Déraillement et collision
Canadien National
Train de marchandises no A443-51-06
et
Manoeuvre no 0700 LCS (Beltpack)
Point milliaire 0,30 de l'embranchement industriel GTP
Jonction au point milliaire 125,69 de la
Subdivision Three Hills
Triage Sarcee
Calgary (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 13 juillet 2005 vers 10 h 45, heure avancée des Rocheuses, deux wagons du train de marchandises no A443-51-06 du Canadien National ont déraillé pendant un mouvement de pousse en direction est. Le déraillement a causé la destruction du chevalet d'un aiguillage de liaison et l'ouverture des pointes d'aiguille, de sorte qu'un wagon-citerne chargé qui venait derrière est entré dans la liaison croisée et a obstrué la voie d'accès ouest du triage. À cet endroit, les deux locomotives d'une manoeuvre de triage qui roulait vers l'ouest ont heurté le wagon-citerne. Suite à la collision, la citerne du wagon-citerne a été percée et a laissé échapper sur le sol quelque 106 800 litres de carburant d'aviation. Sans tarder, les employés du chemin de fer ont arrêté les moteurs de toutes les locomotives qui avaient été impliquées dans le déraillement ou qui se trouvaient à proximité. La police et le service des incendies de Calgary ont établi un périmètre de sécurité et ont assuré la protection contre les risques d'incendie. Personne n'a été blessé. Par mesure de précaution, on a fait évacuer quatre commerces voisins des lieux de l'accident. Les locomotives, les wagons et la voie ferrée ont subi des dommages considérables.
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Renseignements de base
L'accident
Le 13 juillet 2005 à 10 h 45, heure avancée des RocheusesNote de bas de page 1, le train de marchandises no A443-51-06 (le train 443) du Canadien National (CN) fait une manoeuvre en marche arrière pendant laquelle 2 locomotives poussent 141 wagons vers l'est dans le triage Sarcee du CN, situé à Calgary. Pendant le mouvement de pousse, à une vitesse d'environ 5 mi/h, les roues avant du bogie arrière du 11e wagon (wagon-tombereau vide no ICG 246601) chevauchent le contre-rail et le coeur de l'aiguillage situé au point milliaire 0,30 de l'embranchement industriel GTP. Le bogie arrière du wagon déraille du côté nord de la voie, à l'entrée d'une longue courbe vers la droite. Le train continue son mouvement de pousse vers l'est jusqu'à ce que les roues du wagon déraillé entrent en contact avec une lame d'aiguille d'une voie de garage, causant le déraillement du bogie avant du 10e wagon (wagon plat vide à longrine centrale no TTZX 844201) sur le coeur de branchement.
Poursuivant en direction est, les deux wagons déraillés détruisent le chevalet de manoeuvre de l'aiguillage de la liaison « A », faisant s'ouvrir les pointes d'aiguille et orientant les 10e et 9e wagons vers la liaison. Les roues arrière du 10e wagon et les roues avant du 9e wagon (wagon-citerne chargé non pressurisé no PROX9 41530) s'engagent alors dans l'aiguillage de liaison et obstruent la voie d'accès du triage, où les wagons entrent en collision avec deux locomotives télécommandées (LCS)Note de bas de page 2 (système de télécommande de locomotives) d'une manoeuvre qui roule en direction ouest. Conséquence de la collision, la tête de la citerne du wagon-citerne no PROX9 41530 est percée et laisse échapper environ 106 800 litres de carburant d'aviation. Le réservoir de carburant de la locomotive de triage de tête ayant été percé, il laisse fuir sur le sol une petite quantité de carburant diesel. La collision a fait dérailler et a lourdement endommagé les deux locomotives télécommandées, le wagon-citerne et le wagon plat. Elle a aussi causé la destruction des aiguillages de liaison, de la voie et d'un tronçon d'environ 300 pieds de la voie d'accès au triage. Le wagon-tombereau vide n'a subi que des dommages légers.
Conditions météorologiques
Le temps était dégagé, la visibilité était bonne et des vents légers soufflaient du sud vers le nord-ouest. La température était de 21 °C.
Méthode de contrôle de la circulation ferroviaire
Dans le triage Sarcee, la circulation est régie par la règle 105 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF).
Renseignements relatifs aux lieux de l'accident
Le triage Sarcee du CN est une zone industrielle située au sud-est de Calgary (voir la figure 1). Le triage est orienté dans l'axe est-ouest et il est délimité par Barlow Trail à l'ouest et par la 52e Rue SE à l'est. Ces deux voies de circulation sont très fréquentées et voient surtout passer des camions-remorques (voir la figure 2). Au nord, la 50e Avenue SE est parallèle au triage. Des manoeuvres desservent les zones industrielles entourant le triage et circulent à la grandeur de Calgary. Le triage Sarcee répond aux besoins du trafic qui relie Calgary à Edmonton (Alberta) et Calgary à Saskatoon (Saskatchewan). L'échange de matériel roulant entre les réseaux du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) et du CN se fait au triage Alyth du CFCP. Des propriétés commerciales et industrielles sont adjacentes au triage qui est bordé au nord par des immeubles résidentiels.
Le triage se compose de neuf voies, qui sont situées au sud de la voie principale de la subdivision Drumheller et parallèles à celle-ci et qui servent au triage des wagons et à la formation des trains. Les voies N001 et N002 sont situées au nord de la voie principale et sont parallèles à celle-ci. On a ajouté ces voies au triage Sarcee afin de faciliter la formation de trains plus longs. À l'extrémité ouest du triage, un triangle de virage du côté est relie le point milliaire 125,93 de la subdivision Three Hills au point milliaire 131,88 de la subdivision Drumheller. Au nord, un triangle de virage fait la jonction entre la subdivision Three Hills et l'embranchement industriel GTP. Entre les deux pattes du triangle, l'embranchement industriel Calgary va du point milliaire 131,88 de la subdivision Drumheller jusqu'à l'aiguillage du point milliaire 0,30 de l'embranchement industriel GTP. À mi-chemin entre ces deux aiguillages, dans la courbe, on trouve un aiguillage menant à une voie de garage qui fait face à l'ouest. La plupart des voies du triage sont en palier et en alignement droit. À l'extrémité ouest du triage, l'embranchement industriel Calgary et les voies de réception se dirigent vers le sud pour rejoindre l'embranchement industriel GTP. En direction ouest, ces voies descendent une pente d'environ 0,6 p. 100 jusqu'au passage à niveau public de Barlow Trail.
Train 443
Le train 443 comptait 2 locomotives, 99 wagons chargés, 41 wagons vides et 1 wagon de résidus; il pesait 7 684 tonnes et mesurait 8 931 pieds. Le train 443 circule chaque jour entre Calgary et Edmonton.
Équipe du train 443
L'équipe du train 443 était composée d'un mécanicien et d'un chef de train. Les membres de l'équipe étaient tous deux qualifiés pour occuper leurs postes respectifs et ils se conformaient aux exigences en matière de repos et de condition physique.
Équipe de triage-Manoeuvre 0700 LCS
L'équipe de la manoeuvre 0700 LCS était constituée d'un contremaître de triage et d'un aide de triage. Les membres de l'équipe étaient qualifiés pour occuper leurs postes respectifs et se conformaient aux exigences en matière de repos et de condition physique.
Train 443 - Manoeuvres qui ont précédé le départ du triage Sarcee
On a limité la longueur du train à 9 100 pieds, soit la distance entre les circuits de voie qui activent les signaux des passages à niveau de Barlow Trail et de la 52e Rue SE. Habituellement, le train 443 partait du triage Sarcee entre 11 h et 13 h, période de pointe pour la circulation routière. À ce moment, le train 443 peut occuper les passages à niveau de Barlow Trail ou de la 52e Rue SE ou de la 50e Avenue SE pendant la formation du convoi.
La règle 103(c) du REF définit les paramètres d'une occupation acceptable des passages à niveau par le matériel ferroviaire. Alors que la règle limite la durée pendant laquelle un train peut rester à l'arrêt sur un passage à niveau, elle n'impose aucune limite quant au temps pendant lequel des manoeuvres de triage ou des trains circulant à faible vitesse peuvent gêner ou bloquer le passage des véhicules.
Le jour de l'événement, il y avait suffisamment de matériel roulant pour former le train de façon qu'il atteigne presque sa longueur maximale de 9 100 pieds. Pour faciliter la manoeuvre du train 443 dans le triage Walker d'Edmonton, les gens du triage Sarcee du CN ont dû placer les wagons vides en tête du train 443 et le matériel intermodal chargé en queue de train.
Au cours de la nuit, on a formé le train 443 sur les voies N001 et N002 situées au nord de la voie principale de la subdivision Drumheller (S000). Le matériel intermodal, consistant en des wagons plats à plates-formes multiples chargés de conteneurs et de remorques, a été placé sur la voie N002. Le reste du train, comptant surtout des wagons vides, a été placé sur la voie N001. Aux premières heures du jour, le 13 juillet 2005, un wagonnier a vérifié l'état mécanique des wagons et a utilisé l'air du triage pour faire un essai préalable des freins à air et s'assurer que le circuit de freinage à air du train était sous pression.
L'équipe du train a pris son service à 8 h 30 le 13 juillet 2005. Le mécanicien a pris les commandes des deux locomotives (nos CN 2670 et WC 6939) et le chef de train s'est posté à l'aiguillage ouest de la voie N001 en attendant d'atteler les wagons de la voie N001, qui roulaient vers l'est, aux wagons de la voie N002. Le chef de triage était à l'extrémité est de la voie N001 et attendait d'orienter l'aiguillage de la voie N001 pour permettre que le mouvement roule en direction est dans la subdivision Drumheller et s'engage sur le passage à niveau de la 52e Rue SE.
Après que les locomotives eurent été attelées aux wagons de la voie N001, le mécanicien et le wagonnier ont fait un essai des freins à air pour s'assurer de la continuité de la conduite générale et faire un essai de freinage d'urgence à partir de la queue du train. Quand on a eu établi la continuité de la conduite, les locomotives et la première portion du train sont parties en direction ouest pour sortir de la voie N001.
Quand la rame roulant en direction ouest, qui était formée des locomotives et des wagons de la voie N001, s'est immobilisée à l'écart de l'aiguillage de la voie N002, les locomotives se trouvaient à l'ouest du passage à niveau public de Barlow Trail. Comme le train bloquait le passage à niveau, des files de voitures n'ont pas tardé à se former de part et d'autre du croisement. Le chef de train a alors dit au mécanicien de faire marche arrière et de faire rouler la rame vers l'est pour aller atteler les wagons de la voie N001 à ceux qui se trouvaient sur la voie N002. D'après les données du consignateur d'événements, le mouvement en direction est a débuté à 1041:57 et il s'est arrêté à 1043:19 au moment où l'attelage s'est fait, après quoi on a raccordé les circuits de freinage à air du matériel roulant.
On a serré le frein direct de la locomotive afin de retenir le train dans la rampe où il était engagé. À 1044:18, on a placé le levier sélecteur en position de marche arrière, réduit la pression du frein direct et mis les gaz afin d'éliminer le jeu des attelages. Le frein direct a été desserré à 1044:25 et, à 1044:28, le consignateur indiquait une vitesse de 1 mi/h. On a augmenté les gaz, jusqu'à la position no 4 à 1044:47; la vitesse enregistrée était de 3 mi/h à 1044:49. Quand la vitesse est tombée à 1 mi/h à 1044:51, on a rapidement placé la commande des gaz à la position 7 pour la ramener à la position 5 à 1044:52. Entre 1044:52 et 1045:31, alors que la vitesse avait atteint 5 mi/h, on a manipulé la commande des gaz entre les positions 6, 5, 3 et 4. Entre 1045:45 et 1046:18, la commande des gaz a été manipulée entre les positions 3, 2 et 1. La vitesse n'était plus que de 4 mi/h à 1046:31, et de 3 mi/h à 1047:03. À ce moment, un freinage d'urgence en provenance de la conduite générale s'est déclenché. Le mouvement s'est immobilisé à 1047:06.
Manoeuvre 0700 LCS (Beltpack)
La manoeuvre 0700 procédait à la formation du train 115 sur la voie S001, au sud de la voie principale. L'équipe de triage se composait d'un contremaître de triage et d'un aide de triage qui se trouvaient à l'aiguillage de la voie S001 ou près de celui-ci. À bord, il y avait aussi un mécanicien de moteurs diesels qui cherchait la cause d'une perte de puissance qui avait été signalée sur la locomotive no CN 7078. Deux locomotives, nos CN 7078 et CN 1405, étaient attelées à 29 wagons et tiraient le mouvement en direction ouest à une vitesse d'environ 8 mi/h, sur la voie d'accès au triage. L'aide de triage commandait les déplacements du mouvement LCS à l'aide de la loco-commande BeltpackNote de bas de page 3. La rame ralentissait pour réduire sa vitesse à environ 4 mi/h, étant donné qu'il ne restait plus que quatre wagons à faire passer par l'aiguillage de la voie S001. On a alors vu les locomotives faire un écart brusque, après quoi on a vu un nuage de fumée s'élever dans les airs. L'aide de triage a immobilisé la manoeuvre à l'aide de la loco-commande Beltpack.
Dommages subis par les locomotives
Les deux locomotives de triage télécommandées ont déraillé et ont été endommagées par suite de l'impact avec le wagon plat et le wagon-citerne. La locomotive no CN 7078 a déraillé et a subi des dommages qui ont touché les marches du marchepied avant droit, le longeron latéral droit et le chasse-pierres. Les cylindres de frein à air des bogies avant et arrière ont subi des dommages, et le réservoir de carburant a été bosselé et perforé à son angle supérieur. Une petite quantité de carburant diesel s'est répandue sur le sol. Dans le cas de la locomotive no CN 1405, son bogie avant a déraillé, son marchepied et son chasse-pierres ont été endommagés du côté droit, et son réservoir de carburant a été bosselé.
Dommages subis par le matériel roulant
Le wagon plat à parois de bout no TTZX 84420 a déraillé, subissant des dommages au côté droit du bogie et de la paroi du bout A.
Le bout B du wagon-citerne no PROX 41530, un wagon-citerne non pressurisé de modèle 111A100W1 construit en 1989, a quitté la voie. Au bout B du wagon, l'angle gauche de la tête de citerne a été percé à la position 8 heures, et la traverse pivot a été tordue et arrachée de la plaque de l'enveloppe de citerne. La perforation mesurait 15 pouces de long sur 15 pouces de haut.
Autres dommages
Le déraillement a causé la destruction des aiguillages de liaison, des voies de raccordement et d'un tronçon d'environ 300 pieds de la voie d'accès du triage.
Marchandises dangereuses
Le carburant d'aviation, classe 3, no ONU 1863, est un liquide extrêmement inflammable dont les vapeurs peuvent former des mélanges explosifs avec l'air. La plupart des vapeurs sont plus lourdes que l'air et se propagent au ras du sol pour s'accumuler dans les dépressions ou les endroits clos.
Le carburant diesel, classe 3, no ONU 1993, est un liquide inflammable qui peut former des mélanges explosifs avec l'air. Les risques potentiels du carburant diesel sont comparables à ceux du carburant d'aviation.
Particularités de la voie
Le branchement situé au point milliaire 0,30 de l'embranchement industriel GTP était équipé d'un aiguillage no 10 de 100 livres, muni d'appareils de manoeuvre semi-automatiques de modèle Racor 17D. Le branchement était en bon état.
Les pointes du branchement de la voie de garage étaient cramponnées de façon à laisser passer les mouvements dans la courbe de la voie. La voie de garage avait été détruite lors d'un déraillement qui remontait au 6 novembre 2004.
Les branchements de la liaison « A » étaient constitués d'aiguillages no 10 de 100 livres munis d'appareils de manoeuvre semi-automatiques de type Racor 17D. Les aiguillages étaient en bon état avant l'accident.
Les rails étaient des rails éclissés de 100 livres (à quatre trous), qui avaient été fabriqués par la Dominion Steel en 1957. Aux abords de l'aiguillage et dans la courbe, les rails étaient retenus par quatre crampons passés à travers chaque selle de rail, et par un crampon auxiliaire. Les rails étaient encadrés par des anticheminants à chaque traverse sur les abords de la courbe, et à toutes les trois traverses dans la courbe. Dans les tronçons en alignement droit, les rails étaient retenus par deux crampons passés dans chaque selle de rail et fichés dans des traverses en bois mou. Les traverses étaient dans un état acceptable. Le ballast tout-venant était pollué par de la terre. Au-delà du point milliaire 0,30 de l'embranchement industriel GTP, le dévers de la courbe de 18 degrés était nul.
Pour un train qui roulait vers l'est en provenance de Barlow Trail, la voie gravissait une rampe de 0,6 p. 100 aux abords de l'aiguillage.
La voie du triage Sarcee était inspectée et entretenue par un superviseur et une équipe d'entretien de la voie qui étaient affectés au triage.
Intervention d'urgence
Après avoir constaté que du liquide se répandait sous les locomotives télécommandées, on a rapidement arrêté toutes les locomotives de la manoeuvre LCS et celles du train 443, et fermé la voie d'atelier voisine. À son arrivée sur les lieux du déraillement, le chef de train du train 443 a informé toutes les personnes présentes que le liquide qui s'échappait du wagon-citerne était du carburant d'aviation.
Comme le carburant se répandait, six employés du CN ont évacué le bureau de triage et on a demandé à un conducteur de camion de quitter les lieux. Tous les employés se sont éloignés en direction sud, face au vent. On a fait un appel au service 911 et demandé au CN de dépêcher des secours d'urgence. Constatant que le carburant s'écoulait vers un point de décharge des eaux pluviales, on a essayé de boucher cet égout au moyen d'une veste à bandes réfléchissantes. On a utilisé une couverture pour recouvrir un autre égout pluvial afin d'empêcher que le liquide s'y écoule. Les personnes qui restaient sur place se sont ensuite dirigées vers le sud, en direction du bureau de triage, et ont ensuite quitté le triage.
Comme le train 443 bloquait les deux voies de circulation en direction sud du passage à niveau de la 52e Rue SE, à l'extrémité est du triage, on a demandé à la police de diriger la circulation pour faire en sorte que les véhicules circulant vers le sud roulent en sens contraire sur une des deux voies réservées normalement à la circulation vers le nord. Pour libérer le passage à niveau, une chargeuse frontale a séparé cinq wagons du reste de la rame et les a poussés vers l'est. Cette opération était en cours lorsque le service des incendies est arrivé sur les lieux, à 11 h 23, au côté nord des voies, sur la 50e Avenue SE, et s'est dirigé vers l'endroit où le déversement s'était produit.
Les intervenants ont décidé de ne pas procéder à une évacuation d'urgence étant donné qu'il n'y avait ni accumulation de carburant ni formation de nuages de vapeurs. Par mesure de précaution, on a fait évacuer quatre commerces voisins. Pendant toute la journée, le service des incendies a vérifié la concentration de vapeurs à l'aide de capteurs d'air. Des traces de carburant d'aviation ayant été relevées dans un bassin de retenue des égouts pluviaux et dans le canal d'irrigation, on a utilisé des estacades pour limiter la propagation du déversement et on s'est servi de camions-citernes sous vide pour récupérer le produit. Le sol qui avait été contaminé dans le triage a été excavé et a été transporté vers un lieu d'enfouissement. Personne n'a été blessé du fait du déversement.
Accidents précédents mettant en cause le lotissement
Le 6 novembre 2004, pendant que le train 443 poussait des wagons vers l'est, deux wagons plats vides à parois de bout se sont mis en portefeuille et ont déraillé à la hauteur de l'aiguillage du point milliaire 0,30 de l'embranchement industriel GTP. Les deux wagons déraillés ont été poussés vers l'est jusqu'à ce qu'ils endommagent l'aiguillage de la voie de garage et détruisent le voie. À l'époque, le CN a décidé de ne pas démonter l'aiguillage de la voie de garage et la voie, même s'ils étaient excédentaires. L'accident du 6 novembre 2004 n'a pas été signalé au BST (voir l'annexe A).
Les conséquences du lotissement (placement des wagons en fonction de leur destination) ont été un des facteurs contributifs d'un certain nombre de déraillements qui sont survenus dans le réseau du CN ces dernières années (rapports nos R02C0050, R01M0061 et R01T0006 du BST). Le Bureau a déterminé que cette question était préoccupante du point de vue de la sécurité et il en a fait l'objet d'un récent avis de sécurité ferroviaire qu'il a fait parvenir à Transports Canada (Avis de sécurité ferroviaire no 02/06). Bien que de nombreux trains longs soient exploités avec succès dans le réseau du CN, les manoeuvres de triage en marche arrière qui font passer des trains longs dans des courbes et sur des passages à niveau publics représentent des risques pour les personnes, les propriétés et l'environnement, et à plus forte raison lorsque les trains en question comptent des tranches de wagons vides placées devant des tranches de wagons lourds.
Quand on forme un train dont la longueur atteint 9 100 pieds, le chef de triage doit être à l'extérieur du bureau de triage et se poster de façon à assurer la protection de la queue du train à la hauteur du passage à niveau de la 52e Rue SE. Si un accident se produit, le chef de triage n'est alors pas en mesure d'intervenir puisqu'il se trouve à l'extrémité est de la cour de triage.
Analyse
On considère que ni l'état de la voie ou du matériel roulant ni la conduite du train n'ont été des facteurs contributifs de cet accident. L'analyse portera donc surtout sur la longueur du train et sur les pratiques de formation des trains qui sont en vigueur au triage Sarcee. Il sera aussi question du signalement des accidents au BST et de l'intervention d'urgence.
Jusqu'à il y a deux ans, le CN limitait à 7 000 pieds la longueur du train 443, de façon que le train puisse manoeuvrer dans l'espace situé entre le passage à niveau de la 52e Rue SE et la branche est du triangle de virage (passage à niveau de la 50e Avenue SE), au point milliaire 131,88 de la subdivision Drumheller. Avec l'accroissement de ses activités, le CN a augmenté la longueur du train 443 jusqu'au maximum de 9 100 pieds, soit la distance qui sépare les circuits des aiguillages de Barlow Trail et de la 52e Rue SE. Le recours à des trains plus longs est conforme aux principes qui régissent l'exploitation de l'ensemble du réseau du CN. Le train 443 mesurait 8 931 pieds et, lors de sa formation, on avait placé les wagons vides en tête du train et des wagons chargés à la queue. Du fait que le train 443 avait cette configuration, il fallait que les locomotives poussent des wagons vides pour leur faire gravir une rampe et les faire rouler dans une courbe alors qu'ils poussaient eux-mêmes des wagons chargés.
Le CN a reconnu que les trains ayant cette configuration sont susceptibles d'être affectés par une dynamique voie ferrée/matériel roulant indésirable. À cet effet, le manuel du CN à l'intention des mécaniciens (Locomotive Engineer Operating Manual), imprimé 8960, section G1.2.1, renfermait des lignes directrices visant à réduire les risques de mise en portefeuille des wagons pendant les mouvements de pousse. Il fallait appliquer un effort de traction minimal et être extrêmement prudent compte tenu de la rampe et de la courbure de la voie, et de la distribution du poids du train. Bien que le consignateur d'événements de locomotive montre une augmentation momentanée des gaz, passant de la position 4 à la position 7 à la position 5 dans un intervalle de deux secondes, la puissance fournie par les locomotives diesels-électriques n'a pas dû augmenter au point d'affecter sensiblement le comportement de la rame.
Comme le train 443 roulait en marche arrière, le wagon-citerne chargé poussait le wagon plat et le wagon-tombereau vides. Les forces longitudinales, ou forces de compression des attelages, dues au mouvement du train en marche arrière, ont été exacerbées par le fait que la voie gravissait une rampe et décrivait une courbe. Du fait de la concentration des forces longitudinales à la hauteur du wagon-tombereau, l'effort latéral transformé a été suffisant pour surmonter l'effort vertical relativement faible que le wagon-tombereau vide exerçait, si bien qu'une roue a chevauché le rail et déraillé. Les roues avant du bogie arrière du wagon-tombereau vide ont chevauché le contre-rail et ont déraillé à la hauteur du coeur de croisement. Comme le mouvement poursuivait sa route en direction est, le wagon s'est mis en portefeuille vers l'extérieur aux abords du coeur, et a fait dérailler son bogie du côté nord.
Après avoir déraillé, le wagon-tombereau vide a été poussé un peu plus vers l'est, en direction de l'aiguillage de la voie de garage, aiguillage qui était cramponné pour laisser passer le mouvement vers l'est. À ce moment, les roues sud du bogie déraillé du wagon-tombereau étaient sur le sol, près du côté intérieur du rail de roulement sud. Les roues déraillées ont heurté la pointe d'aiguille ouverte sud de la voie de garage, de sorte que le bogie déraillé a été entraîné encore plus vers le nord et a fait dérailler le bogie avant du wagon plat qui suivait. Puis, les roues arrière déraillées du wagon-tombereau et les roues avant du wagon plat ont chevauché le coeur de croisement de la voie de garage, et sont retombées sur le sol près du côté intérieur du rail nord.
Poursuivant leur route vers l'est, les wagons déraillés ont détruit le chevalet de manoeuvre de l'aiguillage de liaison « A », ont ouvert les pointes d'aiguille, lesquelles ont laissé passer le bogie arrière du wagon plat et le wagon-citerne dans la liaison. Une fois dans la liaison, les wagons ont obstrué la voie d'accès du triage et sont entrés en collision avec la manoeuvre télécommandée (LCS). Si l'aiguillage de la voie de garage avait été démantelé après l'accident du 6 novembre 2004, les roues déraillées n'auraient pas heurté la pointe d'aiguille ouverte et n'auraient pas été déviées vers le nord. Les roues déraillées auraient vraisemblablement suivi le tracé de la courbe en restant près des rails de roulement, et n'auraient pas détruit le chevalet de manoeuvre de l'aiguillage de liaison « A ». La gravité de l'accident aurait été moindre, étant donné que le wagon-citerne ne serait pas entré dans la liaison et ne se serait pas trouvé sur la route du mouvement LCS.
Bien que le CN ait reconnu que le lotissement (placement des wagons en fonction de leur destination) risque davantage d'occasionner une dynamique voie ferrée/matériel roulant indésirable, on a formé le train 443 en plaçant des wagons vides près de la tête du train et des wagons chargés à l'arrière.
Accidents à signaler
Quand l'accident du 6 novembre 2004 s'est produit, des responsables du CN ont cru erronément qu'il n'était pas nécessaire de signaler cet accident au BST, de sorte qu'il n'a pas été signalé.
Pour la compagnie de chemin de fer, l'accident du 6 novembre 2004 aurait pu être l'occasion de revoir ses pratiques d'exploitation et les pratiques de formation des trains qui étaient en vigueur au triage Sarcee.
Intervention d'urgence
Les dommages subis par le wagon-citerne et le déversement de carburant d'aviation qui s'en est suivi ont créé un risque d'incendie grave. L'intervention d'urgence a été bien coordonnée et a été exécutée avec rapidité et professionnalisme, ce qui a permis d'atténuer les risques auxquels les employés et les habitants du secteur étaient exposés.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- En raison de la concentration des forces longitudinales à la hauteur du wagon-tombereau, l'effort latéral transformé a été suffisant pour surmonter l'effort vertical relativement faible qui était exercé par le wagon-tombereau, vide, si bien qu'une roue a chevauché le rail et a causé le déraillement.
- Bien lst-spcdque le Canadien National (CN) ait reconnu que le lotissement (placement des wagons en fonction de leur destination) risque davantage d'occasionner une dynamique voie ferrée/matériel roulant indésirable, on a formé le train 443 en plaçant des wagons vides près de la tête du train et des wagons chargés à l'arrière.
Autres faits établis
- Parce que le CN n'a pas enquêté sur un déraillement similaire qui s'était produit précédemment au même endroit et qu'il n'a pas signalé cet accident au BST, on a raté une occasion d'examiner les conditions de sécurité et de signaler les lacunes en cette matière.
- Bien que les données consignées montrent que la commande des gaz a été manipulée pendant quelques instants, ces changements n'ont pas duré assez longtemps pour que l'on considère qu'ils ont influé sur la sécurité.
Mesures de sécurité prises
Dorénavant, le Canadien National (CN) place le matériel intermodal chargé en tête du train 443.
On demande aux chefs de triage du CN de placer les wagons lourds en tête de train, dans la mesure du possible.
Transports Canada, de concert avec le Centre de développement des transports (organisme qui relève de TC), compte examiner les problèmes relatifs à la longueur et à la conduite des trains afin d'élaborer éventuellement des directives ou des normes pertinentes.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports au sujet de cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A - Accident précédent
- Date
- 6 novembre 2004
- Heure
- 17 h, heure normale des Rocheuses
- Jour
- samedi
- Compagnie
- Canadien National
- Lieu
- Point milliaire 0,30 de l'embranchement industriel GTP, à proximité du point milliaire 131,88
- Subdivision
- Drumheller
- Triage
- Sarcee
- Train
- A443-51-06
- Groupe de traction
- CN 5666, CN 2685, CN 5536
- Wagons chargés
- 46
- Wagons vides
- 92
- Tonnes
- 6 400
- Longueur
- 7 981 pieds
- atériel déraillé
- deux wagons plats à parois de bout
- Position dans le train
- 11e et 12e à partir de la tête du train
- Conditions météo
- 0°C, pluie verglaçante, neige, temps froid
Le 6 novembre 2004 vers 17 h, heure normale des Rocheuses, pendant que le train 443 poussait des wagons vers l'est, deux wagons plats vides à parois de bout ont déraillé à la hauteur de l'aiguillage situé au point milliaire 0,30 de l'embranchement industriel GTP. Les deux wagons se sont mis en portefeuille et ont déraillé du côté nord de la voie. Les wagons déraillés ont été poussés vers l'est jusqu'à ce qu'ils entrent en contact avec l'aiguillage de la voie de garage et l'endommagent. Les wagons se sont mis en portefeuille près d'une aire de stationnement réservée au matériel roulant et aux véhicules. La voie de garage a été détruite. On a décidé de ne pas démanteler la voie, même si elle était excédentaire.