Rapport d'enquête ferroviaire R94V0006

CN Amérique du Nord
Train parti à la dérive
Point milliaire 175,
subdivision Grande Cache
Latornell (Alberta)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le train de marchandises no 459-GP-18 du CN Amérique du Nord (CN), se rendant de Grande Prairie (Alberta) à Jasper (Alberta), roulait à environ 11 mi/h lorsqu'il est arrivé au sommet d'une colline au point milliaire 174,8 de la subdivision Grande Cache. Le train a commencé à accélérer en s'engageant dans la descente vers une zone de limitation permanente de vitesse à 10 mi/h entre les points milliaires 173,2 et 169,7. Le mécanicien a tenté à plusieurs reprises mais en vain de contrôler l'accélération du train à l'aide d'un serrage normal; lorsque la vitesse a atteint 16 mi/h, il a essayé d'arrêter le train en serrant les freins d'urgence. Cette tentative s'est aussi avérée infructueuse et, lorsque le train a atteint une vitesse d'environ 28 mi/h, l'équipe a abandonné le train. Le train fou a négocié la zone de vitesse limitée à 10 mi/h et s'est éventuellement arrêté aux environs du point milliaire 167. Cet événement n'a pas fait de blessé et n'a pas causé de dommages.

    Le Bureau a déterminé que la perte de contrôle du train s'est produite parce que le système de frein pneumatique n'a pas été conditionné à intervalles réguliers pour annuler les effets de l'accumulation de neige et de glace sur les sabots de freins, et parce que le système de frein rhéostatique ne fonctionnait pas. Le fait que l'accumulation de neige et de glace et les effets d'une telle accumulation sur les freins, quels qu'ils soient, n'aient pas été consignés par l'inspecteur ou signalés au mécanicien avant le départ, et que le train ait pris le départ alors que le frein rhéostatique ne fonctionnait pas ont contribué à l'événement.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 L'incident

    Le 18 janvier 1994, le train no 459-GP-18 du CN Amérique du Nord (CN), désigné sous le nom de Facultatif 4516 Sud, a quitté Grande Prairie (Alberta), au point milliaire 231 de la subdivision Grande Cache vers 12 h 15, heure normale des Rocheuses (HNR), en direction de Jasper (Alberta). Grande Prairie était la gare de départ.

    Au point milliaire 193,0, on a arrêté le train et une inspection au défilé a été effectuée par l'équipe du train, comme l'exige les règlements pour les trains transportant des marchandises dangereuses dans des subdivisions sans détecteur de boîtes chaudes et de pièces traînantes. On a remarqué une importante accumulation de neige et de glace sur la timonerie des freins durant l'inspection. À partir de ce point et pendant environ 51 minutes, le train a entrepris une pente ascendante vers le point milliaire 175,6 à travers plusieurs pouces de neige. Comme le train approchait du point milliaire 174,8, le mécanicien a réduit la manette des gaz et a serré au minimum les freins. Au point milliaire 175,6, une pente descendante s'amorce. Le train a franchi le sommet de la pente ascendante à une vitesse d'environ 11 mi/h et a continué sa route vers une zone oû la vitesse est limitée à 10 mi/h, entre les points milliaires 173,2 et 169,7. Au cours de la descente, le train a commencé a accélérer et le mécanicien a tenté de maintenir la vitesse à 10 mi/h par modulation de la manette des gaz et un minimum de serrage normal des freins. Comme la vitesse du train continuait à augmenter, il a augmenté la puissance de serrage normal des freins pour tenter d'arrêter l'accélération.

    Le mécanicien, réalisant que le serrage normal des freins n'avait pas l'effet escompté, a serré les freins d'urgence; le train a cependant continué à accélérer. Lorsque le train a atteint 28 mi/h, aux environs du point milliaire 173,4 vers 15 h 4 HNR, les membres de l'équipe ont abandonné le train parce qu'ils craignaient que celui-ci ne puisse pas négocier en toute sécurité la zone de vitesse limitée à 10 mi/h. Après avoir sauté en bas du train, les membres de l'équipe ont envoyé un message d'urgence par radio portative pour avertir le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Edmonton (Alberta) qu'ils avaient abandonné le train parti à la dérive.

    Le train a continué à rouler sur environ 6,2 milles, atteignant une vitesse d'environ 44 mi/h, avant de s'arrêter à proximité du point milliaire 167.

    Les membres de l'équipe ont été secourus par hélicoptère vers 17 h HNR, à environ quatre milles au sud du point oû ils avaient sauté en bas du train. Ils n'avaient pas été blessés et le train s'était arrêté sans dommage.

    1.2 Renseignements sur le train

    Le train, tiré par trois locomotives diesels, était constitué de 63 wagons chargés et de 4 wagons vides et n'avait pas de fourgon de queue. Il pesait environ 7 899 tonnes et avait environ 4 066 pieds de longueur.

    1.3 Renseignements sur le personnel

    L'équipe du train se composait d'un chef de train et d'un mécanicien.

    Les deux membres de l'équipe connaissaient bien la subdivision, répondaient aux exigences de leurs postes respectifs et satisfaisaient aux exigences en matière de condition physique et de repos.

    1.4 Particularités de la voie

    La vitesse autorisé sur la subdivision Grande Cache est de 30 mi/h. Il y a une pente ascendante d'environ 1 p. 100 entre les points milliaires 189,0 et 175,6. On atteint le sommet au point milliaire 175,6 et on entreprend à partir de ce point une descente de 1,52 p. 100 sur environ 7,4 milles. Entre les points milliaires 173,2 et 169,7, un ordre permanent de vitesse réduite (10 mi/h) est en vigueur à cause de la pente descendante et des nombreuses courbes.

    1.5 Méthode de contrôle du mouvement des trains

    Le mouvement des trains sur la subdivision Grande Cache est contrôlé par le système de régulation de l'occupation de la voie en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada et est supervisé par le CCF situé à Edmonton.

    1.6 Conditions météorologiques

    La température était de moins 29 ° C et les vents étaient modérés. Une tempête de neige venait de laisser tomber de 11 à 15 cm de neige fraîche sur la région.

    1.7 Renseignements consignés

    La transcription des données du consignateur d'événements de la locomotive de tête a révélé que le moteur de traction no 1 avait été coupé (mis hors service) avant le départ de Grande Prairie. Elle a aussi révélé qu'en cours de route, environ 2,5 heures avant l'événement, il a fallu appliquer une pression de freinage de 25 livres au pouce carré (lb/po2), une pression inhabituellement élevé, pour contrôler la vitesse du train.

    Le consignateur d'événements indique aussi qu'à 14 h 55 HNR, alors que le train roulait à 11 mi/h, on a appliqué un minimum de serrage normal des freins en réduisant la pression dans la conduite générale de 6 lb/po2. Cette manoeuvre a été rapidement suivie d'une succession de réductions de la pression dans la conduite générale tandis que la vitesse du train continuait à augmenter. Lorsque la vitesse a atteint 16 mi/h, les freins d'urgence ont été serrés.

    Selon la transcription, après le serrage des freins d'urgence, le train a atteint une vitesse d'environ 44 mi/h avant de s'arrêter.

    1.8 Essais et recherche

    Des simulations par ordinateur de l'événement ont été faites par le CN. Elles ont déterminé que, si les freins avaient été efficaces à 100 p. 100 (sans l'apport du frein rhéostatique), on aurait théoriquement pu maintenir la vitesse à 10 mi/h dans la pente descendante à l'aide d'un serrage normal des freins. Lorsqu'on a recréé l'événement en simulant l'absence de freins, le train a atteint des vitesses théoriques de plus de 90 mi/h. Une fois que la simulation a été réglée pour reproduire la vitesse et les conditions réelles, on a pu déterminer que le train fonctionnait avec environ 32 p. 100 de sa capacité théorique de freinage. L'analyse par ordinateur a aussi révélé que, si l'on avait appliqué un serrage normal des freins et à divers ° le frein rhéostatique, même avec une capacité de freinage de 32 p. 100, on aurait pu contrôler la vitesse dans la pente descendante.

    1.9 Autres renseignements

    1.9.1 Exigences relatives aux freins à air

    Avant qu'un train puisse quitter le terminal de départ, un certain nombre d'inspections de sécurité et d'essais doivent être effectués et les formulaires et documents appropriés doivent être remplis.

    1.9.1.1 Inspections et essais des locomotives

    Conformément aux pratiques de sécurité et aux Normes minimales d'inspection et d'essais des freins à air de chemin de fer (Normes relatives aux freins à air), lorsque le mécanicien prend en charge un groupe de traction qui a été en attente pendant un certain temps ou qui a été modifié, il doit faire l'essai des systèmes de commande de la locomotive pour voir si toutes les commandes de freinage et de sécurité fonctionnent correctement. Par contre, si les essais sont effectués par le personnel de l'atelier, un exemplaire du formulaire approprié (l'annexe B selon les Normes relatives aux freins à air) doit être rempli et placé dans la locomotive. Ce formulaire sert à informer le mécanicien qui prend la locomotive en charge que les freins à air de la locomotive ont été inspectés et qu'ils fonctionnent correctement, le relevant de la responsabilité d'avoir à faire l'inspection des freins.

    À Grande Prairie, des instructions locales destinées à mettre en vigueur le concept de «train prêt à partir» ont remplacé l'exigence des Normes relatives aux freins à air voulant que le mécanicien du train en partance doit effectuer les essais sur la locomotive. Les essais requis du groupe de traction sont faits par le mécanicien du triage local. On se sert ensuite du groupe de traction pour construire le convoi en partance et le train demeure ainsi assemblé jusqu'au moment du départ. Cependant, le résultat des essais des freins à air n'est pas consigné sur un formulaire et, dans le cas présent, les renseignements se rapportant aux essais n'ont pas été communiqués au mécanicien du train en partance. Par contre, des directives écrites de Transports Canada exigent que, lorsqu'on applique le concept du «train prêt à partir», les résultats des essais sur la locomotive soient consignés sur l'imprimé 538-D du CN. Le CN utilise cet imprimé pour consigner les défaillances détectées en cours de route sur les locomotives, et on est supposé le laisser dans la locomotive jusqu'à ce qu'elle soit réparée. L'annexe B pour cette locomotive et l'imprimé 538-D du CN, qui aurait indiqué que les essais sur les freins avaient été effectués, n'ont pas été remplis.

    1.9.1.2 Inspections et essais des convois

    En vertu des pratiques d'exploitation en toute sécurité et des Normes relatives aux freins à air, le système de frein pneumatique des wagons de marchandises doit être vérifié avant le départ du train pour voir s'il fonctionne correctement. Cette pratique exige que chaque wagon soit examiné pour s'assurer que les freins sont serrés et que les balanciers porte-sabots ou les bielles de timonerie de frein ne sont pas pliés ou faussés. En outre, on doit vérifier la course du piston pour voir si elle est dans les limites prescrites de six à neuf pouces et on doit s'assurer que les sabots de freins sont en contact avec la bande de roulement des roues. Une fois ces essais terminés et qu'aucune anomalie n'a été décelée, on doit remplir un formulaire décrit à l'annexe A des Normes relatives aux freins à air et le remettre au mécanicien du train en partance.

    Les essais requis ont été effectués à Grande Prairie par un inspecteur de wagons qualifié. L'inspecteur a déclaré qu'il avait observé que la course des pistons était dans les limites prescrites, mais que l'accumulation de neige et de glace sur les bogies et sur la timonerie des freins l'a empêché de déterminer si tous les sabots de freins étaient en contact avec la bande de roulement de leurs roues respectives ou si certains des balanciers porte-sabots ou bielles de timonerie de frein étaient faussés. L'inspecteur a néanmoins rempli le formulaire approprié comme quoi il avait effectué l'essai des freins à air et qu'il n'avait décelé aucune anomalie mais il n'a pas informé le mécanicien du train en partance que de la neige et de la glace s'étaient accumulées sur les sabots de freins.

    L'inspecteur de wagons a aussi déclaré qu'il était inquiet à propos de l'accumulation excessive de neige entre les voies dans le triage. Il a indiqué que le fait que l'on n'ait pas enlever la neige a nui au travail des inspecteurs qui devaient vérifier s'il y avait contact entre les sabots de freins et la bande de roulement des roues.

    1.9.1.3 Autres exigences

    Avant de quitter une gare de départ, les opérations suivantes doivent être effectuées :

    • un essai de freins en marche doit être effectué alors que le train roule pour voir si les freins fonctionnent correctement;
    • en cours de route, toute défectuosité de la locomotive doit être signalée au CCF et consignée sur la fiche de travail 538-D;
    • de plus, le mécanicien doit périodiquement serrer les freins à air du train, à des intervalles suffisamment courts pour empêcher que la glace et la neige ne s'accumulent sur les surfaces de freinage.

    1.9.2 Fonctionnement du frein rhéostatique

    Le frein rhéostatique est un frein électrique installésur la plupart des locomotives de voies principales pour leur donner une puissance de freinage additionnelle dans les pentes descendantes. Le frein rhéostatique réduit la vitesse de la locomotive en convertissant les moteurs de traction en générateurs. Plus la vitesse de la locomotive est grande, plus l'effort de freinage rhéostatique augmente. Même si la puissance de freinage rhéostatique maximale se produit entre 24 et 28 mi/h, le mécanisme de commande du frein rhéostatique est étalonné de 0 à 8 et la quantité de freinage rhéostatique varie en conséquence.

    1.9.3 Locomotive de tête no CN5416

    Le 14 janvier 1994, la locomotive CN5416 a été remise en service après avoir été inspectée et réparée à l'atelier des locomotives diesels du CN de Calder à Edmonton. Dans le cadre des réparations, la manette des gaz a été remplacée à cause d'un interrupteur à galets défectueux. La locomotive a été placée dans un groupe de trois locomotives qui a été amené d'Edmonton à Jasper le 14 janvier. Le 17 janvier, le groupe de trois locomotives a été envoyé à Grande Prairie, au nord de Jasper. À Grande Prairie, le groupe de trois locomotives a été affecté à diverses tâches dans les environs et le 18 janvier il a été placé sur le train no 459-GP-18, la locomotive CN5416 en tête.

    Avant de quitter Grande Prairie, le mécanicien a découvert que la poignée du frein rhéostatique de la locomotive CN5416 ne fonctionnait pas correctement. On ne pouvait pas déplacer la poignée au-delà de la position no 2. Il a aussi découvert que le générateur de la locomotive ne chargeait pas correctement. Pour corriger le problème de charge, il a coupé le moteur de traction no 1, ce qui a permis à l'électricité produite d'être distribuée également vers les cinq autres moteurs de traction. On pouvait alors faire marcher la locomotive. Cette façon de procéder a cependant mis le système de frein rhéostatique de la locomotive de tête hors d'usage, mais puisque la poignée du frein rhéostatique ne fonctionnait pas, cela n'a eu aucun impact sur la conduite du train.

    Une inspection du dispositif de commande des gaz effectuée sur la locomotive CN5416 après l'accident a révélé que le mécanisme de priorité entre la poignée du frein rhéostatique et celle des gaz n'avait pas été monté correctement. De la façon dont le mécanisme de priorité avait été assemblé, la position no 1 du frein rhéostatique pouvait être actionnée mais la poignée ne pouvait pas engager les positions suivantes. C'est ce qui a amené le mécanicien à penser que le frein rhéostatique était défectueux. De la façon dont la commande des gaz est conçue, il est assez facile de heurter le tambour à came par inadvertance et de faire sortir le tambour à came de même que la came d'inversion de leur logement, ce qui empêche le mécanisme de priorité de bien fonctionner. Bien que l'on ait mis la manette des gaz à l'essai le 14 janvier au triage Calder, il n'est pas obligatoire de faire l'essai du frein rhéostatique et aucun essai n'a été effectué.

    Une inspection du contacteur à haute tension a révélé que le moteur de traction no 1 ne fonctionnait pas correctement parce que la boîte de soufflage no 1 n'était pas à la bonne place.

    1.9.4 Inspection des freins du train

    Une inspection du train effectuée immédiatement après l'incident a révélé que les freins d'urgence étaient appliqués et que la course des pistons dépassait la norme sur plusieurs wagons. Une autre inspection, effectuée après que le train a parcouru environ 65 milles, a révélé que la course des pistons était dans les limites prescrites parce que les régleurs automatiques de timonerie fonctionnaient. On a aussi remarqué une accumulation de neige et de glace sur les bogies et la timonerie des freins.

    1.9.5 Déneigement

    On décide de faire intervenir les chasse-neige lorsque l'accumulation atteint un point oû le chasse-pierres des locomotives commence à remplir de neige des aiguillages qui avaient été antérieurement nettoyés, lorsque la neige restreint les mouvements des trains sur les voies et dans les triages ou qu'il devient extrêmement dangereux de se déplacer à pied. Dans la région de Grande Prairie, on se sert d'un épandeur à ballast comme chasse-neige. Lorsque le train est parti de Grande Prairie, les conditions d'enneigement qui existaient dans le triage et sur la subdivision Grande Cache étaient telles que l'on aurait dû demander l'intervention du chasse- neige.

    Lorsqu'on déclenche une opération d'hiver de niveau 3, les services des transports, de matériel et d'ingénierie conjuguent leurs efforts pour que les mesures appropriées soient mises en oeuvre et que le matériel de déneigement nécessaire entre en jeu. Les conditions exigeant le déclenchement d'une opération d'hiver de niveau 3 sont les suivantes : chute de neige modérée avec accumulation de 6 à 20 cm, vents de 25 à 50 km/h, températures entre moins 20 et moins 30 ° C, et réduction de la capacité d'exploitation (par ex. au niveau de la longueur des trains, de la disponibilité des voies d'évitement, des aiguillages enneigés, etc.).

    Les lignes directrices relatives au déclenchement d'une opération d'hiver se trouvent dans le manuel sur la politique d'exploitation d'hiver du district de l'Alberta. Il y est précisé que ce sont le superviseur de la voie et le CCF qui ont la responsabilité d'obtenir d'Environnement Canada des prévisions météorologiques quotidiennes et tous les derniers renseignements utiles.

    Le 17 janvier 1994, vers 12 h HNR, le chef de canton a effectué une patrouille rail-route de routine sur la subdivision Grande Cache. Apparemment, il n'y avait pas suffisamment de neige sur la voie pour demander l'intervention du matériel de déneigement. Le même jour, le dernier train à se diriger vers le nord sur la subdivision Grande Cache avait rencontré de la neige mais l'équipe du train n'avait eu aucune difficulté à se rendre à destination. Ils n'ont donc pas fait de rapport sur les conditions d'enneigement.

    Entre le temps oû le chef de canton et le dernier train en direction nord ont traversé la subdivision Grande Cache et l'heure du départ du train no 459-GP-18, une tempête de neige accompagnée de vents violents était survenue sur la région, ce qui a rapidement fait changer les conditions d'enneigement sur la voie. Si le chef de canton avait été informé du changement dans les conditions, il aurait pu déclencher une opération d'hiver de niveau 3 et la voie de la subdivision Grande Cache aurait pu être dégagée avant le départ du train no 459-GP-18.

    2.0 Analyse

    2.1 Introduction

    Le train a été abandonné lorsque les membres de l'équipe ont cru que leur vie était en danger parce que le train continuait à accélérer dans une zone de courbes à une vitesse à laquelle un déraillement semblait inévitable. Bien que les freins à air, initialement inefficaces, aient éventuellement arrêté le train sans incident, l'enquête a déterminé qu'une série d'événements avait réduit l'efficacité des freins du train. L'analyse portera donc essentiellement sur les facteurs qui ont nui à la capacité de l'équipe à ralentir le train.

    2.2 Examen des faits

    2.2.1 Inspection initiale des freins

    Le système de frein pneumatique du train fonctionnait lors du départ de Grande Prairie; cependant, l'efficacité des freins à air n'était pas à son maximum à cause de l'accumulation de neige et de glace remarquée par l'inspecteur de wagons sur les bogies, les sabots et la timonerie des freins. On n'a pas pu adéquatement inspecter la timonerie des freins de certains wagons de marchandises à cause de l'accumulation de neige entre les voies de triage. Aussi, il semble que l'accumulation de neige et de glace sur les bogies ait nui à l'inspecteur qui tentait de voir si les sabots de freins étaient en contact avec la bande de roulement de chaque roue et l'a empêché de déterminer si les freins fonctionnaient ou non. L'inspecteur de wagons n'a pas pu vérifier s'il y avait contact entre les sabots de freins et la bande de roulement des roues. Il a donné au mécanicien du train no 459-GP-18 un formulaire de l'annexe A des Normes relatives aux freins à air comme quoi les freins fonctionnaient correctement. Il ne lui a pas signalé qu'il y avait une accumulation de neige et de glace sur les freins et sur la timonerie des freins.

    2.2.2 Essai de frein en marche

    Au moment du départ, et lorsque le train est en mouvement, on doit effectuer un essai de frein en marche pour vérifier l'efficacité des freins du train. Les effets négatifs qu'auraient pu avoir l'accumulation sur l'efficacité des freins du train auraient pu être détectés à la suite d'un essai de frein en marche. Le mécanicien se serait rapidement aperçu, au moment du départ, que l'efficacité des freins était considérablement réduite et aurait pu, à ce moment-là, prendre les mesures nécessaires pour faire fondre la neige et la glace.

    2.2.3 Essais des freins de la locomotive

    Certains essais des freins à air, complètement distincts des essais de freins des wagons de marchandises, doivent être effectués sur le groupe de traction. À Grande Prairie, ces essais sont censés être faits par les mécaniciens de triage lorsque le train est assemblé et les résultats doivent être consignés sur l'imprimé 538-D du CN. Aucune donnée sur l'imprimé 538-D n'indiquait qu'on avait fait des essais sur les freins du groupe de traction et que ces essais n'avaient décelés aucune anomalie et personne n'a signalé au mécanicien du train que les essais avaient été faits. Dans de telles circonstances, il incombe au mécanicien du train en partance d'effectuer lui-même les essais en question.

    2.2.4 Performance des freins avant le point milliaire 174,5

    L'efficacité du système de frein du train n'était pas à son maximum au départ de Grande Prairie et elle s'est détériorée davantage pendant tout le voyage à mesure que le train passait dans de la neige fraîchement tombée. Le fait que la course des pistons n'était plus conforme à la norme, comme on l'a découvert après l'incident, indique que les régleurs automatiques de timonerie avaient modifié la course des pistons pour compenser la présence de neige et de glace entre les sabots de freins et la bande de roulement des roues. Une fois la neige et la glace fondues, le fait que la course des pistons était plus grande a nui à l'efficacité des freins du train. Cela indique aussi que la quantité de neige et de glace qui se trouvait sur les sabots de freins était considérable.

    Il faut que les freins à air du train soient serrés périodiquement pour que le contact entre les sabots de freins et la bande de roulement soit possible; c'est de cette façon que les sabots de freins sont conditionnés. On a continué à rouler pendant environ 51 minutes dans une pente ascendante de 1,0 p. 100 sans conditionner les sabots de freins.

    2.2.5 Incidence de la mise hors service du frein rhéostatique sur la vitesse

    Il est à remarquer que ce ne sont pas toutes les locomotives qui sont équipées de frein rhéostatique, bien que leur présence puisse être, comme dans le cas présent, critique pour le contrôle de la vitesse du train.

    La perte d'efficacité des freins du train en raison de l'accumulation de neige et de glace a été aggravée par la mise hors service du frein rhéostatique. Les simulations par ordinateur du train parti à la dérive ont révélé que, si le frein rhéostatique avait fonctionné, il aurait probablement réussi à contrôler la vitesse du train jusqu'à ce que la neige et la glace fondent après le serrage normal des freins et avant que le train n'ait atteint une vitesse qui aurait mis la vie des membres de l'équipe de train en danger.

    3.0 Faits établis

    1. Le fait que le mécanicien du triage avait effectué des essais de freins à air avant le départ du train n'a pas été communiqué au mécanicien de la locomotive.
    2. Le mécanicien n'a pas fait les essais de freins à air.
    3. L'inspecteur de wagons a certifié que les freins du train étaient en bon état même s'il avait été incapable de voir si tous les sabots de freins étaient en contact avec la bande de roulement des roues en raison de l'accumulation de neige et de glace.
    4. L'inspecteur n'a pas informé le mécanicien du train en partance de l'accumulation de neige et de glace.
    5. On n'a pas procédé au déneigement de la voie avant le départ du train parce que les responsables du déneigement ignoraient que les conditions avaient changé en raison de la chute de neige soudaine et des vents violents.
    6. L'accumulation de neige et de glace entre les sabots de freins et la bande de roulement des roues des wagons de marchandises a réduit l'efficacité du système de frein du train d'environ 32 p. 100 par rapport au maximum.
    7. Le frein rhéostatique de la locomotive de tête no CN5416 n'avait pas été remonté correctement, ce qui a empêché le mécanicien de pouvoir l'utiliser.
    8. L'accélération du train ne pouvait pas être contrôlée à cause de l'efficacité réduite des freins et parce que le frein rhéostatique ne fonctionnait pas.
    9. Nonobstant les circonstances existantes, l'accélération du train aurait probablement pu être contrôlée si le frein rhéostatique avait fonctionné correctement.

    3.1 Cause

    La perte de contrôle du train s'est produite parce que le système de frein pneumatique n'a pas été conditionné à intervalles réguliers pour annuler les effets de l'accumulation de neige et de glace sur les sabots de freins, et parce que le système de frein rhéostatique ne fonctionnait pas. Le fait que l'accumulation de neige et de glace et les effets d'une telle accumulation sur les freins, quels qu'ils soient, n'aient pas été consignés par l'inspecteur ou signalés au mécanicien avant le départ, et que le train ait pris le départ alors que le frein rhéostatique ne fonctionnait pas ont contribué à l'événement.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures prises

    4.1.1 Essais du frein rhéostatique

    Après avoir été inspectée et réparée à l'atelier des locomotives diesels de Calder, la locomotive CN5416 a été remise en service alors que son frein rhéostatique ne fonctionnait pas bien. L'inspection faite après l'accident a révélé qu'on n'avait pas remonté le frein rhéostatique correctement après la réparation. Afin que cela ne se reproduise pas, l'atelier des locomotives diesels de Calder a établi une nouvelle marche à suivre pour inspecter et essayer le système de frein rhéostatique après une réparation.

    4.1.2 Politique d'exploitation d'hiver du district de l'Alberta

    En conséquence de cet événement, le district de l'Alberta a révisé sa politique d'exploitation d'hiver en ce qui concerne la capacité de reconnaître les effets de conditions météorologiques défavorables sur l'exploitation hivernale. Par suite de cette révision, il utilise désormais les prévisions d'Environnement Canada sur les perturbations météorologiques pour déterminer les mesures qui s'imposent d'après sa politique d'exploitation d'hiver.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Gerald E. Bennett, Zita Brunet, l'hon. Wilfred R. DuPont et Hugh MacNeil.