Rapport d'enquête ferroviaire R93T0201

Déraillement
CN Amérique du Nord
Train numéro 219-13
Point milliaire 255,6,
subdivision Bala
Sudbury (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Les freins d'urgence d'un train du CN Amérique du Nord (CN) en direction nord se sont déclenchés aux environs du point milliaire

    255,6 de la subdivision Bala. Deux wagons-citernes, les 35e et 36e wagons du train, contenant tous deux des résidus d'un produit réglementé, ont déraillé mais sont restés sur leurs roues. On a cependant découvert que du sulfure d'hydrogène fuyait de l'un des wagons et des employés y ont été exposés. Les employés en question n'ont pas signalé avoir subi d'effets néfastes immédiats de leur exposition au produit.

    Le Bureau a déterminé qu'un manque d'écartement des glissoirs de traverse danseuse et l'usure des pièces de bogies du 35e wagon au moment où le train abordait une courbe ont causé un déraillement par chevauchement du rail. La fuite de sulfure d'hydrogène s'est produite parce qu'un joint de la buse du trou d'homme, auquel on n'avait pas touché depuis quatre ans, avait été mal installé et s'était détérioré.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 L'accident

    Le train de marchandises no 219-13 du CN Amérique du Nord (CN), désigné sous le nom de Facultatif 5214 Nord, a quitté le triage MacMillan du CN près de Toronto (Ontario) à 15 h 35, heure normale de l'Est (HNE), le 13 août 1993, en direction de Winnipeg (Manitoba). Vers 23 h 15 HNE, comme la locomotive de tête se trouvait aux environs du point milliaire 255,7 et le train roulait à une vitesse consignée de 30 mi/h, les freins d'urgence du train se sont déclenchés.

    Après avoir pris les mesures d'urgences nécessaires, l'équipe du train a établi que les 35e et 36e wagons, contenant tous deux des résidus de marchandises dangereuses, avaient déraillé.

    Les employés ont été exposés à du sulfure d'hydrogène, mais ils n'ont signalé aucun effet néfaste immédiat. On a découvert que l'un des wagons déraillés laissait fuir du sulfure d'hydrogène.

    1.2 Dommages au matériel

    Les deux wagons qui ont déraillé ont été légèrement endommagés.

    1.3 Autres dommages

    Environ 100 pieds de voie ont été détruits et environ 5 000 pieds de voie et un aiguillage ont été endommagés.

    1.4 Renseignements sur le personnel

    L'équipe du train se composait d'un chef de train et d'un mécanicien qui prenaient place dans la locomotive de tête. Ils répondaient aux exigences de leurs postes respectifs et satisfaisaient aux exigences en matière de condition physique et de repos.

    1.5 Renseignements sur le train

    Le train était constitué de deux locomotives, CN 5214 et CN

    5165, et de 62 wagons, soit 51 wagons vides et 11 wagons chargés. Il mesurait environ 3 950 pieds de longueur et pesait environ 3 100 tonnes. Le personnel du service d'entretien du triage MacMillan avait inspecté le train avant son départ et effectué les essais de frein requis. Aucune irrégularité n'avait été remarquée.

    1.6 Renseignements sur le lieu de l'événement

    Il y avait des marques de boudins de roues sur l'extrémité des traverses à partir du point milliaire 254,8, environ 148 pieds après le seuil du pont qui enjambe la rivière Wanapitei, près de la sortie d'une courbe de sept °. De l'autre côté du pont, les traverses étaient considérablement endommagées entre les rails, et l'extrémité est des traverses de l'aiguillage situé au point milliaire 255,6 était endommagé. L'aiguillage était endommagé et les wagons-citernes nos CGTX55756 et PROX41064 étaient déraillés mais étaient restés sur leurs roues un peu après l'aiguillage.

    1.7 Particularités de la voie

    Dans le secteur du déraillement, la voie principale simple était constituée de longs rails soudés de 132 livres, posés en 1987 et fixés au moyen d'anticheminants de type Fair sur des traverses Nordwood placées à raison de 3 110 par mille. La voie était en bon état.

    La vitesse maximale permise pour les trains de marchandises entre les points milliaires 254,6 et 256,8 était de 35 mi/h.

    1.8 Méthode de contrôle du mouvement des trains

    Dans ce secteur, le mouvement des trains était régi par le système de commande centralisée de la circulation (CCC) en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada et supervisé par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Toronto.

    1.9 Conditions météorologiques

    Le ciel était dégagé. Un vent léger soufflait du nord-nord-ouest à 6 km/h et la température était de 19,6 ° C. La visibilité était bonne.

    1.10 Renseignements consignés

    Les données du consignateur d'événements ont indiqué qu'aux environs du point milliaire 254,8, le train roulait à une vitesse consignée de 38 mi/h, la manette des gaz était à la position no 4, les freins étaient desserrés et le train ralentissait. En arrivant au point milliaire 255,7, le train roulait à une vitesse consignée de 30 mi/h et les freins étaient toujours desserrés. La manette des gaz venait juste d'être placée à la position no 8 lorsque les freins d'urgence se sont déclenchés.

    Le détecteur de boîtes chaudes situé au point milliaire 245,4 n'a pas relevé d'irrégularité.

    1.11 Inspection des pièces des wagons-citernes

    Le wagon-citerne CGTX55756 était muni de bogies Barber S-2-A et de ressorts D-3. Les quatre patins stabilisateurs de l'extrémité «A» étaient soulevés d'un pouce ou plus. Trois des quatre patins stabilisateurs de l'extrémité «B» étaient soulevés de plus d'un pouce. L'écartement des glissoirs de traverse danseuse était nul aux coins AR et BL du wagon. Un wagon dont l'écartement des glissoirs de traverse danseuse est nul ne satisfait pas au Règlement concernant les normes minimales de sécurité et d'inspection des wagons marchandises, sauf s'il est conçu comme tel, et doit être retiré du service et réparé.

    On a découvert que le wagon-citerne PROX41064 avait été entretenu conformément aux normes de l'industrie.

    1.12 Marchandises dangereuses

    1.12.1 Sulfure d'hydrogène

    Le wagon-citerne CGTX55756 contenait environ 6 000 livres de résidus de sulfure d'hydrogène (H2S).

    Le H2S est un gaz extrêmement toxique, incolore et inflammable qui se caractérise par une forte odeur d'oeufs pourris. Comme le H2S peut détruire rapidement le sens de l'odorat, on ne peut se fier à l'odeur pour détecter sa présence.

    Des concentrations de 20 à 150 parties par million (PPM) causent l'irritation des yeux. Des concentrations légèrement plus élevées peuvent irriter les voies respiratoires supérieures et même causer un oedème pulmonaire après exposition prolongée. Une concentration de 300 PPM est considérée comme «présentant un danger immédiat pour la vie ou la santé» par le National Institute for Occupational Safety and Health. L'organisation des Nations Unies (ONU) recommande de classifier le H2S dans la catégorie des gaz toxiques.

    Au moment de l'événement, le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses donnait au H2S une classification de 2.1 (gaz inflammable), 6.1 (matière toxique) et 9.2 (dangereux pour l'environnement).

    À l'heure actuelle, l'annexe II et l'annexe XII du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses classifient le sulfure d'hydrogène différemment.

    1.12.2 Acétate de vinyle

    Le wagon-citerne PROX41064 contenait un résidu d'acétate de vinyle, qui portait les classifications 3.2 (liquide inflammable) et 9.2 (dangereux pour l'environnement).

    L'acétate de vinyle est un liquide inflammable volatil qui peut réagir avec plusieurs autres matières, y compris l'air et l'eau. Il fait partie de la liste des matières extrêmement dangereuses publiée par l'Environmental Protection Agency des États-Unis.

    1.12.3 Identification des marchandises dangereuses (sulfure d'hydrogène)

    Le wagon-citerne CGTX55756 portait une plaque de «résidus» de gaz inflammable. La plaque rouge portait une flamme blanche dans un coin et le mot «residue» écrit en rouge sur un losange blanc. Les plaques portaient le numéro d'identification de l'ONU (UN 1053). Il y avait des plaques de chaque côté et de chaque bout du wagon comme l'exige le règlement. Les mots «Inhalation Hazard» («Évitez d'inhaler») avaient été tracés de chaque côté du wagon. Les lettres mesuraient quatre pouces de hauteur.

    Le bulletin de composition du train identifiait le wagon par l'abréviation «Dan» (pour marchandises dangereuses) et indiquait qu'il était vide.

    Le connaissement l'identifiait comme wagon vide qui avait eu pour dernier chargement du sulfure d'hydrogène, 2.1 - gaz inflammable (6.1 - matière toxique) (9.2 - dangereux pour l'environnement), UN 1053, et indiquait qu'il était couvert par un permis spécial no 676 de la Commission canadienne des transports (CCT).

    1.12.4 Fuite de marchandises dangereuses

    Un assistant surintendant du CN est arrivé sur les lieux du déraillement moins de 30 minutes après le déraillement. Il a remarqué une forte odeur d'oeufs pourris aux alentours des wagons qui avaient déraillé et, à un moment donné, s'est mis à tousser, apparemment après avoir inspiré le produit qui fuyait. Il a effectué une inspection préliminaire du wagon CGTX55756 mais n'a pas pu déterminer l'origine de la fuite.

    Une équipe de réenraillement du CN est arrivée 15 minutes plus tard et, après avoir mis des appareils respiratoires autonomes, s'est servie d'un explosimètre et d'un appareil de détection chimique «Draeger» pour tenter de déterminer la source de la fuite et le taux de rejet, mais en vain. On n'a pas pu détecter de quantité mesurable de produit, mais au cours des opérations de réenraillement, les employés percevaient de temps en temps une odeur d'oeufs pourris.

    Une fois remis sur les rails, les deux wagons-citernes ont été amenés 20,8 milles plus loin, sur la voie de réparation du CN à Capreol (Ontario). Les employés du CN qui se trouvaient à Capreol ont aussi mentionné avoir remarqué une odeur d'oeufs pourris autour du wagon CGTX55756.

    On a laissé le wagon-citerne CGTX55756 sur une voie de réparation pendant toute la fin de semaine du 14 et du 15 août 1993.

    On n'a pas établi les caractéristiques ou les dangers du H2S et on n'a pas pris les mesures d'intervention d'urgence appropriées en cas de fuite. On aurait pu se procurer tous ces renseignements en communiquant avec le CCF ou en consultant la publication de Transports Canada intitulée Marchandises dangereuses, guide de premières mesures d'urgence . Les employés du CN ont déclaré qu'ils croyaient que l'odeur d'oeufs pourris provenait du produit déversé sur la citerne après le déchargement du wagon.

    Le matin du 16 août 1993, les employés du CN ont encore une fois enquêté sur la source de l'odeur et ils ont déterminé que le H2S fuyait par le trou d'homme de la citerne. On s'est servi d'un appareil de détection «Draeger» pour mesurer la concentration de produit autour du trou d'homme. Au début, on a incorrectement interprété le relevé de la concentration comme étant de 60 PPM mais on a plus tard déterminé qu'elle était plutôt de 600 PPM. Le CN est aussitôt entré en communication avec la Thio-Pet Chemicals Limited (Thio-Pet) de Fort Saskatchewan (Alberta), le locataire du wagon-citerne. À son tour, la Thio-Pet a communiqué avec la Liquid Carbonic, de Corunna (Ontario), le destinataire du wagon lorsque ce dernier est chargé.

    La Liquid Carbonic a envoyé une équipe de deux personnes pour tenter d'arrêter la fuite. Ce soir- là, après avoir étudié la possibilité d'arrêter la fuite en serrant les écrous des goujons de fixation de la buse du trou d'homme, l'équipe de la Liquid Carbonic a conclu que les écrous et les goujons étaient rouillés et que, si l'on essayait de les serrer, on courait le risque d'endommager le joint d'étanchéité et d'empirer la fuite. Ils ont aussi constaté que le wagon était sous pression à 230 livres au pouce carré (lb/po2), la pression de vaporisation du H2S étant d'environ 67 ° Fahrenheit. À ce moment-là, Transports Canada ne voulait pas autoriser que le wagon soit ramené à la Liquid Carbonic pour qu'on puisse s'en occuper.

    Le matin du 18 août 1993, la Thio-Pet a décidé d'envoyer une équipe à Capreol pour tenter de dépressuriser la citerne en procédant au torchage du gaz sous pression. Transports Canada a alors délivré un permis pour déplacer le wagon et l'amener dans une carrière de gravier isolée, à environ quatre milles de Capreol, où le torchage devait avoir lieu.

    On a procédé au torchage le matin du 19 août 1993 et l'opération a été exécutée avec professionnalisme. Elle s'est terminée à 8 h 30 HNE le 20 août 1993. Le wagon vide a été ramené à la Thio-Pet pour être purgé puis envoyé à l'atelier de la CGTX Inc. (CGTX) à Red Deer (Alberta) pour être réparé.

    1.12.5 Exigences relatives aux wagons-citernes transportant du sulfure d'hydrogène

    1.12.5.1 Association of American Railroads

    Le Manual of Standards and Recommended Practices de l'Association of American Railroads (AAR) précise que le H2S ne devrait être expédié par rail qu'exceptionnellement. Il faut un permis d'un organisme de réglementation et les matériaux de construction, les accessoires et les procédés de fabrication des wagons- citernes doivent excéder les normes habituelles.

    De plus, l'AAR exige que l'intérieur des wagons-citernes de H2S soit inspecté six mois après leur entrée en service puis, subséquemment, à tous les 12 mois.

    1.12.5.2 Office des normes générales du Canada

    C'est maintenant l'Office des normes générales du Canada (ONGC) qui est responsable des spécifications relatives aux citernes des wagons-citernes utilisés pour transporter des produits réglementés, spécifications anciennement contenues dans le Règlement régissant le transport des marchandises dangereuses par chemin de fer . La norme 43-GP-147 de l'ONGC, publiée en décembre 1992, stipule que le H2S doit être expédié dans des citernes de wagons-citernes de la classe 106A800X.

    1.12.5.3 Citernes des wagons-citernes de classe 106A800X

    Les citernes des wagons-citernes de classe 106A sont transportées sur des wagons plats et sont conçues pour être retirées du wagon lorsqu'elles se font remplir et vider. Ces citernes (d'une tonne) doivent satisfaire à des normes rigoureuses quant au matériau et à la fabrication et être soumis à des essais de pression de 800 lb/po2.

    1.12.5.4 Permis spécial no 676 (révision 35)

    La sécurité du transport des marchandises dangereuses par chemin de fer est régie par les dispositions du Règlement régissant le transport des marchandises dangereuses par chemin de fer et du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses .

    Le permis spécial no 676 a été délivré aux membres de l'Association des chemins de fer du Canada pour assurer la livraison d'importantes quantités de H2S au programme de développement de l'énergie atomique du Canada. Ce permis exemptait les compagnies ferroviaires canadiennes de l'exigence de l'AAR qui interdit l'expédition en vrac du H2S, de même que des dispositions du Règlement régissant le transport des marchandises dangereuses par chemin de fer qui exigent l'usage exclusif des citernes de wagons-citernes de type 106A800X.

    Le permis spécial no 676 (révision 35), entré en vigueur le 21 janvier 1991 et venant à expiration le 6 novembre 1995, a été délivré aux termes de l'article 71.6 du Règlement régissant le transport des marchandises dangereuses par chemin de fer . L'article 71.6 alloue des exemptions aux exigences du règlement pourvu que le niveau de sécurité lié à la reconnaissance de l'exemption «ne fasse pas diminuer de façon appréciable les normes de sécurité». Le permis en question identifie le H2S comme étant un produit de classe 2.1 (6.1).

    La Loi sur le transport des marchandises dangereuses ne prévoit pas d'exemptions similaires à celles de l'article 71.6, bien que le paragraphe 31(1) stipule qu'un permis permettant toute activité non conforme à la loi peut être délivré, à condition de conserver un niveau de sécurité au moins égal à celui prévu par la loi.

    1.12.5.5 Permis no SR4574

    Le 12 octobre 1994, Transports Canada a délivré le permis no SR4574, «Permis de niveau équivalent de sécurité», à la Thio-Pet. Ce permis autorise l'expédition en vrac du H2S et indique qu'une telle expédition peut se faire même si elle n'est pas conforme aux dispositions du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses .

    1.13 Autres renseignements

    1.13.1 Wagon-citerne CGTX55756

    La CGTX de Montréal (Québec) est propriétaire du wagon-citerne CGTX55756. La CGTX a loué le wagon le 5 novembre 1986 à la Thio-Pet de Fort Saskatchewan (Alberta). Au moment du déraillement, on amenait le wagon de la Liquid Carbonic à Corunna pour le charger à la Thio-Pet à Fort Saskatchewan.

    Le wagon-citerne CGTX55756 a été fabriqué en novembre 1965 conformément à la spécification 105A600W de la CCT. La citerne avait été inspectée la dernière fois en 1988 et l'essai le plus récent de la soupape de sécurité remontait à 1992.

    La CGTX a fait savoir que, lorsque les citernes des wagons-citernes affectés au transport du H2S sont mises à l'essai, les buses des trous d'homme sont retirées et l'intérieur de chaque citerne est inspecté visuellement. Ni la CGTX ni la Thio-Pet n'étaient au courant de l'exigence de l'AAR relative à l'inspection annuelle de l'intérieur des citernes.

    On a eu de la difficulté à retirer la buse du trou d'homme parce que les 20 goujons de fixation étaient fortement rouillés et que 14 des écrous étaient grippés sur les goujons. Une fois la buse retirée, on a découvert qu'une section de 3 pouces 1/2 de longueur du joint de la buse n'était pas bien installée dans l'anneau d'étanchéité. Le joint avait été coincé lorsque la buse avait été fermée; il était endommagé et usé de manière inégale.

    La gaine du thermomètre et les tuyaux de la canalisation d'échantillonnage avaient été obturés intentionnellement. On avait recouvert de peinture le petit robinet situé dans la partie inférieure de la soupape de sécurité qui sert à vérifier l'intégrité du disque de sécurité; il ne semblait pas avoir été ouvert depuis. Les quatre boulons de fixation de la soupape de sécurité étaient fortement corrodés et un des boulons avait été coupé au chalumeau. L'isolation à la mousse, vaporisée à l'intérieur de la citerne en 1989, atteignait la buse du trou d'homme et ne semblait pas avoir été déplacée depuis son application.

    1.13.2 Évolution des préoccupations liées à l'usure des pièces de suspension des bogies

    Des recherches effectuées par les compagnies ferroviaires canadiennes et l'AAR ont relevé les effets néfastes de l'usure des pièces de bogies sur l'amortissement de la suspension et la rigidité des bogies. Il a été démontré que les wagons-citernes qui résistent au mouvement de torsion sont plus susceptibles de dérailler à cause de l'usure des pièces de bogies. Le BST a fait des recommandations sur l'usure des pièces de bogies relatives aux limites critiques et au recouvrement des coûts (R92-06 et R92-07 faites en mars 1992).

    En réaction à ces recommandations, l'industrie ferroviaire a adopté une norme établissant la limite maximale critique du soulèvement des patins stabilisateurs à 3/4 de pouce pour les bogies Barber S-2-A munis de ressorts D-3; cette norme ne s'applique cependant qu'aux wagons remis en service après avoir été reconstruits ou réparés. Les wagons soumis à l'exigence d'inspection décennal ou les wagons-citernes qui sont inspectés conformément au programme d'inspection des longrines doivent également satisfaire à cette norme lors de l'inspection. Tous les wagons-citernes équipés de ressorts D-3 doivent être inspectés et satisfaire à cette norme, mais seulement avant le 31 décembre 1997. Les nouvelles exigences stipulent aussi que, lorsque viendra le temps de remplacer les ressorts stabilisateurs, ils devront être remplacés par des ressorts latéraux à boudin double pour réduire l'effet négatif de l'usure des pièces sur l'amortissement de la suspension.

    1.13.3 Inspections des wagons-citernes de la CGTX affectés au transport de sulfure d'hydrogène

    Les citernes des cinq autres wagons-citernes de la CGTX affectés au transport de H2S avaient été inspectées la dernière fois aux dates suivantes :

    • CGTX55755 - 1989
    • CGTX55757 - 1993
    • CGTX55758 - 1991
    • CGTX55759 - 1985
    • CGTX55760 - 1984

    1.13.4 Déchargement du sulfure d'hydrogène

    Le déchargement de H2S aux installations de la Liquid Carbonic à Corunna entraîne des différences de pression d'un conteneur à l'autre. À la suite du déchargement, la citerne est sous pression et il y reste toujours un peu de produit liquide.

    Pendant leur déchargement aux installations de la Liquid Carbonic, les wagons de H2S sont placés à l'écart et gardés sous surveillance électronique à l'aide de détecteurs de gaz. Des détecteurs de gaz sont placés de façon stratégique de manière à pouvoir détecter la moindre fuite de H2S.

    Le wagon-citerne CGTX55756 ne fuyait pas avant, pendant ou après son déchargement à la Liquid Carbonic.

    2.0 Analyse

    2.1 Introduction

    L'analyse portera sur la cause du déraillement et sur la manutention du wagon-citerne qui fuyait. On traitera aussi de la façon de protéger les employés des chemins de fer et le public contre les dangers liés à l'exposition au H2S.

    2.2 Examen des faits

    2.2.1 Le déraillement

    Il n'y avait pas de défaillance de rail ni d'irrégularité de la géométrie de la voie apparents dans le secteur du déraillement. L'exploitation du train, sauf pour un excès de vitesse de 3 mi/h au-dessus de la limite de 35 mi/h, était conforme aux méthodes de la compagnie et aux normes de sécurité du gouvernement. L'excès de vitesse n'a pas eu d'incidence sur le déraillement. Donc, l'exploitation du train et l'état de la voie n'ont pas causé le déraillement et n'y ont pas contribué.

    Au moment où le wagon-citerne CGTX55756 passait dans la courbe de sept ° au point milliaire 254,8, l'absence d'écartement des glissoirs de traverse danseuse a restreint la marge de rotation des bogies et augmenté les efforts latéraux sur les roues. L'usure des pièces de bogies a fait augmenter la tendance naturelle du mouvement de torsion du bogie, augmentant l'angle d'attaque entre les boudins des roues et le rail; la roue a alors chevauché le rail, entraînant le déraillement du bogie arrière. Le train a continué à rouler de cette façon jusqu'à ce que les roues déraillées heurtent l'aiguillage du point milliaire 255,6, causant la séparation du boyau d'accouplement de conduite générale, le déclenchement des freins d'urgence et le déraillement du wagon suivant.

    Le soulèvement des patins stabilisateurs du wagon-citerne CGTX55756 répondait aux normes de l'AAR pour les wagons en service mais aurait dépassé les limites si le wagon avait été assujetti aux nouvelles normes de l'AAR décrites dans la section 1.13.2 du présent rapport. L'usure des pièces de bogies continuera de causer des déraillements de wagons-citernes jusqu'à ce que les wagons dont le soulèvement des patins stabilisateurs dépasse les limites prescrites soient détectés et retirés du service.

    2.2.2 Inspection mécanique des wagons

    Lors des dernières inspections, le manque d'écartement des glissoirs de traverse danseuse n'avait pas été remarqué. Une défaillance de cette nature se développe au cours des mois; le wagon avait certainement été inspecté un grand nombre de fois avant l'événement en question. Il est relativement facile d'examiner l'écartement des glissoirs de traverse danseuse sur les wagons-citernes de ce type; le manque d'écartement aurait donc dû être évident lors des inspections.

    2.2.3 Détection du sulfure d'hydrogène

    On pouvait sentir l'odeur d'oeufs pourris du sulfure d'hydrogène près du wagon-citerne CGTX55756. Les employés se sont approchés du secteur du déraillement apparemment sans se rendre compte du risque qu'ils couraient à être exposés à ce gaz toxique et inflammable. Même si le nom du produit et un avertissement indiquant d'éviter d'inhaler étaient inscrits sur le wagon et sur le connaissement, personne n'a communiqué avec le CCF pour obtenir des renseignements sur l'intervention d'urgence, consulté la publication de Transports Canada intitulée Marchandises dangereuses, guide de premières mesures d'urgence ou cherché à obtenir plus d'information sur le produit.

    Sur le lieu du déraillement, les employés du CN ont utilisé un explosimètre et un appareil de détection chimique «Draeger» pour essayer de localiser le produit qui fuyait et de déterminer le taux de rejet. Ces instruments convenaient mal aux conditions qui existaient à ce moment-là. Les deux instruments peuvent mesurer avec précision la teneur des produits chimiques sous forme de gaz dans l'air mais ne devraient servir à localiser les fuites que dans des conditions très particulières. L'explosimètre n'aurait pu détecter la présence de H2S qu'une fois que le H2S avait atteint une concentration bien au-dessus de la concentration mortelle.

    2.2.4 Sulfure d'hydrogène

    Le H2S peut rapidement détruire le sens de l'odorat et, en très peu de temps, être mortel s'il atteint une concentration de plus de 300 PPM. La plaque identifiant le wagon comme contenant des résidus de gaz inflammable n'a pas suffi à bien renseigner les employés du CN qui travaillaient autour du wagon sur le lieu du déraillement et à Capreol le matin du 16 août 1993 sur les dangers que représente le H2S. Les wagons- citernes qui contiennent des gaz inflammables sont monnaie courante et les employés des chemins de fer ne considèrent habituellement pas ces matières comme dangereuses à inhaler sauf en très grande concentration. Le danger d'explosion et d'incendie sont leur préoccupation première et immédiate en présence de fuites de produits semblables. Si des plaques portant le symbole de la tête de mort avaient été affichées sur le wagon, symbole satisfaisant aux conventions internationales et tout à fait indiqué pour identifier le H2S, il ne fait aucun doute que les premiers employés à s'approcher du wagon auraient évité toute exposition prolongée.

    Les seuls renseignements sur le produit donnés par le connaissement ou le bulletin de composition du train indiquaient qu'il s'agissait d'une matière dangereuse. Le permis spécial no 676 et le nom du produit inscrits sur le connaissement et sur le côté du wagon n'ont pas donné d'avertissement supplémentaire sur la nature extrêmement dangereuse du produit. La plupart des employés de chemins de fer ignorent la signification du permis spécial no 676 et ne connaissent pas les dangers inhérents au sulfure d'hydrogène.

    2.2.5 Wagon-citerne CGTX55756

    2.2.5.1 Entretien du wagon

    Du produit fuyait du wagon-citerne CGTX55756 parce que le joint de la buse du trou d'homme avait été coincé lors de l'installation et s'était détérioré avec le temps. Le joint déjà affaibli a pu être endommagé davantage par les efforts imposés au wagon, qui a continué à rouler hors des rails sur environ 5 000 pieds, et par les secousses graves lorsque le wagon est passé par l'aiguillage au point milliaire 255,6.

    Les normes de l'AAR stipulent que les wagons affectés au transport du H2S soient inspectés annuellement. La CGTX a déclaré que l'inspection se fait en même temps que l'essai de pression annuel. Bien que les dossiers de la CGTX indiquent que la soupape de sécurité du wagon CGTX55756 avait été vérifiée en 1992, l'importance de la corrosion sur les boulons de fixation de la buse du trou d'homme et le fait que la couche de protection thermique appliquée en 1989 n'avait pas été dérangée indiquent que la buse du trou d'homme n'avait pas été retirée depuis au moins quatre ans.

    Si la buse du trou d'homme avait été retirée à chaque année pour l'inspection interne, on aurait découvert que le joint était coincé et on l'aurait remplacé avant qu'il ne se détériore au point de permettre la fuite.

    Les dossiers de la CGTX indiquant les dates des essais de pression du parc de wagons-citernes de H2S démontrent que les wagons-citernes sont soumis à des essais de pression et de soupape de sécurité aux intervalles requis pour tous les wagons-citernes de classe 105 (à tous les 10 ans et à tous les 5 ans respectivement). Les inspections annuelles exigées par l'AAR ne sont donc pas effectuées.

    2.2.6 Le règlement

    2.2.6.1 Les plaques

    Les exigences relatives aux plaques d'identification du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses ne conviennent pas puisque ce produit est en premier lieu un gaz toxique qui doit être identifié par le symbole de la tête de mort, et elles doivent être modifiées pour refléter la nature toxique du gaz.

    2.2.6.2 Le permis spécial

    Le permis spécial vient à expiration le 6 novembre 1995. La Loi sur le transport des marchandises dangereuses permet qu'un tel permis soit délivré si le niveau de sécurité stipulé par la loi peut être maintenu. Puisque la loi exige que le H2S soit expédié dans des citernes de wagons-citernes de classe 106A (contenants d'une tonne), on devrait discontinuer le transport en vrac dans des citernes de classe 105 puisque le niveau de sécurité assuré par les contenants d'une tonne ne peut être maintenu dans des wagons-citernes de grande dimension. Le transport du H2S par wagons-citernes de classe 105 devrait cesser le 6 novembre 1995.

    2.2.6.3 Torchage des gaz

    Une fois que l'on a pris conscience des dangers liés au produit qui fuyait, on a mis en oeuvre les mesures d'urgence appropriées avec prudence et diligence. Le torchage s'est fait sans incident et avec un minimum de risque.

    3.0 Faits établis

    1. L'exploitation du train et l'état de la voie n'ont pas contribué au déraillement.
    2. Les roues avant du bogie arrière du wagon-citerne CGTX55756 ont déraillé puis heurté un aiguillage, entraînant le déraillement du wagon suivant et la séparation du boyau d'accouplement de conduite générale.
    3. L'usure combinée des pièces de bogies du wagon-citerne CGTX55756, qui a réduit la résistance au mouvement de torsion du bogie, et l'absence d'écartement des glissoirs de traverse danseuse des extrémités AR et BL du wagon, qui a restreint la marge de rotation des bogies lorsque le train a abordé la courbe de sept °, ont entraîné une augmentation suffisante de l'angle d'attaque entre les boudins des roues et le rail de la file haute de la courbe pour que la roue chevauche le rail.
    4. L'écartement des glissoirs de traverse danseuse du wagon-citerne CGTX55756 ne satisfaisait pas au Règlement concernant les normes minimales de sécurité et d'inspection des wagons marchandises .
    5. Les inspections faites sur le wagon avant l'événement n'ont pas permis de détecter le manque d'écartement des glissoirs de traverse danseuse du wagon-citerne CGTX55756, qui existait depuis longtemps.
    6. L'usure des pièces de bogies n'avait pas atteint la limite critique de l'AAR (applicable au moment de l'événement) pour les wagons en service.
    7. Du sulfure d'hydrogène a fui du wagon CGTX55756 parce que le joint de la buse du trou d'homme, qui n'avait pas été retiré ou remplacé depuis au moins quatre ans, avait été mal installé et s'était détérioré.
    8. La plaque dont était doté le wagon CGTX55756 ne donnait pas aux employés suffisamment d'avertissement si l'on tient compte de la nature toxique du sulfure d'hydrogène.
    9. Le transport du sulfure d'hydrogène se fait en vrac dans des wagons-citernes qui, de par leur conception et résistance, ne correspondent pas aux cylindres d'une tonne qu'exige le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses .
    10. Les employés du CN se sont approchés du lieu de l'événement et croyaient qu'il n'y avait pas de vapeurs de sulfure d'hydrogène autour.
    11. Les employés du CN qui sont entrés en contact avec le sulfure d'hydrogène ne connaissaient apparemment pas les dangers associés au produit et n'ont pas tenté d'obtenir des renseignements additionnels pour se protéger. Les mesures d'intervention d'urgence appropriées n'ont pas été prises.
    12. Les dispositifs de détection de gaz utilisés sur le lieu du déraillement convenaient mal pour déterminer l'emplacement de la fuite ou le taux de rejet.
    13. L'inspection interne du wagon-citerne CGTX55756 n'a pas été faite aux intervalles prescrits par l'AAR.
    14. Le propriétaire et le locataire du wagon ne savaient pas qu'il fallait faire une inspection interne annuelle de la citerne.
    15. Le torchage du sulfure d'hydrogène a été fait avec professionnalisme et un minimum de risque.

    3.1 Cause

    Un manque d'écartement des glissoirs de traverse danseuse et l'usure des pièces de bogies du 35e wagon au moment où le train abordait une courbe ont causé un déraillement par chevauchement du rail. La fuite de sulfure d'hydrogène s'est produite parce qu'un joint de la buse du trou d'homme, auquel on n'avait pas touché depuis quatre ans, avait été mal installé et s'était détérioré.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures prises

    4.1.1 Mesures d'intervention d'urgence

    En septembre 1993, le BST a fait parvenir une lettre d'information sur la sécurité ferroviaire à Travail Canada et à Transports Canada au sujet d'irrégularités possibles en ce qui a trait aux mesures d'intervention d'urgence à la suite d'un déversement de sulfure d'hydrogène et à la façon de disposer du wagon-citerne CGTX55756 après l'accident. Transports Canada a répondu que le personnel d'intervention d'urgence du CN avait pris les mesures appropriées dans les circonstances.

    4.1.2 Entretien des wagons-citernes

    À la suite de cet événement, des agents de la sécurité du Groupe de surface de Transports Canada ont inspecté le wagon CGTX55756 et ont informé les employés de la Thio-Pet Chemicals Limited sur les bonnes pratiques d'entretien et sur les responsabilités en matière d'arrimage des charges, notamment sur l'importance de vérifier l'intégrité des disques de sécurité.

    4.1.3 Plaques d'identification des marchandises dangereuses

    Au moment de l'événement, la documentation pertinente et les renseignements sur l'intervention d'urgence reflétaient correctement les multiples dangers associés au sulfure d'hydrogène. Par contre, les plaques affichées sur le wagon-citerne ne mentionnaient pas que le produit était très toxique. En vertu de l'annexe de modification no 18 de Transports Canada du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, la classification primaire du sulfure d'hydrogène est maintenant 2.3 (gaz toxique) et l'utilisation de la plaque 2.3 a été rendue obligatoire.

    4.1.4 Inspections de sécurité

    En décembre 1994, un Avis de sécurité ferroviaire du BST a été envoyé à Transports Canada au sujet de l'inspection des wagons-citernes. L'avis donnait cinq exemples, dont celui du wagon CGTX55756, où des wagons ayant des défaillances compromettant la sécurité avaient fait l'objet d'inspections du CN. L'avis mettait en évidence la nécessité d'une révision des méthodes et pratiques d'inspection du CN en ce qui a trait aux wagons-citernes.

    Transports Canada a répondu que la Direction générale de la sécurité ferroviaire avait effectué un sondage auprès d'inspecteurs de wagons autorisés du CN (et du CP) et en avait interviewé quelques-uns au hasard pour évaluer leurs connaissances des règles de sécurité. Conséquemment, le CN a mis en oeuvre un programme de recyclage à l'intention de ses inspecteurs qui porte sur les exigences de l'AAR relatives aux wagons d'échange et sur les règles d'inspection des wagons de marchandises.

    4.2 Mesures à prendre

    4.2.1 Transport du sulfure d'hydrogène

    Le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses stipule que le transport du sulfure d'hydrogène au Canada doit se faire dans des citernes de wagons-citernes à éléments multiples de classe TC 106A800X (cylindres d'une tonne). Cependant, le paragraphe 31(1) de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses indique, entre autres, que le ministre ou la personne désignée peut délivrer un permis autorisant toute opération qui n'est pas conforme à la Loi sur le transport des marchandises dangereuses mais dont il est convaincu qu'elle présente un niveau de sécurité au moins équivalent à celui prévu par la loi.

    Comme le démontre cet événement, le sulfure d'hydrogène se faisait expédier en vrac dans des wagons-citernes de classe 105J600W (faisant actuellement partie d'un parc de 14 wagons), en vertu du permis no SP

    676 délivré par Transports Canada (maintenant remplacé par le permis no SR4574). Habituellement, ces chargements proviennent de l'Ouest canadien et sont livrés à divers endroits d'un bout à l'autre du Canada.

    L'annexe A donne des renseignements et des spécifications, notamment sur la construction des récipients et la pression de tarage des dispositifs de sécurité des wagons-citernes de classe 105J600W et des cylindres de classe 106A800X. On voit bien, par ces renseignements, que les wagons de classe 105J600W ne sont pas l'équivalent des cylindres de classe 106A800X, et cela sous plusieurs aspects qui pourraient avoir une incidence sur le niveau de sécurité du confinement et du déplacement du sulfure d'hydrogène.

    Une fuite ou un déversement d'une grande quantité d'un produit sous pression, aussi toxique et inflammable que le sulfure d'hydrogène, pourrait avoir de graves conséquences. Pour diminuer la possibilité de telles émissions, il faut que les mesures de protection appropriées soient mises en place. Puisque le niveau de sécurité des wagons-citernes de classe 105J600W n'est pas aussi élevé que celui des cylindres des wagons- citernes à éléments multiples de classe 106A800X exigés en vertu du règlement, le Bureau recommande que :

    Le ministère des Transports réévalue la pertinence du permis no SR4574 pour les wagons-citernes de classe 105J600W en ce qui concerne le confinement et le déplacement du sulfure d'hydrogène en toute sécurité.

    4.3 Préoccupation liée à la sécurité

    4.3.1 Conformité aux règlements

    L'enquête sur cet événement a permis de découvrir que plusieurs aspects des méthodes d'inspection et de chargement de l'expéditeur n'étaient pas toujours conformes au Règlement sur le transport des marchandises dangereuses ou au règlement de l'AAR. De plus, ni le propriétaire du wagon ni l'expéditeur n'étaient au courant de toutes les exigences de l'AAR en ce qui concerne l'entretien annuel, et, lors des inspections régulières du wagon, le transporteur ne s'était pas aperçu que l'écartement des glissoirs de traverse danseuse était inadéquat. On ne peut pas justifier qu'un domaine particulier souffre de manquements systémiques à partir de ce seul événement; par contre, vu l'étendue et la gravité possible de certains manquements, le Bureau s'inquiète du fait que certains aspects des méthodes d'inspection et d'application des règlements laissent à désirer. Conséquemment, par un processus continu d'analyse d'événements similaires, le Bureau étudiera la question des inspections effectuées par les expéditeurs et les transporteurs et de l'application des règlements afin de relever les conditions dangereuses sous-jacentes et de recommander des mesures correctives.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.

    Annexes

    Annexe A - Spécifications relatives aux wagons-citernes de classe 105 et aux cylindres de classe 106

    Le tableau suivant donne des renseignements sur les spécifications relatives aux wagons-citernes de classe 105 et aux cylindres de classe 106.

    Comparaison entre les citernes de classe 105 et les cylindres de classe 106
    Spécification 105J600W 106A800X
    Pression d'essai 600 lb/po² 800 lb/po²
    Pression de tarage maximale du dispositif de sécurité 450 lb/po² ± 3 %
    (437-463 lb/po²)
    600 lb/po² ± 3 %
    (582-618 lb/po²)
    Pression d'étanchéité à la vapeur du dispositif de sécurité 360 lb/po² 480 lb/po²
    Dimension de la citerne : capacité maximale en eau (lb) Wagon-citerne : 287 903 lb Cylindre : 2 600 lb.

    Voici certaines différences notables entre les deux classes de récipients :

    • La pression d'essai du cylindre 106 est 33 p. cent plus élevée que celle des citernes 105.
    • La publication Emergency Action Guides («Guide d'intervention d'urgence») de l'AAR souligne que, durant le transport, la pression du sulfure d'hydrogène peut atteindre 350 à 400 lb/po2. La soupape de sécurité des wagons 105J600W peut s'ouvrir à aussi peu que 437 lb/po2, ce qui n'est que légèrement au-dessus des pressions qui peuvent se bâtir normalement durant le transport, et qui peut être dépassé si le wagon est mis en cause dans un accident ou un incendie. Si la soupape de sécurité s'ouvre pour une raison ou pour une autre pour réduire la pression interne, il se peut qu'elle ne soit plus étanche à la vapeur puisque la pression qui prévaut dans la citerne peut être supérieure à 360 lb/po2.
    • Un wagon-citerne de classe 105J600W contient plus de 100 fois le volume d'un cylindre de classe 106A800X; par conséquent, une plus grande quantité de produit peut se déverser en cas d'accident ou d'ouverture de la soupape de sécurité à cause d'une surpression.
    • La citerne d'un wagon-citerne comprend beaucoup plus de pièces qui doivent être inspectées et entretenues (par exemple, un wagon-citerne a un trou d'homme muni de joints d'étanchéité et de boulons de fixation; le dispositif de sécurité se compose d'un disque de sécurité et d'une soupape de sécurité; la citerne est montée en permanence sur un wagon de chemin de fer, et elle est par conséquent soumise à tous les efforts associés aux mouvements de trains, aux aiguillages, etc.).
    • Les soupapes des cylindres de classe 106A800X sont encastrées dans une dépression située en tête de cylindre et protégée par un couvercle de métal. Les soupapes ont été conçues de cette façon et placées à cet endroit pour qu'elles ne soient pas endommagés en cas de renversement. Sur les wagons-citernes de classe 105J600W, les soupapes se trouvent sur le dessus de la citerne, à l'intérieur de la buse du trou d'homme. Puisque la buse du trou d'homme surplombe la citerne, les soupapes risquent plus d'être endommagées.