Accident à un passage à niveau
VIA Rail Canada Inc.
train numéro 642
point milliaire 18,13, subdivision Brockville du
Chemin de fer Canadien Pacifique
Bellamy (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 5 juin 1999 vers 14 h 10, heure avancée de l'Est, le train de voyageurs no 642 de VIA Rail Canada Inc., qui roulait vers l'est sur la subdivision Brockville du Chemin de fer Canadien Pacifique, a heurté un véhicule automobile au passage à niveau public du point milliaire 18,13, près de Bellamy (Ontario). Les deux occupants du véhicule ont été mortellement blessés. Au moment de l'accident, la Ledcor Communications Ltd., une entreprise indépendante travaillant à contrat pour le Chemin de fer Canadien Pacifique, posait un conduit pour câble de fibre optique perpendiculairement à la chaussée et près de la voie ferrée, et assurait le contrôle manuel de la circulation routière dans la zone de travaux.
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1.0 Renseignements de base
1.1 L'accident
Le 5 juin 1999, la Ledcor Communications Ltd. (Ledcor), de Mississauga (Ontario), procède à l'installation d'un câble de fibre optique sous la voie nord, du côté est du passage à niveau public de la route 28 des Comtés unis de Leeds et Grenville, au point milliaire 18,13 de la subdivision Brockville du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP), près de Bellamy (Ontario). La circulation routière se fait sur une seule voie et est dirigée par deux signaleurs de la Ledcor, tandis que la circulation ferroviaire est régie par un contremaître désigné par le CFCP en vertu de la règle 42Footnote 1. Pendant un arrêt à la gare de Brockville, à environ 10 milles du passage à niveau, l'équipe du train no 642 de VIA Rail Canada Inc. (VIA 642), à destination d'Ottawa (Ontario), demande et obtient l'autorisation d'entrer dans la zone protégée en vertu de la règle 42. Le contremaître désigné en vertu de la règle 42 dit alors au contremaître de la Ledcor de libérer la zone de construction du matériel et du personnel qui s'y trouvent. Bien que la construction ait cessé sur le chantier, les signaleurs de la Ledcor continuent de diriger la circulation routière sur le chantier de construction, conformément à la pratique en vigueur à la Ledcor. Un opérateur d'équipement qu'on a mis en attente relève temporairement le signaleur de la Ledcor qui contrôle la circulation routière du côté ouest, à la demande de ce dernier. À 14 h 10, heure avancée de l'Est (HAE)Footnote 2, le contremaître désigné en vertu de la règle 42 autorise le train à traverser la zone protégée sans restriction. Vers 14 h 13, les dispositifs de signalisation automatique sont activés. À peu près au même moment, le signaleur de relève (placé le plus à l'ouest) fait signe à trois véhicules de se diriger vers le passage à niveau. Le train fait entendre son sifflet et sa cloche pendant qu'il s'approche du passage à niveau en venant du sud. Il roule à 82 mi/h. Comme le train arrive à la hauteur du passage à niveau, il heurte le véhicule de tête. Les deux occupants du véhicule sont mortellement blessés.
1.2 Renseignements consignés
Les données du consignateur d'événements indiquent que le VIA 642 s'approchait du passage à niveau à une vitesse de 82 mi/h et que la manette des gaz était à la position no 8 (réglage maximum). Elles montrent aussi que le sifflet de la locomotive a été actionné 14 secondes et environ 1 700 pieds (environ 518 m) avant que la locomotive aborde le passage à niveau, conformément au règlement. (La règle 140 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada [REF] exige qu'on actionne le sifflet 1 320 pieds (environ 402 m) avant que le train occupe un passage à niveau.) Les phares de fossé étaient allumés et le phare avant était allumé à son intensité maximale.
1.3 Renseignements sur le train
Le VIA 642, un train Léger, Rapide, Confortable (LRC), était composé d'une locomotive, d'une voiture-bar et de trois voitures. La vitesse maximale autorisée pour les trains LRC au passage à niveau de la route de comté 28 était de 95 mi/h dans les deux directions. Le train avait à son bord 5 employés des services de bord, 140 voyageurs ainsi qu'une équipe d'exploitation comptant 2 personnes.
1.4 Particularités du passage à niveau
1.4.1 Chaussée et distances de visibilité
La route de comté 28 est une route asphaltée à deux voies sur laquelle la limite de vitesse est de 80 km/h. Le passage à niveau est équipé de feux clignotants et d'une cloche. La route croise le passage à niveau à un angle proche de la perpendiculaire, et est en pente de part et d'autre du passage à niveau (une pente d'environ 3 p. 100 à partir de l'est et de 3,5 p. 100 à partir de l'ouest). Pour un automobiliste qui arrive au passage à niveau à partir de l'ouest, la route décrit une légère courbe vers le sud sur une distance de 310 m.
Les distances de visibilité dans tous les quadrants étaient faibles en raison des obstacles attribuables à des débris de roche, à la végétation, et à des maisons privées. Si un véhicule aborde le passage à niveau en provenance de l'ouest, il doit s'approcher à 6 m (20 pieds) de la voie pour que son conducteur puisse apercevoir la voie ferrée sur une distance de 244 m (environ 800 pieds) vers le sud. À plus de 6 m de la voie, la vue est complètement bloquée. En moyenne, 500 véhicules passent à cet endroit chaque jour, ce que le ministère des Transports de l'Ontario (MTO) considère comme étant un débit de circulation faible. L'horaire des trains de voyageurs varie d'une journée à l'autre. Le samedi 5 juin, six trains de voyageurs devaient circuler sur le passage à niveau. Du dimanche au vendredi, deux trains de marchandises passent chaque jour à cet endroit. L'indicateur ne signale aucun train de marchandises le samedi.
1.4.2 Dispositifs de signalisation automatique
Les mâts des dispositifs de signalisation automatique étaient situés de part et d'autre du passage à niveau (c'est-à-dire du côté droit de la chaussée). Chaque mât de signal était équipé de quatre feux clignotants rouges — deux faisant face à l'est et deux faisant face à l'ouest — destinés à avertir les conducteurs de l'approche des trains. Le jour de l'accident, les feux ont fonctionné normalement et étaient visibles de l'endroit où le signaleur du côté ouest était posté. Le dispositif de signalisation automatique placé du côté est du passage à niveau était équipé d'une cloche. La cloche pouvait être entendue des deux postes de signalisation.
En vertu du règlement, les feux clignotants et la cloche doivent être actionnés au moins 23 secondes avant qu'un train qui s'approche ne s'engage sur un passage à niveau. Les circuits qui déclenchent les dispositifs de signalisation de ce passage à niveau sont placés à 1,1 km au nord et au sud du passage à niveau, ce qui laisse un délai d'avertissement de 30 secondes avant le passage d'un train roulant à 82 mi/h. Les dispositifs de signalisation automatique ont été actionnés et ont fonctionné comme prévu quand le VIA 642 s'est approché du passage à niveau et s'y est engagé.
1.5 Autres conducteurs
Les dispositifs de signalisation se sont activés à peu près au même moment que le signaleur a fait signe aux conducteurs des trois véhicules d'avancer. Les conducteurs des deuxième et troisième véhicules ont interprété ce signal comme signifiant qu'ils pouvaient traverser sans danger le chantier de construction et que le dispositif de protection du passage à niveau avait été activé par les travaux de construction.
On a vu le premier véhicule s'engager sur le passage à niveau à environ 5 km/h. Le conducteur n'a tenté ni d'accélérer ni de freiner avant la collision.
1.6 Projet de pose de fibre optique
La Ledcor a entrepris de construire un réseau souterrain de lignes de communication par fibre optique le long d'emprises ferroviaires à la grandeur du Canada. Elle a réalisé une somme de travail considérable jusqu'ici, notamment dans l'ouest du Canada, et prévoit terminer le projet au printemps 2002. L'équipe de la Ledcor installait un conduit sous la route, en vue de l'installation du câble de fibre optique.
1.7 Entente entre le Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) et la Ledcor Communications Ltd. (Ledcor)
La Ledcor avait conclu avec le CFCP une entente concernant la construction et l'exploitation d'un réseau de câbles de fibre optique sur l'emprise du CFCP. La construction sur la propriété du CFCP était menée en vertu d'une entente de supervision conclue entre la Worldwide Fiber Inc. (filiale de la Ledcor) et le CFCP. Ce dernier convenait d'assurer une supervision sur place (c'est-à-dire un contremaître désigné en vertu de la règle 42) afin de protéger le matériel et les équipes de la Ledcor contre les mouvements de trains. Le CFCP conservait le droit de fournir du personnel pour surveiller le projet et pour protéger les opérations et les propriétés du CFCP. L'entente prévoyait que la Ledcor devait se conformer aux lois et règlements provinciaux concernant la circulation routière.
1.8 Conditions de construction au passage à niveau
La plupart du temps, on creuse sous la chaussée pour installer les conduits. Toutefois, la chaussée en question était établie sur une assise rocheuse, ce qui obligeait à creuser des tranchées à l'aide d'équipement lourd. Pour éviter la fermeture de la route pendant la construction à ce passage à niveau, le creusage des tranchées devait se faire en deux étapes. À chaque étape, il fallait faire passer les véhicules sur une seule voie pendant que l'on creusait la tranchée sous l'autre voie, qu'on posait le conduit et qu'on réparait la surface de la route. Le processus serait ensuite répété pour l'autre portion de la chaussée. La tranchée devait se trouver à environ 1 m des têtes de traverses. Au moment de l'accident, la circulation était déviée sur la voie sud tandis qu'on creusait une tranchée sous la voie nord. Un marteau brise-roche arrière (de l'anglais « hoe hammer »)Footnote 3 était immobilisé, moteur à l'arrêt, dans la zone des travaux, à quelque 10 m (33 pieds) à l'ouest du passage à niveau, sur la voie nord qu'on avait fermée. Il ne gênait pas la visibilité des conducteurs qui approchaient du côté sud, de sorte que les feux clignotants du mât de signal ouest étaient bien visibles. Le marteau brise-roche arrière empêchait les conducteurs de voir les feux du mât de signal est sur une courte distance avant les voies ferrées, mais ces feux étaient visibles pour le signaleur posté du côté ouest.
Le bureau d'ingénierie de l'administration routière locale (les Comtés unis de Leeds et Grenville) avait refusé au contremaître de la Ledcor la permission de fermer la route pendant l'exécution des travaux de construction. On a dit au contremaître de la Ledcor d'exécuter les travaux en deux étapes de façon à éviter de ralentir la circulation et à permettre le passage des véhicules d'urgence.
1.9 Contrôle de la circulation routière et position des signaleurs
1.9.1 Procédures en vigueur à la Ledcor concernant les signaleurs
Les signaleurs de la Ledcor étaient postés sur la chaussée, à 68 m (environ 223 pieds) à l'est du passage à niveau et à 106 m (environ 348 pieds) à l'ouest du passage à niveau. Le contremaître de l'équipe de la Ledcor et les signaleurs ont choisi ces positions parce qu'ils estimaient que, plus près du passage à niveau, les distances de visibilité des conducteurs étaient dangereusement limitées par la courbe et la pente de la route. Les signaleurs de la Ledcor étaient équipés de vestes réflectorisées, de panneaux d'arrêt fixés au bout de tiges et de postes radio portatifs permettant de communiquer entre eux et avec le contremaître de la Ledcor. La radio du contremaître de la Ledcor permettait aussi de communiquer au besoin avec le contremaître désigné en vertu de la règle 42. De même, le contremaître désigné en vertu de la règle 42 pouvait communiquer par radio avec les postes radio de la Ledcor.
Un signaleur exerçait ces fonctions depuis environ une semaine et avait acquis une certaine expérience du contrôle de la circulation routière en travaillant chez un autre employeur. L'autre signaleur n'exerçait ces fonctions que depuis deux jours. La Ledcor n'avait donné aucune formation aux signaleurs au sujet de leur travail de signalisation manuelle. À leur arrivée sur les lieux de travail, les signaleurs étaient affectés à leurs postes pour toute la durée du quart de travail, soit en moyenne une période continue d'environ 14 heures. Aucune relève des signaleurs n'était prévue. Ils étaient censés apporter leurs propres contenants d'eau sur les lieux de travail et manger leur collation à leur poste de surveillance. Les signaleurs qui devaient quitter leur poste, pour quelque raison que ce soit, devaient communiquer par radio avec le contremaître de l'équipe pour demander d'être relevés. Le jour de l'accident, les membres de l'équipe se sont rencontrés dans la cour de la Ledcor à 6 h pour charger l'équipement, et sont arrivés au passage à niveau à 6 h 40.
Aux deux signaleurs affectés initialement, la Ledcor a dit d'observer les signaux du passage à niveau avant de faire signe aux véhicules d'avancer, et d'arrêter la circulation routière quand les signaux étaient activés. L'opérateur qui a pris la relève du signaleur avait de l'expérience et avait reçu de la formation sur les méthodes de signalisation manuelle, mais il n'avait pas reçu ces instructions. Même si le contremaître désigné par le CFCP en vertu de la règle 42 était en contact radio continu avec l'équipe du train qui approchait, il n'a pas communiqué l'heure d'arrivée du train ni quelque autre information au contremaître de la Ledcor, ni aux signaleurs; il n'était d'ailleurs pas tenu de le faire.
1.9.2 Politiques en vigueur au CFCP en matière de signalisation aux fins du contrôle de la circulation routière
Dans l'entente contractuelle conclue entre le CFCP et la Ledcor, il n'y avait aucune mention quant à la responsabilité relative au contrôle de la circulation routière aux passages à niveau. L'entente stipulait que le CFCP devait assurer la protection de la Ledcor contre les trains. La politique du CFCP veut que les contremaîtres désignés par le CFCP en vertu de la règle 42 protègent les trains contre les activités de construction et protègent les équipes de construction contre les mouvements de trains. Leurs instructions ne portent pas sur la protection des véhicules routiers contre les trains.
1.10 Règlements, normes et lignes directrices concernant le contrôle de la circulation routière
1.10.1 Ministère des Transports de l'Ontario
Les exigences visant le contrôle de la circulation sur les routes de l'Ontario sont définies par le MTO et s'appliquent au contrôle manuel de la circulation assuré par toute personne ou tout organisme qui effectue des travaux de construction ou d'entretien ou des travaux de services publics sur des routes provinciales ou municipalesFootnote 4. Les normes du MTO précisent que, sur les routes à faible densité de circulation où la limite de vitesse est supérieure à 70 km/h, comme dans le cas de la route de comté 28, les signaleurs devraient être postés à une distance de 30 m à 40 m des abords de la zone de construction. Les normes informent aussi les signaleurs qu'ils doivent adapter les distances en fonction de l'état de la route, des conditions météorologiques et de la vitesse et se tenir à un endroit d'où ils peuvent voir les véhicules qui s'approchent et être vu des véhicules qui s'approchent sur une distance d'au moins 150 m.
Les normes du MTO renferment des exigences et des lignes directrices limitées au sujet de la protection des véhicules automobiles par des signaleurs sur des chantiers de construction où il y a un passage à niveau. Le Manual of Uniform Traffic Control Devices précise que les signaleurs doivent se placer de façon à ne pas être en conflit avec d'autres dispositifs de contrôle de la circulation routière comme des panneaux d'arrêt ou des appareils de signalisation, et que les appareils de signalisation comprennent tous les dispositifs électriques de contrôle de la circulation, y compris les signaux indiquant l'approche d'un train.
1.10.2 Transports Canada
Transports Canada est en train de rédiger le Règlement sur la sécurité des passages à niveau aux termes de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Le paragraphe 36.4 s'appliquerait aux travaux qui ont été effectués par la Ledcor et stipule que :
- Lorsque des travaux sont effectués sur les abords routiers, sur les routes qui croisent une voie ferrée et sur des terres voisines d'un passage à niveau, à 8 m ou moins de la surface du passage à niveau, ou lorsque des travaux sont susceptibles d'interrompre la circulation routière sur le passage à niveau ou de gêner la visibilité, l'administration routière, le propriétaire du terrain, ou toute autre personne responsable des travaux doit s'informer de la circulation ferroviaire auprès de la compagnie ferroviaire et veiller à ce que des moyens adéquats de contrôle de la circulation routière soient en place de façon que les travaux ne nuisent pas à la sécurité au passage à niveau. En outre, s'il est possible qu'un train circule dans la zone des travaux, l'autorité responsable doit veiller à ce qu'un personnel qualifié et suffisant, muni de l'équipement voulu, soit posté au passage à niveau pour indiquer aux automobilistes et aux piétons qui veulent traverser la voie ferrée s'ils peuvent le faire en toute sécurité.
En même temps que le règlement, Transports Canada a rédigé une ébauche de manuel intitulée Protection manuelle des passages à niveau (sécurité compromise par des travaux, des essais ou des travaux d'entretien). Le manuel énonce les pratiques d'ingénierie recommandées et les modalités d'exploitation relatives à la sécurité aux passages à niveau. Les dispositions du manuel seront incorporées par renvoi au Règlement sur la sécurité des passages à niveau susmentionné.
L'article 23 de l'ébauche de manuel de Transports Canada traite de la protection temporaire aux passages à niveau. Le paragraphe 23(1) précise que, si des travaux effectués le long d'une ligne de chemin de fer en activité gênent le fonctionnement des dispositifs de signalisation automatique, une ou des personnes qualifiées, munies de l'équipement voulu, doivent être postées au passage à niveau pour indiquer aux automobilistes et aux piétons qui veulent traverser la voie ferrée s'ils peuvent le faire en toute sécurité. Les mêmes dispositions s'appliquent lorsque des travaux sont susceptibles de gêner la visibilité dans le cas de passages à niveau sans dispositif de signalisation automatique. Le manuel précise que, pendant les travaux sur la surface d'un passage à niveau, on doit se conformer aux exigences du ministère des transports de la province concernant le contrôle de la circulation routière dans une zone de travaux.
Le paragraphe 23(5) porte sur les travaux effectués sur les abords routiers d'un passage à niveau et sur des terres voisines d'un passage à niveau. L'administration routière, le propriétaire du terrain, ou toute autre personne responsable des travaux doit s'informer de la circulation ferroviaire auprès de la compagnie ferroviaire et veiller à ce que des moyens adéquats de contrôle de la circulation routière soient en place de façon que les travaux ne compromettent pas la sécurité au passage à niveau quand on procède à des travaux ou à une activité pendant lesquels :
- des personnes ou de l'équipement sont susceptibles de se trouver à 8 m ou moins du passage à niveau,
- la circulation automobile peut être interrompue sur le passage à niveau,
- il y a interférence avec les dispositifs de signalisation du passage à niveau,
- la visibilité des dispositifs de signalisation et des autres dispositifs de contrôle de la circulation routière est gênée,
- la visibilité à un passage à niveau sans dispositif de signalisation automatique est gênée.
Le paragraphe 23(5) dit aussi que, s'il est possible qu'un train passe au passage à niveau, une ou des personnes qualifiées, munies de l'équipement voulu, doivent être postées au passage à niveau pour s'assurer que des véhicules automobiles ne restent pas bloqués sur le passage à niveau et pour indiquer aux automobilistes et aux piétons qui veulent traverser la voie ferrée s'ils peuvent le faire en toute sécurité.
L'ébauche de règlement et l'ébauche de manuel en sont à l'étape de la consultation depuis plus de 10 ans, en partie en raison du fait que la consultation de Transports Canada auprès des parties intéressées se poursuit. Transports Canada entend présenter un projet de règlement au cours de 2001 et entend publier le règlement dans la partie I de la Gazette du Canada au printemps 2002.
1.10.3 Manual of Uniform Traffic Control Devices for Canada
Rédigé en collaboration avec l'Association des transports du Canada, le Manual of Uniform Traffic Control Devices for Canada représente les points de vue des provinces et territoires et de leurs gouvernements. Il établit des normes optimales quant à l'emploi de dispositifs de contrôle de la circulation routière et à la communication de l'information aux conducteurs et aux autres usagers de la route. Au sujet de la signalisation, le manuel indique l'équipement dont le signaleur a besoin, les qualités que le signaleur doit posséder, les exigences en matière de signalisation et le dispositif de contrôle de la circulation. Le manuel ne traite pas des questions relatives aux passages à niveau, sauf pour faire la description des signaux avancés de passage à niveau.
1.11 Conditions météorologiques
Au moment de l'accident, le temps était clair et ensoleillé et la température était de 26 degrés Celsius. Les vents étaient légers et variables.
1.12 Formation et instruction
En arrivant sur le chantier, le contremaître de la Ledcor a tenu une réunion de sécurité avant le commencement du travail, a réparti les signaleurs et leur a expliqué leurs fonctions pour la journée. Aucune marche à suivre prévoyant que le contremaître de la Ledcor communiquerait l'information qui lui serait transmise par le contremaître désigné en vertu de la règle 42 n'a été établie. En outre, les signaleurs ont reçu des instructions disant de retenir les véhicules seulement quand les dispositifs de signalisation automatique fonctionneraient.
1.13 Autres renseignements
Un peu avant de relever le signaleur désigné, l'opérateur d'équipement avait fait fonctionner de l'équipement lourd bruyant sans porter de protecteurs d'oreilles. L'opérateur a admis qu'il était affecté par une déficience auditive mineure, mais cela ne l'empêchait pas d'engager une conversation normale et n'a pas été en cause dans l'accident. Même s'il avait suivi une formation sur la signalisation, il n'avait pas reçu d'instructions préalables sur la signalisation aux passages à niveau et n'avait pas d'expérience de la signalisation à ces endroits.
L'opérateur d'équipement s'est tourné face aux véhicules roulant vers l'est au moment où un véhicule passait à sa hauteur en direction ouest. À ce moment, les dispositifs de signalisation automatique ne fonctionnaient pas. Il a ensuite fait signe aux véhicules roulant vers l'est de s'avancer. Il ne s'est pas retourné pour observer les véhicules en mouvement et n'a pas non plus entendu la cloche des dispositifs de signalisation automatique qui venaient d'être activés, ni le sifflet et la cloche qui indiquaient l'approche du VIA 642.
Le conducteur du véhicule en cause dans l'accident n'avait pas d'ennuis de santé connus et il répondait aux exigences de condition physique imposées pour l'obtention d'un permis de conduire. Le test sanguin post mortem, effectué pour déterminer la présence éventuelle d'alcool et de stupéfiants dans le sang, s'est révélé négatif.
2.0 Analyse
2.1 Introduction
L'exploitation du VIA 642 pendant qu'il approchait du passage à niveau a été conforme aux règlements du gouvernement et aux instructions et aux pratiques d'exploitation de la compagnie. Les membres de l'équipe ignoraient l'emplacement exact et la nature des travaux de construction et, ayant été autorisés à poursuivre leur route sans restriction, ils s'attendaient à franchir le passage à niveau de la façon habituelle. Par conséquent, les gestes posés par l'équipe du train n'ont joué aucun rôle dans cet accident.
Comme les lignes de visibilité vers le sud étaient limitées tant qu'on n'était pas très près du rail ouest, les conducteurs des véhicules qui roulaient vers l'est après être passés devant le poste de signalisation n'avaient presque aucune possibilité de voir un train venant du sud. Le franchissement sûr du passage à niveau exigeait que les conducteurs réagissent correctement aux dispositifs de signalisation automatique. Dans l'accident à l'étude, le conducteur n'a pas réagi au déclenchement des dispositifs de signalisation.
L'analyse traitera non seulement des circonstances qui ont fait en sorte que les dispositifs de signalisation automatique soient inefficaces, mais aussi des conditions qui ont fait en sorte que la sécurité des véhicules soit réduite à ce passage à niveau. L'analyse traitera aussi des risques associés aux travaux de construction exécutés aux passages à niveau et des mesures que les compagnies ferroviaires, les entrepreneurs et l'organisme de réglementation prennent pour contrer ces risques.
2.2 Conduite du véhicule
Quand un automobiliste approche d'un chantier de construction routière, il est susceptible de comprendre que le signaleur a pour fonction d'assurer la sécurité du public sur le chantier et que le signal de passer n'est donné que si la sécurité est assurée. En cas de contradiction entre les instructions données par une personne et celles d'un dispositif de signalisation automatique, les personnes acceptent généralement les instructions données par la personne, surtout si cette personne semble être une autorité désignéeFootnote 5. On peut être d'autant plus porté à obéir au signal lorsque, comme dans l'accident à l'étude, l'instruction du signaleur est donnée alors même que les dispositifs de signalisation du passage à niveau sont déjà activés.
Un conducteur peut aussi s'attendre à ce que des travaux de construction à un passage à niveau occasionnent le déclenchement injustifié des dispositifs de signalisation du passage à niveau et à ce qu'on puisse, et même qu'on doive, passer outre aux indications de ce dispositif, comme l'on fait les conducteurs des deux autres véhicules. Il est donc probable que le conducteur du véhicule en question s'est engagé sur le passage à niveau tout en sachant que les dispositifs de signalisation étaient activés, croyant que les instructions du signaleur avaient priorité sur les indications des dispositifs de signalisation.
2.3 Communications
Le contremaître de la Ledcor était informé de l'arrivée des trains puisque ses instructions consistaient à s'assurer qu'il n'y avait plus de matériel roulant et de personnel sur le chantier de construction. Toutefois, le CFCP n'a pas fait en sorte que le système de contrôle de la circulation de la Ledcor dispose du lien de communication entre le contremaître désigné en vertu de la règle 42 et les équipes des trains. Même si le contremaître désigné en vertu de la règle 42 était en contact radio avec les trains qui approchaient, les équipes des trains n'avaient pas à communiquer leur position ou l'heure prévue d'arrivée du train à un passage à niveau. Le temps qui s'écoule entre le moment où l'on donne une autorisation et celui de l'arrivée du train peut varier considérablement. La marche à suivre adoptée par le CFCP et la Ledcor n'exigeait pas que le contremaître désigné en vertu de la règle 42 demande cette information à l'équipe du train et qu'il la relaie aux signaleurs équipés de postes radio. Si les signaleurs de la Ledcor avaient été informés de l'heure d'arrivée du train, ou s'ils avaient reçu des instructions disant d'arrêter les véhicules sur la route dès qu'on a donné l'instruction d'éloigner le matériel roulant et le personnel du chantier de construction, la marge de sécurité aurait été plus grande.
2.4 Position des signaleurs
En l'absence d'instructions de quelque source que ce soit, les employés de la Ledcor ont choisi les positions d'où ils dirigeraient la circulation de façon à assurer leur propre sécurité. Même s'ils savaient qu'il pouvait être dangereux de faire entrer des véhicules dans la zone de travaux pendant que les dispositifs de signalisation automatique fonctionnaient, ils ne semblent pas s'être rendu compte qu'en raison des distances à parcourir, des véhicules pouvaient se trouver entre les positions de signalisation et les voies ferrées au moment où les dispositifs de signalisation étaient activés. Des véhicules roulant à basse vitesse (10 km/h) vers l'est, à partir du poste de signalisation ouest, mettraient 37 secondes pour se rendre jusqu'à la voie ferrée. Compte tenu que les dispositifs de signalisation étaient activés environ 30 secondes avant l'arrivée d'un train, les probabilités étaient grandes pour que des automobilistes qui avaient déjà quitté le poste de signalisation au moment de l'activation des signaux se retrouvent devant un train. Les employés de la Ledcor ont déclaré que, dans ces circonstances, ils estimaient que les automobilistes allaient et devraient se fier aux dispositifs de signalisation automatique, mais il semble qu'on n'ait pas examiné les implications de ce concept avant l'accident. Par conséquent, la méthode de contrôle de la circulation en vigueur au sein de la Ledcor et la position des signaleurs de la Ledcor ont eu pour effet de nuire à la sécurité des automobilistes au passage à niveau.
2.5 Moyen de protection secondaire
Même si l'opérateur d'équipement n'avait pas reçu d'instructions disant d'arrêter la circulation routière quand les dispositifs de signalisation étaient activés, il avait l'intention de le faire. L'accident aurait pu être évité si l'opérateur s'était aperçu que les dispositifs de signalisation automatique étaient activés. Au moment où il a fait signe aux trois automobiles d'avancer, il faisait face aux automobiles qui approchaient, de sorte qu'il ne pouvait pas voir les feux clignotants et n'a pas non plus entendu la cloche qui venait d'être activée, ni la cloche ou le sifflet du train qui approchait. Même s'il avait une déficience auditive mineure, le fait qu'il n'ait pu entendre ces indices est attribuable à d'autres facteurs : les 100 m qui le séparaient du passage à niveau ont réduit considérablement le niveau sonore de la cloche; il a pu être affecté par un déplacement temporaire de seuilFootnote 6 attribuable au niveau élevé de bruit de la machine qu'il utilisait précédemment au passage à niveau; et il était à proximité de trois véhicules dont les moteurs tournaient au ralenti. La cloche constituait un signal redondant qui faisait appel à un deuxième sens pour attirer l'attention sur les dispositifs de signalisation. Cette marge de sécurité additionnelle a été inefficace dans ces circonstances.
2.6 Exploitation des trains dans les zones visées par la règle 42 du REF
Le VIA 642 avait obtenu l'autorisation de passer sans restriction dans la zone visée par la règle 42. Bien que les décisions relatives à la vitesse des trains pendant le passage dans ces zones soient laissées à la discrétion du contremaître désigné en vertu de la règle 42, cette règle vise surtout à assurer le passage sûr et opportun des trains tout en assurant la sécurité du personnel qui travaille sur la voie ou près de celle-ci. En l'absence de facteurs relatifs à l'état de la voie, et comme il n'y avait pas d'équipement de construction ni de personnel sur la voie, la décision du contremaître désigné en vertu de la règle 42, à savoir de laisser le train passer dans la zone à la vitesse normale en voie, était raisonnable compte tenu de l'expérience passée, de la formation reçue et des instructions en vigueur.
2.7 Politiques et modalités du CFCP en matière de contrôle manuel de la circulation routière
À titre de propriétaire du passage à niveau et du fait qu'il avait de l'expérience dans ces questions, le CFCP, par l'entremise de son employé sur place, en l'occurrence le contremaître désigné en vertu de la règle 42, était en mesure d'évaluer l'incidence des méthodes de contrôle manuel de la circulation de la Ledcor sur la sécurité des véhicules qui empruntaient le passage à niveau. Toutefois, aux termes de l'entente conclue entre le CFCP et la Ledcor, les fonctions du contremaître désigné en vertu de la règle 42 excluaient la protection des véhicules automobiles contre les trains. Le CFCP a choisi de ne pas participer au contrôle de la circulation routière avec la Ledcor et ne lui a pas non plus donné d'instructions concernant l'élaboration de plans de contrôle de la circulation routière pendant ces projets. La sécurité a été réduite du fait que le CFCP a délégué à la Ledcor la responsabilité relative à la protection de la circulation routière.
2.8 Travaux de construction et exigences réglementaires
À ce chantier de construction, la disposition des lieux était considérée comme étant typique. La route, réduite à une seule voie de circulation, était étroite et obligeait les conducteurs à être prudents. Le fossé de taille appréciable qui était adjacent à la voie de circulation incitait les conducteurs à être attentifs. Un équipement lourd (c'est-à-dire un marteau brise-roche arrière) occupait une portion de la chaussée, et distrayait les conducteurs et bloquait parfois la visibilité en direction de la voie ferrée.
Comme les trains roulent normalement à la vitesse maximale en voie, les occupants de véhicules automobiles qui sont heurtés par un train risquent de subir des blessures graves, sinon mortelles. Pour atténuer ce risque, il faut donner aux automobilistes des directives claires à savoir quand ils peuvent s'engager sans danger sur un passage à niveau.
Les normes provinciales et fédérales actuellement en vigueur ne font pas mention de la façon dont il faudrait procéder pendant des travaux de construction exécutés à un passage à niveau. En l'absence de consignes précises, les compagnies ferroviaires, les entrepreneurs et les administrations routières ont adopté des procédures ponctuelles adaptées à chaque situation. Cette situation a fait en sorte que les automobilistes sont exposés davantage à des risques, surtout aux passages à niveau où des trains circulent à grande vitesse sur la voie principale.
2.9 Méthode de relève de la Ledcor
Les signaleurs de la Ledcor devaient rester à leurs postes pendant des quarts de travail atteignant 14 heures sans qu'une relève soit prévue. En supposant qu'en moyenne, le gros des véhicules passaient entre 8 h et 20 h, les signaleurs pouvaient voir passer un véhicule toutes les deux minutes environ. Bien que cela ne représente pas une charge de travail considérable pour les signaleurs, il reste que ceux-ci avaient peu de possibilités de s'occuper de leurs besoins personnels. Des employés qui travaillent dans de telles conditions sont susceptibles de prendre des mesures ponctuelles pour se faire remplacer, ce qui peut compromettre la sécurité, comme on l'a vu dans l'accident à l'étude.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs
- Le conducteur du véhicule s'est dirigé vers le passage à niveau en se fiant aux instructions du signaleur et s'est engagé sur le passage à niveau après que les dispositifs de signalisation étaient activés; le véhicule a été heurté par le train.
- Dans les méthodes qu'ils ont mises en place, le Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) et la Ledcor Communications Ltd. (Ledcor) n'ont pas utilisé toute l'information et tous les moyens de communication disponibles pour exclure les véhicules du chantier de construction avant l'arrivée du train.
- La méthode de contrôle manuel de la circulation routière de la Ledcor et la position occupée par ses signaleurs ont compromis la sécurité des automobilistes qui devaient franchir le passage à niveau.
- Les moyens de protection secondaires offerts par la cloche des dispositifs de signalisation automatique et par le sifflet et la cloche du train ont été rendus inefficaces en raison de la position du signaleur et de la proximité de véhicules automobiles dont le moteur tournait au ralenti.
3.2 Autres faits établis
- La décision du contremaître désigné en vertu de la règle 42, à savoir d'autoriser le train à passer dans la zone de travaux à la vitesse normale en voie, était raisonnable compte tenu de l'expérience passée, de la formation reçue et des instructions en vigueur.
- La sécurité a été réduite du fait que le CFCP a délégué à la Ledcor la responsabilité relative à la protection de la circulation routière.
- Les normes provinciales et fédérales actuellement en vigueur ne font pas mention de la façon dont il faudrait procéder pendant des travaux de construction exécutés à un passage à niveau. Cette situation fait en sorte que les automobilistes sont exposés davantage à des risques.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures prises
4.1.1 Transports Canada et Association des chemins de fer du Canada
Le 28 juillet 1999, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a fait parvenir à Transports Canada un avis de sécurité ferroviaire dans lequel il décrivait les circonstances entourant l'accident et expliquait que les conditions constituaient un risque pour la sécurité des automobilistes au passage à niveau en question. L'avis précisait que Transports Canada pourrait songer à prendre des mesures correctives relativement à la protection des automobilistes pendant les travaux de construction à des passages à niveau ou près de ceux-ci.
Dans sa réponse en date du 18 octobre 1999, Transports Canada a fait savoir qu'il avait les mêmes préoccupations que le BST et a ajouté que son projet de Règlement sur la sécurité des passages à niveau traiterait de la sécurité des véhicules aux passages à niveau. Transports Canada a aussi fait savoir que l'Association des chemins de fer du Canada (ACFC) était à mettre au point des lignes directrices concernant la signalisation manuelle aux passages à niveau.
En janvier 2000, l'ACFC a entrepris la rédaction d'une circulaire intitulée Recommended Practices for Manual Flagging (pratiques recommandées concernant la signalisation manuelle). La circulaire vise à faire en sorte que des procédures et des instructions acceptables soient en place pour permettre aux employés des chemins de fer de s'acquitter des fonctions de signaleur aux passages à niveau lorsqu'ils sont appelés à jouer ce rôle. Les membres de l'ACFC étudient actuellement une ébauche de document. La circulaire insiste sur les responsabilités des employés des chemins de fer et des employés des entrepreneurs qui travaillent pour le compte d'une compagnie ferroviaire, et qui sont appelés à diriger la circulation. Elle vise aussi à assurer la sécurité des trains et des véhicules automobiles lorsque les dispositifs de signalisation automatique ne fonctionnent pas comme ils le devraient ou lorsque des travaux de construction sont exécutés près d'un passage à niveau. Les « principes généraux » précisent que les employés doivent recevoir une formation et posséder les qualifications appropriées et disposer d'un équipement approprié, et que des procédures et des instructions acceptables doivent être établies. La section 3 de l'annexe B de la circulaire traite des travaux de construction prolongés qui rendent nécessaire la fermeture de voies de circulation; cette section précise que le superviseur du chemin de fer doit aviser l'administration routière et qu'il faut déterminer qui sera responsable des fonctions de signalisation manuelle (c'est-à-dire la compagnie ferroviaire, l'administration routière ou un entrepreneur). En outre, cette section précise que le superviseur doit donner des instructions détaillées à l'intention de la ou des personnes qui se chargent des fonctions de signalisation manuelle. On y précise aussi que les procédures doivent être conformes aux exigences provinciales et que le ou les signaleurs doivent recevoir des directives détaillées indiquant les pratiques normalisées ainsi que les directives provinciales qui s'écartent des « normes nationales ».
4.1.2 Ledcor Communications Ltd. et Chemin de fer Canadien Pacifique
Tous les signaleurs de la Ledcor suivent maintenant un cours de formation sur les méthodes de contrôle manuel de la circulation routière et disposent du manuel intitulé Handbook for Construction Traffic Control Persons, publié par l'Association ontaérienne de la sécurité dans la construction.
Le 24 août 1999, la Ledcor et le CFCP ont mis en oeuvre une nouvelle marche à suivre pour le contrôle manuel de la circulation routière aux passages à niveau du CFCP (voir l'annexe A). Cette marche à suivre exige notamment que deux signaleurs additionnels soient postés à 7 m ou moins de la voie ferrée, de part et d'autre de celle-ci, chaque fois que le contremaître désigné par le CFCP en vertu de la règle 42 demande qu'on libère la voie ferrée avant l'arrivée prévue d'un train.
4.2 Préoccupations liées à la sécurité
4.2.1 Risques toujours présents
Le BST enquête actuellement sur un accident similaire qui est survenu près d'Acton (Ontario), à un passage à niveau de la compagnie Goderich & Exeter RailwayFootnote 7. Le 28 septembre 2000, neuf travailleurs et six véhicules étaient postés au passage à niveau en vue des travaux d'installation d'un câble de fibre optique qui allaient commencer. Alors que les dispositifs de signalisation automatique étaient activés, trois personnes ont été mortellement blessées après que leur véhicule s'est engagé sur le passage à niveau et s'est retrouvé sur le passage d'un train.
Comme pour l'enquête sur l'accident à l'étude (Bellamy), l'enquête sur l'accident d'Acton cherche à établir si le conducteur a reçu ou non des messages contradictoires et vise à déterminer la façon dont ces messages ont pu influer sur le comportement du conducteur. Dans cette enquête, le Bureau cherche encore à savoir si des mesures adéquates sont en place pour assurer la sécurité du public voyageur aux passages à niveau qui font l'objet de travaux de construction. Le Bureau craint que les conclusions de l'enquête sur l'accident d'Acton et celles du présent rapport d'accident ne l'amènent à constater que la sécurité des automobilistes continue d'être menacée pendant les travaux de construction à des passages à niveau.
4.2.2 Réduction des risques
Les dangers et les conséquences particulièrement funestes des collisions entre des véhicules automobiles et des trains sont reconnus depuis longtemps. Pour atténuer ces risques, on s'est fié traditionnellement à la protection assurée par les dispositifs de signalisation automatique. Toutefois, quand des travaux de construction sont exécutés à un passage à niveau, il se peut que des conducteurs soient déconcertés par des stimuli contradictoires et ne voient pas les signaux des dispositifs de signalisation automatique comme étant une consigne claire qui les oblige à s'arrêter. Ni le Manual of Uniform Traffic Control Devices de l'Association des transports du Canada, ni la circulaire de l'ACFC, ni la réglementation actuelle de Transports Canada ne traitent de ce risque.
Le Règlement sur la sécurité des passages à niveau proposé par Transports Canada et le manuel qui lui est associé obligeront l'autorité responsable à mettre en place des mesures adéquates de contrôle de la circulation routière afin d'éviter que les travaux de construction ne constituent une menace pour la sécurité des automobilistes aux passages à niveau. Toutefois, ayant constaté que le règlement en question n'est toujours pas en vigueur, le Bureau a présenté récemment la recommandation no R01-05 dans laquelle il insistait sur la nécessité d'accélérer la publication du règlement. De plus, le Bureau craint qu'au moment de l'entrée en vigueur du règlement, une variété de procédures ponctuelles soient déjà établies dans de nombreux chantiers de construction et qu'avec une telle approche fragmentée, il ne soit pas possible de mettre en place des moyens de protection secondaires qui s'ajouteraient aux dispositifs de signalisation automatique de façon à assurer la sécurité pendant les travaux de construction exécutés à des passages à niveau. En l'absence de moyens de protection secondaires efficaces, les automobilistes canadiens pourraient être exposés à des risques.
L'introduction de moyens de protection secondaires n'est pas compliquée en soi, mais elle exigera un effort concerté des gouvernements et de l'industrie. Le Bureau estime que cette initiative pourrait être menée dans le cadre de Direction 2006. Ce programme, commandité par Transports Canada et par l'ACFC, est « . . . le fruit d'un partenariat entre tous les niveaux d'administration publique, les compagnies de chemins de fer, les organismes oeuvrant dans le domaine de la sécurité, les corps de police, les syndicats et les groupes sociaux. Elle a pour but de diminuer de 50 pour cent d'ici l'an 2006 le nombre de collisions aux passages à niveau et d'intrusions sur les emprises »Footnote 8. À cet égard, Direction 2006 a de bonnes chances d'atteindre son objectif, en l'occurrence la réduction du nombre de collisions aux passages à niveau touchés par des travaux de construction.
Compte tenu des initiatives que les gouvernements et l'industrie peuvent prendre dans le cadre de Direction 2006, et en prévision de la mise en oeuvre de la recommandation de sécurité no R01-05, le Bureau a estimé qu'il n'était pas nécessaire de présenter une recommandation additionnelle pour le moment. Toutefois, le Bureau croit que, dans le cadre de Direction 2006, Transports Canada et l'ACFC ont l'occasion d'élaborer un ensemble de normes destinées à assurer la sécurité des automobilistes aux abords des passages à niveau près desquels des travaux de construction sont en cours. Ces normes pourraient faire en sorte qu'on donne aux automobilistes un préavis de l'arrivée des trains ainsi que des instructions claires et sans équivoque lorsqu'il s'agit de les faire arrêter. Quand ces mesures seront bien au point, Direction 2006 pourrait les diffuser auprès de toutes les compagnies ferroviaires du Canada et encourager ces dernières à les appliquer.
Le Bureau demande à Transports Canada et à l'ACFC de l'informer régulièrement des progrès qu'ils réaliseront dans l'élaboration et la mise en oeuvre de ces procédures normalisées.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A— Ledcor Communications Ltd. - Modalités applicables à l'échelle nationale dans le cadre des travaux
[traduction libre]
Contrôle de la circulation routière aux passages à niveau du CFCP :
- Dans les situations où il faut poster des signaleurs aux passages à niveau;
- le panneau de signalisation désigné comme étant le panneau « Ledcor RR » (voir le diagramme ci-joint) doit être placé à au moins 100 pieds (30 m) de la voie ferrée, des deux côtés du passage à niveau,
- le signaleur doit être posté au moins 30 pieds (10 m) plus loin que le panneau de signalisation, des deux côtés du passage à niveau,
- en se conformant à la méthode normale de contrôle de la circulation routière, et si cela peut se faire sans danger (s'il n'y a pas de circulation dans l'autre sens), laisser le véhicule passer en montrant le signal disant de ralentir fixé à une tige de signalisation.
- De plus, dans les situations où l'on doit poster des signaleurs aux passages à niveau, ET où nos équipes sont avisées par le contremaître ferroviaire responsable de la protection (ou le signaleur du chemin de fer) de commencer à dégager la voie en vue du passage d'un train;
- le contremaître ferroviaire responsable de la protection (ou le signaleur du chemin de fer) doit être présent au passage à niveau quand il autorise un train à franchir la zone de travaux;
- deux signaleurs additionnels (« gardes de passage à niveau ») fournis par la Ledcor doivent prendre position à au moins 21 pieds (7 m) de la voie ferrée, des deux côtés du passage à niveau;
- dès que les dispositifs de signalisation du passage à niveau sont activés ou que le contremaître ferroviaire responsable de la protection (ou le signaleur du chemin de fer) a établi un contact visuel avec le train qui approche, le contremaître ordonne aux gardes de passage à niveau de montrer le panneau d'arrêt aux véhicules qui approchent du passage à niveau dans les deux directions;
- dès que le train a dépassé le passage à niveau et qu'on peut le faire sans danger, le contremaître ferroviaire responsable de la protection (ou le signaleur) ordonne aux gardes de passage à niveau d'autoriser les véhicules retenus à franchir le passage à niveau;
- dès que les véhicules retenus ont traversé le passage à niveau et qu'on peut le faire sans danger, le contremaître ferroviaire responsable de la protection (ou le signaleur) avise les gardes de passage à niveau que leurs services ne sont plus nécessaires;
- après avoir été libérés de leur tâche au passage à niveau, les gardes de passage à niveau reprennent leur travail régulier au sein de l'équipe;
- à la reprise des opérations normales, les signaleurs reviennent à leur travail régulier de contrôle de la circulation routière.
Nota : Les gardes de passage à niveau doivent en tout temps être en mesure de communiquer entre eux et avec le contremaître ferroviaire responsable de la protection (ou le signaleur du chemin de fer), avant et pendant le passage d'un train dans la zone de travaux.
Nota : Toutes les autres procédures et tous les autres règlements concernant le contrôle de la circulation routière et la signalisation doivent être conformes aux lignes directrices locales du ministère des Transports.
Nota : Dans la plupart des situations où le passage à niveau est muni de barrières en plus des cloches et des feux, les gardes de passage à niveau ne sont pas nécessaires. La seule exception à cette règle concerne les situations où une voie d'une route est fermée.
Annexe B— Sigles et abréviations
- ACFC
- Association des chemins de fer du Canada
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- CFCP
- Chemin de fer Canadien Pacifique
- HAE
- heure avancée de l'Est
- km
- kilomètre
- km/h
- kilomètre à l'heure
- Ledcor
- Ledcor Communications Ldd.
- LRC
- Léger, Rapide, Confortable
- m
- mètre
- mi/h
- mille à l'heure
- MTO
- ministère des Transports de l'Ontario
- REF
- Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada
- UTC
- temps universel coordonné
- VIA
- VIA Rail Canada Inc.