Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M24C0217

Échouement
Navire de marchandises générales Heemskerkgracht
Kahnawake (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu. Les pronoms et les titres de poste masculins peuvent être utilisés pour désigner tous les genres afin de respecter la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (L.C. 1989, ch. 3).

Table des matières

    Résumé

    Le 22 août 2024, le navire de marchandises générales Heemskerkgracht s’est échoué après avoir perdu sa propulsion dans le canal de la Rive Sud de la Voie maritime du Saint-Laurent, au large de Kahnawake (Québec). Le navire a été ancré en attendant les secours, puis renfloué et remorqué jusqu’au port de Côte-Sainte-Catherine (Québec). Il n’y a eu aucun blessé, et aucune pollution n’a été signalée. La coque du navire a subi des avaries légères.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Fiche technique du navire

    Tableau 1. Fiche technique du navire
    Nom du navireHeemskerkgracht
    Numéro de l’Organisation maritime internationale9443669
    Port d’immatriculationAmsterdam
    PavillonPays-Bas
    TypeMarchandises diverses
    Jauge brute9611
    Longueur hors tout138,12 m
    Largeur21,03 m
    Tirant d’eau prévu8,0 m
    Tirant d’eau au moment de l’événementAvant : 7,82 m / Arrière : 7,95 m
    Groupe propulseurUne machine diesel à régime moyen de 500 tr/min (5400 kW) entraînant 1 hélice à pas variable
    Équipage17
    Construction2009
    Propriétaire au registre et représentant autoriséRederij Heemskerkgracht
    Compagnie d’exploitationSpliethoff Bevrachtings B.V.
    Société de classificationBureau Veritas
    Autorité de délivrance de la certification internationale de gestion de la sécuritéLloyd’s Register

    1.2 Description du navire

    Le Heemskerkgracht (figure 1) est un navire de marchandises générales construit pour transporter des conteneurs, des marchandises lourdes et des marchandises en vrac. Le navire est doté de 3 cales à marchandises et de 2 grues, situées du côté bâbord. La passerelle, la salle des machines et les emménagements sont situés à l’arrière. Le navire est doté d’un propulseur d’étrave de 500 kW. Le navire est pourvu de 2 ancres à la proue et 1 à la poupe. Une ancre de poupe est obligatoire pour les navires qui empruntent la Voie maritime du Saint-Laurent.

    Figure 1. Le Heemskerkgracht amarré au port de Côte-Sainte-Catherine dans le canal de la Rive Sud (Québec) (Source : BST)
    Image

    1.3 Description du canal de la Rive Sud

    Le canal de la Rive Sud fait partie du réseau de la Voie maritime du Saint-Laurent qui relie le port de Montréal au lac Saint-Louis par les écluses de Saint-Lambert et Côte-Sainte-Catherine. Le port de Côte-Sainte-Catherine longe le canal de la Rive Sud. Le canal mesure 14 milles marins de long et environ 100 m de large. Outre le port et les 2 écluses, on trouve aussi dans le canal de la Rive Sud 7 ponts de tailles diverses destinés aux chemins de fer et aux automobiles, dont 4 sont équipés de travées levantes. Le canal est restreint et peu profond. Le Manuel de la Voie maritime autorise la rencontre de 2 navires dans le canal.

    1.4 Déroulement du voyage

    Le 22 août 2024, vers 16 h 40Les heures sont exprimées en heure avancée de l’Est (temps universel coordonné moins 4 heures)., le Heemskerkgracht a quitté le port de Côte-Sainte-Catherine après avoir chargé 10 350 tonnes de ferraille d’acier en vrac. Le navire faisait route vers Huelva, en Espagne. Le navire a commencé à se diriger vers l’ouest dans le canal de la Rive Sud en direction du lac Saint-Louis pour faire demi-tour. L’équipe à la passerelle était alors composée d’un pilote de l’Administration de pilotage des Grands Lacs, du capitaine, d’un timonier et du premier officier, qui était l’officier de quart. Le deuxième mécanicien était de quart dans la salle des machines; le chef mécanicien avait quitté la salle des machines après le départ.

    Après avoir atteint le lac Saint-Louis et fait demi-tour, le navire est rentré dans le canal de la Rive Sud à 18 h 34, en se déplaçant à une vitesse d’environ 10 nœuds. À 18 h 35, l’alarme du détecteur de brouillard d’huile (DBH) s’est déclenchée et la machine principale s’est arrêtée. Le chef mécanicien est retourné rapidement dans la salle des machines et a commencé à enquêter sur le problème avec le deuxième mécanicien. Entre-temps, le capitaine a remarqué l’absence de vibrations et en a conclu que le navire avait perdu sa propulsion. Il a réglé le pas de l’hélice à 0 et a transféré le contrôle de la machine à la salle des machines.

    À 18 h 37, la proue du navire a fait une embardée à tribord et est entrée en contact avec la rive sud du canal. La proue a ensuite rebondi, puis a fait une embardée à bâbord, en direction de la rive nord du canal. À 18 h 38, les 2 ancres avant ont été jetées sur ordre du capitaine. En l’espace d’une minute, le Heemskerkgracht s’était échoué; la proue bâbord et la hanche tribord se sont retrouvées sur les rives opposées, bloquant le canal de la Rive Sud (figures 2 et 3).

    Figure 2. Le Heemskerkgracht échoué (Source : Garde côtière canadienne)
    Image
    Figure 3. Carte du lieu de l’événement indiquant l’emplacement où le Heemskerkgracht s’est échoué (Source de l’image principale : cartes 1429 et 1430 du Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST; source de l’image en médaillon à gauche : Google Earth, avec annotations du BST)
    Image

    À 18 h 40, l’équipage de la salle des machines avait déterminé que de la vapeur d’eau qui se trouvait dans le DBH avait provoqué l’arrêt de la machine. L’équipage de la salle des machines a redémarré la machine, mais le capitaine l’a immédiatement arrêtée pour éviter d’endommager l’hélice. Le capitaine a ordonné à l’équipage d’inspecter le navire pour vérifier s’il y avait des dommages, une infiltration d’eau ou de la pollution. Il lui a aussi ordonné d’effectuer des mesures de profondeur autour du navire. Aucune infiltration d’eau ni pollution n’a été signalée à la passerelle.

    À 18 h 54, le capitaine a signalé la situation à la compagnie exploitante du Heemskerkgracht, Spliethoff Bevrachtings B.V. Entre-temps, le pilote a signalé la situation au centre de contrôle du trafic de la Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent. Un inspecteur de navires de la Voie maritime a été dépêché sur les lieux et, à 22 h 15, il a inspecté le navire. Le lendemain, la compagnie exploitante du Heemskerkgracht a préparé un plan de renflouement et l’a fait approuver par Transports Canada. Elle a également pris des dispositions pour que des remorqueurs contribuent au renflouement du navire.

    Le 24 août à 8 h 13, le Heemskerkgracht a été dégagé à l’aide de remorqueurs et remorqué jusqu’au port de Côte-Sainte-Catherine en vue de procéder à une enquête plus approfondie sur la fausse alarme du DBH qui a déclenché l’arrêt de la machine et à une inspection de la coque par des plongeurs. Aucun dommage structural n’a été constaté sur le navire. Le canal de la Rive Sud a été fermé à la navigation durant 37 heures au total à la suite de cet événement.

    1.5 Gouvernail et gouverne

    Un gouvernail dépend de l’écoulement de l’eau sur lui pour assurer sa capacité de gouverne. Sur les navires motorisés, l’écoulement de l’eau sur le gouvernail est généré par l’hélice et par les mouvements du navire dans l’eau qui sont essentiels pour conserver la maîtrise du navire. Une perte de propulsion a donc une incidence sur la capacité de gouverne, car l’écoulement de l’eau provenant de l’hélice est essentiel pour garder la maîtrise du navire. Bien que l’écoulement de l’eau généré par les mouvements du navire à lui seul puisse suffire à assurer la capacité de gouverne, celui-ci diminue à mesure que la vitesse est réduite. Les obstacles qui modifient l’écoulement de l’eau sur le gouvernail, tels qu’une hélice arrêtée devant le gouvernail, peuvent réduire davantage la capacité de gouverne. Un écoulement de l’eau réduit réduira la réaction du navire aux déplacements du gouvernailE. Murdoch, C. Clarke, I.W. Dand et B. Glover, A Master’s Guide to Berthing (Witherbys Publishing, 2004), p. 11..

    Lorsqu’il navigue dans des eaux restreintes ou peu profondes, il se produit divers effets hydrodynamiques qui ralentiront un navire plus rapidement que s’il naviguait dans des eaux libres.

    1.6 Conditions environnementales

    Au moment de l’événement, il faisait jour et le ciel était dégagé. La visibilité était d’environ 6 milles marins. Les vents soufflaient de l’ouest à 1 à 3 nœuds. La température de l’air était de 17 °C et l’humidité était d’environ 78 %. La température de l’eau était d’environ 17 °C.

    1.7 Certificats du navire

    Le Heemskerkgracht était doté d’un équipage, équipé et certifié selon les règlements de l’Organisation maritime internationale. Le navire était classé par le Bureau Veritas, et l’autorité de délivrance de ses documents relatifs au Code international de gestion de la sécurité était Lloyd’s Register. Lloyd’s Register avait délivré au navire un certificat de gestion de la sécurité le 12 janvier 2022 et avait délivré à la compagnie exploitante un document de conformité le 10 mai 2023. Le document de conformité a été approuvé, comme exigé.

    1.8 Brevets du personnel

    Le capitaine était titulaire d’un brevet de compétence de capitaine au long cours et comptait 18 années d’expérience en mer. Il était entré au service du Heemskerkgracht en avril 2024. Le voyage à l’étude était la 1re fois qu’il occupait le poste de capitaine.

    Le chef mécanicien était titulaire d’un brevet d’officier mécanicien de première classe et comptait 22 années d’expérience en mer. Il travaillait pour la compagnie exploitante depuis 16 ans, dont à bord du Heemskerkgracht en 2023 et 2024. Il occupait le poste de chef mécanicien depuis 2013.

    Le deuxième mécanicien était titulaire d’un brevet d’officier mécanicien de deuxième classe et comptait environ 10 années d’expérience en mer. Il travaillait pour la compagnie exploitante depuis 4 ans et s’était joint pour la 1re fois au Heemskerkgracht en avril 2024.

    1.9 Détecteurs de brouillard d’huile

    Les DBH sont des dispositifs essentiels à la sécurité qui visent à prévenir les explosions du carter causées par la surchauffe des composants du vilebrequin, tels que les roulements ou les pistons. Les explosions du carter peuvent causer des blessures ou la mort, ainsi que provoquer des incendies dans la salle des machines.

    Le carter de la machine contient de l’huile qui graisse les pièces mobiles. En cas de surchauffe d’un ou plusieurs composants du carter, l’huile qui est en contact avec ces pièces chaudes se vaporise et forme un brouillard d’huile. Un DBH fonctionne en aspirant un échantillon de l’atmosphère du carter dans une tête de mesure à l’aide d’un système d’aspiration. La tête de mesure effectue ensuite une mesure optique de l’opacité de l’échantillon d’atmosphère du carter. Plus l’échantillon contient de brouillard d’huile, plus l’opacité sera élevée. Le pourcentage d’opacité obtenu est affiché sur un indicateur local ou sur un indicateur à distance, si celui-ci est installé.

    Si le pourcentage d’opacité dépasse les paramètres autorisés, les DBH des machines à régime moyenLes machines de propulsion marines sont classées en fonction de leur nombre de tours par minute (tr/min). En général, les machines à régime bas ont une plage de 70 à 200 tr/min; et les machines à régime moyen, une plage de 300 à 900 tr/min. Il y a aussi des machines à régime élevé qui ont une plage au-delà de 900 tr/min. déclenchent une alarme, puis arrêtent immédiatement la machine, tandis que les DBH des machines à régime bas déclenchent une alarme, puis ralentissent la machine. Les paramètres autorisés sont définis par le fabricant à l’usine, conformément aux procédures de test établies par l’Association internationale des sociétés de classificationAssociation internationale des sociétés de classification, Type Testing Procedure for Crankcase Oil Mist Detection and Alarm Equipment, UR M67, révision 2 (février 2015), à l’adresse https://iacs.org.uk/resolutions/unified-requirements/ur-m (dernière consultation le 19 août 2025)..

    Bien que les DBH soient destinés à mesurer la concentration de brouillard d’huile, ils ne peuvent pas faire la distinction entre les substances présentes dans l’échantillon d’atmosphère du carter. Il est donc possible que des substances telles que de la fumée ou de la vapeur d’eau soient aspirées dans la tête de mesure d’un DBH et augmentent l’opacité tout comme le ferait le brouillard d’huile, déclenchant ainsi de fausses alarmes. La fumée présente dans le carter peut découler de la fuite de gaz dans les pistons, qui se produit lorsque des gaz de combustion s’échappent de la chambre de combustion et s’infiltrent dans le carter de la machine. De la vapeur d’eau peut se former en raison des différences de température entre l’atmosphère du carter de la machine et l’air ambiant dans la salle des machines, celui-ci pouvant parfois être soumis à une humidité élevée ou à des températures basses. De la vapeur d’eau peut également se former en présence d’eau dans l’huile de graissage de la machine ou en cas de fuite dans le système de refroidissement de la machine. Les fausses alarmes causées par la vapeur d’eau peuvent être évitées en chauffant la tête de mesure du DBH pour éliminer la vapeur d’eau.

    1.9.1 Détecteur de brouillard d’huile sur le Heemskerkgracht

    La Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (1974) (SOLAS) exige que certaines machines diesel marines soient équipées de détecteurs de brouillard d’huile (DBH)La règle 47(2) du chapitre II-1 de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (1974) exige que des dispositifs de détection de brouillard d’huile dans le carter soient installés sur les machines diesel dont la puissance maximale continue est supérieure ou égale à 2250 kW ou dont les cylindres ont un alésage supérieur à 300 mm. De plus, la règle 27(5) précise que l’installation de dispositifs équivalents à des dispositifs de détection de brouillard d’huile dans le carter (p. ex. des dispositifs de surveillance de température pour les roulements de la machine) est également autorisée.. Le type de DBH exigé dépend des caractéristiques de la machineAssociation internationale des sociétés de classification, Machinery shutoff arrangements – Oil mist detector arrangements, SC 228, décembre 2008, à l’adresse https://iacs.org.uk/resolutions/ui-sc/ui-sc228-new/ui-sc228-new (dernière consultation le 19 août 2025)..

    La machine à régime moyen du Heemskerkgracht était équipée d’un DBH qui déclenchait une alarme et arrêtait immédiatement la machine si la concentration de brouillard d’huile dépassait les paramètres autorisés. Le DBH du Heemskerkgracht était conforme aux exigences de la SOLAS applicables au type de machine du navire. Il répondait aussi aux exigences établies par l’International Association of Classification Societies (IACS). Le DBH était situé sur le carter de la machine (figure 4).

    Figure 4. Emplacement du détecteur de brouillard d’huile sur la machine du Heemskerkgracht (Source : Caterpillar Motoren GmbH & Co.KG, avec annotations du BST)
    Image

    Le DBH installé sur le Heemskerkgracht comprenait les principaux composants suivants (figure 5) :

    • Une tête de mesure qui mesurait les échantillons d’atmosphère du carter à l’aide de capteurs optiques. La tête de mesure comportait un dispositif de chauffage destiné à empêcher la formation de vapeur d’eau dans la tête de mesure.
    • Un système d’aspiration qui utilisait une pression négative pour aspirer les échantillons d’atmosphère du carter dans la tête de mesure à l’aide de tuyauterie.
    • Une prise pour le câblage électrique (pour l’alimentation, l’affichage à distance de l’indicateur d’opacité et les alarmes).
    • Une plaque de montage protégée contre les vibrations, reliée à la machine par des amortisseurs en caoutchouc et des ressorts, sur laquelle les composants du DBH étaient montés.
    • Un afficheur avec voyants d’état comportant un indicateur de l’opacité en pourcentage ainsi que des indicateurs destinés aux codes d’erreur, aux alarmes, au mode de test et à l’état de préparation du DBH. Il n’y avait aucun indicateur indiquant si le dispositif de chauffage de la tête de mesure était sous tension et fonctionnait ou non.
    Figure 5. Détecteur de brouillard d’huile sur le Heemskerkgracht. Notons que dans cette photo, le couvercle d’inspection de la tête de mesure est ouvert (Source : BST)
    Image

    Au moment de l’événement à l’étude, le DBH installé sur le Heemskerkgracht était composé d’éléments provenant de 2 modèles de DBH différents de Visatron. La tête de mesure provenait d’un modèle Visatron VN 116/87 EMC, qui comportait un dispositif de chauffage externe. Les autres composants du DBH provenaient d’un modèle Visatron VN 116/87 Plus.

    1.9.2 Entretien planifié du détecteur de brouillard d’huile

    La tête de mesure du DBH installé sur le Heemskerkgracht devait être remplacée tous les 5 ans selon le calendrier d’entretien planifié pour le navire établi par le service technique de la compagnie exploitante. En mars 2023, le système d’entretien planifié du navire a indiqué que la tête de mesure du DBH devait être remplacée. À cette date, le DBH était muni d’une tête de mesure Visatron VN 116/87 Plus. La tête de mesure du modèle Plus comportait un dispositif de chauffage intégré qui était alimenté à l’interne.

    Le 30 mars, une commande a été passée pour une nouvelle tête de mesure Visatron VN 116/87 Plus. Cependant, en avril 2023, le navire a reçu une tête de mesure de modèle EMCLa tête de mesure de modèle EMC était accompagnée de documents du fabricant indiquant, notamment, que le dispositif de chauffage avait fait l’objet d’un essai et qu’il était fonctionnel.. La tête de mesure de modèle EMC différait du modèle Plus en ce sens qu’elle comportait un dispositif de chauffage externe situé sur le dessus de la tête de mesure et muni d’un cordon d’alimentation qui devait être branché à une source d’alimentation distincte.

    Le chef mécanicien a informé le personnel du service technique de la compagnie exploitante que le navire avait reçu un modèle de tête de mesure différent du modèle qui était précédemment à bord. L’enquête n’a pas permis de déterminer la séquence des événements qui a mené à la réception du modèle EMC par le navire ni si le personnel du service technique est intervenu après que le chef mécanicien l’ait signalé.

    L’équipage a pu installer la tête de mesure de modèle EMC; cependant, le dispositif de chauffage de la tête de mesure n’a pas été mis sous tension, car aucune source d’alimentation distincte n’était disponible. Une fois que l’équipage du navire a terminé l’installation de la nouvelle tête de mesure, le DBH a été mis à l’essai, réagissant comme prévu.

    Entre le moment où la tête de mesure EMC a été installée en avril 2023 et l’événement à l’étude, l’équipage de la salle des machines a effectué des vérifications du DBH environ une fois par mois. Les vérifications comprenaient :

    • un test de performancePendant un test de performance, un verre filtrant ou un autre objet est utilisé pour obscurcir la piste de mesure. Cela crée un effet similaire à une concentration de particules de brouillard d’huile, augmentant l’opacité de l’échantillon d’atmosphère du carter. Le DBH est réglé au mode de test, qui enregistre le moment où le niveau d’alarme est atteint. Des voyants lumineux s’allument lorsque le niveau d’alarme est atteint, ce qui démontre que le DBH fonctionne comme prévu. destiné à vérifier le fonctionnement du DBH;
    • la vérification de la fonction d’alarme et du seuil de déclenchement,
    • l’inspection des jauges et des instruments de la machine,
    • l’inspection du DBH,
    • la vérification du fonctionnement des dispositifs d’arrêt automatique.

    Le dernier test de performance du DBH avant l’événement à l’étude avait été effectué pendant la mise en cale sèche en juin 2024 et avait démontré un fonctionnement satisfaisant. Entre avril 2023 et l’événement à l’étude, le navire n’avait pas connu de fausses alarmes du DBH.

    Après l’événement à l’étude, les enquêteurs du BST ont procédé à un examen visuel du DBH et ont constaté que le cordon d’alimentation du dispositif de chauffage n’était pas branché (figure 5). Le BST a également obtenu, après l’événement, des données indiquant que l’état de l’huile de graissage était satisfaisant et qu’il n’y avait pas de contamination du carter par l’eau de refroidissement de la machine.

    1.10 Gestion de la sécurité

    Un système de gestion de la sécurité (SGS) est un cadre reconnu à l’échelle internationale qui permet aux compagnies de cerner les dangers, de gérer les risques et d’améliorer la sécurité de leurs activités, idéalement avant qu’un accident survienne. Un SGS utilise une approche documentée et systématique pour évaluer et gérer le risque opérationnel, qui fournit aux personnes à chaque échelon d’une organisation les outils dont elles ont besoin pour prendre des décisions judicieuses, en temps normal comme en situation d’urgence. Un SGS aide également les compagnies à se conformer aux règlements applicables.

    Les politiques, les procédures, les pratiques, la formation et la culture d’une compagnie sont les résultats d’un SGS. La gestion des risques en vertu d’un SGS est un cycle continu qui aide le personnel à terre (comme les gestionnaires de l’entreprise) et l’équipage à bord à déterminer, évaluer et atténuer les risques existants et potentiels pour les navires, le personnel et l’environnement, et à en assurer le suivi.

    1.10.1 Système de gestion de la sécurité à bord du Heemskerkgracht

    Le Heemskerkgracht était exploité conformément à un SGS et disposait d’un manuel du SGS fourni par la compagnie exploitante du navire. Le manuel du SGS comprenait diverses sections, dont certaines qui traitaient des sujets suivants :

    • la participation de la haute direction à la gestion de la sécurité;
    • les responsabilités de diverses personnes, y compris le directeur technique, la personne désignée à terre et les officiers supérieurs;
    • les examens réguliers par la direction;
    • un système permettant de déterminer les pratiques réelles qui ne correspondent pas aux pratiques documentées et de mettre en œuvre les mesures correctives associées.

    Le manuel du SGS comprenait aussi diverses procédures, y compris celles relatives à l’entretien du navire, à l’évaluation des risques, au signalement des incidents et des non-conformités, ainsi qu’aux mesures correctives et préventives.

    1.10.1.1 Procédures d’entretien

    Sur le Heemskerkgracht, la responsabilité de l’entretien à bord, des inspections et des opérations techniques, y compris l’entretien de l’équipement essentiel à la sécurité, était partagée entre les officiers supérieurs du navire et le service technique de la compagnie exploitante. Le SGS contenait 2 procédures spécifiquement liées à l’entretien qui définissaient les rôles des officiers supérieurs du navire et du personnel du service technique et qui précisaient les mesures que chaque groupe devait prendre pour entretenir le navire.

    1.10.1.1.1 Procédure d’entretien planifié et de signalement

    La procédure d’entretien planifié et de signalement décrivait les mesures à prendre au cours de l’entretien planifié du navire. La procédure indiquait ceci :

    • le personnel du service technique était chargé de déterminer le type et la fréquence de l’entretien planifié exigé et de fournir des instructions, le cas échéant, tandis que les officiers du navire étaient chargés d’effectuer l’entretien planifié;
    • le personnel du service technique était chargé de répondre à toute demande d’aide de la part du navire, comme les demandes de pièces de rechange ou d’aide d’experts;
    • le personnel du service technique devait évaluer les demandes en tenant compte de facteurs tels que la nécessité d’une pièce de rechange ou l’urgence de la réparation. En fonction de leur évaluation, le personnel du service technique était ensuite chargé de prendre d’autres mesures, au besoin, et de communiquer les renseignements relatifs à l’entretien au reste de la flotte;
    • le personnel du service technique devait ensuite archiver la demande à des fins d’analyse ou de référence.

    Le Heemskerkgracht disposait d’un logiciel d’entretien planifié à bord, que l’équipage utilisait pour planifier et suivre les tâches d’entretien de routine, telles que l’entretien exigé par le fabricant et celui exigé par la réglementation. En fonction de leur fréquence horaire ou calendaire, les tâches d’entretien planifié étaient générées automatiquement et fournissaient des instructions et des renseignements au personnel d’entretien relativement à l’exécution des tâches, y compris des mentions des pages pertinentes du manuel du fabricant où se trouvaient les instructions.

    Après l’installation de la tête de mesure de modèle EMC, l’équipage a effectué des tests de performance mensuels et des inspections visuelles du DBH conformément au calendrier d’entretien planifié du navire. Les tests de performance mensuels et les inspections visuelles étaient fondés sur le modèle Plus original et ne comprenaient pas la vérification de l’alimentation du dispositif de chauffage et n’ont pas incité l’équipage à donner suite au problème. Le personnel du service technique n’a pas non plus assuré un suivi pour résoudre le problème.

    1.10.1.1.2 Procédure relative à l’entretien, aux vérifications et aux réparations

    Le SGS du Heemskerkgracht contenait également une procédure décrivant les mesures à prendre pendant l’entretien, les inspections et les vérifications à bord.

    La procédure indiquait que les officiers du navire étaient chargés de recenser les éléments nécessitant un entretien et des vérifications périodiques, ainsi que d’établir la fréquence de ces activités. Avant d’effectuer l’entretien et les vérifications, les officiers du navire étaient chargés d’évaluer les risques liés aux opérations à exécuter et de prendre toute mesure préventive nécessaire. Ensuite, les officiers du navire étaient tenus d’effectuer l’entretien et les vérifications, puis d’en rendre compte au service technique.

    Pour les réparations, la procédure indiquait que les officiers du navire étaient responsables d’évaluer la réparation, les pièces de rechange disponibles et les compétences des personnes disponibles pour aider à la réparation. Au besoin, les officiers du navire étaient chargés de demander l’aide du service technique pour les pièces de rechange, l’aide des mécaniciens à terre ou d’autre équipement, ou d’ajouter les réparations non essentielles à la liste de la cale sèche. Si la réparation était évaluée comme pouvant être effectuée à bord, les officiers du navire étaient chargés d’effectuer la réparation, puis de l’enregistrer et de la signaler au service technique.

    1.10.1.2 Procédures visant à prévenir la répétition des incidents et des non-conformités

    Le SGS contenait aussi 2 procédures visant à prévenir la répétition d’incidents et de non-conformités. L’une était une procédure de signalement des incidents et des non-conformités, et l’autre était une procédure relative aux mesures correctives et préventives.

    1.10.1.2.1 Procédure de signalement des incidents et des non-conformités

    Cette procédure décrivait la manière dont les incidents et les non-conformités devaient être recensés et signalés. Elle exigeait que tous les signalements soient analysés par le service compétent à terre afin de s’assurer que des mesures étaient prises pour résoudre l’incident ou la non-conformité et pour en prévenir tout autre cas à l’avenir.

    1.10.1.2.2 Procédure relative aux mesures correctives et préventives

    La procédure relative aux mesures correctives et préventives décrivait les mesures correctives et préventives à prendre lorsque les pratiques de travail avaient entraîné ou auraient pu entraîner une situation dangereuse. Cette procédure était mise en place pour veiller à ce que toutes les non-conformités et tous les autres problèmes signalés soient traités et résolus de manière satisfaisante. Elle nécessitait la tenue d’un système permettant d’assurer le suivi des mesures correctives prises pour contribuer à éliminer les causes existantes des incidents, des non-conformités et des autres problèmes. Elle nécessitait aussi la mise en place et la maintenance d’un système de suivi des mesures préventives pour éliminer les causes potentielles de non-conformités, d’incidents et d’autres problèmes.

    1.11 Événements similaires

    Une perte de propulsion, quelle qu’en soit la cause, peut entraîner une situation de navigation dangereuse qui compromet la sécurité du navire, de l’équipage et des personnes à proximité. Les accidents qui surviennent en raison d’une perte de propulsion peuvent également avoir d’importantes répercussions économiques et causer de grands dommages environnementaux, surtout si l’événement se produit alors que le navire se trouve dans des eaux restreintes.

    Au Canada, entre 2014 et 2024, environ 220 événements avec panne de la machine principale qui sont survenus sur des navires battant pavillon étranger ou canadien ont été signalés au BST, dont environ 127 ont entraîné une perte de propulsion.

    Au cours de l’enquête sur l’événement concernant le Heemskerkgracht, le BST a reçu un signalement indiquant que le navire de marchandises générales Oslo Bulk 5 avait perdu sa propulsion à l’approche de l’écluse 4 de la Voie maritime du Saint-Laurent, au large de Beauharnois (Québec). La machine principale s’était arrêtée en raison d’une fausse alarme du DBH qui avait été déclenchée par de la vapeur d’eau. L’équipage avait pu reprendre la maîtrise du navire, qui a été amarré en vue d’une inspection plus approfondieÉvénement sur la sécurité du transport maritime M24C0297 du BST..

    Le 21 août 2022, le navire de charge Damgracht, exploité par la même compagnie que le Heemskerkgracht, est entré en collision avec le navire de charge AP Revelin dans le chenal Outer Bar de Sabine Pass, près de Port Arthur (Texas, États-Unis). Une enquêteNational Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis, Marine Accident Report MIR-23-16, Collision between Cargo Ship Damgracht and Cargo Ship AP Revelin (1er août 2023). menée par le National Transportation Safety Board des États-Unis a permis de déterminer que le Damgracht avait perdu sa propulsion et que la cause probable était une fausse alerte du DBH, laquelle avait probablement été déclenchée par de la vapeur d’eau, qui avait entraîné l’arrêt automatique de la machine principale. Personne n’a été blessé et il n’y a eu aucune pollution. Les dommages causés à l’AP Revelin ont été estimés à 3,4 millions de dollars américains. Aucun coût lié aux dommages n’a été signalé pour le Damgracht.

    1.12 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    La gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance 2022. Comme l’événement à l’étude le démontre, même lorsque des processus officiels de gestion de la sécurité sont en place, certains risques peuvent ne pas toujours avoir été évalués adéquatement. L’enquête a relevé des lacunes dans l’efficacité des procédures de gestion de la sécurité concernant l’entretien prévu.

    2.0 Analyse

    Le Heemskerkgracht a perdu sa propulsion et s’est échoué à la suite d’une fausse alerte du détecteur de brouillard d’huile (DBH) qui a provoqué l’arrêt automatique de la machine principale. En conséquence, le canal de la Rive Sud a été bloqué et fermé à la navigation pendant 37 heures. L’analyse portera sur les facteurs qui ont conduit à l’arrêt de la machine principale et à l’échouement. Elle sera également axée sur l’entretien des navires et sur la prévention des problèmes récurrents.

    2.1 Arrêt de la machine principale et échouement

    Les DBH sont des dispositifs essentiels à la sécurité qui sont conçus pour prévenir les explosions dans le carter en mesurant l’opacité de l’atmosphère qui s’y trouve. Si l’opacité dépasse les paramètres autorisés, certains types de DBH arrêtent immédiatement la machine, tandis que d’autres la ralentissent. Le DBH du Heemskerkgracht était conçu pour arrêter immédiatement la machine.

    Bien que les DBH soient destinés à mesurer la présence de brouillard d’huile, ils ne peuvent pas faire la distinction entre le brouillard d’huile, la vapeur d’eau et la fumée. Par conséquent, la vapeur d’eau ou la fumée présente à l’intérieur d’un DBH peut déclencher de fausses alarmes qui entraînent l’arrêt de la machine. Pour atténuer le risque de fausse alarme causée par la vapeur d’eau, le DBH du Heemskerkgracht était équipé d’un dispositif de chauffage pour sa tête de mesure. Ce dispositif était censé empêcher la formation de vapeur d’eau dans la tête de mesure, un problème qui peut être particulièrement problématique en cas d’humidité élevée ou de basses températures.

    Lors d’un entretien planifié mené en avril 2023, le navire a reçu une tête de mesure de DBH différente de la précédente à bord. Le chef mécanicien en a informé le personnel du service technique de la compagnie exploitante, Spliethoff Bevrachtings B.V., mais on ne sait pas quelles mesures ont été prises, le cas échéant. L’équipage a pu installer le nouveau modèle, mais le dispositif de chauffage de la nouvelle tête de mesure n’a pas été mis sous tension, car aucune source d’alimentation distincte n’était disponible. On ignore la séquence des événements qui ont conduit à la réception d’un modèle de tête de mesure différent sur le navire.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Au cours d’un entretien planifié, la tête de mesure du DBH du navire a été remplacée par un modèle différent dont le dispositif de chauffage nécessitait une source d’alimentation distincte; toutefois, aucune source d’alimentation n’était disponible et le dispositif de chauffage a été laissé hors tension.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Bien que le personnel du service technique de la compagnie exploitante fût avisé que le navire avait reçu un modèle différent de DBH de celui qui se trouvait à bord auparavant, le navire a continué de naviguer avec le dispositif de chauffage hors tension.

    L’équipage a continué d’effectuer les inspections et les tests de performance réguliers du DBH. Les tests de performance ont continué d’indiquer que le DBH fonctionnait comme prévu, car le dispositif de chauffage hors tension n’influençait pas la capacité du DBH à mesurer l’opacité. Les inspections n’ont pas incité l’équipage à donner suite au problème du dispositif de chauffage hors tension, et le personnel du service technique n’a pas non plus assuré de suivi pour résoudre le problème. Le dispositif de chauffage étant hors tension, le DBH était vulnérable aux fausses alarmes causées par la vapeur d’eau.

    Alors que le Heemskerkgracht naviguait dans les eaux restreintes du canal de la Rive Sud le jour de l’événement à l’étude, la machine principale du navire a été arrêtée à la suite d’une fausse alarme causée par la présence de vapeur d’eau dans le DBH. La fausse alarme était probablement attribuable à des changements dans les conditions de l’air ambiant dans la salle des machines; d’autres causes possibles, soit la présence d’eau dans l’huile de graissage de la machine et une fuite dans le système de refroidissement de la machine, ont été écartées par l’enquête.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Pendant le voyage à l’étude, de la vapeur d’eau s’est accumulée dans la tête de mesure du DBH et a déclenché une fausse alarme. L’alarme du DBH a déclenché l’arrêt automatique de la machine principale.

    Lorsque la machine principale a été arrêtée, le navire a perdu sa propulsion et sa vitesse. La proue a fait une embardée à tribord et est entrée en contact avec la rive sud du canal. La proue a ensuite rebondi, puis a fait une embardée à bâbord, en direction de la rive nord du canal. Sans le remous d’hélice sur le gouvernail, la gouverne du navire est devenue moins efficace, ce qui a diminué la capacité de l’équipage à la passerelle à contrer les déplacements du navire. Les 2 ancres avant ont été jetées, mais elles n’ont pas empêché le navire d’échouer.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    À la suite de l’arrêt automatique de la machine principale, le navire a perdu sa propulsion dans le canal de la Rive Sud et s’est échoué.

    2.2 Entretien du navire

    Lorsque l’équipage d’un navire effectue des travaux d’entretien, il est essentiel qu’il reçoive des pièces de rechange appropriées, surtout lorsqu’il s’agit d’équipement essentiel à la sécurité. Les navires ont souvent des calendriers d’exploitation serrés qui limitent le temps qu’ils passent au port, où l’équipage peut obtenir des pièces de rechange. La plupart des navires transportent des pièces de rechange pour effectuer des réparations courantes, mais ils ne disposent normalement pas de pièces spécialisées comme les têtes de mesure des DBH. Le personnel du service technique de la compagnie exploitante est habituellement chargé de planifier et d’obtenir toutes les pièces nécessaires à l’exploitation du navire.

    Dans le cas du Heemskerkgracht, une commande a été passée pour obtenir une tête de mesure de modèle Visatron VN 116/87 Plus, mais le navire a reçu une tête de mesure de modèle Visatron VN 116/87 EMC. Bien que le service technique en fût avisé, on ne connaît pas les mesures qui ont été prises, le cas échéant. Le BST n’a pas été en mesure de déterminer la séquence des événements qui a fait en sorte que le navire reçoive un modèle différent ni si la compagnie exploitante avait mis en place des processus relatifs au système de gestion de la sécurité (SGS) pour vérifier la pertinence des pièces de rechange fournies aux navires de la flotte.

    La tête de mesure de modèle EMC était suffisamment similaire au modèle Plus pour être installée, à l’exception du dispositif de chauffage, qui était hors tension. Après l’installation de la tête de mesure de modèle EMC, l’équipage a mis à l’essai le DBH et a déterminé qu’il était fonctionnel. L’équipage a continué d’effectuer des tests de performance mensuels et des inspections visuelles du DBH conformément au calendrier d’entretien planifié du navire. Les tests de performance mensuels et les inspections visuelles ne comprenaient pas la vérification de l’alimentation du dispositif de chauffage et n’ont pas incité l’équipage à donner suite au dispositif de chauffage hors tension. Le personnel du service technique n’a pas non plus fait de suivi lorsque l’équipage du navire a signalé qu’il avait reçu une tête de mesure différente de celle installée précédemment.

    Fait établi quant aux risques

    Si les pièces de rechange fournies aux navires ne sont pas adéquates et si le suivi est inefficace, les navires risquent d’être exploités avec de l’équipement qui ne fonctionne pas comme prévu.

    2.3 Prévention des problèmes récurrents

    Lorsqu’un problème survient à bord d’un navire, en particulier lorsqu’il concerne de l’équipement essentiel à la sécurité, il est important de l’analyser pour en déterminer les causes profondes. Des mesures correctives efficaces doivent ensuite être mises en place pour éviter qu’il se répète. Cette pratique doit être adoptée non seulement au niveau de chaque navire, mais aussi au niveau de la flotte.

    Le SGS de la compagnie exploitante comprenait une procédure de signalement des incidents et des non-conformités ainsi qu’une procédure de mise en œuvre des mesures correctives et préventives. Ces 2 procédures visaient non seulement à recenser et à résoudre les problèmes existants, mais aussi à empêcher qu’ils se reproduisent à l’avenir.

    En 2022, un autre navire géré par la même compagnie exploitante que le Heemskerkgracht a également connu une fausse alarme provenant du DBH. L’enquête sur l’événementIbid. a permis de déterminer que l’alarme avait probablement été déclenchée par de la vapeur d’eau. Le navire avait perdu sa propulsion et était entré en collision avec un autre navire de charge. Le BST n’a pas été en mesure d’obtenir des renseignements indiquant si les procédures relatives au SGS de la compagnie exploitante, visant à prévenir la répétition d’incidents et de non-conformités, ont été appliquées à la suite de cet événement survenu en 2022. Si des mesures correctives ont été prises, elles ne semblent pas avoir été suffisantes pour empêcher une fausse alarme sur le Heemskerkgracht.

    Fait établi quant aux risques

    Si les procédures et les mesures correctives visant à prévenir que des incidents et des non-conformités se répètent ne sont pas efficaces, les risques liés à la sécurité des navires persisteront.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. Au cours d’un entretien planifié, la tête de mesure du détecteur de brouillard d’huile du navire a été remplacée par un modèle différent dont le dispositif de chauffage nécessitait une source d’alimentation distincte; toutefois, aucune source d’alimentation n’était disponible et le dispositif de chauffage a été laissé hors tension.
    2. Bien que le personnel du service technique de la compagnie exploitante fût avisé que le navire avait reçu un modèle différent de détecteur de brouillard d’huile de celui qui se trouvait à bord auparavant, le navire a continué de naviguer avec le dispositif de chauffage hors tension.
    3. Pendant le voyage à l’étude, de la vapeur d’eau s’est accumulée dans la tête de mesure du détecteur de brouillard d’huile et a déclenché une fausse alarme. L’alarme du détecteur de brouillard d’huile a déclenché l’arrêt automatique de la machine principale.
    4. À la suite de l’arrêt automatique de la machine principale, le navire a perdu sa propulsion dans le canal de la Rive Sud et s’est échoué.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

    1. Si les pièces de rechange fournies aux navires ne sont pas adéquates et si le suivi est inefficace, les navires risquent d’être exploités avec de l’équipement qui ne fonctionne pas comme prévu.
    2. Si les procédures et les mesures correctives visant à prévenir que des incidents et des non-conformités se répètent ne sont pas efficaces, les risques liés à la sécurité des navires persisteront.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Spliethoff Bevrachtings B.V.

    Après l’événement, la compagnie exploitante a remplacé la tête de mesure du navire par un modèle Visatron VN 116/87 Plus sous la supervision d’un expert maritime privé et d’un inspecteur de classification du Bureau Veritas. On a obtenu la confirmation que la tête de mesure avait été installée conformément aux instructions du fabricant, puis calibrée et mise à l’essai.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 16 juillet 2025. Le rapport a été officiellement publié le 4 septembre 2025.