Déversement de pétrole brut
Trans Mountain Pipeline ULC
Station de pompage Darfield
Darfield (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
L'événement
Le 27 mai 2018, vers 0 h 13Note de bas de page 1, un déversement de pétrole brut s'est produit dans une section de conduite en surface à la station de pompage Darfield de Trans Mountain Pipeline ULCNote de bas de page 2 (Trans Mountain), à Darfield (Colombie-Britannique) (figure 1).
Personne n'a été blessé, et aucune évacuation n'a été nécessaire.
Examen des lieux
Le pétrole brut a fui d'un raccord de ¾ pouce qui était vissé sur un débitmètre de 16 pouces, situé en aval des pompes principales à la station de pompage Darfield. Ce débitmètre est installé sur une section de conduite en surface adjacente au bâtiment qui héberge l'équipement de pompage (bâtiment des pompes). Environ 4,8 m³ de produit ont été déversés. Une partie du produit déversé a été projetée sur la face ouest du bâtiment des pompes (figure 2), et on a trouvé une petite quantité de produit sur la végétation au-delà du terrain de la station.
Durant le nettoyage des lieux, on a récupéré environ 3 m³ de produit.
Le pipeline Trans Mountain
Réglementé par l'Office national de l'énergie (ONE), le pipeline Trans Mountain transporte du pétrole brut et des produits pétroliers raffinés à partir d'Edmonton (Alberta) vers des raffineries et des terminaux en Colombie-Britannique et dans l'État de Washington, aux États-Unis.
On compte 23 stations de pompage à divers intervalles sur le pipeline. Au moment de l'événement, le pipeline, que l'on exploitait en deçà des limites prescrites, transportait du pétrole brut léger à raison de 2048 m³/h. La pression de refoulement à la station de pompage Darfield était de 5338 kPa.
Signalement de l'événement et mesures prises par Trans Mountain à la suite de l'événement
À 0 h 13, l'opérateur du centre de contrôle (OCC) de Trans Mountain a constaté qu'une alarme de faible débit à la station de pompage Darfield s'était déclenchée. À 0 h 23, après avoir vérifié et confirmé que l'alarme s'était déclenchée, l'OCC a fait appel à un employé de terrain sur appel, près de Darfield, pour obtenir plus d'information sur la raison du déclenchement de l'alarme.
Vers 0 h 40, un agent de sécurité privé de Trans Mountain, qui était en poste à la station de pompage Darfield, a appelé Trans Mountain pour signaler une odeur d'hydrocarbures à la station et du pétrole brut projeté sur une face du bâtiment des pompes.
À 0 h 46, après avoir obtenu confirmation du déversement de produit de la part de l'agent de sécurité, l'OCC a amorcé un arrêt contrôlé du pipeline Trans Mountain. Cette procédure comprenait l'arrêt de la station de pompage Darfield.
Le pipeline était hors service pendant environ 15 heures.
Remise en état du site
La remise en état du site a commencé plus tard dans la journée. On a excavé le sol en surface ainsi que le sous-sol saturé accessible touchés par le produit déversé pour les transporter à une installation d'élimination appropriée. La végétation touchée au-delà de la propriété de la compagnie a été abattue et éliminée de façon appropriée.
On a recueilli des échantillons de sol provenant de la propriété adjacente, là où la végétation avait été touchée, à des fins d'analyse. Les résultats de l'analyse du sol étaient conformes aux critères réglementaires applicables, ce qui confirmait qu'il n'y avait plus d'impact hors site.
À partir de juin 2018 et jusqu'à la fin de l'année, le reste du sous-sol sur place qui était inaccessible en raison de l'infrastructure du site a été traité sur place au moyen de techniques de biorestauration. Le traitement consistait en l'injection de nutriments sous la surface pour favoriser la dégradation des hydrocarbures. La surveillance de ce sous-sol se poursuivra pendant plusieurs années. On a installé des puits supplémentaires de surveillance des eaux souterraines pour être en mesure de repérer tout impact potentiel sur l'eau souterraine à la suite de ce déversement.
Débitmètre
Le débitmètre est du type à coin. Il fonctionne en générant une différence de pression au moyen d'un obstacle (coin)Note de bas de page 3. Des raccordements sous pression de petit diamètre se trouvent en amont et en aval du coin à environ 90° par rapport au-dessus du débitmètreNote de bas de page 4. Ces raccordements servent à mesurer les pressions pour calculer le débit. Le raccord de ¾ pouce qui a cédé avait été installé en 2009. Il était vissé au raccordement sous pression du débitmètre qui était en amont.
Analyse métallurgique du raccord
On retiré la manchette de raccordementNote de bas de page 5, y compris le raccord de ¾ pouce duquel fuyait le pétrole, et Trans Mountain l'a expédiée à un laboratoire pour un examen détaillé (figure 3). On a relevé des marques dentelées et des ondulations de fatigue sur les surfaces de rupture de la partie filetée du raccord. On a déterminé que la fatigue avait causé la fissuration du raccord fileté (figure 4).
La fissure s'est formée dans la dernière spire du raccord, endroit reconnu pour être soumis à une forte concentration de contraintes. L'emplacement des raccordements sous pression sur le côté du débitmètre aurait soumis le raccord à des forces de flexion additionnelles. Les contraintes élevées concentrées sur les filets, combinées aux forces de flexion additionnelles, ont probablement mené à la rupture du raccord par fatigue, induite par des vibrations.
Programme de gestion de l'intégrité des installations
Le programme de gestion de l'intégrité des installations de Trans MountainNote de bas de page 6 comprend des dispositions pour cerner, évaluer, consigner et corriger les dangers à chacune de ses installations. Dans le cadre de ce programme, la compagnie mène une évaluation des risques chaque année, et une évaluation qualitative du risque tous les 3 ans.
L'évaluation annuelle des risques, menée conformément au système intégré de gestion de la sécurité et des pertes de la compagnie, comprend un examen de tous les dangers bien connus ou récemment cernés pour l'intégrité des installations. Cette évaluation tient compte de toutes les mesures de contrôle prévues pour déterminer le risque associé à chacun des dangers cernés. La plus récente évaluation des risques avait été effectuée en novembre 2017.
L'évaluation qualitative du risque comprend l'analyse de chaque danger pour déterminer si des mesures de contrôle adéquates de prévention et d'atténuation sont en place pour gérer le risque. Trans Mountain exige que chaque mesure de contrôle soit mise en œuvre, gérée et consignée de façon appropriée. Les 2 plus récentes évaluations qualitatives du risque remontaient à 2013 et 2016.
À la station de pompage Darfield, les dangers associés aux pompes, aux réservoirs de dépôts et aux conduites d'installations (y compris les conduites de petit diamètre) avaient été cernés. En ce qui concerne les conduites de petit diamètre, les dangers potentiels liés aux vibrations qui agissent sur les raccordements filetés étaient consignés dans l'évaluation qualitative du risque. Les mesures de contrôle applicables (mesures techniques ou procédurales) avaient été mises en œuvre pour contrer la rupture par fatigue. Cependant, l'effet particulier de charges et de contraintes externes additionnelles sur les composants de conduites de petit diamètre, comme les contraintes de flexion lorsque ces composants sont montés à un angle de 90°, n'avait pas été pris en compte.
Exigences réglementaires de gestion des dangers et risques
L'ONE exige des compagnies de pipelines qu'elles prévoient, préviennent, atténuent et gèrent les dangers et les risques liés à leurs activités. Les vérifications et les inspections constituent les principaux outils de l'ONE pour vérifier si les compagnies qui relèvent de sa compétence se conforment aux dispositions réglementaires applicables. Il utilise un modèle fondé sur le risque pour évaluer les compagnies réglementées et leurs installations et déterminer les activités appropriées dans le but de vérifier leur conformité.
L'ONE avait effectué une vérification du programme de gestion de Trans Mountain en février 2009. Elle comprenait un examen exhaustif des programmes d'intégrité, de prévention des dommages, de santé et de sécurité, et de protection de l'environnement de la compagnie. Publié en mars 2010, son rapport définitif relevait plusieurs cas de non-conformité à l'approche systémique proactive de Trans Mountain pour cerner les dangers. Trans Mountain a par la suite présenté un plan de mesures correctives, que l'ONE a approuvé. En février 2014, l'ONE a accepté les mesures correctives qui avaient été mises en œuvre et a clos sa vérification.
En mai 2015, l'ONE a effectué une inspection à la station de pompage Darfield. Cette inspection n'a relevé aucune situation de non-conformité liée au programme de gestion de l'intégrité de la compagnie.
Mesures prises par Trans Mountain
À la suite de l'événement à l'étude, Trans Mountain a élaboré une définition de la configuration révisée pour les conduites comprenant des débitmètres. La configuration révisée vise à atténuer les effets des charges de flexion qui peuvent contribuer à la fatigue induite par les vibrations dans les raccordements filetés de petit diamètre. La nouvelle configuration a été adoptée à la station de pompage Darfield.
Trans Mountain a effectué des inspections de tous les débitmètres à coin et de leurs raccords connexes à l'échelle du pipeline Trans Mountain. Ces inspections ont permis à Trans Mountain de repérer, à 4 autres stations de pompage, des raccords dont la configuration était similaire à celle de la station de pompage Darfield au moment de l'événement. Ces raccords ont été remplacés par des raccords de configuration révisée. De plus, Trans Mountain a amorcé une inspection systématique à d'autres installations pour cerner et corriger des situations où des raccordements filetés sont soumis à des charges de flexion et à des vibrations.
Message de sécurité
Pour gérer efficacement le risque de ruptures par fatigue induites par des vibrations, le programme de gestion de l'intégrité d'une compagnie de pipeline doit cerner et atténuer les dangers liés aux vibrations, y compris les charges et les contraintes externes additionnelles, en particulier pour les raccordements filetés de petit diamètre.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .