Rapport d'enquête ferroviaire R03Q0003

Collision
entre le train Q-148-91-18 du Canadien National
et un véhicule rail-route
au point milliaire 97,60, subdivision Montmagny
à Saint-Charles (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 20 janvier 2003, à 9 h 28, heure normale de l'Est, le train de marchandises no Q-148-91-18 en direction est du Canadien National est entré en collision avec le véhicule rail-route d'une équipe d'entretien de la voie qui travaillait au point milliaire 97,60 de la subdivision Montmagny, près de Saint-Charles (Québec). Le véhicule rail-route a été détruit et la locomotive de tête a été légèrement endommagée. Personne n'a été blessé.

    This report is also available in English.

    Renseignements de base

    Le 20 janvier 2003, à 8 h 10, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 1, le contremaître d'une équipe de soudure en voie du Canadien National (CN) reçoit du contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) le permis d'occuper la voie (POV) no 16 l'autorisant à occuper la voie principale sur la subdivision Montmagny entre le signal 1007, point miliaire 100,70, à Saint-Charles, et le signal 906, point miliaire 90,60, à Saint-Vallier (Québec).

    Le contremaître embarque son véhicule rail-route sur la voie principale à un passage à niveau public situé à Saint-Charles puis se rend jusqu'au pont de la rivière Boyer, point milliaire 97,60 (voir la figure 1), où des travaux de soudure des joints de rail sont prévus. Le contremaître ouvre sa radio portative sur la fréquence d'écoute désignée, ainsi que la radio du véhicule rail-route et le haut-parleur extérieur.

    Figure 1. Lieu de la collision
    Image
    Lieu de la collision

    Le train Q-148-91-18 (train 148), un train de messageries, part de Joffre vers 9 h 10. Il passe le signal à Saint-Charles est à 9 h 25, qui affiche un signal de vitesse normale depuis 9 h 9. Les membres de l'équipe de train communiquent entre eux l'indication du signal tel qu'exigé par le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF). Vers 9 h 28, l'équipe du train 148 aperçoit le véhicule rail-route sur le pont de la rivière Boyer. Alors que le train roule à une vitesse de 64 mi/h, le mécanicien serre les freins d'urgence du train tout en enclenchant le sifflet de la locomotive. Le contremaître de l'équipe de soudure aperçoit, lui aussi, le train arrivant de l'ouest, et presse son coéquipier de libérer rapidement la voie pour éviter l'impact imminent. Le train heurte, à une vitesse de 60 mi/h environ, le véhicule rail-route resté immobile sur le pont. Les membres de l'équipe de soudure et de l'équipe du train n'ont pas été blessés. Le véhicule rail-route a été complètement détruit et la locomotive, légèrement endommagée.

    Le train 148 se composait de 3 locomotives et de 15 wagons porte-conteneurs à plates-formes multiples chargés. Il mesurait 3 172 pieds et pesait 2 027 tonnes. L'équipe de train comptait un mécanicien et un chef de train, qui étaient, tous deux, postés dans la locomotive de tête. Ils connaissaient bien les caractéristiques du trajet, répondaient aux exigences de leurs postes respectifs et satisfaisaient aux exigences en matière de repos et de condition physique.

    Le contremaître de soudure a débuté sa carrière au CN en 1967. Il connaissait bien le territoire, était qualifié pour agir à titre de contremaître d'entretien de la voie depuis 1972 et avait acquis de l'expérience de travail dans les territoires régis par les règles de la commande centralisée de la circulation (CCC).

    Contrôle de la circulation

    La CCC est un système de commande où la circulation des trains est régie par des indications de signaux. La CCC comprend des points contrôlés où le CCF peut actionner les aiguillages pour établir les itinéraires des trains. Le CCF surveille l'état du territoire sur des écrans multiples couvrant l'ensemble des subdivisons gérées depuis son pupitre. La circulation des véhicules d'entretien et les activités relatives aux travaux en voie sont protégées grâce aux POV ou à la protection par signaleur (règle 42 du REF).

    En CCC, la présence d'un train dans un canton ou à un point contrôlé active une indication sur l'écran de surveillance. Les trains peuvent être identifiés par le CCF sur l'écran par un témoin d'identification. L'arrivée d'un train à un point contrôlé déclenche un avertissement sonore en plus de l'indication de canton ou de point contrôlé. Le CCF n'a pas d'indication en temps réel de la vitesse d'un train, ni de sa position exacte sur le territoire (sauf quand un train passe un point contrôlé). La majorité des véhicules d'entretien n'activent pas les systèmes de signalisation; il n'y a donc aucune indication de la présence d'un véhicule d'entretien sur la voie. La seule connaissance du CCF de la présence potentielle de véhicules d'entretien est l'existence d'un POV que le CCF a lui-même créé dans le système ou l'existence d'une protection par signaleur.

    Les CCF contrôlent la circulation des trains et l'utilisation de la voie par les véhicules d'entretien de la voie par l'entremise de systèmes de gestion de trafic informatisée et de systèmes de communication radio et téléphone. Les CCF utilisent des outils d'informatique standard, comme un clavier, une souris et une boule de commande, pour faire les entrées dans les divers ordinateurs.

    Le tronçon de voie entre Saint-Charles et Saint-Vallier est régi par les règles de la CCC, en vertu du REF, sous la surveillance du CCF posté à Montréal (Québec) au pupitre no 1. Le CCF au pupitre no 1 est responsable des subdivisions Pelletier entre les points milliaires 68,4 (Pelletier) et 86,9 (Saint-André Jonction), Montmagny, Lévis, Bridge, et une partie de la subdivision Drummondville entre les points miliaires 4,4 (Saint-Romuald) et 11,2 (Saint-Nicolas). Le territoire comprend également la voie principale, la voie de contour du triage de Joffre et les divers épis et embranchements.

    Le triage de Joffre est un terminal de relève pour les équipes des trains et est la base des opérations pour une bonne partie des effectifs d'entretien de la voie de l'est du Québec.

    Toutes les subdivisions du pupitre no 1 sont en CCC, sauf la subdivision Lévis et certains embranchements qui sont en territoire de régulation de l'occupation de la voie (ROV). Sur la subdivision Montmagny, la vitesse maximale autorisée est de 80 mi/h pour les trains de voyageurs et de 60 mi/h pour les trains de marchandises. Les trains de messageries peuvent dépasser de 5 mi/h la vitesse autorisée pour les trains de marchandises.

    Environ 10 trains de voyageurs et 20 trains de marchandises circulent chaque jour sur l'ensemble du territoire. Par conséquent, il y a beaucoup de POV émis aux contremaîtres de la voie pour la circulation de véhicules rail-route et de véhicules de travaux. Pendant le quart de jour, la charge de travail typique peut consister à l'émission de 50 à 80 POV et au contrôle de la circulation de 15 à 30 trains.

    Chronologie des événements

    Le CCF répond aux exigences de son poste et travaille depuis 19 ans au CN. Depuis les six dernières années, il travaille comme CCF de remplacement et est qualifié sur tous les pupitres et territoires, incluant le pupitre no 1. Le 20 janvier 2003, il prend son poste à 7 h 28; il se sent reposé quand il prend son quart de travail, ayant pris deux jours de congé et ayant dormi environ huit heures la nuit précédent l'événement.

    Entre le début du quart de travail du CCF et l'heure de l'accident, deux trains de voyageurs et six trains de marchandises sont passés sur son territoire. Le CCF a émis 9 POV et en a annulé 11. Il a eu environ 70 communications téléphoniques ou par radio.

    À 8 h 20, le train 402, se dirigeant vers l'est sur la subdivision Montmagny, passe à Cap-Saint-Ignace (point milliaire 70,50).

    À 8 h 24, le CCF accorde à un contremaître de la voie le POV 19 sur la subdivision Montmagny entre La Pocatière (point milliaire 42,60) et Kamouraska (point milliaire 29,00).

    A 8 h 35, le train 402 arrive à La Pocatière. Au même moment, le contremaître en possession du POV 19 appelle le CCF par radio, depuis La Pocatière, pour annuler son POV. Le CCF sélectionne le POV 16 sur l'écran sommaire des POV en vigueur, au lieu du POV 19, puis communique le numéro de POV 19 et le nom du contremaître en possession de ce POV, mais le CCF donne la zone d'application du POV 16 qui était affichée sur les écrans de surveillance. Le contremaître répète 19 comme numéro de POV et énonce la zone d'application du POV 19. Le contremaître n'a pas indiqué au CCF que ce dernier n'avait pas transmis correctement la zone d'application; il n'était d'ailleurs pas tenu explicitement de le faire selon le REF (voir l'annexe A). Le CCF annule le POV 16 qu'il avait sur l'écran à 8 h 36 min 2 s.

    Le CCF remarque que le POV 19 apparaît toujours comme actif sur l'écran sommaire des POV. Croyant que le système n'avait pas saisi l'annulation du POV 19, le CCF rappelle celui-ci sur l'écran et l'annule à 8 h 36 min 45 s. Le CCF ne s'aperçoit pas de la disparition du POV 16 du système. Il n'y a aucune communication entre le CCF et le contremaître en possession du POV 16.

    À 8 h 37, le CCF procède à la sélection de l'itinéraire du train 402 dont l'affichage était sur les écrans de surveillance pour permettre à ce train de continuer sa route sans retard.

    Systèmes de gestion informatisée de la circulation ferroviaire

    Au CN, les systèmes de gestion informatisée de la circulation ferroviaire ont été mis en place au début des années 1990. La première installation a eu lieu à Winnipeg (Manitoba), suivie par celles d'Edmonton (Alberta), de Kamloops (Colombie-Britannique), de Prince George (Colombie-Britannique), de Toronto (Ontario) et de Montréal. Les systèmes utilisés proviennent de trois fabricants différents. L'ergonomie des postes de travail des CCF est légèrement différente dans chaque centre.

    Les trois systèmes fonctionnent de façon similaire lors de l'émission d'un POV mais diffèrent lors de l'annulation. L'annulation sur l'écran actif d'un POV à Toronto et une partie des systèmes à Edmonton exige que la sélection soit confirmée en tapant le numéro du POV choisi avant que le système ne montre l'écran d'annulation dans une boîte de dialogue, car ces systèmes fonctionnent par sélection de caractère de clavier. Le soulignage de chaque case du formulaire sur l'écran est requis sur tous les systèmes, incluant les limites du POV et le nom du contremaître. À Montréal et dans l'autre partie à Edmonton, le système informatique ne demande pas de confirmation de choix en tapant le numéro sélectionné car la sélection se fait sur un écran graphique à partie d'une liste des POV en vigueur.

    Durant l'été 2002, le CN a placé une commande auprès de Siemens AG pour la conception et l'installation de systèmes modernes complètement intégrés pour remplacer les divers systèmes existants. Les travaux vont s'échelonner sur une période de trois ans.

    Erreurs de communication

    Des étudesNote de bas de page 2 entreprises aux États-Unis par la Federal Aviation Administration (FAA) sur les communications entre les contrôleurs aériens et les équipes d'aéronefs ont montré qu'il y a eu des erreurs de communication dans environ 1 % des communications. Une évaluation supplémentaire des cas où ces erreurs étaient présentes a montré que l'équipage a incorrectement répété les instructions lors des autorisations de vol et que les contrôleurs n'ont pas corrigé l'erreur dans 47 % des cas analysés; il n'y a pas eu de répétition de la part de l'équipage dans 25 % des cas et le contrôleur n'a pas reconnu son erreur lors de la répétition de l'équipage ou n'a par corrigé l'information erronée dans 18 % des cas.

    S'inspirant de ces études, la Federal Railroad Administration a entrepris un projet pour établir un programme de formation des CCF afin de réduire les erreurs lors de la réception et de la répétition des communications.

    Événements mettant en cause des véhicules d'entretien

    La base de données des événements ferroviaires du BST a été examinée pour la période de 1995 à 2002 dans le but de déterminer les causes et facteurs contributifs liés aux événements mettant en cause des véhicules d'entretien sur les voies ferrées. Durant cette période, 289 événements mettant en cause des véhicules d'entretien ont été signalés, dont 98 collisions et 11 déraillements.

    La majorité des événements ont des causes et facteurs contributifs multiples. L'examen de l'ensemble des événements signalés montre que les facteurs humains sont cités dans 164 événements. Le manque d'autorisation a été cité comme cause ou facteur contributif dans 146 des cas, suivi par la vitesse d'opération (37 événements) et les communications (18 événements). En ce qui concerne les collisions, la vitesse d'opération a été mise en cause dans 36 cas, le manque d'autorisation dans 19 cas, les erreurs de communication dans 13 cas, les facteurs environnementaux dans 6 cas et les autorisations annulées par erreur dans 3 cas.

    Gestion des risques de collision

    Les systèmes d'identification et de séparation automatiques des véhicules existent dans les secteurs aériens et maritimes depuis plusieurs années. Maintenant, des systèmes équivalents commencent à voir le jour dans des organismes de transport ferroviaire. Par exemple, l'autorité de transport régional de Denver (Colorado), aux États-Unis, dispose maintenant d'un tel système ainsi que le Chemin de fer QNS&L et le chemin de fer Burlington Northern and Santa Fe (BNSF).

    Le Chemin de fer QNS&L utilise la séparation et l'identification positive des véhicules et des trains depuis 1997. Toutes les locomotives et tous les véhicules d'entretien circulant sur la voie principale ont été équipés d'appareils de détection de proximité (ADP). L'ADP est un système qui identifie la position sur la voie de chaque véhicule grâce au système mondial de positionnement (GPS). Le système sert à prévenir les risques de collision en donnant des alarmes à des intervalles de distance prédéterminés et déclenche le freinage des trains en cas d'inaction de l'équipe de train.

    Tout récemment, le BNSF a adopté un système de prévention de collision pour les véhicules d'entretien rail-route, à la suite de plusieurs accidents mettant en cause des véhicules rail-route. Le système, également basé sur la technologie GPS, est intégré au système d'exploitation de trafic informatisé et permet au CCF d'identifier l'emplacement des véhicules rail-route dans sa zone de responsabilité. Le système permet aussi aux véhicules rail-route de localiser d'autres véhicules rail-route situés à proximité.

    Analyse

    La conduite du train 148 était conforme à la réglementation et aux instructions d'exploitation en vigueur. L'analyse portera donc sur l'annulation du POV 16, les limitations du système de gestion informatisée de la circulation ferroviaire utilisé pour la gestion des POV, les communications et la gestion des risques de collision.

    Annulation du POV 16

    Les CCF sont souvent appelés à accomplir des tâches multiples en parallèle. Il est courant qu'un CCF utilise les outils du pupitre pour créer une protection dans le système d'exploitation tout en communiquant par téléphone ou radio avec le demandeur. Par exemple, entre le début de son quart de travail et le moment de l'accident, le CCF au pupitre no 1 a été en communication avec des équipes de train ou d'entretien environ toutes les deux minutes; en même temps, il a émis ou annulé 20 POV et contrôlé le mouvement de 8 trains.

    Les exigences d'attention lors de l'utilisation de moyens de communication comme la radio ou le téléphone et la réponse aux appels sont très élevésNote de bas de page 3. Lors des périodes de pointe, les CCF développent des stratégies de travail qui leur permettent de se délester des tâches de mémoire exigeante, d'anticiper et de planifier d'avance et de remettre à plus tard des tâches de moindre priorité qu'ils doivent accomplir.

    Lors de la communication avec le contremaître à La Pocatière concernant la demande d'annulation du POV 19 qui a résulté dans l'élimination fortuite du POV 16, le CCF, en plus d'amorcer le processus d'annulation du POV 19 et de communiquer avec le contremaître à La Pocatière, devait aussi surveiller la progression du train 402 qui arrivait à La Pocatière. Comme l'itinéraire du train 402 ne pouvait pas être sélectionné tant que le POV 19 demeurait en vigueur, le CCF devait exécuter rapidement l'annulation du POV 19 pour ne pas retarder le train 402. Pour ce faire, il fallait que, dans un délai très court, le CCF accomplisse ces tâches, tout en restant en communication avec le contremaître et en portant son attention sur plusieurs écrans séparés. Dans cette situation, le CCF a donc choisi par erreur le POV 16 sur l'écran sommaire au lieu du POV 19.

    De façon générale, il est admis que les humains ont une capacité limitée de traitement de l'information et que, s'ils effectuent plusieurs tâches en même temps, ils excèdent parfois cette capacité surtout lorsqu'il s'agit d'exécuter dans un court laps de temps des tâches exigeant de la vigilance. Le CCF a émis le POV 19 avec un délai très serré, car le train 402 approchait des limites de la zone du POV. Cette décision a réduit la marge de manoeuvre du CCF et l'a mis dans une situation de course à la montre pour éviter un délai au train 402 lors de la demande d'annulation. Même si le CCF n'avait que deux tâches à exécuter, leur accomplissement, dans un court laps de temps, a pu augmenter les risques d'erreur et réduire la capacité du CCF à s'acquitter de ses fonctions adéquatement afin d'assurer la sécurité ferroviaire.

    Système de gestion informatisée

    Des études sur l'utilisation des curseursNote de bas de page 4 montrent que des erreurs de choix sur écran surviennent 9 % du temps sur les systèmes informatiques utilisant des outils de pointage pour choisir des éléments sur l'écran, indépendamment de l'outil utilisé, du système d'exploitation ou de l'expérience de l'utilisateur. La sélection du POV 16 au lieu du POV 19 sur l'écran sommaire par le CCF était une erreur de sélection typique de ce genre.

    À cause d'un niveau d'erreur potentiel aussi élevé, les principes de conception des systèmes d'exploitation informatiquesNote de bas de page 5, généralement utilisés pour la gestion de tâches critiques, incorporent la gestion d'erreurs comme fonction de base pour capter et corriger les erreurs d'entrée ou de sélection des utilisateurs. Les systèmes de Toronto et d'Edmonton, en partie, disposent de fonctions de confirmation de sélection et de soulignage qui remplissent cette tâche de filtrage d'erreurs, alors que le système en place à Montréal n'en dispose pas. L'absence de telles fonctions dans le système de gestion de Montréal a augmenté les risques d'erreur de sélection sur l'écran des POV.

    Communications

    La barrière de protection érigée dans le REF par les exigences de répétition et d'identification des données de la zone d'application des POV n'a pas fonctionné comme prévu. Le CCF, ayant sélectionné le POV 16 par inadvertance, a lu sa zone d'application mais n'a pas réagi lorsque le contremaître à La Pocatière a, lui, énoncé le POV 19 et transmis la zone d'application de ce dernier. L'exigence réglementaire sur la répétition des données complètes d'un POV lors de l'émission et de l'annulation est le principal moyen de défense établi pour contrer des erreurs d'exécution de la part du CCF ou du contremaître. Le règlement actuel prévoit que le CCF lise les données contenues dans le formulaire du POV sur l'écran lors de l'émission ou de l'annulation d'un POV, mais il n'est pas requis spécifiquement que le contremaître les répète lors de l'annulation, ni qu'il corrige le CCF si ce dernier commet une erreur.

    Selon la base de données du BST, le nombre d'erreurs de communication dans le domaine ferroviaire est relativement faible, ce qui indique que les procédures de communication mises en place par les chemins de fer minimisent déjà les risques d'erreur. Des études de la FAA ont montré que ce genre d'erreurs n'était pas non plus fréquent dans l'industrie aéronautique; cependant, dans 18 % des cas, les erreurs n'ont pas été relevées malgré la répétition des données. Par conséquent, des progrès peuvent encore être accomplis si toutes les parties engagées dans une communication sont tenues non seulement de répéter les données transmises mais également de corriger les erreurs d'autrui.

    Gestion des risques de collision

    Bien que le CCF soit, par l'entremise du système de gestion de trafic, le lien entre les trains et les véhicules d'entretien, il ne dispose pas d'un système lui permettant d'identifier avec exactitude les positions relatives des trains et des véhicules d'entretien. Le CCF ne se trouve donc pas en mesure de prévenir des collisions dans le cas où il y a eu une erreur entraînant un chevauchement d'autorisations comme lors de cet événement. Sur les chemins de fer au Canada, l'identification et la localisation des trains et des véhicules d'entretien en temps réel sont pratiquement inexistants, rendant la tâche du CCF plus difficile. Ailleurs dans l'industrie et dans d'autres modes de transport, la gestion du trafic et la sécurité des opérations ont été grandement améliorées par l'utilisation de systèmes d'identification de véhicules dont les informations sont transmises en temps réel aux opérateurs et aux contrôleurs de trafic. La présence d'un tel système, qui reconnaît l'identification et la localisation de tous les véhicules circulant sur un tronçon de voie, aurait alerté l'équipe de train et l'équipe de soudure et réduit les risques de collision.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Le train 148, dont le mouvement était autorisé, est entré en collision avec un véhicule d'entretien de la voie dont le permis d'occuper la voie (POV) avait été annulé par inadvertance par le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF).
    2. La barrière de protection érigée par les exigences de répétition et d'identification de la zone d'application du POV dans le règlement n'a pas fonctionné comme prévu.

    Faits établis quant aux risques

    1. Même si le CCF n'avait que deux tâches à exécuter, leur accomplissement, dans un court laps de temps, a pu augmenter les risques d'erreur et réduire sa capacité à s'acquitter de ses fonctions adéquatement afin d'assurer la sécurité ferroviaire.
    2. L'absence de fonctions de filtrage d'erreurs dans le système de gestion informatisée de Montréal a augmenté les risques d'erreur de sélection sur l'écran des POV.
    3. Des progrès peuvent encore être accomplis dans la réduction du nombre d'erreurs de communication si toutes les parties engagées dans une communication sont tenues non seulement de répéter les données transmises mais également de corriger les erreurs d'autrui.
    4. Un système qui reconnaît l'identification et la localisation de tous les véhicules circulant sur un tronçon de voie aurait alerté l'équipe de train et l'équipe de soudure et évité la collision.

    Mesures de sécurité prises

    Afin de minimiser le nombre d'erreurs de communication, le Canadien National (CN) a émis une instruction spéciale supplémentaire à la règle 826 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) qui exige que, lors de l'annulation d'un permis d'occuper la voie (POV), le contremaître doit répéter les limites du POV à être annulé. L'instruction exige aussi que le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) répète les limites du POV au contremaître.

    Le CN a commandé auprès de Siemens AG de nouveaux systèmes informatisés pour la gestion du trafic ferroviaire (RTC 2). Ils seront mis en place dans tous les centres de contrôle de la circulation ferroviaire. Ces systèmes utilisent une méthode révisée de gestion des autorisations d'occupation de la voie et sont munis d'un processus de transmission, de répétition, et de soulignage qui comprend les limites du POV lors d'une demande d'annulation. Le CCF pourra choisir le POV désiré directement à partir d'une représentation géographique de la section de voie à protéger, au lieu d'une sélection par souris à partir d'une liste sur un écran graphique. Le nom du contremaître sera superposé, sur l'écran de surveillance, au tronçon de voie protégé. Les systèmes comporteront plusieurs améliorations qui permettront de réduire le nombre de formulaires d'autorisation et par conséquent la tâche de travail des CCF.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A - Procédure d'annulation des permis d'occuper la voie

    er

    826. Lorsqu'un POV n'est plus nécessaire :

    1. le contremaître doit en aviser promptement le CCF, en lui indiquant son nom et le numéro du POV;
    2. le CCF doit annuler le POV en donnant au contremaître le numéro du POV, la zone de l'application du POV, l'heure de l'annulation, et ses initiales;
    3. le contremaître doit accuser réception de l'annulation en répétant au CCF le numéro du POV, l'heure de l'annulation et les initiales du CCF;
    4. l'annulation prend effet seulement après que le contremaître en a répété correctement les renseignements et qu'il en a accusé réception.