Rapport d'enquête ferroviaire R04T0008

Déraillement en voie principale
du train numéro 239-13
exploité par le Chemin de fer Canadien Pacifique
au point milliaire 178,20 de la subdivision Belleville
à Whitby (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 14 janvier 2004, vers 19 h 42, heure normale de l'Est, 11 plates-formes chargées de 18 conteneurs ont déraillé au point milliaire 178,20 de la subdivision Belleville. Les plates-formes faisaient partie du train intermodal numéro 239-13 du Chemin de fer Canadien Pacifique qui roulait vers l'ouest. Le déraillement s'est produit un peu à l'est du passage supérieur de la rue Garden, à Whitby (Ontario). Certaines des plates-formes et certains conteneurs sont tombés sur la chaussée en contrebas et ont heurté une automobile qui roulait en direction sud. Les deux occupantes de l'automobile ont été mortellement blessées.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 L'accident

    Le 13 janvier 2004, le train de marchandises intermodal numéro 239-13 (train 239) du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP)Note de bas de page 1 part de Montréal (Québec) à destination de Toronto (Ontario). Le train se compose de 2 locomotives, de 40 wagons chargés et d'un wagon vide. Il pèse 3907 tonnes et mesure 5036 pieds. Après un changement d'équipe (équipe 1) à Smiths Falls (Ontario), le train part vers 22 h 39, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 2. Le ciel est nuageux et le vent soulève de la poudrerie. La température de l'air ambiant est d'environ -30 °C.

    Le train poursuit sa route vers l'ouest dans la subdivision Belleville (voir la figure 1), atteignant par moments la vitesse d'exploitation maximale autorisée dans l'indicateur du CFCP, soit 50 mi/h. Après que le train a parcouru quelque 25 milles, l'unité de détection et de freinageNote de bas de page 3 (UDF) placée à la queue du train tombe en panne. L'équipe 1 communique avec le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Montréal pour l'aviser du problème. Le CCF donne à l'équipe des instructions disant de rouler à vitesse réduite (25 mi/h) jusqu'à la voie d'évitement de Lonsdale, située au point milliaire 79,8. En arrivant à la voie d'évitement de Lonsdale, le 14 janvier 2004 à 2 h 5, le chef de train descend du train du côté sud de la voie. Après avoir fait avancer le train, le chef de train remplace l'UDF défectueuse par celle d'un train qui est stationné dans la voie d'évitement.

    Figure 1. Carte de la subdivision Belle
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    Carte de la subdivision Belleville

    Une fois le remplacement terminé, on procède aux essais de freins exigés par le règlement, après quoi le train revient en marche arrière pour faire monter le chef de train. Pendant ce temps, le chef de train fait une inspection visuelle de chaque wagon qui passe devant lui. Au cours de cette inspection, il remarque de la vapeur et des bruits de frein en provenance de trois des wagons. Un examen plus poussé révèle que le frein à main du wagon CP 521173, le 39e à partir des locomotives, est serré partiellement; le chef de train desserre ce frein. Dans le cas des deux autres wagons, CP 506187 et CP 506270 (les 22e et 7e wagons respectivement), le problème est dû à des freins à air coincés. On décide alors d'isoler les conduites d'air de ces deux wagonsNote de bas de page 4. Après avoir terminé ce travail et avoir passé une cinquantaine de minutes à l'extérieur par des températures glaciales, le chef de train remonte à bord du train.

    Le train repart de Lonsdale à 2 h 53. Peu après, comme le train passe au-dessus du détecteur de boîtes chaudes (DBC) situé au point milliaire 82,1, le capteur émet une alarme de roue chaude. Le capteur indique un problème potentiel à la hauteur du 223e essieu, et signale aussi que la température de l'air ambiant est de -22 °F (-30 °C). Le 223e essieu correspond à l'essieu arrière du bout B du wagon CP 521173, un wagon intermodal à une seule plate-forme.

    L'équipe du train communique avec le CCF pour l'informer que le capteur en voie a identifié un wagon dont le chef de train a desserré les freins auparavant. Même si les membres de l'équipe savent que le point désigné pour l'inspection des trains circulant vers l'ouest se trouve à Thurlow, point milliaire 87,8, ils demandent de poursuivre leur route jusqu'à Belleville; se fondant sur l'information que l'équipe lui a donnée, le CCF l'autorise à continuer jusqu'à Belleville, environ trois milles plus loin. En s'arrêtant à Belleville plutôt que sur la voie principale à Thurlow, l'équipe est en mesure de laisser passer le train 124 du CFCP, lequel circule en direction est et se trouve dans la voie d'évitement de Belleville.

    À 3 h 27, le train 239 s'arrête à Belleville, près du passage à niveau de la route 2, situé au point milliaire 90,05. Le chef de train descend du côté nord. Profitant de l'éclairage des lampadaires, il commence à inspecter le train au défilé. L'équipe du train 124 du CFCP, dont le train est arrêté dans la voie d'évitement, en profite aussi pour faire une inspection au défilé du train 239. Au cours de cette inspection, l'équipe du train 124 émet un message radio disant qu'un wagon du train 239 est en feu. On arrête le train 239. L'inspection sur place révèle qu'il n'y a pas d'incendie, mais que de la vapeur s'échappe des roues surchauffées du wagon CP 506187, en l'occurrence l'un des wagons dont les freins ont été isolés à Lonsdale. Après avoir essayé à plusieurs reprises de desserrer les freins, le chef de train avise le CCF qu'il va falloir retirer le wagon CP 506187 du train. Ensuite, le chef de train termine l'inspection au défilé, laquelle ne révèle aucune autre anomalie.

    Le chef de train remonte à bord à 4 h 6. Le train 239 poursuit sa route à vitesse réduite jusqu'à Trenton, point milliaire 101,8, où le wagon CP 506187 est dételé et laissé dans la cour de triage. Comme l'équipe 1 est presque à la fin de son quart de travail, on diviseNote de bas de page 5 le train et on le gare dans le triage. À 6 h 18, l'équipe 1 quitte le train.

    Pendant que le train 239 est garéNote de bas de page 6 à Trenton, le CCF doit s'occuper, dans la subdivision Belleville, de deux occupations non identifiées de la voie qui n'ont aucun rapport avec ce trainNote de bas de page 7. À 9 h 22 et 9 h 46, le personnel du Groupe de la signalisation et des communications (S & C) est envoyé au point milliaire 103,1, puis au point milliaire 105,48. Le personnel du S & C confirme que les occupations non identifiées de la voie sont attribuables à des rails brisés. On dépêche des équipes d'entretien de la voie, et les réparations se terminent à 13 h.

    On fait venir de Toronto une équipe de remplacement pour le train 239 (équipe 2). L'équipe arrive à Trenton et prend possession du train à 13 h 6. L'équipe 2 effectue les essais de frein réglementaires. Le chef de train fait aussi une inspection au défilé du train 239. Aucune anomalie n'ayant été détectée, le train repart de Trenton à 15 h 11.

    À 15 h 55, une autre alerte d'occupation non identifiée de la voie s'affiche à l'écran du CCF. L'occupation non identifiée de la voie est localisée à Colborne. L'occupation non identifiée de la voie est apparue à l'écran du CCF au moment où le train 239 quittait ce cantonNote de bas de page 8. Le CCF informe le personnel du S & C de cette occupation non identifiée de la voie, après quoi une équipe d'entretien des signaux se rend sur place pour trouver la cause du problème. Environ une heure plus tard, le personnel du S & C avise le CCF que l'équipe a trouvé un rail brisé à cet endroit. On dépêche ensuite une équipe d'entretien chargée de réparer la voie.

    À 18 h 39, l'équipe 2 du train 239, ayant presque atteint son nombre maximal d'heures de service, se fait remplacer à Port Hope, point milliaire 143,2, par une équipe qui conduisait auparavant la locomotive de manœuvre Cobourg Turn. L'équipe 2 part en direction de Toronto à bord de la Cobourg Turn, qui roule alors comme un groupe de « locomotives haut-le-pied »Note de bas de page 9. Le train 239, conduit maintenant par l'équipe 3, prend ensuite le départ à 18 h 49.

    À 19 h 5, une occupation non identifiée de la voie se produit à Lovekin au moment où le train 239 quitte le canton. Il s'agit de la deuxième occupation non identifiée de la voie à se produire après le passage du train 239, et de la quatrième occupation non identifiée de la voie à se produire dans la subdivision Belleville ce jour-là. Le personnel du S & C en est avisé et est envoyé sur place.

    À 19 h 13, préoccupé par la gestion des trains dans cette subdivision, le CCF essaie d'appeler le gestionnaire adjoint du contrôle de la circulation ferroviaire (GACCF). Ne pouvant joindre que la messagerie vocale du GACCF, le CCF ne laisse pas de message. Puis, le CCF se rend au bout du couloir jusqu'au bureau du GACCF, mais il ne trouve pas ce dernier.

    À 19 h 15, le superviseur de l'entretien de la voie et le CCF discutent de la nécessité d'imposer un ordre de marche au ralenti dans toute la subdivision Belleville, compte tenu de facteurs tels que la température extrêmement basse, les voies d'évitement bloquées et la présence de plusieurs rails brisés. Ils décident d'émettre un Bulletin de marche (BM) d'application générale imposant une vitesse de 35 mi/h dans la subdivision Belleville entre les points milliaires 11,0 et 173,0. Pour appliquer ce BM, le CCF doit appeler chaque train qui est dans la subdivision Belleville afin de lui communiquer les consignes. Le CCF entreprend ce processus à 19 h 25, en commençant par les trains qui viennent d'entrer dans le territoire dont il a la responsabilité.

    À 19 h 30, les réparations de la voie sont terminées au point milliaire 121,1, et la voie est remise en service. À 19 h 31, comme le train 239 quitte le canton, le CCF observe qu'une occupation non identifiée de la voie s'est produite à Darlington. Il s'agit de la troisième occupation non identifiée de la voie à se produire après le passage du train 239.

    Entre 19 h 34 et 19 h 39, le CCF continue de communiquer le BM aux trains qui se trouvent dans la subdivision Belleville. Pendant cette période, le CCF finit par joindre le GACCF. Le CCF indique qu'il y a deux voyants d'allumés sur la voie principale, à Lovekin et à Darlington, et que le personnel du S & C en a été avisé, mais qu'il est quand même préoccupé par la situation. Le GACCF suggère alors d'attendre.

    À 19 h 41 min 55 s, le CCF, après avoir discuté avec le superviseur de l'entretien de la voie, conclut que les occupations non identifiées de la voie pourraient être causées par le train 239 et qu'il faut faire arrêter le train. À 19 h 41 min 50 s, alors que le CCF discute encore avec le superviseur de l'entretien de la voie, un freinage d'urgence se produit dans le train 239 après quoi l'équipe émet un appel d'urgence. Le CCF s'apprête à communiquer avec le train quand il reçoit l'appel radio d'urgence en provenance du train 239. Il est alors 19 h 42 min 57 s.

    Une fois le train immobilisé, et après avoir pris les mesures d'urgence, le chef de train descend du train et commence à marcher en direction de la queue du train afin de déterminer la cause du serrage d'urgence intempestif des freins du train. En arrivant sur les lieux du déraillement, le chef de train apprend au mécanicien que les trois derniers wagons du train ont déraillé sur le passage supérieur de la rue Garden, à Whitby. Certaines des plates-formes et certains des conteneurs sont tombés sur la chaussée en contrebas. Il y a un petit incendie au sud de la voie, à l'ouest de la rue Garden. On appelle les premiers intervenants sur les lieux du déraillement et on assure la sécurité dans le secteur.

    La ville de Whitby a une population d'environ 100 000 habitants. La rue Garden est une route de dégagement à quatre voies à chaussée unique, qui est orientée dans l'axe nord-sud et qui fait passer en moyenne 17 000 véhicules par jour. La subdivision Belleville fait partie du couloir de transport principal du CFCP qui relie Montréal à Toronto. En 2003, le tonnage brut qui a transité par cette subdivision entre Smiths Falls et Oshawa a été de 25 883 000 tonnes, et celui qui a été transporté entre Oshawa et Toronto s'est élevé à 30 987 000 tonnes.

    Le soir du déraillement, la station météorologique la plus près a enregistré une température de -18 °C et des vents du nord-est soufflant à 14 km/h. Le temps était couvert, et environ 2,2 cm de neige étaient tombés au cours des 12 heures précédentesNote de bas de page 10.

    1.2 Examen des lieux de l'événement

    Le wagon CP 521173, en l'occurrence le 39e wagon du train, a été le premier wagon à dérailler. Quand il s'est immobilisé, à environ 2000 pieds du point de déraillement, il était encore à la verticale et il était toujours attelé à la partie avant du train. Seul son bogie avant avait déraillé. Le wagon CP 521173 transportait quatre conteneurs, dont deux conteneurs chargés d'un produit réglementé, du thioglycol (ONU 2966, poison, classe 6). Ces conteneurs n'avaient subi aucun dommage. Aucune autre marchandise dangereuse n'a été en cause dans le déraillement.

    Un examen ultérieur fait sur les lieux de l'événement a permis de déterminer que la roue L4 du wagon CP 521173 était endommagée. La roue avait perdu environ 60 % de sa janteNote de bas de page 11. Les roues sud du bogie avant étaient tombées du côté intérieur du rail et les roues nord étaient tombées du côté extérieur. Des marques de roues relevées sur les traverses et les selles de rail indiquaient que le wagon CP 521173 avait déraillé à l'est du passage supérieur de la rue Garden. Les deux wagons qui suivaient s'étaient détachés du train. Le bogie arrière de la plate-forme avant du wagon TTAX 653749, un wagon porte-conteneurs articulé, avait quitté la voie et s'était arrêté un peu à l'ouest du passage supérieur de la rue Garden. Les quatre autres plates-formes du wagon TTAX 653749 avaient déraillé et avaient perdu leur chargement du côté sud de la voie ferrée. Le dernier wagon, le TTAX 78566, avait aussi déraillé et s'était immobilisé au sud et à l'est du passage supérieur (voir la figure 2).

    Figure 2. Lieux du déraillement
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    Lieux du déraillement

    Après avoir éteint un petit incendie qui avait débuté au moment du déraillement, le personnel d'intervention d'urgence a constaté que la première plate-forme du wagon TTAX 653749 avait été traînée après avoir déraillé et qu'elle avait heurté une automobile après être tombée du passage supérieur. Les deux occupantes de l'automobile ont été mortellement blessées. Le petit incendie était alimenté par l'essence qui s'était déversée après que le réservoir de l'automobile a été percé.

    Sur les lieux du déraillement, la voie ferrée a été détruite sur une distance de quelque 200 pieds. Un examen plus poussé fait sur les lieux de l'événement a révélé que le rail sud s'était rompu au point milliaire 178,20, soit à environ 300 pieds à l'est du passage supérieur de la rue Garden. En direction est à partir de cet endroit, on a relevé des marques d'impact du côté intérieur du champignon du rail sud.

    1.3 Dommages causés à l'infrastructure de la voie

    Le tableau 1 énumère certains des dommages que le rail a subis après le passage du train 239. Sur une distance d'une cinquantaine de milles entre Colborne et Whitby, on a relevé des ruptures de rail à sept endroits et des fractures de rail à neuf autres endroits. Ces ruptures et fractures affectaient toutes le rail sud. Des dommages étaient aussi visibles dans la partie supérieure du rail à un grand nombre d'endroits, et, dans bien des cas, ils étaient voisins des ruptures de rail.

    Tableau 1. Dommages subis par le rail dans la subdivision Belleville après le passage du train 239 du CFCP
    Position des dommages (point milliaire) Type de dommage causé au rail Vitesse du train 239 quand le 39e wagon est passé à cet endroit (mi/h)
    121,10(Colborne*) Rail brisé à la hauteur d'un aiguillage 55
    131,18 Trou d'éclissage fissuré à la hauteur d'un aiguillage 30
    154,94 Contre-aiguille brisée dans un aiguillage 46
    155,80(Lovekin*) Rail brisé 46
    163,72 Fissure de l'âme 33
    165,50 Fissure de l'âme 45
    165,56 Fissure de l'âme 48
    165,67 Rail brisé 49
    166,92 Trou d'éclissage fissuré 56
    167,98 Fissure de l'âme 58
    168,38 Défaut transversal 58
    168,50 à 168,70 Rainures du côté intérieur du champignon du rail 59
    168,70(Darlington*) Rail brisé 59
    178,20(Whitby**) Rail brisé 51

    * Rail brisé qui a causé une occupation non identifiée de la voie
    ** Point de déraillement

    1.4 Autres dommages

    Le passage supérieur de la rue Garden a subi des dommages au moment du déraillement. Le garde-corps sud du passage supérieur a été arraché. La culée du pont a subi des dommages mineurs causés par la chute du matériel roulant et des conteneurs. La surface de la route et des lampadaires ont subi des dommages mineurs. Toutefois, l'accident n'a pas compromis l'intégrité de la structure du pont.

    1.5 Renseignements sur le personnel

    1.5.1 Équipe du train

    Entre Smiths Falls et Whitby, la conduite du train 239 a été confiée à trois équipes différentes, chacune se composant d'un mécanicien et d'un chef de train. L'équipe 1 a conduit le train de Smiths Falls à Trenton; l'équipe 2 l'a conduit de Trenton à Port Hope; et l'équipe 3 l'a conduit de Port Hope jusqu'au point milliaire 178,20. Les membres des trois équipes répondaient aux exigences de leurs postes respectifs et satisfaisaient aux exigences en matière de condition physique et de repos.

    1.5.2 Contrôle de la circulation ferroviaire

    Les événements décrits dans le présent rapport se sont produits pendant le quart de travail de trois contrôleurs de la circulation ferroviaire (le CCF 1, le CCF 2 et le CCF 3) qui étaient affectés au bureau de contrôle de la circulation ferroviaire du CFCP à Montréal. Les quarts de travail des trois CCF coïncidaient avec ceux de deux gestionnaires adjoints du contrôle de la circulation ferroviaire (le GACCF 1 et le GACCF 2). Les CCF et les GACCF qui ont travaillé pendant ces quarts de travail répondaient aux exigences de leurs postes respectifs. Leurs quarts de travail couvraient les périodes suivantes :

    Tableau 2. Horaire de travail des CCF et des GACCF (bureau de contrôle de la circulation ferroviaire de Montréal)
    Membre du personnel Début du quart Fin du quartNote de bas de page 12
    CCF 1 13 janvier 22 h 30 14 janvier 06 h 30
    CCF 2 14 janvier 06 h 30 14 janvier 14 h 30
    CCF 3 14 janvier 14 h 30 14 janvier 22 h 30
    GACCF 1 14 janvier 06 h 30 14 janvier 18 h 30
    GACCF 2 14 janvier 18 h 30 15 janvier 06 h 30

    Le CCF 3Note de bas de page 13 travaillait au CFCP depuis 1997, et il avait travaillé initialement comme manœuvre au sein d'une équipe du S & C. Il a obtenu la qualification de CCF en avril 1999. Depuis lors, il travaillait comme CCF au bureau de Montréal. Le CCF a passé l'examen de recertification en avril 2003. Depuis novembre 2003, il était affecté au pupitre du CCF chargé de la subdivision Belleville.

    Le GACCF 2Note de bas de page 14 occupait un poste de GACCF depuis 2001. Avant cette date, il avait travaillé pendant six mois au centre de gestion des équipes à titre de gestionnaire des opérations de relève. Auparavant, il avait travaillé deux ans au bureau de Montréal à titre de CCF.

    Au CFCP, tous les GACCF ont de l'expérience à titre de CCF. Au départ, les GACCF suivent une formation en cours d'emploi de six semaines, au cours de laquelle ils apprennent par l'observation les fonctions du personnel du centre de contrôle de la circulation ferroviaire.

    1.6 Particularités de la voie

    Dans la subdivision Belleville, la voie principale est simple et elle est orientée dans l'axe est ouest entre Smiths Falls, point milliaire 0,0, et Toronto, point milliaire 211,5. La subdivision compte de nombreuses voies d'évitement qui permettent le passage de trains de sens contraire. La vitesse maximale autorisée est de 60 mi/h. Aucune limitation de vitesse n'était en vigueur dans le secteur où le déraillement s'est produit.

    Le 14 janvier 2004, un certain nombre de limitations de vitesse par temps froidNote de bas de page 15 étaient en vigueur dans des tronçons de la subdivision Belleville :

    • BM X318 - Du point milliaire 0,0 aux signaux 1960/1960B (point milliaire 196,0), ne pas dépasser une vitesse de 35 mi/h quand un DBC transmet une température de -34 °C ou une température plus froide.
    • BM T742 - Entre les signaux 1960/1960B (point milliaire 196,0) et le signal 2094 (point milliaire 209,4), ne pas dépasser une vitesse de 35 mi/h quand un DBC transmet une température de -34 °C ou une température plus froide.
    • BM X377 - Entre le point milliaire 22,0 et le point milliaire 58,0, entre le point milliaire 73,0 et le point milliaire 89,0 et entre le point milliaire 158,0 et le point milliaire 171,0, ne pas dépasser une vitesse de 35 mi/h quand un DBC transmet une température qui se situe entre -25 °C et -34 °C.

    Dans le secteur où le déraillement est survenu, la voie était faite de longs rails soudés (LRS) de 136 livres dans les courbes, et de LRS de 132 livres dans les tronçons en alignement droit. Les rails de 136 livres ont été fabriqués en 1996 par la Sidney Steel et ont été posés en 1997. Les rails reposaient sur des selles de rail décentrées de 14 pouces à double épaulement et, à chaque selle de rail, ils étaient retenus par cinq crampons de six pouces. Les traverses étaient en bois dur traité, et elles étaient posées à raison de 60 traverses par 100 pieds de voie. Les rails étaient encadrés par des anticheminants à chaque traverse. Le ballast était constitué de pierre granitique concassée.

    Les trains qui roulent en direction ouest dans le secteur du déraillement gravissent une rampe de 0,8 % du point milliaire 177,1 au point milliaire 178,0, après quoi ils descendent une pente de 0,8 % du point milliaire 178,0 au point milliaire 178,4. En approchant du point milliaire 178,0, les trains circulant en direction ouest s'engagent dans une courbe à gauche de trois degrés dont le dévers est de quatre pouces, après avoir roulé en ligne droite.

    1.7 Inspection et évaluation de la voie

    Afin d'assurer la sécurité ferroviaire, le CFCP a mis en œuvre des programmes d'inspection qui permettent de déceler les irrégularités de la voie et de planifier les travaux d'entretien de la voie. Les programmes en question comprennent des essais faits par la voiture TEST, des essais visant à détecter les défauts de rail, des tournées à pied annuelles, des inspections mensuelles faites à partir de véhicules automobiles et des inspections visuelles bihebdomadaires.

    Dans la subdivision Belleville, la voiture TEST du CFCP a vérifié la géométrie de la voie le 8 octobre 2003. Cette vérification n'a révélé aucune anomalie dans le secteur où le déraillement s'est produit. Les rails ont été auscultés par la voiture de détection des défauts de rail le 3 décembre 2003. Ce contrôle n'a révélé aucune anomalie dans le secteur où le déraillement s'est produit.

    Les inspections bihebdomadaires ont été faites par le superviseur adjoint de l'entretien de la voie qui roulait sur la voie à bord d'un véhicule rail-route. Avant l'événement, la dernière inspection bihebdomadaire a été faite le 12 janvier 2004. Cette inspection n'a révélé aucun défaut important dans le secteur où le déraillement s'est produit.

    1.8 Systèmes de détection en voie

    Le CFCP a doté son réseau de systèmes de détection en voie (SDV). Il s'agit de systèmes éélectroniques qui surveillent l'état du matériel roulant en mouvement. Ces capteurs sont placés à des intervalles d'environ 25 milles le long de la voie principale, et comprennent normalement un DBC, servant à signaler les roulements surchauffés, un détecteur de roues chaudes et un détecteur de pièces traînantes. Les SDV sont installés uniquement en bordure de voies en alignement droit. Ils ne sont pas conçus pour détecter les jantes de roue qui commencent à se fissurer.

    De plus, le CFCP a déployé la technologie appelée détecteur de défauts de roues (DDR), qui sert à déceler les roues qui excèdent les valeurs minimales d'impact. Le CFCP n'a pas installé de systèmes de DDR dans ses subdivisions reliant Montréal et Toronto.

    1.8.1 Systèmes de détection de surchauffe de roulements, de roues chaudes et de pièces traînantes

    Le capteur installé au point milliaire 82,1 de la subdivision Belleville du CFCP est un DBC de type SERVO System 9000. Ce système, qui signale les roulements surchauffés, est aussi capable de détecter les roues chaudes et les pièces traînantes. Ces capteurs sont habituellement munis de systèmes de détection en bordure de la voie, de matériel de détection en voie et d'automates vocaux. Les données captées par les détecteurs de chaleur, les transducteurs des détecteurs de roues et les détecteurs de pièces traînantes sont saisies et stockées dans la mémoire du système. Le capteur est aussi configuré de façon à mesurer et communiquer la température de l'air ambiant. Quand le train passe devant le capteur, l'équipe reçoit une mise à jour sur la température du moment. Si la température est inférieure à la valeur prédéterminée entraînant l'imposition d'une limitation de vitesse par temps froid, valeur qui est précisée dans le BM pertinent, l'équipe doit réduire la vitesse du train.

    Quand les alarmes des capteurs se déclenchent, les trains doivent s'immobiliser immédiatement pour une inspection, à moins qu'un emplacement n'ait été désigné pour l'inspection. On doit alors appliquer des instructions spécifiques, qui sont exposées à la section 5 des Instructions générales d'exploitation (IGE) de mars 2002 du CFCP. Le capteur du point milliaire 82,1 a été identifié comme étant un point d'inspection désigné. On a utilisé l'indicateur du CFCP pour choisir l'endroit où l'inspection devait être faite. Dans le cas d'une alarme provenant du capteur du point milliaire 82,1, le point d'inspection désigné pour les trains qui roulent en direction ouest est le point milliaire 86,8, près de Thurlow.

    1.8.2 Systèmes de détection des défauts de roues

    C'est sur l'initiative de l'industrie que la technologie des DDR a été mise au point et installée. Ce système aide à identifier les roues qui excèdent les valeurs minimales d'impact, de façon qu'on puisse les retirer du service avant qu'elles n'endommagent la voie ou le matériel roulant.

    Les DDR sont habituellement installés en bordure de voies en alignement droit, et ils sont normalement voisins des emplacements existants des SDV. Ces installations sont constituées d'un réseau de tensiomètres placés contre l'âme du rail. Les tensiomètres mesurent la déformation du rail pendant le passage du matériel roulant. Le système détermine la charge d'impact générée par chaque roue et indique à quelle roue du wagon correspond chaque mesure.

    Le CFCP a choisi les emplacements des DDR en tenant compte surtout de la configuration du trafic, des points d'échange et de la disponibilité du personnel des Services de mécanique. Il n'y a aucun emplacement de DDR dans les subdivisions Winchester et Belleville entre Montréal et Toronto. Toutefois, le trafic ferroviaire qui circule dans ce couloir passe devant au moins un emplacement de DDR, soit dans la subdivision Lacolle (au sud-est de Montréal), dans la subdivision MacTier (au nord de Toronto), ou dans la subdivision Galt (à l'ouest de Toronto).

    La dernière fois que le wagon dont la roue était endommagée, c'est-à-dire le wagon CP 521173, était passé devant un DDR remontait au 7 janvier 2004, à Guelph Junction. À ce moment, aucune anomalie n'avait été relevée.

    1.9 Inspection des wagons

    Les inspections de wagons sont faites conformément au Règlement concernant l'inspection et la sécurité des wagons de marchandises, approuvé par le ministre des Transports. Quand un inspecteur accrédité est de service, les inspections de sécurité doivent avoir lieu aux emplacements désignés à cette finNote de bas de page 16. Durant une inspection de sécurité, on examine et vérifie tous les éléments des wagons, en utilisant au besoin des appareils de mesure et des jauges. L'inspecteur n'utilise des appareils de mesure pour vérifier les roues que s'il trouve une roue qui semble ne pas être conforme aux normes. Il n'est possible d'identifier que des défauts superficiels des roues, comme de l'écaillage ou de l'exfoliation, au moment de ces inspections visuelles. Aux endroits où il n'y a pas d'inspecteur accrédité de matériel remorqué, l'inspection est faite par l'équipe de conduite du trainNote de bas de page 17.

    En plus des inspections définies dans le Règlement concernant l'inspection et la sécurité des wagons de marchandises, d'autres inspections avant le départ et en cours de route sont effectuées au besoin (par exemple, essais de freins, inspections au défilé).

    1.9.1 Inspection du train 239 avant Lonsdale

    Le 13 janvier 2004, un inspecteur accrédité de matériel remorqué a fait une inspection de sécurité du train 239 au triage Saint-Luc, à Montréal. Au cours de cette inspection, il n'a relevé aucune anomalie relativement au wagon CP 521173.

    1.9.2 Inspection du train 239 dans la voie d'évitement de Lonsdale

    Après le remplacement de l'UDF défectueuse sur la voie d'évitement de Lonsdale, on a procédé aux essais de freins réglementaires. Le chef de train a aussi fait une inspection au défilé du côté sud du train. Pendant cette inspection, il a trouvé trois wagons susceptibles d'être affectés par des défauts.

    1.9.3 Inspection des roues chaudes du train 239 à Belleville

    Après avoir reçu un message d'alarme émis par le capteur installé au point milliaire 82,1, l'équipe a consulté le bulletin de composition du train afin de localiser le problème de façon approximative. L'équipe a fait savoir au CCF 1 que l'alarme correspondait à la position à laquelle on venait de desserrer un frein à main serré partiellement, qui avait été découvert lors d'une inspection faite à Lonsdale. L'équipe a ajouté qu'il s'agissait vraisemblablement d'une roue chaude et que des mesures correctives avaient déjà été prises. L'équipe a obtenu du CCF 1 la permission de continuer jusqu'à Belleville en roulant à vitesse réduite, soit une vitesse n'excédant pas 35 mi/h.

    En arrivant à Belleville, le chef de train a fait une inspection au défilé. L'équipe d'un train qui était à l'arrêt dans une voie d'évitement à Belleville a aussi fait une inspection au défilé du train 239. Au terme de ces inspections, il a été déterminé qu'il faudrait garer le wagon CP 506187 à l'endroit disponible le plus près.

    1.9.4 Inspection du train 239 à Trenton

    L'équipe 2 a pris possession du train 239 le 14 janvier 2004 à 13 h 6. Les membres de l'équipe ont inspecté le train et fait les essais de freins réglementaires.

    1.10 Méthode de contrôle de la circulation ferroviaire

    Dans la subdivision Belleville du CFCP, la circulation des trains est régie par commande centralisée de la circulation (CCC) en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), et elle est surveillée par un CCF posté à Montréal. Les CCF coordonnent la circulation sûre et efficiente des trains et du matériel de voie dans l'ensemble du réseau, tout en organisant les programmes de travaux et en faisant une gestion optimale du trafic, de façon à retarder les trains le moins possible.

    En territoire régi par CCC, des signaux électriques circulant dans les rails forment un circuit de voie. Ce circuit active des feux de signalisation le long de la voie ferrée, appelés aussi signaux de canton, qui permettent de contrôler les mouvements des trains. L'état de ces signaux est communiqué à l'écran d'affichage du CCF, lequel peut alors savoir si l'indication de signal est permissive. Chaque circuit électrique correspond à un canton. Les CCF se servent d'un écran d'ordinateur pour suivre la progression des trains, pour surveiller l'état des signaux de canton et pour contrôler le blocage des voiesNote de bas de page 18. Chaque fois qu'un canton est occupé par un matériel roulant qui met en dérivation le circuit de voie, un voyant d'occupation apparaît à l'écran de l'ordinateur du CCF. Le voyant d'occupation de la voie s'active automatiquement quand un train ou un matériel roulant occupe la voie principale, quand il y a un rail brisé dans le canton, quand un aiguillage de voie principale est ouvert, ou quand il y a une panne des signaux. Ces occupations de la voie s'affichent à l'écran de l'ordinateur du CCF sous forme de tronçons de voie de couleur rouge. Les cantons créés par le CCF sont affichés en bleu.

    1.11 Opérations de contrôle de la circulation ferroviaire au Chemin de fer Canadien Pacifique

    La gestion du trafic dans le réseau du CFCP se fait à partir de trois bureaux de contrôle de la circulation ferroviaire, situés à Calgary (Alberta), Minneapolis (Minnesota, aux États-Unis) et Montréal.

    1.11.1 Bureaux de contrôle de la circulation ferroviaire

    Le centre de gestion du réseau (CGR) de Calgary est le principal bureau de contrôle de la circulation ferroviaire du CFCP. Ce bureau abrite les CCF, les GACCF, les gestionnaires des opérations et les cadres supérieurs responsables du contrôle de la circulation ferroviaire. Il s'occupe aussi des fonctions de soutien des opérations de contrôle de la circulation ferroviaire, et dispose notamment d'un spécialiste des règles de contrôle de la circulation ferroviaire, d'un gestionnaire de la formation et d'un responsable de la formation en cours d'emploi. C'est surtout dans ce bureau qu'on assure la planification stratégique de la fonction de contrôle de la circulation ferroviaire.

    Le bureau de Calgary contrôle la circulation sur le réseau du CFCP entre Vancouver (Colombie-Britannique) et MacTier (Ontario). Dans ce bureau, 143 CCF sont affectés à différents quarts de travail et se partagent 27 pupitres de CCF.

    Le bureau de Minneapolis contrôle la circulation sur le réseau du CFCP aux États-Unis. Dans ce bureau, les opérations de contrôle de la circulation ferroviaire sont régies par la réglementation de la Federal Railroad Administration (FRA).

    1.11.1.1 Bureau de contrôle de la circulation ferroviaire de Montréal

    Le bureau de Montréal contrôle la circulation sur le réseau du CFCP entre Saint-Jean (Québec), MacTier (Ontario) et Windsor (Ontario). Dans ce bureau, 40 CCF sont affectés à différents quarts de travail et se partagent neuf pupitres de CCF. Chaque pupitre de CCF contrôle la circulation dans une subdivision donnée. Les responsabilités des CCF sont les suivantes :

    • se charger des fonctions de contrôle afin d'assurer la sécurité des trains et d'autre matériel ferroviaire qui sont sur les voies;
    • faire en sorte que le trafic ferroviaire soit retardé le moins possible;
    • prendre des décisions fondées sur les priorités établies par le CGR.

    Au bureau de Montréal, il y a deux postes de GACCF dont les titulaires font en alternance des quarts de travail de 12 heures. Durant le quart de nuit, le GACCF peut compter sur l'aide d'un effectif additionnel de soutien externe, mais pas pour ce qui est des questions relatives à l'application de la réglementation. Les GACCF sont responsables de la sécurité des opérations de contrôle de la circulation ferroviaire et ils veillent à ce que les CCF exécutent les plans d'exploitation établis par le CGR. Dans le cadre de ces responsabilités, les GACCF doivent assurer une liaison avec les gestionnaires des opérations du bureau de Calgary.

    Le bureau de Montréal occupe une vaste pièce dans laquelle les pupitres des CCF sont placés en périphérie (voir la figure 3). Les pupitres sont placés à l'opposé de l'aire centrale, laquelle est réservée aux pupitres des responsables de l'affectation des équipes de trains. Chaque pupitre de CCF est installé dans un bureau dont le CCF a l'usage exclusif pendant son quart de travail. Chaque bureau est fermé par des cloisons destinées à atténuer le bruit, et est surmonté de barrières transparentes qui montent jusqu'au plafond. Chaque bureau est fermé par une porte vitrée.

    Figure 3. Plan d'étage du centre de contrôle de Montréal. En médaillon, vue du pupitre du GACCF à partir de la porte de l'espace réservé au pupitre du CCF de la subdivision Belleville.
    Image
    Plan d'étage du centre de contrôle de Montréal

    Le pupitre du GACCF se trouve vers l'arrière, dos aux pupitres des CCF. Si un CCF appelle le GACCF, son appel sera acheminé à la messagerie vocale du GACCF quand ce dernier n'est pas à son pupitre ou quand il est déjà au téléphone.

    1.11.1.2 Communication sur les questions de sécurité entre les bureaux de contrôle de la circulation ferroviaire

    Chaque mois, le bureau de Calgary tient des conférences téléphoniques régulières auxquelles participent des gestionnaires du contrôle de la circulation ferroviaire des trois bureaux. En vue de ces conférences, on rédige et distribue des rapports sommaires portant sur les statistiques de sécurité. Ces rapports présentent notamment des renseignements sur les tendances en matière d'infraction aux règles et d'autres statistiques tels que les contrôles de sécurité et les rappels des règles.

    Les procédures communes à tous les bureaux sont résumées dans des documents de base (par exemple, le Manuel du CCF). La préparation, la mise à jour et la distribution de ces documents relèvent du bureau de Calgary. Toutefois, dans chaque bureau de contrôle de la circulation ferroviaire, ces documents de base sont complétés par des bulletins d'information périodiques. Lors de l'événement, il n'y avait aucune procédure officielle concernant la mise en commun de ces bulletins entre les bureaux de contrôle de la circulation ferroviaire. Par exemple, le bureau de Calgary a établi une liste de contrôle que le GACCF peut consulter quand une demande d'assistance lui est adressée. Cette liste de contrôle guide le GACCF quand il discute de problèmes d'exploitation potentiels avec un CCF. Cette procédure concernant l'utilisation d'une liste de contrôle par le GACCF n'avait pas été communiquée au bureau de Montréal, et aucune liste similaire n'avait été créée pour le bureau de Montréal.

    1.11.2 Gestion de la charge de travail et de la fatigue mentale du contrôleur de la circulation ferroviaire

    Les personnes évaluent leur charge de travail en fonction des tâches à accomplir et de leur capacité à effectuer le travail. Jusqu'à un certain point, il y a un lien entre la charge de travail et la fatigue mentale. Si une personne a constamment une charge de travail considérable ou doit constamment s'acquitter de tâches d'une grande complexité, elle aura de plus en plus de difficulté à s'acquitter de la tâche, à moins qu'elle ne puisse prendre du reposNote de bas de page 19.

    Quand il s'agit de contrôle de la circulation ferroviaire, le nombre d'exigences auxquelles le CCF doit satisfaire dépend d'un grand nombre de facteurs, dont :

    • le nombre de trains dont il doit gérer la circulation;
    • la composition du trafic (c'est-à-dire trains de voyageurs et de marchandises);
    • le nombre de croisements de trains;
    • les endroits où les trains peuvent se croiser;
    • la nécessité de communiquer avec les équipes des trains et d'autre personnel sur le terrain;
    • les moyens de communication disponibles;
    • le nombre d'événements perturbateurs ou inhabituels qui surviennent dans la subdivision (par exemple, travaux en voie ou occupations non identifiées de la voie).

    Tous les CCF doivent démontrer qu'ils répondent aux exigences de base du poste. Ils doivent passer un examen de qualification et démontrer aussi qu'ils sont capables de gérer le trafic de la subdivision à laquelle ils sont affectés. Leurs compétences font l'objet d'évaluations régulières, et la qualité de leur travail est examinée fréquemment. Cependant, il reste que les compétences des CCF peuvent effectivement varier en fonction de leur capacité de planifier le trafic, de leur capacité de composer avec le stress, de leur connaissance des subdivisions et de leur capacité de tenir des dossiers ordonnés. Compte tenu de ces différences, la perception d'une charge de travail donnée varie d'un CCF à l'autre.

    La gestion de la charge de travail suppose une appréciation des exigences auxquelles la personne doit satisfaire et de sa capacité d'y répondre.

    1.11.2.1 Procédures de contrôle de la circulation ferroviaire relatives à la charge de travail et au repos

    Dans une compagnie ferroviaire, n'importe quel poste qui a trait au contrôle de la circulation ferroviaire est classé comme étant un poste essentiel pour la sécurité ferroviaireNote de bas de page 20, tout comme n'importe quel poste qui touche directement à l'exploitation des trains. En fait, les CCF sont assujettis à la réglementation relative aux critères médicaux d'aptitude au travailNote de bas de page 21 et peuvent notamment faire l'objet d'évaluations des états de santé qui sont susceptibles d'altérer les fonctions cognitives, à savoir la vigilance, le jugement, l'intuition, la mémoire et la concentration.

    Les CCF ont des quarts de travail qui durent habituellement huit heures, plus 15 minutes avant le début et après la fin du quart pour la passation des responsabilités au CCF de relève. Les CCF prennent des pauses seulement lorsqu'ils peuvent le faire sans risque, compte tenu de la circulation projetée dans leur subdivision. Il arrive donc qu'ils aient à travailler pendant de longues périodes ininterrompues. Si un CCF doit laisser son pupitre sans surveillance, il demande normalement à un voisin de surveiller son poste au cas où une alarme d'urgence se ferait entendre. Si l'alarme d'urgence se fait entendre pendant l'absence du CCF, le voisin prend les mesures appropriées en attendant le retour du CCF. Quand les CCF peuvent prendre une pause repas, ils sont autorisés à quitter leur pupitre pendant 20 minutes (rémunérées).

    On attribue une cote de complexité à chaque pupitre de CCF, soit de niveau 4 ou de niveau 5. Normalement, les pupitres de niveau 5 sont ceux dont le niveau d'activité et de complexité est le plus élevé. Comme la quantité et le type de trafic d'une subdivision varient en fonction de l'heure du jour et du jour de la semaine, le niveau de complexité des postes de CCF au sein du CFCP peut varier d'un quart de travail et d'une subdivision à l'autre. Lors de l'événement, le pupitre du CCF affecté à la subdivision Belleville avait une cote de niveau 4. Le CFCP emploie un CCF de relève qui remplace les CCF titulaires des pupitres de niveau 5 pendant les pauses repas et, si le temps le permet, les CCF des pupitres de niveau 4.

    Ni le CCF ni le GACCF n'avait suivi une formation pratique sur la façon de gérer sa charge de travail ou sur les conséquences d'un éventuel défaut de s'acquitter de sa charge de travailNote de bas de page 22. De plus, il n'y a aucune politique écrite portant sur la gestion de la charge de travail. Une fois qu'on a attribué les cotes aux pupitres de CCF, il n'est plus nécessaire de faire une évaluation officielle de la charge de travail des CCF. Toutefois, les CCF peuvent aviser leur superviseur du fait qu'ils n'arrivent pas à s'acquitter de leur charge de travail. Les CCF peuvent aussi présenter une demande en bonne et due forme pour que la direction examine la charge de travail et la rajuste au besoin.

    Au CFCP, on applique habituellement un certain nombre de stratégies quant à la gestion de la charge de travail des CCF, dont les suivantes :

    • Au cours des réunions de planification des opérations, les GACCF participent à l'établissement de plans journaliers grâce auxquels les CCF risqueront moins d'être débordés.
    • S'il s'avère que la charge de travail est impossible à gérer, le CCF peut choisir de faire ralentir ou de faire arrêter des trains de façon à limiter la cadence de travail.
    • On peut demander aux CCF de relève d'offrir un soutien accru de façon qu'il y ait davantage de possibilités de pauses.

    Le GACCF surveille habituellement la charge de travail des CCF pendant chaque quart de travail. À cette fin, il :

    • détermine si des opérations planifiées ou des conditions externes risquent de surcharger le CCF de travail;
    • affiche périodiquement une copie de l'écran du CCF à son pupitre pour visionner le niveau de trafic et les activités qu'il y a dans la subdivision;
    • parcourt périodiquement l'étage à pied et parle avec les CCF afin d'apprécier la charge de travail, de demander s'ils ont besoin d'aide et de prêter main-forte au besoin.

    Le bureau de Calgary a mis en œuvre des stratégies additionnelles visant à cerner et gérer les problèmes relatifs à la charge de travail :

    • Avec une plus grande variété de pupitres, il est plus facile d'affecter initialement les CCF à des pupitres qui conviennent à leur niveau de compétence.
    • Certains écrans de CCC peuvent être partagés entre les pupitres de CCF, de façon que deux CCF puissent se partager le travail.
    • Des CCF de service, qui ne sont pas affectés officiellement à un pupitre en particulier, sont prêts à prêter main-forte en cas de besoin.
    1.11.2.2 Charge de travail du contrôleur de la circulation ferroviaire le 14 janvier

    Pendant le quart d'après-midi du 14 janvier 2004, la charge de travail du CCF dans la subdivision Belleville était très lourde, en raison des facteurs suivants :

    • Un grand nombre de voies d'évitement étant occupées par des trains stationnés, la planification des rencontres de trains de sens opposé s'avérait complexe, d'autant plus que la voie principale était simple.
    • Un grand nombre de limitations de vitesse localisées par temps froidNote de bas de page 23 étaient en vigueur dans la subdivision Belleville, de sorte qu'il était plus difficile de prévoir les points de croisement.
    • En raison du temps froid, les trains et la voie étaient affectés par un plus grand nombre de problèmes que d'habitude (par exemple, UDF défectueuse, rail brisé).
    • Il a fallu remplacer l'équipe du train 239 à deux reprises étant donné que le train avait pris beaucoup plus de temps que la normale pour parcourir la subdivision Belleville.
    • On a dû émettre un BM portant sur des ordres de marche au ralenti en raison du temps froid à l'intention de tous les trains qui se trouvaient ou entraient dans la subdivision Belleville. Pour appliquer le BM, le CCF devait procéder à un échange détaillé d'information avec chaque train.

    Au début du quart de travail, le CCF a quitté son pupitre à deux reprises pour des pauses. La charge de travail du CCF s'est alourdie à mesure que le quart d'après-midi progressait. Les échanges entre le CCF et d'autres personnes dans la subdivision sont devenus de plus en plus agités et brefs, le CCF exprimant de la frustration à plusieurs reprises. De plus, le CCF demandait l'avis du GACCF de plus en plus souvent à mesure que le quart de travail avançait. Au cours de cette période, la documentation relative aux événements importants n'avait pas été complètement tenue à jour.

    Le quart de travail du GACCF 2 a commencé à 18 h. Au début, il y a eu la période habituelle de 30 minutes consacrée à la passation des responsabilités par le GACCF qui terminait sa période de travail. Pendant une grande partie de ce temps, ils ont discuté de questions d'exploitation et de questions financières liées au changement d'équipe du train 239. Comme le parcours du train 239 à partir de Smiths Falls avait été beaucoup plus lent que prévu et avait nécessité plus de changements d'équipe que d'habitude, le GACCF 2 trouvait que la progression de ce train dans la subdivision Belleville était un point important. Une fois la passation terminée, le GACCF 2 a commencé à superviser le travail de neuf CCF couvrant un territoire de 1000 milles. La situation était en pleine évolution, et le GACCF devait concilier des exigences concurrentes alors que la charge de travail était jugée comme particulièrement lourde.

    1.11.2.3 Gestion de la charge de travail et de la fatigue dans le domaine du contrôle de la circulation aérienne

    D'autres secteurs de l'industrie des transports ont établi des lignes directrices voulant qu'on prévoie des pauses destinées à atténuer les effets de la fatigue mentale.

    Un groupe de travail qui a étudié les effets de la fatigue mentale dans le domaine du contrôle de la circulation aérienne (ATC)Note de bas de page 24 a cerné les pratiques exemplaires suivantes :

    • Deux heures de service suivies d'une pause utile doivent être considérées comme la norme.
    • Lorsque la circulation est dense, il faut des pauses plus fréquentes.
    • Lorsque les circonstances n'autorisent pas le respect de la norme (comme dans le cas de l'exploitation d'une tour par une seule personne), la durée entre les pauses ne doit pas dépasser quatre heures.
    • Avant que la durée de service ne dépasse quatre heures, il faut envisager les options suivantes : dotation, restrictions imposées à la circulation et réduction provisoire du service.
    • Il faut insister sur le besoin de souplesse et adopter des « pratiques optimales de gestion de la fatigue » pour empêcher la perte de vigilance et de vivacité d'esprit du contrôleur à cause d'une trop grande fatigue.

    On reconnaît qu'il y a de grandes différences entre les opérations d'ATC et celles du contrôle de la circulation ferroviaire, ce qui explique la spécificité des pratiques recommandées. Ce qu'il faut retenir, par contre, c'est l'effort de l'industrie pour définir les effets de la fatigue et les liens qui existent entre la fatigue et la charge de travail, et le fait que l'industrie ait défini des mesures visant à atténuer les risques connexes.

    1.11.3 Documentation relative aux renseignements essentiels pour la sécurité

    Habituellement, pour documenter la circulation des trains dans une subdivision, on utilise une feuille de planification du contrôle de la circulation ferroviaire (rail traffic control planning sheet), appelée à l'origine « feuille de libération », et un programme d'édition de l'information sur les transferts (Transfer Information Editor)Note de bas de page 25. Aussi, le système informatique dont le CCF se sert consigne des renseignements tels que les BM, les feuilles de libération et les permis d'occuper la voie (POV).

    Alors que certains des renseignements consignés par les CCF sont utilisés aux fins de l'analyse des activités, d'autres renseignements, portant notamment sur les occupations non identifiées de la voie, les pannes de communication ou les effets des conditions météorologiques sur l'exploitation, s'avèrent plus importants pour la sécurité. Dans le présent rapport, cette information est décrite comme étant essentielle pour la sécurité. Dans certains cas, on prend immédiatement des mesures de protection en fonction de cette information (par exemple, si un véhicule occupe les voies, la mise en place d'un cantonnement s'impose). Dans d'autres cas, par exemple, quand les conditions météorologiques sont mauvaises ou en cas de défectuosités du matériel roulant, on ne peut prendre aucune mesure immédiate, de sorte que ce sont les données que le CCF enregistre continuellement pour ses propres besoins et à l'intention des CCF des quarts suivants qui servent à rappeler le danger.

    Par le passé, les feuilles de planification du contrôle de la circulation ferroviaire étaient le principal moyen d'enregistrement des événements qui survenaient dans une subdivision et, par conséquent, elles faisaient l'objet d'un contrôle strict. De nos jours, les compagnies ferroviaires ont la possibilité de faire saisir l'information nécessaire dans un système informatique plutôt que de la faire inscrire sur des feuilles de planification. Il s'ensuit que la majorité des événements de contrôle de la circulation ferroviaire sont enregistrés par le système informatique. Toutefois, on se sert encore des feuilles de planification du contrôle de la circulation ferroviaire pour faire le suivi et la planification des mouvements de trains. Il reste que ces feuilles constituent une source d'information qui n'est pas transmise au système informatique.

    Voici un extrait du matériel de formation en matière de contrôle de la circulation ferroviaireNote de bas de page 26 :

    (Traduction)

    . . . on remplit une feuille de planification qui permet au CCF de se faire une idée de ce qui se passe dans le territoire dont il a la responsabilité. La feuille est préformatée de façon à :

    • permettre au CCF d'organiser avec efficacité l'information sur les trains,
    • aider le CCF à vérifier si toute l'information requise est consignée,
    • aider le CCF à consigner des renseignements opportuns, cohérents, lisibles et exacts,
    • aider d'autres intervenants à localiser rapidement l'information voulue.

    Sur la plupart des feuilles de planification du contrôle de la circulation ferroviaire, on a prévu une partie « Remarques/Notes », dans laquelle il faut consigner toute circonstance inhabituelle susceptible d'avoir une incidence sur les opérations ferroviaires. Les circonstances inhabituelles comprennent :

    • des occupations non identifiées de la voie,
    • des états de la voie qui pourraient avoir une incidence sur la sécurité ferroviaire,
    • des pannes du matériel de communication,
    • des voies d'évitement bloquées,
    • des mauvaises conditions météorologiques.

    Les enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) ont examiné un certain nombre de feuilles de libération. L'examen a fait ressortir des écarts considérables quant à l'information que les CCF y consignent. Par exemple, dans la feuille de planification de la subdivision Belleville, on n'a pas prévu un espace « Remarques/Notes » où indiquer les renseignements essentiels pour la sécurité. Le CCF était censé consigner cette information dans le coin supérieur droit de la feuille (où il y avait de l'espace), ou encore l'inscrire au verso de la feuille, là où elle est moins en évidence.

    L'utilisation des feuilles de planification est traitée en détail pendant la formation initiale des CCF. Des vérifications occasionnelles des pupitres de CCF devraient permettre de relever les lacunes dans la façon dont les CCF tiennent leurs dossiersNote de bas de page 27. Toutefois, d'après la documentation préparatoire au cours à l'intention des nouveaux CCF, un superviseur peut autoriser les CCF à cesser de consigner des renseignements nécessaires sur la feuille de planification pendant les périodes où la charge de travail est considérableNote de bas de page 28. Dans la pratique, les CCF prennent des décisions tout au long de leur quart de travail au sujet de l'information qui peut être consignée sur la feuille de planification, compte tenu de leur charge de travail. Bien qu'on puisse charger un CCF particulier de s'occuper de la documentation pendant les périodes où la charge de travail est exceptionnellement lourde, il arrive rarement qu'on le fasse.

    Le Manuel du CCF du CFCP et la règle 148 du REF exposent la façon dont un CCF doit s'y prendre pour transférer l'information pertinente au CCF qui va le relever. Les deux documents énumèrent clairement les renseignements qui doivent être transférés (c'est-à-dire les BM, les bulletins d'exploitation quotidiens, les POV, les autorisations et autres autorisations de circuler). Le programme d'édition de l'information sur les transferts sert à consigner l'information qu'un CCF veut transférer au CCF de relève. Aucune disposition particulière du REF n'oblige le CCF à s'assurer que les conditions inhabituelles affectant le territoire sont notées dans le programme d'édition de l'information sur les transferts, si ce n'est un énoncé général au sujet de « toutes autres instructions et informations nécessaires » (alinéa 148 b (ii) du REF). À la page 28 du Manuel du CCF du CFCP, à la section intitulée « Transfert en fin de service », on lit que le CCF de service qui est relevé doit

    1. conserver dans le Transfer Information Editor toutes les instructions et informations qui doivent être mises par écrit et qui influent sur la circulation des trains ou les travaux en voie, notamment . . . toute instruction ou information non protégée par un système assisté par ordinateur et ayant trait à la sécurité et à la protection des trains, locomotives, véhicules d'entretien et employés, y compris le blocage des signaux et/ou des aiguillages.
    1.11.3.1 Feuille de planification du contrôle de la circulation ferroviaire pour le 14 janvier

    Le 14 janvier 2004, on a relevé un grand nombre de conditions inhabituelles relativement à la circulation ferroviaire dans la subdivision Belleville. Cette information, y compris certains renseignements essentiels pour la sécurité, n'a pas été consignée sur la feuille de planification du contrôle de la circulation ferroviaire ni dans le système d'édition de l'information sur les transferts, et elle n'était pas tenue de l'être.

    • À 0 h 16, il y a eu une panne d'un robinet de l'UDF du train 239.
    • À 2 h 59, une alarme de roue chaude a été transmise par le DBC au point milliaire 82,1 pour le train 239.
    • À 5 h 11, on a décidé de laisser un wagon du train 239 à Belleville.
    • À 15 h 55, une occupation non identifiée de la voie est survenue après le passage du train 239 au point milliaire 121,10 (Colborne).
    • À 16 h 45, on a déterminé que l'occupation non identifiée de la voie signalée à Colborne était due à un rail brisé.
    • À 19 h 5, une occupation non identifiée de la voie est survenue après le passage du train 239 au point milliaire 155,80 (Lovekin).
    • À 19 h 31, une occupation non identifiée de la voie est survenue après le passage du train 239 au point milliaire 168,70 (Darlington).

    L'enquête a révélé que, pendant les journées qui ont précédé l'événement, les CCF du bureau de Montréal ont manqué de temps pour tenir à jour la documentation nécessaire.

    1.12 Occupations non identifiées de la voie

    En territoire régi par CCC, quand le circuit de voie est interrompu, le système se met en mode de « sécurité positive », et un indicateur d'occupation de la voie apparaît à l'écran du CCF. Quand on utilise des annotations pour désigner les trains, l'écran du CCF montre l'annotation associée à un train quand l'occupation de la voie est due à la présence d'un train autorisé dans le canton. Toutefois, si l'occupation de la voie n'est pas associée à une annotation de train, elle est considérée comme étant une occupation non identifiée de la voie. La plupart du temps, une occupation non identifiée de la voie est causée par une défectuosité mineure de l'équipement qui régit les signaux électriques (par exemple, rupture de fils ou erreur momentanée au moment où le train franchit une aiguille). Dans certains cas peu nombreux, une occupation non identifiée de la voie peut être causée par la rupture d'un rail qui entraîne une séparation complète des deux abouts de rail, ce qui interrompt alors la circulation du courant qui alimente le signal de CCC. S'il y a un grand nombre de rails brisés dans un même canton, l'écran de CCC n'affichera qu'une seule occupation non identifiée de la voie dans tout ce canton.

    1.12.1 Procédure de contrôle de la circulation ferroviaire concernant les occupations non identifiées de la voie

    Quand une occupation non identifiée de la voie est signalée, le CCF doit :

    1. prendre des mesures immédiates pour trouver la cause de toute occupation non identifiée, de toute indication inhabituelle des systèmes de signalisation, de tout défaut possible de la voie et des signaux ou de toute condition inhabituelle qui relève de la responsabilité du CCF, et signaler la situation aux autorités compétentes pour qu'elles fassent enquête.
    2. tenir des registres ordonnés et concis au sujet des trains qui sont retardés, et documenter et signaler aux autorités compétentes les détails de tous les événements extraordinaires en remplissant les formulaires prévus à cette fin et en se conformant aux instructions de la compagnieNote de bas de page 29.

    Le Manuel du CCF du CFCP décrit une seule marche à suivre concernant la documentation relative aux occupations non identifiées de la voie et à toute autre irrégularité relative à la signalisation. D'après cette procédure,

    • le CCF doit immédiatement signaler l'événement au centre du S & C;
    • tout dépendant de la zone de service, il se peut que le CCF doive aviser d'abord les Services d'ingénierie;
    • le CCF doit détourner les trains dans la mesure du possible;
    • sous réserve d'autres mesures de sécurité, le CCF peut faire circuler les trains dans la zone touchée jusqu'à l'arrivée du personnel du S & C ou des Services d'ingénierie.

    Le Manuel du CCF renferme aussi des instructions particulières pour les situations où plus d'une occupation non identifiée de la voie se produit après le passage d'un train. Cependant, ces instructions sont présentées comme étant une exception aux instructions relatives à la circulation des trains à la suite d'une occupation non identifiée de la voie, et ne constituent pas un des principaux points de la marche à suivre.

    L'exception se lit comme suit :

    Lorsque plus d'une ONIV [occupation non identifiée de la voie] apparaît sur le tableau d'affichage/de contrôle d'un CCF après le passage d'un train ou d'une locomotive, le CCF doit supposer que les ONIV sont probablement causées par des ruptures de rail.

    Dans ce cas, le CCF doit donner à l'équipe l'instruction de s'arrêter et d'effectuer (ou faire effectuer) une surveillance au défilé à une vitesse ne dépassant pas 15 mi/h, afin de découvrir tout matériel roulant ou équipement défectueux à bord de son train ou de sa locomotive susceptible d'être à l'origine des ONIV.

    De plus, le CCF ne doit pas autoriser d'autres mouvements dans la zone touchée avant que la cause des ONIV n'ait été établie et que ces mouvements ne puissent se faire sans danger.

    Nota : Si les ONIV apparaissent derrière un train ou une locomotive qui a fait l'objet d'une surveillance au défilé, telle que mentionnée ci-dessus, le mouvement doit être arrêté et une inspection complète effectuée par un personnel de la Mécanique qualifiéNote de bas de page 30.

    1.12.2 Formation des contrôleurs de la circulation ferroviaire au sujet de la marche à suivre en cas d'occupation non identifiée de la voie

    Dans le matériel de formation des CCFNote de bas de page 31 qu'on utilise au bureau de Calgary, la marche à suivre en cas d'occupation non identifiée de la voie est exposée dans un exercice portant sur la façon de reconnaître une occupation non identifiée de la voie après le passage d'un train, et sur la mise en œuvre des mesures appropriées. On ignore dans quelle mesure la procédure relative aux occupations non identifiées de la voie a été enseignée lorsque le CCF qui était de service au moment de l'événement a suivi sa formation.

    Les CCF doivent obtenir une recertification dans les trois ans suivant la fin de leur formation initiale. Un guide de 2002 des candidats à la recertification est mis à la disposition des CCF qui se préparent à l'examen de recertification. Le guide renferme trois questions sur la façon de procéder en cas d'occupation non identifiée de la voie. Pendant la préparation à l'examen, les CCF récapitulent la matière en groupe et répondent de vive voix aux questions de l'instructeur.

    1.12.3 Réaction aux occupations non identifiées de la voie survenues après le passage du train 239

    Le 14 janvier 2004, trois occupations non identifiées de la voie se sont produites après le passage du train 239 dans la subdivision Belleville.

    1.12.3.1 Point milliaire 121,10 (Colborne) - Première occupation non identifiée de la voie après le passage du train 239

    À 15 h 55, la première occupation non identifiée de la voie s'est produite après le passage du train 239. Conformément à la marche à suivre prévue, le CCF a immédiatement communiqué avec le personnel du S & C pour lui demander de faire enquête. Le CCF a aussi appelé le superviseur de l'entretien de la voie et l'équipe de voie des Services d'ingénierie pour leur donner un préavis. Le CCF n'a pas consigné les détails de cette occupation non identifiée de la voie sur la feuille de planification ou dans tout autre document.

    À 16 h 45, le personnel du S & C a rappelé, disant que l'occupation non identifiée de la voie était causée par un rail brisé. Le personnel du S & C a ajouté qu'il avait dû faire des réglages sur place afin de désactiver un signal de passage à niveau. Après ces réglages, l'indication d'occupation non identifiée de la voie a disparu de l'écran du CCF. Puis, le CCF a protégé la voie pour l'équipe de réparation envoyée sur place. Après que la voie a été protégée, un voyant bleu est apparu à l'écran d'affichage de CCC.

    Entre 16 h 47 et 18 h, le CCF a discuté à de nombreuses reprises avec des gens qui étaient sur place au sujet du rail brisé, et il a mentionné le rail brisé au train 241.

    1.12.3.2 Point milliaire 155,80 (Lovekin) - Deuxième occupation non identifiée de la voie après le passage du train 239

    À 19 h 5, soit environ trois heures après l'occupation non identifiée de la voie de Colborne, une occupation non identifiée de la voie a été signalée au point milliaire 155,80, entre les aiguillages situés à Lovekin. À ce moment, le train de travaux Cobourg Turn venait de dépasser les aiguilles à Lovekin et roulait en direction ouest, suivi à peu de distance par le train 239. Quand cette occupation non identifiée de la voie est apparue pour la première fois, le signal affiché à l'écran de CCC est devenu jaune momentanément, ce qui indiquait un possible problème de signalisation à cet endroit. La situation s'est compliquée un peu plus puisque l'annotationNote de bas de page 32 attribuée au train de travaux s'était dissociée du train un peu plus tôt et avait été identifiée par la mention « Cyborg ». Le CCF n'a pas documenté cette occupation non identifiée de la voie sur la feuille de planification.

    Le CCF a appelé le train 239. Après avoir confirmé que le train 239 avait dépassé les aiguilles, le CCF a fait savoir à l'équipe qu'il y avait une occupation non identifiée de la voie sur la voie principale à Lovekin. Le CCF a immédiatement appelé le personnel du S & C pour l'aviser de l'occupation non identifiée de la voie. Il a ensuite téléphoné au GACCF 2 mais, ne recevant qu'une réponse de la messagerie vocale, il n'a pas laissé de message. Le GACCF ne pouvait pas répondre immédiatement à l'appel du CCF puisqu'entre 19 h et 19 h 15, il intervenait pour régler deux incidents qui n'avaient pas de liens avec l'occupation non identifiée de la voie, soit un accident à un passage à niveau dont le CCF de Windsor s'occupait et un déraillement dans le triage de Toronto.

    Le CCF a ensuite appelé le superviseur de l'entretien de la voie pour l'informer de la nouvelle occupation non identifiée de la voie suivant le passage d'un train, et il a poursuivi en décrivant combien il était difficile de contrôler la circulation dans la subdivision du fait que plusieurs voies d'évitement étaient occupées à ce moment.

    • La voie d'évitement de Port Hope était bloquée par un wagon.
    • La voie d'évitement de Darlington était bloquée par un train.
    • Un wagon se trouvait dans la voie d'évitement de Spicer.
    • La voie d'évitement de Colborne était bloquée par un train.

    Le superviseur de l'entretien de la voie a demandé au CCF d'émettre un BM disant de réduire la vitesse des trains dans la subdivision Belleville. Le BM indiquait de ne pas dépasser la vitesse de 35 mi/h sur la voie principale entre le point milliaire 11,0 et le point milliaire 173,0 de la subdivision Belleville en raison du froid extrême. Le CCF n'a pas adressé le BM au train 239 parce que ce dernier avait presque quitté le secteur visé par la limitation de vitesse. Le CCF a plutôt déterminé qu'il était plus important d'adresser le BM aux trains qui avaient encore une grande distance à parcourir dans la zone affectée par le froid.

    1.12.3.3 Point milliaire 168,70 (Darlington) - Troisième occupation non identifiée de la voie après le passage du train 239

    À 19 h 31, soit moins de 30 minutes après l'occupation non identifiée de la voie de Lovekin, une autre occupation non identifiée de la voie est apparue à l'écran du CCF un peu après le passage du train 239 au point milliaire 168,70. À 19 h 33, le CCF a laissé un bref message téléphonique au personnel du S & C, l'avisant d'une autre occupation non identifiée de la voie et lui demandant de le rappeler. Le CCF n'a pas consigné cette occupation non identifiée de la voie sur la feuille de planification.

    Au cours de cette période, le CCF continuait d'émettre les BM à l'intention des trains qui se trouvaient dans la subdivision Belleville. Le CCF a aussi reçu un avis de reposNote de bas de page 33 en provenance d'un train et a discuté d'un problème d'exploitation qui se posait au triage de Toronto du CFCP.

    À 19 h 35, le CCF a téléphoné au GACCF 2 pour lui demander conseil, étant donné qu'il s'inquiétait au sujet des occupations non identifiées de la voie et qu'il craignait qu'il devienne très difficile de faire circuler des trains dans la subdivision. Le CCF a signalé les occupations non identifiées de la voie et a dit au GACCF que le personnel du S & C était avisé et qu'il envoyait quelqu'un sur place pour s'occuper du problème. Le GACCF, après avoir vérifié que le train 239 ne se trouvait pas dans la zone bloquée par les occupations non identifiées de la voie, a conseillé au CCF d'attendre le rapport du personnel du S & C et de voir ce qui allait se passer.

    À partir de 19 h 40, le CCF a continué d'émettre les BM et a laissé un autre message au personnel du S & C au sujet des occupations non identifiées de la voie. À ce moment, le CCF s'est mis à la recherche du GACCF, mais il ne l'a pas trouvé. Peu de temps après, le GACCF s'est rendu au bureau du CCF pour discuter des occupations non identifiées de la voie.

    À 19 h 41, le CCF a appelé le superviseur de l'entretien de la voie pour l'informer de la troisième occupation non identifiée de la voie signalée à Darlington. C'est au cours de cette conversation que le CCF a remarqué pour la première fois que les trois occupations non identifiées de la voie avaient suivi le passage du même train. Le superviseur de l'entretien de la voie a alors conseillé au CCF de faire arrêter le train 239.

    À 19 h 43, l'équipe du train 239 a appelé le CCF pour l'informer qu'un freinage d'urgence s'était déclenché dans le train sur la voie principale à Whitby.

    1.13 Surveillance réglementaire des opérations de contrôle de la circulation ferroviaire

    Transports Canada mène régulièrement des vérifications des opérations de contrôle de la circulation ferroviaire pour savoir si elles sont conformes aux exigences du REF. En général, les vérifications de Transports Canada s'intéressent à la qualité et à l'exhaustivité des fichiers informatiques plutôt qu'à celles des documents sur papier. Bien que les feuilles de planification ne soient généralement pas visées par les vérifications, il arrive qu'on les examine pour mettre les dossiers informatiques en contexte.

    En vertu de l'article 37 et du paragraphe 47.1(1) de la Loi sur la sécurité ferroviaire, le Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire est entré en vigueur le 31 mars 2001Note de bas de page 34. Ce règlement représente un changement fondamental dans la façon dont Transports Canada effectue une surveillance réglementaire. Plus particulièrement, le système de gestion de la sécurité (SGS) exige que les compagnies ferroviaires soient directement responsables de la sécurité de leur exploitation.

    Dans le document TP 13548, Guide de systèmes de gestion de la sécurité ferroviaire, on dit qu'aux termes de la Loi sur la sécurité ferroviaire, un système de gestion de la sécurité ferroviaire est :

    Un protocole visant la mise en œuvre de la sécurité ferroviaire dans l'exploitation courante des chemins de fer et intégrant les responsabilités et les pouvoirs au sein d'une compagnie de chemin de fer, les règles, les procédures, les processus de surveillance et d'évaluation auxquels elle est assujettie ainsi que les objectifs en matière de sécurité, de rendement des mécanismes de contrôle d'application et d'évaluation des risques.

    Le processus de gestion des risques est défini comme étant un processus qui a pour objet :

    1. d'une part, de déterminer les problèmes et préoccupations en matière de sécurité, y compris ceux qui sont associés aux facteurs humains, aux tiers et aux modifications d'importance apportées aux opérations ferroviaires,
    2. d'autre part, d'évaluer et de classer les risques au moyen d'une évaluation du risque.

    Dans le cadre du processus de gestion du risque :

    Les chemins de fer devront ainsi analyser en profondeur leurs nouvelles activités et apporter d'importants changements à leur exploitation existante [...] Dans le cas de nouvel équipement [...] pour lesquels font défaut expérience et antécédents en matière de sécurité, des techniques d'analyse formelles devront être appliquées. Ces techniques sont plus exigeantes sur le plan des données, du temps, du travail et de l'expertise; cependant, cet effort supplémentaire est justifié pour du nouvel équipement, de nouveaux systèmes, de nouvelles activités, de nouvelles pratiques et de nouvelles méthodes et devrait être considéré comme une partie normale du processus de mise en œuvre du changement.

    Parmi les importants changements nécessitant un processus d'évaluation des risques, on compte les exemples suivants :

    • fusions de chemins de fer;
    • transitions organisationnelles majeures;
    • l'introduction de nouvelles technologies (p. ex. diodes électroluminescentes);
    • changements opérationnels majeurs (p. ex. nouvelles lignes de transport ferroviaire de banlieue, modifications de la vitesse).

    Aux termes du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, les compagnies ferroviaires sont tenues de procéder chaque année à la collecte, à l'analyse et à la mise à jour de l'information relative à la sécurité de leur exploitation. Au plus tard le 31 mars de chaque année, les compagnies doivent présenter une copie de cette information à Transports Canada à des fins de vérification des renseignements. Lors de ces vérifications, les employés du Ministère « examineront le système et sa documentation en détail pour en vérifier l'adéquation et l'efficacité. »Note de bas de page 35

    Au moment de l'événement, Transports Canada n'avait pas mis en place un programme permettant de vérifier la conformité des compagnies ferroviaires avec le SGS pour ce qui est des opérations de contrôle de la circulation ferroviaire.

    1.14 Déraillements en voie principale survenus dans des conditions hivernales

    À partir des événements signalés au BST entre 1999 et 2004, le BST a fait une analyse de tous les déraillements en voie principale qui mettaient en cause des rails brisés ou des roues brisées. Au cours de cette période de cinq ans, on a dénombré 123 déraillements en voie principale. La figure 4 présente un graphique indiquant la répartition par mois des déraillements en voie principale mettant en cause des rails brisés ou des roues brisées.

    Figure 4.  Répartition par mois des déraillements en voie principale mettant en cause des rails brisés ou des roues brisées de 1999 à 2004 (Source : base de données du BST sur les événements)
    Image
    épartition par mois des déraillements en voie principale mettant en cause des rails brisés ou des roues brisées de 1999 à 2004

    Dans une proportion de 64 % (51 déraillements sur 80), les déraillements en voie principale mettant en cause des rails brisés se sont produits entre décembre et mars. Lors de ces événements, la température moyenne était de -14,5 °C, les valeurs variant entre un minimum de -35,5 °C et un maximum de 6,0 °C. Dans le cas des déraillements en voie principale mettant en cause des roues brisées, 86 % des déraillements (37 sur 43) sont survenus entre décembre et mars. Lors des événements en question, la température moyenne était de -13,7 °C, les valeurs variant entre un minimum de -37,6 °C et un maximum de 8,6 °C.

    Un examen des données météorologiques recueillies par Environnement Canada de 1971 à 2000 a révélé que, dans la région de Belleville, la température descend sous les -20 °C quatre ou cinq fois par année, et sous les -30 °C environ une fois tous les trois ans.

    La température est tombée sous les -35 °C une seule fois au cours des 30 dernières annéesNote de bas de page 36.

    1.15 Plan d'exploitation du Chemin de fer Canadien Pacifique en période hivernale

    Le CFCP a préparé un plan d'exploitation en période hivernale pour 2003-2004. Ce plan est élaboré chaque année et sa préparation se fait de bas en haut, tous les bureaux locaux apportant leur contribution. Le document en question, intitulé Winter Plan 2003/2004 (Plan d'exploitation en période hivernale pour 2003-2004), vise à aider les employés lorsque les conditions hivernales sont extrêmes et lorsque des conditions sont susceptibles de causer une dégradation des paramètres d'exploitationNote de bas de page 37. Le plan prévoyait un niveau convenu de service à la clientèle qui suppose la mise en œuvre d'un plan proactif d'exploitation dans des conditions hivernales, pour chaque subdivision, triage et installation. Le plan décrivait les préparatifs dont les services locaux, les Services d'ingénierie et les Services de mécanique de chaque zone du CFCP devaient s'acquitter en vue de l'hiver. On n'y trouvait pas une évaluation détaillée des risques que le plan pourrait représenter pour les activités du CFCP.

    Le plan présentait une marche à suivre préétablie qui devait être exécutée quand se manifesteraient les problèmes dus à l'exploitation en hiver.Note de bas de page 38 Ces procédures ont été intégrées à un système d'intervention faisant appel à des niveaux d'alerte en service. L'établissement des niveaux d'alerte en service a tenu compte de facteurs comme le vent, la température de l'air ambiant, les prévisions de chute de neige, l'accumulation de neige, le nombre de rails brisés, la disponibilité des locomotives et le dénombrement du matériel roulant des triages. Dans le plan hivernal, le personnel des zones de service a été chargé de mettre en œuvre le système de niveaux d'alerte en service et d'en assurer le suivi. Les niveaux d'alerte en service correspondent à divers niveaux d'intervention : niveau 1 (atténuation - « situation imminente »), niveau 2 (dynamique - « état de crise ») et niveau 3 (stabilisation et reprise des activités)Note de bas de page 39.

    Dès qu'on dépassait les valeurs seuils dans un domaine particulier, la mise en œuvre du plan était enclenchée. Le CGR recevait un avis et, après consultation avec la ou les zones de service concernées, on confirmait la nécessité de déclarer un niveau d'alerte en service et, le cas échéant, son niveau.

    D'après les dossiers du CFCP, on n'a activé aucun niveau d'alerte en service dans la subdivision Belleville le 13 janvier ou le 14 janvier. La subdivision Belleville a été placée directement en état de niveau d'alerte en service 3 le 19 janvier, cinq jours après le déraillement, et est restée à ce niveau d'alerte jusqu'au 1er février, date de fin de l'alerte.

    1.15.1 Politique du Chemin de fer Canadien Pacifique concernant les ordres de marche au ralenti par temps froid

    Le CFCP a instauré en novembre 2003 une politique portant sur les ordres de marche au ralenti par temps froid. Dans cette politique, on disait que :

    • Les Services d'ingénierie détermineraient quelles sont les zones de temps froid (c'est-à-dire qu'il y a des risques de rupture de la voie lorsque la température de l'air ambiant descend sous les -25 °C).
    • La détermination des zones de temps froid tiendrait compte des résultats de l'analyse du nombre de défauts antérieurs, du poids des rails, de la vitesse et de la présence de trains de marchandises dangereuses.
    • On utiliserait des BM pour identifier les zones de temps froid à l'intention des équipes des trains.
    • La température de l'air ambiant serait contrôlée par les DBC placés le long de la voie.
    • Chaque fois que le DBC annoncerait des températures inférieures à -25 °C, la vitesse des trains serait réduite à ces endroits.

    1.16 Examen fait par le Laboratoire technique du Bureau de la sécurité des transports du Canada

    L'essieu monté no 4 du wagon CP 521173, en l'occurrence l'essieu, la roue défectueuse L4 et sa roue accouplée R4, a été envoyé pour analyse au Laboratoire technique du BST, de même que deux rails contenant des fractures, provenant des points milliaires 121,10 et 155,80. Dans son analyse, le laboratoire a surtout cherché à déterminer le mode de rupture et la cause de la rupture. Les résultats de l'analyse sont exposés dans le rapport LP 016/2004 du Laboratoire technique du BST.

    1.16.1 Examen des rails brisés

    Les fractures des rails du point milliaire 121,10 et du point milliaire 155,80 ont été analysées. L'examen a révélé ce qui suit :

    • Les deux fractures étaient récentes et avaient été causées par une surcharge. Elles se sont produites dans des soudures aluminothermiques, la fracture s'étant propagée de bas en haut, soit du patin vers le champignon du rail (voir la photo 1).
    • La fracture du point milliaire 121,10 montrait de la porosité du côté intérieur du patin du rail.
    • La fracture du point milliaire 155,80 montrait de la porosité et de grandes inclusions de laitier au centre du patin.
    • On n'a pas trouvé de précriques ou de signes de rupture progressive dans l'une ou l'autre des fractures.
    Photo 1. Rail brisé provenant du point milliaire 121,10. Dans l'image de gauche, la flèche montre l'emplacement de la soudure aluminothermique. Les flèches de l'image de droite montrent la progression de la fracture en pointe.
    Image
    ail brisé provenant du point milliaire 121,10

    1.16.2 Examen de la roue brisée

    L'examen de l'essieu monté (voir la photo 2) a confirmé que les roues étaient des roues Abex Southern Corporation (Southern) monobloc de classe « C » à voile courbe, qui avaient été coulées d'après le modèle CH 36. Les roues de type CH 36 sont des roues dites « non reprofilables » qui équipent normalement des wagons de marchandises d'une capacité de 100 tonnes. La roue qui s'est brisée (position L4) avait été fabriquée en mars 1988 par ABC Rail (anciennement Abex Southern Corporation), à Calera (Alabama), aux États-Unis (code SO). La roue avait été montée en juin 1988, et les roulements avaient été remis à neuf en octobre 1999. L'essieu monté a été installé sous le wagon CP 521173 en novembre 1999.

    Photo 2. Roue brisée du wagon CP 521173
    Image
    Roue brisée du wagon CP 521173

    Voici les résultats de l'analyse détaillée des roues :

    • La rupture de la roue L4 a résulté de la propagation d'une fissure de fatigue sous-jacente par suite d'une surcharge.
    • Les roues L4 et R4 étaient conformes aux spécifications concernant l'épaisseur minimale de la table de roulement.
    • On n'a relevé aucun défaut des roulements de l'essieu monté.
    • L'analyse de la roue accouplée a révélé une contrainte de compression résiduelle typique d'environ 36 000 livres au pouce carré (lb/po²). Comme la roue avait perdu une grande partie de sa jante, il a été impossible de déterminer la contrainte résiduelle antérieure à la rupture de la roue.
    • On considère que la porosité et une fissuration induite par l'hydrogène ont été les causes premières de la fissuration sous-jacente de la roue défectueuse, attribuable à la fatigue.
    • La macroanalyse a révélé la présence d'inclusions microstructurales, qui indiquent qu'une quantité appréciable d'hydrogène gazeux a été piégée dans le matériau de la roue pendant la fabrication.
    • L'examen a révélé que le matériau de la roue accouplée avait une porosité beaucoup plus faible et qu'il ne montrait ni microfissures sous-jacentes ni conglomérats de ferrite.
    • Le matériau de la roue défectueuse et de sa roue accouplée était conforme aux exigences de l'Association of American Railroads (AAR) en matière de composition chimique et de dureté.
    • La basse température ambiante a entraîné une diminution de la ténacité du matériau de la roue défectueuse et de sa roue accouplée.

    L'analyse en laboratoire a révélé que la rupture de la roue a résulté d'un défaut de fabrication qui a pris son origine dans la table de roulement et s'est propagé le long de la limite sous-jacente séparant la surface écrouie et l'intérieur de la table de roulement de la jante. Le défaut de fabrication a entraîné la microfissuration de la janteNote de bas de page 40 et, partant, la défaillance progressive de la roue.

    1.16.3 Auscultation par ultrasons visant à déceler les défauts internes des roues

    Même si la roue brisée avait fait l'objet d'un contrôle par ultrasons au moment de sa fabrication, le défaut de fabrication (c'est-à-dire des vides causés par l'hydrogène emprisonné dans le métal) était vraisemblablement trop peu étendu pour que les appareils de contrôle par ultrasons utilisés à l'époque puissent le déceler. De tels défauts internes n'ont dû être détectables qu'après des années de service continu, quand des microfissures se sont formées à partir des espaces vides.

    Depuis janvier 2003, les roues doivent subir un contrôle par ultrasons au moment de leur reprofilage. Avant 2003, il n'était pas nécessaire de procéder à un contrôle par ultrasons additionnel des roues après que celles-ci avaient passé le contrôle par ultrasons initial au terme du processus de fabrication.

    1.17 Autres événements mettant en cause des roues Southern

    L'AAR exige que les compagnies ferroviaires membres signalent les roues qui sont retirées du service à la suite d'un déraillement ou du remisage d'un matériel roulant. Cette information est consignée dans le formulaire AAR-MD-115.

    Entre janvier 1998 et juin 2004, le CFCP a rempli 16 rapports MD-115 portant sur des roues Southern qui avaient été retirées du service en raison de défauts; une des roues en question était une roue à voile droit. Dans 2 de ces rapports, on indiquait qu'un déraillement s'était produit. Sur les 16 rapports, il y en avait 12 qui portaient sur des roues qui avaient été retirées du service pendant les mois d'hiver (c'est-à-dire de décembre à mars).

    Au Canadien National (CN), en comparaison, 61 rapports MD-115 ont été remplis entre janvier 1999 et juin 2004 au sujet du retrait de roues Southern. Dans 9 de ces rapports, on indiquait qu'un déraillement s'était produit. On ignore le nombre de rapports qui portaient sur la microfissuration de la jante.

    Les compagnies ferroviaires canadiennes ignorent le nombre de roues Southern qui équipent leur matériel roulant. Les compagnies ne sont pas tenues de consigner le fabricant ou le numéro de série des roues dont leur matériel roulant est équipé. On sait toutefois que ni le CN ni le CFCP n'ont acheté des roues Southern. La présence de roues Southern dans leur parc de matériel roulant résulte des opérations normales d'échange de wagons, lesquelles sont encadrées par les règles d'échange de l'AAR.

    1.17.1 Déraillement en voie principale causé par une roue brisée - Heron Bay

    Le 25 janvier 2002, pendant que le train 638-001 du CFCP roulait vers l'est à une vitesse de 37 mi/h, 30 wagons de potasse ont déraillé au point milliaire 13,1 de la subdivision Heron Bay du CFCP à la suite d'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale. Au moment de l'événement, il faisait -20 °C. L'examen effectué après le déraillement a révélé que le déraillement était attribuable à la rupture d'une roue Southern (voir la photo 3).

    Photo 3. Roue R1 brisée du wagon CPLX 382532
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    Roue R1 brisée du wagon CPLX 382532

    La roue brisée était une roue monobloc de classe « C » à voile courbe, qui avait été coulée d'après le modèle CH 36. Elle avait été fabriquée en mars 1996 par ABC Rail à Calera (code SO). ABC Rail avait monté la roue à l'état neuf en avril 1996.

    L'examen du Laboratoire technique du BST (rapport LP 007/2002) a révélé que :

    • La fracture affectant la roue (voir la photo 3) avait l'aspect typique d'une « microfissuration de la jante » (shattered rim), qui est décrite à la règle 41 du Field Manual of the AAR Interchange Rules de 2001 (manuel d'échange de wagons de l'AAR).
    • La rupture de la roue s'est produite après qu'une fissure sous-jacente s'est agrandie progressivement au point qu'une partie de la table de roulement s'est détachée de la roue. La fissure était présente depuis quelque temps.
    • La roue avait été au sommet de la fosse de refroidissement, en l'occurrence la position la plus susceptible de causer un refroidissement non uniforme et un piégeage d'hydrogène.
    • L'inspection par ultrasons exécutée immédiatement après la fabrication n'a vraisemblablement pas permis de détecter une poche de gaz emprisonnée dans le métal ou une porosité gazeuse. Il est vraisemblable que les fissures causées par la présence d'hydrogène ne s'étaient pas encore formées ou qu'elles étaient trop peu nombreuses ou trop petites pour qu'une inspection par ultrasons permette de les détecter.
    • Rien n'indique que la roue ait été soumise à une surchauffe soutenue consécutive au serrage des freins ou attribuable à d'autres causes.

    1.17.2 Événement causé par une roue brisée - Telkwa

    Le 18 octobre 2004, pendant qu'il procédait à une inspection de la voie près de Palling (Colombie-Britannique), un employé du CN a demandé à l'équipe du train de marchandises M 359-51-16 en direction ouest d'immobiliser et d'inspecter son train. L'inspection a révélé qu'une roue Southern du wagon CNWX 111231, en l'occurrence le 28e wagon à partir de la tête du train, était brisée (voir la photo 4). La vérification des DBC placés en amont des lieux de l'événement a révélé que ces détecteurs n'avaient décelé aucun défaut de la roue.

    Photo 4. Roue brisée du wagon CNWX 111231
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    Roue brisée du wagon CNWX 111231

    La roue brisée était une roue monobloc de classe « C » à voile courbe, qui avait été coulée d'après le modèle CH 36. Elle avait été fabriquée en septembre 1995 par ABC Rail à Calera.

    L'analyse du Laboratoire technique du BST (rapport LP 158/2004) a révélé que :

    • La fracture de la roue (voir la photo 4) avait l'aspect typique d'une « microfissuration de la jante », qui est décrite à la règle 41 du Field Manual of the AAR Interchange Rules de 2001.
    • La rupture de la roue s'est produite après qu'une fissure sous-jacente s'est agrandie progressivement au point qu'une partie de la table de roulement s'est détachée de la roue. La fissure était présente depuis quelque temps.
    • Rien n'indique que la roue ait été soumise à une surchauffe soutenue consécutive au serrage des freins ou attribuable à d'autres causes.

    1.18 Fabrication des roues Southern

    Bien qu'on ait cessé de fabriquer des roues Southern en 2000, lors de l'événement, ces roues équipaient jusqu'à 10 % du matériel roulant affecté au service d'échange en Amérique du Nord.

    La société Southern utilisait le procédé de coulée en chute directe pour la fabrication de ses roues monobloc. Avec ce procédé, on plaçait un moule de graphite sur la jante pour assurer une solidification rapide de la jante. Le reste de la roue était placé dans un moule en sable. Avec un tel système, une porosité de retassure se manifeste généralement dans la partie mince du voile, près de la jante, plutôt que dans le secteur de la jante. D'autres fabricants de roues ont recours à un évent vertical.

    Après le décochage et l'enlèvement des évents, on laisse les roues se refroidir lentement de façon que le taux d'hydrogène dissous puisse revenir à des niveaux acceptables, et de façon à limiter les contraintes résiduelles. Le refroidissement lent se fait dans un puits de refroidissement où l'on empile parfois jusqu'à 15 roues l'une par-dessus l'autre. À ce moment du processus, le moyeu de la roue est encore chaud (environ 2400 °F), alors que la jante n'est qu'à environ 1200 °F. On laisse les roues refroidir dans le puits pendant 12 heures environ. Au cours de cette période, la chaleur du moyeu se transmet à la jante et réchauffe celle-ci, de sorte que le gaz emprisonné peut s'échapper grâce au processus de diffusion.

    Dans le puits de refroidissement, la roue qui est sur le dessus et celle qui est au bas du puits sont celles qui sont les plus susceptibles d'être affectées par des problèmes de refroidissement, vu qu'elles reçoivent la chaleur d'une seule roue adjacente. De plus, la roue placée sur le dessus est celle qui risque le plus d'être affectée par un refroidissement non uniforme puisque la chaleur s'échappe à travers le couvercle isolé placé au-dessus du puits.

    Des recherches récentes menées par le fabricant de roues donnent à penser que certaines microfissurations de la jante pourraient être associées à un refroidissement inefficace qui occasionne une concentration excessive d'hydrogène dans la jante. Une fragilisation à l'hydrogène peut alors se manifester le long des joints de grain, et entraîner la formation de fissures sous-jacentes.

    2.0 Analyse

    2.1 Introduction

    Lors de l'événement, la conduite du train n'a fait l'objet d'aucune irrégularité. En outre, l'inspection avant le départ et les inspections faites par les systèmes de détection en voie n'ont révélé aucun défaut susceptible d'avoir causé cet accident. L'examen de la voie et de la structure du pont qui a été fait dans le secteur du déraillement après l'accident n'a pas révélé la présence de défauts préexistants.

    L'analyse traitera de la chaîne d'événements qui a entraîné le déraillement du train 239 et elle étudiera le rôle qu'a pu jouer le défaut de fabrication de la roue L4 du wagon CP 521173. On examinera les facteurs qui ont affecté le rendement du CCF, notamment la charge de travail et les effets de celle-ci sur l'efficacité de la fonction de contrôle de la circulation ferroviaire.

    2.2 L'accident

    Le 39e wagon du train, en l'occurrence le wagon CP 521173, a été le premier à dérailler. La roue avant du bogie avant (la roue L4) de ce wagon s'est brisée. Le processus de déraillement s'est enclenché quand le train s'est engagé dans la courbe à gauche située à l'est du passage supérieur de la rue Garden alors qu'il roulait à la vitesse en voie et que son poids s'est appuyé contre le rail de la file haute de la courbe. La partie endommagée de la roue L4 du wagon CP 521173 s'est alignée avec le champignon du rail de la file basse, ce qui a donné lieu à de fortes charges d'impact sur le rail.

    Le jour de l'événement, la température de l'air ambiant atteignait les -30 °C. Cette basse température a entraîné des contraintes de traction de nature thermique dans le LRS, rendant le rail plus fragile. Les fortes charges d'impact attribuables à la roue brisée, combinées aux contraintes de traction dues au temps froid, ont causé une rupture fragile qui a sectionné le patin du rail sud et, partant, a causé le déraillement du train.

    La position finale du bogie arrière du wagon CP 521173 et du bogie avant du wagon suivant, le TTAX 653749, indique que ces wagons sont vraisemblablement restés sur la voie après la rupture initiale du rail. Au cours du déraillement, les roues suivantes ont heurté le champignon du rail brisé, causant d'autres ruptures du rail qui ont fait en sorte que le dernier wagon, un wagon porte-conteneurs articulé à cinq plates-formes (le 41e wagon, no TTAX 78566), a déraillé vers l'intérieur de la courbe. À mesure que ce wagon bifurquait et s'enfonçait, il a vraisemblablement entraîné avec lui le wagon porte-conteneurs articulé à cinq plates-formes qui le précédait (le 40e wagon, no TTAX 653749) vers l'intérieur de la courbe. À ce moment, le wagon TTAX 653749 devait être à la hauteur du passage supérieur de la rue Garden ou tout près de celui-ci. Puis, à la suite du déraillement, ce wagon s'est vraisemblablement incliné du côté sud de la voie, de sorte que les plates-formes et les conteneurs sont tombés sur la chaussée en contrebas et ont heurté une automobile qui roulait en direction sud; les deux occupantes de l'automobile ont subi des blessures mortelles.

    L'examen fait après l'accident a révélé que des dommages étaient visibles sur le rail sud entre l'aiguillage ouest de Colborne (point milliaire 121,10) et le point où le déraillement est survenu. Ces dommages dénotaient aussi la présence de contraintes de traction dues au froid qui se sont combinées à de fortes charges d'impact attribuables à la roue brisée du train 239.

    L'analyse en laboratoire a révélé que la rupture de la roue avait résulté d'une fissuration sous-jacente due à un défaut de fabrication. Le défaut s'est propagé le long de la limite sous-jacente séparant la surface écrouie et l'intérieur de la table de roulement de la jante, jusqu'à ce que la jante subisse une microfissuration et se brise. Cela a dû se produire à la hauteur de l'aiguillage ouest à Colborne, ou un peu avant. Dans les courbes vers la gauche, la jante externe brisée a dû rentrer vers l'intérieur et s'aligner avec le champignon du rail, endommageant la voie et aggravant les dommages subis par la jante de la roue. La majorité des dommages causés à la voie se sont produits à des endroits où le train roulait à la vitesse en voie. La jante de la roue L4 s'est désintégrée progressivement au cours d'une période d'au moins cinq heures et sur une distance d'au moins 57 milles que le train 239 a parcourue avant de dérailler.

    2.3 La roue brisée

    L'analyse en laboratoire a révélé que la roue L4 du wagon CP 521173, en l'occurrence une roue Southern de classe « C », s'est brisée en raison d'une microfissuration de la jante. Ce défaut avait pris naissance dans un défaut sous-jacent qui était présent depuis la fabrication de la roue en 1988. Ce défaut n'aurait pas été détecté par l'équipement d'auscultation par ultrasons qu'on utilisait à l'usine de Calera lors de la fabrication. De plus, la roue n'avait pas été reprofilée. Si la roue avait été fabriquée après janvier 2003, elle aurait fait l'objet d'un contrôle par ultrasons additionnel. Donc, le défaut de la roue s'est propagé sans être détecté jusqu'à la rupture de la roue, survenue le 14 janvier 2004.

    Cet événement est le deuxième déraillement causé par la rupture d'une roue Southern à survenir en Ontario au cours des dernières années. Le 25 janvier 2002, la rupture de la roue R1 (fabriquée en 1996) du wagon CPLX 382532 a entraîné le déraillement du train 638-001 du CFCP au point milliaire 13,1 de la subdivision Heron Bay.

    L'analyse en laboratoire des roues défectueuses qui ont été à l'origine des déraillements de Whitby et de Heron Bay a fait ressortir certaines similitudes :

    • Les roues n'avaient pas subi une surchauffe extrême.
    • La rupture des roues s'est produite après qu'une fissure sous-jacente s'est agrandie progressivement jusqu'à ce qu'une partie de la table de roulement se détache de la roue.
    • La fissuration sous-jacente causée par la fatigue était présente dans les roues depuis un certain temps.
    • La fissuration avait commencé à plusieurs endroits de la roue qui étaient affectés par des défauts du matériau, notamment de la porosité et une fissuration intergranulaire (voir les photo 5 et photo 6).
    Photo 5.  Roue L4 du wagon CP 521173 (déraillement survenu à Whitby)
    En haut : micrographie non attaquée de la fissuration sous-jacente coïncidant avec la zone d'origine de la fracture, grossie 25 fois
    En bas : micrographie attaquée montrant une fissuration intergranulaire, grossie 500 fois
    Image
    Roue L4 du wagon CP 521173
    Photo 6.  Roue R1 du wagon CPLX 382532 (déraillement survenu à Heron Bay)
    En haut : micrographie non attaquée de la fissuration sous-jacente coïncidant avec la zone d'origine de la fracture, grossie 25 fois
    En bas : micrographie attaquée montrant une fissuration intergranulaire, grossie 500 fois
    Image
    Roue R1 du wagon CPLX 382532

    On a cessé de fabriquer les roues Southern en 2000. Lors de l'événement, ces roues équipaient 10 % du matériel roulant affecté au service d'échange en Amérique du Nord. Il est vraisemblable que la majorité de ces roues Southern n'ont fait l'objet d'aucun autre contrôle par ultrasons depuis leur fabrication, étant donné que l'obligation de tester les roues au moment de leur reprofilage est entrée en vigueur en janvier 2003. L'examen des dossiers du CFCP et du CN entre 1998 et 2004 a permis de relever 77 ruptures de roues Southern qui ont causé 11 déraillements au Canada. Toutefois, ni le CN ni le CFCP n'ont acheté des roues Southern. La présence de roues Southern dans leur parc de matériel roulant résulte des opérations normales d'échange de wagons, lesquelles sont encadrées par les règles d'échange de l'AAR. De plus, comme les compagnies ne sont pas tenues de consigner le fabricant et le numéro de série des roues dont leur matériel roulant est équipé, elles ignorent le nombre de roues Southern qui sont en service dans leur réseau. Faute d'information à ce sujet, les compagnies ne sont pas en mesure de déterminer le niveau de risque que ces roues représentent pour leur exploitation.

    Bien que des éléments donnent à penser qu'un grand nombre de roues Southern affectées par des défauts de fabrication sont encore en service, l'ampleur du problème reste inconnue. Lors de l'événement, l'industrie n'avait entrepris aucun effort officiel d'appréciation des risques que ces roues pouvaient représenter pour le service d'échange de wagons dans toute l'Amérique du Nord. Comme l'industrie n'a institué aucun programme d'évaluation des risques dus aux roues Southern actuellement en service, il y a un risque accru que des roues Southern affectées par des défauts internes de fabrication restent en service, et contribuent à des déraillements attribuables à une défaillance progressive des roues.

    2.4 Inspection et signalement des dommages causés à la voie

    Quand une occupation non identifiée de la voie se produit, on demande aux équipes de la voie et au personnel du S & C d'inspecter la voie, et de la réparer au besoin. Lors de l'événement, on a seulement demandé au personnel sur place d'informer le CCF de la cause de l'occupation non identifiée de la voie. Toutefois, les procédures du CFCP n'exigeaient pas que le personnel du S & C ou les équipes d'entretien de la voie fassent un examen sur place pour déterminer la cause des dommages causés à la voie et fassent rapport de leurs constatations. Si les compagnies disposaient de cette information en temps utile, elles pourraient identifier le matériel roulant défectueux et le retirer du service avant qu'un déraillement se produise.

    2.5 Mesures prises après l'occupation non identifiée de la voie de Lovekin

    2.5.1 Mesures prises par le contrôleur de la circulation ferroviaire

    La défaillance progressive de la roue L4 du wagon CP 521173 a fait apparaître trois indications d'occupation non identifiée de la voie distinctes à l'écran du CCF de la subdivision Belleville. Après chaque occupation non identifiée de la voie, le CCF a immédiatement avisé le personnel du S & C et des Services d'ingénierie. Toutefois, que ce soit après la deuxième occupation non identifiée de la voieNote de bas de page 41, ou la troisième, le CCF n'a pas dit à l'équipe du train 239 d'immobiliser son train et d'en faire une inspection au défilé.

    Un grand nombre de facteurs ont pu influer sur la façon dont le CCF a évalué la situation :

    • L'hypothèse du CCF selon laquelle la rupture de rail avait causé l'occupation non identifiée de la voie était raisonnable. On sait que les ruptures de rail sont plus fréquentes quand la température est extrêmement basse. En comparaison, les ruptures de rail causées par la désintégration d'une roue sont beaucoup moins courantes.
    • Le fait que le superviseur de l'entretien de la voie ait demandé au CCF d'émettre un BM portant sur un ordre de marche au ralenti en raison du temps extrêmement froid a rassuré le CCF dans son hypothèse voulant que les occupations non identifiées de la voie étaient liées à la fragilité des rails par temps froid.
    • Quand la deuxième occupation non identifiée de la voie s'est produite après le passage du train 239, on s'est demandé au début si elle pouvait être causée par le train de travaux Cobourg Turn ou le train 239, ou s'il s'agissait d'un problème de signalisation qui s'affichait temporairement à l'écran du CCF. À cause de cette incertitude initiale, le CCF était moins susceptible d'établir immédiatement un rapport de cause à effet entre la deuxième occupation non identifiée de la voie et le train 239.
    • Le CCF était moins susceptible de se rappeler que le train 239 était associé aux occupations non identifiées de la voie survenues à Colborne et Lovekin en raison des facteurs suivants :
      • le délai de trois heures entre les occupations non identifiées de la voie,
      • l'effacement du premier indicateur d'occupation non identifiée de la voie à l'écran de CCC quand il a été remplacé par un indicateur de cantonnement,
      • l'absence d'enregistrement relatif à la première occupation non identifiée de la voie sur la feuille de planification du contrôle de la circulation ferroviaire.
    • Lors du présent événement, les occupations non identifiées de la voie se sont produites à de grandes distances les unes des autres (c'est-à-dire dans des cantons non consécutifs). Or, on suppose communément que, si les occupations non identifiées de la voie sont dues à un matériel roulant endommagé, elles se produiront dans des cantons consécutifs.
    • Dans le Manuel du CCF, la mention d'une procédure en cas de deuxième occupation non identifiée de la voie (en l'occurrence une exception s'appliquant à une procédure différente) n'insistait pas suffisamment sur la nécessité d'arrêter le train pour en faire l'inspection.

    Lors de la troisième occupation non identifiée de la voie, la charge de travail du CCF s'était accrue considérablement. Plusieurs voies d'évitement étant occupées, on ne pouvait pas les utiliser pour faciliter les croisements de trains. Un certain nombre de cantons sur la voie principale faisaient l'objet d'inspections ou de réparations des rails endommagés. Quand le CCF a demandé de l'aide au GACCF 2, il était davantage préoccupé par les difficultés liées à la gestion de la circulation des trains dans ces conditions que par les conséquences possibles des occupations non identifiées de la voie. Le CCF a vraisemblablement cru que les causes des occupations non identifiées de la voie étaient bien comprises et qu'on avait pris les mesures appropriées (c'est-à-dire aviser le personnel du S & C). Ce n'est qu'en faisant un exposé détaillé de la situation que le CCF a constaté que la deuxième et la troisième occupation non identifiée de la voie s'étaient toutes deux produites après le passage du train 239. Sur ces entrefaites, le train a déraillé.

    La charge de travail considérable au moment où les occupations non identifiées de la voie se sont produites, combinée au fait que le CCF se soit fié à sa mémoire plutôt que de documenter les conditions inhabituelles, a contribué au fait qu'on n'arrête pas le train pour une inspection.

    2.5.2 Mesures prises par le gestionnaire adjoint du contrôle de la circulation ferroviaire

    Quand le GACCF 2 a reçu un appel du CCF au sujet du nombre de ruptures de rail qui se produisaient dans sa subdivision, il s'occupait de régler plusieurs autres dossiers urgents. Le GACCF a ensuite écouté les préoccupations du CCF, d'après qui la gestion de la circulation dans la subdivision pourrait devenir difficile en raison du nombre de rails brisés.

    Un grand nombre de facteurs ont pu amener le GACCF à décider de ne pas demander un complément d'information ou de ne pas intervenir immédiatement :

    • Quand la charge de travail est lourde, les gens doivent décider rapidement des problèmes qui doivent être réglés en priorité, et doivent souvent se baser sur des renseignements limités pour ce faire.
    • La façon dont le CCF a décrit la situation donnait à penser qu'il avait pris les mesures voulues à la suite d'une rupture de rail. Prise isolément, cette description ne justifiait pas une intervention immédiate.
    • Aucun mécanisme officiel n'était en place pour vérifier si les GACCF ont les compétences voulues pour faire une gestion efficace de plusieurs tâches urgentes simultanées.

    Du fait que, le soir, le GACCF se trouvait à être le seul gestionnaire au bureau de contrôle de la circulation ferroviaire de Montréal qui avait une expérience appréciable du contrôle de la circulation ferroviaire, et que les GACCF ne suivaient pas de formation sur la gestion du temps, les GACCF risquent davantage de ne pas être en mesure de gérer efficacement des situations urgentes multiples.

    2.6 Gestion de la charge de travail du contrôleur de la circulation ferroviaire

    L'objectif premier du contrôle de la circulation ferroviaire consiste à assurer la sécurité et l'efficience de la circulation ferroviaire. Quand des personnes sont affectées aux fonctions de surveillance de la circulation ferroviaire, il importe d'empêcher qu'elles soient surchargées de travail si l'on veut atteindre l'objectif visé. Des éléments indiquent qu'au moment de l'événement, le CCF avait de la difficulté à composer avec la charge de travail de la subdivision. Il n'arrivait pas à consigner les renseignements à la cadence voulue et il demandait l'aide de son superviseur de plus en plus souvent. Plus le temps passait, plus il semblait tendu.

    En outre, la communication d'un BM d'application générale a entraîné une augmentation considérable de la charge de travail du CCF. L'envoi de ce BM obligeait le CCF à communiquer avec chacun des trains qui se trouvait dans la subdivision pour lui communiquer les détails du BM et s'assurer qu'il était bien compris. Bien que les BM constituent un moyen de protection contre des dangers connus, le CCF doit aussi concentrer son attention sur les problèmes qui se posent. Par conséquent, l'accroissement de la charge de travail attribuable à la méthode de communication employée peut réduire l'efficacité du CCF en situation d'urgence.

    Lorsque la charge de travail est considérable, des processus déficients de gestion de la charge de travail peuvent donner lieu à une dégradation de la performance humaine et à des erreurs. Même si l'on avait affiché des messages clairs sur les murs du bureau au sujet de l'importance d'une bonne gestion de la charge de travail, les politiques, procédures et pratiques du CFCP dans ce domaine laissaient à désirer à certains égards. Par exemple :

    • Il n'y avait aucune politique quant à la tenue à jour de dossiers portant sur l'évaluation de la charge de travail des CCF. Si aucune donnée n'est consignée au sujet de la charge de travail, il devient difficile de faire une gestion efficace avec le temps. L'enregistrement de données sur la charge de travail permettrait aux gestionnaires du contrôle de la circulation ferroviaire d'étudier les tendances relatives à la charge de travail ainsi que l'efficacité des interventions.
    • Ni le CCF ni le GACCF n'ont suivi une formation sur la gestion de leur charge de travail ou sur les conséquences d'un éventuel défaut de s'en acquitter. Faute de cette formation, les CCF et les GACCF sont moins conscients des signes indiquant que la charge de travail devient trop lourde pour eux. De plus, ils ne seraient vraisemblablement pas au courant des stratégies d'atténuation du problème dont ils peuvent se prévaloir.
    • Au bureau de Montréal, des barrières physiques empêchaient les GACCF de voir comment les CCF se débrouillaient avec leur charge de travail. Voici un exemple des barrières en question :
      • En raison de l'aménagement du bureau, dans lequel les cabines des CCF étaient fermées par des portes et le pupitre du GACCF était placé dos aux cabines des CCF, le GACCF pouvait difficilement observer la gestion de la charge de travail. Bien que cet isolement vise à soustraire les CCF aux distractions attribuables à l'environnement de travail, il crée aussi une barrière qui empêche de voir dans quelle mesure les CCF s'acquittent de leur charge de travail.

    En raison de l'absence de mécanismes officiels permettant de mesurer la charge de travail des CCF et les effets de celle-ci, la charge de travail des CCF pourrait très bien devenir trop lourde, ce qui nuirait à leur rendement et à la sécurité ferroviaire.

    2.7 Procédure du contrôle de la circulation ferroviaire en cas d'occupation non identifiée de la voie

    La façon de procéder en cas d'occupation non identifiée de la voie est décrite dans le Manuel du CCF du CFCP. La marche à suivre à la suite d'une occupation non identifiée de la voie précise les mesures à prendre, les causes potentielles et les variations locales possibles.

    L'efficacité de la marche à suivre en cas d'occupation non identifiée de la voie (en cas de ruptures de rail attribuables au matériel roulant) est tributaire de la capacité du CCF de se souvenir des occupations non identifiées de la voie précédentes. Toutefois, chaque occupation non identifiée de la voie est affichée à l'écran du CCF comme étant un événement isolé. Normalement, les systèmes de contrôle de CCC ne sont pas conçus de façon à faire porter l'attention du CCF sur le fait qu'une deuxième occupation non identifiée de la voie s'est produite après le passage d'un train. De plus, alors qu'il y avait des exigences générales quant à l'obligation de documenter les conditions inhabituelles pendant le quart de travail, les procédures de contrôle de la circulation ferroviaire n'exigeaient pas spécifiquement qu'on documente chaque occupation non identifiée de la voie.

    La marche à suivre après une occupation non identifiée de la voie donne des instructions précises sur la façon de procéder quand une seconde occupation non identifiée de la voie se produit après le passage d'un train. Cependant, dans la procédure sur les occupations non identifiées de la voie, ces instructions étaient présentées comme étant une exception dans la section qui décrit comment faire circuler les trains en cas d'occupation non identifiée de la voie. Le fait de ne pas avoir placé ces instructions à un endroit où elles auraient été plus en évidence risque d'en minimiser l'importance, ce qui fait que les CCF seront moins susceptibles de remarquer immédiatement le degré de gravité d'une seconde occupation non identifiée de la voie.

    En cas de seconde occupation non identifiée de la voie, les instructions indiquaient que le CCF devrait supposer que l'occupation non identifiée de la voie était vraisemblablement attribuable à des défauts de rail. Pendant les périodes de froid extrême, quand le rail devient plus fragile, les ruptures de rail (c'est-à-dire ruptures d'éclissage) sont relativement courantes, et ce même sous une charge normale. Lors du présent événement, plusieurs ruptures de rail s'étaient déjà produites dans la subdivision Belleville au cours de la période qui a précédé l'accident.

    En indiquant que les occupations non identifiées de la voie sont attribuables à des défauts de rail, la procédure insiste sur la gravité potentielle des occupations non identifiées de la voie (c'est-à-dire que l'occupation non identifiée de la voie est vraisemblablement due à autre chose qu'une défectuosité du système de signalisation). Par contre, cela fait en sorte que le CCF sera moins susceptible de reconnaître une possibilité plus dangereuse, à savoir une rupture de rail causée par une défaillance du matériel roulant d'un train.

    De plus, une hypothèse répandue relativement aux occupations non identifiées de la voie veut que, si l'occupation non identifiée de la voie est causée par une défaillance du matériel roulant, des occupations non identifiées de la voie vont se produire dans des cantons consécutifs. Dans le présent événement, les occupations non identifiées de la voie étaient séparées par des intervalles de temps et de distance considérables. Donc, du fait que la procédure relative aux occupations non identifiées de la voie ne précise pas que les occupations non identifiées de la voie attribuables à une défaillance du matériel roulant peuvent être séparées par de grands intervalles de temps ou de distance, elle n'amène pas le CCF à reconnaître un tel scénario.

    Même si la procédure relative aux occupations non identifiées de la voie exposait la marche à suivre après une seconde occupation non identifiée de la voie, l'absence d'information sur le mode de rupture des rails, combinée à l'ordre dans lequel l'information est présentée dans la procédure, fait en sorte que le CCF est moins porté à prendre des mesures appropriées à la suite d'une seconde occupation non identifiée de la voie. Dans ces conditions, il y a un risque accru que le train poursuive sa route avec du matériel roulant défectueux, endommageant ainsi l'infrastructure de la voie, et qu'il finisse par entraîner un déraillement.

    2.8 Documentation relative aux renseignements essentiels pour la sécurité

    2.8.1 Procédures concernant les feuilles de planification des trains

    Par le passé, la feuille de planification a été d'une grande utilité aux CCF pour ce qui est de planifier les mouvements des trains et de documenter les événements critiques en matière de sécurité. Toutefois, le recours de plus en plus fréquent à l'informatique pour consigner automatiquement les activités de contrôle de la circulation ferroviaire a fait en sorte qu'on accorde moins d'importance aux documents écrits. Bien que la formation initiale des CCF du CFCP traite de l'emploi des feuilles de planification, aucune section de son cours de perfectionnement des CCF ne parle de cette question, même si l'emploi des feuilles de planification est une fonction critique du travail des CCF qui ne fait pas souvent l'objet de vérifications.

    Comme les systèmes informatiques de contrôle de la circulation ferroviaire ne consignent pas tous les renseignements nécessaires à la sécurité, le fait qu'on insiste moins sur le recours à des documents écrits a fait en sorte que les CCF soient moins portés à consigner les renseignements essentiels pour la sécurité (par exemple, situations dangereuses potentielles) et à les communiquer aux CCF de relève.

    2.8.2 Documentation pendant les périodes où la charge de travail est lourde

    Pendant les périodes où la charge de travail était lourde, le CFCP permettait à ses CCF de cesser de consigner des renseignements sur les feuilles de planification, ce qui peut inclure les renseignements essentiels pour la sécurité. Comme l'enregistrement de ces données permet aux CCF de disposer d'un aide-mémoire en cas de besoin, cette pratique (non-enregistrement des données) revient à priver les CCF des avantages qu'ils pourraient en tirer. Si les renseignements essentiels pour la sécurité ne sont pas consignés immédiatement, on risque davantage de ne pas s'en souvenir au moment où l'on en a besoin, et les renseignements en question risquent davantage de ne pas être communiqués d'un CCF à l'autre.

    2.9 Gestion de la fatigue mentale chez les contrôleurs de la circulation ferroviaire

    Quand la charge de travail est considérable et que les tâches sont complexes, le fait de rester à son poste pendant des périodes prolongées peut occasionner une fatigue mentale et nuire au rendement. À condition qu'une relève convenable soit disponible, les procédures du CFCP prévoyaient une pause repas pour les CCF affectés aux pupitres de niveau 5 et, si les ressources le permettaient, pour les CCF des pupitres de niveau 4. Toutefois, la compagnie ne pouvait pas toujours compter sur un personnel de relève qualifié, notamment pour remplacer les CCF des pupitres de niveau 5 dont la tâche était plus complexe. En outre, les CCF prévoyaient normalement prendre des pauses quand ils en avaient l'occasion pendant leur quart de travail, compte tenu de la circulation ferroviaire du moment. Si les CCF ne peuvent pas prendre des pauses régulièrement, ils risquent davantage de devenir fatigués et de voir leur rendement décroître.

    En guise de comparaison, d'autres industries ont établi des lignes directrices régissant les pauses afin d'atténuer les effets de la fatigue mentale. Dans le domaine du contrôle de la circulation aérienne (ATC), on a établi un certain nombre de stratégies visant à réduire les risques de fatigue : limiter les périodes de travail à deux heures consécutives et prendre des pauses plus fréquentes quand la charge de travail est lourde. Quand le personnel de relève n'est pas disponible, on peut envisager d'autres stratégies comme l'imposition de restrictions à la circulation et une réduction du service.

    La façon dont le CFCP traite de la gestion de la fatigue due aux heures de service consécutives ne tient pas compte de diverses stratégies auxquelles on peut recourir pour atténuer les risques de fatigue chez les CCF et la dégradation du rendement qui s'ensuit.

    Quand il s'agit d'une activité importante pour la sécurité comme celle de CCF, l'absence de règles ou de directives spécifiques concernant la gestion de la fatigue et de la charge de travail fait en sorte que les employés risquent davantage de ne pas avoir la vigilance nécessaire pour contrôler la circulation ferroviaire en toute sécurité.

    2.10 Communications entre les bureaux de contrôle de la circulation ferroviaire au sujet de la sécurité

    Dans le cadre des opérations normales, les gestionnaires du contrôle de la circulation ferroviaire du CFCP assuraient des communications entre les bureaux au sujet de questions de sécurité. Ils organisaient des conférences téléphoniques mensuelles lors desquelles on discutait des objectifs de sécurité, des questions relatives au contrôle de la circulation ferroviaire et du travail. L'uniformisation des activités entre les bureaux était aussi assurée grâce à un certain nombre de processus coordonnés par les autorités centrales, comme l'élaboration des cours de formation des CCF et la rédaction de manuels des CCF.

    Les documents de base relatifs à la gestion de la circulation ferroviaire étaient les mêmes pour tous les bureaux de contrôle de la circulation ferroviaire du CFCP. Toutefois, ces documents étaient souvent complétés par des bulletins périodiques produits par chaque bureau. Il n'y avait pas de modalités officielles quant à la mise en commun de ces bulletins avec d'autres bureaux. Dans bien des cas, les bulletins en question étaient communiqués de façon non structurée. Cette façon de procéder peut s'avérer insuffisante quand il s'agit d'informer tous les intéressés des nouveaux risques et des nouvelles stratégies de sécurité. Les bureaux de contrôle de la circulation ferroviaire du CFCP ne disposent pas de moyens de communication efficaces permettant d'informer tout le réseau des problèmes de sécurité qu'on a relevés à un endroit donné, de sorte qu'il y a un risque accru que les dangers relevés par les CCF ne soient pas partout réglés de manière satisfaisante.

    3.0 Conclusions

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Tandis que le train roulait dans la courbe vers la gauche à une vitesse de 51 mi/h, l'essieu monté no 4 du wagon CP 521173 s'est appuyé contre le rail de la file haute de la courbe, de sorte que la partie endommagée de la jante de la roue L4 s'est alignée avec le rail de la file basse et a donné lieu à de fortes charges d'impact contre le champignon du rail.
    2. La basse température ambiante a entraîné des contraintes de traction de nature thermique dans le long rail soudé, rendant le rail plus fragile. Les fortes charges d'impact attribuables à la roue brisée, combinées aux contraintes de traction de nature thermique, ont causé une rupture fragile vers le bas qui a sectionné le patin du rail de la file basse et, partant, a causé le déraillement du train.
    3. La rupture de la table de roulement s'est faite progressivement tandis que le train 239 parcourait les 57 derniers milles (cinq heures) de son parcours. La fracture initiale a pris naissance dans un défaut de fabrication et s'est propagée le long de la limite sous-jacente séparant la surface écrouie et l'intérieur de la table de roulement de la jante. Le défaut de fabrication a entraîné la microfissuration de la jante.
    4. La rupture de la roue a causé la rupture du rail à plusieurs endroits de la subdivision Belleville, entraînant des occupations non identifiées de la voie. Bien que trois occupations non identifiées de la voie aient été affichées à l'écran du contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) et qu'on ait pris des mesures pour faire examiner les endroits où les occupations non identifiées de la voie avaient eu lieu, personne n'a fait arrêter le train pour une inspection.
    5. Le fait que le CCF, pendant une période où la charge de travail était lourde, n'ait pas documenté les conditions inhabituelles et se soit plutôt fié à sa mémoire a contribué au fait que le train n'a pas été arrêté pour une inspection.
    6. Comme les occupations non identifiées de la voie signalées après le passage du train 239 étaient séparées par de longs intervalles de temps (cinq heures) et de distance, il a été difficile pour le CCF de se rendre compte du lien entre le train 239 et les occupations non identifiées de la voie.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    1. Entre 1998 et 2004, on a dénombré au Canada 11 déraillements liés à des roues Southern affectées par des défauts de fabrication. Comme l'industrie n'a institué aucun programme d'évaluation des risques dus aux roues Southern actuellement en service, il y a un risque accru que de telles roues restent en service jusqu'à ce qu'elles se rompent.
    2. Au moment de l'événement, les procédures du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) n'exigeaient pas que le personnel du Groupe de la signalisation et des communications et les équipes d'entretien de la voie qui sont envoyés sur les lieux d'un événement fassent un examen sur place pour déterminer la cause probable des dommages et qu'elles présentent un rapport à ce sujet. Faute d'information, il y a un risque que la compagnie ferroviaire ne soit pas en mesure d'identifier le matériel roulant défectueux et de le retirer du service avant qu'un déraillement se produise.
    3. Pendant les périodes où la charge de travail est lourde, le CFCP permet à ses CCF de cesser de consigner des renseignements sur les feuilles de planification. Dans ces conditions, on risque davantage de ne pas se souvenir des renseignements essentiels pour la sécurité au moment où l'on en a besoin, et les renseignements en question risquent davantage de ne pas être communiqués d'un CCF à l'autre.
    4. En raison de l'absence de mécanismes officiels permettant de mesurer la charge de travail des CCF et de l'absence de formation visant à sensibiliser les CCF aux effets d'une charge de travail considérable, la charge de travail des CCF pourrait très bien devenir trop lourde, ce qui nuirait à leur rendement et à la sécurité ferroviaire.
    5. Quand il s'agit d'une activité importante pour la sécurité comme celle de CCF, l'absence de mesures spécifiques concernant la gestion de la fatigue mentale et de la charge de travail fait en sorte que les employés risquent davantage de ne pas avoir la vigilance nécessaire pour contrôler la circulation ferroviaire en toute sécurité.
    6. Les bureaux de contrôle de la circulation ferroviaire du CFCP ne disposent pas de moyens de communication efficaces permettant d'informer tout le réseau des problèmes de sécurité qu'on a relevés à un endroit donné, de sorte qu'il y a un risque accru que les dangers relevés par les CCF ne soient pas partout réglés de manière satisfaisante.
    7. Même si la procédure relative aux occupations non identifiées de la voie exposait la marche à suivre après une seconde occupation non identifiée de la voie, l'absence d'information sur le mode de rupture des rails, combinée à l'ordre dans lequel l'information est présentée dans la procédure, fait en sorte que le CCF est moins porté à prendre des mesures appropriées à la suite d'une seconde occupation non identifiée de la voie.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures prises

    4.1.1 Vérifications et mesures de réglementation de Transports Canada

    Le 23 janvier 2004, Transports Canada a adressé un Avis et ordre au Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP), dans lequel on ordonnait que :

    (Traduction)

    Le Chemin de fer Canadien Pacifique ne fasse pas circuler dans la province d'Ontario du matériel roulant dont le passage dans un territoire régi par le système de commande centralisée de la circulation (CCC) a été suivi de plus d'une occupation non identifiée de la voie, à moins que :

    • le contrôleur de la circulation ferroviaire n'avise immédiatement l'équipe d'immobiliser le matériel roulant et n'informe par la suite son superviseur;
    • le matériel roulant ne soit inspecté par une ou des personnes qualifiées. Cette inspection comprend une inspection au défilé d'un côté du matériel roulant, faite à une vitesse maximale de 10 mi/h, suivie d'une inspection à l'arrêt de l'autre côté;
    • le matériel roulant affecté par une ou des roues défectueuses ne soit retiré du train :
      • soit sur place;
      • soit à l'endroit le plus rapproché si la ou les personnes qualifiées jugent que le matériel peut rouler sans danger, auquel cas le matériel doit rouler à une vitesse maximale de 10 mi/h pour se rendre à l'endroit en question.

    Lors d'une vérification faite en septembre 2004 au sujet des mesures correctives prises par le CFCP, Transports Canada a constaté que la compagnie avait bel et bien apporté des améliorations à son logiciel de contrôle de la circulation ferroviaire, à ses activités de formation et à ses méthodes d'exploitation, de façon à corriger les lacunes relatives à l'identification des causes des occupations non identifiées de la voie multiples et aux mesures d'intervention nécessaires. Par la suite, l'Avis et ordre a été révoqué le 5 novembre 2004.

    On a procédé à d'autres examens et vérifications en décembre 2004 et janvier 2005, afin d'évaluer la mise en œuvre des nouvelles technologies et procédures.

    4.1.2 Inspection et signalement des rails endommagés ou brisés

    En février 2004, le BST a publié une lettre d'information sur la sécurité ferroviaire, au sujet de l'inspection des rails endommagés ou brisés et de la présentation de rapports à sujet. Dans la lettre, on disait que les procédures en vigueur au CFCP n'obligent pas le personnel du Groupe de la signalisation et des communications (S & C) ou les équipes d'entretien de la voie à faire aussi un examen sur les lieux afin de déterminer la cause probable des dommages, et à faire part de leurs constatations. En outre, on disait dans la lettre que, si cette information lui était communiquée en temps voulu, la compagnie ferroviaire pourrait peut-être identifier le matériel roulant défectueux et le retirer du service avant qu'un déraillement se produise.

    En réponse à la lettre d'information sur la sécurité, le CFCP a émis des instructions à l'intention de tout le personnel du S & C et des Services d'ingénierie, disant qu'après avoir déterminé qu'une occupation non identifiée de la voie résulte de la rupture d'un rail, le personnel doit vérifier la voie sur une distance de 300 pieds dans chaque direction afin de trouver des indices sur la cause de la rupture du rail, après quoi il devra présenter immédiatement un rapport sur ses constatations. Le CFCP modifiera en conséquence les notices techniques (NT) pertinentes.

    4.1.3 Améliorations au logiciel de contrôle de la circulation ferroviaire

    Le CFCP a amélioré son logiciel de CCC en y intégrant une fonction qui aide à repérer une occupation non identifiée de la voie (voir l'annexe A). Plus précisément, on a mis à jour le logiciel de CCC de façon qu'il affiche un message d'avertissement quand une seconde occupation non identifiée de la voie se produit après le passage d'un train. Cette amélioration a été mise en application le 16 juillet 2004.

    4.1.4 Documentation et procédures de communication relatives aux occupations non identifiées de la voie

    Le CFCP a amélioré ses modalités de documentation relative aux occupations non identifiées de la voie.

    On utilise maintenant une section particulière de la feuille de planification pour consigner les renseignements relatifs aux occupations non identifiées de la voie (voir l'annexe B). On doit consigner sur les feuilles de planification les données relatives aux occupations non identifiées de la voie, à l'intention des contrôleurs de la circulation ferroviaire (CCF) chargés de contrôler la circulation dans les subdivisions voisines. De plus, on doit aviser l'équipe du train derrière lequel l'occupation non identifiée de la voie s'est produite. Tous les CCF ont suivi un cours de perfectionnement portant sur l'utilisation de la feuille de planification.

    Quand une occupation non identifiée de la voie suivant le passage d'un train s'affiche à l'écran du CCF, le gestionnaire adjoint du contrôle de la circulation ferroviaire (GACCF) doit en être avisé immédiatement. Puis, le CCF et le CCF responsable de la ou des subdivisions voisines doivent consigner l'information dans le système d'édition de l'information sur les transferts (Transfer Information Editor).

    Dans ses Instructions générales d'exploitation (IGE), le CFCP a révisé sa politique concernant la façon dont le CCF doit réagir à une seconde occupation non identifiée de la voie. Il a aussi mis à jour son Manuel du CCF (voir l'annexe C) pour qu'il tienne compte des changements.

    4.1.5 Communication entre les bureaux au sujet de la sécurité

    On a élaboré des procédures officielles concernant la mise en commun des renseignements essentiels à la sécurité entre les bureaux de contrôle de la circulation ferroviaire. La direction du contrôle de la circulation ferroviaire a mis au point une base de données commune grâce à laquelle les bureaux de contrôle de la circulation ferroviaire pourront échanger sur les grandes questions d'ordre opérationnel.

    4.1.6 Microfissuration de la jante des roues Southern

    En juin 2004, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a publié un Avis de sécurité ferroviaire concernant la microfissuration de la jante des roues Southern (code SO). L'avis disait qu'il est possible que les défauts de fabrication affectent un grand nombre de roues Southern et que la présence de défauts sous-jacents susceptibles d'entraîner une défaillance de la roue pendant le service constitue un risque considérable pour la sécurité publique. En outre, l'avis précisait qu'en raison des problèmes potentiels associés aux roues Southern, Transports Canada, de concert avec l'industrie ferroviaire, voudra examiner un échantillon de roues portant le code SO dans le but d'analyser l'état de ces roues et d'apprécier les risques découlant de leur maintien en service.

    Le 9 juillet 2004, Transports Canada a demandé au CFCP et au Canadien National (CN) de lui communiquer de l'information sur les problèmes attribuables aux roues Southern dont il est question dans l'avis de sécurité. Les compagnies ont répondu que, comme ce problème touche l'ensemble de l'industrie en Amérique du Nord, elles ne comptaient pas prendre de mesures unilatérales tant que l'Association of American Railroads (AAR) n'aurait pas fait part des opinions de l'industrie.

    Le comité de l'AAR chargé des roues, des essieux, des roulements et de la lubrification a mené une étude sur les défauts normalisés et a déterminé que les roues Southern fabriquées en 1995 montraient un taux de défauts plus élevé que les roues Southern fabriquées d'autres années. Par conséquent, l'AAR a publié deux lettres circulaires.

    • La lettre circulaire C-10097, en vigueur le 19 mai 2005, a modifié le Manual of Standards and Recommended Practices (manuel des normes et des pratiques recommandées) de l'AAR, section G, partie II, règle 1.4.7.4.8, dans laquelle on interdit de remettre en service les roues Southern non reprofilables de type CH-36 d'une capacité de 100 tonnes qui ont été fabriquées en 1995, une fois que ces roues sont retirées d'un wagon de marchandises.
    • La lettre circulaire C-10104, en vigueur le 23 mai 2005, a modifié le Field Manual of the AAR Interchange Rules (manuel d'échange de wagons de l'AAR), règle 41, dans laquelle on ordonne de retirer du service les roues Southern non reprofilables de type CH-36 d'une capacité de 100 tonnes qui ont été fabriquées en 1995, lorsque les wagons qui en sont équipés sont sur une voie d'atelier ou une voie de réparation.

    Ces lettres visent le retrait en bonne et due forme des roues Southern de type CH-36 fabriquées en 1995, qui sont affectées au service d'échange de wagons en Amérique du Nord. En réponse à cette directive, et à la suite d'une étude menée par le service d'essai du CFCP sur un échantillon aléatoire de 30 roues Southern mises au rebut, l'industrie, par l'entremise de l'AAR, a mis sur pied un consortium chargé d'examiner les ruptures de roues et de chercher des moyens d'atténuer le problème.

    De plus, le CFCP a interdit à tous ses fournisseurs de roues de réutiliser des roues Southern, de quelque modèle que ce soit, dans les essieux montés vendus au CFCP et assemblés pour le CFCP. En outre, en janvier 2006, l'AAR a mis en œuvre la deuxième étape de son plan consistant à retirer toutes les roues Southern suspectes du parc d'échange de wagons d'Amérique du Nord.

    4.2 Mesures nécessaires

    4.2.1 Supervision des opérations de contrôle de la circulation ferroviaire

    À la suite du présent événement, le CFCP a pris des mesures bien précises visant l'amélioration des systèmes et des méthodes d'inspection sur le terrain afin d'alerter les CCF des dommages qu'un train peut causer à la voie. Ces mesures permettent effectivement de réduire le risque de malentendus quant à l'origine d'occupations non identifiées de la voie multiples.

    Les CCF doivent assurer la circulation rapide et sûre des trains dans l'ensemble du réseau, mais ils ont aussi la responsabilité de faire ralentir ou d'arrêter les trains qui pourraient nuire à la sécurité ferroviaire, tout en sachant qu'ils ne doivent pas retarder les trains sans raison valable. Parfois, surtout quand les conditions d'exploitation se détériorent, ces deux responsabilités peuvent entrer en conflit, auquel cas les CCF sont censés demander l'avis de leur superviseur, le GACCF.

    D'autre part, certaines situations, notamment les conditions météorologiques extrêmes, peuvent causer une détérioration générale des conditions d'exploitation qui oblige parfois les superviseurs à quitter leur poste de travail et à régler en priorité les situations urgentes. Les superviseurs sont alors moins accessibles, ce qui fait que, comme dans le présent événement, une situation potentiellement dangereuse risque davantage de n'être ni signalée ni corrigée.

    Le CCF et son superviseur devaient tous deux s'acquitter d'une charge de travail très lourde au cours de la période qui a précédé l'événement. Les marches à suivre et directives qui étaient en place et qui étaient censées les aider à constater que les ruptures de rail étaient causées par le train 239 ne leur ont pas fourni des indices clairs et univoques. Dans cette situation, et faute de documents écrits pouvant servir d'aide-mémoire, ces employés expérimentés n'ont pas été en mesure de diagnostiquer le problème suffisamment tôt pour qu'on puisse immobiliser le train en toute sécurité.

    Il n'est pas rare que la charge de travail soit considérable dans le domaine du contrôle de la circulation ferroviaire. Par exemple, le mauvais temps, des ruptures de rail, des passages à niveau défectueux, des déraillements de trains et des accidents à des intrus peuvent faire en sorte que la charge de travail déjà considérable des CCF devienne impossible à gérer. Bien que de telles circonstances soient relativement courantes pendant les opérations de contrôle de la circulation ferroviaire, il reste que, plus la charge de travail est lourde, plus le risque d'erreurs est grand.

    Certaines compagnies ferroviaires étrangères enseignent à leurs employés chargés de contrôler la circulation ferroviaire de demander l'aide d'autres CCF expérimentés lorsqu'ils ne peuvent pas consulter immédiatement leurs superviseurs. Grâce à leur formation et à leur expérience, le personnel et les gestionnaires sont à même de reconnaître les signes d'une charge de travail excessive et de demander de l'aide avant que les conditions d'exploitation se dégradent au point de compromettre la sécurité ferroviaire.

    Les compagnies ferroviaires canadiennes n'ont pas mis en place des protocoles et des cours de formation similaires. Il se peut que, quand les conditions d'exploitation se dégradent, les CCF n'aient pas la formation nécessaire et n'aient pas accès aux ressources d'encadrement qui leur permettraient de concilier les responsabilités concurrentes qui leur incombent. Le Bureau est d'avis que, quand des défaillances se produisent dans ces conditions, on doit impérativement reconnaître les conditions dangereuses et intervenir de façon appropriée. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports, en collaboration avec l'Association des chemins de fer du Canada, mette en place des protocoles et de la formation sur le contrôle de la circulation ferroviaire qui tiennent compte des périodes où la charge de travail est lourde et qui accordent une importance primordiale à la sécurité.
    Recommandation R06-01 du BSTNote de bas de page 42

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A - Mise à niveau de la commande centralisée de la circulation du Chemin de fer Canadien Pacifique pour la détection des occupations non identifiées de la voie

    (Document fourni par le Chemin de fer Canadien Pacifique)

    (Traduction)

    À partir du vendredi 16 juillet 2004, la compagnie procédera à la mise à niveau de son système de commande centralisée de la circulation (CCC) de façon que le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) puisse détecter plus facilement les occupations non identifiées de la voie qui suivent le passage d'un train identifié par une annotation.

    Détection des occupations non identifiées de la voie

    Grâce à cette mise à niveau, les CCF seront alertés dès qu'une possible occupation non identifiée de la voie sera décelée. Cette mise à niveau vise seulement à aider les CCF à faire leur travail, et ne constitue pas un outil qui alertera les CCF de tous les défauts possibles de la voie. Chaque jour dans le territoire contrôlé par régulation de l'occupation de la voie, plus de 1400 occupations non identifiées de la voie s'affichent à l'écran de CCC. Vu le nombre de ces événements, on a prévu différents filtres afin de limiter le nombre d'alertes inutiles auxquelles le CCF doit répondre. C'est pourquoi les CCF doivent être au courant des limitations liées à cette mise à niveau et ne doivent pas se fier uniquement aux alertes reçues.

    Quand une occupation de la voie est signalée derrière un train annoté, l'alerte suivante s'affiche à l'écran du poste de travail du CCF :

    Annexe A. Alerte qui s'affiche à l'écran du poste de travail du CCF
    Image
    Alerte qui s'affiche à l'écran du poste de travail du CCF

    Quand cette alerte s'affiche à l'écran du poste de travail du CCF, le clavier se verrouille et le CCF ne peut enfoncer aucune touche tant qu'il n'a pas appuyé sur la touche ENTER.

    Intervention

    Avant d'accuser réception d'un avis d'occupation non identifiée de la voie, le CCF doit évaluer la situation pour déterminer si l'alerte correspond ou non à une véritable occupation non identifiée de la voie. S'il s'agit bien d'une occupation non identifiée de la voie, le CCF doit appliquer le processus établi en cas d'occupation non identifiée de la voie. L'information doit être consignée sur la feuille de libération, et le CCF de la subdivision voisine et le gestionnaire adjoint du contrôle de la circulation ferroviaire (GACCF) doivent être avisés.

    Filtres

    L'alerte ne s'affiche que pour illustrer les occupations qui apparaissent pendant plus d'une minute. Grâce à l'utilisation de ce filtre, le nombre d'alertes reçues par le CCF est réduit de 79 %, sachant que :

    Il est courant de voir un voyant de voie s'allumer temporairement quand un train circule à un endroit contrôlé et s'éloigne. Cela est dû au temps que le système prend pour transmettre le signal au bureau; généralement, le voyant s'éteint en moins d'une minute.

    L'alerte ne s'affiche que pour signaler des occupations derrière un train annoté. Un des filtres en place correspond à la nécessité d'annoter l'occupation. Ce filtre tient compte des faits suivants :

    • Un grand nombre de ces occupations non identifiées sont liées à l'exploitation courante et n'indiquent pas nécessairement un possible défaut de la voie.
    • Les CCF se débrouillent très bien pour ce qui est d'annoter les mouvements de trains.

    L'alerte ne s'affiche que sur les voies principales et sur les voies d'évitement signalisées. Ce filtre réduit le niveau d'alerte de 1 %, compte tenu du fait que :

    • Les mouvements en partance de voies de triage pourraient indiquer des occupations pouvant être dues à des aiguillages ouverts ou à d'autres mouvements qui approchent de l'emplacement des signaux.
    • Toute occupation dans une voie d'évitement autre qu'une voie de stockage est due au fonctionnement du système et ne correspond pas à une indication de défauts possibles.

    L'alerte ne s'affiche que lorsque le mouvement n'est pas à l'intérieur des limites d'un canton. Le canton inclurait n'importe quel blocage placé par le système en réaction à une autorisation; 564, 566, POV, etc., ou cantonnements manuels; BM ou cantonnement manuel. Avec l'utilisation de filtres relatifs à ces événements, le nombre d'alertes est réduit de 1 % de plus, compte tenu du fait que :

    • Un grand nombre de ces occupations non identifiées sont liées à l'exploitation courante et n'indiquent pas nécessairement un possible défaut de la voie.

    L'alerte ne s'affiche pas dans les cas suivants :

    • Occupations de la voie qui apparaissent au hasard, c'est-à-dire qu'elles n'apparaissent pas immédiatement après le passage d'un train annoté.
    • Occupations de la voie aux points de changement d'équipe entre les subdivisions où les trains suivants ne sont habituellement pas encore annotés.
    • Comme on l'a énoncé précédemment pour :
      • les mouvements non annotés.
      • les occupations qui ne durent pas plus d'une minute.
      • les occupations sur des voies d'approche de triage ou des voies d'évitement autres que des voies de stockage.
      • sur les voies bloquées en vertu d'une autorisation ou d'un cantonnement manuel.
      • les occupations qui apparaissent au hasard et qui ne suivent pas un mouvement de train annoté.

    La présente mise à niveau peut faire l'objet d'autres changements suivant les renseignements reçus des CCF. Nous reconnaissons que les CCF sont occupés par d'autres fonctions importantes, et nous craignons que le fait d'alerter les CCF inutilement n'ait un effet négatif. Si vous trouvez que vous recevez un grand nombre d'alertes inutiles, n'hésitez pas à en parler au GACCF.

    Annexe B - Feuille de planification révisée du contrôle de la circulation ferroviaire

    (Remarque : La section réservée à la documentation relative aux occupations non identifiées de la voie se trouve au centre de la feuille de planification.)

    (Ce document n'existe pas en français.)
    Image
    Feuille de planification révisée du contrôle de la circulation ferroviaire

    Annexe C - Changements apportés aux Instructions générales d'exploitation du Chemin de fer Canadien Pacifique et au Manuel du CCF

    (Traduction)

    OBJET : Instructions supplémentaires ajoutées à la Section 1, page 10 des IGE

    POLITIQUE CONCERNANT LES OCCUPATIONS NON IDENTIFIÉES DE LA VOIE APRÈS LE PASSAGE D'UN TRAIN

    Les présentes instructions sont données par ordre de Transports Canada et visent à améliorer la compréhension et la communication entre les contrôleurs de la circulation ferroviaire (CCF) et les équipes des trains.

    POLITIQUE CONCERNANT LES OCCUPATIONS NON IDENTIFIÉES DE LA VOIE APRÈS LE PASSAGE D'UN TRAIN OU D'UNE LOCOMOTIVE

    1. Quand plus d'un voyant d'occupation non identifiée de la voie s'affiche à l'écran du CCF après le passage du même train ou de la même locomotive, le CCF doit immédiatement informer l'équipe qu'elle doit arrêter son train et l'inspecter.
    2. On doit immédiatement réduire la vitesse à 10 mi/h et procéder à une inspection au défilé dès que l'inspection peut se faire sans danger, c'est-à-dire en évitant de faire l'inspection dans des endroits risqués comme un pont.
    3. L'inspection doit comprendre une inspection au défilé d'un côté du matériel roulant, faite à une vitesse maximale de 10 mi/h, suivie d'une inspection à l'arrêt de l'autre côté. On doit inspecter les DEUX côtés de TOUS les wagons et de TOUTES les locomotives pour déterminer si leurs roues peuvent être défectueuses. Le train ou le groupe de traction doit être inspecté au complet, même si l'inspection révèle des défauts.

    Nota : Cette inspection doit être faite soit par un membre de l'équipe ou par un membre qualifié du personnel affecté aux opérations sur le terrain.

    1. Si l'inspection révèle que des roues sont ou pourraient être défectueuses, on doit dételer le matériel roulant sur place, si possible, OU, si la personne qui a fait l'inspection juge que le matériel peut rouler sans danger, le faire rouler à une vitesse maximale de 10 mi/h jusqu'à l'endroit où l'on pourra le dételer en toute sécurité.
    2. On doit consigner les résultats de l'inspection sur la déclaration des équipes, en indiquant la mention « inspection d'occupation non identifiée de la voie ».
    3. Si une autre occupation non identifiée de la voie s'affiche après le passage d'un train ou d'une locomotive qui a déjà fait l'objet d'une inspection à la suite d'une occupation non identifiée de la voie, on doit encore immobiliser immédiatement le train ou la locomotive jusqu'à ce qu'un inspecteur accrédité de wagons puisse procéder à une inspection complète.

    Nota : Toutes les autres dispositions relatives aux occupations non identifiées de la voie qui figurent à la page 5 du Manuel du CCF demeurent inchangées.

    Tenue à jour des dossiers intéressant les CCF responsables de secteurs voisins :

    En plus de se conformer aux instructions énoncées précédemment, les CCF doivent suivre les instructions exposées ci-dessous dès qu'ils remarquent qu'une occupation non identifiée de la voie s'affiche après le passage d'un train :

    1. Consigner l'identification du train, la subdivision et la position de l'occupation non identifiée de la voie sous la colonne d'identification du train, dans la partie centrale du haut de la feuille de planification.
    2. Les CCF sont tenus d'aviser de vive voix le CCF de la subdivision voisine si une occupation non identifiée de la voie paraît encore derrière un train (identification du train, subdivision et position). Cette information doit être consignée sur la feuille de planification.
    3. Les deux CCF doivent aussi consigner cette information dans le système d'édition de l'information sur les transferts (Transfer Information Editor) jusqu'à ce que le train ait quitté leur subdivision.

    Directeur adjoint, centre des opérations de Montréal

    Annexe D - Liste des documents pertinents

    L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

    LP 016/2004 - Wheel Failure, Articulated Platform Car, Mile 178.2, Belleville Subdivision, 14 January 2004 (Rupture d'une roue, wagon articulé à plates-formes, point milliaire 178,2, subdivision Belleville, le 14 janvier 2004)

    On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada

    Annexe E - Sigles et abréviations

    AAR
    Association of American Railroads
    ATC
    contrôle de la circulation aérienne
    BM
    bulletin de marche
    BST
    Bureau de la sécurité des transports du Canada
    CCC
    commande centralisée de la circulation
    CCF
    contrôleur de la circulation ferroviaire
    CFCP
    Chemin de fer Canadien Pacifique
    CGR
    centre de gestion du réseau
    cm
    centimètres
    CN
    Canadien National
    DBC
    détecteur de boîtes chaudes
    DDR
    détecteur de défauts de roues
    FRA
    Federal Railroad Administration
    GACCF
    gestionnaire adjoint du contrôle de la circulation ferroviaire
    h
    heure
    HNE
    heure normale de l'Est
    IGE
    Instructions générales d'exploitation
    km/h
    kilomètres à l'heure
    lb/po²
    livres au pouce carré
    LRS
    long rail soudé
    m
    mètres
    mi/h
    milles à l'heure
    min
    minutes
    mm
    millimètres
    NT
    notice technique
    ONIV
    occupation non identifiée de la voie
    POV
    permis d'occuper la voie
    REF
    Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada
    s
    secondes
    S & C
    Groupe de la signalisation et des communications
    SDV
    système de détection en voie
    SGS
    système de gestion de la sécurité
    Southern
    Abex Southern Corporation
    TP
    publication de transports
    UDF
    unité de détection et de freinage
    °C
    degrés Celsius
    °F
    degrés Fahrenheit