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Rapport d'enquête ferroviaire R99H0007

Déraillement / Collision
VIA Rail Canada Inc.
Train de voyageurs numéro 74
Point milliaire 46,7, subdivision Chatham
du Canadien National
Thamesville (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 23 avril 1999, vers 12 h, heure avancée de l'Est, le train no 74 de VIA Rail Canada Inc., qui roulait en direction est sur la voie principale nord de la subdivision Chatham du Canadien National, à Thamesville (Ontario), est arrivé à la hauteur d'un aiguillage en position renversée, a traversé sur la voie principale sud et a déraillé au point milliaire 46,7. Après avoir déraillé, le train est entré en collision avec des wagons immobilisés sur une voie de garage adjacente. Les trois wagons heurtés par le train étaient chargés de nitrate d'ammonium. Les quatre voitures et la locomotive du train de voyageurs ont déraillé ainsi que quatre des wagons immobilisés sur la voie de garage adjacente. Les deux membres de l'équipe qui se trouvaient dans la cabine de commande de la locomotive ont été mortellement blessés. Soixante-dix-sept des 186 voyageurs et membres de l'équipe qui se trouvaient à bord ont reçu des traitements à l'hôpital. Quatre personnes ont été hospitalisées, souffrant de blessures graves. De nombreuses autres personnes ont reçu les premiers soins sur place. La voie principale a été endommagée sur une distance d'environ 50 m, et la voie de garage adjacente a été détruite sur une distance de 100 m. La locomotive a subi des dommages sans espoir de réparation et les deux premières voitures ont subi des dommages considérables.

La section 3 du présent rapport renferme les conclusions du Bureau. Le Bureau a constaté des lacunes en ce qui a trait aux moyens de défense associés à la méthode de contrôle du mouvement des trains qu'on appelle régulation de l'occupation de la voie, surtout dans les « zones exemptes de signalisation », où les trains ne sont pas toujours avertis suffisamment d'avance des aiguillages de voie principale laissés en position renversée, ainsi qu'à l'entreposage de marchandises dangereuses dans des wagons pendant des périodes prolongées sur des voies adjacentes aux voies principales. La section 4 du rapport donne les mesures de sécurité prises par l'industrie et Transports Canada. Le Bureau a publié trois recommandations pour corriger les lacunes non réglées. Les deux premières recommandations portent sur l'exploitation des trains en « zone exempte de signalisation » et la troisième recommandation vise à faire la lumière sur le règlement sur l'entreposage ponctuel des marchandises dangereuses. En outre, le Bureau a fait part de ses préoccupations en ce qui a trait à l'élimination rapide de certains dangers auxquels sont exposés les voyageurs.

This report is also available in English.

1.0 Renseignements de base

1.1 L'accident

Vers 12 h, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 1 le 23 avril 1999, le train de voyageurs no 74 de VIA Rail Canada Inc. (VIA), qui roule en direction est, se compose d'une locomotive et de quatre voitures et est parti de Windsor (Ontario), arrive à la hauteur d'un aiguillage de liaisonNote de bas de page 2 en position renverséeNote de bas de page 3 sur la voie principale nord au point milliaire 46,72 de la subdivision Chatham du Canadien National (CN), à Thamesville (Ontario). L'équipe serre les freins d'urgence alors que le train roule à 80 mi/h, à quelque 180 m de l'aiguillage. Le train entre dans la liaison à une vitesse de 74 mi/h, sort de la liaison, déraille et heurte 3 wagons d'une rame de 13 wagons immobilisés sur une voie adjacente. Le train roule à 68 mi/h quand il entre en collision avec les wagons immobilisés chargés de nitrate d'ammonium.

Le déraillement et la collision qui s'ensuit causent la mort des deux membres de l'équipe qui prennent place dans la cabine de la locomotive. Soixante-dix-sept des 186 voyageurs et membres de l'équipe qui se trouvent à bord reçoivent des traitements à l'hôpital. Quatre personnes sont hospitalisées souffrant de blessures gravesNote de bas de page 4. De nombreuses autres personnes reçoivent les premiers soins sur place. Une quantité de quelque 300 tonnes de nitrate d'ammonium, un produit oxydant, se déverse et présente un risque considérable d'incendie ou d'explosion. Le nitrate d'ammonium déversé est réparti dans tout le secteur du déraillement, mais est concentré surtout du côté sud. Quand le nitrate d'ammonium se mélange au gazole, qu'il est tassé de façon appropriée et qu'il est exposé à une source d'inflammation, le risque d'explosion est plus grand; toutefois, il n'y a pas eu d'incendie et l'intégrité du réservoir de carburant de la locomotive n'a pas été compromise sérieusement.

Les premiers intervenants arrivent sur les lieux dans les quatre minutes qui suivent l'accident. Ils évaluent immédiatement les risques associés au déversement de nitrate d'ammonium et atténuent les risques en colmatant une petite fuite de carburant du réservoir de la locomotive, en limitant l'accès et en empêchant les sources d'inflammation consécutives à l'accident. Le contenu du réservoir de la locomotive, soit environ 1 500 gallons (6 800 litres) de gazole, est retiré du réservoir. Il a été impossible de déterminer la quantité de gazole qui s'est mélangée au nitrate d'ammonium, mais la plus grande partie du gazole contenu dans le réservoir au moment de l'impact a été récupérée. Les voyageurs et les membres de l'équipe du train sont évacués du train dans un délai d'environ 20 minutes. Les voyageurs et les membres de l'équipe sont évacués des lieux dans un délai de 45 minutes. Les blessés sont transportés à l'hôpital général Chatham-Kent Health Alliance et au centre de traitement Westover, à Thamesville, pour y être traités.

Photo 1. Photographie aérienne du lieu de l'accident à partir du sud-est
Description

1.2 Exploitation du train à partir de Windsor

Pour connaître les particularités de la subdivision Chatham du CN, voir l'annexe A (carte de la subdivision Chatham).

Les membres de l'équipe du train 74 ont pris leur service à 10 h le 23 avril 1999 pour conduire le train 74 de Windsor à Toronto (Ontario). Le train 74 a quitté Windsor à 11 h 1 avec une locomotive et quatre voitures. Les membres de l'équipe ont obtenu une feuille de libération en vertu de la régulation de l'occupation de la voie (ROV), qui les autorisait à rouler sur la voie principale de la subdivision Chatham du CN du point milliaire 105 jusqu'à Kent, point milliaire 62,4. La subdivision Chatham est constituée d'une voie principale simple entre Windsor et Kent.

1.2.1 De Windsor à Northwood

Vers 11 h 30, les membres de l'équipe du train 74 ont obtenu une nouvelle feuille de libération ROV qui les autorisait à rouler sur la voie nord de Kent à Glencoe, point milliaire 27,8. Il y a deux voies principales entre Kent et Glencoe. La feuille de libération comptait plusieurs restrictions, dont une qui obligeait l'équipe à obtenir la permission d'un train de travaux, le train 319, pour pouvoir circuler dans sa zone de travaux, ainsi qu'un grand nombre d'avertissements concernant des aiguillages en position renversée.

En approchant de Northwood, point milliaire 52,5, l'équipe du train 74 a communiqué avec l'équipe du train 319 et a demandé la permission de rouler entre le point milliaire 54 et le point milliaire 46 sur la voie nord. L'équipe du train 319 a donné à celle du train 74 la permission de rouler sans restriction entre les points milliaires en question.

Photo 2. Schéma de Northwood et de Thamesville
Description

1.2.2 Aux abords de Thamesville

La voie est en alignement aux abords de Thamesville, point milliaire 46,7, à partir de l'ouest. La vitesse maximale permise était de 80 mi/h pour les trains de voyageurs roulant en direction est sur la voie nord. La route 21 et le chemin de comté 2 croisent la subdivision Chatham au point milliaire 46,75 et au point milliaire 46,43 respectivement. Il y avait une installation d'une coopérative agricole du côté nord de l'emprise, et il y avait un certain nombre de voies adjacentes aux voies principales, de chaque côté de celles-ci, qui servaient aux manoeuvres et à l'entreposage. Sur la voie située au sud de la voie principale sud, la voie CB40, 13 wagons étaient immobilisés. Chacun des quatre wagons placés à l'extrémité ouest de la rame était chargé d'environ 100 tonnes de nitrate d'ammonium. À environ 100 pieds (30 m) à l'est de la route 21, il y avait une liaison qui reliait les voies principales nord et sud au moyen d'aiguillages placés au point milliaire 46,72 sur la voie nord et au point milliaire 46,68 sur la voie sud. Ces deux aiguillages étaient en position renversée.

Photo 3. Aiguillage de liaison ouest au point milliaire 46,72 orienté et cadenassé en position renversée
Aiguillage de liaison ouest au point milliaire 46,72 orienté et cadenassé en position renversée

L'équipe du train 74 a serré les freins d'urgence environ 600 pieds (180 m) avant l'aiguillage de liaison ouest. L'examen de la locomotive a révélé qu'on avait tiré sur la manette de freinage d'urgence, placée du côté du chef de train dans la cabine de la locomotive. De plus, l'interrupteur d'arrêt du moteur, placé du côté du mécanicien dans la cabine de la locomotive, avait été enfoncé, commandant l'arrêt du moteur diesel. À peu près à ce moment, un message d'urgence a été transmis sur le canal d'attente du train à l'intention d'un train de voyageurs de VIA circulant en sens contraire, le train 71. Le train 71 approchait de Thamesville et roulait en direction ouest sur la voie sud à une vitesse d'environ 75 mi/h. Le message avisait le train 71 de s'arrêter et a été répété. Bien que cette transmission n'ait pas été enregistrée, il a été déterminé qu'elle venait de la cabine de commande de la locomotive du train 74.

Les membres de l'équipe de la locomotive du train 71 se préparaient à changer de canal radio pour entrer en communication avec le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) afin d'obtenir des autorisations additionnelles puisqu'ils approchaient de Thamesville. Avant de changer de canal, ils ont reçu le message d'urgence leur ordonnant d'arrêter, et pendant que le mécanicien serrait les freins, ils ont observé vers l'avant ce qui leur a semblé être de la poussière et de la fumée. Ils ont essayé en vain d'entrer en communication avec le train 74 puis ont transmis un appel radio d'urgence au CCF pour l'aviser qu'il venait de se passer quelque chose à Thamesville. Le train 71 a poursuivi sa route vers l'ouest jusqu'à Thamesville et s'est arrêté de façon contrôlée un peu à l'est du train déraillé. Les membres de l'équipe ont avisé le CCF que le train 74 avait déraillé et ont demandé une assistance d'urgence. Ils sont ensuite descendus de leur train et ont participé aux opérations d'évacuation.

1.3 Renseignements sur le lieu de l'événement

1.3.1 Caractéristiques du secteur du déraillement

L'accident s'est produit à la limite sud de la ville de Thamesville. Thamesville est une agglomération de 1 000 habitants du sud-ouest de l'Ontario, située à 65 km à l'ouest de London et à 21 km à l'est de Chatham. Les services d'urgence locaux comprennent un corps de pompiers volontaires et un bureau satellite de la police de Chatham-Kent. Les services policiers, ambulanciers et hospitaliers sont assurés à partir de Chatham. La Chatham-Kent Health Alliance assure les services d'urgence et dispose de 241 lits répartis dans 3 hôpitaux distincts. Dans le secteur, la topographie est sans relief. La route 21, une route asphaltée à deux voies, croise la voie ferrée presque à angle droit au point milliaire 46,75. Le passage à niveau est protégé par des feux clignotants, une sonnerie et des barrières. Plus à l'est, au point milliaire 46,43, le chemin de comté 2, une autre route asphaltée à deux voies, croise la voie ferrée à un angle de 35 degrés; le passage à niveau est aussi protégé par des feux clignotants, une sonnerie et des barrières. Au sud des voies ferrées, les terres servent surtout à des fins agricoles. Il y avait une installation d'une coopérative agricole immédiatement au nord des voies.

1.3.2 Façon dont le déraillement s'est produit

On a découvert que l'aiguillage de liaison ouest était orienté et cadenassé pour la liaison. L'appareil de manoeuvre d'aiguillage de la liaison est a été lourdement endommagé, mais le levier de manoeuvre était orienté et cadenassé pour la liaison. Rien n'indique que la lame d'aiguille de la liaison est a été ouverte de force par des boudins de roue, et la tringle de manoeuvre reliant les aiguilles à l'appareil de manoeuvre d'aiguillage n'a pas été tordue comme elle l'aurait été si l'aiguillage avait été talonnéNote de bas de page 5. Cette information indique que l'aiguillage de liaison est était aussi orienté pour la liaison. À environ 24 pieds (7 m) à l'est de l'aiguillage de liaison est, le rail sud de la voie principale sud s'est rompu. Des écorchures profondes laissées le long du côté intérieur du rail, et continuant vers l'ouest sur une distance d'environ 14 pieds (4 m) indiquent qu'un effort latéral extrême a été exercé avant que le rail se rompe. Des marques relevées sur l'essieu monté avant de la première voiture derrière la locomotive et des marques de peinture qu'on a relevées sur les traverses de l'appareil de manoeuvre d'aiguillage et qui correspondaient avec la peinture des voitures indiquent que la première voiture a heurté l'aiguillage de liaison est.

Des marques relevées sur le dessus du rail, correspondant aux dommages causés par un boudin de roue, et des dommages considérables relevés sur les traverses et sur la plate-forme de la voie, indiquent que la locomotive a déraillé environ 48 pieds (15 m) à l'est de l'aiguillage de liaison est. Après avoir déraillé, l'avant du train s'est déplacé latéralement vers le sud, heurtant le matériel roulant immobilisé sur la voie CB40. Le train a poursuivi sa route en direction est et a heurté d'autre matériel roulant immobilisé sur une distance de quelque 165 pieds (50 m), finissant sa course avec la locomotive couchée sur le côté droit. Les quatre voitures du train ont déraillé, et les trois premières se sont retrouvées inclinées sur le côté droit à des angles décroissants de la première voiture à la troisième voiture.

1.3.3 Particularités de la voie

Sur le lieu de l'accident, les voies principales et la liaison étaient faites de longs rails soudés de 115 livres, fabriqués en 1978. Les rails étaient posés sur des traverses de bois dur placées à raison de 60 traverses par 100 pieds (30 m) de voie, et étaient retenus à chaque traverse par quatre crampons standard combinés à quatre anticheminants standard. Le tout reposait sur un ballast de pierre concassée. Les éléments de la voie étaient en bon état.

Une liaison reliait les deux voies principales à Thamesville. Cette liaison était faite de deux branchements no 12 ayant chacun un rayon de courbure standard de 1 104,63 pieds (336,7 m), un vers la droite et l'autre vers la gauche, et des aiguillages au point milliaire 46,72 sur la voie nord (aiguillage de liaison ouest) et au point milliaire 46,68 sur la voie sud (aiguillage de liaison est). La vitesse maximale permise pour les trains dans les liaisons de ce genre est de 15 mi/h, bien que les branchements soient conçus pour qu'un train puisse y circuler à une vitesse atteignant 30 mi/h. Les appareils de manoeuvre d'aiguillage étaient du type bas; ces appareils sont utilisés couramment dans les installations de voie principale où l'on ne peut pas utiliser des appareils hauts en raison du manque de dégagement. On manoeuvre les aiguillages à la main : après avoir retiré un cadenas, on abaisse un loquet actionné par le pied et on saisit un levier horizontal et parallèle au rail, pour l'amener à la verticale et le faire redescendre ensuite à l'horizontale de l'autre côté du mécanisme d'aiguillage, de nouveau parallèle au rail, puis on le ramène dans un loquet actionné par le pied. On installe ensuite le cadenas sur le loquet actionné par le pied et on ferme le cadenas. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une exigence officielle de la compagnie, la pratique courante en matière d'installation et d'entretien de ces aiguillages veut qu'on installe le levier de manoeuvre avec la poignée orientée loin des aiguilles dans la position normaleNote de bas de page 6, de façon que du matériel roulant déraillé ou des pièces traînantes qui se déplacent en direction de prise en pointe (en direction des aiguilles), soient moins susceptibles de renverser l'aiguillage.

Chaque aiguillage de liaison était équipé de deux cibles indiquant la couleur rouge pour la position renversée et une cible indiquant la couleur verte pour la position normale (voir la figure 3). Fixée à un mât d'acier carré qui faisait saillie au centre du mécanisme d'aiguillage, se trouvait une cible ovale mesurant 30,5 cm de longueur sur 15 cm de hauteur. Cette cible avait été peinte en rouge et montrait à sa surface deux pièces rectangulaires faites d'un matériau réfléchissant de grande intensité, une de chaque côté du centre. La peinture et le matériau réfléchissant étaient tachés et avaient subi une dégradation considérable à la surface. Le bas de la cible ovale était à peu près au niveau du haut du rail. Une longueur additionnelle de tige d'acier de section carrée faisait saillie du haut du mât, fixée par un manchon et un boulon. Fixées à cette extension, il y avait deux cibles additionnelles placées à 90 degrés l'une de l'autre, une ronde et l'autre carrée. La face de la cible ronde était tournée dans la même direction que la cible ovale et était aussi peinte en rouge. La peinture avait pâli et on n'avait pas appliqué de matériau réfléchissant additionnel. La cible carrée, tournée dans le sens contraire du mouvement des trains, était peinte en vert. La cible ronde mesurait 20 cm de diamètre et la cible carrée mesurait 20 cm de côté. Le bas de ces cibles se trouvait à environ 27 cm au-dessus du haut du rail.

Les enquêteurs du BST, approchant de l'aiguillage de liaison ouest sur la voie principale nord, en direction est, ont pu identifier les cibles rouges à une distance d'environ 1 400 pieds (425 m). À cette occasion, la visibilité était bonne, les enquêteurs étaient dans un véhicule rail-route immobile ou dans une locomotive approchant lentement et ils essayaient activement de localiser l'aiguillage.

1.3.4 Contrôle du mouvement des trains

Dans la subdivision Chatham du CN, le mouvement des trains est régi par ROV en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et est surveillé par un CCF posté à Toronto. Habituellement, six trains de marchandises et huit trains de voyageurs passent chaque jour dans la subdivision Chatham.

1.3.5 Conditions météorologiques

Au moment de l'accident, la température était de cinq degrés Celsius, le ciel était couvert, une pluie légère tombait et les vents étaient légers, ce qui fait que la visibilité vers l'avant était moindre que par temps clair.

1.4 Renseignements sur le personnel

1.4.1 Équipe de la locomotive du train 74

Il y avait deux mécaniciens et un mécanicien stagiaire à bord du train. Le mécanicien et le mécanicien stagiaire qui ont été mortellement blessés prenaient place dans la cabine de commande de la locomotive, et l'autre mécanicien se trouvait dans la voiture-bar, derrière la locomotive. Le mécanicien stagiaire était aux commandes de la locomotive. Tous les membres de l'équipe de conduite répondaient aux exigences de leurs postes et satisfaisaient aux exigences en matière de repos et de condition physique.

1.4.2 Équipe des services de bord du train 74

À bord du train 74, il y avait une équipe de cinq employés des services de bord. L'équipe des services de bord se composait d'un chef de service et de quatre préposés principaux aux services. Deux préposés principaux aux services étaient affectés à la voiture-bar, un à la voiture 3351 et un à la voiture 3313. Les préposés principaux aux services affectés aux voitures se partageaient aussi les tâches du service dans la voiture 3344. Tous les membres de l'équipe des services de bord répondaient aux exigences de leurs postes respectifs.

1.4.3 Équipe du train 319

L'équipe du train 319 comptait un mécanicien, un chef de train et un agent de train. Ils répondaient aux exigences de leurs postes respectifs et satisfaisaient aux exigences en matière de repos et de condition physique.

1.5 Renseignements sur le train

Le train 74 était un train de voyageurs qui roulait vers l'est le dimanche, le lundi et le vendredi, entre Windsor et Toronto. Il comptait une locomotive et quatre voitures légères, rapides, confortables (LRC). Le train pesait environ 350 tonnes et mesurait quelque 400 pieds (120 m) de longueur.

1.5.1 La locomotive

Le train 74 était entraîné par une locomotive GM F40PH-2D, construite en juillet 1987 par la General Motors (GM) du Canada. Les locomotives de ce type ont un capot court à l'avant. La caisse est entièrement fermée, et on y trouve des coursives donnant accès aux moteurs. Il s'agit d'une locomotive diesel-électrique à quatre essieux de 3 000 HP, affectée au service voyageurs. La génératrice principale de la locomotive convertit en électricité l'énergie mécanique du moteur turbo diesel de 16 cylindres. L'énergie électrique est ensuite transmise à quatre moteurs de traction, dont chacun est en prise avec une paire de roues.

1.5.2 Voitures légères, rapides, confortables (LRC)

Le train 74 comptait quatre voitures LRC conçues pour le service voyageurs à grande vitesse. Bombardier a construit deux séries de voitures LRC pour VIA :

De l'avant vers l'arrière, le matériel roulant était placé de la façon suivante :

La caisse des voitures est construite en aluminium soudé, à l'exception des sous-systèmes mécaniques et des ensembles de bogies. Les voyageurs montent dans les voitures et en descendent par une plate-forme aménagée à un bout de la voiture. Chaque côté de la plate-forme est équipé d'une porte coulissante latérale à fonctionnement électrique et de marches rétractables actionnées à la main. Une porte coulissante intermédiaire sépare la plate-forme de l'aire réservée aux voyageurs. À chaque bout de la voiture, une porte coulissante de bout donne accès aux voitures adjacentes.

L'aménagement intérieur comprend une cuisinette, deux compartiments à bagages aux bouts de la voiture, et deux rangées de fauteuils doubles surmontés de compartiments à bagages fermés au-dessus des fauteuils. La plupart des fauteuils passagers ont un dossier inclinable réglable et des plateaux de service rétractables. Deux salles de toilettes complètent l'aménagement intérieur de la voiture.

La voiture-bar peut asseoir 56 personnes et les voitures ordinaires peuvent en asseoir 72. Les voitures-bars accueillent les voyageurs détenteurs de billets de première classe. Il est courant qu'on place la voiture-bar immédiatement derrière la locomotive ou à l'arrière du train. Les voitures des deux types sont munies de quatre fenêtres d'issue de secours, deux de chaque côté de la voiture, de deux portes d'entrée latérales, situées au bout où se trouve la plate-forme, et de deux portes de bout, une à chaque bout de la voiture.

1.6 Renseignements consignés et efficacité des freins des trains

1.6.1 Données du consignateur d'événements de la locomotive du train 74

Tableau 1 - Données du consignateur d'événements de la locomotive du train 74

Événement Heure (secondes) Pression dans la conduite générale (livres) Position de la manette des gaz Vitesse (mi/h)
46,3 102 6 80
47,3 102 6 79
47,9 102 6 79
48,1 102 6 79
Chute de la pression dans la conduite générale
48,3 101 6 80
48,4 91 6 80
48,5 82 6 80
48,6 73 6 80
48,7 65 6 80
48,8 57 6 80
48,9 50 6 80
49,0 44 6 80
Diminution des gaz
49,1 38 1 80
49,2 33 ID* 80
49,3 27 ID 80
49,5 19 ID 80
49,6 16 ID 80
49,9 9 ID 80
50,1 7 ID 80
50,3 5 ID 79
50,5 4 ID 79
50,6 4 ID 79
50,8 2 ID 79
50,9 2 ID 79
51,0 2 ID 79
51,2 2 ID 79
51,3 2 ID 78
Pression au minimum dans la conduite générale
51,6 1 ID 78
51,9 1 ID 78
52,3 1 ID 77
Centre de la rue Victoria
52,9 1 ID 77
53 1 ID 77
53,3 1 ID 74
Entrée dans la liaison
53,9 1 ID 74
54,3 1 ID 72
54,9 1 ID 72
55,3 1 ID 70
55,9 1 ID 70
56,3 1 ID 68
Sortie de la liaison 56,9 1 ID 68
Collision
57,3 1 ID 57
* ID = Idle (ralenti)

Le tableau 1 illustre l'information qui a été récupérée dans le consignateur d'événements de la locomotive du train 74 pour la période entre 12 h 0 min 46,3 s et 12 h 0 min 57,3 s. Seules les secondes sont indiquées dans le tableau. On trouvera ci-après un résumé des événements principaux :

Du serrage initial des freins à l'entrée dans la liaison

Quand le signal pneumatique de freinage d'urgence est donné, il se déplace d'un bout à l'autre du train à la vitesse du son, soit à environ 930 pieds (280 m) à la seconde. Comme le train mesurait environ 400 pieds (120 m) de longueur, le signal commandant le freinage d'urgence a dû mettre beaucoup moins qu'une seconde pour atteindre le bout du train. Toutefois, il a dû falloir beaucoup plus de temps pour que l'effort de freinage soit à son maximum, compte tenu du temps qu'il faut pour que les freins exercent une friction maximale.

Traversée de la liaison

Pendant la collision initiale

Du moment de la collision à l'arrêt complet

Après que les freins d'urgence ont été serrés, soit entre 12 h 0 min 48,1 s et 12 h 0 min 48,3 s, et jusqu'à la collision, entre 12 h 0 min 56,9 s et 12 h 0 min 57,3 s, le train a ralenti de 80 mi/h à 68 mi/h dans un délai approximatif de 9 secondes.

1.6.2 Données du consignateur d'événements de la locomotive du train 71

Les données consignées indiquent qu'entre 12 h 1 min 58 s et 12 h 4 min 15 s, la vitesse du train 71 est passée de 75 mi/h à 0 mi/h. Au cours de cette période, il y a eu une série de réductions et d'augmentations de la pression dans la conduite générale, qui dénotent un ralentissement contrôlé d'un train de voyageurs dont on gradue la puissance de freinage.

Les consignateurs d'événements des locomotives des trains 74 et 71 n'étaient pas synchronisés. Bien que l'enregistrement comparatif du temps écoulé pour des événements donnés soit considéré comme étant raisonnablement exact, le moment précis où un événement donné a débuté ne reflète peut-être pas l'heure exacte.

1.6.3 Efficacité des freins des trains

À partir de données fournies par VIA, le BST a comparé la décélération initiale obtenue lors de quatre freinages d'urgence de trains similaires à partir de vitesses similaires. Les données reflètent des freinages d'urgence exécutés dans des conditions de voie (pente, courbure) et des conditions environnementales (température, précipitations) variées, lesquelles sont réputées être à l'origine de performances de freinage très variées. Les décélérations initiales de ces quatre trains, au cours des 5 ou 6 premières secondes suivant le serrage des freins d'urgence, sont résumées dans le tableau suivant :

Tableau 2 - Décélération indiquée par les consignateurs d'événements

Train Décélération (mi/h par seconde)Note de bas de page 7
Train 74 de 1,2 à 1,3
Train A de 0,4 à 0,7
Train B de 0,4 à 0,7
Train C de 1,4 à 1,5
Train D de 1,7 à 1,6

Les données indiquent aussi qu'après les quelques premières secondes, le taux de décélération augmentait, passant d'environ 1 mi/h à environ 2 mi/h par seconde, et restait constant pour l'essentiel.

1.6.4 Efforts latéraux et longitudinaux calculés

Les ingénieurs du BST ont examiné la dynamique du train 74 tout au long de sa décélération et de son passage dans la liaison au point de la collision, jusqu'au moment où il s'est arrêté complètement (rapport du Laboratoire technique du BST no LP 05/99). Leur examen a permis de tirer les conclusions suivantes :

Avant la collision :

Pendant la collision :

Après la collision :

1.7 Aiguillages de voie principale

1.7.1 Méthode d'utilisation des aiguillages à manoeuvre manuelle

La règle 104 du REF, laquelle s'applique à toutes les compagnies ferroviaires de compétence fédérale, précise la façon de se servir des aiguillages à manoeuvre manuelle, y compris les aiguillages de voie principale. Les procédures exposées ci-après concernent l'accident qui fait l'objet de l'enquête :

(a)… les aiguillages de voie principale doivent être orientés pour la voie principale et cadenassés lorsqu'ils ne sont pas en usage. Un aiguillage de voie principale à manoeuvre manuelle doit présenter une cible réflectorisée, ou un feu et une cible, pour donner les indications suivantes : [vert pour une position normale; rouge pour une position renversée]

(b) Lorsqu'un BM [Bulletin de marche], une feuille de libération ou des instructions spéciales en donnent l'autorisation et que la protection a été assurée contre tous les trains ou les locomotives concernés, un aiguillage de voie principale peut être laissé et cadenassé dans sa position renversée. En l'absence d'une telle autorisation, il ne faut pas laisser l'aiguillage en position renversée, à moins qu'un aiguilleur ou un membre de l'équipe ne soit en mesure de le remettre à la position normale avant qu'il ne soit obstrué par un train ou une locomotive approchant sur la voie principale.

[…]

(d) Sauf dans les cas prévus au paragraphe b), le chef de train et le mécanicien doivent, dans la mesure du possible, s'assurer que les aiguillages manoeuvrés à la main par les membres de leur équipe sont laissés dans la position normale. Les autres employés ne sont pas pour autant dégagés de l'obligation de bien manoeuvrer les aiguillages.

[…]

(f) Après avoir manoeuvré un aiguillage, il faut en examiner les aiguilles et observer la cible, le réflecteur ou le feu, s'il y en a un, pour s'assurer que l'aiguillage est bien orienté.

[…]

(n) Avant d'utiliser une liaison, le premier aiguillage à renverser est celui de la voie sur laquelle le train ou la locomotive est à l'arrêt. Les deux aiguillages de la liaison doivent être renversés avant le début du mouvement, et la liaison doit être franchie complètement avant de remettre l'un ou l'autre aiguillage à sa position normale.

Au moment de l'événement, aucune procédure d'exploitation additionnelle n'obligeait les employés à communiquer spécifiquement entre eux la position des aiguillages de voie principale sur les voies du CN.

1.7.2 Cibles des aiguillages de voie principale

Conformément aux pratiques d'exploitation normalisées des chemins de fer du Canada, les cibles d'aiguillage de voie principale sont considérées comme des repères qui, en plus d'indiquer la position de l'aiguillage, aident l'équipe d'un train à déterminer l'emplacement exact de l'aiguillage. À moins que les membres de l'équipe n'aient reçu un avis formel disant qu'ils peuvent arriver devant un aiguillage orienté et cadenassé en position renversée ou qu'ils n'aient reçu des instructions disant d'utiliser un aiguillage spécifique, ils n'ont pas à régler la vitesse de leur train pour être en mesure d'arrêter avant des aiguillages qui pourraient être en position renversée. En général, quelles que soient la courbure de la voie ou les conditions de visibilité, les membres de l'équipe d'un train sont censés faire rouler leur train le plus près possible de la vitesse maximale permise.

1.7.3 Mesures de sécurité prises par le BST au sujet des aiguillages de voie principale

En 1992, le Bureau a publié trois recommandations au sujet de la manoeuvre des aiguillages de voie principale, par suite d'un incident dangereux survenu dans la subdivision Sherbrooke du CN, lors duquel un train de voyageurs de VIA est arrivé à la hauteur d'un aiguillage de voie principale qui était en position renversée, près de Bromptonville (Québec) (rapport no R91D0032 du BST).

En 1994, le ministère des Transports a répondu qu'on avait fait l'évaluation sur place de tous les aiguillages de voie principale donnant accès aux subdivisions exemptes de signalisation dans lesquelles des trains de voyageurs devaient circuler. Les résultats de cette étude ont été adressés aux cadres supérieurs du CN, du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) et de l'Association des chemins de fer du Canada (ACFC)Note de bas de page 9. Par suite de cette initiative, on a demandé aux compagnies ferroviaires de considérer les endroits où la visibilité des cibles d'aiguillage et les distances de freinage minimales des trains pourraient présenter un danger et de proposer des mesures correctives. Grâce à cette campagne, on a retiré certains aiguillages et amélioré la visibilité aux abords d'autres aiguillage. En outre, Transports Canada a été avisé qu'on travaillait à améliorer la visibilité des cibles d'aiguillage dans les zones exemptes de signalisation et qu'on portait une attention particulière aux voies sur lesquelles circule le trafic voyageurs.

En août 1993, un train de voyageurs de VIA transportant 240 voyageurs et une équipe de 18 personnes est arrivé à la hauteur d'un aiguillage de voie principale laissé en position renversée au point milliaire 58,2 de la subdivision Sussex du CN alors qu'il roulait à environ 65 mi/h (rapport no R93M0059 du BST). Les freins d'urgence ont été serrés à une distance d'environ 1 000 pieds (300 m) de l'aiguillage. Le train a franchi l'aiguillage à une vitesse d'environ 55 mi/h, mais n'a pas déraillé. L'accident n'a pas fait de blessé. Par la suite, le BST a fait parvenir un Avis de sécurité à Transports Canada dans lequel il disait qu'une situation dangereuse pouvait exister si un aiguillage de voie principale était orienté et cadenassé pour une voie d'évitement et n'était pas sous la garde d'un aiguilleur ou d'un membre de l'équipe d'un train. Transports Canada a répondu qu'on avait avisé le CN d'envisager des améliorations à ses règles d'exploitation, à la formation du personnel chargé de manoeuvrer les aiguillages et à la visibilité des cibles d'aiguillage. On a aussi demandé au CN de considérer l'introduction d'aiguillages à rappel automatiqueNote de bas de page 10 en ROV et des moyens consistant à avertir les équipes des trains de la position des aiguillages. Le CN n'a pas installé d'aiguillages à rappel automatique en ROV dans son réseau, et n'a pas établi de moyens destinés à avertir les équipes des trains qui approchent des cibles d'aiguillage.

En mai 1994, le Bureau a constaté que, depuis 1991, il y avait eu au moins six événements, dont quatre en 1994, lors desquels des trains étaient arrivés à la hauteur d'un aiguillage en position renversée et les équipes n'avaient pas été averties de la situation au préalable. On soupçonnait que les accidents signalés reflétaient la mauvaise interprétation et la mauvaise application des nouvelles procédures permettant dans certaines circonstances de laisser des aiguillages de voie principale orientés et cadenassés en position renversée. Étant donné les risques de collision ou de déraillement graves, le Bureau a recommandé que le ministère des Transports examine la façon dont la règle 104 b) du REF est mise en pratique dans les opérations sur le terrain afin de s'assurer que ces méthodes offrent aux trains une protection adéquate contre tout aiguillage orienté vers une voie autre que la voie principale (recommandation R94-05).

Transports Canada a répondu que l'industrie et Transports Canada avaient entrepris un grand nombre d'activités pour assurer le respect de cette règle en améliorant la formation, la supervision et l'application du règlement, et pour mettre en application d'autres mesures visant à protéger les trains circulant en zone exempte de signalisation. Plus précisément, Transports Canada a examiné les pratiques d'exploitation des compagnies ferroviaires pour s'assurer que les équipes des trains manoeuvrent les aiguillages correctement, de façon à éviter que des trains arrivent inopinément à la hauteur d'aiguillages laissés en position renversée. Transports Canada a conclu que rien n'étayait l'affirmation voulant que la règle 104 b) du REF n'était pas fondée ou était dangereuse. De plus, Transports Canada a examiné les endroits qui posaient problème « du point de vue de l'ingénierie » pour s'assurer que les équipes des trains reçoivent des avertissements adéquats si un aiguillage est laissé dans la mauvaise position. Cet examen a porté sur les zones exemptes de signalisation où des trains de voyageurs circulent à 70 mi/h et plus. Transports Canada a déterminé que les cibles rouges de grande dimension sur les appareils de manoeuvre d'aiguillage hauts étaient visibles d'une distance d'environ 2 100 pieds (640 m), pourvu que des broussailles, la courbure de la voie, des wagons sur une voie d'évitement et certaines conditions météorologiques comme une tempête de neige ou un brouillard épais n'empêchent pas de les voir. Les appareils de manoeuvre d'aiguillage bas, comme celui du type 36D employé aux aiguillages de liaison de Thamesville, n'ont pas été examinés.

En novembre 1994, Transports Canada a laissé savoir que, dans les subdivisions Chatham et Newmarket du CN, les distances de visibilité étaient adéquates, sauf à un endroit, et que toutes les grosses cibles d'aiguillage avaient été recouvertes d'un nouveau matériel très réflectorisé. Transports Canada a fait savoir que, pour un autre endroit, le CN mettait au point une sorte de signal actif qui avertirait d'avance les équipes des trains lorsqu'il se pouvait qu'un aiguillage ne soit pas orienté pour la voie principale. Le dispositif était à l'étape de la conception, et les essais étaient prévus pour une date ultérieure; toutefois, au moment de l'événement, ce dispositif n'avait pas été mis en service. Aussi, Transports Canada a indiqué qu'un certain nombre d'autres initiatives étaient à l'étude, notamment des procédures radio, des limitations de vitesse et, à long terme, certains aspects du Système d'automatisation de la marche des trains(ATCS)Note de bas de page 11.

En mars 1997, Transports Canada a publié un avis et ordre aux termes de l'article 31 de la Loi sur la sécurité ferroviaire disant aux CCF du CN de ne pas prendre de mesures à partir d'information reçue au sujet d'un aiguillage de voie principale qui a été replacé à sa position normale, à moins que cette information ne provienne de l'emplacement de l'aiguillage.

En 1993, après un grand nombre d'incidents mettant en cause des aiguillages de voie principale en position renversée, le CFCP a modifié les exigences relatives aux communications qui figurent dans la règle 90 du REF que les équipes des trains appliquent sur ses voies ferrées. On fait maintenant référence aux renseignements suivants au sujet de la position des aiguillages de voie principale :

Liaison phonique - Exigences additionnelles

  1. Aux exigences de la règle 90 s'ajoute l'obligation d'établir une liaison phonique aux moments et aux points suivants :
    • […]
  1. En ROV, juste avant qu'un train ou une locomotive entre sur une voie principale, ou la quitte, par un aiguillage à manoeuvre manuelle, en mentionnant:
    • l'emplacement de l'aiguillage;
    • la position dans laquelle l'aiguillage doit être laissé;
    • le numéro de feuille de libération, si l'aiguillage doit être laissé dans la position renversée.

Nota: Cette disposition ne s'applique pas en manoeuvre.

La règle 90 du REF est intitulée « Communication entre les membres de l'équipe ». Cette règle et les instructions spéciales pour le réseau qui l'accompagnent exposent certaines des circonstances dans lesquelles les membres des équipes doivent communiquer entre eux et, dans le cas des trains sans fourgon de queue (y compris les trains de voyageurs), doivent faire les annonces exigées sur le canal d'attente désigné.

En octobre 1994, la vitesse maximale des trains de voyageurs a été augmentée de 80 mi/h à 95 mi/h dans les tronçons de la subdivision Chatham où la voie est simple. Les projets de recherche sur l'ATCS ont pris fin en mars 1995 au CN, et en mars 1996 au CFCP. À l'heure actuelle, aucune compagnie ferroviaire canadienne participe aux initiatives liées à l'ATCS au Canada.

Transports Canada continue de participer activement aux travaux du Rail Safety Advisory Council des États-Unis, fait partie de plusieurs groupes de travail et examine les incidences des nouvelles technologies en vue de possibles mesures futures au Canada.

1.7.4 Événements signalés au BST concernant des trains de voyageurs et de marchandises arrivant inopinément à la hauteur d'aiguillages de voie principale laissés en position renversée

Le tableau 3 indique les chiffres annuels relatifs aux événements qui ont été signalés au BST et lors desquels des trains sont arrivés à la hauteur d'aiguillages de voie principale en position renversée. Le tableau comprend tous les événements connus du BST à l'occasion desquels un train arrive inopinément à la hauteur d'un aiguillage de voie principale à manoeuvre manuelle qui est laissé en position renversée.

D'autres événements ont été signalés lors desquels le personnel d'entretien de la voie et des signaux trouvait des aiguillages de voie principale qui avaient été laissés en position renversée sans autorisation, à l'insu du CCF. Ces événements ne sont pas inclus dans le tableau 3.

En territoire contrôlé par commande centralisée de la circulation (CCC) et par la régulation de l'occupation de la voie (ROV) à l'intérieur d'un block automatique (BA), les équipes des trains disposaient d'un préavis sous la forme de signaux de canton. Par conséquent, dans la plupart de ces événements, il a été possible de régler la vitesse des trains aux abords des aiguillages laissés en position renversée, ce qui a permis aux trains de s'arrêter avant d'occuper l'aiguillage. Dans certains cas, en ROV, des préavis ont été disponibles sous forme d'un avertissement transmis à l'équipe et consigné dans les feuilles de libération ROV, mais cet avertissement n'a pas suscité la réaction voulue de l'équipe.

Tableau 3 - Événements signalés concernant des trains arrivant inopinément à la hauteur d'aiguillages de voie principale à manoeuvre manuelle laissés en position renversée

Année
Note de bas de page 12
Trains de voyageurs en CCC Trains de voyageurs en ROV/BA Trains de voyageurs en ROV à l'extérieur d'un BA Trains de voyageurs en zone de triage ou en zone de marche prudente Trains de marchandises en CCC Trains de marchandises en ROV/BA Trains de marchandises en ROV à l'extérieur d'un BA Trains de marchandises en zone de triage ou en zone de marche prudente Total
1993 0 0 1 0 0 2 2 0 5
1994 0 0 0 0 3 2 11 0 16
1995 0 0 1 0 2 2 4 0 9
1996 0 0 1 0 0 2 3 0 6
1997 0 0 0 0 0 1 10 0 11
1998 0 0 0 0 3 0 5 0 8
1999 1 0 1 0 3 2 3 0 10
2000 0 0 4 1 0 2 7 0 14

Le tableau montre une grande variabilité, les résultats allant d'un minimum de 5 en 1993 à un maximum de 16 en 1994, la moyenne annuelle étant de 10 environ. Un train de voyageurs « à grande vitesse »Note de bas de page 13 a été mis en cause dans un seul événement; toutefois, lors d'autres événements, les trains de voyageurs approchaient à des vitesses atteignant 70 mi/h. En moyenne, les trains de voyageurs arrivent à la hauteur d'un aiguillage de voie principale à manoeuvre manuelle qui est laissé en position renversée dans une zone exempte de signalisation environ une fois par année.

1.8 Activités du train 319

1.8.1 À Windsor, Chatham et Northwood

Le 23 avril 1999 à 4 h, une équipe du CN a été appelée au travail pour conduire un train de travaux à Windsor à partir de 6 h. L'équipe, formée d'un mécanicien, d'un chef de train et d'un agent de train, s'est présentée au travail au triage Van der Water de Windsor, puis s'est rendue à bord d'un véhicule automobile à Chatham; l'équipe est partie de Windsor vers 6 h 30 et est arrivée à Chatham vers 7 h 30. Pendant la journée, l'équipe devait aider une équipe d'entretien de la voie à épandre du ballastNote de bas de page 14 sur l'emprise de la voie principale nord à partir de wagons-trémies découverts. Une équipe de quatre employés d'entretien de la voie, dont un contremaître (contremaître de l'équipe d'épandage de ballast), devait coordonner ses efforts avec ceux de l'équipe du train de travaux afin de mener à bien le travail.

En arrivant à Chatham, point milliaire 61,6, le chef de train a rencontré le contremaître de l'équipe d'épandage de ballast pour discuter des manoeuvres que le train devrait exécuter. Le chef de train a ensuite avisé le CCF des mouvements prévus du train de travaux. Les wagons chargés de ballast placés à Thamesville allaient être déchargés entre Thamesville, point milliaire 46,7, et Northwood, point milliaire 52,5. À la fin de ce travail, si le temps le permettait, l'équipe devait rassembler les wagons de ballast vides et les ramener à London avant de rentrer à Chatham. Il y avait 26 wagons vides à Chatham. Pour hâter le ramassage des wagons vides après la fin du travail d'épandage, le chef de train a amené les wagons vides de Chatham à Northwood, point milliaire 52,5.

Le chef de train a obtenu une feuille de libération l'autorisant à emprunter la voie nord de la subdivision Chatham entre le point milliaire 61 et le point milliaire 54, et une feuille de libération de travaux sur la voie nord entre le point milliaire 54 et le point milliaire 46. Le chef de train a roulé à bord du dernier wagon-trémie entre Chatham et Northwood. Le train n'avait pas de fourgon de queue. La locomotive était en tête, mais elle faisait face à l'ouest, son capot long vers l'avant. Il n'y avait pas de chasse-pierresNote de bas de page 15 à l'arrière de la locomotive. Les instructions générales d'exploitation de la compagnie limitent à 25 mi/h la vitesse à laquelle une locomotive sans chasse-pierres à l'arrière peut rouler en marche arrière. Le mouvement a atteint des vitesses de 50 mi/h entre Chatham et Northwood.

À 9 h 40, le train 319 est arrivé à Northwood. Les membres de l'équipe prévoyaient laisser tous les wagons à Northwood, mais ils n'ont pu laisser que 17 des 26 wagons à cet endroit parce qu'il y avait un passage à niveau public. Les membres de l'équipe devaient éviter de placer des wagons à un endroit où ceux-ci auraient empêché les automobilistes de voir les trains qui approchaient. Ils sont partis de Northwood en direction de Thamesville avec 9 wagons vides à 9 h 55.

1.8.2 À Thamesville

Le contremaître de l'équipe d'épandage de ballast et trois employés d'entretien de la voie qui devaient épandre le ballast sont arrivés à Thamesville vers 9 h. Ils ont préparé les wagons chargés de ballast pour les travaux d'épandage à venir. Le contremaître de l'équipe d'épandage de ballast a avisé par radio l'équipe du train 319 que les wagons chargés de ballast étaient du côté sud de la voie principale sud, sur la voie CB40.

À 10 h 10, le train 319 est arrivé à Thamesville sur la voie principale nord et s'est immédiatement engagé sur la voie CB51, au nord de la voie principale nord, pour laisser passer un contremaître de patrouille de la voie qui circulait sur la voie nord à bord d'un véhicule rail-route. Le train 319 est resté sur la voie CB51 pendant qu'un train de voyageurs, le VIA 72, passait sur la voie principale sud. Par la suite, le train 319 a obtenu une feuille de libération de travaux additionnelle pour la voie principale sud, entre le point milliaire 48 et le point milliaire 45. Le train 319 est revenu sur la voie principale nord et a roulé en direction est vers la liaison de voie principale. L'équipe a ensuite inversé les deux aiguillages de liaison et le train s'est engagé dans les liaisons en direction est, vers la voie principale sud. Après avoir franchi la liaison, on a replacé l'aiguillage de liaison est à la position normale, mais l'aiguillage de liaison ouest a été laissé en position renversée. Le train a poursuivi sa route vers l'est sur la voie principale sud, passé l'aiguillage est de la voie CB40, où un membre de l'équipe a placé l'aiguillage en position renversée et a retiré le dérailleur. Les 9 wagons vides ont été poussés en direction ouest sur la voie CB40 et attelés à 4 wagons chargés de nitrate d'ammonium et à 17 wagons chargés de ballast qui se trouvaient déjà sur cette voie. L'équipe a ensuite dételé la locomotive et a immobilisé les wagons vides. La locomotive est repartie vers l'est pour revenir sur la voie principale sud. Le dérailleur a été remis en place et l'aiguillage de voie principale situé à l'extrémité est de la voie CB40 a été replacé à la position normale.

La locomotive a ensuite roulé en direction ouest sur la voie sud et s'est arrêtée avant l'aiguillage de voie principale ouest de la voie CB40. L'aiguillage a été mis en position renversée, le dérailleur a été retiré et la locomotive est partie vers l'est sur la voie CB40, a franchi le passage à niveau de la route 21 et s'est attelée au wagon situé le plus à l'ouest de la rame de 17 wagons chargés de ballast. Une fois les freins à main desserrés et les conduites des freins à air raccordées et chargées, la locomotive et les 17 wagons sont partis vers l'ouest, sont revenus sur la voie principale sud et se sont arrêtés avant l'aiguillage ouest de la voie CB40. On a replacé l'aiguillage à la position normale et replacé le dérailleur à la position de déraillement, après quoi la locomotive a poussé les 17 wagons chargés de ballast vers l'est sur la voie principale sud, en direction du passage à niveau public de la route 21. Le chef de train était à bord du wagon placé à l'extrémité est, et l'agent de train était au sol, entre les deux voies principales, marchant en direction du passage à niveau et donnant des instructions par radio au mécanicien au sujet de la circulation automobile à proximité du passage à niveau et du fonctionnement des dispositifs de signalisation automatiqueNote de bas de page 16.

Tandis que le mouvement approchait du passage à niveau, le contremaître de l'équipe d'épandage de ballast a demandé à la radio si un membre de l'équipe du train serait disposé à conduire son camion jusqu'à Northwood. Le contremaître de l'équipe d'épandage de ballast prévoyait épandre tout le ballast entre Thamesville et Northwood. Si quelqu'un conduisait son camion jusqu'à Northwood, il ne serait pas obligé de revenir à Thamesville après la fin du travail. Le chef de train a demandé à l'agent de train s'il serait disposé à conduire le camion jusqu'à Northwood, ce à quoi l'agent de train a répondu par l'affirmative. Comme il n'avait jamais emprunté les routes séparant ces deux localités auparavant, l'agent de train a indiqué qu'il aurait besoin d'instructions. Il s'est rendu à pied au camion du contremaître de l'équipe d'épandage de ballast, lequel était stationné sur un terrain vacant en gravier appartenant à la coopérative Orford, situé un peu à l'est de la route 21 et au nord de la voie principale nord, pour s'entretenir avec le contremaître de l'équipe d'épandage de ballast. Pendant que l'agent de train se faisait donner des indications par le contremaître de l'équipe d'épandage de ballast, le chef de train et le mécanicien ont fait avancer le train vers l'est, lui ont fait traverser le passage à niveau de la route 21 et l'ont fait continuer vers l'est jusqu'à ce que leur locomotive ait dépassé l'aiguillage de liaison est.

Le plan de travail consistait à commencer l'épandage de ballast immédiatement à l'ouest du passage à niveau, sur la voie principale nord. Il fallait ajouter du ballast sur les épaulements de la plate-forme de la voie principale nord entre le passage à niveau de la route 21 à Thamesville et Northwood. Généralement, pour épandre du ballast sur l'épaulement de la voie, on ouvre les trappes de déchargement des wagons chargés de ballast pendant que le train avance lentement dans une direction. Les employés d'entretien de la voie se placent de chaque côté des wagons de façon à faciliter l'ouverture des trappes. La quantité de ballast qui s'accumule à un endroit donné est régularisée par le mouvement du train et par le degré d'ouverture des trappes. Cette activité exige que le train circule à une vitesse qui permet aux employés de marcher en toute sécurité à côté du train en mouvement, sur un terrain inégal, tout en ouvrant les trappes. De plus, pour uniformiser le plus possible l'épandage du nouveau ballast, on ouvre habituellement les trappes l'une après l'autre de l'avant vers l'arrière (dans le sens du mouvement) à partir du premier wagon.

Comme l'aiguillage de liaison ouest était encore en position renversée, il fallait seulement inverser l'aiguillage de liaison est en vue du mouvement en direction ouest lors du retour par la voie principale nord. Le chef de train s'est chargé de cette tâche et est ensuite monté à bord de la locomotive. Il aurait fallu suivre le processus exposé ci-après, ou un processus très similaire, pour s'assurer que les deux aiguillages avaient été remis à la position normale :

Quand ils ont été interrogés, les membres de l'équipe ont tous dit qu'ils croyaient que cette marche à suivre avait été respectée.

Le train 319 a quitté Thamesville à 10 h 56, roulant vers l'ouest à une vitesse de 2 à 3 mi/h et épandant le ballast pendant que le contremaître de l'équipe d'épandage de ballast et les employés d'entretien de la voie marchaient à côté du train. À 11 h 40, le mouvement s'est arrêté et le contremaître de l'équipe d'épandage de ballast et son équipe sont montés à bord de la locomotive. Le train 319 a continué sa route vers l'ouest en direction de Northwood afin de laisser passer les trains 74 et 71, est arrivé à Northwood à 11 h 54 et s'est immobilisé à l'écart de la voie à 11 h 56.

L'agent de train est parti de Thamesville quand la queue de son train a libéré le passage à niveau de la route 21, soit vers 11 h 10. Il a conduit le camion du contremaître de l'équipe d'épandage de ballast de Thamesville à Kent Bridge, où il s'est arrêté pour vérifier la progression de son train. Ensuite, il a conduit le camion jusqu'à Northwood, où il a inversé l'aiguillage de la voie d'évitement est et a retiré le dérailleur pour que son train puisse libérer la voie principale nord et laisser passer le train 74.

Vers 11 h 56, le mécanicien du train 319 a donné au train 74 la permission de rouler sans restriction sur la voie principale nord de la subdivision Chatham, entre le point milliaire 54 et le point milliaire 46.

1.9 Vandalisme

Entre le moment où le train 319 est parti de Thamesville et l'arrivée du train 74 à Thamesville, il n'y a pas eu d'utilisation autorisée des aiguillages de liaison de la voie principale. La police des chemins de fer et la police régionale n'ont signalé aucun acte récent de vandalisme dans le secteur de Thamesville. On n'a recueilli aucun témoignage relatif à la présence de personnes aux alentours des aiguillages de liaison le jour de l'accident, entre le moment du départ du train 319, vers 11 h, et celui de l'arrivée du train 74, une heure plus tard.

Les aiguillages de liaison étaient verrouillés au moyen de cadenas à grande sécurité. Rien n'indique que les cadenas de l'un ou de l'autre des aiguillages aient été sabotés. L'usage des cadenas de ce type s'est généralisé au Canada après un accident lors duquel un train de voyageurs de VIA a été dévié vers une voie d'entreposage de bois d'oeuvre près d'Ottawa en 1984, et est entré en collision avec un grand nombre de wagons immobilisés, après qu'un aiguillage de voie principale a été vandalisé. Le cadenas à grande sécurité a été choisi en raison de sa solidité de construction et du fait qu'il est impossible d'en retirer la clé tant que le cadenas est ouvert. On a pensé que ces particularités lui permettraient de mieux résister au vandalisme. À l'origine, ces cadenas ont été employés sur les aiguillages de voie principale situés dans les zones urbaines et près des passages à niveau publics, là où les actes de vandalisme sont les plus fréquents. Par la suite, on a étendu leur utilisation aux territoires contrôlés par ROV lorsque les dispositions de la règle 104 b) du REF pouvaient s'appliquer.

1.9.1 Clés des cadenas à grande sécurité

Les clés des cadenas d'aiguillage à grande sécurité ont été distribuées aux employés qualifiés des compagnies ferroviaires. L'enquête a déterminé qu'à l'origine, lors de l'introduction des cadenas, la distribution des clés a été consignée, mais que cette pratique n'a pas toujours été respectée. Même si le CN et VIA disposaient de systèmes pour savoir à quels employés les clés avaient été remises, la distribution ultérieure des clés n'a pas été consignée de façon continue.

1.10 Évacuation / intervention d'urgence

À 12 h 2, un employé de la coopérative Orford a fait un appel d'urgence au service 911 local. L'opérateur du service 911 a noté les détails initiaux concernant le déraillement d'un train de voyageurs et a dépêché le personnel des services d'urgence. L'évacuation du train s'est faite dans une vingtaine de minutes et, vers 12 h 50, on avait fait quitter les lieux à tous les voyageurs.

1.10.1 Réaction des voyageurs et de l'équipe

Le tableau 4 représente la composition et le groupe de traction du train 74 de l'avant vers l'arrière, ainsi que les endroits approximatifs où se trouvaient les voyageurs et les membres de l'équipe.

Tableau 4 - Endroits où se trouvaient les voyageurs et les membres de l'équipeNote de bas de page 17

Position dans le train Numéro Type de matériel roulant Capacité de voyageurs Nombre de voyageurs Nombre de membres de l'équipe Nombre total de voyageurs et de membres de l'équipe
6423 Locomotive S/O 0 2 2
1 3468 Voiture-bar (LRC) 56 19 3 22
2 3351 Voiture ordinaire (LRC) 72 30 1Note de bas de page 18 31
3 3344 Voiture ordinaire (LRC) 72 64 1 65
4 3313 Voiture ordinaire (LRC) 72 65 1 66
Total 272 178 8 186
1.10.1.1 Voiture-bar

Au moment de l'accident, trois membres de l'équipe étaient dans la voiture-bar 3468, placée immédiatement derrière la locomotive. Il s'agissait du second mécanicien, du chef de service et d'un préposé principal aux services. Le second mécanicien était assis dans la dernière rangée de fauteuils passagers, du côté gauche de la voiture. Le chef de service était debout à l'arrière de la voiture, et le préposé principal aux services était à l'avant. Ils ont tous trois été projetés vers l'avant au moment de l'impact. Le préposé principal aux services a été blessé à la tête lorsqu'il a été heurté soit par un bagage à main non arrimé soit par un coffre à outils métallique contenant des outils d'urgence qui était rangé dans la section des fauteuils passagers; il a souffert d'inconscience transitoire.

Après quelques minutes, deux voyageurs ont brisé la fenêtre d'issue de secours L1 (à l'avant gauche). Un des voyageurs a placé le rideau de la fenêtre sur le rebord de l'appui de fenêtre pour que les personnes puissent se hisser par la fenêtre sans risquer de se couper. Une quinzaine de voyageurs ont évacué la voiture en passant par la fenêtre L1. Le préposé principal aux services a été une des premières personnes à être évacuées, en raison de sa blessure. Le second mécanicien a donné les premiers soins à un voyageur souffrant de saignements de nez abondants, après quoi il a brisé la fenêtre d'issue de secours L2 (à l'arrière gauche) et a commencé à faire évacuer les voyageurs. Environ quatre voyageurs sont sortis par cette issue. Tous les occupants de cette voiture ont été évacués du côté nord de la voie ferrée. Le chef de service a déterminé que les blessures subies par les voyageurs et les membres de l'équipe ne semblaient pas mettre leur vie en danger. À l'aide de sa radio portative, il a essayé sans succès de communiquer avec l'équipe de la locomotive. Avec son téléphone cellulaire, il a essayé d'entrer en contact avec le centre de contrôle des opérations de VIA, à Montréal (Québec), mais encore là sans succès.

1.10.1.2 Voiture 3351

Il n'y avait pas de membres de l'équipe à l'intérieur de la voiture 3351, la deuxième derrière la locomotive, au moment de l'accident. Des voyageurs assis à côté de la fenêtre d'issue de secours R2 (à l'arrière droit), au nombre desquels se trouvait un employé d'entretien de VIA, ont brisé la fenêtre d'issue de secours. La fenêtre d'issue de secours R1 (à l'avant droit) a été brisée par des voyageurs. On a placé des coussins de sièges sur l'appui de fenêtre pour empêcher les voyageurs de se couper pendant qu'ils passaient par la fenêtre brisée. Un préposé principal aux services qui se trouvait entre la première voiture et la deuxième voiture au moment de l'accident est entré dans la voiture pendant que les voyageurs évacuaient les lieux. Il a immédiatement pris la direction des opérations, dirigeant et assistant les voyageurs. Il a été le dernier à sortir de la voiture. Tous les occupants de cette voiture sont sortis du côté sud de la voie, à proximité du nitrate d'ammonium déversé.

1.10.1.3 Voiture 3344

Au moment de l'impact, le préposé principal aux services qui était dans la voiture 3344, la troisième derrière la locomotive, a été projeté sur une distance d'environ 15 m, soit la moitié de la longueur de la voiture. Malgré des fractures aux côtes, il a été capable de s'acquitter des fonctions d'urgence qui lui incombaient. Se servant d'un mégaphone pour donner des ordres, il a fait évacuer les voyageurs ambulatoires par la porte d'entrée latérale nord de la voiture et a dirigé le personnel d'intervention d'urgence vers les voyageurs qui étaient incapables d'évacuer le train en raison de leurs blessures.

1.10.1.4 Voiture 3313

Le préposé principal aux services qui était dans la voiture 3313, la quatrième derrière la locomotive et dernière voiture du train, a été projeté vers l'avant lors de l'impact et a été blessé à la tête. Il a perdu conscience et a été incapable de s'acquitter des fonctions d'urgence qui lui incombaient. Comme les voyageurs s'attendaient à ce qu'un membre de l'équipe leur dise quoi faire, leur réaction initiale a été de localiser leurs compagnons de voyage, de prodiguer les premiers soins et de récupérer leurs bagages à main. Les voyageurs n'ont pas essayé de sortir de la voiture jusqu'à ce que les premiers intervenants leur disent de le faire, une dizaine de minutes après l'accident. Les premiers intervenants ont donné des coups dans la porte de bout et ont crié aux voyageurs pour leur dire d'ouvrir la porte et de sortir. Au moins un voyageur a essayé d'ouvrir la porte coulissante au bout de la voiture, mais il n'y est pas arrivé. On est parvenu à ouvrir la porte de bout de l'extérieur, après quoi les voyageurs ont commencé à sortir. Peu après, d'autres premiers intervenants sont entrés dans la voiture à partir de la plate-forme avant et ont commencé à faire évacuer les voyageurs vers le côté nord de la voie.

1.10.2 Service de police de Chatham-Kent

Le service de police de Chatham-Kent a été avisé à 12 h 3. Des policiers ont commencé à arriver sur les lieux vers 12 h 10. La police a assumé un rôle de commandement et a participé aux opérations de diverses façons; notamment, mais non de façon limitative, le service de police a :

Après avoir aidé à l'évacuation, la police s'est intéressée surtout à déterminer s'il convenait d'instituer une enquête criminelle et à agir au nom du coroner.

1.10.3 Services des incendies de Chatham-Kent

Les services des incendies de Chatham-Kent ont été avisés à 12 h 3 du déraillement qui venait de se produire à Thamesville. Dès 12 h 6, 33 pompiers / sauveteurs et six véhicules d'incendie / de sauvetage venant des casernes de pompiers volontaires de Thamesville et de Bothwell ont commencé à arriver sur le lieu de l'accident. Le chef des pompiers locaux est allé directement à la locomotive et a constaté que le réservoir de carburant avait une fuite. Le personnel de la coopérative Orford a signalé au chef des pompiers qu'une grande quantité de nitrate d'ammonium s'était déversée au moment de l'accident. À cause du risque d'explosion, les pompiers se sont efforcés d'éliminer toute source potentielle d'inflammation et de contrôler le déversement de gazole. Une entreprise locale spécialisée dans le transport et le nettoyage de marchandises dangereuses a été appelée sur le lieu de l'accident et est arrivée peu après. De plus, les pompiers ont commencé immédiatement à évacuer les voyageurs de la voiture-bar et à les éloigner du lieu de l'accident. Vers 12 h 24, des inspecteurs de la sécurité-incendie de la caserne de Chatham sont arrivés avec un véhicule additionnel équipé d'appareils spécialisés d'intervention en cas de déversements de marchandises dangereuses.

1.10.4 Secourisme et soins médicaux

Les soins d'urgence ont été prodigués à certains voyageurs et membres de l'équipe dans une petite remise à machinerie appartenant à la coopérative Orford, située un peu au nord des voies ferrées, ainsi qu'au centre de traitement WestoverNote de bas de page 19 de Thamesville. Douze ambulances venues de plusieurs agglomérations locales ont répondu à l'appel. Les personnes qui avaient besoin de soins médicaux supplémentaires ont été transportées par ambulance à l'hôpital énéral Chatham-Kent Health Alliance, à Chatham. Au total, 77 voyageurs et membres de l'équipe ont été transportés à l'hôpital. oixante-treize personnes ont été traitées et ont reçu leur congé par la suite, et quatre personnes ont été hospitalisées.

1.10.5 Victimes

Équipe Voyageurs Autres Total
Morts 2 - - 2
Blessés graves 1 3 - 4
Blessés légers / indemnesNote de bas de page 20 5 175 - 180
Total 8 178 - 186

Deux membres de l'équipe ont été mortellement blessés quand la locomotive est entrée en collision avec les wagons-trémies. Trois voyageurs et un membre de l'équipe des services de bord ont été hospitalisés souffrant de blessures graves, notamment une fracture de la hanche, une fracture du tibia, une fracture du sinus frontal, des lacérations multiples et un traumatisme des tissus mous. Soixante-treize autres voyageurs et membres de l'équipe ont été transportés à l'hôpital où ils ont été traités au service des urgences, et ont reçu leur congé par la suite. Un grand nombre de voyageurs ont reçu les premiers soins sur le lieu de l'accident. D'autres ont indiqué qu'ils avaient consulté leur médecin de famille à leur retour à la maison. Toutes les blessures que les voyageurs ont subies sont survenues quand les voyageurs ont été projetés hors de leur fauteuil ou quand ils ont été heurtés par des objets non retenus.

En majorité, les blessures subies par les membres de l'équipe des services de bord, qui étaient tous debout au moment de l'accident, sont survenues quand ils ont été projetés vers l'avant à l'intérieur des voitures. À cause de leurs blessures, deux membres de l'équipe des services de bord n'ont pas été capables de s'acquitter des fonctions d'urgence qui leur incombaient. Il semble qu'un des deux membres de l'équipe des services de bord ait été heurté par des bagages à main non arrimés ou par un coffre à outils métallique qui était rangé dans la section réservée aux fauteuils passagers, ou par les deux.

1.11 Sécurité des voyageurs

L'enquête a fait ressortir de nombreuses questions relatives à la sécurité des voyageurs et des membres de l'équipe. Certaines de ces questions ont été relevées à l'occasion d'enquêtes sur des événements antérieurs, mais d'autres sont nouvelles. L'annexe B renferme des descriptions détaillées, notamment les mesures prises par le BST et des renseignements connexes. Pendant le déraillement et la collision et l'évacuation qui a suivi, les voyageurs, les membres de l'équipe et les premiers intervenants ont eu à faire face à un certain nombre de ces questions, lesquelles sont énumérées ci-après. D'autres questions, que les enquêteurs ont découverts mais qui ne semblent pas avoir joué un rôle dans l'accident en question, sont aussi énumérées ci-après.

1.11.1 Problèmes liés à la sécurité des voyageurs

Que ce soit lors du déraillement et de la collision ou pendant les événements qui ont suivi, les voyageurs, les membres de l'équipe et les premiers intervenants ont fait face aux questions de sécurité énumérées ci-après.

Blessures causées par des impacts secondaires

L'analyse des blessures faite par le BST a révélé qu'un grand nombre de voyageurs ont été blessés soit quand ils ont été projetés de leurs fauteuils soit quand ils ont été heurtés par d'autres voyageurs qui n'étaient pas retenus.

Signalisation d'urgence __ Ouverture manuelle des portes latérales des voitures LRC

Le personnel d'intervention d'urgence a indiqué qu'il avait eu de la difficulté à identifier le panneau d'accès d'urgence parce que le panneau et la signalisation n'étaient pas suffisamment voyants.

Rangement / arrimage des bagages à main

Des bagages à main non arrimés ont causé des blessures à des voyageurs et ont nui à l'évacuation. D'après la politique de VIA, les bagages à main pesant au maximum 50 livres doivent être rangés dans les compartiments à bagages aménagés au bout « B » des voitures. Cette politique permet que les bagages à main excédentaires soient rangés dans les aires réservées aux voyageurs sans être arrimés. Les compartiments à bagages aménagés au bout des voitures sont constitués de baies ouvertes où l'on peut ranger des objets facilement. VIA n'a pas de système permettant d'informer les voyageurs de cette politique et n'a pas non plus de moyen d'assurer la conformité avec la politique.

Entreposage des coffres à outils d'urgence dans les aires réservées aux voyageurs

Un coffre à outils non arrimé, pesant environ 20 kg, avait été rangé dans le compartiment à bagages aménagé au bout de la voiture et a été projeté dans l'aire réservée aux voyageurs. L'article 10.19 du Règlement sur la santé et la sécurité au travail (trains) se lit comme il suit : « Les outils, les coffres à outils et les pièces de rechange transportés à bord d'un appareil de manutention des matériaux doivent y être entreposés de façon sécuritaire. »

Fauteuils passagers

Au moment de l'accident, une rangée de fauteuils passagers (sièges 25-26, voiture 3351) s'est détachée du plancher à son point d'attache, parce qu'elle n'était pas verrouillée en place. La procédure de la compagnie pour l'installation des fauteuils passagers ne précise pas avec quelle force il faut serrer le dispositif de verrouillage central et ne dit pas comment procéder pour déterminer si et quand un fauteuil est verrouillé. Les efforts générés lors de l'accident ont été suffisamment grands pour faire pivoter les fauteuils qui n'étaient pas verrouillés à leur place, ce qui a gêné l'évacuation des voyageurs et l'intervention des premiers intervenants.

Communication d'urgence de l'équipe des services de bord

Les appareils portatifs de communication ont été projetés hors de la portée des personnes à qui ils avaient été remis.

Distribution des systèmes portatifs de communication

Certains membres de l'équipe des services de bord n'étaient eacute;quipés que de récepteurs radio et n'ont pas pu communiquer des renseignements relatifs à la sécurité.

1.11.2 Dangers possibles pour la sécurité des voyageurs

Les dangers suivants pour la sécurité des voyageurs ont été relevés pendant l'enquête, même si les voyageurs, les membres de l'équipe et les premiers intervenants n'ont pas eu à y faire face.

Signalisation d'urgence

La signalisation d'urgence concernant l'ouverture manuelle des portes d'entrée latérales à partir de l'intérieur était incomplète. À bord des voitures ordinaires, l'information fournie par la signalisation d'urgence au sujet de l'emplacement des issues de secours et de l'équipement d'urgence était inexacte.

Cartes de consignes d'urgence

Toutes les cartes de consignes d'urgence des voitures ordinaires étaient inexactes en ce qui a trait à l'emplacement des fenêtres d'issue de secours et de l'équipement d'urgence. Les cartes de consignes d'urgence n'étaient pas bien visibles ou accessibles pour les voyageurs qui occupaient des fauteuils faisant face à l'arrière.

Fauteuils passagers—Configuration des fauteuils voisins des fenêtres d'issue de secours

À cause de la configuration des fauteuils, l'accès à 6 des 16 fenêtres d'issue de secours a été bloqué partiellement par des fauteuils.

Illustrations décoratives dans la voiture-bar

Des illustrations décoratives auraient pu causer des blessures en raison de leur poids, des matériaux d'encadrement et de la façon dont elles étaient fixées.

1.11.3 Améliorations apportées à la sécurité des voyageurs

L'enquête a permis de déterminer que des améliorations considérables ont été apportées à plusieurs aspects relatifs à la sécurité des voyageurs. On avait donné des consignes de sécurité générale aux voyageurs avant le départ de Windsor et des instructions spécifiques avaient été données aux voyageurs assis près des issues de secours. Chaque voiture était équipée de trousses de premiers soins multi-traumatismes facilement accessibles, et des dépliants d'information sur les situations d'urgence étaient disponibles à chaque fauteuil. De la signalisation d'urgence luminescente et bien lisible était affichée à la grandeur du train.

1.12 Résistance aux chocs de la locomotive

1.12.1 Normes de conception en vigueur

La norme de conception concernant la résistance aux chocs qui était en vigueur au moment de l'accident était la norme S-580 de l'Association of American Railroads (AAR). Une copie de cette norme figure à l'annexe C. Cette version de la norme a été adoptée en 1989, soit deux ans après la construction de la locomotive mise en cause, et s'est appliquée à toutes les locomotives neuves construites depuis. Voici une brève comparaison entre les exigences de la norme S-580 de l'AAR et celles des normes antérieures qui ont visé la locomotive mise en cause dans l'accident.

1.12.2 Changements proposés à la norme de conception en vigueur

Un groupe de travail du Railroad Safety Advisory Committee, formé de l'AAR, de la Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis, des constructeurs (y compris GM du Canada), des exploitants et des syndicats, travaille à une révision de la norme S-580 afin d'assurer une plus grande protection en cas de collision. Bien que le comité en soit à l'étape des ébauches, il considère des modifications portant notamment sur le renforcement des montants anticollision sur les capots courts et sur l'ajout d'exigences relatives à des montants de coin et à des montants de renfort dans les fenêtres.

1.12.3 Dommages causés à la structure de la locomotive 6423

Photo 4. La locomotive vue de la droite après qu'on l'a redressée. Les dommages sont plus<BR>considérables à l'avant droit et le long du côté droit de la locomotive.
La locomotive vue de la droite après qu'on l'a redressée. Les dommages sont plus<BR>considérables à l'avant droit et le long du côté droit de la locomotive.
Photo 5. La locomotive vue de l'avant après qu'on l'a redressée. A - Montant anticollision droit B - Montant anticollision gauche C - Chasse-pierres D - Dispositif antichevauchement
La locomotive vue de l'avant après qu'on l'a redressée. A - Montant anticollision droit B - Montant anticollision gauche C - Chasse-pierres D - Dispositif antichevauchement
Photo 6. Intérieur de la cabine vu d'en haut, vers l'avant
Intérieur de la cabine vu d'en haut, vers l'avant

Après l'accident, la locomotive a été transportée jusqu'à Ottawa, où l'on a procédé à une analyse de résistance aux chocsNote de bas de page 21. Voici une description des dommages subis par la locomotive 6423, particulièrement en ce qui a trait à sa résistance aux chocs.

Le Bureau a étudié certains autres dispositifs de sécurité dont on pourrait équiper les locomotives, et dont certains sont examinés par les autorités réglementaires des États-Unis, pour déterminer s'ils seraient applicables dans les accidents de ce type. L'annexe D renferme une brève description de chaque dispositif.

1.13 Marchandises dangereuses à Thamesville

La coopérative Orford, à Thamesville, exploite une usine d'engrais qui est le principal distributeur en gros d'engrais secs pour la Growmark Corporation, dans le sud-ouest de l'Ontario. L'usine a manutentionné quelque 29 000 tonnes de produits secs en 1998. Elle a une capacité d'entreposage d'environ 9 000 tonnes de produits secs. La plupart des engrais secs reçus à l'usine arrivent par train et comprennent les produits suivants :

L'usine reçoit environ 600 wagons complets par année. Le printemps et l'automne sont les périodes de pointe pour les livraisons d'engrais. La plupart du temps, les produits sont distribués à même l'entrepôt, mais à l'occasion, ils sont transbordés directement des wagons aux camions des clients, sur la voie CB55. Le personnel de l'usine a indiqué que l'usine commande les produits de façon qu'ils arrivent en expéditions de 3 à 5 wagons, mais que la compagnie ferroviaire livre souvent jusqu'à 15 wagons à la fois à Thamesville et qu'elle les stationne sur différentes voies. L'usine a aussi distribué 750 tonnes métriques d'ammoniac anhydre en 1998. L'usine est équipée d'un réservoir de 80 000 gallons (363 680 L) d'ammoniac anhydre, qui est situé à environ 850 pieds (260 m) au nord des voies principales. Toutes les livraisons d'ammoniac anhydre ont été faites par camion. Pendant leur transport, les marchandises dangereuses sont régies par la réglementation fédérale.

Au moment de l'accident, environ 500 tonnes de nitrate d'ammonium étaient entreposées dans l'entrepôt de l'usine, au nord de la voie principale nord. Il y avait quatre wagons chargés au sud de la voie principale sud, sur la voie CB40, à l'extrémité ouest d'une rame de 13 wagons qui attendaient d'être placés à la coopérative. Ces quatre wagons contenaient quelque 400 tonnes de nitrate d'ammonium. D'ouest en est, ils portaient les numéros suivants :

D'après les dossiers de la compagnie ferroviaire, ces wagons sont arrivés à Thamesville le 17 avril 1999 à 6 h 15 et ont été placés sur la voie CB58, au nord de la voie principale nord. Au moment de l'accident, les wagons se trouvaient sur la voie CB40, au sud de la voie principale sud. On a déterminé que les wagons avaient été transportés par le train 344 de la Norfolk and Southern Railway Company (NS). En vertu d'une feuille de libération ROV, le train 344 a circulé sur la voie principale sud et est passé à Thamesville le 17 avril 1999. Cette autorisation ne permettait pas à l'équipe du train 344 de laisser des wagons sur la voie CB58, située au nord de la voie principale nord. Les dossiers de la compagnie ne montrent aucun mouvement de wagons d'une voie à l'autre à Thamesville, entre la date de leur arrivée et celle de l'accident.

À Thamesville, les voies ferrées sont utilisées aux fins de la manoeuvre des wagons, de l'entreposage et du déchargement des produits. À cet endroit, les voies appartiennent toutes à la compagnie ferroviaire, quoique l'usine d'engrais limite l'utilisation du tronçon de la voie CB58 qui entre dans ses installations. Ni la compagnie ferroviaire ni Transports Canada ne considèrent la voie CB40 comme une voie servant à l'entreposage de nitrate d'ammonium. Les wagons stationnés sur la voie CB40 ne sont pas accessibles au personnel de la coopérative Orford. La coopérative Orford ne considérait pas que les wagons stationnés sur la voie CB40 relevaient de sa responsabilité.

1.13.1 Risques associés au nitrate d'ammonium

Le nitrate d'ammonium est un composé cristallin doté de grandes propriétés oxydantes. Ce produit a un point de fusion d'environ 169 degrés Celsius, et se décompose considérablement à 210 degrés Celsius. À 301 degrés Celsius, la décomposition s'accélère fortement et, au-dessus de 325 degrés CelsiusNote de bas de page 22, le nitrate d'ammonium déflagreNote de bas de page 23. Cette déflagration devient parfois une détonation. La vitesse de détonation du nitrate d'ammonium pur se situe entre 1 140 et 2 700 m par seconde. Toutefois, quand le nitrate d'ammonium est mélangé à un produit organique ou combustible comme du mazout, il explose beaucoup plus facilementNote de bas de page 24, de sorte que sa vitesse de détonation est alors accrue et que l'explosion est beaucoup plus puissante.

Le nitrate d'ammonium est une des quatre marchandises dangereuses dont le Canada a jugé nécessaire de réglementer les conditions d'entreposage. À l'origine, l'ordonnance générale no 0-36 de la Commission des transports du Canada a été rédigée aux fins de la réglementation concernant la conception, l'emplacement, la construction, l'exploitation et l'entretien des installations d'entreposage du nitrate d'ammonium et des engrais mélangés contenant du nitrate d'ammonium. Plus tard, cette ordonnance générale a été intégrée au chapitre 1145 du Manuel des règlements ferroviaires concernant l'opération, l'ingénierie et l'exploitation. L'annexe E renferme plus de renseignements sur les risques associés au nitrate d'ammonium et à d'autres marchandises manutentionnées à Thamesville.

1.13.2 Réglementation concernant l'entreposage des marchandises dangereuses

La réglementation concernant les marchandises dangereuses en Amérique du Nord remonte au début du 20e siècle. Par suite de nombreux accidents mettant en cause des explosifs et des produits chimiques qui s'étaient produits aux États-Unis, l'AAR a mis sur pied le Bureau of Explosives en 1905. L'objectif de ce Bureau consistait à établir des normes de sécurité en matière de transport des marchandises dangereuses et à les faire appliquer par toutes les compagnies ferroviaires membres de l'association. Au Canada, la Commission des chemins de fer du Canada a publié le 27 février 1909 l'ordonnance no 7881, intitulée Regulations for the Carriage of Explosives. Cette ordonnance s'appliquait seulement au transport des explosifs.

Avec le temps, il est devenu évident que non seulement le transport, mais aussi la livraison et l'entreposage après la livraison, d'autres marchandises dangereuses posaient des risques considérables. Le 16 janvier 1917, la Commission des chemins de fer du Canada a adopté des exigences supplémentaires mises au point par l'AAR et a publié l'ordonnance générale no 100, disant que les explosifs ne devaient pas rester sur la propriété d'une compagnie ferroviaire pendant plus de 48 heures après leur arrivée au point de destination. Le 31 décembre de la même année, la portée de l'ordonnance générale a été élargie pour englober toutes les marchandises dangereuses, précisant qu'aucune marchandise dangereuse ne devait être laissé à aucun point du réseau de transport pendant plus de 48 heures. Ces exigences ont été appelées la règle des 48 heures.

La Commission des chemins de fer du Canada a délivré des autorisations spéciales pour exempter les requérants de certaines exigences du règlement lorsqu'on jugeait nécessaire de retenir des wagons pendant plus de 48 heures. Chaque fois qu'une autorisation spéciale était délivrée, elle était assortie de conditions jugées nécessaires pour améliorer la sécurité.

En 1949, une modification a été publiée, qui excluait les fins de semaine et les congés fériés du calcul des 48 heures.

La règle des 48 heures a été maintenue au fil de plusieurs restructurations du cadre de la sécurité ferroviaire du Canada. En 1985, les règlements pris aux termes de la Loi sur les chemins de fer, L.R.C. 1985, ch. R-3, y compris la règle des 48 heures, ont été administrés brièvement par l'Office national des transportsNote de bas de page 25 (ONT). L'administration de ces règlements a été transférée à Transports Canada lors de la proclamation de la Loi sur la sécurité ferroviaire, L.C. 1988, ch. 40, le 1er janvier 1989. Dans le texte de la règle des 48 heures telle qu'elle existait dans le Règlement sur le transport de marchandises dangereuses par rail lors de la proclamation de la Loi sur la sécurité ferroviaire, on expliquait que les transporteurs devaient acheminer rapidement, dans un délai de 48 heures excluant les samedis, dimanches et jours fériés, les envois de marchandises dangereuses dont ils avaient pris livraison à un point d'origine ou dans un triage, une gare de correspondance ou un point d'interconnexion, sauf dans les endroits où le service était assuré seulement une ou deux fois la semaine, auquel cas les envois de marchandises dangereuses devaient être expédiés par le premier train disponible (article 74.582 &mdash Expédition dans les meilleurs délais).

En outre, ce règlement contenait des dispositions relatives à la délivrance des autorisations spéciales. En effet, il y était expliqué que le Directeur de l'exploitation du Comité des transports par chemin de ferNote de bas de page 26 pouvait délivrer des autorisations spéciales à toute personne ou classe de personnes et pouvait leur accorder des exemptions aux règlements s'il déterminait que ces exemptions ne réduiraient pas les conditions de sécurité établies en vertu des normes (article 71.6 &mdash Autorisations spéciales; exigences et conditions normales).

Avec la proclamation de la Loi sur la sécurité ferroviaire, on a apporté couramment des modifications accessoires à d'autres lois et règlements et procédé aux abrogations nécessaires, afin de prévenir tout risque d'incompatibilité. Au nombre de ces modifications et abrogations, on a modifié le Règlement sur le transport de marchandises dangereuses par rail en confiant au ministre des Transports la responsabilité de la délivrance des autorisations spéciales. En raison des contraintes de plus en plus grandes liées à l'administration d'autorisations spéciales individuelles en suspens et au traitement des demandes additionnelles, Transports Canada, de concert avec les compagnies membres de l'ACFC, a choisi de remplacer les autorisations individuelles d'entreposage de marchandises dangereuses, propres à un emplacement, par une autorisation spéciale applicable à tous les lieux d'entreposage au Canada. De plus, Transports Canada s'est dit d'avis que ce changement donnerait lieu à une application plus cohérente des conditions communes et des critères de sélection des emplacements à la grandeur du Canada.

En plus des emplacements pour lesquels des demandes avaient été présentées antérieurement, une quarantaine d'emplacements ont été présélectionnés pour l'entreposage de diverses marchandises. Ces emplacements étaient inspectés plusieurs fois par année. Les compagnies ferroviaires étaient encouragées à améliorer les routes d'accès et la qualité de la voie ferrée. À certains endroits, il a fallu installer des moyens d'éclairage et des bornes d'incendie et prévoir une réserve d'agents de neutralisation.

Le 11 juillet 1989, l'autorisation spéciale 3255 a été délivrée et les 10 compagnies membres (de l'époque) de l'ACFC ont été désignées « titulaires d'autorisations spéciales ». L'autorisation permettait d'entreposer des marchandises dangereuses partout au Canada pendant plus de 48 heures pourvu que les titulaires des autorisations spéciales se conformaient à 13 différentes conditions décrites dans l'autorisation et résumées à l'annexe F. Cette autorisation a été délivrée pour une durée de près de deux ans, et sa date d'expiration était le 30 juin 1991.

Le 30 août 1989, l'ONT a institué une enquête sur toutes les questions relatives à l'entreposage des marchandises dangereuses sur la propriété d'une compagnie ferroviaire, à partir d'un certain nombre d'événements relatifs aux activités de classement et d'entreposage. L'enquête a conclu qu'on ne se conformait pas toujours aux termes de l'autorisation spéciale 3255, et que la surveillance réglementaire n'était pas toujours efficace. En réponse aux recommandations de l'enquête, Transports Canada a mis sur pied des équipes d'inspection multidisciplinaires dont chacune était composée d'un inspecteur du transport de marchandises dangereuses par chemin de fer, d'un inspecteur de la sécurité ferroviaire, d'un agent des marchandises dangereuses de la compagnie, d'un agent de gestion des risques et de représentants des organisations locales d'intervention d'urgence (habituellement les services des incendies). Ces équipes ont visité 121 emplacements qui avaient été désignés pour l'entreposage de marchandises dangereuses en vertu de l'autorisation spéciale 3255. Sur les 121 emplacements proposés par les compagnies ferroviaires, ce groupe en a refusé 60. Certains emplacements ont été refusés parce qu'ils étaient à proximité de trains de voyageurs circulant à grande vitesse, d'habitations, de lieux de rassemblement public, etc. Un grand nombre des autres emplacements (61 emplacements) ont été jugés convenables, sous réserve de restrictions quant au type de produits à entreposer, à l'utilisation et à l'exploitation des lieux d'entreposage et aux opérations ferroviaires sur les voies adjacentes. Thamesville n'a pas été identifié comme étant un emplacement destiné à l'entreposage de marchandises dangereuses; par conséquent il n'y avait eu ni visite ni évaluation des lieux.

Le 27 juin 1991, l'autorisation spéciale 3255 a été révisée et sa période d'application a été prolongée jusqu'au 30 juin 1994. Le seul changement ayant une incidence sur la sécurité a été le suivant : alors que l'autorisation originale exigeait qu'on serre les freins à main de tous les wagons de marchandises dangereuses qui étaient stationnés, la nouvelle autorisation disait qu'on ne devait serrer qu'un nombre suffisant de freins à main pour assurer leur immobilisation, conformément à l'application générale de la règle 112 du REF, intitulée Immobilisation du matériel roulant. L'autorisation n'a pas fait l'objet d'autres révisions avant sa date d'expiration.

Un document intitulé autorisation spéciale 3255.1 a été rendu public par Transports Canada le 1er mars 1995. Ce document était une version modifiée de l'autorisation précédente qui supprimait certaines conditions de sécurité. L'annexe « B » de ce document contenait un tableau des distances minimales acceptables entre des marchandises dangereuses de différentes classes et des « établissements commerciaux, des résidences, des lieux de rassemblement et des lieux dont l'environnement est sensible ». Le tableau ne donnait pas de précisions sur les quantités de marchandises dangereuses et ne faisait pas non plus de distinction entre les résidences unifamiliales, les hôpitaux ou les environnements protégés. Transports Canada entendait faire en sorte que les inspecteurs déterminent la quantité acceptable de marchandises dangereuses à entreposer dans le cadre du processus de qualification des emplacements, compte tenu des conditions minimales acceptables. La date d'expiration de ce document était le 30 juin 1995.

À l'automne de 1995, l'ACFC a publié la circulaire no DG-1, intitulée Méthode recommandée pour la sécurité du transport des wagons chargés de marchandises dangereuses qui sont mis en attente en cours de route sur le domaine du chemin de fer, et Transports Canada a révoqué l'article 74.582 (règle des 48 heures). Dans le résumé de l'étude d'impact de la réglementation qui a mené à la révocation de la règle des 48 heures, on a indiqué que l'organisme de réglementation et l'industrie en étaient venus à la conclusion qu'il était très douteux que ces dispositions influent sur la sécurité du public.

Les différences sont marquées entre l'autorisation spéciale 3255 originale et la circulaire DG-1, même si les critères de sélection des emplacements sont tirés du document original. L'autorisation spéciale 3255 se fondait sur les termes visés par la réglementation fédérale, et toute dérogation à ces termes constituait une infraction punissable. La circulaire DG-1 de l'ACFC ne fait que spécifier des pratiques de sécurité qu'une association de l'industrie recommande aux compagnies qui en font partie, et n'impose pas la conformité et ne traite pas des conséquences d'une dérogation. La circulaire DG-1 de l'ACFC précise les conditions dans lesquelles Transports Canada et les compagnies membres de l'ACFC croient que l'entreposage de marchandises dangereuses peut se faire sans danger sur la propriété des compagnies ferroviaires. En vertu de ce nouvel arrangement, les compagnies ferroviaires membres de l'ACFC sont obligées de respecter les pratiques de leur propre industrie, lesquelles sont exposées dans la circulaire. De plus, la circulaire DG-1 de l'ACFC s'applique aux wagons qui sont « mis en attente » « en cours de route ». On considère que la circulaire ne s'applique pas quand des wagons ne sont pas mis en attente. En outre, quand un wagon est arrivé à sa destination, il n'est plus considéré comme étant en cours de route. Le CN considérait que les quatre wagons chargés de nitrate d'ammonium qui étaient sur la voie CB40 à Thamesville étaient arrivés à destination et que, par conséquent, ils n'étaient pas visés par la circulaire DG-1 de l'ACFC.

Voici un résumé des autres modifications relatives à la sécurité que la circulaire DG-1 de l'ACFC a apportées dans les domaines de la manutention et de l'entreposage des marchandises dangereuses :

1.14 Systèmes de contrôle du mouvement des trains

Les systèmes de contrôle du mouvement des trains servent à assurer la circulation des trains sur la voie principale en toute sécurité et à protéger les activités des travaux en voie. Les systèmes en question doivent assurer la séparation des trains qui roulent dans la même direction ainsi que le croisement sûr des trains de sens contraire, qu'ils roulent sur des voies simples ou multiples. Actuellement, il existe trois méthodes de contrôle du mouvement des trains autorisées par le REF, dont deux sont employées de façon généralisée au Canada, tant par les compagnies ferroviaires de compétence fédérale que celles de compétence provinciale : la CCC et la ROV. La troisième méthode, le système spécial de régulation (SSR), offre des règles en vue de l'introduction d'un nouveau système de contrôle du mouvement des trains.

1.14.1 Commande centralisée de la circulation (CCC)

L'emploi de la CCC est généralisé au Canada depuis des décennies. Traditionnellement, cette méthode de contrôle du mouvement des trains est la méthode préférée dans les territoires où la circulation est forte. En CCC, des circuits de voie reliés entre eux servent à indiquer l'occupation des voies principales, des voies d'évitement et des voies de triage à signalisation. L'occupation de la voie, les rails rompus et les aiguillages en position renversée sont détectés par les circuits de voie. Le système affiche les circuits de voie activés à l'intention du CCF et indique les signaux aux équipes des trains au moyen de signaux en bordure de la voie, qui sont actionnés quand les roues d'un train modifient un circuit électrique. Les signaux sont appelés signaux de canton. Le REF donne la définition suivante de canton :

Partie de voie, de longueur déterminée, dont l'occupation par un train ou une locomotive est commandée par des signaux de canton… .

En CCC, un CCF peut contrôler certains signaux, appelés signaux de canton contrôlés, mais seulement dans la mesure où l'on peut leur faire afficher un signal permissif plutôt que le signal « arrêt » qu'il affiche par défaut. L'activation des signaux pendant qu'un train approche et la situation des cantons situés vers l'avant déterminent le degré de permissivité des signaux. De plus, le CCF peut contrôler certains aiguillages de voie principale. Ces aiguillages dits « commandés à distance »Note de bas de page 27 ou « à double commande »Note de bas de page 28 se trouvent en des endroits appelés emplacements contrôlés. Entre les emplacements contrôlés, les mouvements des trains sont régis par des signaux de cantons intermédiaires qui ne sont pas contrôlés par le CCF. Du fait de la façon dont se fait l'interconnexion des signaux de canton, si les circonstances sont normales, le système donne un préavis d'au moins deux signaux de canton consécutifs aux équipes des trains qui approchent d'endroits où la voie est occupée, des rails sont rompusNote de bas de page 29, des aiguillages de voie principale à manoeuvre manuelle sont ouverts ou des signaux de canton contrôlés commandent un arrêt.

1.14.2 Régulation de l'occupation de la voie (ROV)

Avant décembre 1990, l'exploitation des compagnies ferroviaires de compétence fédérale était régie par le Règlement unifié d'exploitation (RUE). En vertu du RUE, il y avait aussi trois méthodes de contrôle du mouvement des trains : les ordres de marche, la CCC et le cantonnement manuel (CM). La majorité des mouvements de trains étaient régis par des ordres de marche ou par CCC. Les règles de CM constituaient un système à usage limité qui assurait le contrôle du mouvement des trains sur des voies à faible trafic, jusqu'à la fin des années 1980. Vers cette époque, le CN et le CFCP ont introduit des versions distinctes d'un système informatisé de CM. Contrairement au CM original, qui obligeait le CCF à émettre et à consigner des autorisations de rouler sur papier, les systèmes informatisés consignaient cette information dans une base de données. On a établi une série de procédures pour encadrer le fonctionnement de ce système. Par la suite, ces procédures ont été révisées et ont été adoptées comme étant les règles de ROV, lesquelles étaient régies par le REF. Le logiciel d'exploitation de ces systèmes a été conçu en fonction de la logique des règles de ROV et vise à prévenir l'émission d'autorisations contradictoires. Les règles de ROV, de même que d'autres règles d'exploitation, insistent sur une communication exacte et sur l'enregistrement de données exactes, en obligeant le personnel à répéter l'information, à tenir des registres écrits et à accuser réception des renseignements afin d'en contrôler l'exactitude.

En ROV, le CCF transmet normalement les autorisations aux équipes par radio bidirectionnelle, mais il arrive dans certains cas que les autorisations soient envoyées électroniquement à des ordinateurs ou des télécopieurs éloignés. Quand les autorisations sont reçues par radio, les équipes consignent les renseignements par écrit et répètent l'information au CCF en suivant les règles de vérification convenues. Il existe des procédures permettant de s'assurer que la même information est saisie dans l'ordinateur de ROV et est copiée par les équipes.

La ROV est appliquée à l'intérieur ou à l'extérieur d'un BA. Aux endroits où seule la ROV est appliquée, on dit dans l'industrie ferroviaire qu'on est en territoire contrôlé par ROV à l'extérieur d'un BA, ou en« zone exempte de signalisation » ce mode d'exploitation n'offre aucun moyen de défense physique supplémentaire. Habituellement, la densité du trafic dans les zones exemptes de signalisation est plus faible que dans les territoires contrôlés par ROV à l'intérieur d'un BA.

Voici la définition que le REF donne du BA :

Système selon lequel des signaux de canton ou de cabine, ou les deux, règlent la circulation dans une suite de cantons où s'appliquent les règles du BA. Les signaux sont commandés par le passage des trains ou des locomotives, ou par d'autres conditions qui modifient l'occupation d'un canton.

En territoire contrôlé par ROV à l'intérieur d'un BA, les signaux de canton assurent normalement la protection voulue lorsque, vers l'avant, la voie principale est occupée par du matériel roulant, des rails sont rompus ou des aiguillages de voie principale sont ouverts. Bien que les signaux ne précisent pas les raisons qui justifient les indications qu'ils montrent, il reste que les exigences liées à ces indications limitent la vitesse permise des trains dès qu'une condition particulière est détectée, et que les règles obligent les équipes à rechercher les causes. Le CCF ne contrôle pas les signaux de BA et il ne peut pas voir leurs indications.

1.14.3 Erreur humaine et conception des systèmes de contrôle du mouvement des trains

Une définition simple du terme « système » consisterait à dire qu'il est une entité qui vise l'atteinte d'un objectif donnéNote de bas de page 30. Un système se compose des humains, des machines et d'autres éléments (p. ex. procédures, logiciels) dont l'interaction permet d'atteindre un objectif. Un des principes fondamentaux de la conception de systèmes essentiels du point de vue de la sécurité consiste à comprendre comment l'erreur humaine peut avoir une incidence sur ce système. Les principes élémentaires de la conception des systèmes consistent à réduire les conséquences de l'erreur humaine. Les stratégies courantes consistent notamment à empêcher le plus possible que les opérateurs introduisent des erreurs dans le système, à faire en sorte que les erreurs soient visibles et qu'on puisse les corriger et à atténuer les conséquences des erreurs.

S'il est impossible d'éliminer les erreurs humaines à l'étape de la conception des systèmes, on peut intégrer des moyens de défense au système. Il s'agit habituellement de moyens de défense de nature physique ou administrative. Dans le contexte d'un système de contrôle du mouvement des trains, les moyens de défense physiques peuvent inclure des alarmes sonores, des indicateurs visuels comme des signaux en bordure de la voie ou des signaux de cabine, ou des mesures automatiques d'arrêt du train à des fins de protection. De même, les moyens de défense administratifs peuvent comprendre des règlements, des politiques et des procédures de sécurité et des règles d'exploitation.

1.14.4 Mesures de sécurité prises par le BST avant l'accident

Le 6 avril 1999, le BST a fait parvenir à Transports Canada un Avis de sécurité ferroviaire au sujet des mesures de sécurité associées au système de contrôle du mouvement des trains par ROV. L'envoi de cet avis a fait suite à trois événements survenus au début de 1999, lors desquels des erreurs de communication entre les équipes des trains et les CCF ont pu compromettre la sécurité. Le BST n'a pas fait enquête sur ces événements, mais il en a retenu des données pertinentes. Dans chaque cas, les employés de chemin de fer en cause ont détecté la condition dangereuse et ont pris immédiatement des mesures pour réduire le risque. La compagnie ferroviaire en cause a fait enquête sur chacun des trois événements en question et en a attribué deux au fait qu'un employé n'avait pas apporté toute l'attention voulue aux tâches qui lui incombaient normalement, et le troisième à la confusion découlant de l'homophonie des noms de deux gares de la même subdivision. Le BST a fait savoir que, même s'il existe un grand nombre de procédures pour assurer l'exactitude des communications entre deux parties, par exemple les répétitions, le soulignement et les accusés de réception, il n'y a pas d'autres moyens physiques ou administratifs qui permettent au système de vérifier l'exactitude de l'information retenue par chaque partie. Dans cet environnement, une erreur de saisie des données ou une dérogation à la procédure établie pour corriger des inexactitudes suffit à compromettre l'intégrité du système.

Le 15 septembre 1999, Transports Canada a répondu à l'avis en indiquant qu'il avait examiné les mesures de sécurité associées au système de ROV, notamment les moyens de contrôle visant à assurer une communication exacte et la vérification de l'information, et qu'il estimait que les moyens de défense existants semblaient adéquats pour assurer que la ROV soit une méthode sûre de contrôle du mouvement des trains. Transports Canada a laissé savoir qu'il avait mis en oeuvre un processus officiel de vérification qui permettra de veiller à ce que les compagnies ferroviaires mènent leurs opérations de contrôle du mouvement des trains de façon à se conformer aux règles approuvées et aux règlements existants ainsi qu'aux procédures internes de gestion de la sécurité des compagnies ferroviaires.

1.14.5 Exigences réglementaires quant au contrôle des trains de voyageurs à grande vitesse

Au Canada, quel que soit le type de méthode du mouvement des trains et malgré la présence ou l'absence d'un BA, il n'existe aucune exigence fédérale en matière de détermination de la vitesse des trains. C'est la compagnie ferroviaire qui détermine la vitesse maximale permise pour les trains de voyageurs et les trains de marchandises en se fondant sur les critères d'ingénierie relatifs aux voies et à la plate-forme de la voie, critères qui sont eux-mêmes régis par un règlement approuvé par Transports Canada et intitulé Règlement sur la sécurité de la voie.

Aux États-Unis, l'Interstate Commerce Commission (ICC) a fait enquête au milieu des années 1940 pour déterminer s'il était nécessaire, dans l'intérêt du public, d'obliger les compagnies ferroviaires relevant de sa compétence à installer un système de signaux de canton, un dispositif d'enclenchement, un dispositif automatique d'arrêt ou de contrôle des trains, des signaux de cabine ou d'autres appareils, méthodes et systèmes similaires destinés à améliorer la sécurité des opérations ferroviaires. L'ICC a conclu qu'en raison des vitesses accrues et du plus grand nombre de trains, les dangers étaient plus grands et qu'il fallait donc augmenter le nombre de moyens de protection du public voyageur et en accroître la qualité. Par suite de cette enquête, l'ICC a émis des ordonnances exigeant l'installation de systèmes de signaux de canton ou de systèmes de cantonnement manuelNote de bas de page 31 dans le cadre desquels les trains de voyageurs devraient circuler à des vitesses de 60 mi/h ou plus et les trains de marchandises à des vitesses de 50 mi/h ou plus. Ces restrictions sont toujours en vigueur aux États-Unis de nos jours.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

À partir des faits recueillis pendant l'enquête, il semble manifeste que le déraillement et la collision ont été occasionnés par un aiguillage de liaison mal orienté. Dans la terminologie des enquêtes de sécurité, l'équipe et les voyageurs du train 74 de VIA ont été exposés à une « condition dangereuse » &mdash à savoir des aiguillages de liaison de voie principale laissés en position renversée. On peut décrire une condition dangereuse comme étant une situation ou une condition qui peut causer ou accentuer un événement indésirable ou faire en sorte qu'il survienne. L'enquête du BST a cherché à déterminer les circonstances qui ont donné lieu à l'existence de cette condition dangereuse, les raisons pour lesquelles elle n'a pas été détectée et corrigée et les méthodes permettant d'atténuer les risques d'accidents qui en découlent ainsi que leurs conséquences.

La présente section du rapport regroupe les renseignements de base afin de cerner les lacunes en matière de sécurité et les risques résiduels, notamment :

2.2 Aiguillages de liaison de voie principale laissés en position renversée à Thamesville

L'enquête n'a pas permis de déterminer avec certitude dans quelles circonstances les aiguillages de liaison de voie principale ont été laissés en position renversée. Cependant, les faits permettent d'examiner certaines hypothèses et de déterminer la seule explication raisonnable.

Vandalisme

Aucune information ne porte à croire qu'il y ait eu vandalisme. Un vandale aurait eu relativement peu de temps pour agir __ environ une heure &mdash entre la dernière utilisation autorisée des aiguillages et l'arrivée du train 74 à la hauteur de Thamesville. En raison de l'heure du jour et de l'emplacement des aiguillages de liaison, un éventuel vandale aurait dû agir en plein jour, à la vue des résidants et des commerces environnants. De plus, les deux aiguillages de liaison étaient cadenassés en position renversée et les cadenas à grande sécurité ne montraient aucun signe de manipulation. Même s'il a été constaté que le CN ne faisait pas un suivi continu des clés de ces cadenas, aucune information ne porte à croire que des personnes autres que des employés de la compagnie aient eu facilement accès aux clés des cadenas à grande sécurité. Les dossiers de la police des chemins de fer et de la police municipale ne renfermaient aucune information susceptible d'étayer une histoire de vandalisme dans le secteur.

Sabotage

Il est peu vraisemblable qu'un acte de sabotage commis par des employés de la compagnie ait occasionné cet accident. Les employés de la compagnie devaient connaître les conséquences possibles d'un tel geste. Tous les employés de la compagnie qui travaillaient dans le secteur de Thamesville le 23 avril 1999 ont été interrogés par le BST au cours de l'enquête, et ils se sont tous montrés coopératifs et sincères. Aucune information ne porte à croire qu'un employé mécontent ou un ancien employé de la compagnie ait pu agir avec une intention malicieuse.

Erreur involontaire

Les membres de l'équipe du train de travaux se sont rappelé que les aiguillages avaient été replacés à la position normale et cadenassés. Ils ont confirmé qu'il y avait eu des communications entre les membres de l'équipe pour vérifier que les aiguillages avaient été replacés. Bien que cette information suggère que cette équipe a laissé les aiguillages à la position normale, l'absence de toute autre explication plausible à la situation dont le train 74 a été victime moins d'une heure plus tard soulève des questions quant à l'exactitude des souvenirs des membres de l'équipe du train de travaux.

Pendant les manoeuvres du train d'épandage de ballast, l'agent de train s'est rendu à pied jusqu'au camion du contremaître de l'équipe d'épandage de ballast pour prendre des instructions sur la façon de se rendre à Northwood par la route. On ignore si cette interruption du travail a eu une incidence sur les mesures qu'il fallait prendre pour orienter correctement les aiguillages. Toutefois, un tel écart par rapport aux méthodes habituelles accroît le risque d'erreur dans l'exécution du travail.

Il est vraisemblable que l'agent de train, préoccupé par la planification nécessaire pour conduire le camion du contremaître jusqu'à Northwood, a été distrait de la tâche consistant à rétablir les aiguillages de liaison. Quoi qu'il en soit et sans égard au déroulement exact des événements, il est vraisemblable que l'équipe du train de travaux a laissé les aiguillages de liaison en position renversée et que les actions qui ont fait en sorte que les aiguillages de liaison soient laissés en position renversée ont été involontaires.

Dans des secteurs comme Thamesville, l'organisation du contrôle du mouvement des trains est telle que, dès qu'un train de travaux est autorisé à circuler dans un secteur désigné, il incombe à l'équipe de replacer les aiguillages à la position normale et de permettre le passage du trafic direct, en imposant parfois certaines restrictions. Ce système est généralement efficace, mais il dépend de la mémoire humaine, de la formation et des procédures en place. Même chez des employés bien formés, bien reposés et motivés, on relève des bévues, des méprises, des erreurs et des adaptationsNote de bas de page 32 qui causent des accidents à l'occasion.

Le jour de l'accident, les activités prévues de l'équipe du train de travaux consistaient en des opérations ferroviaires normales. Toutefois, les membres de l'équipe ont pris au cours de la journée un certain nombre de décisions qui n'étaient pas conformes avec les pratiques recommandées. Au départ de Chatham, le chef de train a choisi de prendre place dans le dernier wagon du train plutôt que dans la locomotive (il n'y avait pas de fourgon de queue). En route vers Northwood, le train a atteint des vitesses atteignant 50 mi/h (ce qui a compromis la sécurité personnelle du chef de train). Comme la locomotive n'était pas équipée d'un chasse-pierres à l'arrière, les instructions générales d'exploitation de la compagnie interdisaient qu'elle roule à plus de 25 mi/h. À Thamesville, le rétablissement signalé de l'aiguillage de liaison est a eu lieu avant que l'arrière du train ait libéré complètement l'aiguillage de liaison ouest. Ce geste contrevenait aux exigences du REF. Collectivement, ces décisions peuvent dénoter une tendance générale vers une adaptation consciente de procédures essentielles du point de vue de la sécurité. Des personnes font souvent des adaptations quand elles ne perçoivent pas de justification logique à une conformité absolue et ne croient pas que leur adaptation nuise à la sécurité. L'adaptation peut sembler être un bon moyen d'arriver à une fin dans certaines circonstances; toutefois, ce comportement risque d'induire un sentiment de fausse sécurité puisque les personnes ne sont pas toujours en mesure de prédire de façon exacte le résultat de leurs adaptations. Dans le domaine ferroviaire, il y a parfois peu de moyens de défense, si bien que c'est la conformité aux règles qui fait la différence entre sécurité et condition dangereuse.

2.3 Moyens de défense prévus par la ROV

2.3.1 Suffisance des moyens de défense prévus par la ROV

Après cet événement, on a constaté que l'aiguillage de liaison ouest, orienté et cadenassé en position renversée, a été la première condition dangereuse que le train 74 a rencontrée. Les raisons pour lesquelles cette condition dangereuse n'a été ni détectée ni corrigée ont plus d'incidence pour l'amélioration de la sécurité que les événements qui sont à l'origine de la condition dangereuse proprement dite. Le fait qu'une seule erreur entraîne des conséquences catastrophiques est une des caractéristiques les plus indésirables de tout système essentiel du point de vue de la sécurité. Sachant que les humains font des erreurs, il est impératif de concevoir les opérations de façon à éviter qu'une seule erreur humaine soit à l'origine d'une catastropheNote de bas de page 33. On peut recourir à des techniques d'analyse de la fiabilité des humains pour prédire la probabilité et les conséquences des erreurs humaines dans l'exécution d'une tâche donnée. De même, des techniques d'analyse de la fiabilité des systèmes permettent de comprendre les effets de l'interaction humaine sur un système. Quand on applique ces techniques à la conception de systèmes essentiels du point de vue de la sécurité, on peut intégrer au système des mesures visant à réduire au minimum la fréquence des erreurs humaines, à en atténuer les conséquences et même à corriger les erreurs avant qu'elles n'occasionnent des conséquences néfastes. Les faits recueillis pendant l'enquête suggèrent que le système comptait sur des moyens de défense inadéquats pour détecter et corriger la seule erreur qui a donné lieu à la condition dangereuse, à savoir les aiguillages de liaison de voie principale laissés en position renversée sans autorisation.

Le train 74 s'est approché de Thamesville à la vitesse maximale permise. Quand ils ont en leur possession une autorisation en bonne et due forme et qu'ils ne sont assujettis à aucune limite de vitesse, les mécaniciens sont censés faire rouler leurs trains le plus près possible de la limite sans la dépasser. Les membres de l'équipe avaient reçu la permission de circuler dans les limites visées par la feuille de libération d'un autre train et s'étaient fait dire qu'il n'y avait aucune restriction à l'intérieur de ces limites. Le système de contrôle du mouvement des trains n'a pas été en mesure de détecter que les aiguillages de liaison de voie principale avaient été orientés et cadenassés en position renversée et de fournir au train 74 les renseignements nécessaires à la sécurité ferroviaire.

Par le passé, la méthode de contrôle par ROV, et plus particulièrement à l'extérieur d'un BA, a présenté régulièrement des risques d'erreurs susceptibles d'avoir des conséquences catastrophiques. La plupart du temps, les employés de chemins de fer détectent les erreurs en question, que ce soit grâce à des moyens de défense administratifs existants ou grâce à leur vigilance. Cette situation a été portée à l'attention de Transports Canada au début d'avril 1999; il s'agissait de plusieurs erreurs de communicationNote de bas de page 34 qui s'étaient produites plus tôt au cours de la même année. Même si le type des événements qui ont suscité cette correspondance semble fort différent de la situation signalée à Thamesville, le facteur sous-jacent était le même — la vulnérabilité de la ROV à l'erreur humaine. En septembre 1999, Transports Canada a évalué les défenses du système destinées à assurer une communication exacte et la vérification de l'information dans les limites de ROV, et a dit estimer que les moyens de défense existants semblaient être adéquats et semblaient être un moyen sûr de contrôle du mouvement des trains.

2.3.2 Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada

La règle 104 du REF s'appliquait aux aiguillages de liaison de Thamesville et exigeait qu'ils soient orientés et cadenassés en position normale. Cette règle répartissait entre les membres de l'équipe la responsabilité de s'assurer que ces aiguillages étaient laissés en position normale, mais elle ne définissait pas clairement les exigences relatives à la communication de la position des aiguillages de voie principale. Les membres de l'équipe du train de travaux se sont rappelé qu'à Thamesville, ils ont communiqué la position des aiguillages de liaison à maintes reprises. Bien que cette partie de la règle 104 laisse cette méthode d'application à la discrétion des personnes en cause, les membres des équipes communiquent généralement entre eux pour s'assurer de la conformité. Un moyen de défense administratif de ce genre est susceptible d'avoir plus de succès quand les exigences relatives à la communication sont définies clairement.

Au Canada, on peut dire que la culture du milieu ferroviaire concernant la manoeuvre des aiguillages de voie principale en zone exempte de signalisation et les opérations ferroviaires en général est « fondée sur des règles ». Dans ce contexte, le terme « règles » s'entend non seulement du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada, mais aussi de toutes les procédures écrites des compagnies ferroviaires. Dans la plupart des accidents ferroviaires, il y a eu une dérogation à certaines règles. Habituellement, la compagnie fait enquête et prend des mesures disciplinaires à l'endroit des personnes qui ont enfreint les règles. Transports Canada peut faire enquête pour des questions de réglementation et de sécurité, y compris dans le cadre de poursuites contre les compagnies ferroviaires ou les personnes qui ne se sont pas conformées aux règles. Dans le cadre de son mandat, le BST va au-delà des infractions et considère les causes des accidents et la façon de réduire les risques qui leur sont associés.

Tout le monde sait que n'importe qui peut parfois commettre des erreurs de bonne foi, même s'il a reçu une bonne formation et que son comportement est tout à fait normal. Le fait d'accroître les conséquences d'une dérogation aux règles et d'accentuer les efforts de formation et de supervision semble susciter peu d'améliorations de l'efficacité de ces moyens de défense de nature administrative. Dans le dialogue qui se poursuit entre le BST et Transports Canada au sujet des aiguillages de voie principale en position renversée, Transports Canada continue d'appuyer les initiatives qui visent d'abord l'amélioration de l'efficacité des défenses administratives existantes et l'amélioration de la visibilité des cibles d'aiguillage. Transports Canada n'a pas exigé la mise en oeuvre de moyens de défense physiques qui permettraient aux trains qui approchent dans une zone exempte de signalisation d'avoir une meilleure idée de la position des aiguillages de voie principale. Le Bureau croit qu'on améliorerait la sécurité si les compagnies ferroviaires et Transports Canada examinaient collectivement l'incidence de l'erreur humaine et collaboraient à la mise en oeuvre de systèmes essentiels du point de vue de la sécurité dans le but de diminuer les conséquences d'erreurs de ce genre.

Les données du BST sur les événements ne montrent pas une tendance à l'augmentation du nombre d'accidents et d'incidents lors desquels un train arrive inopinément à la hauteur d'aiguillages de voie principale laissés en position renversée; toutefois, ces événements représentent un risque inacceptable, surtout s'ils mettent en cause des trains de voyageurs. Entre 1993 et 2000, il y a eu en moyenne un train de voyageurs par année qui est arrivé à la hauteur d'aiguillages de voie principale laissés en position renversée dans des territoires contrôlés par ROV à l'extérieur d'un BA, tandis que la moyenne pour les trains de marchandises était d'environ cinq fois par année. On peut s'attendre à ce que ce taux se maintienne, à moins qu'on ne mette en oeuvre des systèmes améliorés qui permettent aux équipes d'avoir un préavis de la situation. Compte tenu des pertes qui pourraient découler de chaque événement, ces données constituent un argument convaincant en faveur de la mise en oeuvre d'un système efficace de préavis.

2.3.3 Cibles des aiguillages de voie principale

Les cibles des aiguillages étaient la dernière défense dont le train 74 disposait pendant qu'il approchait de Thamesville. L'enquête n'a pas pu déterminer si l'équipe a serré les freins d'urgence après avoir observé la cible d'aiguillage ou les pointes d'aiguille. Compte tenu de la distance à laquelle les freins d'urgence ont été serrés et des conditions de visibilité du moment, il est fort vraisemblable que l'équipe a réagi en voyant la cible d'aiguillage. Les compagnies ferroviaires n'encouragent pas l'observation des cibles des aiguillages de voie principale comme principal moyen de défense contre les aiguillages mal orientés.

Dans l'industrie ferroviaire, les gens considèrent, et c'est d'ailleurs ce qui est enseigné, que les cibles des aiguillages servent non seulement à indiquer la position d'un aiguillage, mais qu'elles servent aussi de repère visuel pour aider à déterminer la position exacte des aiguillages quand l'équipe d'un train est avisée à l'avance qu'elle devra manoeuvrer un aiguillage. En réponse à une recommandation du BST voulant que le ministère des Transports s'assure que les trains de voyageurs puissent s'arrêter avant d'atteindre des aiguillages de voie principale mal orientés, Transports Canada a fait savoir qu'il avait demandé aux compagnies ferroviaires d'envisager et de proposer des mesures correctives au sujet des endroits où la visibilité des cibles d'aiguillage et les distances minimales de freinage des trains pouvaient présenter un risque pour la sécurité.

Alors que l'amélioration de la visibilité des cibles des aiguillages est un objectif souhaitable, étant donné qu'on n'oblige pas les trains à être capables de s'arrêter avant des aiguillages de voie principale laissés en position renversée sans autorisation, il reste que, de façon générale, les cibles ne devraient pas être vues comme un moyen de défense principal, mais plutôt comme un moyen de défense secondaire ou même tertiaire. À Thamesville, la cible d'aiguillage était le seul moyen de défense dont l'équipe du train disposait.

Des trains de voyageurs canadiens ont réussi à passer dans des aiguillages similaires à des vitesses de 50 mi/h à 55 mi/h. Les freins du train 74 ont été serrés environ 5 secondes avant que le train arrive à la hauteur de l'aiguillage de liaison ouest. Dans cet intervalle, la vitesse du train est passée de 80 mi/h à 74 mi/h. Pour que le train 74 ait pu entrer dans la liaison à une vitesse de 55 mi/h plutôt que de 74 mi/h, compte tenu d'un taux de décélération constant d'environ 2 mi/h par secondeNote de bas de page 35 après la décélération indiquée précédemment, il aurait fallu que les freins d'urgence aient été serrés environ 10 secondes plus tôt qu'ils ne l'ont été. Par conséquent, il aurait fallu au total environ 16 secondes de freinage d'urgence pour que le train puisse ralentir suffisamment pour entrer dans la liaison à 55 mi/h. Pour ralentir jusqu'à 30 mi/h, soit la vitesse maximale de conception des branchements de la liaison, il aurait fallu que les freins d'urgence aient été serrés encore 12 secondes plus tôt, ce qui aurait donné une période totale de freinage de quelque 28 secondes.

Pour des enquêteurs qui étaient aux aguets par temps clair, les cibles existantes ont été visibles d'une distance d'environ 1 400 pieds (425 m) (environ 12 secondes à 80 mi/h); toutefois, sans préavis additionnel, il est peu probable que l'équipe de la locomotive du train 74 ait pu apercevoir une cible plus visible et ait pu réagir à temps pour que son train puisse passer sans danger dans la liaison. En outre, compte tenu des circonstances spécifiques qu'on trouvait à Thamesville, avec une liaison placée entre deux voies principales et le train de sens contraire qui approchait sur la voie principale adjacente, le fait de réussir à franchir la liaison n'aurait pas éliminé le risque de collision frontale.

Ailleurs dans le réseau ferroviaire national, des centaines de trains passent chaque jour près d'aiguillages de voie principale, souvent dans des endroits où la courbure de la voie, les conditions météorologiques ou d'autres obstructions empêchent de bien voir les cibles des aiguillages. En territoire contrôlé par CCC ou par ROV à l'intérieur d'un BA, les circuits de voie et les signaux en bordure de la voie donnent un préavis aux équipes des trains pour les avertir qu'elles approchent d'un aiguillage en position renversée. En ROV à l'extérieur d'un BA, on ne dispose pas de ce préavis. La sécurité est tributaire du respect absolu des règles d'exploitation de la part des employés qui manoeuvrent les aiguillages de voie principale et de la probabilité que les équipes des trains remarquent une cible d'aiguillage à temps pour pouvoir ralentir jusqu'à une vitesse sûre. Il n'existe aucune protection contre la possibilité qu'un aiguillage soit laissé en position renversée par inadvertance ou soit vandalisé.

2.3.4 Exigences concernant la vitesse

En 1946, l'ICC des États-Unis a reconnu que l'intérêt du public exigeait l'installation de systèmes de signalisation ou une limitation de la vitesse des trains dans les zones exemptes de signalisation. On n'a pas fait de détermination de ce genre au Canada. À l'époque, l'ICC a conclu qu'en raison des risques accrus d'accidents, du fait de l'augmentation de la vitesse et du nombre des trains, il fallait en général assurer une meilleure protection à la grandeur du pays.

Plus de 50 ans après cette décision des États-Unis de limiter à 59 mi/h la vitesse maximale des trains de voyageurs en zone exempte de signalisation, ces exigences sont toujours en vigueur. Ces dernières années, toutefois, on a augmenté la vitesse des trains de voyageurs au Canada pour la porter à 95 mi/h dans des subdivisions choisies situées en zone exempte de signalisation. Les préparatifs préalables à cette augmentation des vitesses ont consisté notamment en une amélioration de la protection aux passages à niveau, en d'autres améliorations de l'infrastructure et en des consultations auprès du public.

La grande majorité des subdivisions ferroviaires les plus fréquentées du Canada sont équipées de signaux en bordure de la voie. Les signaux d'aujourd'hui sont une évolution de la technologie des années 1940, et il est généralement admis qu'ils assurent une sécurité accrue. L'ICC a estimé que l'installation de signaux ou la réduction de la vitesse des trains permettraient d'atteindre un niveau de sécurité acceptable. Par comparaison, au Canada, à des endroits comme Thamesville, où les trains circulent à 80 mi/h dans une zone exempte de signalisation, on a augmenté la vitesse des trains sans installer de signaux. Il s'ensuit que des trains de voyageurs à grande vitesse courent un grand risque d'arriver à la hauteur d'aiguillages laissés en position renversée, exposant ainsi au danger leurs équipes, le public voyageur et les résidants des collectivités établies le long de la voieNote de bas de page 36.

2.4 Le déraillement, la collision et l'intervention après l'accident

2.4.1 Actions de l'équipe de la locomotive du train 74

Le fait que le train 74 roulait à la vitesse maximale autorisée en approchant de Thamesville est conforme aux pratiques courantes d'exploitation. Les membres de l'équipe n'étaient pas spécifiquement à l'affût d'aiguillages en position renversée, mais ils devaient vraisemblablement porter leur regard vers l'avant du train. Il aurait dû y avoir quelques indices visuels aux abords de Thamesville : la circulation automobile au passage à niveau de la route 21, les dispositifs de signalisation automatique pour le passage à niveau, et le matériel roulant immobilisé des deux côtés des voies principales. Le temps était couvert et il pleuvait légèrement, ce qui réduisait la visibilité.

L'information consignée indique que les freins d'urgence ont été serrés environ 600 pieds (180 m) et 5 secondes avant que le train arrive à l'aiguillage de liaison ouest. Une personne met un certain temps pour identifier un stimulus visuel, choisir une façon de procéder et la mettre en application. Il est impossible de déterminer avec exactitude le délai additionnel nécessaire, mais on sait que grâce à l'expérience et à la formation, il est possible de réduire le délai en question.

Les mécaniciens ne prennent pas à la légère la décision de serrer les freins d'urgence à bord d'un train de voyageurs qui roule à 80 mi/h. Chaque freinage d'urgence risque de causer un déraillement et d'endommager des roues et, dans le cas d'un train de voyageurs, risque de causer des blessures aux voyageurs et aux membres de l'équipe. Des personnes non retenues peuvent être projetées à l'intérieur des voitures et peuvent être blessées par des articles non assujettis comme des chariots à boissons ou des bagages à main et par d'autres personnes, et peuvent être brûlées par des boissons ou des aliments chauds qui sont renversés.

Immédiatement après avoir constaté que l'aiguillage était en position renversée, les membres de l'équipe de la locomotive ont pris des mesures essentielles du point de vue de la sécurité. Sachant que, d'une façon ou d'une autre, leur train allait obstruer la voie principale sud et qu'un train de voyageurs de sens contraire approchait de Thamesville sur cette voie, les membres de l'équipe ont transmis un message radio de détresse à l'intention de ce train. Le train de sens contraire a donc pu décélérer de façon contrôlée, si bien que la sécurité de ses voyageurs et de son équipe n'a pas été compromise. En actionnant l'interrupteur d'arrêt du moteur, l'équipe a effectivement coupé le moteur diesel et a supprimé une source d'inflammation. Même s'il est peu probable que les membres de l'équipe aient anticipé une collision entre leur train et les wagons de nitrate d'ammonium, cette mesure a eu pour effet de réduire les risques d'incendie et d'explosion.

Le serrage des freins d'urgence, la transmission du message de détresse d'urgence et l'arrêt du moteur au moyen de l'interrupteur prévu à cette fin, le tout en l'espace de quelques secondes, dénotent un degré élevé de vigilance et de professionnalisme de la part de l'équipe de la locomotive du train 74. De plus, les mesures prises par l'équipe ont probablement permis de réduire la gravité des conséquences de l'accident.

2.4.2 Intervention d'urgence

L'intervention d'urgence s'est déroulée avec rapidité et professionnalisme. Le fait qu'on ait appelé les services d'urgence 911 presque immédiatement après l'accident a facilité l'intervention rapide des services d'urgence. Le fait que l'accident soit survenu dans une zone urbaine a aussi fait en sorte que les secours arrivent rapidement. La municipalité régionale de Chatham-Kent, dont Thamesville fait partie, était bien préparée et a pu fournir les services d'intervention nécessaires avec efficacité.

2.4.3 Intervention de l'équipe du train et des services de bord de VIA

Même si deux des cinq membres de l'équipe des services de bord ont été blessés et n'ont pas été en mesure de s'acquitter des fonctions d'urgence qui leur incombaient, le reste de l'équipe des services de bord et le second mécanicien ont réagi rapidement en organisant et en menant à bien l'évacuation. Il y avait à bord des trousses de premiers soins multi-traumatismes, et les membres de l'équipe savaient où les trouver. Un membre de l'équipe s'est servi d'un mégaphone pour communiquer des instructions sur l'évacuation. Il est vraisemblable que les exposés sur la sécurité présentés aux voyageurs par les membres de l'équipe des services de bord et les cartes de consignes d'urgence, qui étaient placées dans les dossiers des fauteuils, ont fait en sorte que certains voyageurs soient mieux informés. D'après les indications recueillies, les membres de l'équipe qui étaient capables de se charger des fonctions d'évacuation ont démontré qu'ils avaient les connaissances nécessaires pour porter assistance.

2.5 Résistance aux chocs de la locomotive

La capacité d'absorption de l'énergie du capot court et du toit de la locomotive s'est révélée inadéquate pour protéger les occupants de la cabine d'un impact aussi violent. Le mouvement d'oscillation engendré pendant que la locomotive s'engageait dans la liaison a entraîné, au moment où la locomotive s'inclinait sur la droite, la collision avec les wagons-trémies couverts chargés et immobilisés. Du fait de cette orientation, la locomotive a subi un impact frontal dans un secteur où sa résistance est la moindre &mdash le secteur du capot court et du toit.

Comme la majorité des impacts que subissent les locomotives se produisent quand la locomotive est à la verticale, il est raisonnable de dire qu'elles sont conçues pour résister aux efforts les plus grands à la hauteur du châssis. Dans la grande majorité des impacts de ce genre, l'autre objet est un autre matériel roulant ou un véhicule à un passage à niveau public. Habituellement, le chasse-pierres et les dispositifs antichevauchement gardent l'objet le plus bas possible. Si l'objet monte plus haut que le chasse-pierres, les montants anticollision placés dans le capot court assurent une protection additionnelle. Si un impact se produit au-dessus du capot court, près des fenêtres et du toit, que ce soit parce qu'un objet est monté au-dessus du chasse-pierres et du capot court ou en raison de l'orientation de la locomotive, la structure offre une protection limitée aux occupants de la cabine de commande.

Bien que la locomotive 6423 ait été construite avant l'adoption par l'AAR des normes sur la résistance aux chocs, elle dépassait la plupart des exigences des normes en question. Les ingénieurs du BST ont étudié quelques dispositifs de sécurité relatifs à la résistance aux chocs, dont certains pourraient être inclus à la norme de l'AAR. Certains de ces dispositifs présentent une possibilité d'amélioration de la sécurité des occupants de la cabine des locomotives. Il s'agit notamment de :

À cause de la vitesse du train, de l'orientation de la locomotive et de la rigidité et des masses imposantes des deux objets qui se sont heurtés (la locomotive 6423 et les wagons-trémies couverts chargés), il est probable que, même si le toit et les fenêtres avaient été renforcés, la protection des occupants de la cabine aurait quand même été insuffisante.

Les autorités réglementaires des États-Unis ont considéré deux dispositifs de sécurité qui pourraient améliorer les chances de survie en cas d'impacts similaires à celui de Thamesville. Un refuge de protection aménagé dans le plancher de la cabine de la locomotive aurait pu s'avérer bénéfique si les occupants avaient pu y accéder à temps. Des plaques de déflexion, même si leur installation exige des changements à la structure de la locomotive, auraient peut-être fait dévier la locomotive à l'écart des wagons immobilisés.

2.6 Wagons de marchandises dangereuses placés à Thamesville

Les wagons chargés de nitrate d'ammonium qui étaient stationnés sur une voie adjacente aux voies principales de la subdivision Chatham constituent une autre condition dangereuse qui était présente à Thamesville. S'il est mélangé au gazole et s'il est soumis à un impact violent, le nitrate d'ammonium peut exploser. Un incendie risque fort d'éclater par suite d'une collision lors de laquelle une locomotive subit des dommages considérables. On sait que, si les conditions propices sont réunies, la combustion de nitrate d'ammonium peut dégénérer et causer une explosion. Même s'il n'y a eu ni incendie ni explosion lors de cet accident, il reste qu'un grand nombre des conditions propices à un incendie et à une explosion étaient présentes.

À Thamesville, on croyait à l'origine que les wagons chargés de nitrate d'ammonium avaient été placés sur la voie CB58, au nord de la voie principale nord et qu'ils avaient ensuite été relocalisés sur la voie CB40, au sud de la voie principale sud. Cependant, le train qui avait amené les wagons à Thamesville roulait sur la voie principale sud et n'avait pas d'autorisation qui lui aurait donné accès à la voie CB58. Rien d'autre n'indique que les wagons avaient été placés sur la voie CB58, à laquelle la coopérative Orford avait accès. L'explication la plus plausible est que les wagons ont été immobilisés sur la voie CB40 le 17 avril 1999. Les wagons sont restés sur cette voie pour plus de six jours. La coopérative Orford ne considérait pas que les wagons étaient arrivés à destination parce qu'elle n'y avait pas accès. Par contre, la compagnie ferroviaire considérait que les wagons étaient arrivés à destination. Par conséquent, une marchandise dangereuse a été entreposée dans des wagons, à proximité de voies principales, pour une période de temps indéfinie.

Pendant près de 90 ans, le fait d'entreposer des marchandises dangereuses à n'importe quel endroit dans le réseau de transport pour une période de plus de 48 heures, sauf dans le cas de circonstances spéciales, était jugé comme dangereux et non conforme aux exigences de sécurité de l'industrie et des autorités fédérales. Les exigences actuelles ont entraîné une certaine incertitude quant à l'entreposage temporaire ou ponctuel de marchandises dangereuses. Il existe des exigences relatives aux installations d'entreposage situées sur la propriété des chemins de fer et des exigences en matière d'inspection des wagons qui sont mis en attente en cours de route. Cependant, il n'y a aucune restriction quant à l'entreposage temporaire de marchandises dangereuses arrivés à destination ou près de leur destination.

La plupart du temps, le matériel roulant qui est démoli lors de déraillements et de collisions se retrouve dans l'entourage immédiat des voies principales. Les risques associés à des accidents de ce genre sont encore plus grands si des marchandises dangereuses sont entreposées pour une période prolongée à proximité des voies principales. Nombre d'installations ferroviaires, dont Thamesville, disposent de voies de garage additionnelles à l'écart des voies principales, lesquelles seraient alors éloignées de la trajectoire immédiate des débris lors de la plupart des déraillements et des collisions. L'entreposage des wagons chargés de marchandises dangereuses à l'écart des voies principales permettrait d'améliorer la sécurité.

La situation qui existait à Thamesville, à savoir l'entreposage prolongé de marchandises dangereuses dans les environs immédiats d'une voie principale où des trains de voyageurs circulaient et d'une zone urbaine, n'est pas inhabituelle. On peut réduire les risques inutiles découlant de l'entreposage prolongé de wagons chargés de marchandises dangereuses au Canada. Il est connu que la sensibilisation aux risques est à son maximum dans les premiers temps qui suivent un accident, après quoi elle décroît lentement avec le temps, jusqu'à ce qu'un autre accident survienne. Il se peut que la réglementation relative à l'entreposage des marchandises dangereuses dans le milieu ferroviaire ait suivi cette tendance. Les circonstances de l'accident nous incitent à réévaluer les risques associés à l'entreposage des marchandises dangereuses.

2.7 Sécurité des voyageurs

Il est évident que les efforts visant à régler les problèmes relatifs à la sécurité des voyageurs qui ont été relevés dans des enquêtes antérieures ont permis d'améliorer la sécurité des voyageurs dans les domaines suivants :

Il y a certes eu des améliorations, mais d'autres problèmes de sécurité qui avaient été relevés auparavant ont encore été relevés à Thamesville. Les mesures d'atténuation que Transports Canada et VIA ont prises n'ont pas apporté de solutions adéquates à ces problèmes.

À Thamesville, plusieurs problèmes de sécurité qui s'avèrent particulièrement préoccupants ont été relevés :

Toutes ces questions ont été soulevées à l'occasion d'enquêtes précédentes du BST au sujet de trains de voyageurs de VIA.

Du fait de la complexité de chaque accident de transport et de la nature unique des événements, il faut reconnaître qu'une enquête exhaustive peut faire ressortir des lacunes tout à fait inédites. Chaque accident successif auquel est mis en cause un train de voyageurs est l'occasion de constater les dangers, d'évaluer les risques et de trouver des solutions à ces risques. Une vérification, des inspections, et une surveillance efficaces de la part de l'industrie et de l'organisme de réglementation peuvent faire en sorte que de nouveaux dangers soient moins susceptibles de se présenter. Cependant, quand des dangers qu'on a identifiés précédemment continuent d'exister, ou réapparaissent, il y a parfois lieu de s'interroger sur l'efficacité des programmes de sécurité instaurés par l'industrie et l'organisme de réglementation. Toutefois, il faut aussi considérer que les risques associés à un danger donné ne sont pas toujours considérés comme étant assez grands pour inciter l'industrie et l'organisme de réglementation à imposer des mesures de sécurité (pour plus de détails, voir la section 1.11 et l'annexe B).

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

  1. Le train 74 a déraillé quand il est arrivé à la hauteur d'aiguillages de liaison qui avaient été orientés et cadenassés en position renversée à Thamesville.
  2. La seule façon plausible d'expliquer comment les aiguillages de liaison de voie principale de Thamesville ont pu être orientés et cadenassés en position renversée serait que les derniers membres de l'équipe autorisés les ont orientés et cadenassés dans cette position par inadvertance.
  3. Les moyens de défense du système de contrôle du mouvement des trains par régulation de l'occupation de la voie (ROV) n'ont pas donné aux membres de l'équipe du train 74 un préavis suffisant des aiguillages de liaison de voie principale qui étaient en position renversée pour qu'ils puissent ralentir jusqu'à une vitesse sûre ou immobiliser le train.
  4. Le train a heurté des wagons immobilisés sur la voie adjacente à la voie principale sud, ce qui a aggravé les conséquences de l'accident.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. L'entreposage de nitrate d'ammonium pendant une période prolongée sur une voie adjacente à une voie où des trains circulent à grande vitesse occasionne des risques inutiles alors qu'il y a des voies de garage moins exposées dans les environs.
  2. L'industrie et l'organisme de réglementation ont pris certaines mesures de sécurité par suite d'accidents lors desquels des trains sont arrivés à la hauteur d'aiguillages laissés en position renversée. Toutefois, ces mesures ont porté surtout sur l'amélioration de la visibilité des cibles des aiguillages et sur l'amélioration de la conformité aux règles obligeant à laisser les aiguillages orientés dans la bonne position. Ces mesures n'ont pas apporté de solution efficace au problème de l'absence de préavis adéquat à l'intention des équipes des trains, dans les zones exemptes de signalisation.
  3. Puisque des dangers relatifs à la sécurité des voyageurs qui avaient déjà été constatés auparavant existaient encore, les voyageurs et les membres de l'équipe ont été exposés inutilement à des risques.

3.3 Autres faits établis

  1. Le fait que les freins d'urgence du train 74 aient été serrés avant que le train arrive aux aiguillages de liaison de voie principale laissés en position renversée, qu'on ait actionné l'interrupteur d'arrêt du moteur et qu'on ait transmis un message de détresse à l'intention du train 71 indique que les membres de l'équipe étaient vigilants.
  2. Le fait que l'équipe de la locomotive du train 74 ait coupé le moteur diesel en actionnant l'interrupteur d'arrêt a éliminé une source d'inflammation potentielle et a réduit ainsi le risque de voir le nitrate d'ammonium répandu s'enflammer ou exploser.
  3. Le fait que l'équipe du train 74 ait transmis un appel de détresse à l'intention du train de direction opposée, en l'occurrence le train 71, a permis au train 71 de décélérer en toute sécurité avant d'arriver à Thamesville.
  4. Les employés de VIA Rail Canada Inc. (VIA) se sont acquittés avec efficacité et efficience des fonctions d'urgence qui leur incombaient, contribuant ainsi au succès de l'évacuation.
  5. Comme la collectivité de Chatham-Kent disposait de ressources d'intervention d'urgence de grande envergure qui étaient prêtes à intervenir, et qu'on a avisé immédiatement les services d'urgence par un appel au service 911, les premiers intervenants ont pu arriver sur les lieux dans les meilleurs délais.
  6. Le personnel d'intervention d'urgence (pompiers, police et ambulanciers) a coordonné et facilité l'évacuation et a limité les dangers associés au déversement de marchandises dangereuses.
  7. Même si la locomotive 6423 avait été construite avant l'adoption par l'Association of American Railroads de normes sur la résistance aux chocs, elle dépassait la plupart des exigences de ces normes.
  8. En raison de l'orientation de la locomotive au moment où celle-ci a heurté les wagons-trémies couverts immobilisés, l'impact a touché la partie de l'avant de la locomotive qui était la moins résistante aux chocs.
  9. La capacité d'absorption de l'énergie du capot court et du toit de la locomotive n'était pas suffisante pour protéger la cabine de commande contre un impact de cette violence.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Canadien National

Immédiatement après l'accident, le Canadien National (CN) a annoncé un certain nombre d'initiatives en matière de sécurité. Au printemps 2000, le CN a entrepris un programme de mise à niveau par lequel les derniers tronçons contrôlés par régulation de l'occupation de la voie (ROV) à l'extérieur d'un block automatique (BA) (zone exempte de signalisation) allaient passer à la commande centralisée de la circulation (CCC), dans les secteurs où des trains de voyageurs roulent sur les voies du CN dans le couloir Québec-Windsor. Ce programme comprend la subdivision Grimsby entre Hamilton et Niagara Falls (Ontario). Les travaux ont été terminés à la fin de l'an 2000.

Les cibles des aiguillages de voie principale ont été mises aux nouvelles normes concernant les aiguillages à support bas (12 pouces (30,5 cm) sur 18 pouces (45,7 cm) plutôt que 6 pouces (15,2 cm) sur 12 pouces (30,5 cm)), et on a appliqué un produit rétroréfléchissant 3M de type « diamond » à 3 700 emplacements à la grandeur du Canada. En même temps que cette initiative, le CN a commandé une étude sur la reconnaissance des cibles d'aiguillage, dont les conclusions indiquent en général que les cibles sont plus reconnaissables avec le matériel rétroréfléchissant et leur plus grande taille.

En mai 1999, le CN a mis en oeuvre les exigences globales visant les employés des chemins de fer et portant sur la confirmation de la position des aiguillages de voie principale. L'information a pris la forme d'une instruction spéciale relative à la règle 104 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), et s'applique à tous les employés qualifiés dans les règles qui travaillent dans le district des Grands Lacs du CN. Voici les exigences de l'instruction spéciale :

[traduction libre]

En ROV, à moins qu'on n'ait donné la permission de laisser un aiguillage en position renversée conformément à la règle 104 b), le chef de train et le mécanicien doivent :

  1. avant de quitter un endroit où un aiguillage de voie principale a été manoeuvré, se confirmer l'un à l'autre que l'aiguillage a été orienté et cadenassé en position normale.
  2. quand ils donnent la permission de pénétrer dans une « zone de travaux », se confirmer l'un à l'autre la position des aiguillages de voie principale qui sont manoeuvrés; cette information doit être incluse à l'entente écrite établie entre les trains. Les trains qui entrent dans des zones de travaux ne sont pas pour autant dégagés de l'obligation de se conformer à d'éventuels avertissements relatifs aux aiguillages qui seraient inclus à leur feuille de libération en vertu de la règle 104 b).
  3. quand ils annulent une feuille de libération de travaux en ROV, aviser verbalement le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) que les aiguillages de voie principale que l'équipe a manoeuvrés, à l'exception des aiguillages qui peuvent être laissés en position renversée du fait d'une permission ajoutée à la feuille de libération en vertu de la règle 104 b), ont été orientés et cadenassés en position normale.

En ROV, un employé qualifié dans l'application du Règlement pour la protection des véhicules d'entretien et des travaux en voie doit :

  1. avant de quitter un endroit où un aiguillage de voie principale a été manoeuvré, confirmer auprès d'un autre employé qualifié (à moins qu'aucun autre employé ne soit disponible immédiatement, c'est-à-dire un travailleur isolé) que l'aiguillage a été orienté et cadenassé en position normale.
  2. quand il autorise un train ou une locomotive à entrer dans une « zone de travaux », faire confirmer par un autre employé qualifié (à moins qu'aucun autre employé ne soit disponible immédiatement, (c'est-à-dire un travailleur isolé) la position des aiguillages de voie principale utilisés; cette information doit être incluse à la permission qui est accordée.
  3. quand il annule une feuille de libération ROV, aviser verbalement le CCF afin d'identifier les aiguillages de voie principale qui sont utilisés dans les limites correspondant à la feuille de libération et de préciser qu'ils ont été orientés et cadenassés en position normale.

En novembre 2000, le CN a adopté une instruction spéciale pour le réseau relative à la règle 104 du REF. L'instruction spéciale a établi des exigences de communication officielles pour les employés qui manoeuvrent des aiguillages à manoeuvre manuelle en ROV.

Tous les employés du CN affectés aux services du transport et de l'ingénierie qui sont qualifiés relativement aux règles du REF ont suivi des cours de recyclage spéciaux sur tous les aspects de la règle 104 b) du REF, y compris les nouvelles exigences en matière de communication. Cette formation doit se poursuivre chaque année.

En octobre 2000, le CN a entrepris des essais sur le terrain d'un système de signalisation comprenant des indicateurs de position des aiguilles. Le signal a été mis en service dans la subdivision Uxbridge du CN à la fin d'octobre 2000. Le signal en question vise à indiquer la position des aiguilles dans les zones exemptes de signalisation. Le système emploie une technologie radio à spectre étalé pour transmettre la position de l'aiguillage vers un signal installé au-delà de la distance maximale de freinage d'un train, à partir d'un aiguillage en direction de prise en pointe. On s'attend à ce que les essais fournissent de l'information sur l'acceptation par les équipes et sur la fiabilité du système dans des conditions météorologiques variées. Le coût du système est évalué à 25 000 $ par emplacement. Le CN examine aussi des technologies de remplacement qui pourraient répondre à meilleur coût aux exigences de l'exploitation.

Chaque région du CN a mis en oeuvre un système informatisé local de surveillance des clés d'aiguillages à grande sécurité. Cette initiative a pris fin à l'automne 1999.

Le CN a aussi indiqué que, depuis un certain nombre d'années, à des fins d'entretien et de sécurité, il a retiré des aiguillages superflus ou des aiguillages qu'on utilisait peu souvent. Les aiguillages de liaison de Thamesville ont été retirés quand la voie ferrée a été reconstruite après l'accident.

4.1.2 Transports Canada

4.1.2.1 Aiguillages de voie principale laissés en position renversée sans autorisation

Après l'accident, le 30 avril 1999, un inspecteur de la sécurité ferroviaire du Groupe surface de la région de l'Ontario de Transports Canada a publié un avis aux termes de l'article 31 de la Loi sur la sécurité ferroviaire stipulant que la sécurité ferroviaire était compromise dans les territoires à voies multiples du CN en Ontario où la circulation n'est pas contrôlée par des signaux de canton (zones exemptes de signalisation), étant donné qu'un aiguillage de liaison de voie principale à manoeuvre manuelle qui est mal orienté pourrait causer un déraillement ou une collision.

Par la suite, le 17 mars 2000, le train de voyageurs no 78 de VIA Rail Canada Inc. (VIA), roulant dans la subdivision Dundas du CN à Ingersoll (Ontario), point milliaire 58, est arrivé à la hauteur d'un aiguillage de voie principale à manoeuvre manuelle qui avait été laissé en position renversée. Comme le train circulait à vitesse de marche à vue en raison de la signalisation, il a pu s'arrêter de façon contrôlée. Le train avait quelque 260 voyageurs à son bord. Le 21 mars 2000, un inspecteur de la sécurité ferroviaire du Groupe surface de la région de l'Ontario de Transports Canada a publié un avis aux termes de l'article 31 de la Loi sur la sécurité ferroviaire. L'avis disait notamment que la sécurité ferroviaire était compromise dans les territoires à voies multiples du CN en Ontario où la circulation n'est pas contrôlée par CCC, étant donné qu'un aiguillage de voie principale à manoeuvre manuelle qui est mal orienté pourrait causer un déraillement ou une collision.

Immédiatement après l'événement, Transports Canada a nommé un responsable de la sécurité chargé de faire enquête, en vertu de la partie II du Code canadien du travail, sur les deux pertes de vie et les blessures invalidantes subies par des employés de VIA lors de l'accident de Thamesville, dans le cadre d'un protocole d'entente conclu entre Transports Canada et Développement des ressources humaines Canada. L'enquête de Transports Canada n'a pas déterminé de façon concluante les circonstances dans lesquelles l'aiguillage de liaison de la voie principale nord a été laissé en position renversée au point milliaire 46,72 de la subdivision Chatham du CN. Toutefois, Transports Canada a conclu soit que l'agent de train qui a manoeuvré l'aiguillage en dernier l'a orienté et cadenassé en position renversée, soit que l'aiguillage a été orienté et cadenassé en position renversée par un vandale. Le rapport final a été rendu public en mars 2000. Il contenait les conclusions et recommandations suivantes :

Conclusions

Grâce à la technologie moderne et à l'informatisation, et pour des raisons de sécurité et d'efficience, on a amélioré la conception et les capacités des locomotives ainsi que les structures de la voie et les structures connexes. De nos jours, la technologie permet d'assurer une exploitation plus efficiente en faisant appel à moins de personnel. Les équipes des trains ne comptent plus que deux personnes et peuvent parcourir des distances plus grandes que par le passé. Les CCF supervisent maintenant des territoires plus étendus. En dépit de tous ces perfectionnements, le système de contrôle du mouvement des trains en zone exempte de signalisation, dépendant du facteur humain, reste inchangé.

Recommandations

Le responsable de la sécurité a aussi constaté que le CN contrevenait à l'article 124 de la partie II du Code canadien du travail, dont voici le texte :

  • L'employeur veille à la protection de ses employés en matière de sécurité et de santé au travail.

Le responsable de la sécurité a estimé que le CN n'a pas veillé à la protection de ses employés affectés à la voie principale en ROV, puisqu'il ne s'est pas assuré que les aiguillages de voie principale étaient orientés et cadenassés pour la voie principale. Le responsable de la sécurité a ordonné au CN de cesser de contrevenir aux règles pertinentes. Le CN a exercé son droit d'appel relativement à la directive conformément à la partie II du Code canadien du travail. Par suite de cet appel, la directive a été révisée et annulée.

Le responsable de la sécurité a aussi reçu deux promesses de conformité volontaire de la part de VIA, une concernant l'assujettissement des extincteurs d'incendie entre les cloisons des voitures, et l'autre concernant l'assujettissement des trousses à outils portatives dans les voitures-bars.

Le 17 avril 2000, un inspecteur de la sécurité ferroviaire du Groupe surface de la région de l'Ontario de Transports Canada a observé un aiguillage de voie principale à manoeuvre manuelle qui était en position renversée au point milliaire 15,01 de la subdivision Alexandria de VIA. Un train de travaux du CN avait une feuille de libération de travaux et était passé par cet endroit; toutefois, aucun membre de l'équipe n'était posté près de l'aiguillage. Le 2 mai 2000, l'inspecteur a publié un avis aux termes de l'article 31 de la Loi sur la sécurité ferroviaire. L'avis disait notamment que la sécurité ferroviaire était compromise dans la subdivision Alexandria de VIA en Ontario, étant donné qu'un aiguillage de voie principale à manoeuvre manuelle qui est mal orienté pourrait causer un déraillement ou une collision.

Le 24 mai 2000, Transports Canada a entrepris une étude sur la technologie existante. Cette étude portera sur les technologies disponibles en Amérique du Nord ou sur la recherche et le développement qui s'y fait sur les technologies servant à avertir les équipes des aiguillages à manoeuvre manuelle qui ne sont pas orientés pour la voie principale dans les zones exemptes de signalisation. Transports Canada a indiqué que l'étude devrait aussi porter sur les technologies d'ailleurs (p. ex. celles de l'Union européenne et du Japon) si ces dernières sont appropriées.

Le 14 juillet 2000, par suite d'un événement survenu dans la subdivision Guelph de la Goderich & Exeter Railway, un inspecteur de la sécurité ferroviaire du Groupe surface de la région de l'Ontario de Transports Canada a rendu public un avis et ordre en vertu de l'article 31 de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Le train de voyageurs no 683 de VIA, comptant une locomotive et quatre voitures et transportant 154 voyageurs et une équipe de 5 personnes, s'est engagé dans un aiguillage de voie principale qui avait été laissé en position renversée sans autorisation au point milliaire 41,37, alors qu'il roulait à environ 60 mi/h (l'enquête du BST se poursuit &mdash événement no R00T0179). L'avis et ordre disait notamment que :

[traduction libre]

… les aiguillages de voie principale à manoeuvre manuelle mal orientés dans les territoires contrôlés autrement que par signaux de canton continuent de poser problème en Ontario. Bien que le CN ait pris des mesures correctives en réponse à trois avis publiés en Ontario aux termes de l'article 31, concernant des dérogations à la règle 104 du REF, le 30 avril 1999, le 21 mars 2000 et le 2 mai 2000, des incidents se produisent encore.

… la sécurité ferroviaire est compromise en Ontario où la circulation n'est pas contrôlée par des signaux de canton, parce que des employés des services du transport et de l'ingénierie du CN n'orientent pas correctement les aiguillages de voie principale à manoeuvre manuelle dans leur propre territoire ou dans les territoires d'autres compagnies ferroviaires.

Donc, aux termes de l'article 31 de la Loi sur la sécurité ferroviaire, j'ordonne qu'en Ontario :

  1. quand des employés des services du transport et de l'ingénierie du CN utilisent des aiguillages de voie principale à manoeuvre manuelle dans un territoire qui n'est pas contrôlé par des signaux de canton, sauf pour des essais, deux employés qualifiés dans l'application du REF soient présents à chaque aiguillage de voie principale et confirment par des communications face à face que les aiguillages ont été bien orientés;
  2. les employés des services du transport et de l'ingénierie du CN qui utilisent des aiguillages de voie principale à manoeuvre manuelle dans un territoire qui n'est pas contrôlé par des signaux de canton suivent dans les 60 jours des cours de rappel sur l'application de la règle 104 du REF, à moins qu'ils n'aient suivi cette formation au cours des six derniers mois;
  3. les employés des services du transport et de l'ingénierie du CN suivent chaque année un cours de rappel sur l'application de la règle 104 du REF;
  4. chaque superviseur du CN qualifié dans l'application du REF qui est affecté à un territoire qui n'est pas contrôlé par des signaux de canton procède chaque mois à six contrôles d'efficacité destinés à confirmer, grâce à des discussions avec les employés des services du transport et de l'ingénierie, qu'ils appliquent correctement la clause 1 susmentionnée, et avise le soussigné des résultats obtenus.

Transports Canada a indiqué que l'avis et ordre resterait en vigueur jusqu'à ce que les préavis concernant la position des aiguillages de voie principale à manoeuvre manuelle soient transmis adéquatement aux équipes des trains qui approchent sur la voie principale.

Les 27 et 28 juillet 2000, Transports Canada a convoqué une réunion des parties intéressées de l'industrie et du gouvernement afin de discuter de la manoeuvre des aiguillages de voie principale en zone exempte de signalisation. On a utilisé un processus de gestion des risques en bonne et due forme pour déterminer les mesures qui pourraient être mises en oeuvre immédiatement pour atténuer davantage les risques liés à la manoeuvre des aiguillages de voie principale dans les zones exemptes de signalisation. Les animateurs ont établi qu'en théorie, on devrait viser une conformité absolue avec la règle 104 du REF. Les participants ont formé des groupes de discussion pour déterminer les facteurs qui causent la non-conformité et pour proposer des solutions. À la conclusion du processus, Transports Canada a demandé au Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP), au CN et à VIA de mettre en place des plans d'action à court terme visant à réduire davantage les risques associés à la manoeuvre des aiguillages de voie principale. Transports Canada a indiqué qu'il allait examiner les mesures prises et proposées par les compagnies ferroviaires, et qu'il allait évaluer les résultats de cette réunion et recommander d'autres mesures d'atténuation possibles.

Le 14 novembre 2000, le ministre des Transports a publié une injonction ministérielle aux termes de l'article 33 de la Loi sur la sécurité ferroviaire concernant la manoeuvre des aiguillages de voie principale en zone exempte de signalisation. L'injonction s'adressait à VIA, au CN, au CFCP et à RailAmerica Inc. Voici un résumé de certaines des principales mesures ordonnées par l'injonction :

  1. Les trains de voyageurs ne doivent pas rouler à plus de 50 mi/h quand ils arrivent à la hauteur d'un aiguillage en direction de prise en pointe dans les zones exemptes de signalisation, jusqu'à ce que l'équipe puisse confirmer que l'aiguillage est orienté correctement pour laisser passer son train.
  2. Tous les autres mouvements de trains, à l'exception des trains de marchandises dangereuses spéciales, ne doivent pas rouler à plus de 45 mi/h quand ils arrivent à la hauteur d'un aiguillage en direction de prise en pointe dans les zones exemptes de signalisation, jusqu'à ce que l'équipe puisse confirmer que l'aiguillage est orienté correctement pour laisser passer son train. Pour les trains de marchandises dangereuses spéciales, la vitesse maximale est de 40 mi/h plutôt que de 45 mi/h.
  3. Tous les employés qui passent par des aiguillages de voie principale en zone exempte de signalisation ou en territoire contrôlé par BA doivent communiquer immédiatement avec un autre employé, que ce soit de vive voix, par radio ou par un autre moyen de communication, pour confirmer qu'ils se sont conformés aux dispositions de la règle 104 du REF, en annonçant que « l'aiguillage situé à insérer l'emplacement et le nom est de nouveau orienté pour la voie principale (ou est orienté pour une autre voie autorisée aux termes de la règle 104 b)). » Les employés ne doivent pas laisser des aiguillages sans surveillance tant que les aiguillages en question n'ont pas été de nouveau orientés pour la voie principale (ou orientés pour une autre voie autorisée), et que la procédure de confirmation mentionnée ci-haut n'a pas été répétée.
  4. En plus des points indiqués précédemment, les compagnies ferroviaires susmentionnées doivent présenter des plans détaillés indiquant les mesures additionnelles qu'il faudra mettre en oeuvre en vue de réduire davantage les risques associés à la manoeuvre des aiguillages de voie principale en zone exempte de signalisation.
  5. En ce qui a trait aux points 3 et 4, les compagnies ferroviaires susmentionnées doivent présenter chaque mois des rapports sur l'avancement de la mise en oeuvre des mesures d'atténuation, rapports qui traitent notamment des points suivants, mais sans s'y limiter :

Cette injonction demeurera en vigueur pendant six mois à moins que le ministre des Transports n'ait la preuve que le risque associé à la manoeuvre des aiguillages de voie principale a été atténué de façon adéquate. Le cas échéant, l'injonction peut être abrogée avant la fin du délai de six mois. L'injonction peut aussi être renouvelée pour une autre période d'une durée déterminée si le ministre n'est pas convaincu que les mesures sont adéquates.

4.1.2.2 Entreposage des marchandises dangereuses

Transports Canada a laissé savoir qu'il entend supprimer les ambiguïtés qui existent dans les définitions quant à savoir à quel moment des marchandises dangereuses sont considérées comme étant dans le réseau de transport dans la future version en langage clair du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses.

4.1.3 VIA Rail Canada Inc.

4.1.3.1 Communications radio

Après cet événement, VIA et ses employés ont constaté que les membres de l'équipe du train 71, qui venait en direction opposée, n'auraient pas capté l'appel de détresse du train 74 s'ils avaient été sur le canal d'appel du CCF pour obtenir une autre feuille de libération. VIA a modifié les procédures radio de la compagnie pour s'assurer que les équipes des locomotives des trains de voyageurs soient constamment à l'écoute du canal d'attente des trains.

4.1.3.2 Arrimage de l'équipement et des bagages

Depuis un grand nombre d'années, VIA étudie des solutions possibles au problème des bagages non arrimés dans les compartiments à bagages aménagés au bout de ses voitures. VIA a décidé d'installer un filet devant chaque tablette. VIA a reçu le matériel nécessaire à la modification en rattrapage de toutes les voitures et a entrepris les travaux de modification en août 2000. Les filets sont fixés à une barre qu'on fait glisser à l'horizontale pour l'ouvrir. Une fois fermés, les filets peuvent être verrouillés. VIA a indiqué qu'en date d'octobre 2000, 60 p. 100 du matériel roulant léger, rapide, confortable (LRC) était équipé des filets et que l'installation dans les voitures des parcs HEP2 et HEP1 commencerait au début novembre. VIA compte que la modification en rattrapage de l'ensemble de son parc soit terminée dans un délai d'un an.

En ce qui a trait au coffre à outils métallique dans l'aire réservée aux voyageurs, VIA a laissé savoir qu'à terme, les coffres à outils seront déplacés en permanence dans les locomotives et y seront arrimés solidement. Depuis août 2000, VIA exige que les coffres à outils soient fixés au moyen de courroies élastiques au cadre du siège le plus rapproché de la cloison.

4.1.3.3 Ouverture manuelle des portes latérales des voitures LRC de l'intérieur

Par suite de l'accident de Thamesville, VIA a conçu un prototype de poignée permettant d'ouvrir à la main les portes latérales des voitures LRC par l'intérieur. Les essais du prototype, à l'été 2000, ont démontré que le principe fonctionnait. La modification finale consistera à ajouter une poignée encastrée dans la partie supérieure de la porte. En cas d'urgence, on tire sur le levier rouge habituel pour déverrouiller la porte, après quoi on tire sur le rebord de la porte ou sur la nouvelle poignée encastrée pour ouvrir la porte. On appliquera des nouvelles décalcomanies décrivant les opérations d'ouverture. VIA achète actuellement le matériel nécessaire pour équiper l'ensemble de son matériel roulant. Les travaux de modification ont commencé en décembre 2000.

4.1.3.4 Accès restreint aux issues de secours

Au sujet de l'accès aux fenêtres d'issue de secours qui était limité par la configuration des fauteuils, VIA a indiqué qu'il a établi un « couloir dégagé » en consultation avec Transports Canada. Pour le matériel roulant actuellement en service, ce couloir dégagé consisterait en un passage libre mesurant 18 pouces (46 cm) sur 24 pouces (61 cm) dans n'importe quelle direction, et tout matériel roulant neuf commandé après le 1er janvier 2001 doit laisser un passage libre de 26 pouces (66 cm) dans le sens horizontal sur 24 pouces (61 cm) dans le sens vertical. Ces exigences figurent dans la révision proposée du Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des voitures voyageurs à la rubrique portant sur l'espace libre pour accéder aux fenêtres d'issue de secours.

4.1.3.5 Fixation des rangées de fauteuils sur le plancher des voitures

En ce qui concerne la méthode de fixation des fauteuils au plancher des voitures, VIA a fait savoir que les méthodes ont été révisées et qu'il croit que les méthodes existantes sont adéquates si elles sont respectées.

4.1.3.6 Contrôle du mouvement des trains dans les zones exemptes de signalisation qui appartiennent à VIA

VIA a aussi indiqué qu'il étudie la possibilité de doter ses subdivisions Alexandria et Smiths Falls de la CCC. En ce qui concerne le tronçon de la subdivision Chatham qui appartient à VIA, VIA signale qu'il a entrepris d'en retirer quatre aiguillages de voie principale à manoeuvre manuelle. Toutefois, VIA n'a pas fait part de plans visant à étendre la CCC dans sa portion de la subdivision Chatham qui va de Chatham à Windsor.

4.1.3.7 Exploitation des trains par VIA dans les territoires contrôlés par ROV à l'extérieur d'un BA au Canada

Le tableau 5 montre l'exploitation des trains de voyageurs de VIA dans les territoires contrôlés par ROV à l'extérieur d'un BA (zones exemptes de signalisation) au Canada en date de janvier 2001. Les trains énumérés ne sont qu'une indication de l'étendue de l'exploitation des trains de voyageurs dans chaque territoire respectif. La fréquence avec laquelle chaque train est exploité n'est pas montrée. La colonne intitulée vitesse n'indique que la vitesse maximale permise pour les trains de voyageurs. La vitesse des trains de voyageurs doit être plus basse dans un grand nombre d'endroits dans les subdivisions présentées.

Tableau 5 - Exploitation des trains de VIA dans les territoires contrôlés par ROV

SUBDIVISION PROVINCE EXPLOITANT DE LA VOIE MILLES DE VOIE TRAINS DE VOYAGEURS VITESSE MAXIMALE (mi/h)
Alexandria Ontario/ Québec VIA Rail Canada Inc. 65,2 30/31/32/33/34/35/36/37/ 38/39/630/631/632/634/ 635 80
Assiniboine Saskatchewan Canadien National 92,2 692/693 50
Bedford Nouvelle-Écosse Canadien National 17,4 14/15 55
Brockville Ontario Chemin de fer Canadien Pacifique 27,8 40/41/42/43/44/45/46/47/ 48/49/640/641/642/648 95
Cascapédia Québec Chemin de fer de la Matapédia et du Golfe 98 16/17 50
Chandler Est Québec Chemin de fer Baie de la Gaspésie 56,1 16/17 45
Chandler Ouest Québec Chemin de fer Baie des Chaleurs 48,1 16/17 45
Chatham Ontario VIA Rail Canada Inc. 35,3 70/71/72/73/75/76/78/79/ 670 80
Dundas Ontario Canadien National 41,4 70/71/72/73/75/76/78/79/ 82/83/670 85
Flin Flon Manitoba Chemin de fer de la baie d'Hudson 80,8 290/291/990/991 40
Fraser Colombie- Britannique Canadien National 146,1 15/16 50
Gladstone Manitoba Canadien National 121,1 692/693 60
Guelph Ontario Goderich & Exeter Railway 89,9 85/86/87/88/682/683/685 70
Herchmer Manitoba Chemin de fer de la baie d'Hudson 183,7 692/693 30
Joliette Québec Canadien National 86,5 600/601/602/603/604/606 75
Lac-Saint-Jean Québec Canadien National 200,8 600/601/602 50
La Tuque Québec Canadien National 53,8 603/604/606 40
Mont-Joli Québec/ Nouveau- Brunswick Chemin de fer de la Matapédia et du Golfe 188,8 14/15 70
Newcastle Nouveau- Brunswick Chemin de fer de la de la Côte est du Nouveau-Brunswick 173,2 14/15 75
Smiths Falls Ontario VIA Rail Canada Inc. 34,5 40/41/42/43/44/45/46/47/ 48/49/640/641/642/648 95
Springhill Nouvelle- Écosse/ Nouveau- Brunswick Canadien National 15,2 14/15 70
Saint-Hyacinthe Québec Canadien National 20,9 14/15/20/21/22/23/24/25/ 26/27/620 95
Saint-Maurice Québec Canadien National 256,9 603/604/606 50
Sherridon Manitoba Chemin de fer de la baie d'Hudson 184,8 290/291/990/991 40
Tete Jaune Colombie- Britannique Canadien National 41,5 15/16 50
Thicket Manitoba Chemin de fer de la baie d'Hudson 189,7 692/693 40
Turnberry Saskatchewan/ Manitoba Canadien National 82,9 692/693 60
Victoria Colombie- Britannique E&N Railway Company 137,4 198/199 40
Wekusko Colombie- Britannique Canadien National 136,4 692/693 40
2 906,40 (Nombre total de milles) &nbsp:

4.2 Mesures nécessaires

Le Bureau constate qu'avec la mise en oeuvre de l'injonction ministérielle publiée par Transports Canada le 14 novembre 2000, le risque accru associé à l'exploitation des trains en zone exempte de signalisation a été reconnu formellement. Le Bureau reconnaît aussi que, par cette injonction, on admet de façon générale que des mesures de sécurité additionnelles s'imposent pour réduire les risques associés à la manoeuvre des aiguillages de voie principale dans les zones exemptes de signalisation.

En vertu des conditions imposées dans l'injonction ministérielle de Transports Canada, les trains de voyageurs circulant en territoire contrôlé par ROV à l'extérieur d'un BA qui approchent d'aiguillages de voie principale en direction de prise en pointe ne doivent plus supposer que les aiguillages sont orientés correctement. Il s'agit d'un changement fondamental de la philosophie d'exploitation dans les territoires de ce type. Ce changement et les limites de vitesse qui y sont associées visent à améliorer la sécurité en réduisant les risques que des trains de voyageurs soient détournés inopinément de leur route par des aiguillages de voie principale laissés en position renversée, alors qu'ils roulent à des vitesses supérieures à la vitesse de conception de ces aiguillages; on réduirait ainsi les risques auxquels les équipes des trains, les voyageurs et des collectivités comme Thamesville sont exposés. Bien qu'il soit impossible de quantifier les effets de ces mesures avant quelque temps, le Bureau s'attend à ce que ces initiatives aient un effet positif sur la sécurité.

Au cours des 20 mois après l'accident de Thamesville (jusqu'en décembre 2000), 14 événements ont été signalés au BST au cours desquels des trains sont arrivés inopinément à la hauteur d'aiguillages de voie principale qui avaient été laissés en position renversée en zone exempte de signalisation, dont 4 événements ont mis en cause des trains de voyageurs. Les données globales sur les événements indiquent que, malgré les mesures de sécurité prises par l'organisme de réglementation et par l'industrie, quels que soient les territoires, il se produit encore en moyenne chaque année 10 accidents à signaler de cette nature. En outre, certains de ces événements continuent de mettre en cause des trains de voyageurs, lesquels risquent davantage de subir des pertes graves dans ces circonstances.

Même si l'on a pris des mesures de sécurité importantes et même si d'autres initiatives pourraient bien être mises en vigueur, il n'est pas certain que d'autres améliorations seront apportées. En outre, les initiatives de Transports Canada et de l'industrie ferroviaire devraient amener des améliorations considérables en matière de sécurité, mais il n'est pas certain que ces améliorations se maintiendront à long terme. Par exemple, le Bureau constate que les conditions imposées dans l'injonction ministérielle de Transports Canada pourraient ne pas se poursuivre après la fin de la période de six mois décrétée dans l'injonction. Le Bureau croit que la situation est toujours sérieuse et qu'il est encore probable que des trains de voyageurs arriveront inopinément, bien qu'à des vitesses moindres, à la hauteur d'aiguillages de voie principale laissés en position renversée. Par conséquent, le Bureau recommande que :

Le ministère des Transports exige la mise au point de moyens de défense additionnels dans les territoires contrôlés par la régulation de l'occupation de la voie à l'extérieur d'un block automatique de façon qu'on dispose d'un moyen viable d'assurer la sécurité des trains qui approchent d'aiguillages de voie principale.
Recommandation R01-01 du BST

L'enquête a permis de déterminer qu'en territoire contrôlé par ROV à l'extérieur d'un BA, les défenses existantes ne permettaient pas d'empêcher qu'un accident soit causé par des aiguillages de voie principale laissés en position renversée sans autorisation. En outre, cet accident a remis en évidence des préoccupations dont le BST avait fait part antérieurement quant à la sécurité du système de contrôle par ROV. Dans un grand nombre de contextes différents, y compris dans le domaine du transport ferroviaire, le Bureau a constaté qu'il n'est pas souhaitable de se fier excessivement au respect des procédures lorsqu'on applique des systèmes essentiels du point de vue de la sécurité. De même, le Bureau plaide en faveur de l'élaboration de stratégies de sécurité faisant appel à plusieurs moyens de défense susceptibles d'accroître la tolérance d'erreur. Le Bureau croit que, si une seule erreur à l'intérieur d'un système essentiel du point de vue de la sécurité peut causer le déraillement d'un train de voyageurs à grande vitesse, la tolérance d'erreur du système en question est inadéquate.

La plupart du temps, le fait que des aiguillages de voie principale soient laissés en position renversée sans autorisation découle d'erreurs involontaires des employés de chemins de fer. Les mesures prises par le passé relatives aux aiguillages de voie principale laissés en position renversée sans autorisation ont porté surtout sur l'élimination des erreurs grâce à une amélioration de la conformité aux règles. Les limites de vitesse imposées dans l'injonction ministérielle de Transports Canada, bien qu'elles soient temporaires, indiquent qu'on reconnaît que des erreurs humaines sont inévitables lorsqu'il s'agit de manoeuvrer les aiguillages de voie principale. Le fait de reconnaître un certain degré d'erreur humaine est la première étape nécessaire d'un processus qui permettra de comprendre les effets de ces erreurs sur des systèmes essentiels du point de vue de la sécurité et de mettre au point des stratégies d'atténuation des risques liés à ces erreurs. Par conséquent, le Bureau recommande que :

Le ministère des Transports, l'Association des chemins de fer du Canada et les autorités provinciales responsables de l'exploitation des trains révisent les spécifications de conception des systèmes informatisés et non informatisés de régulation de l'occupation de la voie qui sont en usage au Canada afin de s'assurer que la conception de tous les éléments de ces systèmes tient dûment compte de l'erreur humaine.
Recommandation R01-02 du BST

À Thamesville, l'entreposage prolongé de certaines marchandises dangereuses dans des wagons immobilisés sur des voies adjacentes à des voies principales, où la vitesse des trains n'est pas limitée et où circulent des trains de voyageurs, a occasionné des risques inacceptables pour les personnes, la propriété et l'environnement. Même s'il est rare qu'un train entre en contact avec des marchandises dangereuses entreposées après avoir déraillé, le Bureau croit qu'il s'agit de risques inacceptables, surtout quand on se trouve dans une zone urbaine et qu'il s'agit de trains de voyageurs. L'initiative de Transports Canada consistant à redéfinir le terme « pendant le transport » dans la version en langage clair du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, bien qu'elle soit utile, est peu susceptible d'avoir un effet sur l'entreposage des marchandises dangereuses dans des endroits comme Thamesville. La nouvelle formulation proposée ne précise pas à quel moment une expédition est considérée comme étant arrivée à destination. Par conséquent, le Bureau recommande que :

Le ministère des Transports révise le cadre réglementaire existant et la politique existante de l'industrie pour veiller à ce qu'on assure un niveau de sécurité adéquat relativement à l'entreposage de marchandises dangereuses dans le réseau de transport ferroviaire et pendant la transition des expéditions de marchandises dangereuses en provenance et à destination du réseau de transport ferroviaire.
Recommandation R01-03 du BST

4.3 Préoccupations liées à la sécurité

L'enquête que le BST a menée sur cet événement a mis en évidence des indices démontrant que les améliorations apportées récemment dans les domaines de la sécurité des voyageurs et des préparatifs d'urgence avaient atténué les risques auxquels les voyageurs étaient exposés, et avaient contribué à une évacuation sûre et efficace du train. Toutefois, on a aussi constaté certains dangers pour la sécurité des voyageurs qui avaient été constatés et signalés lors d'enquêtes précédentes, notamment un coffre à outils non arrimé et des bagages non retenus dans les compartiments à bagages aménagés au bout des voitures. Le Bureau reconnaît que, bien que les priorités légitimes de l'industrie ferroviaire et de l'organisme de réglementation en matière de sécurité puissent empêcher qu'on atténue rapidement tous les risques éventuels, on a laissé passer d'excellentes occasions d'améliorer la sécurité des voyageurs quand on a tardé à régler des problèmes connus. Le Bureau craint que, dans certaines circonstances, l'industrie et les programmes de réglementation aux fins de la sécurité n'aient pas permis d'éliminer dans les meilleurs délais certains dangers pour la sécurité des voyageurs.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Carte de la subdivision Chatham

NOMBRE DE VOIES GARE LIAISONS POINT MILLIAIRE
EST OUEST
UNE VOIE PRINCIPALE WINDSOR 1,2 105,6
GEORGE AVENUE 3,4 104,4
TECUMSEH 25,8 101,0
JEANNETTES CREEK 11,4 75,2
BLOOMFIELD 1,4 63,8
DEUX VOIES PRINCIPALES KENT 0,8 X 62,4
CHATHAM 1,1 61,6
CHATHAM EAST 8,0 X 60,5
NORTHWOOD 5,8 X 52,5
THAMESVILLE 7,3 X 46,7
BOTHWELL 5,2 X 39,4
NEWBURY 6,5 34,2
UNE VOIE PRINCIPALE GLENCOE 0,5 27,8
GLENCOE EAST 9,6 27,3
LONGWOOD 5,9 17,9
MOUNT BRYDGES 4,9 12,0
KOMOKA 7,1

Annexe B - Sécurité des voyageurs

L'enquête a permis de constater de nombreux dangers réels et potentiels pour la sécurité des voyageurs et des membres de l'équipe. Certains de ces problèmes ont été constatés lors d'accidents précédents, tandis que d'autres sont inédits. On trouvera ci-après une description de chacun des dangers réels et potentiels ainsi que des renseignements connexes.

1.0 Bagages à main

1.1 Politique de VIA et exigences réglementaires

La politique en vigueur au sein de VIA Rail Canada Inc. (VIA) au sujet des bagages à main recommande que les voyageurs se limitent à deux pièces de bagages à main. Dans les trains de couloir, les articles de bagages à main devraient mesurer au maximum 61 cm sur 41 cm sur 25 cm (24 pouces sur 16 pouces sur 10 pouces) et peser au maximum 23 kg (50 livres).

Toutefois, si le service d'enregistrement des bagages n'est pas offert (c'est-à-dire si le train n'a pas de fourgon à bagages), il est permis d'apporter certains articles normalement interdits, p. ex. de l'équipement de sport, des poussettes, etc. Les trains affectés aux itinéraires suivants n'offrent pas de service d'enregistrement des bagages :

La majorité des trains de voyageurs qui circulent dans le couloir Québec-Windsor n'ont pas de fourgon à bagages. Comme VIA exploite plus de trains de voyageurs dans ce couloir que dans aucun autre de ses itinéraires, les exceptions à sa politique sur les bagages à main sont devenues la règle.

Les personnes qui voyagent en groupes peuvent retenir jusqu'à six « places » pour les bagages à main, qui sont alors déposés sans être arrimés dans la section réservée aux fauteuils.

Bien que cela ne soit pas précisé dans sa politique, VIA a pour pratique de ne placer que des articles « légers » dans les compartiments de rangement supérieurs. En général, le personnel affecté aux services de bord considère que les articles « légers » sont des articles pesant moins de 10 livres (4,5 kg). Les membres de l'équipe font une évaluation subjective du poids des bagages à main.

La politique de VIA concernant les bagages à main ne comporte pas de mesures d'application, sinon pour dire que, si les conditions relatives au poids, à la taille ou au nombre des articles ne sont pas respectées, on devrait aviser le voyageur que le déchargement des bagages à main pourrait être retardé, et qu'il pourrait être appelé à participer au chargement ou au déchargement s'il manque de personnel ou si le temps presse.

Il n'y a aucune exigence réglementaire qui traite de la taille, du poids ou du nombre des bagages à main qu'on peut transporter à bord des voitures des trains de voyageurs légers, rapides, confortables (LRC), ou des risques de blessures attribuables à ces articles. Toutefois, l'ordonnance no R-36914 de la Commission des transports du Canada, en date du 17 juillet 1984, précise que les compartiments de rangement supérieurs doivent être munis d'un dispositif permettant de retenir les articles qui y sont rangés. L'ordonnance vise à empêcher que des bagages à main soient projetés à l'intérieur de la voiture au moment d'un accident et qu'ils blessent des voyageurs/des membres de l'équipe ou qu'ils nuisent à l'évacuation. À ce jour, aucune norme de performance n'a été mise au point au sujet de tels dispositifs de retenue.

1.2 Arrimage des bagages à main rangés dans les compartiments à bagages aménagés au bout des voitures

À bord du train 74, des bagages à main volumineux et de l'équipement servant à l'exploitation, p. ex. des marchepieds métalliques employés au moment de l'embarquement et du débarquement, étaient rangés dans les compartiments à bagages aménagés au bout des voitures. De plus, comme le train n'avait pas de fourgon à bagages, les voyageurs ont été autorisés à ranger des bagages à main normalement interdits, p. ex. des bâtons de golf, dans les compartiments à bagages aménagés au bout des voitures. Comme dans d'autres trains de voyageurs de VIA, les compartiments à bagages aménagés au bout des voitures consistaient en des espaces ouverts où il était facile de ranger et de récupérer des bagages. Toutefois, à bord du train 74, on avait installé deux étroites courroies de toile pour retenir les bagages sur les tablettes supérieures des compartiments à bagages. Il n'y avait aucun dispositif de retenue sur les autres tablettes de ces compartiments, dans aucune des voitures.

Lors de cet accident, des bagages à main non arrimés ou des bagages à main qui étaient mal arrimés dans les compartiments à bagages aménagés au bout des voitures ont été projetés dans les allées menant aux issues de secours ainsi que dans les espaces réservés aux fauteuils, de sorte que les voyageurs et les membres de l'équipe ont été exposés à des risques de blessures et ont vu les voies d'évacuation obstruées. Dans la voiture-bar, deux valises et un ensemble de bâtons de golf ont été projetés sur les fauteuils nos 1 et 2, lesquels faisaient face au compartiment à bagages aménagé au bout de la voiture. Il n'y avait pas de voyageurs dans ces fauteuils au moment de l'accident.

Les risques potentiels constatés lors de l'événement à l'étude relativement aux bagages à main non arrimés se sont concrétisés lors du déraillement d'un train de VIA survenu à Biggar (Saskatchewan) en septembre 1997 (rapport no R97H0009 du BST). En octobre 1997, le BST a publié la recommandation R97-07 demandant que le ministre des Transports exige que VIA termine la mise en oeuvre des mesures à court terme (notamment assurer un meilleur arrimage des bagages à main ou imposer davantage de restrictions à leur sujet) nécessaires à l'amélioration de la sécurité des voyageurs des trains dans les 30 jours. Par la suite, VIA a pris des mesures pour déterminer la façon la plus efficace d'atténuer ces risques en mettant à l'essai plusieurs systèmes proposés de retenue des bagages dans les compartiments à bagages aménagés au bout des voitures. Lors de l'accident, on n'avait pas mis en service un système de retenue dans les compartiments à bagages aménagés au bout des voitures où l'on place les pièces les plus grosses et les plus lourdes de bagages à main. Par conséquent, les voyageurs et les équipes des trains de VIA continuent d'être exposés à ces risques.

1.3 Arrimage des bagages à main dans les compartiments de rangement supérieurs

À bord du train 74, chaque casier du compartiment de rangement supérieur avait une porte verrouillée conçue pour garder à l'intérieur les articles qui y étaient rangés. On a signalé que certaines portes s'étaient ouvertes au moment de l'impact et que des articles étaient tombés des compartiments. Trois portes se sont détachées des casiers au point d'attache des charnières :

L'enquête a conclu que, lors de l'accident, les défaillances du système de retenue des casiers supérieurs n'ont pas causé de blessures graves aux voyageurs. L'enquête a aussi conclu que les débris créés par les bagages à main tombés des casiers supérieurs n'ont pas gêné l'évacuation de façon significative. Même si les casiers de rangement supérieurs et les portes ont rempli leur office, les défaillances signalées constituent une occasion d'améliorer leur efficacité.

2.0 Arrimage d'équipement d'exploitation (coffre à outils) rangé dans la section réservée aux fauteuils

La section 5, portant sur la sécurité et les renseignements d'urgence, du manuel d'exploitation de VIA pour les voitures LRC, dit que le coffre à outils d'urgence se trouve dans la dernière voiture du train. Le coffre scellé contenant les outils d'urgence et les articles de sécurité pèse 47 livres (21 kg) et mesure environ 34 pouces (86 cm) sur 11 pouces (28 cm) sur 7 pouces (18 cm).

Il y avait deux coffres à outils d'urgence à bord du train 74, un dans la voiture 3468 (voiture-bar), immédiatement derrière la locomotive, et un dans la voiture 3313, la dernière voiture du train. Dans les deux voitures, les coffres à outils d'urgence étaient rangés sur le plancher entre la cloison du compartiment à bagages aménagé au bout de la voiture et la première rangée de fauteuils. Aucun des coffres à outils n'était retenu de quelque façon que ce soit.

Au moment de l'accident, le coffre à outils rangé dans la voiture-bar a été projeté vers l'avant et s'est retrouvé sur le plancher, devant les fauteuils 3 et 4. Il n'y avait pas de voyageurs dans ces fauteuils au moment de l'accident; toutefois, on croit que le coffre à outils a heurté et a blessé un membre de l'équipe des services de bord, lequel a été incapable de s'acquitter des fonctions d'urgence qui lui incombaient. Si le coffre à outils avait été arrimé, il est fort probable qu'il n'aurait pas été projeté.

Le fait de ranger des articles lourds non arrimés comme un coffre à outils dans les voitures expose inutilement les voyageurs et l'équipe à des risques. Toute situation ou circonstance susceptible de causer des blessures ou une obstruction des voies d'évacuation gêne les personnes au moment d'évacuer rapidement les lieux et accroît ainsi l'exposition à des dangers. Si un incendie se déclare, si des vapeurs délétères sont présentes ou si une explosion risque de se produire, l'exposition accrue aux dangers a pour effet de réduire les chances de survie.

3.0 Voyageurs non retenus

Étant donné la direction et la grandeur des effortsNote de bas de page 37 générés pendant le déraillement, bien des voyageurs, surtout ceux qui étaient assis dans des fauteuils faisant face à l'avant, ont été projetés d'un bout à l'autre de la voiture et sont entrés en collision avec des fauteuils, avec d'autres voyageurs et des pièces de l'aménagement intérieur. Il s'ensuit qu'un grand nombre de voyageurs ont subi des blessures, parfois graves. On a aussi constaté que les voyageurs occupant des fauteuils qui faisaient face à l'arrière ont été moins susceptibles d'être projetés de leurs sièges pendant la décélération longitudinale; toutefois, certains ont été blessés quand des voyageurs assis dans des fauteuils faisant face à l'avant, en face d'eux, ont été projetés contre eux au moment de l'accident.

Des causes de blessures de ce genre ont été identifiées lors d'enquêtes précédentes du BST (rapport no R97H0009 du BST, Biggar (Saskatchewan)) et sont encore manifestement présentes dans d'autres accidents sur lesquels des enquêtes sont en cours (événements du BST nos R99H0009, Hornepayne (Ontario); R99S0100, Acton (Ontario); R99T0298, Bowmanville (Ontario); et R00M0007, Newcastle (Nouveau-Brunswick)).

Un certain nombre de stratégies de protection des occupants pourraient atténuer les risques que des voyageurs non retenus à leur siège se blessent ou blessent d'autres voyageurs. Il est vraisemblable que l'industrie canadienne du transport de voyageurs par train possède dans ces domaines les connaissances et l'expérience nécessaires pour mettre en oeuvre une stratégie plus efficace de protection des occupants.

4.0 Cartes de consignes d'urgence

En 1994, le BST a enquêté sur un accident mettant en cause un train de voyageurs de VIA, survenu à Brighton (Ontario) (rapport no R94T0357 du BST). Le Bureau a déterminé que les voyageurs n'avaient pas disposé à l'avance de renseignements suffisants sur la sécurité, notamment au sujet de l'emplacement et du fonctionnement des issues de secours et de l'équipement d'urgence. Par conséquent, en février 1995, on a fait parvenir à Transports Canada un Avis de sécurité proposant que des renseignements clairs et concis concernant les consignes d'urgence soient mis à la disposition de tous les voyageurs.

Par la suite, VIA a conçu une carte de consignes d'urgence, illustrant l'emplacement et le fonctionnement des portes et des fenêtres d'issue de secours et l'emplacement de l'équipement d'urgence qu'on trouve dans toutes les voitures. La carte a été présentée à Transports Canada et, conformément à la politique de VIA, une carte a été placée dans la pochette de chaque fauteuil.

L'examen des cartes de consignes d'urgence du train 74 a révélé les points suivants :

  • Toutes les cartes de consignes d'urgence placées dans les voitures ordinaires donnaient des renseignements inexacts quant à l'emplacement des fenêtres d'issue de secours. Les cartes de consignes d'urgence indiquaient que les fenêtres d'issue de secours étaient décalées en quinconce dans l'espace réservé aux fauteuils, alors qu'en fait elles se trouvaient exclusivement à la hauteur de la première et de la dernière rangées de fauteuils.
  • Toutes les cartes de consignes d'urgence de la voiture-bar étaient inexactes en ce qui a trait à l'emplacement de l'équipement d'urgence rangé au bout « B » de la voiture.

Les possibilités de survie dépendent pour beaucoup de la connaissance par les voyageurs des renseignements importants pour la sécurité, p. ex. l'emplacement des issues de secours et de l'équipement d'urgence. Bien que cette information ait été fournie aux voyageurs du train 74 et qu'elle ait été comprise, elle n'a pas été présentée avec exactitude. De plus, l'information en question n'était pas facilement accessible aux voyageurs qui prenaient place dans des fauteuils faisant face à l'arrière.

5.0 Signalisation d'urgence

5.1 Emplacement des fenêtres d'issue de secours et de l'équipement d'urgence

L'information d'urgence concernant le nombre, l'emplacement et le fonctionnement des issues de secours et l'emplacement de l'équipement d'urgence était affichée d'un bout à l'autre du train 74, sur des panneaux luminescents. Toutefois, certains des renseignements d'urgence qui étaient affichés étaient inexacts :

  • Dans chaque voiture ordinaire, les renseignements affichés étaient inexacts en ce qui a trait à l'emplacement des fenêtres d'issue de secours. Les panneaux indiquaient que les fenêtres d'issue de secours étaient décalées en quinconce dans l'espace réservé aux fauteuils, alors qu'en fait elles se trouvaient exclusivement à la hauteur de la première et de la dernière rangées de fauteuils.
  • Dans la voiture 3468 (voiture-bar), les panneaux donnaient des renseignements inexacts sur l'emplacement de l'équipement d'urgence rangé au bout « B » de la voiture.

5.2 Ouverture manuelle des portes latérales des voitures LRC de l'intérieur

En situation d'urgence, quand le courant électrique fourni par le groupe de traction ou par des batteries n'est pas disponible, il est possible d'ouvrir les portes latérales de l'intérieur de la voiture. La signalisation d'urgence, affichée sur des panneaux luminescents fixés sur la plate-forme des voitures, donne des instructions sous forme de pictogrammes. La façon de procéder comporte deux étapes :

  1. Tirer sur le mécanisme d'ouverture d'urgence (levier rouge) adjacent à la porte qu'on veut ouvrir, dans la direction indiquée par la flèche dans le pictogramme (la porte va s'ouvrir partiellement, d'environ 2 pouces).
  2. Tirer la porte dans la direction indiquée par la flèche dans le pictogramme pour l'ouvrir complètement.

En suivant les étapes indiquées dans le pictogramme, les enquêteurs du BST ont essayé sans succès d'ouvrir manuellement une porte latérale à partir de l'intérieur du train. Ils ont constaté qu'avant de tirer la porte longitudinalement pour la faire coulisser dans la paroi latérale de la voiture, il faut d'abord tirer la porte vers l'intérieur. Cette étape n'est pas indiquée dans les affiches de signalisation d'urgence.

Étant donné que les membres de l'équipe des services de bord sont normalement responsables de plus d'une voiture, il est probable qu'un voyageur devra ouvrir une porte latérale. C'est pourquoi il est essentiel que les instructions d'urgence concernant l'ouverture de ces portes soient exactes.

5.3 Ouverture manuelle des portes latérales des voitures LRC de l'extérieur

Il est aussi possible d'ouvrir les portes latérales à la main de l'extérieur de la voiture. Sur la paroi extérieure de la voiture, à côté de la porte latérale, se trouve un panneau d'accès en forme de fer à cheval. Le motif de la peinture et des couleurs extérieures de la voiture (or, gris, bleu) est ininterrompu sur toute la surface de ce panneau d'accès. Un pictogramme luminescent mesurant environ 2 pouces (5 cm) sur 4 pouces (10 cm) se trouve dans la portion grise du panneau d'accès. L'image du pictogramme est noire sur fond blanc. Le pictogramme illustre le profil d'un pompier et un bras tendu tenant une hache. Quand le panneau d'accès est ouvert, une barre rouge en forme de T et un second pictogramme sont visibles. Ce dernier pictogramme indique qu'on doit tirer la poignée en forme de T vers le bas et ouvrir la porte en la faisant glisser de côté dans la direction voulue.

Le personnel d'urgence qui est intervenu lors de l'accident a déclaré que la signalisation d'urgence et le panneau d'accès n'étaient pas en évidence et étaient difficiles à voir. On a cité plusieurs raisons pour expliquer cet état de fait :

  • le pictogramme était petit;
  • le pictogramme blanc et noir sur fond gris n'était pas mis en évidence;
  • le panneau d'accès était camouflé par le motif continu de la peinture de la voiture;
  • la poussière provenant de la plate-forme de la voie et, dans le cas de cet accident en particulier, la poussière provenant de l'engrais entreposé près de la voie ferrée, a fait en sorte que le pictogramme soit moins voyant et moins visible.

Dans un grand nombre de situations d'urgence, les voyageurs et l'équipe doivent impérativement évacuer le train immédiatement. Toute circonstance ou situation qui empêche les opérations d'évacuation ou qui les ralentit s'avère dangereuse puisqu'elle crée un risque potentiel qui compromet les chances de survie des voyageurs et des membres de l'équipe.

En ce qui a trait à l'ouverture des portes latérales à partir de l'extérieur, on a déterminé que la signalisation d'urgence et le panneau d'accès, lesquels identifiaient l'emplacement du mécanisme d'ouverture extérieur, n'étaient pas suffisamment en évidence ou visibles pour le personnel d'intervention d'urgence. La perceptibilité et la visibilité étaient limitées en raison de facteurs relatifs à la taille, au contraste visuel et à l'effet de camouflage du motif de la peinture extérieure de la voiture.

6.0 Fauteuils passagers

6.1 Accès aux fenêtres d'issue de secours et configuration des fauteuils

À bord du train 74, la configuration des fauteuils passagers adjacents aux fenêtres d'issue de secours était la suivante :

Il y avait 10 issues de secours adjacentes à des fauteuils placés selon la configuration « A » et 6 issues adjacentes à des fauteuils placés selon la configuration « B ». L'accès aux fenêtres d'issue de secours est gêné par les fauteuils placés selon la configuration « B » comparativement à ceux qui sont placés selon la configuration « A ». L'accès est encore plus limité avec des fauteuils en configuration « B » si le dossier du fauteuil situé en avant de la fenêtre d'issue de secours est incliné.

À 6 des 16 fenêtres d'issue de secours, l'accès était limité à différents degrés en raison de la configuration des fauteuils voisins. Si l'accès à une issue de secours est limité, le processus d'évacuation peut en être ralenti et, dans certaines conditions, p. ex. quand il y a de la fumée dans la voiture, les voyageurs risquent d'être davantage exposés et d'être exposés plus longtemps qu'ils ne le devraient à des environnements potentiellement mortels.

Au moment de cet événement, aucune réglementation n'était en vigueur concernant la configuration des fauteuils passagers voisins des fenêtres d'issue de secours.

6.2 Fixation des fauteuils

Lors de l'accident, une rangée de fauteuils (fauteuils 25-26, voiture 3351) s'est détachée du plancher à son point de fixation. On ignore si des voyageurs prenaient place dans les fauteuils 25 ou 26 au moment de l'accident.

Les fauteuils sont retenus au plancher au moyen de glissières de fixation. Il y a quatre ferrures au bas des pattes du fauteuil, qui s'insèrent dans la glissière. Une fois les ferrures en place dans la glissière, un plongeur placé de chaque côté de la patte du fauteuil se visse dans la glissière et verrouille le fauteuil en place. Le nombre de filets visibles au sommet du plongeur indique la profondeur à laquelle le plongeur est vissé dans la glissière. Le fauteuil est déverrouillé complètement quand le plongeur est au niveau du sommet de la glissière et qu'environ six filets sont encore apparents. Quand le plongeur entre en contact avec le fond de la glissière, environ deux filets sont apparents. En continuant de visser ou de serrer le plongeur, le fauteuil se soulève légèrement jusqu'à ce que les ferrures de fixation entrent en contact avec le sommet de la glissière. À ce point, on considère que le fauteuil est verrouillé complètement et aucun filet n'est apparent.

Le Laboratoire technique du BST a examiné le fauteuil qui s'est séparé du train 74, et n'a relevé aucun signe de rupture ou de déformation plastique dans les ferrures de fixation ou les glissières. Par conséquent, on considère que le fauteuil s'est détaché simplement parce qu'il n'était pas verrouillé à sa position. Une vérification faite dans un autre train de VIA équipé de voitures et de fauteuils du même type a révélé que, dans le groupe de fauteuils examinés, entre zéro et quatre filets étaient apparents (rapport du Laboratoire technique du BST no LP 056/99).

Les instructions de VIA concernant l'installation des fauteuils dit de serrer le boulon du dispositif central de verrouillage (plongeur) et de serrer à bloc l'écrou de chaque patte; toutefois, les instructions ne précisent pas dans quelle mesure il faut serrer le dispositif central de verrouillage ou comment déterminer si le fauteuil est verrouillé en place.

Les personnes ont été exposées à plusieurs dangers potentiels quand la rangée de fauteuils s'est détachée du plancher de la voiture; notamment les fauteuils auraient pu causer des blessures par écrasement, faire en sorte que des personnes soient emprisonnées, bloquer des allées menant aux issues de secours et gêner l'accès aux fenêtres d'issue de secours.

6.3 Pivotement des fauteuils

De plus, on a retrouvé dans le train un certain nombre de fauteuils qui avaient pivoté partiellement. Par exemple :

Dans le questionnaire sur la sécurité des voyageurs, le BST a demandé aux voyageurs si leur fauteuil était resté dans sa position pendant le déraillement et au moment de l'impact. Dix répondants ont signalé que leurs fauteuils n'ont pas conservé leur position pendant l'accident. On ignore combien de voyageurs ne savaient pas que les fauteuils pouvaient pivoter. Au moment du déraillement, les fauteuils du train 74 qui n'étaient pas verrouillés à leur position ont dû être soumis à des efforts suffisamment grands pour les faire pivoter (rapport du Laboratoire technique du BST no LP 056/99).

Les fauteuils sont conçus de façon qu'on puisse les faire pivoter pour faire face à l'avant ou à l'arrière. La partie inférieure du cadre du fauteuil reste stationnaire sur le plancher et la partie supérieure du cadre pivote. Les parties inférieure et supérieure du cadre du fauteuil sont reliées entre elles par une grande tige située au centre du fauteuil, qui permet le pivotement. On peut fixer une goupille de verrouillage placée à chaque bout du fauteuil pour rendre solidaires les moitiés supérieure et inférieure et empêcher ainsi le pivotement. Ce mécanisme de verrouillage est conçu de façon à fonctionner seulement quand le fauteuil fait complètement face à l'avant ou face à l'arrière. À toutes les positions intermédiaires, le fauteuil peut pivoter librement. Il faut appuyer sur une pédale située à un bout du fauteuil pour débloquer le mécanisme de verrouillage. Quand la pédale est abaissée, la goupille de verrouillage sort de son réceptacle. Une fois le fauteuil déverrouillé, il est conçu de façon qu'une personne de force moyenne puisse le faire pivoter.

Un examen visuel des fauteuils qui avaient pivoté partiellement n'a montré aucun signe de dommages causés par l'accident. Lors d'une vérification dans un train de voyageurs différent de VIA, comptant des voitures LRC, on a relevé un exemple de fauteuil qui n'était pas verrouillé dans la position avant. Ce fauteuil a pivoté facilement quand on l'a poussé. L'examen visuel du mécanisme de pivotement n'a relevé aucun signe qui suggère une usure ou une rupture des mécanismes de pivotement.

Dans le manuel de VIA concernant l'exploitation des voitures LRC, on dit que les fauteuils des voitures LRC doivent toujours être face à la direction du mouvement, sauf dans le cas des arrangements à quatre fauteuils vis-à-vis, lesquels sont fixes.

Le pivotement accidentel des fauteuils peut aussi causer des blessures par écrasement, faire en sorte que des personnes soient emprisonnées, bloquer des allées menant aux issues de secours et gêner l'accès aux fenêtres d'issue de secours.

7.0 Communication de l'équipe—Équipement disponible

Le train 74 était équipé d'un système de sonorisation grâce auquel l'équipe des services de bord pouvait faire des annonces publiques à la grandeur du train ou dans une des voitures. Le système n'étant pas muni d'interphone, les membres de l'équipe des services de bord ne disposaient pas de moyen de communication bidirectionnelle. Les annonces ne pouvaient pas être faites de la locomotive vers les voitures, ou inversement.

Le chef de service disposait d'un poste radio émetteur-récepteur permettant de communiquer avec l'équipe du train. Toutefois, il n'y avait aucun moyen de communication bidirectionnelle entre le chef de service et les autres membres de l'équipe des services de bord puisque ces derniers n'étaient équipés que de récepteurs ou de moniteurs radio. Le chef de service disposait aussi d'un téléphone cellulaire.

Les deux seuls membres de l'équipe présents dans les voitures qui avaient accès à un moyen de communication bidirectionnelle ont perdu leurs radios portatives et un téléphone cellulaire pendant l'accident. Le poste radio émetteur-récepteur et le téléphone cellulaire du chef de service étaient pourvus d'agrafes de ceinture. Les deux agrafes de ceinture se sont ouvertes au moment du déraillement et de la collision, de sorte que la radio et le téléphone ont été projetés. Les appareils ont été retrouvés plus tard et étaient toujours en état de fonctionner. La radio portative du second mécanicien était aussi pourvue d'une agrafe de ceinture. Le second mécanicien, qui était assis dans la voiture-bar au moment de l'accident, avait retiré sa radio de sa ceinture et l'avait placée sur l'accoudoir. Pendant l'accident, le second mécanicien a perdu sa radio quand celle-ci a été projetée vers l'avant dans la voiture. Le dernier voyageur à évacuer la voiture-bar a retrouvé l'appareil plus tard.

Le second mécanicien ne pouvait pas se rappeler exactement pourquoi il avait retiré sa radio et l'avait placée sur l'accoudoir de son fauteuil, mais des membres d'équipes qui ont été mis en cause dans des accidents par le passé ont fait savoir que cette pratique n'était pas inhabituelle. Certains ont dit qu'ils agissaient ainsi parce qu'ils trouvaient qu'il était inconfortable de porter l'appareil quand ils étaient assis. D'autres ont dit que l'appareil « tombait » souvent de leur ceinture quand ils s'assoyaient et qu'ils s'apercevaient par la suite qu'ils l'avaient perdu. C'est pourquoi ils ont décidé de retirer leur radio de leur ceinture avant de s'asseoir, après quoi ils la tenaient dans leur main ou la plaçaient tout près pour savoir où elle se trouvait quand ils en auraient besoin.

La coordination de l'équipe est essentielle pendant une situation d'urgence et elle dépend directement de la capacité de communiquer de l'équipe. L'équipement de communication qui est fourni et les façons de faire et pratiques de travail qui sont adoptées par la suite ne permettent pas d'assurer une communication efficace et efficiente entre les membres de l'équipe en cas d'urgence. Des communications radio unidirectionnelles entre le chef de service et les préposés principaux au service sont peu utiles, étant donné que l'envoyeur n'a aucun moyen de confirmer que le message transmis a bien été reçu et compris et qu'on y a donné suite le cas échéant. Les préposés principaux au service n'ont pas accès aux communications bidirectionnelles avec les autres membres de l'équipe des services de bord, le chef de service, l'équipe du train ou le centre de contrôle de l'exploitation.

8.0 Illustrations décoratives

À la grandeur du train, des illustrations décoratives étaient suspendues aux cloisons des voitures. Dans les voitures ordinaires, il s'agissait d'illustrations montées sur carton et sur support rigide, qui ne contenaient pas de verre et étaient relativement légères, pesant environ 4 livres (1,8 kg). Dans la voiture-bar, les illustrations décoratives étaient aussi montées sur carton et support rigide, mais elles étaient recouvertes de verre et entourées d'un cadre métallique, de sorte qu'elles étaient beaucoup plus lourdes, pesant 19 livres (8,6 kg). On a déterminé que le verre qui recouvrait les illustrations était du verre de sécurité (rapport du Laboratoire technique du BST no LP 057/99).

Pendant le déraillement, le cadre métallique d'une illustration de la voiture-bar s'est séparé dans un joint et l'illustration est tombée derrière la dernière rangée de fauteuils du côté gauche du train (fauteuils 53-54). Les fauteuils 53-54 font partie d'un arrangement de quatre fauteuils vis-à-vis dont les fauteuils 49-50 font partie. Une table pliante était montée entre les deux rangées de fauteuils. Souvent, le chef de service ou les préposés principaux au service qui sont affectés à la voiture-bar s'assoient dans ces fauteuils pour remplir leur documentation de parcours; toutefois, aucun membre de l'équipe n'était assis à cet endroit au moment de l'accident.

Même si aucun des voyageurs ou des membres de l'équipe n'a été blessé par suite d'un contact avec des illustrations non assujetties ou avec les cadres métalliques aux angles aigus, il reste qu'il serait possible d'éliminer ces dangers.

9.0 Téléphones cellulaires muraux mis à la disposition du public

Chaque voiture du train était équipée d'un téléphone cellulaire mural de trois watts, qui était fixé à la cloison extérieure de la salle de toilettes des dames au bout « A » des voitures. Le fonctionnement des téléphones cellulaires est identique à celui d'un téléphone public ordinaire à paiement différé. L'appareil lui-même ressemble à un téléphone mural ordinaire. Le combiné est relié à l'appareil proprement dit par un cordon extensible. Quand il n'est pas utilisé, le combiné repose dans un réceptacle de l'appareil mural mais n'y est pas assujetti. Dans les conditions de fonctionnement normales, le système est alimenté par les génératrices du train. Une batterie de secours est incluse pour fournir une alimentation continue en cas d'interruption du courant fourni par le train. L'alimentation de secours assure le fonctionnement de l'appareil pendant une heure.

Dans la voiture 3351, le combiné amovible a été projeté vers l'avant pendant l'accident et s'est retrouvé sur le plancher, devant la porte coulissante intermédiaire qui menait de l'aire réservée aux fauteuils à la plate-forme, où se trouvent les portes principales d'issues de secours (portes latérales). On ignore si le combiné a heurté des voyageurs ou des membres de l'équipe. Quand le combiné est tombé sur le plancher, son cordon s'est étiré dans toute l'ouverture menant à la plate-forme et, donc, à la porte d'issue de secours. Les voyageurs de cette voiture ont évacué en passant par les fenêtres d'issue de secours lors de l'accident à l'étude, mais dans d'autres circonstances, des voyageurs auraient pu s'emmêler dans le cordon, surtout si l'évacuation s'était déroulée dans l'obsécuritéé.

10.0 Décompte des voyageurs

Avant le départ, le chef de service a obtenu une liste imprimée par ordinateur indiquant le nombre de voyageurs avec réservation confirmée qui devaient monter à bord du train à Windsor et à chaque arrêt prévu par la suite. Après le départ de Windsor, le chef de service a recueilli les billets, les a placés dans une enveloppe prévue à cette fin, a modifié en conséquence le décompte des voyageurs indiqué sur l'imprimé et a placé tous les documents dans son porte-documents. Le chef de service a rangé son porte-documents dans la cuisinette d'une des voitures ordinaires, conformément à son habitude. Le décompte véritable des voyageurs n'est transmis à aucun bureau central. Rien n'exige que le chef de service garde la documentation relative au décompte des voyageurs dans un endroit particulier du train.

Chaque fois que le train quitte une gare, les chefs de service procèdent régulièrement à la collecte des billets et à la mise à jour du décompte des voyageurs. Toutefois, si un chef de service doit se consacrer à d'autres tâches relatives au service ou à la sécurité, la collecte des billets ou la mise à jour des listes de voyageurs peuvent être reportées.

Ce n'est que plusieurs heures après l'accident de Thamesville que VIA a été en mesure de fournir un décompte exact des voyageurs. Onze voyageurs n'étaient pas comptabilisés. On a signalé des difficultés similaires liées à l'établissement de listes exactes des voyageurs et à l'identification des personnes lors d'enquêtes du BST portant sur des accidents mettant en cause des trains de VIA, dont certains remontent à 1994 (rapports nos R94T0357 et R97H0009 du BST). En outre, un certain nombre d'enquêtes en cours portant sur des trains de VIA indiquent que le problème est toujours présent. Étant donné les conditions de cet accident précis (accident survenu pendant le jour, dommages minimes aux voitures, etc.), les listes de voyageurs inexactes n'ont pas nui aux efforts de sauvetage. Le personnel d'intervention d'urgence a pu parcourir le train sur toute sa longueur et a déterminé facilement que les 11 voyageurs manquants n'étaient pas restés coincés dans les voitures.

Un décompte exact et facilement accessible des voyageurs, indiquant notamment le nombre de voyageurs de chaque voiture, constitue un élément d'information essentiel pour le personnel d'intervention d'urgence et, à la limite, une information dont la survie des voyageurs pourrait dépendre. Faute d'information exacte, il pourrait arriver que les premiers intervenants mettent prématurément un terme aux opérations de sauvetage et, par inadvertance, laissent quelqu'un emprisonné dans le train. Par ailleurs, la sécurité des premiers intervenants peut être menacée lorsqu'ils doivent s'exposer à des environnements dangereux pendant des périodes prolongées pour rechercher des personnes qui ne sont pas là.

Annexe C - Norme S-580 de l'AAR concernant la résistance aux chocs

Association of American Railroads Division des services techniques — Section de la mécanique Manual of Standards and Recommended Practices

[traduction libre]

CRITÈRES DE RÉSISTANCE AUX CHOCS DES LOCOMOTIVES

Norme
S-580
Adoptée en 1989, révisée en 1994

1.0 PORTÉE

Les présentes spécifications concernent l'amélioration de la résistance aux chocs des locomotives de ligne neuves qui ont été construites après le 1 er août 1990 et qui sont destinées au service sur les chemins de fer d'Amérique du Nord. Chaque utilisateur pourra dépasser les exigences des présentes normes, compte tenu de ses besoins. La norme s'applique à toutes les locomotives de ligne neuves qui sont construites après le 1er août 1990.

2.0 GÉNÉRALITÉS

Les plans et les matériaux permettant d'obtenir l'amélioration de la résistance aux chocs dont il est question ci-après doivent avoir le moins d'effet possible sur le poids et sur la contenance des réservoirs de carburant de la locomotive.

3.0 EXIGENCES

3.1 DISPOSITIFS ANTICHEVAUCHEMENT

Un dispositif antichevauchement doit être ajouté comme équipement standard au bout de la locomotive où se trouve le capot court, et doit être conçu de façon à résister au minimum à un effort de 200 000 livres sans excéder la résistance à la rupture du matériau, quand il est appliqué verticalement et uniformément entre les renforts des longrines

centrales placées sous les dispositifs antichevauchement de la locomotive. Le dispositif antichevauchement doit être fixé à la plaque de bout du faux-châssis et être aligné avec les renforts des longrines centrales.

3.2 MONTANTS ANTICOLLISION

Au minimum, deux montants anticollision, placés sous les cornières longitudinales du faux-châssis (longrines centrales) doivent être conçus de façon que chaque montant puisse résister à un effort longitudinal de 200 000 livres exercé à 30 pouces au-dessus du plancher et de 500 000 livres exercé à la hauteur du faux-châssis, sans que la résistance à la rupture du matériau soit excédée.

3.3 STRUCTURE DU CAPOT COURT

L'enveloppe de la partie du capot court, du côté du bout de la locomotive, doit être l'équivalent d'une plaque d'acier de 1/2 pouce ayant une limite d'élasticité de 25 000 lb/po² (l'épaisseur varie de façon inversement proportionnelle à la racine carrée de la limite d'élasticité).

Cette plaque installée au bout de la locomotive doit être fixée solidement aux montants anticollision.

Les portes utilisées par le personnel, qui sont aménagées dans la partie du capot court qui fait face au bout de la locomotive, doivent être renforcées de façon à avoir une résistance équivalente à celle de l'enveloppe du capot court. Si des fenêtres sont installées, elles doivent répondre aux normes de la Federal Railroad Administration.

Annexe D - Autres dispositifs de sécurité pour résister aux chocs

Protection en cas de renversement

La protection en cas de renversement consiste en des renforts structuraux ajoutés dans les côtés et le toit de la locomotive, et qui visent à rendre la cabine de commande moins susceptible de s'écraser si la locomotive se renverse au moment d'une collision. Les normes de conception actuelles ne comportent aucune exigence en matière de protection en cas de renversement. Lors de l'accident à l'étude, la locomotive s'est effectivement renversée sur le côté. Toutefois, comme l'indique la nature des dommages subis par la locomotive, la force de l'impact s'est exercée principalement vers l'arrière. La protection en cas de renversement est censée réagir à des charges latérales et verticales.

Hauteur de la traverse extrême

On a déjà proposé d'uniformiser la hauteur des traverses extrêmes de tous les véhicules ferroviaires pour réduire le plus possible les dommages attribuables aux collisions. Dans l'accident à l'étude, la locomotive a été inclinée ou a déraillé au moment de l'impact, de sorte que les traverses extrêmes auraient été dans des orientations différentes.

Plaques de déflexion

Les plaques de déflexion servent à faire dévier un véhicule qu'une locomotive heurte accidentellement, de façon à réduire au minimum les dommages causés à la cabine de commande. Les normes de conception actuelles n'ont aucune exigence en matière de plaques de déflexion. Des études ont révélé que les plaques de déflexion doivent avoir un angle de pénétration d'au moins 45 degrés vers l'arrière pour résister aux efforts latéraux exercés par la voie ferrée. Il s'ensuit qu'il faudrait allonger considérablement le faux-châssis, si bien que l'installation de plaques de déflexion deviendrait irréalisable. Lors de l'accident, comme la locomotive avait déjà quitté la voie, les plaques de déflexion auraient pu être efficaces en faisant dévier latéralement la force de l'impact.

Refuge de protection

Un refuge de protection est un endroit sûr dans lequel les occupants de la cabine peuvent prendre place pour se protéger contre un impact et contre des forces d'écrasement. Les normes de conception actuelles n'imposent aucune exigence concernant des refuges de ce genre, et cette question ne fait pas non plus partie des changements proposés aux normes. Du fait de la déformation subie par la locomotive 6423 lors de la collision, l'avant de la cabine a été écrasé presque jusqu'au niveau du plancher; toutefois on n'a pas relevé de flambage dans le plancher de la cabine ni dans le faux-châssis, là où un refuge de protection aurait vraisemblablement été aménagé.

Intégrité du réservoir de carburant

Lors de cet accident, comme le réservoir de carburant était suffisamment reculé et se trouvait sous le faux-châssis, il n'a pas été endommagé directement par la collision avec les wagons-trémies. Toutefois, comme il était près du sol, il est entré en contact avec la plate-forme de la voie lors du déraillement. Ce contact avec le sol a occasionné des bosselures considérables et au moins une petite perforation dans le côté droit du réservoir.

Gestion de l'énergie par suite de collisions

Cette caractéristique fait en sorte qu'au moment d'une collision, les espaces inoccupés se déforment avant les espaces occupés. La déformation de la structure est désirable au moment d'une collision, car elle absorbe une grande partie de l'énergie de la collision et fait ainsi en sorte que les espaces occupés décélèrent plus lentement. Lors de cet événement, en raison de l'orientation de la locomotive au moment de l'impact, la « zone tampon » aurait équivalu à la longueur du capot court à l'avant de la cabine de commande. Entre l'extrémité du capot court et le fauteuil du premier occupant, la distance est d'environ 80 pouces (203 cm). La capacité d'absorption de l'énergie du capot court et du toit était inadéquate pour protéger la cabine de commande d'un impact de cette violence. En outre, il serait impossible de concevoir un capot court capable d'absorber suffisamment d'énergie pour protéger la cabine de commande contre une collision d'une telle violence.

Fenêtres en verre anti-éclatement

Les fenêtres en verre anti-éclatement sont censées protéger les occupants de la cabine contre les impacts de corps étrangers comme des balles de petit calibre et des blocs de béton.

Montants de coin

Des montants de coin sont des renforts de la structure qui sont placés de façon à protéger la cabine en cas de collision latérale. Les normes de conception actuelles n'exigent pas de montants de ce genre, mais ces dispositifs font partie des changements proposés. Lors de l'accident à l'étude, la force de la collision s'est exercée surtout latéralement, et les montants de coin sont précisément conçus pour résister à de telles collisions. La résistance des montants de coin serait probablement du même ordre de grandeur que celle des montants anticollision. Étant donné la gravité des dommages que le montant anticollision droit a subis, on considère que, dans cet accident précis, un montant de coin additionnel aurait eu une efficacité limitée.

Montants de fenêtre

Les montants de fenêtre sont des renforts structuraux ajoutés aux cadres verticaux existants qui séparent les fenêtres avant de la cabine, afin de protéger la cabine si une collision se produit à cet endroit (c'est-à-dire débris projetés dans les airs après des collisions avec des camions à des passages à niveau). Les normes de conception actuelles ne comportent aucune exigence quant aux montants de fenêtre, mais cette particularité fait partie des changements proposés. Même si la locomotive 6423 a subi un impact dans le secteur où des montants de fenêtre seraient installés, ce dispositif de sécurité n'est pas censé assurer une protection contre des collisions de cette violence.

Annexe E - Marchandises dangereuses

Nitrate d'ammonium

Le nitrate d'ammonium peut se décomposer de sept façons différentes. Le taux de prévalence de chacune de ces réactions dépend de la température. En pratique, les trois réactions suivantes sont importantes :

La première réaction décrit la décomposition du nitrate d'ammonium à des températures relativement basses (de 180 à 200 degrés Celsius). Cette décomposition produit du gaz hilarant et de l'eau. Le dégagement de chaleur relativement modéré tend à entretenir la réaction.

La deuxième réaction décrit la détonation complète du nitrate d'ammonium et produit de l'azote, de l'eau et de l'oxygène. Cette réaction occasionne des températures de l'ordre de 1 500 degrés Celsius et une pression d'environ 164 640 livres au pouce carré (lb/po²).

La troisième réaction, qui représente une détonation incomplète ou une déflagration partielle du nitrate d'ammonium, ne produit pas une grande quantité d'énergie; toutefois, un de ses produits, le dioxyde d'azote, est un gaz hautement toxique. La concentration de dioxyde d'azote que l'on considère comme « présentant un danger immédiat pour la vie ou la santé » est de 20 parties par million. La décomposition de 400 tonnes de nitrate d'ammonium par cette réaction produirait près de 100 tonnes de dioxyde d'azote.

Risques associés à l'urée et au nitrate d'ammonium

Le fait de mélanger, intentionnellement ou non, du nitrate d'ammonium à des matériaux organiques ou combustibles peut créer des explosifs puissants. Dans nombre d'installations d'entreposage d'engrais, comme à Thamesville, on entrepose et on manutentionne du nitrate d'ammonium et de l'urée. L'urée, quand elle est mélangée au nitrate d'ammonium dans les proportions voulues, serait un explosif de ce genre. Autrefois, on fabriquait au Canada une série d'explosifs commerciaux dont le nitrate d'ammonium était l'agent oxydant principal et dont l'urée était le combustible principal. De plus, une fusion équimolaire précise de nitrate d'ammonium et d'urée produit la nitroguanidine, en l'occurrence un explosif brisant dont la puissance est égale à 104 p. 100 de celle du trinitrotoluène (TNT) au test de mortier balistique et dont la vitesse de détonation est de 7 650 m par seconde à une densité de 1,5. La puissance globale d'un explosif est directement proportionnelle à son contenu énergétique et au volume de gaz qu'il produit.

Dans toute installation d'entreposage d'engrais où l'on entrepose et manutentionne du nitrate d'ammonium et de l'urée, il faut prendre des précautions spéciales pour éviter que les deux produits se mélangent. Par le passé, le chapitre 1145 du Manuel des règlements ferroviaires concernant l'opération, l'ingénierie et l'exploitation a exempté les installations d'entreposage d'avoir à obtenir l'approbation de la Commission canadienne des transports dans les circonstances suivantes:

23.2 (b) l'urée, les composés de l'urée ou les grains ou les produits de grain ensachés, s'ils sont séparés du nitrate d'ammonium ou des engrais mélangés contenant du nitrate d'ammonium en sacs par une cloison coupe-feu d'une résistance d'au moins 1 heure ou s'ils en sont éloignés d'au moins 30 pieds ou protégés par tout autre moyen accepté par la Commission et propre à empêcher les matériaux séparés de se mêler dans les conditions qui résulteraient d'un incendie…

À Thamesville, le nitrate d'ammonium et l'urée sont tous deux déchargés directement des wagons à des véhicules routiers, à des heures différentes mais au même endroit.

Risques associés à l'ammoniac anhydre

La coopérative Orford de Thamesville distribue chaque année quelque 750 tonnes métriques d'ammoniac anhydre. Même si l'installation de Thamesville reçoit actuellement son ammoniac anhydre par camion, la plupart des installations similaires au Canada sont desservies par chemin de fer.

Transports Canada décrit l'ammoniac anhydre comme un gaz corrosif, et les Nations Unies le décrivent comme un gaz toxique. Quand il est dans une citerne, il est sous forme de gaz liquéfié sous pression. Dans ces conditions, toute brèche dans la citerne ferait en sorte que le gaz passe immédiatement de l'état liquide à l'état gazeux et crée un nuage de gaz étant donné que le gaz occuperait alors un volume plusieurs fois plus grand que celui de la citerne. À une concentration de 300 parties par million, l'ammoniac anhydre est considéré comme « présentant un danger immédiat pour la vie ou la santé ».

Bien que l'ammoniac anhydre soit beaucoup plus léger que l'air, un nuage peut parcourir plusieurs milles au niveau du sol en raison de sa grande hydrophilie. L'ammoniac anhydre se combine avec l'humidité de l'air pour former de l'hydroxyde d'ammonium.

Non seulement l'ammoniac anhydre est toxique, mais il peut aussi former un mélange explosif avec l'air. Même si les incendies et les explosions d'ammoniac anhydre sont peu fréquents, au moins un incendie de ce genre a été signalé au Canada en 1999 après qu'un wagon-citerne a été perforé à la suite d'un déraillement (l'enquête du BST se poursuit __ événement no R99T0256).

Annexe F - Exigences relatives à l'autorisation spéciale 3255

  1. Des membres qualifiés du personnel devaient inspecter les wagons entreposés une fois par période de 24 heures suivant l'expiration des 48 heures initiales.
  2. Il fallait consigner par écrit les inspections faites conformément à l'article 1.
  3. Les services locaux d'incendie et de police devaient être avisés de l'endroit où les wagons entreposés se trouvaient, ainsi que de leur contenu.
  4. Les aiguillages menant à une voie où les wagons étaient entreposés devaient être verrouillés au moyen de cadenas privés.
  5. Les freins à main de tous les wagons entreposés devaient être serrés.
  6. Les formulaires applicables d'intervention d'urgence devaient être disponibles facilement à l'endroit où les wagons étaient entreposés.
  7. Les titulaires d'autorisations spéciales devaient communiquer par écrit à CANUTECNote de bas de page 38 les renseignements suivants :
    1. le lieu d'entreposage, l'appellation réglementaire, le numéro d'identification du produit, la classe, le groupe d'emballage et le nombre de wagons entreposés, avant l'expiration de la première période de 24 heures suivant l'expiration du délai de 48 heures, puis tous les 30 jours par la suite;
    2. si des wagons étaient gardés pendant plus de 48 heures dans un emplacement qui n'avait jamais servi à l'entreposage de marchandises dangereuses par le passé;
    3. si des wagons étaient gardés dans un emplacement où les installations avaient été modifiées depuis la dernière période d'entreposage de marchandises dangereuses pendant plus de 48 heures.
  8. Les trains qui circulaient sur des voies adjacentes devaient rouler à des vitesses sûres.
  9. Toute source d'inflammation devait être éliminée des environs immédiats si des wagons contenant des gaz ou des liquides inflammables étaient entreposés sur les lieux.
  10. On devait séparer les wagons entreposés conformément aux critères de séparation exigés par les opérations de classement des wagons.
  11. Si l'emplacement indiqué à l'article 7 n'était pas acceptable, les titulaires des autorisations devaient aviser CANUTEC par écrit des dispositions de remplacement qui avaient été prises.
  12. On devait tenir à jour des registres exacts sur le nombre de wagons et le genre de marchandises qui étaient entreposées, et ces registres devaient être facilement utilisables.
  13. On devait signaler à CANUTEC tout incident, accident ou fuite auquel étaient mis en cause des wagons entreposés en vertu d'une autorisation spéciale.

Annexe G - Sigles et abréviations

AAR
Association of American Railroads
ACFC
Association des chemins de fer du Canada
ATCS
Système d'automatisation de la marche des trains
BA
block automatique
BM
bulletin de marche
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CCC
commande centralisée de la circulation
CCF
contrôleur de la circulation ferroviaire
CFCP
Chemin de fer Canadien Pacifique
cm
centimètre
CM
cantonnement manuel
CN
Canadien National
FRA
Federal Railroad Administration
g
accélération due à la gravité
GM
General Motors
h
heure
H20
eau
HAE
heure avancée de l'Est
HP
horsepower
ICC
Interstate Commerce Commission
ID
Idle (ralenti)
kcal
kilocalorie
kg
kilogramme
km
kilomètre
L
litre
lb/po²
livre au pouce carré
LRC
léger, rapide, confortable
m
mètre
mi/h
mille à l'heure
min
minute
mm
millimètre
N2
azote moléculaire
N2O
oxyde nitreux
NH4NO3
nitrate d'ammonium
NO2
dioxyde d'azote
NS
Norfolk and Southern Railway Company
O2
oxygène
ONT
Office national des transports
REF
Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada
ROV
régulation de l'occupation de la voie
RUE
Règlement unifié d'exploitation
s
seconde
SSR
système spécial de régulation
TNT
trinitrotoluène
UTC
temps universel coordonné
VIA
VIA Rail Canada Inc.