Rapport d'enquête ferroviaire R00T0067

Déraillement en voie principale
Ontario Northland Railway
Train de marchandises numéro 402
Point milliaire 63,4, subdivision Temagami
Temagami (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 14 mars 2000, 29 wagons du train de marchandises no 402 de l'Ontario Northland Railway roulant vers le sud entre Englehart (Ontario) et North Bay (Ontario) ont déraillé au point milliaire 63,4 de la subdivision Temagami, près de Temagami (Ontario). Parmi les wagons déraillés, il y avait vingt-cinq wagons-citernes contenant de l'acide sulfurique, trois wagons couverts contenant du bois de sciage et un wagon couvert vide.

    Quelque 386 000 litres d'acide sulfurique ont été répandues. Environ 242 000 litres du produit ont été absorbées par le sol environnant et environ 144 000 litres se sont déversées dans le ruisseau Martin, une voie d'eau navigable, dont 35 000 litres ont atteint le lac Hornet. La proportion du produit déversé qui a été récupérée à l'état naturel est nulle. Le taux de mortalité chez les organismes et les poissons du ruisseau Martin et du lac Hornet a été minime. L'accident n'a pas fait de blessé.

    This report is also available in English.

    Renseignements de base

    L'accident

    Le 14 mars 2000 vers 13 h 40, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 1, le train de marchandises no 402 de l'Ontario Northland Railway (ONR) quitte Englehart (Ontario) à destination de North Bay (Ontario), vers le sud. Le train comprend 2 locomotives, 38 wagons-citernes chargés d'acide sulfurique, 11 wagons couverts chargés de bois de sciage, 1 wagon couvert vide et 1 wagon chargé de lingots d'acier. Le train a une longueur d'environ 2 700 pieds et pèse 6 600 tonnes.

    L'équipe de conduite comprend un chef de train et un mécanicien. Ils sont familiers avec les caractéristiques physiques de la subdivision. La vitesse maximale autorisée à cet endroit est de 45 mi/h pour les trains de marchandises et de 50 mi/h pour les trains de voyageurs. Des instructions spéciales de l'ONR limitent à 40 mi/h la vitesse des trains comprenant des wagons chargés d'acide sulfurique.

    Le train no 402 a été constitué en joignant deux trains différents, un provenant de Kidd Creek (Ontario) et un autre de Noranda (Québec). Le personnel mécanique a procédé à des inspections avant le départ et à des essais de freins à Kidd Creek et à Noranda. Un autre essai de freins a été effectué par l'équipe de train lors de la réunion des deux trains à Englehart, au point milliaire 138,5 de la subdivision Temagami, et aucune anomalie n'a été notée.

    Un détecteur de surchauffe de paliers et de roues chaudes et de pièces traînantes placé au point milliaire 80,6 n'a pas enregistré de défectuosité.

    Vers 16 h 10, alors que le train prend un virage à droite au point milliaire 63,4, un freinage d'urgence provenant de la conduite générale est déclenché. Les données du consignateur d'événements indiquent que la vitesse du train est alors de 39 mi/h. Avant le freinage d'urgence, les freins sont complètement desserrés et la manette des gaz est à la position no 1.

    Après avoir pris les mesures d'urgence nécessaires, l'équipe constate que 29 wagons ont déraillé, soit du 13e wagon 41e wagon inclusivement, en partant des locomotives.

    Vingt-cinq wagons-citernes chargés d'acide sulfurique sont en cause dans le déraillement. Douze d'entre eux laissent échapper des quantités variables de produit. Les parois des citernes de quatre wagons se brisent en heurtant des roues, des traverses pivots ou des attelages des wagons déraillés qui les précédaient. Dix wagons laissent fuir du produit par leurs raccords supérieurs endommagés; deux d'entre eux sont aussi perforés. Six des dix wagons subissent des dommages aux disques de sécurité. Cinq wagons placés à l'extrémité sud du lieu de déraillement dévalent le talus à une vitesse presque nulle. Malgré cette extrême lenteur, les raccords supérieurs (surtout l'ensemble disque de sécurité/évent de sécurité) de quatre des cinq wagons se rompent. Certains wagons subissent des dommages aux conduites d'air ou aux couvercles des orifices de chargement.

    La fuite d'acide sulfurique, évaluée à 386 000 litres, est variable, allant d'une quantité minime pour un wagon à un déversement presque total du produit pour d'autres. Environ 2427 000 litres d'acide déversé sont absorbées dans le sol à l'extrémité nord du lieu du déraillement. La majeure partie des 144 000 litres restantes se déversent dans le ruisseau Martin qui coule parallèlement à la voie ferrée à l'extrémité sud du lieu du déraillement. On estime que 35 000 litres d'acide sulfurique déversées dans le ruisseau ont atteint le lac Hornet.

    Figure 1. Extrémité nord du lieu du déraillement
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    Extrémité nord du lieu du déraillement
    Figure 2. Extrémité sud du lieu du déraillement
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    Extrémité sud du lieu du déraillement

    Vingt-trois wagons qui ont déraillé ont été lourdement endommagés. On a conclu, d'après la position des wagons déraillés, que le 17e wagon (UTLX14536) derrière les locomotives avait probablement déraillé le premier et que la rigidité des attelages à double plateau des wagons-citernes avait provoqué le déraillement des quatre wagons précédents, soit les 16e, 15e, 14e et 13e derrière les locomotives. Une inspection des organes de roulement du premier wagon déraillé n'a pas révélé la présence de défauts mécaniques pouvant avoir causé le déraillement. Environ 1 100 pieds de voie ont été détruits.

    Au point milliaire 63,4, la voie principale simple est orientée nord-sud et décrit une courbe de trois degrés sur un terrain plat.

    Dans la courbe, des rails éclissés de 115 livres neufs fabriqués par Aciers Algoma Inc. ont été installés en 1978. On y retrouvait environ 3 000 traverses de catégorie 1 en bois mou et en bois dur mélangées au mille. Les selles étaient à double épaulement, avec quatre crampons par selle. Des anticheminants étaient placés toutes les deux traverses. Des crampons saillants ont été découverts dans la courbe. La surface des rails était sèche. Un graisseur de rail fixe était hors d'usage au point milliaire 63,5. Il y avait environ trois semaines que l'ONR n'avait pas envoyé de camion-graisseur rail-route dans ce secteur.

    Quatorze traverses adjacentes situées à environ 12 pieds au nord du point de déraillement étaient lourdement endommagéesNote de bas de page 2. Les traces d'usure sur les selles ainsi que les trous de crampons élargis ont permis d'évaluer approximativement l'écartement des rails avant le déraillement. L'écartement statique, mesuré en rassemblant ces 14 traverses, montre que l'écartement excessif de la voie a débuté au joint, sur le rail est, à environ 25 pieds au nord du point de déraillement. La mesure extrême était de 57 pouces 7/8, soit 1 pouce 3/8 de plus que l'écartement normal de 56 pouces 1/2. La vitesse maximale autorisée sur une voie dont les rails sont écartés de 57 pouces 7/8 est de 15 mi/h selon la Circulaire sur les méthodes normaliséesNote de bas de page 3 (CMN) 3101 du Canadien National (CN). Les dommages subis par les 7 autres traverses placées entre le point de déraillement et les 14 traverses récupérées étaient trop importants pour qu'il soit possible de mesurer l'écartement de la voie. On pouvait cependant voir, d'après les fragments restants, que les traverses étaient dans un état de détérioration avancée. Des rainures faites par une table de roulement étaient apparentes sur le côté intérieur du rail ouest, au point de départ de la destruction des traverses. Il y avait d'importantes traces d'impact sur l'éclisse intérieure du rail. Une éclisse était rompue sur le rail ouest au point de déraillement. À un joint placé à environ 21 pieds au nord du point de déraillement sur le rail est, une des éclisses était rompue et l'autre était fissuréeNote de bas de page 4. Ces trois éclisses avaient été fabriquées en 1956 (44 ans avant le déraillement). On ne sait pas à quel moment elles avaient été mises en service. Aucune durée de vie utile n'est indiquée pour les éclisses.

    Une tringle d'écartementNote de bas de page 5 a été retrouvée dans les débris. Le personnel chargé de l'entretien de la voie a indiqué que deux tringles d'écartement avaient été installées en mai ou juin 1999 à proximité du lieu du déraillement parce que l'écartement des rails augmentait. Il n'existe pas de document permettant de savoir avec précision où ces tringles ont été installées. L'enquête a révélé que des tringles d'écartement étaient souvent utilisées sur la voie principale de l'ONR pour effectuer des réparations. Il n'existe ni normes ni lignes directrices publiées concernant l'utilisation de tringles d'écartement. Cependant, des principes généralement acceptés en matière d'entretien commandent de ne pas se servir de tringles d'écartement sur la voie principale si ce n'est à titre de mesure d'urgence et pour la plus courte durée possible. Dès que des tringles d'écartement sont tendues de façon à assurer l'écartement correct, la superstructure de la voie dépend de chacune d'entre elles (deux seulement en l'occurrence) pour résister aux efforts latéraux qui s'exercent au point de contact entre le rail et les roues. Lorsque la ou les tringles d'écartement ne sont plus capables de résister aux efforts latéraux, il y a perte de l'écartement.

    Inspection et entretien de la voie

    Formation et qualifications

    Depuis les années 1970, l'ONR donne une formation en bonne et due forme à des superviseurs de la voie, à des contremaîtres d'équipe surnuméraire, à des contremaîtres d'entretien de la voie et à des préposés à l'entretien de la voie. À l'origine, cette formation était donnée dans le cadre d'un programme de perfectionnement interne, mais récemment on a commencé à faire appel à des consultants. Un préposé à l'entretien de la voie compétent doit avoir bénéficié d'une formation sur le tas et avoir suivi des cours théoriques au cours de ses deux premières années de service. Pour agir comme contremaître d'entretien de la voie de relève, l'employé doit avoir suivi le cours de préposé à l'entretien de la voie et posséder une connaissance suffisante du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF). Pour occuper un poste de contremaître permanent, l'employé doit suivre le cours régulier de contremaître de la voie dans un délai d'un an. Des cours de recyclage sont offerts occasionnellement aux contremaîtres; par exemple, les contremaîtres d'entretien de la voie qui ont été formés avant 1993 ont bénéficié d'un cours de recyclage en 1997. Pour occuper le poste de superviseur de la voie, il faut avoir suivi le cours de contremaître de la voie et posséder au moins cinq ans d'expérience des chemins de fer. Le départ d'un grand nombre de superviseurs de la voie en 1990 a entraîné la mise sur pied d'un programme de formation interne pour leur trouver des remplaçants. En 1996, tous les superviseurs de la voie en poste ont bénéficié d'un recyclage.

    Tous les employés qui avaient suivi le cours de contremaître de la voie ont été considérés comme aptes à occuper le poste d'inspecteur de la voie.

    Personnel

    L'effectif affecté à l'entretien de la voie entre North Bay et Temagami a diminué, passant de 33 personnes en 1988 à 14 en 2000. Cette diminution a été principalement entraînée par la mécanisation des travaux de voie. Le nombre de superviseurs de la voie et de contremaîtres de la voie expérimentés et compétents a aussi beaucoup diminué depuis 1996, en raison du grand nombre de départs à la retraite. La subdivision Temagami avait un roulement rapide de personnel, en partie à cause de la difficulté de trouver des personnes désireuses de venir s'établir en permanence dans cette région éloignée.

    L'équipe chargée du tronçon situé entre le point milliaire 42 et le point milliaire 76 (section Temagami) était constituée d'un superviseur de la voie, d'un contremaître de la voie, de deux préposés à l'entretien de la voie et d'un chauffeur de camion. En temps normal, c'est le superviseur de la voie qui procédait aux inspections de la voie. S'il n'y avait pas de superviseur de la voie, les inspections de la voie étaient faites par des contremaîtres de la voie ou des préposés à l'entretien de la voie. Sur ce tronçon de voie, la responsabilité de l'inspection de la voie a été transférée 11 fois pendant la période de 15 mois comprise entre janvier 1999 et mars 2000. Le superviseur de la voie régulier était à l'extérieur de ce territoire pendant environ 50 p. 100 du temps au cours de cette période, parce qu'il s'était proposé et avait été accepté pour faire partie d'équipes de travail. Pendant son absence, ses tâches d'inspection de la voie ont été attribuées à trois superviseurs de la voie de relève (dont un n'avait pas reçu la formation de superviseur de la voie). Au cours de la même période de 15 mois, la responsabilité de l'entretien de la voie a aussi été transférée à 11 reprises. Le contremaître attitré responsable de l'entretien était présent pendant environ 1,5 mois. Il n'a été remplacé par des contremaîtres dûment formés que pendant huit mois à peine; le reste du temps, ses tâches étaient remplies par des préposés à l'entretien de la voie qui n'avaient pas suivi le cours de contremaître de la voie.

    Inspections de la voie

    La voie avait été inspectée le 14 mars 2000, le jour du déraillement, vers 10 h, par un contremaître d'entretien de la voie à bord d'un véhicule rail-route. Il n'avait noté aucune défaillance. La voie principale de la subdivision Temagami est normalement inspectée visuellement trois fois par semaine, ce qui excède les exigences du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) de Transports Canada. Le RSV exige que la voie soit inspectée deux fois par semaine et qu'il y ait au moins deux jours civils entre les inspections.

    Le dernier contrôle de l'état géométrique de la voie avant l'accident remontait au 10 novembre 1999. Les résultats indiquaient la présence d'un surécartement de 3/4 de pouce au point milliaire 63,4, à proximité du point de déraillement. Un contrôle antérieur effectué le 15 juin 1999 montrait un surécartement de 11/16 de pouce. Dans les circonstances, l'état de la voie ne justifiait pas un ordre de limitation de vitesse temporaire et la compagnie n'a pas émis d'ordre de limitation de vitesse. Des parcours de contrôle effectués le 12 mai 1998 et le 5 octobre 1998 n'ont pas décelé de surécartement supérieur au seuil fixé de 1/2 pouce.

    Les rails ont été vérifiés au moyen d'une voiture de détection des défauts de rails le 23 novembre 1999 mais aucun défaut n'a été relevé dans le secteur du déraillement.

    L'ONR a un programme d'inspection annuelle des traverses qui prévoit des inspections visuelles. Les traverses en bois imprégné sous pression semblent parfois saines, mais il est difficile d'évaluer l'état du bois sous la surface.

    Avant le déraillement, l'ONR avait prévu un essai de mesure de l'écartement des voies sous charge en avril 2000 afin de vérifier l'intégrité de sa voie principale. Le système de mesure de l'écartement des voies sous charge mesure la résistance de la voie en lui appliquant des charges verticales et latérales non destructrices. La mise au point du système de mesure de l'écartement des voies sous charge a débuté il y a plusieurs années et le système s'est révélé un moyen efficace de déterminer la résistance de la voie et l'état des traverses. L'essai de mesure de l'écartement des voies sous charge a été mené peu après le déraillement. L'ONR s'est servi des résultats pour identifier les tronçons dangereusement faibles de la voie et a depuis pris des mesures correctives pour remplacer les traverses défectueuses le cas échéant. L'ONR projette aussi d'utiliser les résultats pour la planification de futurs programmes de renouvellement des traverses. Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de critères ou de normes établis concernant l'utilisation et l'interprétation des résultats d'essai.

    Certaines conditions, comme la présence de petites fissures de fatigue dans les éclisses, sont impossibles à déceler par les méthodes d'inspection actuellement utilisées dans l'industrie.

    Programmes de renouvellement des traverses

    Au début des années 1980, l'ONR procédait au renouvellement de ses traverses selon un cycle de cinq ans. Des programmes de remplacement de traverses ont été reportés ou annulés entre 1991 et 1993. Depuis quelques années, on a dérogé aux cycles originels et seuls des tronçons prioritaires du réseau ont été couverts. En 1995, 16 600 traverses ont été posées sur la subdivision Temagami entre le point milliaire 82 et le point milliaire 138. En 1999, 19 000 traverses de catégorie 1 en bois dur et en bois mou devaient être remplacées. À cause d'un problème d'approvisionnement, 8 000 traverses neuves seulement ont été posées. En l'an 2000, la pose des 11 000 traverses différée en 1999 et un renouvellement ponctuel à certains endroits étaient prévus entre les points milliaires 82 et 138. De plus, la pose de 14 500 traverses était prévue entre North Bay, au point milliaire 0,0 d'une part, et le point milliaire 82 d'autre part.

    La voie dans la courbe au point milliaire 63,4 avait été dégarnie en 1998. Dans le processus de dégarnissage, on enlève le ballast pollué sous la voie alors que celle-ci est maintenue suspendue pour remplacer le ballast par du ballast propre. La voie est ensuite renivelée et réalignée. Pendant le processus, seules les traverses qui sont tombées, entraînées par leur propre poids, ont été remplacées. Aucune autre évaluation des traverses n'a été faite.

    Résistance de la voie — Analyse en simulation

    Le BST a retenu les services de la Rail Sciences Inc. (RSI) d'Atlanta, en Géorgie, États-Unis, afin de calculer les efforts latéraux qui ont pu être imposés aux rails au point de déraillement. La RSI a procédé à une analyse en simulation, en se servant du programme de simulation NUCARS de l'Association of American Railroads (AAR). Le modèle de simulation était basé sur un wagon-citerne de 44 pieds chargé, analogue aux wagons-citernes en cause dans cet accident. Des données réelles concernant la voie et l'équipement ont été intégrées au modèle dans la mesure du possible. Les enquêteurs du BST qui se sont penchés sur la méthodologie de simulation estiment que, même si celle-ci obligeait la RSI à poser un certain nombre d'hypothèses, les conclusions tirées de la simulation demeurent valides.

    Diverses combinaisons d'état mécanique et d'état de la voie ont été simulées. Trois scénarios ont été mis en scène :

    • un scénario nominal, fondé sur des conditions d'exploitation typiques,
    • un scénario probable, intégrant des pièces usées,
    • un scénario du pire, intégrant des conditions défavorables excédant le champ des possibilités à cet endroit.

    La RSI a conclu, à la lumière des résultats de la simulation, que même les conditions prises en compte dans le scénario du pireNote de bas de page 6 n'auraient pu causer ce déraillement. Une voie d'une résistance nominale serait en mesure de résister aux contraintes latérales supplémentaires causées par cet équipement. L'analyse dynamique a abouti aux conclusions suivantes :

    • Les résultats de la simulation à l'aide du programme NUCARS indiquent qu'une charge de 10 000 livres s'exerçait latéralement sur le rail de la file haute, avec des conditions mécaniques correspondant au scénario du pire, alors que cette charge latérale diminuait à 5 000 livres avec des conditions mécaniques modérées. Même s'il a été impossible de mesurer la résistance réelle de la voie dans la courbe de trois degrés, la RSI a mesuré les capacités portantes d'autres superstructures de la voie dans leur état nominal. Ces mesures indiquent que ces efforts ne sont pas suffisants pour accroître l'écartement de la voie lorsque celle-ci est dans son état nominal.
    • Le déraillement a été causé par une superstructure de la voie trop faible pour résister à des contraintes latérales créées par les roues que ses caractéristiques nominales auraient dû lui permettre de supporter.
    • Un graissage insuffisant dans le secteur du déraillement a accru les efforts latéraux s'exerçant sur le rail.

    Laboratoire technique du BST

    Le Laboratoire technique du BST a analysé les ruptures des éclisses et a procédé à une évaluation qualitative de l'état des traverses au point de déraillementNote de bas de page 7. Il a tiré les conclusions suivantes :

    • La ténacité des éclisses d'origine correspondait environ au tiers de celle de l'éclisse témoin neuve.
    • Les ruptures et les fissures observées dans les éclisses d'origine sont nées d'une fissuration par fatigue préexistante.
    • Des 10 traverses découpées pour les besoins de l'analyse, 2 étaient saines vis-à-vis des selles et les autres étaient lourdement affaiblies par des fissures et de la pourriture sèche.

    Conditions météorologiques

    Au moment du déraillement, la température était de un degré Celsius et il y avait des averses de neige.

    Mesures d'intervention d'urgence

    Tout de suite après le déraillement, l'équipe du train a communiqué avec le centre de contrôle de la circulation ferroviaire. Le centre de contrôle de la circulation ferroviaire a alors appliqué ses consignes en cas de situation d'urgence mettant en cause des marchandises dangereuses. Vers 16 h 15, le personnel compétent de l'ONR avait été rejoint et le plan d'urgence de l'ONR était mis en oeuvre.

    L'ONR a immédiatement informé les premiers intervenants, les organismes fédéraux et provinciaux et le destinataire des marchandises dangereuses. Le chef de train avait en main des Fiches de sécurité qu'ont pu consulter les premiers intervenants. La première priorité de l'ONR, pendant toutes les opérations suivant l'accident, a été d'assurer la sécurité et d'atténuer les effets du déversement d'acide sulfurique. Des équipes d'intervention d'urgence de la Noranda Inc. et de la Falconbridge Inc., les expéditeurs de l'acide sulfurique, ont appliqué les plans de mesures d'urgence en place.

    L'ONR a établi son poste de commandement à l'hôtel de ville de Temagami, à quelque 15 km du lieu du déraillement. Sur le lieu du déraillement, on a créé un périmètre de sécurité autour des wagons déraillés, périmètre qui englobait la zone contaminée par l'acide sulfurique répandu. L'entrée du site était contrôlé par des agents de sécurité au point d'entrée par la route, lequel se trouvait à environ 6 km. L'accès au site était contrôlé par des responsables de l'ONR.

    À cause des restrictions touchant l'accès au site, les opérations de confinement de l'acide déversé ont débuté tôt le 15 mars 2000. Un vaste programme de surveillance a été mis en place sur les lieux ainsi qu'à divers endroits en aval.

    Pour obtenir de l'aide afin de faire face au déversement d'acide sulfurique, l'ONR a fait appel à plusieurs compagnies de l'extérieur, notamment des consultants, des coordonnateurs et des spécialistes de la dépollution et de la biorestauration. De plus, la compagnie s'est assuré de bénéficier d'une assistance technique externe pour tous les aspects liés au génie civil, notamment la stabilité de la voie. Le cours d'eau navigable adjacent à la voie ferrée, à environ un mille en aval, a été fermé et un système de siphon a été installé pour empêcher l'acide sulfurique d'atteindre le lac Hornet. Les autorités provinciales ont averti les résidants de ne pas utiliser l'eau du lac ni l'eau de leurs puits jusqu'à ce que la contamination ait été neutralisée. L'ONR a placé de la pierre à chaux broyée dans les zones où l'acide renversé s'accumulait, afin de contenir et neutraliser le produit répandu. Le reste de l'acide déversé des wagons déraillés a été transbordé sur d'autres wagons les jours suivants. La neutralisation de l'acide sulfurique déversé dans les voies navigables s'est achevée à la fin de juillet 2000. De la pierre à chaux, du carbonate de sodium et de la soude caustique ont été utilisés pour neutraliser l'acide sulfurique.

    L'ONR avait organisé régulièrement des séances de formation aux mesures d'intervention d'urgence, avait participé à des exercices de mise en oeuvre des procédures d'urgence de la région et avait pris contact avec différents premiers intervenants de l'endroit afin de discuter du transport des marchandises dangereuses.

    Acide sulfurique

    L'acide sulfurique est la quatrième marchandise dangereuse la plus souvent transportée en Amérique du Nord, devancée uniquement par le gaz de pétrole, la soude caustique et le soufre liquide.

    L'acide sulfurique est un liquide visqueux tantôt incolore, tantôt ambré qui est ordinairement expédié sous des concentrations de 93 à 98 p. 100. La densité de l'acide est d'environ 1,84 à 15 degrés Celsius, soit près de deux fois celle de l'eau. La concentration maximale admissible d'acide sulfurique sous forme de brouillard est de 1 mg/m3 d'air. L'acide sulfurique est considéré comme représentant un risque grave pour la santé en cas de contact du corps avec le liquide ou d'inhalation du brouillard. Il est extrêmement irritant, corrosif et toxique au contact, provoque la destruction rapide du tissu qu'il touche et cause de graves brûlures. Lorsqu'il vient en contact avec une partie importante de l'épiderme, il provoque un état de choc, un collapsus et des symptômes apparentés à ceux qui accompagnent des brûlures sévères.

    L'acide sulfurique est classé comme « corrosif » pour le transport et il est expédié sous le numéro d'identification UN 1830. La distribution primaire de l'acide sulfurique en vrac à partir du point de fabrication se fait par chemin de fer. Lors du transport par chemin de fer, le produit est habituellement chargé en vrac dans des wagons-citernes conformes à la spécification 111A100W2.

    Même si une certaine quantité d'acide sulfurique s'est mélangée avec l'eau, une partie a été entraînée dans le cours d'eau et s'est déposée dans des poches profondes du lac. Cette sédimentation a permis aux spécialistes environnementaux de surveiller continuellement la masse et le titre de l'acide, et de limiter l'impact sur l'environnement.

    Wagons-citernes de spécification 111

    Les wagons-citernes construits selon la spécification 111 sont destinés au transport de produits qui sont liquides, dans des conditions normales. L'espace vapeur de la citerne est à la pression atmosphérique ou à une pression légèrement plus élevée uniquement. La majeure partie du parc de wagons-citernes de spécification 111 d'Amérique du Nord est constituée de wagons-citernes tous usages, ce qui signifie que leur construction autorise le transport d'une grande variété de marchandises dangereuses ou de marchandises diverses. Les données de 1999 indiquent qu'environ 189 000 wagons-citernes de spécification 111 étaient en service en Amérique du Nord. Selon les données de 1993, quelque 64 000 wagons-citernes étaient employés pour le transport de marchandises dangereuses. En se fondant sur les données recueillies entre 1965 et 1986, l'AAR en est venue à la conclusion que la défaillance des raccords supérieurs était la principale cause de déversement accidentel de marchandises dangereuses.

    Afin de transporter de l'acide sulfurique, on se sert de wagons-citernes spéciaux à cause de la densité élevée du produit. Un wagon-citerne typique employé pour le transport d'acide sulfurique a environ 45 pieds de long et un poids à vide d'environ 27 tonnes. Le volume de la citerne est habituellement d'à peu près 50 000 litres, ce qui donne un poids d'environ 130 tonnes en pleine charge. Les wagons-citernes de spécification 111 utilisés pour le transport d'acide sulfurique ne sont pas autorisés à avoir de robinets de déchargement par le bas, à moins qu'ils ne fassent partie d'un train-bloc constitué exclusivement de wagons d'acide sulfurique. Les wagons munis de robinets de déchargement par le bas ont des plaques de protection destinées à prévenir le cisaillement en cas d'accident. Les robinets de déchargement par le bas peuvent aussi être encastrés dans la paroi de la citerne. Cependant, sur les wagons-citernes du modèle de ceux qui ont été en cause dans le déraillement à l'étude, les raccords supérieurs ne sont pas protégés contre le cisaillement en cas de renversement du wagon.

    Au sommet d'un wagon-citerne d'acide sulfurique typique, on retrouve un orifice de remplissage qui a ordinairement environ huit pouces de diamètre, un orifice de vidange d'environ deux pouces de diamètre, un raccord à air comprimé et un robinet qui a ordinairement un pouce de diamètre et contient un disque de sécurité. Le disque de sécurité couvre l'orifice de l'évent de sécurité. L'évent de sécurité est un dispositif destiné à évacuer l'excès de pression de l'intérieur de la citerne, mais il ne se referme pas après qu'il est rompu. Contrairement à de nombreux wagons-citernes tous usages de spécification 111 qui sont munis de soupapes de sécurité qui se referment après avoir libéré une pression excessive, les wagons-citernes utilisés pour le transport d'acide sulfurique sont équipés de disques de sécurité. Les disques de sécurité sont préférables aux soupapes de sécurité lorsque l'appareillage est exposé au contact avec des produits corrosifs comme de l'acide. La figure 3 montre un ensemble typique de raccords sur le dessus d'un wagon-citerne d'acide sulfurique. Il est à remarquer que les raccords supérieurs n'étaient pas protégés sur aucun des wagons-citernes qui ont déraillé. La figure 4 montre la citerne avec les raccords supérieurs brisés. Les wagons-citernes loués par la Noranda Inc. sont munis d'amortisseurs hydrauliques qui réduisent le risque de rupture du disque de sécurité en diminuant le ballottement de l'acide liquide.

    Figure 3. Ensemble typique de raccords supérieurs sur un wagon-citerne de spécification 111
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    Description
    Figure 4. Raccords supérieurs brisés dans le déraillement
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    Raccords supérieurs brisés dans le déraillement

    Les wagons-citernes utilisés pour le transport de marchandises dangereuses au Canada doivent être conformes aux normes de l'Office des normes générales du Canada. Parmi ces normes, on retrouve une exigence voulant que certains wagons soient munis de capots de protectionNote de bas de page 8. Transports Canada ne considère pas que ces exigences s'appliquent aux wagons-citernes de spécification 111A utilisés pour le transport d'acide sulfurique, y compris les wagons en cause dans l'accident, puisque ces wagons n'ont habituellement pas de soupapes ou de raccords. De toute façon, ces exigences relativement au capot de protection visent à prévenir le vandalisme des wagons munis de soupapes ou de raccords pour le chargement et le déchargement du contenu de ces wagons et ne servent pas à protéger les wagons en cas de renversement.

    L'épaisseur minimale prescrite du capot de protection des raccords supérieurs est de 1/8 de pouce pour les wagons-citernes de spécification 111. Sur tous les wagons pressurisés construits de spécifications 105 ou 112, les capots de protection doivent avoir des parois d'une épaisseur minimale de 3/4 de pouce sur les côtés et de 1/4 de pouce sur le dessus.

    Les données du BST indiquent que plus de 60 p. 100 de tous les types de déversement de produits consécutifs à un accident par des wagons-citernes de spécification 111 provenaient de raccords supérieurs endommagés. Les enquêtes citées ci-après ont mis en évidence la écessité d'une protection additionnelle en cas de renversement du wagon afin de réduire les risques de déversement de marchandises dangereuses :

    • Rapport R92D00111 du BST — Seize wagons ont déraillé au point milliaire 30,4 de la subdivision Kingston à Les Cèdres (Québec). Cinq de ces wagons contenaient du gaz de pétrole liquéfié. Un des wagons a subi des forces de choc qui ont endommagé un robinet de sortie de vapeur et causé une fuite de produit. Transports Canada a avisé le Bureau qu'il allait s'adresser directement au comité des wagons-citernes de l'AAR concernant la protection des soupapes. Le Bureau note dans son rapport :
      • Transports Canada continue d'étudier la question de la protection des robinets des wagons-citernes en échangeant de l'information avec le comité sur les wagons-citernes de l'Association of American Railroads et a initié des recherches pour réduire les conséquences négatives des fuites de marchandises dangereuses. Il promouvoit aussi les améliorations à l'intégrité des citernes, entre autres les améliorations à la conception des wagons-citernes.
      En 1994, Transports Canada, au sujet du rapport précité, a avisé le Bureau que :
      • ... le Ministère a pris des mesures destinées à réduire les conséquences négatives des accidents mettant en cause des matières dangereuses. Nos efforts sont donc axés surtout vers la prévention des rejets, grâce notamment à des citernes mieux conçues, et non vers l'atténuation des conséquences néfastes des rejets de marchandises dangereuses, contrairement à ce qu'indique votre rapport.
    • Rapport R94C0137 du BST — Six wagons-citernes de spécification 111 chargés de méthanol ont déraillé au point milliaire 108,05 de la subdivision Taber dans la ville de Lethbridge (Alberta). Quatre des wagons ont laissé échapper quelque 230 700 litres de produit, ce qui a forcé l'évacuation d'un secteur de 20 pâtés de maison de la ville. Il n'y a pas eu de blessés.

      Le Bureau était préoccupé par le fait que certains types de marchandises dangereuses étaient encore transportées dans des wagons-citernes de spécification 111, répondant à des normes minimales, ce qui risquait de mettre en danger des personnes ainsi que l'environnement immédiat dans l'éventualité d'un accident. Le Bureau était d'avis que ces risques pourraient être atténués en réduisant la probabilité de déversement grâce à des améliorations techniques destinées à protéger les wagons, surtout les raccords supérieurs, ou encore en limitant les types de produits pouvant être transportés. C'est dans cette optique que le Bureau a fait la recommandation R96-13 demandant que :
      • Le ministère des Transports prenne immédiatement les mesures qui s'imposent pour réduire davantage la possibilité d'un déversement accidentel des archandises dangereuses les plus toxiques et les plus volatiles qui sont transportées dans les wagons-citernes de catégorie 111A — par exemple, exiger que la conception des wagons-citernes soit modifiée afin d'améliorer leur intégrité structurale lors d'accidents ou limiter davantage les produits qui peuvent être transportés dans ces wagons.
      En février 1997, Transports Canada a annoncé qu'il interdisait le transport, dans des wagons-citernes de spécification 111, de produits chimiques répondant aux critères du groupe d'emballage I de la catégorie 6 (Substances toxiques) du Règlement sur le transport de marchandises dangereuses. Transports Canada a aussi fait savoir qu'il était en train de se pencher sur des milliers d'autres marchandises dangereuses transportées afin de les classer selon les caractéristiques nuisibles et de mettre à jour la liste de marchandises dont le transport dans des wagons-citernes de spécification 111 est interdit. L'expédition d'acide sulfurique n'a pas été restreinte.
    • Rapport R95D0016 du BST — Vingt-huit wagons-citernes de spécification 111 chargés d'acide sulfurique ont déraillé au point milliaire 82,2 de la subdivision La Tuque près de Gouin (Québec). Quelque 230 000 litres d'acide sulfurique ont été déversées, ce qui a causé des dommages à l'environnement, et sur tous les wagons sauf un, le déversement a été causé par des raccords supérieurs endommagés.

    Questions environnementales

    Les trains de l'ONR circulent sur des terres de la Couronne qu'on désigne sous le nom de Temagami Comprehensive Planning Area (région de planification intégrée de Terragami). Le gouvernement de l'Ontario a divisé ce territoire en quatre types de zones selon l'utilisation des sols : des zones protégées, des zones de gestion spéciales, des zones de gestion intégrée et des zones bâties. De plus, la région englobe sept parc provinciaux. Le déraillement est survenu dans la zone de gestion intégrée de Jumping Caribou Lake.

    Des représentants du ministère des Ressources naturelles (MRN) de l'Ontario se sont rendus sur le lieu du déraillement; ils ont servi de personnes-ressources pour l'ONR et ses conseillers environnementaux, fournissant à pied d'oeuvre de l'information tactique et stratégique utile dans la phase de confinement, notamment concernant les débits d'eau et les affluents, de même que l'impact du déversement sur les usagers du lac et les espèces y vivant. Dans de tels accidents, le MRN exerce aussi une surveillance sur toutes les activités à court et à long terme pour s'assurer que sa législation et ses directives sont respectées. Aucune dérogation n'a été notée.

    Le MRN, le ministère des Pêches et des Océans et l'ONR collaborent à l'exécution d'un plan d'évaluation des impacts et de biorestauration.

    Le ministère de l'Environnement de l'Ontario, par l'entremise de sa Division des opérations, administre les programmes d'approbation et de délivrance de permis, de même qu'un programme d'enquête et d'exécution afin d'assurer le respect de la législation environnementale. La Direction des enquêtes et de l'application des lois est chargée de faire respecter au nom du ministère la législation environnementale. Le principal rôle du ministère en cas de déversement est de s'assurer que le ou les responsables du déversement prennent des mesures de confinement et s'occupent de dépolluer les lieux conformément à ses directives.

    Des représentants du ministère de l'Environnement se sont rendus sur le lieu de l'accident pour surveiller les opérations de confinement et de dépollution, évaluer les conséquences du déversement et discuter des mesures à prendre avec l'ONR et ses conseillers environnementaux. Le ministère de l'Environnement continuera de surveiller la dépollution des lieux. Aucune dérogation aux directives n'a été notée.

    Des agents des opérations d'urgence d'Environnement Canada étaient présents après le déraillement pendant les premiers stades de la mise en oeuvre des mesures d'intervention d'urgence. Leur rôle était d'exercer une surveillance et d'offrir des conseils sur des questions environnementales, notamment en ce qui concerne les exigences de la Loi sur les pêches touchant la protection de l'habitat du poisson et la prévention de la pollution.

    Environ un mois après le déraillement, un volume d'eau estimé à 230 000 m3 au fond du lac Hornet avait un pHNote de bas de page 9 de 2,5. Pour neutraliser l'acidité, il a fallu pomper l'eau au fond du lac, y ajouter un lait de chaux (hydroxyde de calcium) et renvoyer l'eau ainsi traitée au fond du lac. Le traitement produit du sulfate de calcium (gypse), un minerai naturel présent partout dans le sud de l'Ontario. On estime qu'il a fallu 40 jours de traitement, 24 heures sur 24, pour neutraliser complètement l'acidité de l'eau. Les cours d'eau en aval n'ont pas été touchés par le déversement.

    Une étude préliminaire de la biote aquatiqueNote de bas de page 10 a été faite entre le 4 et le 7 avril 2000 afin de déterminer les effets immédiats et à court terme du déversement d'acide sulfurique. Les résultats ont révélé une mortalité partielle du benthosNote de bas de page 11 et des poissons dans les environs immédiats du lieu du déraillement (ruisseau Martin) ainsi que des conséquences analogues mais sur une plus petite échelle au lac Hornet; l'étude n'a cependant pas décelé de trace de répercussions biologiques en aval du lac Hornet.

    Les responsables environnementaux ont conclu, dans leur évaluation globale, que le confinement des marchandises dangereuses et la dépollution du lieu du déraillement ont été faits de manière satisfaisante, compte tenu de l'ampleur du déversement, du produit chimique en cause et du lieu où le déraillement s'est produit. La méthode de traitement de l'eau choisie par l'ONR est considérée par Énergie, Mines et Ressources Canada comme la meilleure technologie disponible. Le MRN et le ministère de l'Environnement ont examiné le programme.

    Commission de transport Ontario Northland

    L'ONR est exploité par la Commission de transport Ontario Northland (CTON). La CTON est un organisme de l'annexe II de la province d'Ontario, c'est-à-dire un organisme de développement qui travaille à assurer une croissance économique durable dans le nord de l'Ontario. La CTON met en place et exploite des réseaux de transport et de communication dans la région, et fournit des services, notamment en vertu du mandat donné par la province. La CTON, dont le siège administratif se trouve à North Bay, compte environ 1 060 employés à plein temps.

    L'ONR assure le transport de marchandises sur un réseau ferroviaire de 700 milles dans le nord-est de l'Ontario et le nord-ouest du Québec. L'ONR exploite aussi des trains de voyageurs entre Toronto et Moosonee (Ontario). Son atelier de North Bay exécute divers travaux en sous-traitance pour une clientèle externe, y compris la remise à neuf, la réparation et la révision de matériel roulant.

    L'ONR est régi par la Loi sur la Commission de transport Ontario Northland, L.R.O. (1990), chapitre 0.32. La CTON relève du ministère du Développement du Nord et des Mines de l'Ontario. La Loi sur la Commission de transport Ontario Northland accorde des pouvoirs très étendus à la CTON concernant tous les aspects de l'exploitation de l'ONR.

    La CTON est tenue, en vertu de la Loi sur la Commission de transport Ontario Northland, de faire rapport annuellement au lieutenant gouverneur en conseil ainsi que de présenter le rapport à l'assemblée législative de l'Ontario. Le rapport en question englobe les rapports du vérificateur provincial, dresse un portrait des activités de la CTON pour l'année financière et contient toute information que la CTON estime être d'intérêt public ou qu'exige le lieutenant gouverneur en conseil.

    La Loi sur la Commission de transport Ontario Northland ne prévoit pas de règlements de sécurité comme tels. La direction de l'ONR part du principe que les prescriptions relatives à la sécurité des opérations devraient être contenues dans un règlement fédéral ou être décidées à un niveau supérieur. En conséquence, l'ONR a adopté les critères de sécurité suivants :

    • Normes et caractéristiques des voies ferrées : L'ONR se guide sur les Circulaires sur les méthodes normalisées et les pratiques recommandées du CN ainsi que sur le RSV de Transports Canada pour l'entretien de la voie.
    • Instructions générales d'exploitation : Les Instructions générales d'exploitation de l'ONR sont comparables à celles du CN et du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP), les deux principales compagnies ferroviaires du Canada. L'ONR a adopté le REF et s'y conforme, et la compagnie respecte le règlement régissant le transport de marchandises dangereuses, lequel est réglementé par Transports Canada.
    • Équipement et mécanique : L'ONR se conforme au Règlement concernant les normes minimales de sécurité et d'inspection des wagons marchandises de Transports Canada et est accréditée par l'AAR pour exécuter des travaux d'entretien et de réparation pour les compagnies ferroviaires du Canada et des États-Unis.
    • Protocole d'évaluation : L'ONR passe en revue tous les deux ans le Protocole d'évaluation des transporteurs ferroviaires canadiens et en envoie des exemplaires à ses expéditeurs d'acide sulfurique. L'ONR rencontre également ses expéditeurs régulièrement pour examiner le protocole d'évaluation. La dernière fois que l'ONR s'était servi du protocole d'évaluation avant l'accident à l'étude remontait à juin 1999. L'Association canadienne des fabricants de produits chimiques (ACFPC) représente 75 entreprises de fabrication de produits chimiques exploitant plus de 200 usines en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec, lesquelles produisent collectivement plus de 90 p. 100 de tous les produits chimiques fabriqués au Canada. L'ACFPC est également à l'origine de l'initiative de gestion responsable, un effort global destiné à répondre aux inquiétudes exprimées par la population concernant la fabrication, la distribution, l'utilisation et l'élimination des produits chimiques. Le Protocole d'évaluation des transporteurs ferroviaires canadiens est un effort conjoint de l'ACFPC et de l'Association des chemins de fer du Canada en vue d'aider les expéditeurs et les transporteurs à évaluer et à améliorer la sécurité des produits chimiques expédiés par chemin de fer. Le protocole d'évaluation se divise en neuf sections : information générale; administration/gestion; sécurité, santé et protection de l'environnement; conformité avec les politiques dans les régions métropolitaines de recensement; opérations ferroviaires; déclaration des incidents et des accidents; mécanique et ingénierie; qualité; aspects financiers et sécurité.

    Analyse

    Un état de surécartement qu'avaient décelé les programmes d'inspection des voies ferrées n'a fait l'objet que de réparations temporaires pendant environ 10 mois. Les mesures temporaires prises pour empêcher l'écartement des rails d'augmenter (installation de tringles d'écartement) ont masqué l'écartement et la détérioration progressive de la superstructure de la voie. Des quantités importantes d'acide sulfurique ont été déversées de wagons d'un type que le BST avait déjà identifié comme inadéquat pour le transport en toute sécurité de marchandises dangereuses comme l'acide sulfurique. L'analyse portera principalement sur l'état de la voie, les méthodes d'inspection et d'entretien, l'utilisation de wagons-citernes de spécification 111 pour transporter de l'acide sulfurique et certaines considérations touchant l'organisation et la gestion.

    La voie

    Le surécartement

    Le problème de surécartement des rails a été identifié dans ce secteur, comme en témoigne l'installation de tringles d'écartement à l'été 1999. Les tringles d'écartement ne devaient constituer qu'une mesure temporaire, car il était prévu qu'une équipe d'entretien allait corriger le problème dans ce secteur plus tard au cours de l'été. Cependant, ces travaux n'ont pas été exécutés et, en l'absence d'un plan en bonne et due forme, aucune autre mesure (p. ex., ordre de limitation de vitesse, inspections supplémentaires, remplacements ponctuels de traverses) n'a été prise.

    Peu après l'installation des tringles d'écartement, une voiture de contrôle de l'état géométrique de la voie a vérifié ce secteur. Aucune situation de surécartement excessif n'a été décelée lors de l'analyse des résultats. Cela a contribué à donner faussement l'impression que l'écartement des rails était adéquat. Cependant, comme les traverses ont continué de se détériorer au cours des neuf mois suivants, la charge s'exerçant sur les tringles d'écartement a augmenté et la résistance générale de la voie a diminué. Cette condition n'a pas été décelée. Les charges latérales imposées aux tringles d'écartement ont fini par excéder la résistance de celles-ci, qui ne suffisaient alors plus à maintenir l'écartement des rails.

    Le fait qu'au sein de la compagnie ferroviaire, on ait été généralement d'avis que le personnel d'entretien de la voie comprendrait les limites inhérentes à l'utilisation de tringles d'écartement malgré l'absence de notices techniques officielles touchant leur utilisation montre qu'un examen de la question s'impose.

    Programme d'inspection des traverses

    L'inspection visuelle des traverses ne permet pas d'en évaluer précisément la résistance ni l'état interne. La fragilisation de plusieurs traverses qui se suivent peut provoquer un affaiblissement général non décelé de la superstructure de la voie. La présence de traverses détériorées dans le secteur où le déraillement s'est produit peut avoir entraîné une flexion excessive des éclisses, précipitant ainsi leur défaillance.

    Inspections consécutives

    Des inspections consécutives de la voie n'ont pas identifié la détérioration importante des traverses, pas plus qu'elles n'ont décelé une rupture possible dans l'éclisse extérieure du rail est ou le mouvement excessif des selles.

    Résistance de la voie

    Les récents progrès technologiques, comme le système de mesure de l'écartement des voies sous charge, ont rendu possible la mesure de la résistance générale de la voie. À l'avenir, les essais de résistance de la voie fourniront un outil supplémentaire pour déceler les défauts de la voie afin d'atténuer les risques qu'ils représentent.

    Une voie d'une résistance nominale devrait être en mesure de supporter une charge latérale moyenne de 16 000 livres. La simulation à laquelle a procédé la RSI en utilisant, dans la mesure du possible, les données réelles relatives à la voie et à l'équipement, montre que l'état mécanique du matériel roulant associé au scénario du pire générerait une charge latérale estimée à 10 000 livres alors que celle-ci serait réduite à 5 000 livres avec un état mécanique moyen. On peut voir que, selon les deux scénarios, les charges latérales seraient bien en deçà des charges d'exploitation prévues normales. On peut donc conclure que des charges latérales dynamiques du niveau calculé ne pouvaient provoquer l'augmentation de l'écartement que sur une voie dont la résistance était en dessous du niveau nominal.

    Un programme de regarnissage a été mis en oeuvre récemment (en 1998) dans ce secteur; ce programme a entraîné le remplacement de certaines traverses qui sont tombées lorsque les rails ont été soulevés. Les résultats des essais du printemps et de l'automne de la voiture de contrôle de l'état géométrique de la voie ont montré que l'écartement des rails demeurait dans des limites acceptables; dans les faits, cependant, l'écartement des rails était maintenu par des tringles d'écartement et on n'a pas fait rapidement les réparations voulues dans ce tronçon affaibli.

    Plan d'intervention d'urgence de la compagnie

    Les opérations de confinement de l'acide sulfurique ont débuté dès que possible, compte tenu des contraintes d'accès au lieu de l'accident. Le plan d'intervention d'urgence de l'ONR a été mis en oeuvre efficacement et les mesures prises par l'ONR montrent que celle-ci a donné priorité à la sécurité des personnes et à la limitation des dommages à l'environnement.

    Wagons-citernes de spécification 111

    Le déraillement soulève encore une fois la question de la protection accordée aux raccords supérieurs sur les wagons transportant de l'acide sulfurique aussi bien que sur tous les wagons-citernes de spécification 111. Dans l'accident à l'étude, la rupture des raccords supérieurs a été à l'origine d'environ 80 p. 100 du déversement d'acide sulfurique. L'acide qui s'est répandu dans le ruisseau avant d'atteindre et de contaminer le lac Hornet provenait uniquement des wagons dont les raccords supérieurs étaient endommagés. La rupture des raccords supérieurs a causé la contamination du cours d'eau et du lac. Une meilleure protection aurait réduit le risque de déversement du produit ainsi que les répercussions sur l'environnement. Par le passé, la rupture d'organes faisant saillie de wagons-citernes de spécification 111 a causé des déversements accidentels d'acide sulfurique ainsi que d'autres marchandises dangereuses.

    Au moment de l'accident à l'étude, il n'y avait aucune exigence voulant que les raccords supérieurs des wagons-citernes de spécification 111 transportant de l'acide sulfurique soient protégés afin de minimiser les risques de déversement du produit en cas de renversement du wagon.

    Facteurs liés à l'organisation et à la gestion

    Le roulement rapide de personnel a eu des répercussions sur l'échange d'information concernant les problèmes connus de surécartement ainsi que les mesures correctives nécessaires. Cet échange d'information limité peut avoir contribué à faire mésestimer l'urgence et la gravité de la détérioration de l'état de la voie, ce qui peut expliquer que les défaillances n'aient pas été corrigées. En cette période de roulement rapide du personnel, il aurait fallu des procédures exceptionnelles de communication et de consignation afin d'assurer un bon suivi.

    Pendant une proportion importante de la période de 15 mois précédant l'accident, le tronçon de voie Temagami a été inspecté et entretenu par des personnes qui n'avaient pas reçu la formation appropriée pour le poste qu'elles occupaient. Pendant le reste de la période, alors que du personnel qualifié était en poste, la voie a été inspectée, on en a décelé les défauts et des mesures correctives temporaires ont été appliquées sur le lieu de l'accident.

    Le roulement rapide du personnel a augmenté le risque d'une rupture de continuité dans la surveillance de l'état de la voie. Le recours à des superviseurs et à des inspecteurs de la voie qui n'étaient pas parfaitement formés augmentait le risque que la détérioration de l'état de la voie passe inaperçue.

    L'ONR a une politique définie en matière de sécurité, comme en témoignent les critères adoptés dans ses procédures et ses normes. Cependant, il n'existait aucun mécanisme indépendant d'examen ou de vérification conçu pour identifier les lacunes existantes ou éventuelles. L'amélioration des méthodes d'assurance de la qualité de l'inspection et de l'entretien de la voie par l'ONR contribuerait probablement à rehausser l'efficacité de ces programmes et pourrait empêcher que des accidents du genre ne se reproduisent.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

    1. La présence de traverses détériorées, de même que d'éclisses fissurées et brisées, a affaibli la superstructure de la voie, laquelle est devenue incapable de résister aux contraintes générées par la circulation des trains.
    2. Le recours à des mesures temporaires (tringles d'écartement) pendant une période prolongée a contribué à faire oublier la détérioration de l'état de la voie.
    3. Le roulement rapide du personnel chargé de l'entretien de la voie a provoqué un manque de continuité dans la surveillance de l'état de la voie, et le recours à des superviseurs et à des inspecteurs de la voie qui n'étaient pas parfaitement formés a créé une situation permettant à la détérioration de la voie de passer inaperçue.
    4. Les méthodes d'assurance de la qualité de l'ONR en matière d'inspection et d'entretien de la voie n'ont pas entraîné la mise en oeuvre des mesures nécessaires pour corriger l'affaiblissement de la voie déjà relevé à l'endroit du déraillement.
    5. La rupture des raccords supérieurs sur les wagons-citernes de spécification 111 a causé un déversement d'acide sulfurique qui a eu un impact environnemental.

    Faits établis quant aux risques

    1. La remise à plus tard de travaux d'entretien nécessaires (installation de traverses et correction de l'écartement), sans mise en application temporaire d'un ordre de limitation de vitesse afin de réduire les contraintes latérales s'exerçant sur la voie dans le secteur où le déraillement s'est produit a augmenté le risque de déraillement.
    2. L'examen visuel des traverses, pratique répandue dans l'industrie, n'est pas suffisant pour bien évaluer la solidité des traverses individuellement.
    3. L'impossibilité de déceler les petites fissures par fatigue dans les éclisses par les méthodes d'inspection utilisées dans l'industrie augmente la vulnérabilité de la superstructure de la voie à l'emplacement des joints.
    4. En l'absence de normes formelles régissant l'utilisation des tringles d'écartement, le personnel chargé de l'entretien de la voie est censé limiter l'utilisation de ces dispositifs en se fondant sur sa connaissance et sa compréhension des règles généralement acceptées en matière d'entretien de la voie.
    5. Le fait qu'il n'existe pas de norme exigeant que les raccords supérieurs des wagons-citernes de spécification 111 utilisés pour le transport d'acide sulfurique soient protégés afin de minimiser les risques de déversement de produit en cas de renversement du wagon expose le public et l'environnement à des risques.

    Autres faits établis

    1. Le plan d'intervention d'urgence de l'ONR a été mis en oeuvre promptement et avec efficacité, ce qui a atténué les répercussions du déversement sur l'environnement.