Matériel roulant à la dérive
du train M-359-51-07
exploité par le Canadien National
au point milliaire 57,7 de la subdivision Fraser
à Bend (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 8 juillet 2004 vers 14 h 30, heure avancée du Pacifique, l'équipe du train de marchandises M-359-51-07 roulant vers l'ouest du Canadien National a commandé un serrage des freins du train en prévision de la rencontre avec le train de marchandises M-354-51-07 roulant vers l'est du Canadien National à la hauteur d'une voie d'évitement située à Bend (Colombie-Britannique). Constatant que le serrage des freins ne faisait pas ralentir le train, l'équipe a commandé un freinage d'urgence. Comme le freinage d'urgence ne donnait pas plus de résultat, le mécanicien a communiqué avec l'équipe du train 354 pour l'informer que le train 359 était à la dérive et pour lui demander d'immobiliser le train 354. Le train 359 a parcouru environ deux milles après le serrage d'urgence, avant de s'arrêter à environ ¼ de mille à l'ouest de l'aiguillage ouest de la voie d'évitement. Il n'y a eu ni collision ni blessés.
This report is also available in English.
Renseignements de base
Le 8 juillet 2004 vers 8 h 10, heure avancée du PacifiqueNote de bas de page 1, le train de marchandises M-359-51-07 (le train) du Canadien National (CN) part de Jasper (Alberta) à destination de Prince George en Colombie-Britannique (voir la figure 1). Le train se compose de 2 locomotives, de 18 wagons chargés et de 18 wagons vides. Seize des wagons chargés contiennent des marchandises dangereuses : six wagons contiennent du carburant diesel (UN 1202), six wagons contiennent de l'essence (UN 1203), et quatre wagons contiennent du méthanol (UN 1230). Le train mesure 2330 pieds et pèse environ 3160 tonnes. L'équipe est constituée d'un mécanicien, d'un chef de train et d'un agent de train. Les trois membres de l'équipe se conforment aux exigences en matière de repos et de condition physique, répondent aux exigences de leurs postes respectifs et connaissent bien la subdivision.
En cours de route, l'équipe doit ramasserNote de bas de page 2 46 wagons à Red Pass (Colombie-Britannique), point milliaire 43,7 de la subdivision Albreda, et se faire relever à McBride (Colombie-Britannique), point milliaire 0,0 de la subdivision Fraser. En prévision de l'arrêt à Red Pass, le mécanicien commande un serrage à fond des freins du train et n'observe alors aucune irrégularité dans le fonctionnement du circuit de freinage à air comprimé. L'équipe exécute les manéuvres de triage afin d'ajouter au train une rame de 46 wagons (6 wagons chargés, dont 1 wagon chargé de traverses, et 40 wagons vides). Comme le wagon chargé de traverses doit être garé dans la voie d'évitement Omaha, il est placé immédiatement derrière le groupe de traction. La voie d'évitement Omaha se trouve à deux milles à l'ouest de Red Pass. L'équipe procède à un essai de freins no 3, après quoi le train part vers la voie d'évitement Omaha. Tandis que le train approche de la voie d'évitement Omaha, le mécanicien commande un freinage afin d'immobiliser le train. Aucune anomalie n'est signalée. On gare le wagon chargé de traverses, après quoi les locomotives s'attellent de nouveau au reste du train. Après un essai de freins visant à vérifier la continuité de la conduite générale, le train repart en direction de McBride.
Essai | Quand faire l'essai de freins? | Exécuté par |
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no 1 | Quand un train est formé dans un lieu désigné pour les vérifications de sécurité. | Inspecteurs accrédités de matériel remorqué |
no 1A | Quand un train est formé ailleurs que dans un lieu désigné pour les vérifications de sécurité. | Équipes des trains |
no 2 |
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Équipes des trains |
no 3 |
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Équipes des trains |
Après avoir parcouru environ 2,3 milles, le mécanicien serre les freins du train afin de réduire sa vitesse. Il constate que l'unité d'entrée et d'affichage (UEA)Note de bas de page 4 n'indique pas une réduction correspondante de la pression dans la conduite générale à la queue du train, et attribue cette situation au fait que le circuit de freinage n'est pas encore rechargé au maximum.
Pour se préparer à arrêter à McBride, le mécanicien utilise le frein rhéostatique afin de réduire la vitesse du train et serre les freins afin d'immobiliser le mouvement. Toutefois, le train s'arrête environ six longueurs de wagon (300 pieds) plus loin que l'endroit prévu.
L'équipe de relève se compose d'un mécanicien, d'un chef de train et d'un agent de train. Les membres de l'équipe se conforment aux exigences en matière de repos et de condition physique, répondent aux exigences de leurs postes respectifs et connaissent bien la subdivision. Pendant le changement d'équipe, il n'y a aucun échange d'information sur la possibilité d'un problème de fonctionnement du train.
L'équipe de relève monte à bord du train et le mécanicien desserre les freins, note une augmentation de la pression dans la conduite générale à la queue du train, comme l'indique l'affichage de l'UEA, puis part de McBride. Aux alentours du point milliaire 6 de la subdivision Fraser, le mécanicien commande un serrage des freins. Les freins ne réagissant pas aussi vite que prévu, il se sert du frein rhéostatique pour faire ralentir le train.
Près du point milliaire 11 de la subdivision Fraser, le chef de train prend les commandes du train. Il est qualifié comme chef de train-conducteur de locomotive (CTCL)Note de bas de page 5 et il a acquis une expérience de la conduite de trains. Le CTCL n'utilise que la manette des gaz pour moduler la vitesse du train jusqu'au moment où il se prépare à ralentir en prévision de la rencontre avec le train 354, à Bend.
À Bend, le train est censé quitter la voie principale à l'aiguillage est de la voie d'évitement. Le CTCL commande un serrage des freins pour préparer le train à entrer dans la voie d'évitement, mais il constate que le train ne ralentit pas. Alors, le chef de train et le mécanicien commandent tous deux un freinage d'urgence. Le mécanicien se sert du robinet de frein d'urgence du chef de train, situé du côté gauche de la cabine, tandis que le CTCL place la poignée du robinet de mécanicien à la position de freinage d'urgence. Toutefois, ils ne perçoivent aucune décélération.
Le mécanicien communique avec l'équipe du train de sens contraire, c'est-à-dire le train 354, pour l'informer que le train 359 est à la dérive, et il détermine que le train 354 se trouve à environ 12,5 milles. Le CTCL se sert du frein direct pour faire ralentir le train. Après que le train a ralenti suffisamment, l'agent de train descend du train et commence à serrer les freins à main des wagons à partir de la tête du train. Il s'aperçoit que les robinets d'arrêt de l'avant du premier wagon qui suit la locomotive sont presque à angle droit par rapport à la conduite générale, c'est-à-dire presque fermés. Il constate que les pistons des cylindres de frein des wagons ne sont pas à la position où ils devraient être pendant un freinage (c'est-à-dire à la position maximale de leur course), et qu'il n'entend pas le sifflement caractéristique dû au contact des semelles de frein contre les tables de roulement des roues. Le train s'immobilise à environ 20 longueurs de wagon (¼ de mille) à l'ouest de l'aiguillage ouest de la voie d'évitement. Il a dépassé d'environ 1 ¼ mille le point de rencontre désigné et a dépassé la zone de circulation autorisée que le contrôleur de circulation ferroviaire (CCF) avait établie au préalable.
Personne n'a essayé de commander un freinage d'urgence à partir de la queue du train en utilisant l'interrupteur d'urgence à bascule de l'UEA.
Après l'incident, des représentants du CN ont examiné le robinet d'arrêt et ont déterminé que, même s'il n'était ouvert que partiellement, il était tout à fait fonctionnel. Après avoir replacé le robinet d'arrêt à la position d'ouverture complète, ils ont procédé à un essai de freins no 1, lequel a révélé que les freins de tous les wagons fonctionnaient de la façon voulue.
Conditions météorologiques
Au moment de l'incident, il faisait 13 °C, le ciel était couvert et il pleuvait.
Inspection du train
Avant son départ, le train avait fait l'objet d'un essai de freins no 1Note de bas de page 6 au triage Walker d'Edmonton. L'essai n'a pas relevé de défauts. À Jasper, un essai de freins no 2 et une inspection au défilé n'ont révélé aucune anomalie. Les équipes montante et descendante n'ont échangé aucune information sur une possible défectuosité du train. En outre, tous les wagons qui ont été ajoutés au train à Red Pass avaient au préalable fait l'objet d'un essai de freins no 1.
Consignateur d'événements de locomotive
Voici les informations qui ont été recueillies par le consignateur :
- On a commandé un serrage des freins de l'ordre de 15 livres au pouce carré (lb/po²) pour arrêter le train à la voie d'évitement Omaha.
- Un freinage de l'ordre de 14 lb/po² a eu lieu pendant le parcours entre la voie d'évitement Omaha et McBride.
- On a commandé un serrage à fond des freins (25 lb/po²) pendant que le train roulait à 11 mi/h, pour immobiliser le train à McBride.
- Un serrage de l'ordre de 11 lb/po² a eu lieu pendant le trajet entre McBride et Bend.
- Le train roulait à 34 mi/h quand il est passé au-dessus de l'aiguillage est de la voie d'évitement, à Bend.
- Le train a parcouru environ deux milles après que l'opérateur a commandé un freinage d'urgence à partir de la locomotive de tête; le train roulait à 38 mi/h lorsqu'il a abordé l'aiguillage est de la voie d'évitement de Bend.
- On a serré le frein direct de locomotive à une pression atteignant 80 lb/po² pour faire ralentir le train et l'arrêter à Bend.
Bien que le consignateur d'événements de locomotive ait été conforme à la réglementation existante, il n'enregistrait pas les données en provenance de la queue du train ni le niveau de freinage rhéostatique. Certains consignateurs d'événements de locomotive fournissent ces informations.
Événements survenus à la voie d'évitement Omaha
À la voie d'évitement Omaha, on a immobilisé le train sur la voie principale de façon à ce que le wagon chargé de traverses se trouve à côté de l'endroit où il devait être garé. L'agent de train est descendu et a dételé les wagons placés derrière le wagon chargé de traverses, après qu'on l'a avisé que les freins étaient serrés. Pendant que les locomotives et le wagon chargé de traverses s'éloignaient, l'agent de train a ouvert partiellement le robinet d'arrêt de la partie du train qui était à l'arrêt, afin d'expulser l'air contenu dans la conduite générale. Pendant que l'air s'échappait, il a retiré le dérailleur sur la voie adjacente pour faciliter le garage du wagon.
Après que le wagon chargé de traverses a été garé, l'agent de train est revenu à la partie immobile du train et a réattelé les locomotives, après quoi il a raccordé les boyaux et ouvert le robinet d'arrêt de la locomotive. Il n'a pas rouvert le robinet d'arrêt de la partie immobilisée du train, et il n'a rien noté d'inhabituel quand il a ouvert le robinet d'arrêt des locomotives, ne mettant sous pression que les deux boyaux de frein situés entre la locomotive menée et le premier wagon.
Pendant qu'on réattelait les locomotives et que la pression se rétablissait dans la conduite générale, le mécanicien est sorti de la cabine de la locomotive et y est rentré une fois les locomotives réattelées. Comme il était à l'extérieur de la cabine pendant que la pression se rétablissait dans la conduite générale, il n'a pas pu observer les lectures de l'indicateur de débit d'airNote de bas de page 7 ou noter le temps nécessaire au rétablissement de la pression dans le circuit de freinage. Pendant qu'il était à l'extérieur, il n'a pas remarqué le bruit associé au fonctionnement des compresseurs des locomotives, qui se fait normalement entendre quand la pression du réservoir principal descend sous les 130 lb/po² (par exemple quand on desserre les freins du train et que la conduite générale est réalimentée). Après être rentré dans la cabine, le mécanicien a desserré les freins du train, il a noté que la pression en queue commençait à remonter, et il a quitté la voie d'évitement Omaha alors que le circuit de freinage était à l'intérieur des limites acceptables même s'il n'était pas complètement réalimenté, la pression en queue étant alors de 71 lb/po².
Utilisation du robinet d'arrêt pendant le garage de wagons
Le robinet d'arrêt (voir la figure 2) est un robinet qu'on trouve le long de la conduite générale, aux deux bouts d'un wagon ou d'une locomotive. La poignée du robinet est alignée avec la conduite générale quand le robinet est complètement ouvert, et elle est perpendiculaire à la conduite générale quand le robinet est complètement fermé. L'équipe du train peut ouvrir ou fermer le robinet pour laisser évacuer ou pour conserver l'air contenu dans la conduite générale quand on dételle des wagons ou des locomotives. Bien que cela ne soit pas une pratique approuvée, on sait que des employés de chemin de fer ont déjà laissé partiellement ouvert le robinet d'arrêt d'une rame de wagons immobiles afin de faciliter une mise à l'air libre lente de la conduite générale. Si l'on commande un serrage des freins alors que le robinet d'arrêt est ouvert partiellement, il se peut que la capacité de freinage du train soit réduite, ou même qu'il soit impossible de serrer les freins du train.
Les Instructions générales d'exploitation (IGE) du CN, datées du 1er juin 2003, exigent que, quand on gare des wagons, on laisse le robinet d'arrêt du matériel roulant en position d'ouverture complète et qu'on commande un serrage à fond ou un serrage d'urgence des freins. D'autres compagnies exigent que leurs employés commandent un serrage d'urgence avant de laisser des wagons sans surveillance.
Pour laisser des wagons immobiles avec les freins serrés à fond, le chef de train ferme les deux robinets d'arrêt après que le mécanicien a indiqué que les freins sont serrés à fond. On dételle les locomotives et on les éloigne à une distance sûre des wagons, de façon que les boyaux d'air se séparent. Le chef de train ouvre doucement le robinet d'arrêt de la partie immobile du train, de façon que l'air s'échappe lentement et ne cause pas un serrage d'urgence des freins. Dès que le chef de train a entendu que le débit d'air a atteint son maximum, il ouvre complètement le robinet d'arrêt. Il faut procéder de cette façon afin d'éviter que les freins du train se desserrent accidentellement et que le matériel roulant parte à la dérive.
Pour laisser des wagons immobiles avec les freins en position de freinage d'urgence, le mécanicien commande un serrage d'urgence après que les wagons se sont immobilisés à la suite d'un serrage gradué. Le chef de train ferme le robinet d'arrêt de la locomotive et le mécanicien dételle la locomotive et en desserre les freins. Puis, on éloigne la locomotive jusqu'à ce qu'elle soit à une distance sûre des wagons immobilisés. On peut aussi fermer le robinet d'arrêt de la locomotive après avoir commandé un serrage gradué des freins, après quoi on sépare la locomotive des wagons. Le fait de séparer la locomotive des wagons entraîne un débranchement des boyaux d'air, ce qui fait que l'air s'échappe rapidement de la conduite de la partie immobile du train, entraînant un serrage d'urgence des freins. La poignée du robinet d'arrêt de la partie immobile du train reste à la position d'ouverture.
Le fait de commander un serrage gradué des freins quand on dételle des wagons permet d'accélérer le processus puisque seul l'air contenu dans le réservoir auxiliaire s'échappe dans l'atmosphère, ce qui fait qu'il faut moins de temps pour réalimenter le circuit de freinage que si l'on avait commandé un serrage d'urgence. Toutefois, les chefs de train peuvent oublier de replacer le robinet d'arrêt à la position d'ouverture complète, ou peuvent intentionnellement laisser le robinet d'arrêt à la position de fermeture au moment de dételer les wagons (mise en bouteille de l'air). Les chemins de fer interdisent généralement cette pratique, étant donné qu'elle peut faire en sorte que des wagons partent à la dérive. Le CN, quant à lui, interdit spécifiquement qu'on y ait recours.
Le BST enquête actuellement sur un accident similaire (dossier R05H0011) au cours duquel on a procédé à la mise en bouteille de l'air d'une rame de wagons immobiles qui, après un desserrage intempestif des freins, a heurté un wagon-citerne contenant des produits dangereux et a percé sa citerne.
Quand on relie des locomotives à la partie immobile d'un train après qu'on a raccordé les boyaux à air, on ouvre lentement le robinet d'arrêt de la locomotive afin de rétablir l'alimentation en air. On perçoit une rétroaction audible et sensorielle marquée lorsqu'un grand volume d'air passe par le robinet. On doit s'y prendre à quelques reprises et procéder avec soin pour déplacer le robinet d'arrêt afin de l'ouvrir complètement et de faciliter la circulation de l'air. Toutefois, si le robinet d'arrêt de la partie immobile du train est fermé, ce qui est arrivé après le garage du matériel roulant sur la voie d'évitement Omaha, le débit d'air est très faible, de sorte que la perception auditive et sensorielle de la rétroaction est très différente.
Essais du circuit de freinage Wabtec
Des enquêteurs du BST ont visité le banc d'essai de freins de la Wabtec, à Wilmerding (Pennsylvanie) aux États-Unis. Sur ce banc d'essai pouvant recevoir 250 wagons, on a procédé à une série d'essais afin d'examiner la façon dont le circuit de freinage à air comprimé d'un train de 100 wagons réagissait à un cycle de serrage et de desserrage alors que le robinet d'arrêt du wagon de tête était dans une position qui limitait considérablement le débit d'air. Les résultats des essais ont montré qu'il était possible de régler la position de la poignée du robinet d'arrêt de façon à obtenir un débit qui permettait de desserrer les freins, mais pas de les serrer. On a obtenu ce résultat avec la poignée placée à 79 degrés. Bien que la poignée du robinet d'arrêt puisse se déplacer sur 90 degrés, le robinet était complètement fermé dès que l'angle de la poignée atteignait 80 degrés.
Il s'est avéré que cette position, 79 degrés, était un point critique de la course de la poignée du robinet d'arrêt. Le fait d'ouvrir ou de fermer légèrement le robinet à partir de cette position affectait considérablement le fonctionnement des freins à air sur le banc d'essai. Si l'on déplaçait davantage le robinet d'arrêt vers la position de fermeture, on interrompait complètement la circulation d'air dans le robinet d'arrêt, de sorte qu'il était impossible de rétablir la pression dans la conduite générale à la queue du train en vue d'un desserrage ou d'un serrage des freins dans le secteur de serrage. Si l'on déplaçait davantage le robinet vers la position d'ouverture, il était possible de rétablir la pression dans la conduite générale en queue en vue d'un desserrage ou d'un serrage des freins dans le secteur de serrage.
Les essais faits chez Wabtec ont aussi révélé que, lorsqu'on desserrait les freins alors que le robinet d'arrêt limitait considérablement le débit dans la conduite générale, la pression dans la conduite générale en queue de train augmentait d'environ 10 lb/po² au cours des 6 premières minutes, et augmentait ensuite de 5,5 lb/po² au cours des 53 minutes suivantes. L'accroissement initial rapide de la pression était dû à l'utilisation de la pression du réservoir d'urgence de chaque wagon, rendue possible par la fonction de purge rapide des répartiteurs de freinage modernes. L'augmentation plus graduelle était causée par l'écoulement partiel de l'air en provenance de la tête du train, qui s'infiltrait dans la conduite générale dont le débit était limité par un étranglement. On a fait remarquer que le taux réduit de réalimentation pourrait s'avérer insuffisant pour permettre un serrage consécutif à un desserrage des freins du train.
D'autres essais ont permis de montrer que, pour un train de 100 wagons dont le circuit de freinage a un taux minimal de fuite, il faut de 5 à 8 ½ minutes pour réalimenter la conduite après une réduction minimale de la pression dans la conduite générale (de 6 à 8 lb/po²), et de 10 à 14 minutes pour la réalimenter après un serrage à fond des freins (réduction de 25 lb/po² de la pression dans la conduite générale).
Exigences relatives aux essais de freins au moment de garer des wagons
Les IGE du CN traitent des essais de freins qui doivent être faits lorsqu'on gare des wagons. La section 7.15, datée de 2002, précise notamment que, lorsqu'on attelle de nouveau des locomotives à un train et qu'on n'a pas ajouté de wagons à ce train, « il suffit de rebrancher la conduite générale et de rétablir la continuité ». Les IGE définissent la continuité comme étant la possibilité de transmettre un signal entre la locomotive de commande et le dernier véhicule d'un train par l'intermédiaire de la conduite générale. Par conséquent, les mécaniciens desserrent les freins et attendent de voir une augmentation d'au moins 1 lb/po² à l'écran de l'UEA pour confirmer que la continuité est rétablie.
Exigences relatives aux essais de freins no 2 aux points de changement d'équipe
Au moment de l'incident, les IGE datées du 1er juin 2002 et une révision datée du 1er mars 2003 étaient en vigueur. Le tableau des freins à air des trains de marchandises et les notes connexes de la section 7 renferment des instructions à l'intention des mécaniciens sur le moment et la manière de procéder aux essais de freins. Ils indiquent notamment qu'on doit procéder à un essai de freins no 2 quand le mécanicien est remplacé. Pour procéder à un essai de freins no 2 aux points de changement d'équipe (quand la composition du train n'est pas modifiée), le mécanicien cédant doit d'abord s'assurer que le circuit de freinage à air est qualifiéNote de bas de page 8 avant d'immobiliser le train en commandant un serrage gradué des freins qui crée une dépression de 6 à 8 lb/po² dans la conduite générale en queue de train, réduction qui s'affiche à l'écran de l'UEA. Dans la révision des IGE, le CN a modifié les exigences, imposant un serrage à fond (25 lb/po²) des freins et le remplaçant par l'obligation d'obtenir une dépression minimale (de 6 à 8 lb/po²) au dernier wagon du train.
Avant de partir, le mécanicien sortant devrait desserrer les freins et observer une augmentation de 6 lb/po² de la pression dans la conduite générale en queue de train. On peut interpréter cette augmentation de la pression dans la conduite générale comme indiquant que les freins se sont desserrés en queue de train. Avant la révision de 2003, les mécaniciens vérifiaient seulement si la pression dans la conduite générale en queue de train avait augmenté de 1 lb/po² pour confirmer le desserrage des freins, avant le départ.
Dans le manuel du CN à l'intention des mécaniciens (Locomotive Engineer Operating Manual), en l'occurrence l'imprimé 8960 du CN), on précise que l'indicateur de débit d'air est utile pour détecter les obstructions qui bloquent la conduite générale, par exemple un robinet d'arrêt fermé partiellement; toutefois, cet appareil n'est pas utilisé normalement pour déterminer si le volume d'air est trop faible. Par exemple, les équipes se servent généralement de l'indicateur de débit d'air pour déterminer si le débit d'air est égal ou inférieur à la valeur d'étalonnage (60 pieds cubes par minute) quand elles procèdent à des essais de frein. Les informations sur les essais de frein n'indiquent pas aux employés des chemins de fer que l'indicateur de débit d'air peut être utile pour détecter une limitation du débit.
Le CN enseigne à ses mécaniciens d'observer leurs manomètres de pression de freinage, y compris l'affichage de l'UEA et de l'indicateur de débit d'air, et de se méfier des éventuelles irrégularités pendant le serrage et le desserrage du frein automatique, et notamment pendant les essais de freins.
Avis de sécurité ferroviaire
Le 29 novembre 2004, le BST a adressé à Transports Canada l'avis de sécurité ferroviaire 617-06/04, dans lequel il indiquait que le fait que la diminution du débit d'air dans la conduite générale soit passée inaperçue avait pu être le résultat de la modification dont la méthode d'essai de freins no 2 avait fait l'objet, en l'occurrence le fait qu'on ait modifié la consigne relative à la réduction de pression dans la conduite générale pour la faire passer de 25 lb/po² à une valeur de 6 à 8 lb/po². Voici un extrait de l'avis de sécurité :
[Traduction]
Comme une collision frontale aurait pu résulter de cet événement, Transports Canada pourrait être bien avisé d'établir dans quelle mesure les modifications locales aux méthodes d'essai de freins ont contribué au fait qu'on ait fait un essai de freins no 2 alors que le débit d'air était limité par un robinet d'arrêt fermé partiellement ou complètement.
En réponse à l'avis de sécurité, Transports Canada a fait savoir que, comme les modifications de la méthode d'essai de freins ne sont applicables que dans les cas où un essai de freins no 2 est nécessaire aux points de changement d'équipe, et non pas lorsque des wagons sont ajoutés au train, il croit que le régime actuel relatif aux essais de freins permet de détecter un robinet d'arrêt qui est suffisamment fermé pour empêcher le serrage des freins. Dans sa réponse, Transports Canada ajoutait que la procédure d'essai qui exigeait qu'un changement de pression de 6 à 8 lb/po² soit visible sur l'affichage du système de freinage en queue était adéquate pour établir la continuité de la conduite. Le CN, qui a aussi répondu à l'avis, a indiqué qu'il croyait qu'une réduction de 25 lb/po² de la pression dans la conduite générale n'était pas nécessaire pour établir qu'un serrage a effectivement eu lieu et que la conduite générale est opérationnelle.
Exigences actuelles de la Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis quant aux essais de freins n<sup>o</sup> 2
En vertu de la réglementation actuelle de la Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis, un mécanicien qui procède à un essai de freins no 2 doit commander un serrage des freins correspondant à une réduction de 20 lb/po²; de plus, quand il utilise le système de contrôle et de freinage en queue (TIBS), le mécanicien doit observer une réduction et une augmentation d'au moins 5 lb/po² de la pression dans la conduite générale pour pouvoir confirmer que les freins se sont serrés et se sont desserrés.
Système de contrôle et de freinage en queue (TIBS)
Le train était équipé d'un TIBS, qui se composait de trois éléments distincts : une unité logique de communications installée dans le capot court de la locomotive, une unité de détection et de freinage (UDF) montée dans l'attelage arrière du dernier wagon, et une unité d'entrée et d'affichage (UEA) placée dans la cabine de la locomotive. Un interrupteur à bascule était monté sur l'UEA, dont le mécanicien pouvait se servir pour commander un serrage d'urgence en queue (voir la photo 1). La section 7.3 (b) des IGE du CN exige que le conducteur commande un freinage d'urgence en queue chaque fois qu'un freinage d'urgence est ordonné.
Pour commander un serrage d'urgence des freins du train, le mécanicien se sert normalement du robinet de mécanicien. Le robinet et l'interrupteur du TIBS n'étant pas au même endroit, il faut exécuter deux opérations pour commander un freinage d'urgence simultanément à partir de la tête et de la queue du train. Il existe toutefois un système qui déclenche automatiquement un freinage synchronisé à partir de la locomotive et de la queue du train lorsqu'on procède à un serrage d'urgence et à un serrage gradué des freins. Certaines compagnies des États-Unis équipent déjà leurs trains de ces systèmesNote de bas de page 9. En date du 1er novembre 2001, l'Association of American Railroads (AAR) exige que toutes les locomotives neuves soient munies de systèmes automatisés de contrôle de queue de trainNote de bas de page 10 conformes au règlement no 49 CFR 232.405 de la FRA, portant sur les normes de conception et de rendement des systèmes de contrôle de queue de train à deux voies, intitulé Design and Performance Standards for Two-Way End-of-Train DevicesNote de bas de page 11. Le règlement de la FRA exige que toutes les locomotives commandées le 1er août 2001 ou après cette date, ou mises en service le 1er août 2003 ou après cette date, soient conçues de façon à déclencher automatiquement un freinage d'urgence simultanément à partir de la tête et de la queue du train, chaque fois que le mécanicien commande un freinage d'urgence.
Dans une enquête antérieure (rapport R01M006), le Bureau a analysé un accident au cours duquel le freinage d'urgence ne s'est pas fait à partir de l'arrière du train quand il le fallait. Le rapport énumère les mesures de sécurité qu'on a prises pour empêcher que les opérateurs omettent de commander un freinage d'urgence à partir de la queue du train. Notamment, le CN avait lancé un programme visant à équiper son parc de quelque 1600 locomotives de ligne d'un système de contrôle de queue qui déclenche automatiquement un freinage synchronisé à partir du groupe de traction et de la queue du train dès que l'on commande un freinage d'urgence ou un freinage gradué.
De plus, Transports Canada a révisé en septembre 2002 le Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer. L'article 10.2 du règlement exige dorénavant que les locomotives neuves soient conformes aux normes de l'AAR pour ce qui est de l'activation automatisée et simultanée de systèmes de contrôle de queue à deux voies, lorsque l'opérateur commande un freinage d'urgence.
En date d'avril 2006, le CN avait converti 250 locomotives destinées à servir au Canada pour les équiper des nouvelles UEA, et avait modifié 198 systèmes de contrôle de queue pour les adapter au nouveau modèle dans le cadre de son exploitation au Canada. Au moment où l'incident est survenu, la locomotive de tête du train 359 n'avait pas fait l'objet des modifications qui auraient permis le déclenchement automatique du freinage en queue.
Analyse
Des inspecteurs accrédités de matériel remorqué avaient procédé aux essais de freins requis pour tous les wagons du train 359, afin de s'assurer de leur intégrité mécanique. Tous les membres de l'équipe de conduite du train étaient reposés et se conformaient aux exigences en matière de condition physique et ils répondaient aux exigences de leurs postes respectifs.
Les freins du train ont été sollicités et ont bien fonctionné à plusieurs occasions entre Jasper et la voie d'évitement Omaha, là où le wagon chargé de traverses a été garé, soit une distance d'environ 44 milles. Toutefois, quand on a garé le wagon chargé de traverses sur la voie d'évitement Omaha, le robinet d'arrêt avant de la partie du train qui était restée immobile sur la voie principale a été placé à une position d'ouverture partielle plutôt qu'à la position d'ouverture complète, contrairement aux pratiques sûres. Au moment de réatteler les locomotives au train, on n'a pas replacé le robinet d'arrêt à la position d'ouverture complète avant de repartir. Par conséquent, les freins du train ne se sont pas serrés lorsque l'équipe a essayé de faire ralentir le train en prévision de la rencontre avec le train de sens contraire, à Bend.
L'analyse portera sur les raisons pour lesquelles il a été décidé, au moment d'immobiliser temporairement le train, de s'écarter d'un principe bien établi de sécurité ferroviaire et de privilégier un processus dont on savait qu'il avait causé par le passé des dérives du matériel roulant. L'analyse traitera aussi des circonstances qui ont fait que, pendant le parcours entre Red Pass et McBride, personne ne s'est aperçu que le débit de la conduite générale était très limité, des exigences liées à l'essai de freins no 2 qui a été fait à McBride et au cours duquel le mécanicien a été remplacé, et des événements qui sont survenus entre McBride et Bend. Il sera aussi question du dispositif de freinage d'urgence en queue du système TIBS et du fait que les consignes de sécurité actuelles n'exigent pas que les renseignements essentiels sur la pression dans la conduite générale en queue de train soient enregistrés en tout temps.
Garage du wagon chargé de traverses
Au moment du garage du wagon chargé de traverses, l'agent de train a décidé de ne pas ouvrir complètement le robinet d'arrêt après avoir séparé la tête du train des wagons immobiles. Il prévoyait de replacer la poignée du robinet d'arrêt à la position d'ouverture complète après que la conduite générale se serait complètement vidée de son air. Il est vraisemblable qu'il a décidé de modifier de la sorte les procédures normalisées de la compagnie afin de gagner du temps. Des personnes procèdent souvent à de telles adaptations quand elles croient qu'il y a peu de risques que cette façon de procéder entraîne des conséquences fâcheuses. Il était à proximité du train stationné et il se disait qu'il serait en mesure de réagir en cas de desserrage accidentel des freins. Toutefois, son évaluation des risques ne prenait pas en compte la possibilité qu'il oublie de replacer le robinet d'arrêt à la position d'ouverture complète avant de repartir. Il semble qu'il n'ait pas tenu compte des conséquences qui pourraient découler du fait de faire rouler un train dont la conduite générale était affectée par un étranglement important. Bien que la décision d'adapter des procédures normalisées soit prise au terme d'une réflexion qui semble tout à fait rationnelle, les adaptations peuvent avoir des résultats imprévus.
Pour se prémunir des risques de dérive de matériel roulant, d'autres compagnies de chemin de fer exigent que l'on commande toujours un serrage d'urgence des freins pour immobiliser la partie stationnaire d'un train. Le CN, toutefois, permet à ses employés de recourir soit à un serrage à fond des freins, soit à un serrage d'urgence, pour immobiliser la rame.
Quand on ne rétablit la pression dans la conduite générale que sur une courte longueur de la conduite générale (c'est-à-dire les deux boyaux à air entre la locomotive et le premier wagon), plutôt que sur toute la longueur du train, on remarque une différence marquée dans le volume d'air qui circule dans le robinet d'arrêt. Cette différence génère une rétroaction qui est perçue par la personne qui ouvre alors le robinet d'arrêt. Il s'agit d'une rétroaction sonore et d'une rétroaction sensorielle qu'on peut percevoir en tenant la poignée du robinet d'arrêt, car il suffit alors de tourner la poignée vers la zone « ouverte » pendant très peu de temps pour combler un volume aussi petit. Le fait qu'on n'ait n'a pas ressenti cette rétroaction demeure inexpliqué.
Position du robinet d'arrêt
Les essais réalisés aux installations de Wabtec ont démontré que, dans une gamme étroite de positions, le robinet d'arrêt peut être placé de façon que le débit d'air passant par le robinet soit limité au point que les freins du train ne puissent pas se serrer, mais que la pression dans la conduite générale en queue du train puisse se rétablir graduellement et que les freins du train se desserrent.
Quand le train a quitté la voie d'évitement Omaha, le mécanicien a observé une augmentation de la pression dans la conduite générale à la queue du train pendant qu'il s'occupait des essais de continuité; toutefois, il n'a pas pu serrer les freins par la suite. À McBride, par exemple, là où l'équipe descendante a dépassé le point d'arrêt prévu, il est vraisemblable qu'il a été impossible de commander le serrage des freins à partir de la tête du train. Il a fallu combiner l'action du frein rhéostatique et du frein direct pour immobiliser le train. Même si ces événements étaient des indices d'un mauvais fonctionnement du circuit de freinage, ils n'ont pas suscité la méfiance de l'équipe descendante ni celle de l'équipe montante.
À Bend, il a été impossible de serrer les freins à partir de la tête du train. Il est donc vraisemblable que, lorsqu'on a garé le wagon à la voie d'évitement Omaha, le robinet d'arrêt du premier wagon suivant la locomotive avait été placé à l'intérieur de la gamme étroite de positions qui a été identifiée aux installations de Wabtec. L'essai de continuité n'a pas permis de constater que le débit de la conduite générale était fortement limité. Par conséquent, le train est parti de la voie d'évitement Omaha alors que la continuité était rétablie et que les freins du train étaient inopérants. Il convient toutefois de noter qu'un écart de moins de un degré par rapport à cette position aurait fait en sorte soit qu'on ne puisse pas établir la continuité de la conduite (robinet plus fermé), soit que les freins fonctionnent avec une efficacité limitée (robinet plus ouvert). La pression dans la conduite générale en queue de train n'ayant pas été consignée, il a été impossible d'avoir une idée exacte des fluctuations de la pression dans la conduite générale pour l'ensemble du train.
Utilisation des jauges par le mécanicien
Pendant l'essai de freins no 2 qui a eu lieu au point de changement d'équipe, à McBride, le mécanicien sortant n'a pas observé sur l'UEA une augmentation de 6 lb/po² de la pression dans la conduite générale en queue, comme l'exigeaient les IGE du CN. En outre, on a relevé plusieurs autres occasions après l'arrêt à la voie d'évitement Omaha où des renseignements critiques n'ont pas été observés. Par exemple, on a relevé deux freinages pour lesquels l'indicateur de débit d'air a dû afficher un débit anormalement faible pendant que le circuit réalimentait la conduite générale.
Bien qu'il soit courant que les mécaniciens se fient à une combinaison de rétroactions sensorielles pour surveiller l'évolution du train et ne s'en remettent pas aux informations affichées par l'UEA et l'indicateur de débit d'air, les équipes en cause dans l'incident n'ont jamais douté de l'efficacité du circuit de freinage du train. Les équipes ont toujours considéré l'indicateur de débit d'air comme un appareil qui indique les moments où la demande d'air est excessive, c'est-à-dire pendant le remplissage du circuit de freinage du train ou par temps froid. Ils n'ont jamais vu l'indicateur de débit d'air comme un appareil qui pourrait les aider à détecter un étranglement de conduite générale; c'est-à-dire, lorsque la demande d'air est insuffisante.
Modifications de l'essai de freins no 2 aux points de changement d'équipe
Avec le temps, les perfectionnements technologiques ont modifié l'exploitation des compagnies de chemin de fer, et notamment la façon dont elles procèdent aux essais de freins. Antérieurement, l'essai de freins no 2 fait aux points de changement d'équipe était fait par le mécanicien sortant et par le chef de train entrant. De cette façon, on conservait une certaine continuité des observations du fait que le mécanicien sortant, qui allait devoir se servir des freins dans la subdivision suivante, devait commander le serrage et le desserrage des freins pendant l'essai.
Pour réaliser l'essai de freins no 2 régi par la version 2002 des IGE du CN, le mécanicien entrant devait commander un serrage à fond des freins (25 lb/po²); le mécanicien sortant devait desserrer les freins et partir une fois que la pression dans la conduite générale en queue avait commencé à se rétablir. Les essais réalisés sur le banc d'essai de la Wabtec, pour un train de 100 wagons dont la conduite générale avait des fuites minimales, a révélé qu'il faudrait de 10 à 14 minutes pour réalimenter complètement la conduite générale après le desserrage des freins.
En vertu du régime d'essai existant, le mécanicien sortant n'a qu'à desserrer les freins et à attendre d'avoir noté une augmentation de 6 lb/po² de la pression dans la conduite générale au dernier wagon du train. Les essais réalisés dans les installations de Wabtec ont révélé qu'il faudrait de 5 à 8 ½ minutes pour obtenir une lecture de 6 à 8 lb/po² dans la conduite, soit un gain de potentiel de 5 à 7 minutes au moment du changement d'équipe. Même s'il est reconnu que l'obligation d'observer une augmentation de 6 lb/po² sur l'UEA avant de partir rend la portion « desserrage » de l'essai de freins plus restrictive, le changement, passant d'une réduction de 25 lb/po² à une réduction de 6 lb/po², fait en sorte que la partie « serrage » est moins restrictive. Les modifications de la méthode d'essai de freins ont fait en sorte que les équipes des trains ont moins de tâches à accomplir et n'interagissent pas pendant l'exécution de l'essai de freins no 2. Globalement, il y a moins de possibilités d'observer des anomalies pendant l'essai, et il se peut que les équipes des trains accordent une moindre importance à l'essai; par exemple, l'augmentation de 6 lb/po² qu'on devait observer dans la pression dans la conduite générale en queue du train n'a pas été observée à McBride. Il s'ensuit que ces changements ont accru le risque qu'une situation dangereuse, comme l'étranglement considérable de la conduite générale du train 359, continue de passer inaperçue.
Les essais faits dans les installations de Wabtec ont révélé qu'un train dont la conduite générale subit un étranglement important et qui, par conséquent, fait passer un faible débit d'air, peut enregistrer une augmentation de 6 lb/po² sur l'UEA et satisfaire aux exigences d'un essai de freins no 2 fait à un point de changement d'équipe. Cela est en partie dû au fait que les robinets de freinage modernes utilisent l'air des réservoirs d'urgence pour réalimenter la conduite pendant le desserrage rapide. Cela démontre que le train 359 aurait pu satisfaire aux exigences de l'essai de freins no 2 modifié, malgré l'étranglement important de sa conduite générale.
Procédures de freinage d'urgence
Quand le chef de train et le mécanicien ont constaté que le train ne réagissait pas aux serrages gradués des freins, ils ont essayé tous deux de commander un freinage d'urgence à partir des locomotives. Toutefois, quand ils ont vu que le train ne ralentissait pas, ni l'un ni l'autre des membres de l'équipe n'a essayé de commander un freinage d'urgence à partir de la queue du train en se servant de l'interrupteur à bascule du TIBS. Si l'interrupteur à bascule avait été actionné, il est vraisemblable qu'un serrage d'urgence se serait déclenché à partir de la queue du train et que le train se serait arrêté avant d'atteindre le point de rencontre.
Toutefois, comme les deux commandes ne sont pas au même endroit, il faut exécuter deux opérations pour commander un freinage d'urgence simultanément à partir de la tête et de la queue du train. Pendant un serrage d'urgence, la personne qui conduit le train doit réagir rapidement et exécuter sous pression une suite d'opérations. Pour que les éléments mécaniques de la procédure d'urgence interviennent de façon fiable, il est essentiel que la suite d'opérations d'urgence fasse l'objet d'un surapprentissageNote de bas de page 12, c'est-à-dire qu'à force de répétitions, elle soit devenue un automatisme qui fait en sorte que l'attention de l'opérateur est moins sollicitée et que l'intervention d'urgence est moins perturbée par le stress et par l'exécution d'autres tâches. Si la procédure de freinage d'urgence n'est pas « surapprise », il se peut qu'elle ne soit pas exécutée correctement lorsque survient une situation d'urgence et que le freinage d'urgence soit inadéquat.
La formation initiale des mécaniciens leur donne des instructions exhaustives sur le freinage d'urgence; toutefois, cette formation, aussi complète soit-elle, ne tient pas compte du fait qu'on doit « surapprendre » les habiletés qui sont sollicitées peu fréquemment, faute de quoi elles seront moins efficaces. Bien que les mécaniciens bénéficient de cours de formation continue pendant lesquels il est question des exigences liées à la procédure de freinage d'urgence, la formation n'insiste pas sur la nécessité de « surapprendre » ces fonctions critiques rarement sollicitées, pour s'assurer qu'elles seront efficaces le moment venu.
Bien que le CN ait équipé 250 locomotives d'un système de freinage en queue qui synchronise le serrage des freins à partir de la tête et de la queue du train, le freinage en queue doit encore être commandé manuellement sur la majorité des locomotives du CN (situation en date du 20 avril 2006). Le CN estime que 500 locomotives de ligne auront été équipées de la sorte à la fin de 2006. Tant que toutes les locomotives ne seront pas munies d'un système synchronisé de freinage en queue, ou que le personnel n'aura pas « surappris » les procédures d'urgence, il y aura un risque que des mécaniciens ne commandent pas le freinage en queue du train quand ce freinage s'avérera nécessaire.
Consignateur d'événements de locomotive
Le consignateur d'événements de locomotive enregistrait la pression dans la conduite générale à la tête du train (c'est-à-dire dans les locomotives), mais il n'enregistrait pas la pression dans la conduite générale en queue. Si les enquêteurs avaient disposé de cette information critique (pression dans la conduite générale en queue de train), ils auraient pu se faire une idée plus complète des événements qui ont entouré l'incident.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Quand on a garé le wagon chargé de traverses dans la voie d'évitement Omaha, le robinet d'arrêt avant de la partie du train qui était immobilisée sur la voie principale a été placé à une position d'ouverture partielle, mais il n'a pas été replacé à la position d'ouverture complète lorsqu'on a attelé de nouveau le groupe de traction au train.
- Le robinet d'arrêt partiellement ouvert a empêché le serrage des freins du train lorsque l'équipe a essayé de ralentir en prévision d'une rencontre avec un train de sens contraire à Bend.
- Ni l'exécution de l'essai de continuité ni celle de l'essai de freins no 2 modifié n'ont amené les équipes à se rendre compte que la conduite générale était affectée par un étranglement considérable et que, par conséquent, les freins du train était inopérants.
- Les équipes n'ont pas consulté l'information fournie par l'unité d'entrée et d'affichage (UEA) et par l'indicateur de débit d'air et, par conséquent, n'ont jamais mis en doute l'efficacité du circuit de freinage du train.
- Les modifications apportées à l'essai de freins no 2 aux points de changement d'équipe ont fait en sorte qu'il y ait moins de possibilités d'observer l'étranglement considérable qui affectait la circulation de l'air dans la conduite générale du train 359, lequel est parti à la dérive ultérieurement.
- Les essais ont démontré que le train 359, même si sa conduite générale était affectée par un étranglement important, aurait pu satisfaire aux exigences relatives à une augmentation de 6 à 8 livres au pouce carré (lb/po²) de la pression dans la conduite générale à la queue du train, du fait que le système utilise l'air des réservoirs d'urgence pour desserrer les freins et réalimenter la conduite une fois que le signal de desserrage a été transmis.
Fait établi quant aux risques
- Tant que toutes les locomotives ne seront pas munies d'un système synchronisé de freinage en queue, ou tant que la nécessité d'activer simultanément le freinage d'urgence à partir de la tête et de la queue du train ne sera pas « surapprise » au point de devenir un comportement normal, il y aura un risque que le freinage en queue ne soit pas commandé chaque fois que cela s'avérera nécessaire.
Autre fait établi
- Si les enquêteurs avaient disposé de l'information critique relative à la pression dans la conduite générale en queue de train, ils auraient pu se faire une idée plus complète des événements qui ont entouré l'incident.