Fuite d'oxygène
Canadien National
Wagon-citerne UTLX 80012
Point milliaire 146,2, subdivision Saint-Laurent
Montréal (Québec)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Vers 8 h, heure avancée de l'Est (HAE), le 15 juillet 1995, un préposé aux wagons du Canadien National (CN) a découvert que le wagon-citerne UTLX 80012, chargé d'oxygène liquide, laissait fuir de son produit sur la voie MR-15 du triage Taschereau à Montréal (Québec). Le personnel d'intervention d'urgence du CN a fait passer la pression manométrique de la citerne de 15 livres au pouce carré (lb/po²) à 10 lb/po² puis s'est servi d'eau pour faire fondre la glace qui se trouvait à l'extérieur et à l'intérieur de la soupape afin de pouvoir fermer cette dernière. On a ensuite permis que le wagon-citerne soit expédié vers sa destination finale.
Le Bureau a déterminé qu'un régulateur de pression a gelé en position ouverte, entraînant la mise à l'atmosphère continuelle du produit. Le régulateur de pression n'avait pas été conçu pour être installé sur des wagons-citernes destinés au transport des liquides cryogéniques et n'avait jamais été homologué pour un tel usage.
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1.0 Renseignements de base
1.1 Renseignements généraux
Vers 8 hNote de bas de page 1, heure avancée de l'Est (HAE), le 15 juillet 1995, un préposé aux wagons du Canadien National (CN) découvre que le wagon-citerne UTLX 80012, chargé d'oxygène liquide, laisse fuir de son produit sur la voie MR-15 du triage Taschereau à Montréal (Québec).
Le personnel d'intervention d'urgence du CN constate que la soupape régulatrice de pression est gelée en position ouverte, ce qui entraîne une mise à l'atmosphère continuelle du produit. Le personnel d'intervention d'urgence fait passer la pression manométrique de la citerne de 15 livres au pouce carré (lb/po²) à 10 lb/po² en ouvrant le robinet de sortie de vapeur et se sert d'eau pour faire fondre la glace qui se trouve à l'extérieur et à l'intérieur de la soupape afin de pouvoir la refermer. On permet ensuite que le wagon-citerne soit expédié vers sa destination finale.
Il ne s'agit pas du premier événement mettant en cause une fuite de produit en provenance du wagon-citerne UTLX 80012. De 1993 et 1995, le wagon-citerne UTLX 80012 a été associé à six événements. On a déjà signalé des fuites de produit en provenance d'une des soupapes régulatrices de pression, communément appelée régulateur de pression, le 2 mars 1993, le 28 mai 1994, le 15 mars 1995, le 18 avril 1995 et le 9 juin 1995. On a aussi signalé une fuite en provenance du robinet régulateur de débit de sortie à trois voies de 1/2 pouce le 9 mars 1993. Ce petit robinet est situé sur la boîte de commande principale et sert à régler le débit de sortie.
Après l'événement du 15 juillet 1995 au triage Taschereau, on a encore découvert une fuite de produit à partir du régulateur de pression du wagon-citerne UTLX 80012, cette fois le 29 juillet 1995, après quoi le régulateur a été remplacé.
Le 26 septembre 1995, le CN a signalé que les régulateurs de pression du wagon-citerne UTLX 80012, garé au triage Taschereau de Montréal, fuyaient encore. Un examen approfondi du wagon a révélé que la citerne avait récemment été mise à l'atmosphère au moyen des deux régulateurs de pression et de la soupape de décharge. Aucune des trois soupapes ne s'était correctement refermée par la suite. À ce moment-là, la pression manométrique à l'intérieur de la citerne n'était que de 12 lb/po² et les trois soupapes, tarées à 15, 17 et 35 lb/po² respectivement, ont continué à libérer des vapeurs d'oxygène. Une vérification de la dépression entre les parois de la citerne à l'aide de deux sondes distinctes et de deux instruments de mesure distincts a permis de déterminer qu'il y avait eu perte de dépression.
À la suite de ces découvertes, Transports Canada a émis une directive ordonnant le retour immédiat du wagon-citerne à l'expéditeur pour qu'il soit déchargé puis retourné au propriétaire pour être réparé. Le personnel d'intervention d'urgence du CN a marqué le wagon conformément au règlement et pris les mesures nécessaires pour qu'il soit envoyé rapidement à l'expéditeur pour être déchargé.
1.2 Dommages au matériel
Il n'y a pas eu de dommages au matériel à la suite du gel du régulateur de pression et de la fuite d'oxygène.
1.3 Renseignements sur le wagon-citerne
Le wagon-citerne UTLX 80012 a été construit par la Union Tank Car Company, de Chicago, Illinois, aux États-Unis, en juin 1961. Il a été construit d'après la spécification AAR-204W de l'Association of American Railroads (AAR). La conception en a été approuvée par l'AAR le 8 mars 1962. Un certificat de construction a été délivré le 28 mars 1962, en vertu de la demande no 15179. Le wagon en question et quatre wagons-jumeaux ont été construits pour servir au transport de l'oxygène liquide et de l'azote liquide. L'étude du dessin no 59870 de la Union Tank Car Company sur la disposition de la tuyauterie révèle qu'il n'y a pas de purgeur de liquide ni de chicanes de protection dans la partie supérieure de la citerne, à l'endroit où se trouve le tuyau qui mène aux dispositifs de sécurité et qui est raccordé à l'espace vapeur de la citerne. Avec un tel arrangement, il se peut que du liquide pénètre dans la conduite de vapeur, si le wagon subit un choc, et qu'il se produise une poussée d'oxygène liquide.
En 1985, la Procor Limited, de Oakville (Ontario), filiale canadienne de la Union Tank Car Company, a soumis à l'AAR la demande no C-858805-A dans le but de modifier le wagon en apportant des changements à la configuration des soupapes et de la tuyauterie conformément au dessin no SKD4899. Ce dernier a été remplacé le 20 novembre 1986 par le dessin no SKE4899. Une fois la modification terminée, le wagon a été utilisé en service captif pour le transport de l'oxygène liquide.
L'oxygène et l'azote ne peuvent être transportés à l'état liquide qu'à de très basses températures (on les appelle alors liquides cryogéniques). Ces marchandises doivent donc être transportées et stockées dans des contenants à isolant thermique hautement efficaces. À cet égard, tous les wagons-citernes qui répondent à la spécification AAR-204W doivent avoir une paroi interne faite d'acier fortement allié et une paroi externe faite d'acier ordinaire. L'espace entre la paroi interne et la paroi externe doit être rempli d'isolant en perlite ou en polymère. Cet isolant sert à minimiser le transfert de chaleur par rayonnement entre la paroi interne et la paroi externe. De plus, on réduit la pression d'air entre la paroi interne et la paroi externe pour empêcher que de la chaleur ne soit transférée à la marchandise par conduction. Le certificat de construction du wagon-citerne UTLX 80012 ne contient aucune donnée sur l'efficacité thermique de ce modèle de citerne. Les données sur l'efficacité thermique servent à calculer le débit nominal minimum des soupapes de sécurité.
1.4 Spécification AAR-204W - Renseignements relatifs aux dispositifs de sécurité
1.4.1 Généralités
La spécification AAR-204W fait partie du Manual of Standards and Recommended Practices publié par l'AAR. Le comité des wagons-citernes de l'AAR est l'organisme principal responsable de l'élaboration des spécifications et des pratiques d'entretien relatives aux wagons-citernes. Il se compose de représentants des compagnies ferroviaires, des expéditeurs et des constructeurs de wagons-citernes. Le Department of Transportation des États-Unis et Transports Canada possèdent le statut d'observateur auprès du comité. Jusqu'en 1992, un siège au comité des wagons-citernes était réservé à un représentant de la Compressed Gas Association (CGA). À l'heure actuelle, il n'y a pas de représentant de la CGA au sein du comité des wagons-citernes.
La CGA est une association industrielle internationale consacrée à l'élaboration et à la promotion de normes et de pratiques de sécurité dans le domaine de l'industrie du gaz. Les anciens comité de la cryogénie et des basses températures et comité des wagons-citernes de la CGA ont récemment été combinés en un seul, appelé le comité des normes relatives à l'équipement et à la distribution en vrac. Les membres de ce comité représentent le plus important regroupement de connaissances collectives et d'expertise industrielle dans le domaine de la cryogénie en Amérique du Nord.
Un wagon-citerne construit selon la spécification AAR-204W doit être équipé d'un certain nombre de dispositifs de sécurité. Il doit être doté d'un évent de sécurité muni d'un disque de rupture, destiné à prévenir la rupture de la citerne en cas de surpression. En vertu de la spécification AAR-204W, la pression de rupture minimale de la paroi interne est de 240 lb/po². L'évent de sécurité doit être taré de façon que la pression n'excède pas 60 lb/po² à l'intérieur de la citerne, quelles que soient les conditions d'exploitation. La condition d'exploitation anormale la plus grave prévue par la spécification AAR-204W est la suivante : une perte de dépression entre la paroi interne et la paroi externe alors que la citerne est exposée à un incendie.
La citerne doit aussi être équipée de dispositifs de sécurité à grand débit. À cet égard, la spécification AAR-204W offre le choix entre deux montages différents. Le premier (le montage à une soupape) prévoit une seule soupape de sécurité à grand débit. Le deuxième (le montage à deux soupapes) prévoit deux soupapes de sécurité à grand débit.
1.4.2 Le montage à une soupape
Si l'on choisit le montage à une soupape, la soupape de sécurité à grand débit s'appelle alors une soupape de sécurité. Elle doit être conçue et tarée de façon à commencer à s'ouvrir lorsque la pression intérieure atteint 25 lb/po², ±3 lb/po². Le débit nominal de la soupape de sécurité (volume de gaz par unité de temps) doit être réglé de façon que la pression intérieure de la citerne ne dépasse pas 35 lb/po² si l'isolant par la dépression était perdu et si la température de la paroi extérieure atteignait 130 ° Fahrenheit (condition d'expédition maximale projetée).
La spécification permet aussi l'installation d'une soupape supplémentaire, montée en parallèle, d'un débit nominal habituellement moindre, et d'une pression de tarage d'ouverture inférieure. Cette deuxième soupape s'appelle habituellement le régulateur de pression. Le régulateur de pression est destiné à contrôler la pression dans la citerne de façon que la soupape de sécurité principale n'ait pas besoin de fonctionner lorsque les conditions de transport sont normales. La pression de tarage d'ouverture du régulateur de pression est habituellement de 15 lb/po².
Le principe de fonctionnement du régulateur de pression est le suivant :
Les liquides cryogéniques sont chargés dans les wagons-citernes à des températures qui sont très proches du point d'ébullition à la pression atmosphérique. En ce qui concerne l'oxygène et l'azote, le point d'ébullition à la pression atmosphérique est de moins 182,96 ° C et moins 195,81 ° C respectivement. Immédiatement après le chargement, la pression du produit dans la citerne devrait se situer légèrement au-dessus de 0 lb/po², pourvu que la citerne ait préalablement été rincée avec une quantité suffisante de produit pour en amener l'intérieur à une température proche du point d'ébullition du produit. Une fois la citerne chargée, la pression de vapeur commence à augmenter à cause du transfert de chaleur en provenance de l'extérieur de la citerne. Après un certain temps, d'une durée variée selon la qualité de l'isolant et la température ambiante, il se peut que la pression de vapeur du liquide cryogénique atteigne la pression de tarage du régulateur de pression (c.-à-d. 15 lb/po²). À cette pression, le régulateur de pression s'ouvre et libère l'excès de vapeur. Il se produit alors, à l'intérieur de la citerne, une chute de pression qui a pour effet de faire bouillir le produit. Quand le produit bout, la portion liquide de celui-ci se refroidit quand une partie de sa chaleur se transforme en chaleur latente d'évaporation - la quantité de chaleur requise pour transformer une unité de liquide à la température d'ébullition en unité de vapeur à la même température. Plus le liquide se refroidit, plus la pression diminue à l'intérieur de la citerne. Lorsque la pression tombe à 13 ou 14 lb/po², le régulateur de pression se referme. La pression à l'intérieur de la citerne recommence alors à monter et le processus se répète.
1.4.3 Le montage à deux soupapes
Le montage à deux soupapes de la spécification AAR-204W prévoit deux soupapes de sécurité à grand débit. L'une de ces soupapes s'appelle la soupape de sécurité de transport. L'autre s'appelle la soupape de décharge. Les deux soupapes sont montées dans une boîte située au milieu du côté inférieur droit de la citerne. Un dispositif de verrouillage de sécurité est installé entre les deux soupapes. Le rendement de la soupape de sécurité de transport est identique à celui de la soupape de sécurité du montage à une soupape.
La deuxième soupape du montage à deux soupapes, la soupape de décharge, doit être tarée de façon à commencer à s'ouvrir à une pression maximale de 35 lb/po², ±3 lb/po². La capacité de refoulement de cette soupape doit être suffisante pour limiter la pression à l'intérieur de la citerne à un maximum de 45 lb/po² au cas où l'isolant par la dépression serait perdu et la température de la paroi externe atteignait 130 ° Fahrenheit.
La soupape de décharge est destinée à raccourcir la période de chargement ou de déchargement du wagon en permettant des pressions plus élevées à l'intérieur de la citerne. Par exemple, au cours des opérations de transfert du chargement du wagon, on peut régler le dispositif de verrouillage de sécurité de façon à ce que la soupape de sécurité de transport (25 lb/po²) devienne inopérante en l'isolant de la citerne. Le dispositif de verrouillage doit cependant être tel que l'écoulement entre la citerne et la soupape de sécurité de transport reste libre en tout temps lorsque le wagon se déplace.
Le montage à deux soupapes prévu par la spécification ne prévoit pas l'addition d'un régulateur de pression.
1.4.4 Dispositifs de sécurité du wagon-citerne UTLX 80012
Selon les dossiers, à l'époque où les dernières modifications ont été faites sur le wagon-citerne UTLX 80012 (1985), ce dernier était doté des dispositifs de sécurité suivants :
- une soupape de décharge Crosby 40A - tarée à 35 lb/po²;
- une soupape de sécurité de transport Lunkenheimer 1227 - tarée à 25 lb/po²;
- un régulateur de pression Lunkenheimer 1227 - taré à 15 lb/po²; et
- un évent de sécurité de deux pouces doté d'un disque de rupture BS&B en aluminium - tarage de rupture de 45 lb/po².
Lorsque le wagon-citerne UTLX 80012 a été vérifié le 25 juillet 1995, on a constaté qu'il était doté des dispositifs de sécurité suivants :
- une soupape de décharge Crosby 41A - tarée à 35 lb/po²;
- une soupape de sécurité de transport Crosby 40A de deux pouces sur deux pouces et demi - tarée à 25 lb/po²;
- un régulateur de pression Consolidated 1975S d'un pouce - taré à 15 lb/po²; et
- l'évent de sécurité et le disque de rupture n'ont pu être identifiés parce que la languette d'identification en métal avait disparu.
Les dispositifs de sécurité du wagon-citerne UTLX 80012 ont été vérifiés une autre fois le 17 août 1995. On a découvert que le régulateur de pression avait été enlevé et remplacé par deux soupapes CASH-ACME FRM-2 d'un demi-pouce, numéros de série 10673TK et 10673RF. L'une des soupapes avait un tarage d'ouverture de 15 lb/po², l'autre de 17 lb/po². Les soupapes semblaient être identiques. L'une d'elles portait l'inscription «for cryogenic service» (pour service cryogénique).
La soupape qui fuyait avait une capacité de décharge de 33 pieds cubes standard à la minute. Elle avait été inspectée et mise à l'essai le 1er novembre 1994; elle avait aussi été approuvée pour le transport d'oxygène par une entreprise approuvée par le propriétaire du wagon. On y avait fixé un cachet d'identification.
1.4.5 Spécifications actuelles pour les wagons-citernes transportant des produits cryogéniques
À l'heure actuelle, ni la norme CAN/CGSB-43.147-94 de l'Office des normes générales du Canada, ni la norme précédente, 43-GP-147, ne renferment de spécifications sur les wagons-citernes semblables à celles de la norme AAR-204W. Il est cependant de mise pour l'industrie nord-américaine de respecter les exigences de la spécification M-1002 des Specifications for Tank Cars de l'AAR, qui comprend la spécification AAR-204W. L'annexe A de la norme contient toutes les exigences relatives aux soupapes et raccords des wagons-citernes. L'annexe A du présent rapport comprend un énoncé de la portée de la spécification, une liste des autorisations et une description détaillée des essais de service.
Comme nous l'avons déjà mentionné, la demande d'homologation, les essais de service, et les rapports sur l'essai final et l'inspection sont régis par une norme, et toutes les données pertinentes doivent être présentées sur les formulaires 4-3, 4-4 et 4-6 de l'AAR.
1.5 Régulateur de pression du wagon-citerne UTLX 80012
Le régulateur de pression Consolidated 1975S n'est plus en production. Une révision des dessins de conception de la soupape permet de constater que, lorsqu'elle est en position ouverte, la taille des ouvertures dans le guide cylindrique fixé au corps de son gicleur limite l'écoulement du gaz. Le catalogue de nomenclature de la soupape ne mentionne pas si elle est approuvée ou recommandée pour les produits cryogéniques.
L'expéditeur et le consignataire ont été incapables de fournir la preuve que le régulateur de pression Consolidated 1975S ait été certifié par l'AAR pour les produits cryogéniques. Le propriétaire du wagon ne savait pas que cette soupape était installée sur son wagon. Les organismes de réglementation, Transports Canada et le Department of Transportation des États-Unis, ne tiennent aucun registre des soupapes approuvées pour les wagons-citernes. L'AAR conserve des copies des autorisations pour les soupapes livrées après 1980; cependant, il semble qu'aucune des soupapes du wagon-citerne UTLX 80012 n'ait été «approuvée» par l'AAR parce qu'elles ont été fabriquées avant 1980.
Deux experts dans le domaine des soupapes de décharge ont déclaré qu'ils ne recommanderaient pas l'utilisation de la soupape Consolidated 1975S pour les produits cryogéniques transportés dans des wagons-citernes, à cause de la possibilité de gel des composants de la soupape. Le fabricant de la soupape a pour sa part souligné que le matériau de construction de la soupape pouvait résister aux températures des produits cryogéniques mais que la petite taille de l'ouverture pouvait entraîner le gel des composants. Le fabricant a aussi souligné que la soupape n'avait pas reçu l'homologation de l'AAR pour les wagons-citernes transportant des produits cryogéniques et qu'il n'en avait pas fait la demande puisque la soupape n'était même pas destinée aux wagons-citernes.
1.6 Marchandises cryogéniques
1.6.1 Liquides cryogéniques autres que l'oxygène
À l'exception de l'oxygène, tous les liquides cryogéniques faits de gaz atmosphériques sont considérés comme des matières très dangereuses. Tout secteur contaminé par ces produits, même par une fuite mineure, doit obligatoirement être évacué. Dans le cas de fuites importantes, ou lorsque le véhicule qui transporte un tel produit est en feu, on recommande d'évacuer un secteur de 500 mètres de rayon.
1.6.2 L'oxygène liquide
En plus des dangers habituels associés aux autres liquides cryogéniques, l'oxygène présente un risque de réactivité. Il peut mettre le feu à des matières combustibles ou causer une explosion au contact de matières aussi courantes que l'asphalte, le charbon, le bois et le papier. C'est pour cette raison que les distances d'isolement et d'évacuation recommandées sont plus grandes pour l'oxygène que pour les autres liquides cryogéniques atmosphériques.
1.7 Renseignements divers
Une fois que l'expéditeur a rempli un wagon-citerne d'oxygène liquide, il peut s'écouler jusqu'à quatre jours avant que le transporteur ferroviaire en prenne livraison. Dans le cas à l'étude, cependant, le wagon-citerne UTLX 80012 a été livré chez l'expéditeur, chargé et repris par le transporteur la même journée. C'est le jour suivant qu'on s'est aperçu qu'il y avait une fuite au niveau du régulateur de pression gelé.
Après l'événement du 18 avril 1995, l'expéditeur et le consignataire ont découvert que le niveau de dépression à l'intérieur du wagon était inférieur à la norme. Peu de temps après, on a ramené la dépression entre la paroi interne et la paroi externe à un niveau considéré comme adéquat.
Le Rapport d'inspection wagon avant expédition, qui est rempli par les employés de l'expéditeur, ne contient aucun renseignement relativement à la pression ou à la température du produit dans la citerne après le chargement. C'est pour cette raison qu'il n'a pas été possible d'estimer l'efficacité thermique de l'isolant de la citerne.
Le propriétaire du wagon-citerne n'était pas au courant des événements précédents mettant en cause le wagon-citerne UTLX 80012, et il ignorait que le régulateur de pression avait été remplacé par une soupape de modèle différent.
2.0 Analyse
2.1 Introduction
À première vue, une fuite d'oxygène peut paraître inoffensive, puisqu'on ne fait que libérer un gaz vital dans l'atmosphère. En réalité, une fuite d'oxygène représente un problème grave pour le transporteur ferroviaire puisque le wagon qui fuit doit être isolé des autres et manutentionné par du personnel spécialisé. L'analyse explorera les raisons pour lesquelles la fuite s'est produite et traitera des questions relatives au processus de réglementation et au rôle de l'industrie dans l'établissement des normes.
2.2 La fuite
La fuite de produit du wagon-citerne UTLX 80012 a été causée par le régulateur de pression qui était gelé en position ouverte. La soupape n'avait pas une capacité de débit suffisante pour mettre le gaz d'oxygène à l'atmosphère de façon continuelle sans geler.
Le wagon-citerne UTLX 80012 ne comporte pas de purgeur de liquide ni de chicanes de protection dans la portion vapeur supérieure de la citerne, ce qui fait que l'oxygène liquide peut pénétrer dans les tuyaux qui mènent aux dispositifs de sécurité. Les chocs causés par l'attelage du wagon seraient suffisants pour entraîner des vagues d'oxygène liquide à l'intérieur de la citerne. Toute pénétration de liquide dans la conduite de vapeur peut endommager les soupapes et faire geler une soupape en position ouverte. Il se peut donc que la conception même de la citerne ait entraîné le gel de la soupape dans la position ouverte ou y ait contribué.
2.3 Réglementation et surveillance
À l'époque où ces événements se sont produits, le wagon-citerne n'était pas conforme aux exigences de la spécification AAR-204W en matière de dispositifs de sécurité. Si le wagon avait été conforme aux exigences, c.-à-d. s'il n'avait pas été équipé d'un régulateur de pression, la fuite d'oxygène ne se serait jamais produite.
Par contre, si le même wagon avait été doté d'une soupape de décharge, il aurait pu être équipé d'un régulateur de pression et la fuite aurait quand même pu se produire en dépit du fait que le wagon aurait été doté des dispositifs de sécurité prévus par la spécification AAR-204W.
Cet énoncé apparemment saugrenu démontre le manque de constance actuel de la spécification AAR-204W. En ce moment, la spécification permet l'utilisation d'un régulateur de pression pour les montages prévus par le paragraphe 200-20(b) mais elle n'en permet pas l'usage pour les montages du paragraphe 200-20(c).
On doit examiner le principe selon lequel il faut que le régulateur de pression soit taré à un niveau plus bas que les autres dispositifs de sécurité. Compte tenu des caractéristiques des produits cryogéniques, il semble raisonnable de permettre la mise à l'atmosphère occasionnelle des gaz atmosphériques transportés dans des citernes, pourvu que cette mise à l'atmosphère commence bien après que le chargement soit complété et que chaque cycle de mise à l'atmosphère soit de durée limitée.
Le comité des wagons-citernes de l'AAR est responsable de la spécification AAR-204W. Le comité des wagons-citernes ne comprend pas de spécialistes du transport des liquides cryogéniques. Toutefois, les membres de la CGA (et plus particulièrement les membres du comité des normes relatives à l'équipement et à la distribution en vrac de la CGA) possèdent les meilleures connaissances collectives et l'expérience la plus complète en Amérique du Nord en ce qui a trait au transport des liquides cryogéniques. Il serait donc logique qu'il y ait une liaison permanente entre l'AAR et la CGA qui pourrait conduire à une amélioration de la sécurité des transports dans le domaine.
Par le passé, des représentants de la CGA au sein du comité des wagons-citernes de l'AAR mettaient périodiquement à jour les spécifications, échangeaient des renseignements sur les questions de sécurité et mettaient en application les nouveaux développements en matière de pratiques industrielles. Bien que la CGA ne soit plus représentée au comité, il semble raisonnable de penser que la CGA devrait pouvoir proposer des changements à la spécification AAR-204W au comité des wagons-citernes. Il semble aussi raisonnable de penser qu'une plus étroite collaboration entre ces deux importantes associations, toutes deux orientées vers la sécurité, rapporterait des avantages à long terme.
La soupape qui a gelé en position ouverte et qui, par le fait même, est à l'origine de l'événement était d'un type approuvé par l'American Society of Mechanical Engineers . Toutefois, la soupape n'était pas conçue pour être installée sur un wagon de chemin de fer. C'est la raison pour laquelle le fabricant n'a jamais fait une demande d'homologation auprès de l'AAR.
L'actuelle procédure d'homologation de l'AAR, pour ce qui est des dispositifs de sécurité, est très impressionnante. Si l'on tient compte de tous les détails techniques qui doivent être soumis, les essais de service qui doivent être effectués, et les exigences d'identification de chaque soupape, il semble que la procédure et le système soient presque à toute épreuve. Par contre, dans ce cas-ci, le système a fait défaut.
À un moment donné, quelqu'un a décidé que le régulateur de pression devait être remplacé. On l'a donc remplacé et il semble que le fait qu'il ne s'agissait pas d'une soupape de type approuvé ait passé inaperçu. Lorsque les premiers problèmes sont survenus avec la soupape de remplacement, le propriétaire du wagon-citerne n'a pas été avisé et il n'a donc jamais su que la soupape avait été changée. Même si le propriétaire avait été avisé, il ne lui aurait pas été facile de trouver le statut d'homologation de la soupape de remplacement parce qu'il n'y a pas de registre central pour les soupapes homologuées, du moins en ce qui concerne les wagons-citernes fabriqués avant 1980.
Compte tenu que la plupart des fabricants de soupapes conservent indéfiniment les certificats d'homologation reçus en rapport à leurs produits et que la plupart des fabricants de soupapes sont membres de la CGA, il semble raisonnable de penser que, si l'AAR et la CGA collaboraient, il serait possible d'avoir accès au registre des soupapes approuvées par l'AAR en remontant aussi loin que l'on veut dans le passé. La contribution des utilisateurs des soupapes, dont la plupart sont membres de la CGA, serait un avantage additionnel en permettant l'élargissement du registre actuel de l'AAR et l'accroissement des connaissances sur le rendement des diverses soupapes.
Les faits entourant le dernier incident (du 26 septembre 1995) touchant le wagon-citerne UTLX 80012 démontrent que le wagon, à la suite d'une perte du niveau de dépression, a mis à l'atmosphère de l'oxygène liquide non seulement à partir des régulateurs de pression mais aussi à partir de la soupape de décharge principale, qui est tarée à 35 lb/po². Pendant ce temps-là, la soupape de sécurité de transport, qui est tarée à 25 lb/po², est demeurée fermée, ce qui nous amène à conclure que la soupape de décharge s'est brusquement ouverte alors que le wagon se trouvait encore chez l'expéditeur. À ce moment-là, le dispositif de verrouillage de sécurité aurait dû être dans une position telle que la soupape de sécurité de transport (tarée à 25 lb/po²) aurait dû être rendue inopérante. Après la mise à l'atmosphère initiale, la soupape de décharge ne s'est pas refermée correctement et le wagon a été remis en service alors qu'il fuyait.
3.0 Faits établis
- De l'oxygène s'est échappé du wagon-citerne UTLX 80012 le 15 juillet 1995 lorsque le régulateur de pression a gelé en position ouverte.
- Le régulateur de pression n'était pas conçu ni homologué pour être installé sur les wagons-citernes transportant des liquides cryogéniques.
- L'utilisation d'un régulateur de pression n'est pas permise sur les wagons-citernes dotés d'un montage à deux soupapes, comme sur le wagon-citerne UTLX 80012, bien que l'utilisation d'un régulateur de pression soit autorisée sur les wagons équipés d'une seule soupape.
- Le propriétaire du wagon ignorait que les soupapes du wagon avaient été remplacées après que ce dernier ait été modifié et affecté au transport captif de l'oxygène en 1985.
- Les problèmes à répétition qui ont mis en cause la soupape qui fuyait n'ont pas été signalés au propriétaire du wagon.
- La mise à l'atmosphère occasionnelle d'oxygène n'est pas considérée comme un danger pour la sécurité.
- Une plus grande collaboration entre les partenaires industriels et les associations industrielles améliorerait le niveau de sécurité général du transport des liquides cryogéniques.
3.2 Cause
Un régulateur de pression a gelé en position ouverte, entraînant la mise à l'atmosphère continuelle du produit. Le régulateur de pression n'avait pas été conçu pour être installé sur des wagons-citernes destinés au transport des liquides cryogéniques et n'avait jamais été homologué pour un tel usage.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures prises
4.1.1 Réglementation
Transports Canada a proposé des modifications à la norme CAN/CGSB-43.147-94 de l'Office des normes générales du Canada, modifications destinées à rendre plus claire la norme ainsi que sa relation avec le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses et avec la spécification M-1002 de l'Association of American Railroads (AAR) concernant les wagons-citernes. Transports Canada s'est aussi doté d'installations permettant de vérifier les caractéristiques de fonctionnement des soupapes de décharge.
En outre, on travaille actuellement à améliorer le manuel de l'AAR concernant la formule utilisée pour calculer le débit des soupapes de sécurité.
4.1.2 Air Liquide Canada Ltée
À la suite de cet événement, Air Liquide Canada Ltée a découvert des lacunes dans l'application de ses consignes d'inspection et d'entretien préventif des wagons-citernes transportant des liquides cryogéniques. Air Liquide Canada Ltée prendra les mesures correctives qui s'imposent.
De plus, Air Liquide Canada Ltée estime que la présence d'un représentant de la Compressed Gas Association (CGA) au comité des wagons-citernes de l'AAR pourrait améliorer la sécurité du transport des liquides cryogéniques. Air Liquide Canada Ltée compte faire valoir son point de vue à cet égard devant le comité du transport de la CGA.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, Benoît Bouchard, et des membres Maurice Harquail et W.A. Tadros.
Annexes
Annexe A - Exigences de l'AAR relatives aux soupapes et raccords des wagons-citernes
Extrait de l'annexe A du Manual of Standards
and Recommended Practices de l'AAR
(n'existe pas en français)
A1.01 SCOPE
Appendix A describes AAR requirements for design, testing, materials and marking of tank car valves and fittings:
- Safety relief devices, including the determination of relieving capacity requirements.
- Liquid and vapor valves, including bottom loading and unloading valves.
- Vacuum relief valves.
- Liquid level control and gaging devices.
- Temperature sensing equipment and thermowells.
- Bottom washouts.
- Accessories and special appurtenances related to handling the lading.
A1.02 APPROVALS
Tank car valves and fittings must be approved by the Tank Car Committee.
- For safety relief device approval procedures, see 1.4.1.9 and 1.4.3.2 requiring submittal of Form AAR 4-3, Application For Approval of Safety Relief Device.
- For other valves and fittings approval procedures, see 1.4.1.10 and 1.4.3.5 requiring submittal of Form AAR 4-5, Application For Approval of Valves and Fittings.
- Devices that may not require submission to the Tank Car Committee are:
- External changes to previously approved devices.
- Changes in materials that do not affect the operation of the devices.
- Changes in materials that are compatible with the intended commodity service.
- Designs previously approved but of smaller sizes or lower pressure ratings.
A1.03 SERVICE TRIALS
- All new devices within the scope of this Appendix are subject to service trials before they are given Committee approval, except as provided in A1.02(c). Service trials, when authorized by the Tank Car Committee, must be reported semiannually in accord with the procedure outlined in 1.4.3.3 on Form AAR 4-4.
- The guidelines for acceptance of valves and fittings by the Tank Car Committee as a result of service trials are:
- For non-regulated commodities, each carset of the device must be subjected to a trial of one year minimum duration covering an average of 5000 loaded miles or an average of ten loaded trips or load/unload cycles.
- For regulated commodities, each carset of the device must be subjected to a trial of two years minimum duration covering an average of 10000 loaded miles or an average of twenty loaded trips or load/unload cycles. Completion of one year, 5000 loaded miles and ten load cycles in regulated commodity service may be used to qualify the device for non-regulated service.
- Difficulties experienced during the service trial, i.e. leakage, breakage or performance, must be reported on Form AAR 4-4 together with a statement of design revisions to improve operation or to correct the defect, for review by the Tank Car Committee.
- The service trial must also include a Final Product Testing and Inspection Report Form AAR 4-6 to be submitted to the Tank Car Committee at the conclusion of the specified service trial.
- The Tank Car Committee may request additional tests to supplement manufacturer's tests or service trials prior to acceptance of device.
- Approval of a device for a commodity or commodity type does not provide for blanket approval of the device. Additional data must be submitted to confirm that the device is compatible with other commodities, including consideration of corrosion or stress corrosion cracking where appropriate. Commodity types are:
- Compressed gases
- Corrosives
- Solids requiring heat to liquefy
- Free flowing liquids (general service)
- Products with special temperature requirements
- Sample size and number of units to be subject to post-trial teardown are as follows:
- For non-regulated commodities, each carset of the device must be subjected to a trial of one year minimum duration covering an average of 5000 loaded miles or an average of ten loaded trips or load/unload cycles.
Device | Minimum | Minimum Subject |
---|---|---|
Safety valve or bottom outlet valve |
25 | 5 |
Top valve or excess flow valve | 15 | 3 |
Sample line valve, gaging device or vacuum relief device |
10 | 2 |
Thermometer well or auxiliary fitting |
5 | 0 |