Déraillement en voie principale
du train de marchandises E-201-31-24
du Canadien National
au point milliaire 251,3, subdivision Redditt
à Winnipeg (Manitoba)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 26 avril 2002, vers 1 h, heure avancée du Centre, le train de marchandises E-201-31-24 en direction ouest du Canadien National est parti de Winnipeg (Manitoba) et s'est engagé sur la voie principale nord de la subdivision Redditt. Comme le train franchissait une liaison pour passer de la voie principale nord à la voie principale sud, huit wagons ont déraillé au point milliaire 251,3, dont trois wagons couverts identifiés comme contenant des marchandises dangereuses. Le déraillement a causé des dommages à la voie principale sur une distance d'environ 300 pieds, de même qu'à un passage inférieur et au système de fibre optique enfoui sous la surface. Par mesure de précaution, on a fait évacuer six maisons d'un quartier résidentiel adjacent à la voie principale. Personne n'a été blessé et il n'y a eu aucun déversement de produits.
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Autres renseignements de base
Vers 0 h 45, heure avancée du CentreNote de bas de page 1, le train de marchandises E-201-31-24 du Canadien National (CN) quitte le dépôt de carburant Transcona de Winnipeg (Manitoba), situé le long de la voie principale, et roule en direction ouest sur la voie principale nord de la subdivision Redditt, à destination de Vancouver (Colombie-Britannique). Le train, comptant 3 locomotives et 85 wagons (76 chargés et 9 vides), mesure 5 412 pieds et pèse 9 363 tonnes. L'équipe est composée d'un mécanicien et d'un chef de train. Les deux membres de l'équipe connaissent bien le territoire, sont qualifiés pour occuper leurs postes et se conforment aux exigences en matière de repos et de condition physique.
Dans la subdivision Redditt, la circulation ferroviaire est régie par commande centralisée de la circulation en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), et est surveillée par un contrôleur de la circulation ferroviaire à partir d'Edmonton (Alberta). Dans le secteur où le déraillement s'est produit, la voie principale double est une voie de catégorie 3 sur laquelle la vitesse maximale autorisée est de 40 mi/h. La voie est construite dans l'axe est-ouest et elle repose sur un remblai qui la surélève d'environ 24 pieds par rapport aux alentours. Une liaison no 10 relie le tronçon nord au tronçon sud de la voie entre les points milliaires 251,1 et 251,2. Cette liaison est utilisée surtout aux fins des manoeuvres entre les triages Symington et Fort Rouge, à Winnipeg.
La structure de la liaison est constituée de deux aiguillages, dont chacun est placé dans des branchements à commande électrique no 10 du CN, et elle est munie d'aiguilles droites de 16 pieds et 6 pouces de longueur. Les branchements à commande électrique sont situés à chaque extrémité de la liaison, sur les voies nord et sud respectivement, et ils facilitent le passage des trains d'une voie à l'autre. Cela crée l'équivalent d'une courbe de 7 degrés et 44 minutes à chaque extrémité de la liaison, pour les trains qui circulent dans la liaison. Dans les branchements no 10 du CN, la vitesse de conception maximale est de 20 mi/h, conformément aux exigences de l'American Railway Engineering Association. La règle 98.1 du REF précise que la vitesse dans les branchements ne doit pas dépasser 15 mi/h, à moins que l'indication du signal ou une instruction spéciale n'autorisent une autre vitesse.
Pour un train qui roule en direction ouest, la voie menant à la liaison gravit une rampe de 0,6 % à partir du point milliaire 249,3. Aux alentours du point milliaire 250,0, la rampe devient moins accentuée (0,4 %) en approchant du sommet, au point milliaire 250,33. Passé le sommet, la voie redescend (pente de 0,5 %) jusqu'au point milliaire 251,0, là où se trouve une liaison no 10 permettant de passer de la voie nord à la voie sud. À partir de ce point, la voie est en palier sur une distance de 1 mille et demi.
Pendant que le train gravissait la rampe, il est passé devant le signal 2499A, au point milliaire 249,9, qui affichait une indication « de vitesse normale à arrêt », exigeant que le train avance et soit prêt à s'arrêter au signal suivant. Le train est arrivé au sommet de la rampe, s'est engagé dans une courbe à gauche et a descendu la pente en direction de la liaison. Le signal suivant, soit le signal 2511A, régissait le mouvement dans la liaison et indiquait « de petite vitesse à vitesse normale », ce qui signifiait une vitesse maximale de 15 mi/h pendant le franchissement de la liaison. Les données du consignateur d'événements ont révélé que, sur le tronçon de deux milles précédant la liaison, on a contrôlé la vitesse du train en combinant la modulation des gaz et l'application du frein rhéostatiqueNote de bas de page 2. À 0 h 54 min 26 s, alors que la manette des gaz était à la position de ralenti et que le train descendait la pente à 20 mi/h, le mécanicien a commandé une application brusque du frein rhéostatique pour faire ralentir le train qui approchait de la liaison. Les pratiques recommandées veulent qu'on déplace la manette de commande du frein rhéostatique lentement et doucement d'un bout à l'autre de sa plage de fonctionnementNote de bas de page 3, de façon à empêcher l'apparition de forces de compression considérables d'un bout à l'autre du train. À 0 h 55 min 3 s, alors que la manette des gaz était à la même position et que le frein rhéostatique était appliqué, le train s'est engagé dans la liaison à une vitesse de 19 mi/h. Au cours de la décélération, tandis que le train roulait à 17 mi/h, un freinage d'urgence provenant de la conduite générale s'est déclenché à 0 h 55 min 39 s. La locomotive de tête s'est immobilisée sur la voie sud à 0 h 55 min 53 s, à quelque 1 200 pieds de l'entrée de la liaison à partir de la voie nord. Le frein indépendant de la locomotive de tête ne s'est pas desserré après le serrage d'urgence. Le CN n'a pas d'instructions écrites obligeant les mécaniciens à purger le frein indépendant de locomotive au cours d'un freinage d'urgence. Actuellement, le CN n'enregistre pas les données des canaux numériques du consignateur d'événements dans lesquels l'effort de frein rhéostatique est consigné.
Après avoir pris les mesures d'urgence, l'équipe a constaté que huit wagons (du 4e au 11e wagons inclusivement derrière le groupe de traction) avaient déraillé au point milliaire 251,3 et que ces wagons obstruaient les voies principales nord et sud. Une inspection plus poussée a révélé que les cinq premiers wagons à dérailler étaient tombés du côté sud de la banquette surélevée et s'étaient immobilisés dans différentes positions le long de l'emprise. À l'extrémité ouest d'un pont ferroviaire qui enjambait la rue St. Joseph, plusieurs wagons s'étaient immobilisés à tout au plus 150 pieds d'une maison voisine des lieux du déraillement. Les trois derniers wagons à dérailler sont restés à la verticale le long de la voie sud, sur le pont. La voie sud a été endommagée sur une distance d'environ 300 pieds, et la voie nord a subi des dommages sur une distance de 13 pieds. Des débris sont tombés sur le trottoir situé en contrebas, et ont endommagé un conduit renfermant des fils de téléphone et de fibre optique, causant une interruption des services.
Les deux premiers wagons déraillés, CBRY 1538 et CRLE 21006 (les 4e et 5e wagons derrière les locomotives), étaient des wagons plats vides à support central en A, qui mesuraient 80 pieds de longueur. Ils étaient suivis d'un wagon plat chargé de plaques d'acier et de cinq wagons couverts chargés. On a relevé des dommages considérables sur la table de roulement de la roue avant du bogie avant du wagon CRLE 21006. On a relevé des marques à la surface du sol le long de la plate-forme de la voie sud, à l'extrémité est des lieux du déraillement.
On a suivi ces marques jusqu'à un contre-rail de la liaison, aux alentours du point milliaire 251,15. On a observé une entaille au sommet du contre-rail du côté intérieur du rail sud de la liaison, à quelque 79 pieds de l'entrée de la liaison sur la voie nord. D'autres marques à la surface du sol continuaient en direction ouest sur une distance de 450 pieds le long de la voie sud à partir de l'entaille et allaient jusqu'aux wagons déraillés, à l'est des lieux de l'accident. L'inspection des wagons déraillés n'a révélé aucune défectuosité mécanique susceptible d'avoir contribué au déraillement.
Trois des wagons couverts chargés portaient des plaques indiquant qu'ils contenaient des marchandises dangereuses; deux wagons transportaient des chargements mixtes constitués de divers produits de nettoyage domestique, tandis que le troisième wagon transportait une batterie d'accumulateurs d'automobile pesant 78 livres. Par mesure de précaution, on a décidé d'évacuer six maisons d'un quartier résidentiel voisin, vers 1 h 30. Les résidants ont été autorisés à rentrer chez eux à 4 h 30 le matin même. L'accident n'a causé ni blessures ni déversement de marchandises dangereuses.
Lors de l'événement, le temps était clair, la température était de -4 °C et des vents modérés soufflaient du nord-ouest.
Dans le secteur du déraillement, entre les points milliaires 250 et 252, la voie principale double était faite de longs rails soudés de 132 livres. Les rails étaient posés sur des selles de 14 pouces à double épaulement, qui reposaient elles-mêmes sur des traverses de bois dur et de bois mou traité, posées à raison de 55 traverses en moyenne par 100 pieds de voie. Les rails et les selles étaient fixés aux traverses par trois crampons insérés à chaque selle de rail, et ils étaient encadrés par des anticheminants à chaque traverse. Le ballast était constitué d'une couche de pierre concassée de 2 pouces 1/2 sur des banquettes de 12 pouces, le drainage était bon et les cases étaient garnies. L'usure des rails des voies nord et sud était bien en deçà des limites établies dans la Circulaire sur les méthodes normalisées 1303 du CN, qui régit le classement des rails. L'inspection de la structure de la voie a permis de déterminer qu'elle était généralement en bon état. On n'a pas relevé de défauts de la voie ou de conditions susceptibles d'avoir causé l'événement.
Dans le secteur du déraillement, la dernière inspection faite par une voiture de contrôle de l'état géométrique de la voie du CN remontait au 26 juillet 2001. Une voiture de détection des défauts internes du rail avait sondé les rails le 4 février 2002. La superstructure de la voie faisait l'objet d'inspections visuelles, faites toutes les deux semaines par un superviseur adjoint d'entretien de la voie du CN qui circulait à bord d'un véhicule rail-route. La dernière inspection remontait au 25 avril 2002. Des inspections à pied détaillées des branchements étaient faites une fois par mois, conformément aux exigences; la dernière inspection à pied des deux branchements à commande électrique no 10 avait eu lieu le 22 avril 2002. Dans tous les cas, ces inspections n'ont révélé aucun défaut ni aucune irrégularité de la voie dans le secteur du déraillement.
La composition des trains de marchandises du CN se fait suivant la méthode de lotissement d'après les destinations. Les tranches de wagons de marchandises sont placées dans le train de façon que leur stationnement ou leur ramassage soient facilités le plus possible en fonction de la destination des wagons le long de l'itinéraire. Le CN met au point des plans de service ferroviaire pour faciliter la composition des trains en tenant compte des dispositions du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses de Transports Canada et des exigences de la méthode du lotissement. Les feuilles de train, les relevés du tonnage et l'information sur les marchandises dangereuses pour les wagons de chaque train, ainsi que les demandes de ramassage et de livraison à l'intention des équipes des trains, sont élaborés conformément aux exigences des plans de service ferroviaire. Le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses indique les restrictions relatives au placement des wagons de marchandises dangereuses dans les trains et interdit que des wagons plats chargés soient placés à côté de wagons chargés de marchandises dangereuses ou de wagons-citernes contenant des résidus. Les Instructions générales d'exploitation (IGE) du CN imposent des restrictions relativement au placement de certains types de wagons, y compris les chargements de dimensions exceptionnelles, et au tonnage placé à l'arrière du train. Toutefois, le CN n'impose aucune restriction quant au placement de la plupart des wagons de marchandises vides dans les trains.
Le train était composé surtout de wagons chargés. La tranche initiale de six wagons derrière les locomotives comptait respectivement un wagon couvert chargé, un wagon plat de 93 pieds portant un chargement de dimensions exceptionnelles, un wagon couvert chargé, deux wagons plats vides à support central en A et à parois de bout, et un wagon plat chargé. Tous les wagons qui suivaient la première tranche, sauf sept wagons, étaient chargés; plus de 90 % du poids du train (8 455 tonnes) était placé derrière les deux wagons plats vides à support central en A. Le plan de service ferroviaire du train indiquait que les six premiers wagons auraient normalement été placés à l'arrière. Le wagon plat de 93 pieds, transportant un chargement de dimensions exceptionnelles susceptible de se déplacer, et les deux wagons couverts, servant de wagons tampons, ont été placés près de la locomotive, conformément aux instructions du CN sur la manutention des chargements de dimensions exceptionnelles. Les deux wagons plats vides à support central en A et à parois de bout ont été placés dans cette tranche de wagons et ont par la suite été déplacés vers l'avant du train. La figure 1 illustre la répartition du tonnage (poids) dans le train.
La section 6.4 des IGE du CN traite des risques de mise en portefeuille des locomotives et des wagons placés près des locomotives. Les IGE indiquent que, pour réduire les risques de renversement du rail ou de mise en portefeuille, il faut faire preuve de beaucoup de prudence quand on procède à un arrêt avec les attelages comprimés ou quand on ralentit en utilisant le groupe de traction. Il faut tenir dûment compte de la déclivité et de la courbure de la voie et de la répartition du poids dans le train, surtout si les wagons qui suivent les locomotives ou qui sont placés près d'elles sont vides.
La section 6.8 des IGE du CN traite de la question du freinage rhéostatique dans trois courts paragraphes. Cette section précise que, pendant un freinage planifié, si au moins un frein rhéostatique est disponible, il faut utiliser le frein rhéostatique pour contrôler la vitesse du train dans toute la mesure du possible. On rappelle aux mécaniciens que des forces de freinage extrêmement grandes peuvent être générées quand on utilise le frein rhéostatique de trois locomotives ou plus, et qu'ils devraient être prudents quand le train descend une pente ou quand il passe dans un branchement, dans une liaison et dans une courbe serrée. Les IGE d'autres compagnies ferroviaires contiennent des instructions beaucoup plus détaillées sur l'emploi du frein rhéostatique pour contrôler la vitesse des trains, et plus particulièrement dans le cas des locomotives récentes à grande puissance.
Le rapport no R-802 du service de recherche et d'essai de l'Association of American Railroads (AAR), intitulé Train Make-Up Manual (manuel sur la composition des trains), précise que les wagons plats longs et déchargés sont réputés pour causer des problèmes quand ils sont suivis de wagons dont le tonnage est considérable, ou quand deux de ces wagons sont placés ensemble dans un train, surtout si le train passe dans une liaison, une courbe ou un aiguillage. Les combinaisons wagon long / wagon court peuvent poser des problèmes similaires, quelle que soit leur position dans le trainNote de bas de page 4.
Le rapport no R-185 de l'AAR, intitulé Track Train Dynamics to Improve Freight Train Performance (dynamique voie / train en vue de l'amélioration du rendement des trains de marchandises), décrit les pratiques recommandées en matière de conduite des trainsNote de bas de page 5. Les rapports traitent de tous les aspects de la conduite des trains de marchandises, y compris de l'utilisation du frein rhéostatique et du frein indépendant des locomotives, des freins à air du train et des stratégies de conduite pour différentes configurations de trains et déclivités. Dans le rapport no R-185, on note que, quand un serrage d'urgence intempestif des freins se produit, certaines compagnies préfèrent empêcher le serrage des freins de la locomotive, de façon à réduire les forces de compression des attelages à l'avant du train.
Bien que les pratiques énoncées dans les rapports R-802 et R-185 soient recommandées pour toutes les compagnies ferroviaires, les pratiques de certaines compagnies diffèrent parfois. Le Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) et la Burlington Northern and Santa Fe ont inclus un grand nombre de ces pratiques recommandées à leurs IGE et à leurs programmes de formation. Pendant la formation initiale, le CN enseigne à ses mécaniciens de purger le frein indépendant de la locomotive pendant un serrage d'urgence intempestif des freins, mais de tenir compte aussi des circonstances. Toutefois, cette façon de procéder n'est pas abordée dans les IGE du CN, dans le Locomotive Engineers' Operating Manual (manuel technique des mécaniciens) utilisé aux fins de la requalification dans le cadre des normes de qualification applicables aux équipes de conduite (qualification standards for operating crews), ou dans le guide Best Practices Train-handling Guide (guide des pratiques recommandées de conduite des trains) pour la subdivision Redditt. De plus, le CN n'exige pas qu'on place les wagons des trains de marchandises de façon à éviter que des forces excessives soient générées dans le train.
En 1997, on a rédigé le guide Best Practices Train-handling Guide pour la subdivision Redditt et on l'a mis à la disposition de tous les mécaniciens. Des guides similaires ont été diffusés district par district dans la plupart des corridors de ligne principale du CN. Le guide introduisait une nouvelle politique concernant la conduite des trains et visait à aider les équipes à choisir les méthodes de conduite les plus économiques pour la subdivision. On s'attend à ce que les mécaniciens fassent une planification préalable en tenant compte du profil du territoire, des arrêts prévus, de la vitesse et du jeu des attelages, en évitant de faire un usage brusque des gaz et des circuits de freinage du train. Le guide ajoute qu'il faut utiliser surtout le levier du manipulateur pour contrôler la vitesse du train et utiliser le plus possible le frein rhéostatique pour obtenir l'effort de freinage initial.
En avril 2002, le CN a rédigé un guide de référence à l'intention des mécaniciens, intitulé Locomotive Engineers' Operating Manual, qui visait à aider les mécaniciens à bien s'acquitter de leur tâche. Le CN a fait une mise à jour du manuel existant en y ajoutant des renseignements nouveaux, et il y a aussi incorporé des bulletins d'exploitation, des données sur les divisions et d'autres instructions et règles qui figuraient précédemment dans les IGE, de façon à intégrer les renseignements pertinents dans un seul document de base. Le manuel est utilisé aux fins de l'instruction et de l'étude dans le cadre de l'examen de requalification des mécaniciens relativement au matériel moteur et à la conduite des trains, le tout régi par les normes de qualification applicables aux équipes de conduite.
Le manuel comprend une section dans laquelle on décrit la façon d'utiliser le freinage rhéostatique pour réduire ou aider à prévenir l'apparition d'efforts de compression considérables. Il insiste aussi sur le fait qu'il faut utiliser le plus possible le frein rhéostatique pour obtenir l'effort de freinage initial. Des forces de compression excessives peuvent causer un déraillement ou une détérioration graduelle de la superstructure de la voie, et à plus forte raison si les forces en question s'exercent dans un branchement, une liaison ou une courbe. Sur les locomotives à forte capacité de freinage rhéostatique qui font partie de groupes d'au moins trois locomotives, l'intensité de la force de freinage rhéostatique ne devrait pas excéder 500 ampères quand le train entre dans un branchement, une liaison ou une courbe, et ce tant que la moitié du train au minimum n'est pas passée. On ne fait pas de corrélation entre l'intensité maximale et la force de freinage rhéostatique qui est appliquée, et il n'y a pas non plus de restrictions quant à la force maximale combinée de freinage rhéostatique d'un groupe de traction.
Les membres de l'équipe du train ignoraient que les documents intitulés Best Practices Train- handling Guide et Locomotive Engineers' Operating Manual étaient disponibles. Le mécanicien, dont la formation remontait à 1976 et qui s'était requalifié récemment, soit en janvier 2002, n'avait jamais reçu d'instructions pratiques sur l'utilisation du frein rhéostatique à bord des locomotives récentes, ou sur les risques associés à la conduite des locomotives disposant d'un système de freinage rhéostatique à grande capacité et à plage étendue.
Le déraillement de 5 locomotives et de 78 wagons de charbon, survenu le 26 novembre 1977 près de Flat Creek (Colombie-Britannique), a incité la Commission canadienne des transports (CCT) à faire enquête. Le rapport d'enquête de la CCT (no de dossier 31385.3845), publié le 22 janvier 1980, a conclu que la formation des mécaniciens relativement à l'emploi des freins à air et à la conduite des trains était inadéquate. Dans son rapport, la CCT a recommandé qu'un comité, formé de représentants des compagnies ferroviaires, des syndicats et de l'organisme de réglementation, rédige un règlement dans lequel on exposerait les normes applicables aux équipes des trains. Après plusieurs accidents survenus dans des circonstances similaires et après des consultations auprès de l'industrie, le règlement CTC-1987-3 Rail, intitulé Règlement concernant les normes de compétence minimales des mécaniciens de locomotive, des mécaniciens de manoeuvre, des chefs de train et des contremaîtres de triage, a été promulgué le 12 mars 1987. La responsabilité de l'application du règlement a été confiée à Transports Canada et elle lui incombe encore de nos jours.
Le règlement CTC-1987-3 Rail précise qu'une compagnie ferroviaire doit mettre sur pied et fournir des cours de formation conformes à l'objet du règlement. Pour obtenir le certificat, les mécaniciens doivent réussir des cours de formation portant sur huit matières principales, dont la conduite des locomotives et la conduite des trains. Les compagnies ferroviaires doivent renouveler les qualifications de leurs mécaniciens tous les trois ans et sont responsables de la tenue des dossiers pertinents. Dans les 90 jours qui suivent l'entrée en vigueur du règlement, les compagnies ferroviaires doivent déposer une description de tous leurs programmes de formation pour chaque catégorie d'emploi. De même, elles doivent déposer une description de tout changement apporté à leurs programmes de formation. Transports Canada est l'organisme de réglementation qui supervise l'application du règlement et qui veille à ce que les cours de formation traitent de toutes les matières principales. Rien n'oblige un mécanicien à réussir un élément pratique donné pour pouvoir se requalifier. Le règlement n'oblige pas l'organisme de réglementation à examiner le contenu spécifique du matériel de formation, et il ne propose aucun mécanisme par lequel l'organisme de réglementation pourrait recommander des ajouts ou des améliorations aux critères de formation en fonction des changements qui touchent l'industrie.
L'utilisation du frein rhéostatique des locomotives comme principal moyen de contrôler la vitesse des trains s'est imposée au Canada au cours des 16 dernières années, et a coïncidé avec le renouvellement des parcs de locomotives du CN et du CFCP. Pendant les années 1970, un grand nombre des locomotives que le CN exploitait dans la division des Prairies étaient dépourvues de freinage rhéostatique. Pour moduler la vitesse, on utilisait la manette des gaz, le frein indépendant des locomotives et les freins à air automatiques des trains. Vers le milieu des années 1980, le parc de locomotives de catégorie 1 du CN et du CFCP comptait parmi les plus vieux en Amérique du Nord. À cette époque, les locomotives munies d'une capacité de freinage rhéostatique pouvaient générer une force de freinage rhéostatique dont le maximum pouvait atteindre 48 000 livres par locomotive, si le frein rhéostatique fonctionnait bien.
Avec l'introduction des nouvelles locomotives de grande puissance, de la fin des années 1980 jusqu'à nos jours, on a disposé de systèmes de freinage rhéostatique beaucoup plus efficaces, capables de générer une force de freinage rhéostatique atteignant 98 000 livres par locomotive. Voyant la possibilité d'économiser du carburant et d'améliorer considérablement l'efficience de leur exploitation grâce à l'utilisation du freinage rhéostatique, les compagnies ferroviaires ont intégré l'utilisation du frein rhéostatique à leurs méthodes de conduite des trains, si bien qu'elle est devenue une des principales méthodes de conduite des trains. Les locomotives en cause dans l'accident ont toutes été construites entre 1987 et 1998. Le train disposait au total d'une puissance combinée de 12 200 horsepower, et d'une puissance de frein rhéostatique combinée maximale de quelque 194 000 livres à une vitesse de 20 mi/h.
Le Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer est un recueil de règles de l'industrie, proposé par l'Association des chemins de fer du Canada et approuvé par le ministre des Transports. Il impose notamment des exigences relatives aux consignateurs d'événements. L'article 12.1 du règlement se lit comme il suit :
Les locomotives autres que celles qui sont utilisées en service désigné ou en service de triage doivent être équipées d'un consignateur d'événements répondant aux caractéristiques de conception suivantes :
- le consignateur d'événements doit enregistrer les données suivantes : heure, vitesse, pression dans la conduite générale de frein, position du manipulateur, freinage d'urgence, pression aux cylindres du frein indépendant, signal émis par l'avertisseur, et fonctionnement du système de veille automatique;
- en cas de collision ou de déraillement, le consignateur d'événements doit conserver dans sa mémoire une durée d'enregistrement correspondant au moins aux cinq minutes précédant l'incident;
- le consignateur d'événements doit comporter un moyen de transfert adéquat pour décharger son contenu de données dans un ordinateur externe aux fins de traitement et d'analyse.
Un déraillement similaire s'est produit au même endroit en octobre 1998, lorsque deux wagons plats vides ont déraillé alors qu'un train du CN roulait en direction ouest à environ 12 mi/h (rapport no R98W0207 du BST). Les wagons qui ont déraillé, les 38e et 39e à partir du groupe de traction, avaient été placés devant une tranche de wagons chargés et ont été pris en étau du fait de la compression des attelages au moment où le train franchissait la liaison no 10. En plus de la présente enquête, le BST a mené ou mène des enquêtes sur les événements R01T0006, R01W0007 et R02C0050 et a établi que la méthode de formation des trains ou une utilisation inopportune du frein rhéostatique des locomotives avaient été des facteurs contributifs de ces accidents.
Analyse
On n'a pas relevé de défectuosités du matériel roulant ou de défauts de la voie qui auraient pu contribuer à l'événement. La documentation existante sur la dynamique voie / train relativement aux trains de marchandises indique que l'utilisation du frein rhéostatique des locomotives peut générer des forces de compression considérables. Un déraillement peut être causé par le soulèvement d'une roue ou le chevauchement du rail, pendant le passage dans un aiguillage, une courbe, un branchement ou une liaison, surtout si les wagons en cause sont peu chargés ou vides, ou si la disposition des wagons s'avère problématique, notamment lorsque des wagons d'un tonnage considérable suivent ces wagons légers ou déchargés. C'est une combinaison de ce genre qui a affecté la conduite du train de marchandises E-201-31-24 du CN. L'analyse portera surtout sur la conduite du train, sur sa composition, sur la formation du mécanicien et sur la conscience de la situation relative au déraillement.
Les deux premiers wagons qui ont déraillé, nos CBRY 1538 et CRLE 21006 (les 4e et 5e wagons derrière les locomotives) étaient des wagons plats vides à support central en A et à parois de bout, mesurant 80 pieds de longueur. L'industrie reconnaît que cette combinaison wagon long / wagon long occasionne des problèmes, surtout si les wagons en cause sont déchargés, s'ils sont placés dans un train dans lequel le gros du tonnage est sur l'arrière et si le train passe dans un branchement resserré (no 10 ou moins). De tous les essieux montés qui ont déraillé, c'est l'essieu monté avant du bogie avant du wagon CRLE 21006 qui a montré les dommages les plus considérables de la table de roulement, ce qui indique qu'il a parcouru la plus grande distance sur le sol et qu'il a vraisemblablement été le premier à dérailler. Les marques à la surface du sol à partir des lieux du déraillement, dont on a déterminé qu'elles avaient été causées par un boudin de roue, ont été retracées jusqu'au lieu du déraillement initial (entaille au sommet d'un contre-rail). Le contre-rail se trouvait du côté intérieur du rail sud de la liaison, à environ 79 pieds de l'entrée de la liaison sur la voie nord. L'absence de marques sur le côté intérieur du champignon du rail sud à cet endroit signifie que le chevauchement du rail n'a pas pu être un facteur contributif de cet accident. L'entaille relevée sur le contre-rail au point de déraillement initial indique que le déraillement a été en bonne partie causé par le soulèvement d'une roue.
Après que le train a franchi le sommet de la rampe, sa partie avant a commencé à accélérer lentement, entraînée par le poids des locomotives. Le train s'est approché de la liaison à une vitesse approximative de 19 mi/h, soit une vitesse supérieure à la vitesse commandée par le signal « De petite vitesse à vitesse normale », lequel exigeait que le franchissement de la liaison se fasse à 15 mi/h. Comme on le recommandait dans la plupart des documents du CN sur la conduite des trains, le mécanicien a utilisé le frein rhéostatique de la locomotive comme moyen de freinage initial pour faire ralentir le train. L'utilisation du frein rhéostatique pendant que le train s'engageait dans la liaison a eu pour effet de pousser les locomotives et les wagons les uns contre les autres dans la partie avant du train et a fait en sorte que le tonnage remorqué du train exerce une poussée après que la partie arrière a dépassé le sommet de la rampe.
Le taux de décélération du train avant le freinage d'urgence indique que l'effort de freinage rhéostatique a été soutenu. La compression des attelages, combinée à l'effort soutenu de freinage rhéostatique, a généré des forces de compression suffisamment grandes pour causer le soulèvement d'une roue, ce qui a fait dérailler la roue avant du bogie avant du wagon CRLE 21006 (un wagon plat vide à support central en A et à parois de bout de 80 pieds de longueur) pendant que ce wagon franchissait la liaison. L'essieu monté a parcouru quelque 450 pieds sur le sol avant que d'autres wagons déraillent, ce qui a déclenché le serrage d'urgence intempestif provenant de la conduite générale.
Alors que les deux wagons plats vides à support central en A et à parois de bout, mesurant 80 pieds de longueur, étaient placés près de l'avant du train, le mécanicien a mal jugé la façon dont le train allait réagir à un ralentissement à cet endroit. Il s'agissait de la première décision majeure relative à la conduite du train qu'il devait prendre au cours du trajet. La capacité d'un mécanicien de « ressentir » l'efficacité du freinage rhéostatique est un élément essentiel de la conduite des trains. Or, comme le train venait de partir, le mécanicien n'avait pas eu assez de temps pour faire cette détermination. Comme le train s'approchait de la liaison à une vitesse plus grande que celle exigée par l'indication de signal, il a fallu choisir une méthode de freinage. Le mécanicien a utilisé le frein rhéostatique de la locomotive comme moyen de freinage initial, une technique préconisée par la compagnie ferroviaire. Le choix des méthodes de conduite du train était conforme aux principes mis de l'avant par la compagnie, mais la vitesse à laquelle le train approchait de la liaison n'était pas conforme aux exigences d'exploitation de la compagnie, qui consistent à suivre les indications des signaux.
Le mécanicien pouvait choisir d'autres méthodes de conduite du train. S'il avait choisi d'autres méthodes, elles auraient permis d'exploiter le train en toute sécurité à cet endroit. Il aurait pu réduire la vitesse du train plus tôt, conformément à ce que suggèrent les pratiques recommandées de l'industrie, ce qui aurait permis de réduire l'effort de freinage rhéostatique pendant que l'avant du train franchissait la liaison. Il aurait pu actionner seulement les freins à air automatiques du train sans le frein rhéostatique, ce qui est aussi une méthode acceptée dans l'industrie pour faire ralentir les trains quand ils dépassent le sommet d'une crête, mais dont l'utilisation n'est pas encouragée dans les instructions d'exploitation de la compagnie ferroviaire, lesquelles disent d'utiliser le frein rhéostatique pour obtenir l'effort de freinage initial. L'utilisation d'une force de freinage rhéostatique brusque pour essayer de freiner le train pendant le franchissement d'une liaison, alors que des wagons vides à empattement long se trouvaient près des locomotives et que 90 % du tonnage se trouvait vers l'arrière du train dans une pente, s'est avérée inopportune compte tenu des conditions et des exigences de l'exploitation à cet endroit.
La composition des trains au moyen de la méthode de lotissement est une pratique acceptée qui accroît l'efficience de l'exploitation et simplifie la prestation du service pour le transporteur. Bien qu'en soi, cette méthode ne comporte aucun risque, elle ne prend pas en compte les difficultés que des combinaisons problématiques peuvent représenter pour la conduite du train, notamment la combinaison wagon long / wagon long à l'intérieur d'un train. D'autres compagnies ferroviaires de catégorie 1 reconnaissent les risques liés aux configurations indésirables à l'intérieur des trains, et leurs IGE renferment des instructions qui interdisent spécifiquement de placer des wagons vides à l'avant des trains, à moins que les wagons qui les suivent ne soient vides ou ne transportent des charges légères. Les IGE du CN ne contiennent pas d'instructions de ce genre, ce qui fait que la composition du train, avant que celui-ci ne parte du triage MacMillan de Toronto, était conforme aux exigences du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses et aux exigences du CN en matière de composition des trains.
D'après les exigences du CN, les chargements de dimensions exceptionnelles devaient être placés à l'avant du train. Par la suite, les wagons de cette tranche ont été aussi déplacés vers l'avant du train. De cette façon, deux wagons longs et plats à support central en A et à parois de bout, qui étaient vides, se sont trouvés près de l'avant du train alors que 90 % du tonnage (8 455 tonnes) du train suivait les wagons vides. Des évaluations et des enquêtes menées par le BST au sujet d'accidents antérieurs ont permis de déterminer que des configurations similaires avaient été des facteurs contributifs de plusieurs accidents. La configuration consistant à placer des wagons vides à l'avant et des wagons chargés à l'arrière, combinée à la présence de trois locomotives disposant d'un freinage rhéostatique de grande capacité et à plage étendue, et à une politique qui préconise l'utilisation du frein rhéostatique pour obtenir l'effort de freinage initial, a eu pour effet d'accroître le risque de déraillement dû à une dynamique voie ferrée / train défavorable.
Le frein rhéostatique des locomotives est un dispositif qu'on a mis au point depuis un certain temps et qui devait être avant tout un moyen secondaire de conduite des trains, étant donné que la force de freinage rhéostatique disponible dans les locomotives plus anciennes au Canada était limitée. Comme on a renouvelé le parc de locomotives au Canada au cours des 16 dernières années, le recours au frein rhéostatique des locomotives a évolué au point de devenir un des principaux moyens de contrôle des trains. Les IGE en vigueur au CN, le Locomotive Engineers' Operating Manual et le Best Practices Train-handling Guide précisent tous qu'il faut utiliser le plus possible le frein rhéostatique pour obtenir l'effort de freinage initial. Cette insistance sur l'emploi du freinage rhéostatique a peut-être amené les intéressés à trop se fier sur le frein rhéostatique comme moyen de freinage principal dans des conditions où son emploi pouvait s'avérer inopportun et comporter des risques accrus de conséquences fâcheuses. Cela peut aussi amener les gens à croire que les freins à air automatiques du train devraient compléter le frein rhéostatique, et non pas l'inverse.
Le règlement CTC-1987-3 Rail énonce les normes minimales de qualification applicables aux équipes de conduite. Transports Canada est l'organisme de réglementation qui supervise l'application du règlement et qui veille à ce que les cours de formation traitent de toutes les matières principales. Au CN, la formation actuelle des mécaniciens en vertu des normes de qualification applicables aux équipes de conduite est conforme aux exigences de la réglementation mais, comparativement au matériel de formation d'autres compagnies ferroviaires de catégorie 1, celui du CN contient des renseignements limités sur le frein rhéostatique et sur les stratégies de conduite des trains qui y font appel. Comme le recours au frein rhéostatique des locomotives est devenu un des principaux moyens de conduite des trains et comme la documentation du CN insiste pour qu'on l'utilise comme moyen de freinage initial, il semble que ces changements aient fait l'objet de bien peu d'instructions pratiques. Dans ce cas-ci, le mécanicien a reçu sa formation en 1976 et n'a jamais reçu d'autre formation pratique sur l'utilisation du frein rhéostatique à grande capacité et à plage étendue des locomotives, ni sur les risques associés à son utilisation aux fins de la conduite des trains. Des évaluations et des enquêtes menées par le BST au sujet d'accidents antérieurs ont aussi permis de déterminer que l'utilisation inopportune du frein rhéostatique des locomotives avait été un facteur contributif des accidents. On en vient donc à penser que la formation des mécaniciens n'a pas suivi la cadence des améliorations de la technologie du frein rhéostatique et des méthodes de conduite des trains, et à remettre en question la pertinence de la formation actuelle des mécaniciens, dont la supervision est confiée à Transports Canada aux termes de la réglementation existante.
Le règlement CTC-1987-3 Rail n'oblige par les mécaniciens à réussir un élément pratique pour se requalifier, et il rate ainsi l'occasion de permettre aux mécaniciens de se familiariser avec le nouveau matériel roulant et les nouvelles techniques de conduite des trains. De plus, tel qu'il est rédigé, le règlement fait défaut de donner à Transports Canada le mandat d'examiner périodiquement le contenu spécifique du matériel de formation des équipes ou de lui fournir un mécanisme qui rend obligatoire la modification des critères de formation au fur et à mesure des changements qui touchent l'industrie ferroviaire. Comme les mécaniciens ne sont pas tenus de suivre une formation pratique pour se requalifier aux termes du règlement CTC-1987-3 Rail existant, ils sont davantage susceptibles de prendre des décisions inopportunes quant à la conduite des trains, surtout du fait de l'évolution du matériel roulant, de la configuration des trains et de l'exploitation de l'industrie ferroviaire.
Les documents de formation du CN ne contiennent pas d'instructions écrites qui obligent les mécaniciens à purger le frein indépendant de locomotive pendant un serrage d'urgence des freins. Lors de ce déraillement, les freins indépendants des locomotives sont restés serrés pendant le serrage d'urgence. La perte de la force de freinage rhéostatique, laquelle diminue à mesure que le train ralentit pour finir par s'immobiliser, a été compensée par l'application maximale des freins indépendants des locomotives pendant un serrage d'urgence des freins. Il s'ensuit que les forces de compression sont demeurées élevées, ce qui a aggravé les conséquences du déraillement. D'après la pratique acceptée dans l'industrie, quand un serrage d'urgence des freins se produit, le mécanicien doit relâcher partiellement le frein indépendant pour prévenir l'effet de compression des attelages. Si le frein indépendant de la locomotive avait été purgé partiellement ou complètement pendant le serrage d'urgence des freins, les forces de compression auraient été réduites. L'inertie due au mouvement des locomotives vers l'avant aurait pu faire en sorte que les attelages de la partie avant du train demeurent en traction, limitant ainsi le risque de déraillement et les conséquences qui en découlent.
Les données du consignateur d'événements ont fourni un nombre limité de renseignements sur la conduite du train concernant cet accident. Même si le CN se conforme aux exigences de Transports Canada concernant les consignateurs d'événements qui figurent dans l'article 12 du Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer, il n'utilise pas tous les canaux numériques pertinents des données du consignateur pour avoir une idée d'ensemble des événements qui ont précédé l'accident ou qui sont survenus en même temps. Les données du consignateur d'événements que le CN a fournies au sujet de l'accident à l'étude n'indiquaient pas l'intensité du courant de freinage rhéostatique, la position de la commande de frein rhéostatique, la pression d'air en queue de train, l'accélération ou l'alarme de basse pression transmise par l'unité de frein en queue de train. D'autres compagnies ferroviaires de catégorie 1 vont au-delà des exigences de la réglementation et enregistrent ces renseignements à l'aide du consignateur d'événements. Du fait que le Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer n'impose pas l'enregistrement par les consignateurs d'événements de paramètres de fonctionnement additionnels, on dispose de renseignements limités aux fins de l'identification des manquements à la sécurité dans l'exploitation des trains.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- La compression des attelages, combinée à l'effort soutenu de freinage rhéostatique, a généré des forces de compression suffisamment grandes pour causer le soulèvement d'une roue, ce qui a fait dérailler la roue avant du bogie avant du wagon CRLE 21006 (un wagon plat vide à support central en A et à parois de bout de 80 pieds de longueur) pendant que ce wagon franchissait la liaison.
- Le choix des méthodes de conduite du train était conforme aux principes mis de l'avant par la compagnie, mais la vitesse à laquelle le train approchait de la liaison n'était pas conforme aux exigences d'exploitation de la compagnie, qui consistent à suivre les indications des signaux.
- Le fait d'appliquer le frein rhéostatique pour essayer de limiter la vitesse du train pendant le franchissement d'une liaison, alors que des wagons vides à empattement long étaient placés près des locomotives, que 90 % du tonnage du train se trouvait à l'arrière et que le train descendait une pente, s'est avéré inopportun compte tenu des conditions et des exigences liées à la conduite du train à cet endroit.
Faits établis quant aux risques
- L'insistance sur l'emploi du freinage rhéostatique peut amener les intéressés à trop se fier sur le frein rhéostatique comme moyen de freinage principal dans des conditions où son emploi pouvait s'avérer inopportun (comme la configuration du train - des wagons vides devant des wagons chargés) et comporter des risques accrus. Cela peut aussi amener les gens à croire que les freins à air automatiques du train devraient compléter le frein rhéostatique, et non pas l'inverse.
- Comme les mécaniciens ne sont pas tenus de suivre une formation pratique pour se requalifier aux termes du règlement CTC-1987-3 Rail existant, ils sont davantage susceptibles de prendre des décisions inopportunes quant à la conduite des trains, surtout du fait de l'évolution du matériel roulant, de la configuration des trains et de l'exploitation de l'industrie ferroviaire.
- Si le frein indépendant de la locomotive avait été purgé partiellement ou complètement pendant le serrage d'urgence des freins, les forces de compression auraient été réduites. L'inertie due au mouvement des locomotives vers l'avant aurait pu faire en sorte que les attelages de la partie avant du train demeurent en traction, limitant ainsi le risque de déraillement et les conséquences qui en découlent.
Autres faits établis
- Du fait que la réglementation n'impose pas l'enregistrement par les consignateurs d'événements de paramètres de fonctionnement additionnels, on dispose de renseignements limités aux fins de l'identification des manquements à la sécurité dans l'exploitation des trains.
Mesures de sécurité
À la suite de l'enquête, le BST a adressé à Transports Canada la lettre d'information sur la sécurité ferroviaire no 08/02, au sujet de deux déraillements survenus au même endroit.
Transports Canada a diffusé cette information dans tous ses bureaux régionaux pour pouvoir déterminer si les problèmes liés à l'utilisation du frein rhéostatique des locomotives avaient ou non une portée nationale. Après examen des observations qu'il aura reçues, Transports Canada déterminera s'il y a lieu de prendre d'autres mesures.
Le 27 mai 2003, Transports Canada a écrit à l'Association des chemins de fer du Canada pour discuter de la mise au point et de la mise en oeuvre d'un système de composition des trains qui prend en compte le tonnage et la longueur des trains. De plus, Transports Canada propose qu'on rédige des instructions sur la conduite des trains (en ce qui a trait à la répartition du poids dans le train) que les mécaniciens pourront consulter pour éviter les efforts de freinage excessifs dans la mesure du possible.
À l'automne 2003, Transports Canada entreprendra la révision du règlement CTC-1987-3 Rail qui régit les qualifications minimales applicables aux mécaniciens. À partir des résultats de cette révision, Transports Canada fera des recommandations à l'industrie au sujet de la formation des mécaniciens et des examens dynamiques auxquels ceux-ci doivent se soumettre.
Transports Canada procède à des activités de surveillance, surtout sur les lieux de l'événement, afin de s'assurer du respect des règles et des règlements pertinents.
À l'occasion de réunions périodiques, Transports Canada et le Canadien National (CN) discuteront de l'inclusion aux feuilles de train d'un tableau des « facteurs de frein rhéostatique », qui servira d'aide-mémoire quant à l'utilisation du freinage rhéostatique.
En mai 2002, le CN a émis un bulletin dans lequel il informe les mécaniciens au sujet du nouveau Locomotive Engineers' Operating Manual et il demande que ce manuel soit accessible pendant le service.
Le CN a mis en oeuvre un programme avancé de formation d'appoint de tous ses mécaniciens, appelé Advanced Locomotive Engineer Refresher Training. Ce cours d'une journée comprend notamment un rappel des consignes contenues dans le Best Practices Train-handling Guide pour chaque région, ainsi que des instructions sur l'utilisation appropriée du frein rhéostatique et de la manette des gaz. La formation se déroule en partie dans un simulateur de locomotive qui permettra aux mécaniciens de s'exercer à l'application des techniques appropriées de conduite des trains.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A - Sigles et abréviations
- AAR
- Association of American Railroads
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- C
- Celsius
- CCT
- Commission canadienne des transports
- CFCP
- Chemin de fer Canadien Pacifique
- CN
- Canadien National
- IGE
- Instructions générales d'exploitation
- mi/h
- milles à l'heure
- REF
- Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada
- °
- degré