème du treuil W1 quand le plan de désamarrage initial a été élaboré. Le plan a donc dû être révisé à la dernière minute lorsque l’équipe du quai s’est rendue à la station d’amarrage avant et a remarqué que toutes les amarres étaient sur le même treuil. Une fois le plan révisé, il n’a pas été entièrement communiqué à toutes les personnes concernées avant que l’opération de désamarrage soit entreprise.

    De plus, l’équipage du navire et l’équipe du quai ne se connaissaient pas, et l’équipe du quai n’était pas familière avec la procédure de désamarrage normale du navire. Il n’y a aucune indication que l’équipage du navire et l’équipe du quai avaient passé en revue la procédure de désamarrage pour s’assurer qu’ils en avaient une compréhension commune. Par ailleurs, l’équipage du navire et l’équipe du quai utilisaient une terminologie différente pour désigner les amarres, ce qui pouvait créer des malentendus.

    2.3 Communication pendant l’opération de désamarrage

    La communication constitue un élément clé de la coordination des actions de l’équipage du navire et de l’équipe du quai pendant les opérations de désamarrage. Une communication efficace favorise la conscience situationnelle d’équipe et permet aux équipes de travailler ensemble à la réalisation d’un objectif commun. Inversement, la conscience situationnelle d’équipe peut être compromise par des ruptures de communication.

    Dans l’événement à l’étude, il y a eu, au cours de l’opération, quelques ruptures de communication qui ont eu une incidence sur la conscience situationnelle d’équipe et sur les actions qui ont été exécutées par la suite. L’une de ces ruptures était liée au largage de l’amarre de bout avant dans l’eau, et une autre, au malentendu concernant l’arrêt du propulseur d’étrave. Ces ruptures illustrent l’importance d’une communication efficace pour soutenir la conscience situationnelle d’équipe et garantir que les bons renseignements parviennent aux personnes qui en ont besoin, au moment où elles en ont besoin.

    Une rupture de communication a également fait en sorte que l’équipe d’amarrage avant ne reçoive pas de renseignements sur la présence de l’amarre dans le propulseur, étant donné que les conversations à ce sujet ont eu lieu sur la passerelle et sur le canal du quai, mais pas sur le canal du navire. Ce problème de communication s’explique par le fait que l’opération se déroulait sur 2 canaux radio dans 2 langues, et que toutes les personnes participant à l’opération n’avaient donc pas accès aux mêmes renseignements au même moment. Pour atténuer le problème, on se fiait au conseiller local pour traduire et relayer les messages entre le capitaine et l’officier de port. Toutefois, cette tâche était difficile en raison des nombreux messages qui étaient transmis, parfois de façon simultanée sur les 2 canaux radio, sans suivre les procédures standards. Il fallait donc plus de temps pour que les renseignements parviennent aux destinataires, et le contexte ainsi que la pertinence des renseignements transmis étaient parfois perdus.

    Il existe divers moyens de favoriser une communication efficace au cours d’une opération. Le fait de s’assurer que l’opération est assortie d’un plan clair et que tous les membres de l’équipe sont au courant de ce plan constitue la base d’une communication efficace. L’utilisation d’une terminologie et de procédures radio normalisées peut faciliter une communication claire et réduire les risques de malentendus. Si 2 langues sont utilisées, toutes les parties doivent être conscientes que les obstacles linguistiques peuvent entraîner des malentendus ou le fait que certaines personnes reçoivent certains renseignements alors que d’autres ne les reçoivent pas. Dans de tels cas, il peut être nécessaire de ralentir l’opération et de contre-vérifier la compréhension des personnes pour s’assurer de la conscience situationnelle d’équipe. Le fait de disposer de signaux d’urgence bien compris et bien utilisés peut également faciliter la transmission de messages urgents.

    2.4 Condition des treuils d’amarrage

    Pour assurer la sécurité des opérations d’amarrage et de désamarrage, il est essentiel que les composants essentiels, tels que les treuils, soient fiables et bien entretenus. Trois des treuils de l’Atlantic Vision étaient équipés de convertisseurs de fréquence obsolètes. Les composants obsolètes entraînent un risque de défaillance imprévisible, surtout s’ils ne sont pas entretenus régulièrement. De plus, si des composants obsolètes connaissent une défaillance, les pièces de rechange peuvent ne pas être disponibles. Malgré la tentative d’un technicien, en 2015, de mettre à niveau tous les treuils, 3 d’entre eux n’ont pas pu être mis à niveau, pour des raisons inconnues. Le navire a donc été exploité pendant 7 ans supplémentaires avec 3 treuils dont on savait qu’ils comportaient des composants obsolètes. Au moment de l’événement, 2 de ces treuils ne fonctionnaient pas comme prévu.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. Une rupture de communication pendant l’opération de désamarrage a mené à ce que l’amarre de bout avant soit larguée dans l’eau sans que l’équipe d’amarrage avant en ait connaissance.
    2. Le propulseur d’étrave du navire a aspiré l’amarre de bout avant et a entraîné son enroulement autour de l’arbre d’hélice du propulseur.
    3. En raison de l’utilisation de 2 canaux radio, les avertissements concernant la présence de l’amarre dans le propulseur ne sont pas parvenus à l’équipe d’amarrage avant du navire, qui n’a donc pas été consciente du risque pour sa sécurité.
    4. La tension de l’amarre de bout avant s’enroulant autour de l’arbre d’hélice du propulseur d’étrave a fait que l’amarre de bout avant a été tirée hors du caisson à cordages et à travers le tambour de halage du treuil d’amarrage, heurtant un matelot de pont et le blessant grièvement.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

    1. Si les risques d’une opération ne sont pas évalués, des dangers peuvent n’être ni cernés ni atténués, ce qui compromet la sécurité de l’opération.
    2. Si la planification d’une opération d’un navire n’aboutit pas à une compréhension commune de son déroulement par toutes les personnes concernées, l’opération risque de ne pas se dérouler comme prévu et de compromettre la sécurité du navire et du personnel.
    3. Si, pendant une opération d’un navire, la communication ne soutient pas la conscience situationnelle d’équipe, il y a un risque que des ruptures de communication surviennent, ce qui peut compromettre le succès de l’opération et la sécurité du navire et du personnel.
    4. Si des composants essentiels d’un navire deviennent obsolètes, ceux-ci risquent de tomber en panne pendant les opérations et de compromettre la sécurité du navire et du personnel.

    3.3 Autres faits établis

    Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

    1. Le port d’un casque de protection approprié par le membre d’équipage a probablement permis d’éviter une blessure plus grave.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Marine Atlantique S.C.C.

    Marine Atlantique S.C.C. a mené une enquête interne qui a conduit à plusieurs recommandations afin d’éviter que de tels événements ne se reproduisent.

    Par conséquent, l’analyse de la sécurité des tâches a été examinée et une formation a été dispensée. Pour le navire suivant qui a été mis en cale sèche après l’événement à l’étude, l’équipage du navire et les surintendants techniques à terre ont examiné le registre d’analyse des risques, et une réunion préalable à l’accostage a été organisée avec le chantier naval. Marine Atlantique S.C.C. a indiqué que d’autres améliorations aux analyses de la sécurité des tâches et aux procédures de travail sécuritaires feront partie de chaque réunion de préparation à la mise en cale sèche et que les mises à jour feront l’objet d’un suivi.

    4.1.2 Groupe Océan

    Le Groupe Océan a mené une enquête interne et a fait des ajouts à une liste de contrôle existante que l’équipage d’un navire doit remplir avant d’arriver à la cale sèche. Les ajouts comprennent le fait d’obtenir du navire un croquis de sa configuration d’amarres prévue et de demander des renseignements plus précis sur l’état de fonctionnement des treuils d’amarrage du navire.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 25 septembre 2024. Le rapport a été officiellement publié le 8 octobre 2024.