Déraillement
Canadien Pacifique Limitée
Point milliaire 111,0, subdivision Nelson
près de Procter (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
La locomotive de tête d'un train de marchandises du Canadien Pacifique Limitée (CP) qui roulait vers l'ouest a heurté un éboulis de roches qui encombrait la voie au point milliaire 111,0 de la subdivision Nelson près de Procter (Colombie-Britannique). Les trois locomotives et les deux premiers wagons qui les suivaient ont déraillé et ont plongé dans les eaux du lac Kootenay du haut d'une falaise de 125 pieds. Le mécanicien et un agent de train se sont noyés. Le chef de train a été légèrement blessé.
Un wagon de sulfure de plomb et quelque 28 000 litres de gazole en provenance des locomotives ont été déversés dans le lac. Une partie du gazole a pris feu; le reste a été confiné avec des matelas absorbants et des barrages flottants. Les travaux de récupération du sulfure de plomb et de nettoyage se sont poursuivis jusqu'au 29 mars 1995.
Autres renseignements de base
Le train de marchandises no 981-20 comprend trois locomotives, 27 wagons chargés et
22 wagons vides et se dirige vers l'ouest. Vers 7 h 21, heure normale du Pacifique (HNP), il arrive à la courbe de 10 ° vers la gauche du point milliaire 111,0 où il freine d'urgence. Le consignateur d'événements révèle que le train roule à environ 25 mi/h dans la zone de 25 mi/h au moment du freinage. Le train parcourt ensuite quelque 322 pieds en 12 secondes environ avant de heurter l'éboulis de roches. Le consignateur cesse de fonctionner au moment où la locomotive de tête heurte l'éboulis de roches.
Au moment de la collision, le chef de train se trouve dans le cabine de la troisième locomotive qui roule avec le grand capot vers l'avant. Quand la locomotive s'immobilise, la cabine se trouve sur la paroi de la falaise et le compartiment moteur est immergé. La locomotive de tête plonge dans les eaux du lac par 20 mètres de fond. Le mécanicien et un agent de train restent coincés dans la cabine.
Du gazole qui s'échappe des locomotives prend feu pendant que les locomotives dévalent la paroi rocheuse. Le chef de train réussit à sortir de la troisième locomotive par une porte de côté et à escalader la berge rocheuse pour échapper aux flammes qui enveloppent la locomotive dont une partie est hors de l'eau. Il inspecte la surface du lac, et comme il ne voit ni ses camarades ni les autres locomotives, il décide d'escalader la falaise jusqu'à la voie ferrée. Comme il n'a pas de radio, il se met à courir vers l'ouest sur la voie ferrée où il rencontre une équipe d'entretien de la voie au point milliaire 114,0. On signale aussitôt l'accident au contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) et au Service d'intervention d'urgence.
Les membres de l'équipe du train répondaient aux exigences de leurs postes et satisfaisaient aux exigences réglementaires en matière de condition physique et de repos obligatoires pour assurer l'exploitation du train en toute sécurité. L'examen post mortem n'a révélé aucune situation antérieure à l'accident qui aurait pu jouer un rôle dans l'accident.
Les débris du rocher qui s'est détaché de la paroi étaient répartis sur 65 pieds le long de la plate-forme et gisaient de part et d'autre de la voie ferrée, à une profondeur d'au plus 10 pieds à partir de la paroi sud. La ligne visuelle était réduite à environ 350 pieds dans le virage.
Le rocher qui est tombé sur la voie provenait d'une paroi de granit solide, massif et légèrement altéré. Le rocher était divisé en blocs et présentait trois séries de fissures naturelles. Il présentait aussi plusieurs fissures à orientation aléatoire probablement dues au dynamitage pendant la construction de la voie ferrée.
Les parois arrière et ouest du rocher qui s'est détaché ont été attribuées à des fissures naturelles continues, tandis que la base peut avoir été formée par une fissure naturelle, des fissures attribuables au dynamitage et de la roche intacte.
De la terre et de la végétation s'étaient accumulées dans le réseau de fissures sur la paroi arrière du rocher qui s'est détaché. Ce réseau de fissures se prolongeait dans les parois de la masse rocheuse demeurée stable où de la terre s'était aussi accumulée.
Le 19 janvier 1995, vers 17 h 20 HNP, un train était passé au point milliaire 111,0, et l'équipe n'avait rien remarqué d'anormal à ce moment-là. Ce jour-là, le contremaître d'entretien de la voie avait inspecté la voie à bord d'un véhicule rail-route et n'avait décelé aucune anomalie.
Le 15 janvier 1995, après l'inspection du pont situé tout près de l'escarpement rocheux au point milliaire 111,0, on avait examiné la paroi rapidement. On avait également vérifié l'état de la voie dans les environs. Ni éboulis de roches ni accumulation de glace n'avait été décelé, et on avait estimé que la voie était en bon état.
Le CP inspecte chaque année toutes les tranchées rocheuses en Colombie-Britannique et dans l'ouest de l'Alberta depuis 1974 avec l'aide d'un consultant en géotechnique. Après avoir pris connaissance des résultats de ces inspections et compte tenu du degré de priorité attribué à chaque tranchée, on procède à des travaux de stabilisation à des endroits donnés. Dans la subdivision Nelson, les tranchées rocheuses sont inspectées chaque année par des véhicules d'entretien. Cependant, il n'y avait jamais eu d'inspection aérienne pour vérifier la stabilité des talus rocheux. Des travaux de stabilisation avaient été exécutés non loin du point milliaire 111,0 en 1977, et d'autres en 1987.
La dernière inspection dans la subdivision remontait à septembre 1994 et n'avait révélé aucune anomalie relative au rocher qui s'est détaché; selon l'évaluation faite alors, le talus présentait un risque modéré d'éboulement de volumes peu importants sur la voie ferrée. Le rapport indiquait qu'il s'agissait d'un secteur de hautes falaises à garder en observation. Le rapport d'inspection recommandait pour 1996 ou 1997 que des travaux de stabilisation près du lac Kootenay soient effectués entre les points milliaires 85 et 127. Le rapport recommandait également la conduite d'inspections plus poussées des talus afin d'établir un ordre de priorités pour d'autres travaux de stabilisation.
Le mouvement des trains dans la subdivision est assujetti aux règles de la régulation de l'occupation de la voie (ROV) et est surveillé par un CCF posté à Revelstoke (C.-B.). Deux trains par jour empruntent ce tronçon. Il n'y avait pas de barrière contre les éboulements de terrain à cet endroit.
Au moment du déraillement, il faisait trois ° C, le vent était nul, et le ciel était nuageux avec une visibilité limitée aux premières lueurs de l'aube. Du 6 au 10 janvier 1995, la température est restée au-dessous du point de congélation, tandis que du 10 janvier 1995 jusqu'au déraillement, elle s'est maintenue au-dessus. De l'eau coulait sur le faciès de rupture, probablement à la suite du dernier dégel.
Après le déraillement, le CP a fait inspecter la subdivision par hélicoptère. L'inspection a permis de déceler plusieurs endroits présentant des risques d'instabilité où des inspections de contrôle s'imposaient.
Après le déraillement et jusqu'à la fin des travaux de stabilisation des escarpements rocheux, le CP a exigé qu'une reconnaissance de la voie soit faite avant le passage de tout train qui doit emprunter la subdivision Nelson.
Le 10 octobre 1995, le CP a achevé des travaux de stabilisation à cinq endroits prioritaires entre les points milliaires 99,5 et 112,5 de la subdivision Nelson. Il s'agissait de talus mentionnés dans le rapport de septembre 1994 et qui devaient être stabilisés d'ici un ou deux ans. Les reconnaissances de la voie effectuées avant le passage des trains ont pris fin le 18 octobre 1995.
Analyse
Avant le déraillement, le train était exploité conformément aux instructions d'exploitation du CP et des normes de sécurité du gouvernement. Les freins d'urgence ont été serrés, mais le train n'a pas pu s'arrêter à temps pour éviter la collision avec l'éboulis de roches qui encombrait la voie. Malgré sa vigilance, l'équipe du train ne pouvait pas voir assez loin vers l'avant dans le virage parce que dans ce secteur la voie longe la paroi rocheuse. Une barrière contre les éboulements de terrain aurait pu prévenir l'équipe qu'il y avait un obstacle sur la voie.
La présence de terre dans les fissures de surface de la paroi rocheuse révèle qu'un réseau de fractures existait probablement depuis des années derrière le rocher qui est tombé. Avec le temps, ces fractures ont dû s'élargir sous l'effet des forces exercées par les racines des arbres et des arbustes, du gel et du dégel et du ruissellement de surface. Le rocher s'est détaché de la paroi dès que son appui a été suffisamment affaibli par les fissures.
Le réseau de fissures qui est à l'origine de l'éboulement ne pouvait pas être vu de la voie, ce qui le rendait impossible à déceler lors des inspections faites à bord de véhicules rail-route. Une inspection aérienne aurait peut-être permis de déceler l'instabilité de la paroi rocheuse.
Faits établis
- Avant d'arriver au point milliaire 111,0, le train était exploité conformément aux instructions d'exploitation du CP et aux normes de sécurité du gouvernement.
- Le train a heurté un éboulis de roches qui encombrait la voie, et les locomotives ainsi que les deux premiers wagons ont plongé dans les eaux du lac.
- Le personnel de conduite ne pouvait voir l'éboulis de roches à temps pour stopper le train à cause de la courbure de la voie et de la paroi rocheuse.
- Les fissures qui ont provoqué la séparation du rocher se sont élargies avec le temps, probablement sous l'effet des racines des arbres et des arbustes, du gel et du dégel ainsi que du ruissellement de surface.
- Lors de l'inspection de stabilité des talus rocheux faite par un véhicule rail-route en septembre 1994, le rocher qui a provoqué l'éboulement n'a pas attiré l'attention.
- Le réseau de fissures qui a provoqué l'éboulement ne pouvait être décelé par une inspection de la voie. Une inspection aérienne aurait peut-être permis de déceler le problème d'instabilité.
- Il n'y avait pas de barrière contre les éboulements de terrain dans cette zone.
Causes et facteurs contributifs
Le train a déraillé après avoir heurté un rocher qui s'est détaché d'une paroi qui avait été affaiblie par un important réseau de fissures.
L'éboulement s'est déclenché sous l'effet du gel et du dégel, du ruissellement de surface et des forces exercées par des racines d'arbres.
Le fait que l'équipe ne pouvait voir l'éboulis de roches sur la voie à cause de la courbure de la voie et parce que la voie longe la paroi à cet endroit a également joué un rôle dans l'accident.
Mesures de sécurité
Après l'accident, les talus des subdivisions Nelson, Kootenay Landing et Boundary du CP ont été inspectés par hélicoptère. L'inspection a révélé la présence d'une vingtaine d'autres fractures ouvertes dans la roche nécessitant une inspection plus poussée. Dans le même temps, le CP a décidé de procéder à une reconnaissance de la voie avant le passage de tout train qui doit emprunter la subdivision Nelson, jusqu'au 18 octobre 1995. En décembre 1995, le BST a envoyé à Transports Canada un avis de sécurité ferroviaire portant sur les circonstances de cet accident dans lequel il suggérait à Transports Canada de donner aux autres compagnies de chemin de fer de compétence fédérale des résultats des inspections de contrôle entreprises, surtout celles effectuées par hélicoptère, dans l'espoir de prévenir la récurrence de tels accidents.
Le CP a amélioré son programme de prévention systématique des éboulis de roches. À cette fin, il a fourni au personnel d'entretien de la voie des instructions relatives à l'inspection des talus rocheux, de la documentation sur les principes de stabilité des talus rocheux et sur les méthodes de stabilisation et de protection. Il a augmenté le nombre et la portée des inspections annuelles de talus rocheux. Il procède à des inspections aériennes pour évaluer la stabilité des talus rocheux et il évalue et répertorie un plus vaste éventail de mesures d'atténuation de l'instabilité des talus rocheux.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du
Président John W. Stants et des membres Zita Brunet et Maurice Harquail.