Algoma Central Railway Company
Déraillement
Facultatif 202 Sud
Point milliaire 287,55, subdivision Northern
Stavert (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Une locomotive et les 19 premiers wagons de marchandises d'un train de l'Algoma Central Railway Company (ACR) en direction sud ont déraillé sur une voie en alignement droit, au point milliaire 287,55 de la subdivision Northern, 8,2 milles au sud de Hearst (Ontario).
Aucune marchandise dangereuse n'a été mise en cause, et personne n'a été blessé.
Le Bureau a déterminé que le déraillement a été causé par la rupture d'une éclisse d'un joint de rail qui n'avait pas été détectée antérieurement. Cette rupture a affaibli le joint de rail et a causé la rupture de l'éclisse opposée et le déplacement du rail sous le poids du groupe de traction. Les rails légers et le mauvais état de la voie et de la plate-forme ont aussi contribué au déraillement.
1.0 Renseignements de base
1.1 L'accident
À 9 h 25, heure normale de l'Est (HNE), le 26 février 1994, le Facultatif 202 Sud de l'Algoma Central Railway Company (ACR) a quitté Hearst (Ontario), point milliaire 295,7 de la subdivision Northern, pour se rendre à Hawk Junction (Ontario), point milliaire 164,6.
Le train roulait à environ 33 mi/h sur une voie en alignement droit au point milliaire 287,55 lorsque le mécanicien a senti la locomotive faire une embardée; les freins d'urgence ont aussitôt été serrés par la conduite générale. Après avoir pris les mesures d'urgence nécessaires, l'équipe a constaté que la troisième (dernière) locomotive du train et les 19 wagons suivants avaient déraillé.
Aucune marchandise dangereuse n'a été mise en cause, et personne n'a été blessé.
1.2 Dommages au matériel
La locomotive de queue a été légèrement endommagée, et 19 wagons-tombereaux vides ont subi des dommages considérables.
1.3 Autres dommages
Un tronçon de voie de 300 pieds a été détruit et une ligne d'énergie électrique a été renversée.
1.4 Renseignements sur le personnel
L'équipe se composait d'un chef de train, d'un mécanicien et de deux agents de train. Le mécanicien et un des agents de train se trouvaient dans la locomotive de tête et les autres membres de l'équipe étaient dans le fourgon de queue. Tous les membres de l'équipe répondaient aux exigences de leurs postes respectifs et satisfaisaient aux exigences en matière de repos et de condition physique.
1.5 Renseignements sur le train
Le train était formé de trois locomotives (nos 202, 101 et 100), de 51 wagons, dont
24 wagons vides, et d'un fourgon de queue. Il mesurait environ 2 800 pieds et pesait environ 3 428 tonnes.
Le train a été inspecté avant de quitter Hearst; aucune anomalie n'a été relevée.
1.6 Particularités de la voie
À l'endroit du déraillement, la voie principale était simple. La vitesse maximale autorisée est de 40 mi/h pour les trains de voyageurs et de 35 mi/h pour les trains de marchandises. Il passe habituellement à cet endroit six trains de voyageurs et six trains de marchandises par semaine. L'ACR interdit habituellement à ses locomotives lourdes à six essieux de circuler entre les points milliaires 277,5 et 294,33 de cette subdivision.
Dans le secteur, la voie était en alignement droit et se trouvait sur la moitié ouest d'un talus à voie double initialement construit en 1914. Sur la moitié est du talus, il y avait une vieille voie d'évitement qui n'était ni utilisée ni entretenue. Ce talus de gravier tout-venant avait une largeur totale d'environ 28 pieds et s'élevait à environ quatre pieds au-dessus du niveau du sol. Le ballast était constitué d'environ six pouces de scories et recouvert de gravier là oû le nivellement l'exigeait.
Entre les points milliaires 277,5 et 294,33, la voie se composait de rails de 80 livres et de 33 pieds fabriqués en 1913 et posés en 1914. Les rails étaient retenus par trois crampons par traverse sur des selles à simple épaulement et reposaient sur des traverses en bois mou, posées à raison de 2 600 traverses par mille de voie. Des anticheminants de type Cross Lock encadraient les traverses. La voie avait été inspectée la dernière fois le 25 février 1994, soit le jour avant le déraillement. Le superviseur de la voie qui avait fait cette inspection à bord d'un véhicule rail-route n'avait relevé aucune anomalie. Lors de l'examen de la voie entre les points milliaires 277,5 et 294,33, il a été constaté que de nombreux joints de rail avaient un mouvement excessif à cause de la détérioration des traverses. Environ 30 p. 100 des traverses avaient des défaillances, et étaient profondément encastrées et mâchées par les crampons, par suite de très nombreuses corrections de l'écartement de la voie. De nombreuses traverses de joint étaient arasées de bois dur. La surface et l'alignement étaient mauvais, surtout aux environs des joints, à cause du pompage de la plate-forme et des coups répétés des roues contre les joints de rail.
1.7 Méthode de contrôle du mouvement des trains
Dans cette région, le mouvement des trains est régi par le système de la régulation de l'occupation de la voie (ROV), conformément au Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et est surveillé par un contrôleur de la circulation ferroviaire posté à Sault Ste. Marie (Ontario).
1.8 Conditions météorologiques
Le ciel était dégagé et la visibilité était bonne. Il faisait moins 23 ° C.
1.9 Renseignements consignés
Il n'y a aucun détecteur de boîtes chaudes et de pièces traînantes sur la voie de l'ACR, et les locomotives ne sont pas équipées de consignateurs d'événements.
1.10 Renseignements sur le lieu de l'événement
En approchant du sud vers le lieu du déraillement, le bogie arrière de la troisième locomotive a déraillé du côté est de la voie, mais la locomotive est restée à la verticale. Les 19 wagons qui suivaient ont aussi déraillé du côté est et se sont tamponnés sur une distance d'environ 300 pieds. Une ligne de transport d'électricité a été endommagée, et une route adjacente a été partiellement bloquée.
Des éclisses rompues étaient solidement boulonnées à l'extrémité sud du rail est non endommagé sous le dernier wagon déraillé. L'éclisse du côté intérieur avait un plan de rupture poli, tandis que l'éclisse du côté extérieur venait visiblement de se rompre. Les deux éclisses opposées se sont rompues exactement au même endroit, au centre du joint. La section du rail est se trouvant au sud des éclisses rompues a été détruite sur une distance d'environ deux pieds, et le reste du rail a été retrouvé intact dans le fossé à l'est de l'emprise.
1.11 Autres renseignements
À cause des déraillements de trains du CN Amérique du Nord (CN), celui-ci avait réacheminé son trafic sur la voie de l'ACR entre Oba (Ontario), point milliaire 244,7, et Hearst du 18 janvier au 5 février 1994. Au total, 18 trains du CN ont emprunté la voie de l'ACR pendant cette période, venant ajouter au trafic habituel 61 369 tonnes. Le dernier train du CN à utiliser cette subdivision, le Facultatif 9484 Ouest, le 5 février 1994, était formé de trois locomotives dont deux à six essieux pesant chacune plus de 380 000 livres.
2.0 Analyse
2.1 Introduction
L'exploitation du train était conforme aux instructions de la compagnie et aux normes de sécurité du gouvernement. Comme le rail s'est rompu sous le poids du train, cette analyse porte sur l'état de la voie et de son incidence sur le déraillement.
2.2 Examen des faits
2.2.1 Le déraillement
Le déraillement a commencé à un joint de rail oû l'éclisse du joint de rail du côté intérieur s'était rompue. Le plan de rupture poli révèle que la rupture n'avait pas été détectée depuis un certain temps. Le reste de l'éclisse s'est rompu sous le poids de la locomotive de tête. Comme les crampons et les anticheminants ne parvenaient pas à garder l'alignement, le rail s'est déplacé, faisant dérailler la troisième locomotive et les 19 wagons suivants.
2.2.2 La voie
Ce tronçon de la subdivision Northern était construit de rails légers. L'état des traverses était mauvais, sans compter que la surface et l'alignement présentaient des irrégularités, surtout aux environs des joints de rail.
Le trafic additionnel amené par les trains détournés du CN peut avoir accéléré la détérioration de la voie et de la plate-forme. Il se peut aussi que le dernier train du CN à avoir utiliser la voie de l'ACR le 5 février 1994, avec deux locomotives lourdes à six essieux, ait causé la rupture de la première éclisse à l'endroit du déraillement. Il est intéressant de noter que l'ACR interdisait habituellement à ce type de locomotive de circuler sur ce tronçon de la subdivision.
Les éclisses de joints de rail sont cachées par le champignon de rail. Il aurait été difficile de voir une éclisse de joint de rail rompue lors d'une inspection en véhicule rail-route.
3.0 Faits établiss
3.1 Faits établis
- Au moment du déraillement, l'exploitation du train était conforme aux instructions de la compagnie et aux normes de sécurité du gouvernement.
- L'éclisse du côté intérieur était rompue depuis un certain temps, mais la rupture n'a pas été décelée lors de l'inspection visuelle effectuée le jour avant le déraillement.
- L'éclisse du côté extérieur s'est rompue sous le poids du groupe de traction, ce qui a causé le déplacement du rail et le déraillement.
- Il se peut que le trafic du CN ait accéléré la détérioration de la voie et de la plate-forme, et que la rupture initiale de l'éclisse du côté intérieur ait été causée par les efforts exercés sur la voie et la plate- forme par deux locomotives lourdes à six essieux le 5 février 1994.
- L'ACR interdisait habituellement aux locomotives lourdes à six essieux de circuler sur ce tronçon de la subdivision.
3.2 Cause
Le déraillement a été causé par la rupture d'une éclisse d'un joint de rail qui n'avait pas été détectée antérieurement. Cette rupture a affaibli le joint du rail et a causé la rupture de l'éclisse opposée et le déplacement du rail sous le poids du groupe de traction. Les rails légers et le mauvais état de la voie et de la plate-forme ont aussi contribué au déraillement.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures prises
4.1.1 Lettre d'information sur la sécurité ferroviaire
Le 28 septembre 1994, le BST a envoyé à Transports Canada une lettre d'information sur la sécurité ferroviaire concernant le mauvais état de la voie dans le secteur du déraillement et le fait que l'ACR autorisait les trains de voyageurs à circuler à une vitesse de 40 mi/h sur ce tronçon. Le BST mentionnait également qu'il se pouvait que le trafic additionnel sur cette subdivision à cause du réacheminement des trains du CN ait empiré l'état de la voie qui était déjà mauvais.
4.1.2 Inspection de la voie - Transports Canada
Transports Canada a fait savoir que des agents de sécurité du Groupe de surface avaient procédé à une inspection spéciale de la voie sur la subdivision Northern de l'ACR, étant donné le nombre de déraillements qui s'étaient produits dans le nord de l'Ontario en 1994. Plusieurs défaillances ont été décelées et signalées à la compagnie ferroviaire. Toutes les défaillances ont été corrigées par l'ACR.
4.1.3 Réduction de la vitesse et multiplication des inspections - Algoma Central Railway Company
L'ACR a pris plusieurs initiatives pour prévenir la répétition d'un tel accident. Des inspections au moyen d'une voiture Sperry ont été effectuées à la mi-avril. En conséquence, plusieurs rails défectueux ont été trouvés et changés. La vitesse des trains de voyageurs a été limitée à 30 mi/h et celle des trains de marchandises à 25 mi/h pour réduire la gravité des efforts de chocs que les roues exercent sur les rails.
Les inspections ont été portées de deux à quatre ou cinq par semaine pour toute l'année, sauf le printemps, moment oû il y a une inspection quotidienne. L'ACR continuera d'inspecter la voie les fins de semaine avant le passage des trains de voyageurs.
Les huit préposés à l'entretien de la voie affectés au tronçon compris entre les points milliaires 244,7 et 295,7 (Oba et Hearst) ont reçu l'ordre de parcourir la voie à pied et de s'attacher en particulier à déceler les défaillances de rails, surtout aux environs des joints de rail.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.